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LE CALENDRIER DES JUBILES ET DE LA SECTE DE QUMRAN. SES ORIGINES BIBLIQUES PAR A, JAUBERT Paris Depuis la publication des premiers manuscrits de Qumran, la curiosité s*éveille sur le calendrier particulier Pune secte qui s'est farouchement séparée du judaisme officiel, Cest dans une polémique de calendrier que S. Taxon voit une des clés du Commentaite @'Habacuc), Le caractére sacté du calendrier de la secte est souligné par M. Douronr-Somamr 2). W.-H. BRrowNuee qui a percu les rapports étonnants du livre des Jubilés et du Manuel de discipline 2) identifie Ia féte de renouvellement annuel de Palliance dans le Manuel (DSD 1 16-II 21) et celle de renouvellement annuel de |’alliance dans les Jubilés (Jub vi 17), fée qui dans ce dernier livre se situe le jour de la f¥te des Semaines. Or Cest précisément la date de ceite féte qui vient de permettre au R. P. Barrnénéasy, dans un article suggestif 4), @assimiler le calendrier des Jubilés 4 celui des Magharya, ,,les gens de la grotte”, qu’on soupgonaait déja si fort d’étre les sectaires de Quinriin 5), Cest sur cette demniére découverte qu’il nous faut V’abord insister. On se rappelle comment se posait le probléme de la date de la féte des Semaines dans les Jubilés. Les Jubilés possédent un calendrier trés particulier fondé sur Ja répartition des années en semaines @années et en jubilés, le comput de chaque année étant de ,,364 jours seulement” (Jub vi 38). Ce chiffre de 364 étant exactement divisible gag ggXo™ Hiakkipucim in the Habakiuk scroll”, Bice, XXXII (1951), pp. 2) ,,Contribution a Pexégése du Manuel de discipline x 1-8". V7, IL (1952), 229-243. 8) ,,Light on the manuel of discipline (DSD) from the Book of Jubilecs”, BASOR, 123, 30-32. 4) ,,Notes en marge de publications récentes sur les manuscrits de Qumran”, RB, LIX (1952), pp. 199-203. 5) R. pe Vaux, ,,A propos des manuscrits de la mer Morte”, RB, LVII (1950), pp. 417-429. LE CALENDRIER Dus jusrLis 254 par 7, les {étes liturgiques doivent tomber d’année en année le méme jour de la semaine. D’autre part le livre des Jubilés mise sur des mois de 30 jours avec 4 jours intercalaires par an, un par trimestre 1). Or un des points les plus stricts du livre des Jubilés est que la féte des Semaines doit tomber au milieu du troisieme mois (Jub xv 1, xvi 12-13), Cest a dire le 15 du troisiéme mois (Jub xliv 1-5), Comment concilier cette exigence des Jubilés avec la régle du Pentateuque qui demande que la féte des Scmaines se situ cinquante jours aprés Poffrande de Ia premiere gerbe qui était balancée ,,le lendemain du sabbat” (Lev xxiii 15-16. Cf, Dt xvi 9)? Et d’abord de quel sabbat s’agit-il? Ce jlendemain du sabbat”, on le sait, fut Yobjet dans le judaisme posté- rieur de vives discussions entre les Pharisiens et les Boéthusiens @aprés Menakbot x 3; les Boéthusiens — qu’on assimile aux Saddu- céens — voyaient Ja le sabbat proprement dit, les Pharisiens au contraire interprétaient ce sabbat du premier jour de la féte de Paque qui était chOmé. Pour les Boéthusiens Ia féte tombait forcément le Iendemain d’un sabbat, donc un dimanche. Pour les Pharisiens elle tombait n’importe quel jour de la semaine; avec des mois lunaires de 29 a 30 jours — en comptant les 50 jours & partir da 16 Nisan — ils devaient célébrer la féte vers le 6 du troisitme mois ou 6 Sivan. Mais si, comme le veulent les Jubilés, la date de la féte est le 15 Sivan — les mois de Nisan et d’lyar ayant 30 jours chacun — le wlendemain du sabbat” qui devrait servir de point de départ aux calculs se trouve le 26 Nisan. Or la critique n’envisageant jusqu’ici que le sabbat intéritur & la semaine de Paque, cette date était trop tardive. D’autre part, puisque dans le calendrier des Jubilés chaque jour du mois tombe toujours Ie méme jour de la semaine, si l'on fait commencer année au premier jour de la création, donc un dimanche, comme le proposaient les ctitiques, il est impossible @avoir un sabbat le 25 Nisan. Tous les syst?mes d’explication se heurtaient 4 une impossibilité radicale. II fallait ou bien supposer dans le méme livre la coexistence de deux calendriers, ou bien reléguer les exigences de auteur au rang de fantaisie chimérique. La proposition du P. Baxrninéay de faire commencer année un mercredi, quatriéme jour de Ja semaine, jour de la création des grands Tuminaires selon le calendrier des Magh4rya, permet seule de résoudre cette énigme. Voici en effet le texte @?Ax-Binunt sur les Magharya: ssLes adhérents (de cette secte) prétendent que les fétes ne sont légales que lorsque la lune apparait pleine en Palestine dans la auit du 2) CE, Crarss, The Book of Jubilees, London, 1902: note sur Jub vi 29-30, 252 A JAUBERT troisieme au quatritme jour aprés le coucher du soleil. Cest 1a le commencement de l'année; c'est & partir de ce moment que I’on compte les jours et les mois et que commence ensuite le cycle des fétes. En effet, c’est le quatriéme jour que Dieu a créé les deux grands luminaires. Semblablement, d’aprés eux, la fete de Paque ae peut tomber qu’un quatriéme jour.” 2) Joignons un passage de Qrrgisant sur la création des astres d’aprés les Magharya: Dieu a créé tous les étres parfaits au début de la création. ,,Or la lune n’est jamais plus grande que lorsqu’elle est pleine. Cela eut lieu Je quatriéme jour de la création, mais cela ne contredit pas que ce soit le premier jour du mois.” 2) Si done ’on fait commencer année un mercredi dans les Jubilés comme dans le calendrier des Maghérya, Paque (15 Nisan) tombe un mercredi et le 25 Nisan tombe un samedi. Le probléme de la date de Ja féte des Semaines se trouve résolu, 4 condition de faire partir les calculs non pas du sabbat intérieur a la semaine de Paque mais du sabbat qui suit. Telle est la solution apportée par le P. BARTHELEMY a un des points jusqu’ici les plus obscurs du calendrier des Jubilés. Or un autre moyen — indépendant de la date de Ia féte des Se- maines — permet de vérifier rigoureusement que Pannée commence effectivement un mercredi dans le livre des Jubilés. Il suffit de penser que jamais Yauteur des Jubilés ne fera voyager les patriarches, modéles d’Israél, un jour de sabbat, selon la régle posée en Jub 1 12. Il faut donc relever tous les jours de déplacement des patriarches @aprés les jours du mois, et dresser le tableau correspondant des jours de la semaine, selon la distribution propre aux Jubilés. Le relevé des déplacements est un peu délicat du fait que Pauteur ne précise pas toujours avec rigueur le jour exact du déplacement, Pour les cas seulement probables nous établissons une colonne spéciale. Jubilis ours de diplacement certains probables xvill Abraham se déplace au milieu du Ve mois. Le ,,milieu” — d’aprés Panalogie de la féte des Scmaines — c'est trés probablement le le 15 du mois. 15/V xvii15 Mastéma réclame le sacrifice d'Isaac le 12 du ler mois. xviii 1-17 Abraham, obéissant 2 l'ordre de Dieu, se Ieve de boa matin, donc le 13, et arrive 13/I 4) RB, LV (1950), p. 423. PoznaNskt, ,,Philon dans 'ancienne littérature judéo-arake”, REJ, L (1905), p. 17. 2) RB, ibid, p. 422. LE CALENDRIER DES JUBILES 253 Jutilts ——Jours de déplacement certains probables au Mont Sion le 3e jour, donc le 15, I 14/1 repart le méme jour pour Bersabée, donc 15/T le méme temps de voyage de retour: 16 et 16/I 17 Nisan. a7 xxvii 19 Jacob arrive Béthel le soit du Jer jour du ler mois. afl xxvii 26- xxviii 1 Il semble continuer son voyage sans arrét. ay xxix 5 Jacob se dirige sur Gilead le 21 du Ter mois. 21/T Laban atteint Jacob le 13 du We mois, 13/11 xxix 6.7 Arrét certain le 14 du IIe mois. xxix 7-12 Départ probable le 15. 15/111 xxix 13 Passage du Jaboq le 11e jour du IXe mois. 11/IX xxxi3 Montée 4 Béthel le ler jour du Ve mois. 1/VIL xxxiil Visite de Jacob A Isaac le Jer jour du Xe mois. 4X xxxiv 12 Envoi de la robe de Joseph le 10e jour du ‘Vile mois, 10/VII xliv1 _Départ de Jacob Je ler jour du Ile mois, 1/TI xliv8 Départ du Puits du Serment le 16e jour du Ile mois. 16/1 aly t Azrivée en Egypte le ter jour du IVe mois. 1/IV Pour constituer le tableau: verticalement les sept jours de la semaine, nommés suivant l’ordre alphabétique. Horizontalement les quantit- mes du mois. L’année érant composée de quatre trimestres égaux de treize semaines chacun (Jub vi 29), avec deux mois de trente jours ct un mois de trente ct un jours, la disposition des jours de la semaine dans chaque trimestre est symétrique. I] suffit donc de reporter sur un trimestre les jours homologues des trois autres. Dans ce tableau trimestriel type, le premier mois représentera donc le premier mois de chaque trimestre, soit les premier, quatriéme, septiéme et dixiéme mois de l’année, le deuxiéme mois le deuxitme mois de chaque tri- mestre, et ainsi de suite. Les chiffres gras indiquent les jours de déplacement certain et en italique les jours de déplacement probable. 1 8 15 22 29 13 2027 4 11 18 25 = Mercredi 2 9 16 23 30 7 14 2128 5 12 3.10 17 24 1 8 15 2229 6 13 411 18 25 2 9 16 2330 7 14 5 8 < 5 12 19 26 3 10 17 24 1 15 6 13 20 27 4 11 18 25 2 16 7:14 21 28 «5 12 19 26 310 17 LIV.VILX — ILV.VI.XI — Il. VLIX.XIT Mois Onmmypoe> 254 A. JAUBERT Le seul jour de la semaine laissé libre est le jour D. Cest done Ie jour du sabbat. Le jour A qui est le premier jour de chaque trimestre et donc de Pannée tombe un mercredi. Dira-t-on que cest Veffet d’un pur hasard si aucun voyage des patriarches ne s’est passé le quatriéme jour de la semaine? On peut se convaincre du contraire en examinant l’épisode d’Abraham et Isaac (Jub xviii 1-17 cf. xvii 15) exactement situé entre deux sabbats, comme Ie parait aussi le voyage de Jacob (Jub xliv 1), ct en notant que Parcrét certain dans la poursuite de Jacob par Laban au 14 du IHlc mois se place précisément le jour D. L’auteur obéit & des intentions trés_conscientes. Si done I’on remplace dans ce calendrier chaque lettre par le jour correspondant de la semaine, la féte des Semaines (15 du Ile mois) tombe un dimanche, la féte des Expiations (10 du Vile mois) un vendredi, les quatre néoménies trimestrielles un mercredi, comme Ie jour de Paque; la féte des Tabernacles et son octave (15 et 22 du Vle mois) tombent également un mercredi, Notons cette prépondé- rance du mercredi dans Ie calendrier des Jubilés; prépondérance qui se retrouve non seulement dans les fétes liturgiques annuelles, mais dans les dates de histoire des patriarches; si Pon consulte le relevé des déplacements une grande place y est faite aux quatre débuts de trimestre, jours de souvenir” (Jub vi 28) 4). Ce calendrier de Ja semaine, qui est une clé @interprétation pour les Jubilés, laisse subsister pourtant des difficultés non résolues. La question cruciale est évidemment de savoir si ce calendrier est vécu ou fictif. Or comment un tel calendrier a-t-il pu étre effectivement vécu pendant une assez longue période? Avec une année de ,,364 jours sculement”, la différence avec Vannée solaire est Pun jour et quart par an; au bout de 20 ans P’écart est de 25 jours, au bout de 40 ans de 50 jours. ... Le décalage s’accentue avec les saisons, chose grave pour des fétes liturgiques comme la féte des Semaines qui est également celle des prémices de la moisson, dans les Jubilés comme dans la Bible. La meilleure solution parait celle que proposait S. Zerruun *) d'une année jubilaire qui ne serait pas effectivement une année, mais un intervalle de temps entre deux jubilés, intervalle 1) Ajoutons qu’Adam et Eve sortent du paradis le ler jour du 1Ve mois Jub iii 32), néoménie du mercredi. On comparera le témoignage de Bar-Heprazus: les Ananites solennisaient le metcredi (POZNANSKE, ébid., p. 17). 2) Notes relatives au calendrier juif”, REJ, LXXXIX (1930), pp. 349-359. LE CALENDRIER DES JuptLis 255 qui permettrait tous les 49 ans de rattraper le cycle solaire; dans les Jubilés en effet chaque jubilé est de 49 ans non de 50. Un jubilé constituerait alors une unité de temps close sur elle-méme. Seulement une intercalation de sept semaines (49 jours) d’aprés l’interprétation proposée par S. ZerrLin de Lev xxv 8 serait pour les Jubilés insuffi- sante, puisque au bout de 49 ans l’intervalle 4 combler est de 61 jours et quart; avec 49 jours seulement, année tournerait comme l’année égypticane qui ne tient pas compte du quart de jour anaucl; chose impossible d’aprés Je témoignage des Jubilés dont les fétes sont saisonniéres. J est indispensable d’autre part, étant donné le calendrier du livee, que le nombre des jours intercalaires soit calculé selon un nombre exact de semaines. Une autre difficulté est de concilier le calendrier des Magharya avec celui des Jubilés sur le point précis du réle de la lune dans leurs calendriers respectifs. Si ’onse reporte en effet aux textes de AL-BinuNI ct de Qrrgisanr cités plus haut, on voit qu’ils faisaient commencer Pannée ale pleine lune. Or en admettant que la condition soit remplie la premidre année, il est impossible avec une année de 364 jours que la coincidence se reproduise au début de l'année suivante. L’ensemble de douze mois lunaires forme en effet un total de 354 jours environ, chifire bien connu de Pauteur des Jubilés qui précisément accuse la lune darriver chaque année dix jours trop tot, et d’induire en erreur — & la suite des Gentils-les enfants d’Israél (Jub vi 36); et deux fois par ailleurs le méme auteur reconnait au soleil seul le droit d’étre un signe pour les temps de Pannée (Jub ii 9, iv 21). Quelle place en effet pour- rait occuper la lune daas le systtme des Jubilés? Sclon le mot méme @Ax-Binunt, une fois le premier jour indiqué, tout le ,,cycle des fétes” se déroule automatiquement. Il faudrait donc supposer que les auteurs médiévaux nous ont conservé seulement le point de départ idéal du calendrier des Magharya, lequel expliquerait pourquoi Vannée débute un mercredi. Les ,,pleines lunes” des débuts d’année et des débuts de mois seraient de simples interprétations *). Quant a Pattitude hostile des Jubilés 4 Pégard de la lune, elle correspondrait 1) Liexpression nouvelle lune”, si fréquente dans les Jubilés (traduction éthiopienne), désigne simplement le premier jour du mois. La traduction latine porte partout primo (prima) die. $i Pon se place dans Phypothése de Pintercalation jubilaire, on pourrait supposer qu’on essayait de retrouver une pleine lune au début de chaque jubilé dans la nuit du mardi au mescredi; mais aucun texte ne nous renseigne & ce sujet. Que peut-on tirer de 1 Hen ixsiy 9-17 (rapports de Pannée lunaire et de Pannée solaite)? 256 A. JAUBERT — en suivant Ja thése du P. Barrnénéimr — a Vintroduction dans le calendricr d’Israél des mois lunaircs hellénistiques, le livre des Luminaires d’Hénoch — antérieur aux Jubilés et qui posséde le méme calendrier — ne connaissant pas une polémique de cet ordre %). Les aspects encore énigmatiques du calendrier des Jubilés ne permettent pas de nier V'existence effective de ce calendrier au sein de la communauté dont il émane. Les Jubilés en effet ne sont pas oeuvre @un isolé qui vit dans sa chimére. Outre le témoignage méme du livre, nous savons maintenant que le calendrier des Jubilés a été proné ct défendu par Ja secte de Qumraa, L’Ecrit de Damas cite le livre des Jubilés précisément 4 propos des divisions du temps (CDC XVI 3-4); des fragments des Jubilés ont été retrouvés dans la grotte; Jubilés et sectaires possédent la méme féte de rénovation annuelle de Palliance. Sur ces rapports entre le calendrier des Jubilés et celui de Qumran, la colonne X du Manuel de discipline est caractéristique *): Le sage bénit son créateur aux époques que Dieu lui-méme a prescrites. Il existe des temps fixés (mud) a valeur sacrée (DSD X 5-6), des jours saints qui sont des jours de souvenir (DSD X 5; ef. Jub vi 24,28,29); les temps de Pannée sont décrits suivant une division quaternaire (OSD X 7; cf. Jub xxix 16-17); les années se groupent en semaines années et il est mentioané un ,,temps de libération” qui doit corres- pondre a la fameuse année jubilaire (DSD X 7) (¢f. Jub 12-5). On sait @autre part que W.-H. BrownirE a dépisté dans les premieres lignes de cette colonne X Pacrostiche de Amen (aleph, mem, nun), la premiére lettre étant en rapport avec Dieu qui est le commencement de tout, la seconde avec les luminaires (mwrw?), la troisitme avec 2) Voir Banrnéxtuy, ibid, p. 202. Je rejoins dans les dernitres pages cette hypothése historique du P. Barruétésy. Dans le livre des Luminaires la question sslunaizc” est fort complexe. Aux chapitres Ixxiii, lxxiv, bowviii, Ixxix les trajets de la lune sont longuement et diversement décrits; si obscure que soit pour nous cette description, nous pouvons en déduire que les eévolutions de la lune revé- taient une grande importance aux yeux de auteur. Or au ch. how (interpol?) ‘est marquée Ia perversion de la ature entiére et des astres & cause du péché des hommes: ,,Aux jours des pécheurs, les années se raccourciront, les semences viendront en retard. ... La lune changera sa loi ct n’apparaitra plus en son temps...” (Laxx 2-4), Serait-ce dans Ia vision de Pautcur — qui se eroit eu temps des pécheurs — Pexplication du décalage entre le cycle solaire idéal de 364 jours ct le cycle solaire réel? De méme le teajet iddal des astres serait celui ot les révo~ lutions lunaires s’accorderaient avec le cycle solaire annucl. Mais tout est détraqué & cause du péché des hommes. 9) Cf. A. Duront-Somnenn, ibid. p. 229 sq. Li CALENDRIER DES juDtLEs 257 une clé mystérieuse qui ouvte la porte des graces éternelles "). Or le P. Barruénény découvre @ son tour que la valeur numérique de cet ‘Amen est de 91; ce chiffre 91 est le chiffre-clé du calendrier jubilaire- hénochien puisqu’il est le nombre des jours d’un trimestre *). On peut done parler d’un calendrier Jubilés-Qumran. Or on ne voit pas comment une communauté qui attachait au calendrier une importance si manifesie, qui lui a consacré deux oeuvres de lutte essenticlles: le livre des Luminaires d’Hénock et le live des Jubilés, qui croyait que ce calendrier avait éé gravé sur les tablettes du ciel (Jub vi 35), véou par les patriarches, ordonné par Moise mais oublié ensuite par les enfants d’Israél (Jub vi 38), on ne voit pas comment elle n’aurait pas essayé au moins de revivte ce calendrier. L’étude des voyages des patriarches montre que le calendrier de la semaine durant toute année était si présent 4 esprit de l’auteur que pas une seule fois ne lui échappe un lapsus sur la date du sabbat; véritablement Vautcur ct soa milicu étaicnt imprégnés de cc calendricr. I est donc raisonnable de penser que ce calendrier a été vécu par la secte au moins sur une période de son histoire. Mais si ce calendrier a été vécu, dot vient-il? Un calendsier de caractére sacré, dans une secte aussi importante que celle de Qumran, 3) Voir BASOR, Supplementary Studies, nos. 10-12 (1951), pp. 38-39 et 50-51. Cet acrostiche est Vautant plus vraisemblable qu’il semble se dessiner aussi dans les trois premiers chapitres de l’Apocalypse de Jean. Amon (au début et a ka fin du passage): Ap i 7 (ef. i 6), iii 14 (,Ainsi parle Amen, le témoin fidéle et véritable”). Aleph (en téte du passage): Ap i 8 (,,Je suis Palpha et Poméga, dit le Seigneur Dieu” *ani *aléph warani *abarin (Is xliv 6, xlvili 12) ’dmar adendi “obin). ‘Mem: dans tout le corps du passage qui est formé par des lettres aux sept anges (male?ak) représentés par des astres (vd’6r?); ces anges gouvernent sept églises représentées par des chandeliers (menérab); le theme de la lumiére est au premier plan (cf. Ap i 13-16). Nun (a la fin): Ap ili 7 (,Ainsi parle le Saint, Je Véritable, celui qui tient la elé de David, qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme et personne n’ouvre”). Les thémes peuvent d’ailleurs s’entsclacer: cclui de la s/f apparait dés i 18; celui de l'a/epé (commencement de tout) en i 5, i 18, ii 8, iti 145 celui de I’ Amen (le fidele et le véritable) en i 5, iii 7. Notons de plus la référence implicite d’Ap iit 12 2 Is Ixv 15-16 of il est question d’un ,autre nom” que le Dieu d’ Ament donner 4 ses lus Si vraiment Yon estime qu’il ne s'agit pas 1A de simples coincidences, cc serait un rapport intéressant entre le milicu de Qumran et auteur de Apocalypse. Il est eurieux, par ailleurs, de remarquer que !Amen avait une valeur de réca- pitulation dans Ia secte gnostique des Marcosiens (InénEr, Adv. Her. 1 14, 1 éd. Harvey p. 131); il avait également une valeur numérique, mais caleulée en grec (fbid. 116, 1, éd. Harvey p, 159). 2) Barruézémy, ibid, p. 200. Vetus Testamentum IIT 2 258 A. JAUBERT ne s‘implante pas sans de sérieuses garanties. Ce calendrier est-i] vraiment un calendrier ancicn d’Israél, comme le proclament les Jubilés? Un premier indice de Pantiquité de ce calendrier serait la date de la f€te des Semaines: ,,le lendemain d’un sabbat”. Cest en effet Pinter- prétation la plus naturelle de Lev xxiii 16: ,,Vous compterez cin- quante jours jusqu’au lendemain du septiéme sabbat et vous offrirez 4 Yahvé une oblation nouvelle”. C’était la tradition des Boéthusiens, et Cest encore celle des Samaritains pour qui la Pentecdte tombe un dimanche. Mais chez les Samaritains, pour qui la Paque correspond a Ja pleinc lune, la féte des Semaines est calculée en partant du sabbat intétieur a la semaine de Paque, comme le prouvent leurs dates respectives de Pique et de Ja Pentecéte. Les Jubilés pourraient représenter ici la pure tradition lévitique. Un second indice se tirerait du fait que les Jubilés nomment les mois uniquement par leurs numéros, et jamais par les noms babyloniens qui se répandirent dans Je judaisme aprés ’exil. Cet argument est délicat 4 utiliser +). Notons seulement que les dates de l’Hexateuque, assignées par la critique & Pécole saccrdotale, utilisent uniquement, comme les Jubilés, les numéros des jours ct des mois. Poussons donc Vhypothése a fond. Si, comme Je permettent tant dautres recoupements, la tradition des Jubilés est une tradition lévitique, appliquons aux dates de l’école sacerdotale le calendrier des Jubilés selon le tableau établi plus haut. Nous prenons comme point de départ I’Hexateuque. Dans le relevé suivant nous omettons volontairement les dates du cycle liturgique annuel déja rencontrées dans les Jubilés. Ces fetes religieuses tombaient — on se le rappelle — les dimanche, vendredi, mercredi, avec prépondérance du mezcredi. Gen vii 11 Commencement du déluge 17/1 Dimanche Gen viii Arrét de Parche sur le Mont Ararat 17/VIL_ Vendredi Gen viii 5 Les sommets des montagnes appa- raissent 1/X_ Mercredi Gen viii 13 Les eaux laissent la terre & sec 1/L_ Mercredi Gen viii 14 La terre est séche 27/01 Mercredi Ex xii 3 Choix de l'agneau pascal 10/L Vendredi Ex xii 31-51 Sortie d’Egypte 15/L Mercredi Nb xexiii 3 1) Voir & ce sujet la controverse Rownzy-Zernuan, ,,Criteria for the dating of Jubilecs”, QR, XXXVI (1945-46), pp. 183-189. LE CALENDRIER DES JUBILES 259 Ex xvi 1 Artivée au désert de Sin 15/1 Vendredi Exxl 117 Erection du tabernacle al Mercredi Nbil Dénombrement des enfants d'Israél 1/1 Vendredi Nb ix 11 Paque du second mois 2) 15/I Vendredi Nbx 11 Depart du Sinai 20/1 Mercredi Nb xxxiii 38 Mort d’Aaron 1/V_ Vendredi Did Discours de Moise 1/XI_ Vendredi Jos iv 19 Artivee en terre promise 10/1 Vendredi On avouera —devant ces singuliers résultats — quele retour régulier des mémes jours de la semaine, avec des dates suffisamment diverses, peut difficilement étre attribué au hasard "). Or ces jours: dimanche, mercredi, vendredi, sont précisément les jours de fétes liturgiques, comme nous le signalions plus haut 4). Ajoutons — toujours d’aprés Je tableau établi pour les Jubilés — que les débuts de mois, comportant des sacrifices particuliers (Nb xxviii 11-15), tombent un de ces trois mémes jours. Assurément le septiéme jour des fétes de la Paque, jour de sainte assemblée (Ex xii 16, Lev xxiii 8, Nb xxviii 25, Dexvi 8) tombe un mardi, mais aux fetes des Tabernacles, ,,symétriques” 4 six mois de distance, a été ajouté — dans le calendrier sacerdotal — un huitiéme jour, le plus soleanel, qui complite octave et retombe un merctedi (Lev xxiii 39, Nb xxix 35; cf. Dt xvi 13-15). Il ne pasait donc pas exagéré de dire que dans le calendrier sacerdotal, qui a certainement utilisé des fétes antérieures imposées par la tradition, la prépondérance liturgique appartient aux dimanche, mercredi et vendredi. Le calendrier de l’Hexateuque serait alors la projection sur une histoire trés ,,sainte” (déluge, exode, désert ...) des dates litur- giques d'un calendrier sacré®), Voici deux remarques supplémen- taires: 1) Les arrivées ont lieu la veille du sabbat (artivée au désert de Sin, en terre promise — jusqu’a V’arrivée de l'arche sur le Mont 3) Dans l'ensemble ces dates comportent peu de variantes, Tandis que dans Je TM. le déluge commence le lendemain d'un sabbat, les LXX le font débuter un 27/I1 (mercredi); le 27/VU des LXX pour l’arrét de V'arche est probablement analogique. En Gen viii § les LXX portent 1/XI (vendredi). Pour la mort @’ Aaron le syriaque porte 1 I (mercredi). Il est assez remarquable que méme les variantes semblent se confiner au metcredi et au vendredi. 2) Naturellement Pimmolation de Pagncau pascal se fera pour la premiere Paque le mardi soir 14/1, pour la seconde Paque le jeudi soir 14/I1, mais la fete est c6lébrée le 15 du mois (mercredi ou vendredi). 3) Sur ce point Je calendrier de I'Hexateuque est plus exigent que celui des Jubilés pour les voyages des patriarches. Dans les Jubilés des dates (rares) sont hhommément signalées en dehors des trois jours liturgiques (Jub xxix 5, xliv 8). 260 A. JAUBERT Ararat!), ce qui porte penser que dans ce calendrier, comme dans celui des Jubilés, était respectée la régle de s’abstenir de voyager Ie jour du sabbat. Le passage de Nb x 33 peut s’interpréter ainsi: lis partirent de la montagne de Yahvé et marchérent trois jours et (pendant ces trois jours) l'arche partait devant eux pour lear chercher un lieu de repos”. Qu’on supprime ou non comme un doublet la seconde mention des trois jours, la référence au v. 11 du méme chapitre — méme séparé par des insertions — indique que les trois jours doivent se compter depuis le départ du Sinai, un mercredi; les trois jours de marche ont donc liew mercredi, jeudi, vendredi; Parche cherche un lieu de repos pour le samedi, jour du sabbat. La marche du désert est une marche liturgique. 2) Le déluge commence le 17 du Ie mois; les eaux grossissent pendant 150 jours (Gen vii 24), et lorsque, au bout des 150 jours, elles commenceat a diminuer, Parche s’arréte sur le Mont Ararat le17 du Vile mois, done cing mois aprés le commencement du déluge. Il s‘ensuit que le total des jours de ces cing mois doit étre ax mains égal 4 150 jours, Or la somme de cing mois lunaires aboutirait seulement @ un total de 147 ou 148 jours, ce qui ¢limine Phypothése des mois lunaites; tandis qu’en suivant le calendrier des Jubilés, du 17/IL au 17/VI il y a trois mois de trente jours et deux de trente et un jours; total: 152 jours. Les caux commenceraicat @ baisser au bout de 150 jours — soit le 15/VII, un mercredi — et deux jours apres, vendredi, veille du sabbat, Parche s’arréterait sur le Mont Ararat. L’Hexateuque — dans ses parties sacerdotales — constituait un terrain de choix pour la vérification de notre hypothése, puisque des dates idéales y sont projetées sur histoire des origines. Poursuivons cependant notre enquéte par locuvre du Chroniqueur — milieu sacerdotal — qu’on peut souponner également Whistoire idéalisée. Daas les Chroniques aucune date n’est contiaire au calendrier des Jubilés, en ce sens qu’aucune oeuvre servile ou aucun déplacement na lieu le jour du sabbat *). Une seule date infirmerait notre hypothése: en 2 Chron iii 2 Salomon commence A batir le temple le 2e jour du 3) En 2 Chron vii 10 le peuple est renvoyé un jeudi (23/VIL); la grande assem- blée de cloture a eu lieu la veille, mercredi, octave de la fete des Tabernacles. En 2 Chron xxix 17: commencement des purifications 1/I (mercredi); entrée dans. le portique 8/1 (mercredi); purifications pendant huit jours, achevées le 16/1 Geadi). LE CALENDRIER DES JUBILES 261 Ie mois, jour de sabbat; or Pétude des variantes et des versions prouve de facon évidente que les mots 2 jour sont a supprimer), Dans Esdras-Néhémie nous ne tenons pas compte des dates ex- primées avec les noms babyloniens des mois. Voici le relevé des autres: Es vii 9 Esdras commence A monter de Babylone 1/1 Mereredi Esdras arrive 4 Jérusalem 1/V Vendredi Es viii 31. Départ d’Ahava 12/1 Dimanche Es x9 Rassemblement du peuple 20/IX Vendredi Es x 16 Début de session 1/X Mercredi Fs x17 Fin de session 1/1 Mercredi Neh viii 2 Rassemblement du peuple VII Mercredi Neh ix 1 Jour de pénitence 24/VII Vendredi Toutes les dates tombent encore le mercredi ou le vendredi, sauf le départ d’Ahava au lendemain d’un sabbat. On remarquera la place faite aux ,,néoménies” trimestrielles du mercredi sur lesquelles insistaient tant les Jubilés. Le grand rassemblement de pénitence a lieu Je vendredi, comme le jour des Expiations selon le calendrier des Jubilés. Si nous passons maintenant 4 Ezéchiel, dont on sait les affinités avec le code sacerdotal, Pinterprétation des dates des visions ct oracles laisse un peu perplexe. En appliquant le calendcier des Jubilés, sur onze dates du texte massorétique, huit tomberaient ua dimanche- lendemain de sabbat *), aucune un jour de sabbat, ce qui confirme plutét Phypothése, surtout si Pon pense que les trois premiéres visions d’Ezéchiel impliquent de singuliers déplacements 8). Aucune des dates d’Aggée ne tombe non plus le jour du sabbat *). Les livres des Rois utilisent de trés anciens noms de mois en Israél Gul, Ziv, Ethanim); cependant quelques dates sont données — dans des parties certainement plus récentes — avec le numéro des jours et des mois, En 1 R xdi 32-33 Jéroboam établit dans le royaume Israél une féte le 1Se jour du VIIe mois pour faire concurrence a 1) Ils manquent dans 3 mss hébreux, LXX, Vg, Syr daprés Beonicn (éd. Kirrer). ¥) En comptant la vision de Ez iii 15-16 (sept jours aprés la premiere), et en choisissant en Ez vii 1 Ja variante du codex Petropolitanus. Les trois autres dates setaient mercredi (Ez xxix 17), vendredi (Ez xxiv 1), mardi (Fz xxx 20). 3) Le cas de Ez xxxiii 21 (T.M.) ne doit pas faire exception: la main de Yahvé était sur Ezéchiel le soir qui précéda V'arrivée du fugitif, un dimanche; mais la veille au soir le sabbat n’était-il pas terminé? Les LXX portent une autre date (jeudi). ee ee ee 10 (mardi). 262 A. JAUBERT celle de Juda; cette f&te tomberait un vendredi, Deux autres dates importantes sont signalées le vendredi: le siége de Jérusalem, 10c jour du Xe mois (2 R xxv 1, Jez lii 4, Ez xxiv 1) ct la libération de Joakim, le 27c jour du XUe mois (2 R xxv 27, Jer li 31). La tradition manuscrite est hésitante sur les dates de la prise et de l'in- cendie de Jérusalem 1). Quelles conclusions tirerons nous done de cette étude? Est-il possible denvisager, méme succinctement, Phistoire évolutive du calendrier en Israel? Voici ce qu’on pourrait proposer. Il parait difficile de nier que le calendrier des Jubilés soit celui de l’école sacerdotale qui rédigea des parties de |’Hexateuque et d’ot sortit Poeuvre du Chroniqueur, 2u moins en ce qui concerne la répartition des jours et des mois. D’oi venait ce calendrier lui-méme et 4 quel moment fut-il appliqué? Ce sont des problémes pour lesquels nous avons peu d’éléments de solution. Les datations d’Ezéchiel porte- saient & croire qu'il est au moins d’origine exilique; de méme celles d’Aggée et Zacharie — chez ce dernier les noms babyloniens doivent étre des gloses tardives *). Peu a peu cependant s’installaient les noms Porigine babylonicnne, comme le prouvent les mémoires d’Esdras et de Néhémie 4); processus en relation avec les nécessités écono- miques et politiques dans lesquelles se débattait la communauté juive. Israél aurait donc possédé en propre un calendrier religieux qui lui était particulier, mais il aurait forcément utilisé comme ca- lendrier civil le calendrier ambiant. Le calendrier religieux était farouchement sauvegardé par le sacetdoce conservateur qui aurait rétabli dans les mémoires d’Esdras et Néhémie — et sans doute ailleurs dans les livres bibliques. Aprés la conquéte macédonicnne et la diffusion de Vhellénisme, le calendrier religieux d’Israél se serait trouvé finalement menacé sur son terrain propre: celui des fétes liturgiques. Dot le drame de luttes sanglantes entre partisans et ennemis de l’hellénisme dans le sacerdoce lui-méme. II est possible 4) Prise de Jérusalem: le 9¢ jour — sans numéro de mois dans 2 R xxv 3— duIVe mois (var.: du Ve mois) en Jer xxxix 2 et lil 6. La ville serait tombée un jendi; dans le cas de la variante, un jour de sabbat. Incendie du temple et de la ville: 10/V (Jer lii 12) = dimanche; 7/V ou 9/V @ R xxv 8) = jeudi cu samedi. ®) Zach i7: le 24e jour du Xle mois — qui est le mois de Schebat — (dimanche). Zach vii 1: le 4e jour du [Xe mois — en Kisleu — (mercredi), *) Cf. Es vi 15, Neh vi 15. Ce sont probablement des dates écrangeres et aon pas seulement des mois juifs baptisés .... Cependant avcune de ces deux dates ne contredit le calendricr des Jubilés, LE CALENDRIER DES JUBILES 263 que la soulévement assidéo-maccabéen se soit fait en partic autour de cette lutte de calendrier: Antiochus Epiphane a’avait-il pas voulu changer ,,ies demps ct Ia loi’ 1)? Cependant lattrait était tel du calen- drier hellénistique que beaucoup — méme parmi les descendants des Maccabéens — auraient renoncé au calendrier sacerdotal. De cette désaffection nous trouverions une preuve dans 1 Maccabées dont le rédacteur utilise ’ére séleucide *). Les actes de ce drame qui se termina par la défaite du calendrier sacerdotal auraient été scandés par le livre des Luminaires d’Hénoch et le livre des Jubilés pour aboutir 4 une rupture et une persécution dont se ferait ?écho le Commentaire @Habacuc *), Une dernitre question se pose alors & nous, La secte Jubilés-Qumran qui a tant lutté pour sauvegarder Phéritage saceé de son calendricr, Paurait-elle abandonné aprés sa rupture avec le judaisme officiel? Que des additions, ou des interprétations nouvelles aient pu s‘intro- duire dans un calendrier dont nous avons vu par ailleurs qu’il n’était pas sans difficultés, cela est possible. Mais il faut avouer que le con- servatisme de la secte n’est pas favorable hypothse d’un change- ment substantiel. Les hommes de Qumran, qui gardaient et reco- 2) Dan vii 25. Malheurensement dans Daniel n’est mentionnée qu'une seule date: le 24/1 = vendredi (Dan x 4). 2) Line des dates au moins ne saurait convenit au calendrier des Jubilés: Simon ferait son entrée dans la citadelle le 23¢ jour du Ie mois, un jour de sabbat. A cette époque tardive le systtme muméral pouvait done étre utilisé sans aucune référence au calendrier des Jubilés (1 Mac xiti 51). 8) On aimerait trouver des confirmations extéricures de la persistance d'un calendrier ancien dans la secte des Esséniens. Un hérétique inconsu, Yehouda ha Parsi, ,soutenait que les Istaélites ant de tout temps compte par années so aires” (voir Pozwansxt, ihid, p. 19). On pourrait aussi priter attention 4 une obscure notice d’Epiphane sur les Fsséniens done il faic une secte semaricaine, a Les Esséniens, dit-il, avaient persévéré dans la premitze fagon de faire sans rien ajouter” (Pen. 10; GCS 25, éd. Hout 1 203, 20) et il mentionne aussit6r une querelle entre Esséniens, Judéens et auttes Samaritains a Voccasion des grandes fetes du calendsier. Ce serait un indice que lee Esséniens avaient conserve sur ce point Ja coutume ancienne par opposition 2ux autres sectes. Malheureusement les notices suivantes (Pan. 11-12) en y joignant PAnakephalacosis du livee 1 (éd. Hout, T 166, 20-25) présentent des renseignements embrouillés et d'appacence contradictoire. Par ailleurs une appartenance samaritaine a toujours surpris pour les Esséniens; on s'est demandé & quels ,,Esséniens” pouvait faire allusion Epiphane. Cependant bien des anclogies — la fete des Semaines célébrée un dimanche, des préceptes communs aux Jubilés et aux Samaritains, une chrono- logie samaritaine dans I’Apocalypse de Noé (Cf. Mantix, Hévoch, Paris 1906 n. p. 278-279) — suggérent une certaine relation d'origine entre Esséniens et Samatitains, dont par ailleurs on constate les affinités sacerdotales. 264 JAUBERT, LE CALENDRIER DES JUBILES piaient avec ferveur tant de livres sacrés — y compris celui des Jubilés —, auraient-ils déserté le calendrier de leurs livres saints? La question est @’importance, car si le calendricr des Jubilés a été ptatiqué et conservé par la secte de Qumran jusqu’a sa dispersion, nous setions en présence du — ou d'un — calendrier essénien au premier siécle de notre ére.

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