Nous avons vu que l’oraison est un échange entre deux amours, en insistant sur la nécessaire
détermination de la volonté pour celui qui avance sur ce chemin.
Un peu d’anthropologie chrétienne : L’homme est constitué de trois dimensions , la vie sensible
(psychologique), la vie de l’âme où se déploient les facultés de l’intelligence, de la volonté et de la
mémoire, et la vie divine s’exprimant à travers les vertus théologales, foi, espérance et charité.
Attention, ne divisons pas, mais distinguons simplement…, car c’est tout l’homme qui va prier.
Regardons les trois étapes qui permettent d’entrer en oraison avec tout son être. « C’est comme une
fusée à trois étages. Le premier étage permet de décoller : ce sont les sens par lesquels nous recevons les vérités
de la foi. Le second étage est celui de l’intelligence. Le troisième, bien greffé sur l’intelligence, est celui de la
foi » (L’oraison une école d’amour, A. d’Augustin, p. 52-53).
C’est la première étape incontournable de la démarche : il faut écouter. Nous nous convertissons
par les oreilles qui écoutent : « Comment invoquer le Seigneur sans avoir d’abord cru en lui ? Comment
croire en lui sans avoir entendu sa parole ? Comment entendre sa parole si personne ne l’a proclamée ? /…/
Le prophète Isaïe demandait : ‘‘ Seigneur, qui a cru en nous entendant parler ?’’ C’est donc que la foi naît de
ce qu’on entend ; et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ », (Rm 10, 14, 16-17).
Il faut bien écouter, et pour cela il faut se mettre dans des dispositions favorables. Il faut être prêt
chaque fois à écouter quelque chose de nouveau dans l’Evangile, plutôt que de filtrer la parole
pour en entendre uniquement ce que nous savons déjà, ou ce que nous désirons entendre.
Mais attention, la sensibilité doit conduire à la réflexion, elle ne doit pas s’enfermer sur elle-
même, mais doit ‘donner à penser’.
C’est en effet avec notre raison que nous allons valider ce que nous avons reçu. La méditation
nous fait ainsi réfléchir sur ce qui a été déposé en nous, sur telle ou telle vérité de foi. Bien sûr,
l’intelligence ne saisit pas tout, elle ne saisit que la surface argentée du mystère de la foi sans
entrer en contact avec l’or de la substance (cf saint Jean de la Croix, Œuvres p. 1272-1273).
Sainte Thérèse d’Avila, pour sa part, nous dit qu’il s’agit-là de ‘considérer’ le mystère du Christ
(cf. Je veux voir Dieu, p. 67). Cette considération est le bouclier contre les distractions ! Elle
accapare notre intelligence et nous prépare à entrer dans la prière, à l’échange d’amour avec celui
qui est vraiment là…
En effet, Dieu n’est pas une idée, mais une personne, la réalité la plus profonde qui soit. Il faut
donc entrer dans la foi.
C’est la puissance de la foi qui unit à Dieu. Par la vertu théologale de foi, nous prenons contact
avec Dieu lui-même. Nous avons reçu ce puissant moyen de communication le jour de notre
baptême.
La foi, ce n’est pas avoir une idée sur Dieu, mais c’est entrer en contact avec Lui. La foi me
permet d’accueillir le don de Dieu, de recevoir de Lui ce qui est nécessaire à ma croissance, ce
qui me permet d’accomplir ma mission, ce qui me sanctifie et m’incorpore à l’Eglise.
D’abord consacrer du temps à la prière, chaque jour. L’oraison, pour produire ses effets, doit être
un rendez-vous quotidien qu’on ne manquera sous aucun prétexte. C’est déjà prier que de donner
à Dieu un moment exclusif, un morceau de ce temps qui nous est si précieux. Pour cela, il est
nécessaire de prévoir à l’avance le moment où nous ferons oraison ; ainsi que sa durée. Ne pas
hésiter à prendre rendez-vous…
Maintenant je prie ! Comment occuper ce temps ? Je fais un signe de croix, un geste qui marque
ma décision. Je cherche Dieu.
Pour commencer, prendre son Evangile (par exemple : L’Evangile du Bon Pasteur, Jn 10). C’est là
que Dieu nous parle par son Fils Jésus. Lire lentement comme une lettre qui nous est adressée
par quelqu’un qui nous aime. Si quelque parole nous frappe particulièrement, arrêtons-nous sur
elle pour la savourer et la laisser pénétrer au plus profond de nous-même. Et surtout pensons que
cette parole nous est adressée par Quelqu’un qui attend notre réponse : une réponse de foi et
d’amour.
J’entends : ‘‘Dieu vient combler ton cœur’’. J’accepte cette idée avec mon intelligence. Je médite.
Je peux dire : « Seigneur, toi qui me rassasies, je crois en Toi, je crois que tu as les paroles de la vie
éternelle » (cf. Jn 6, 68). A ce moment-là, j’abandonne le rivage limité de mes sens et de mon
intelligence pour aller en haute mer vers l’infini de Dieu, en posant un acte de foi et en plongeant
ainsi dans le mystère. ‘‘Duc in altum !’’ Alors, Dieu diffuse son amour au cœur de la personne.
Je reste en silence. Je suis recueilli, dans les profondeurs de mon être, en présence de Dieu avec
qui l’échange – très secret – se poursuit.
Mais, l’intelligence est gourmande… elle revient à la charge et se sert de mon imagination. Par
elle, je suis ramené à la surface de mon être, elle me fait quitter l’acte intérieur et silencieux dans
lequel j’étais établi. Quand j’en prends conscience, je peux m’attacher à cette idée, mais je peux
aussi la quitter (peut-être en l’écrivant pour m’en débarrasser) en reposant un acte de foi. Peut-
être est-il nécessaire aussi que je reprenne un brin de la Parole de Dieu pour ranimer le feu de
l’amour unitif.
Il peut être bon aussi de s’aider de la prière vocale. Un Notre Père, un Je vous salue Marie où l’on
peut rajouter une clausule (Marie, ‘‘femme ordinaire comme moi, vivant avec Jésus à Nazareth… tu es
bénie…’’), la Prière de Jésus (‘‘Seigneur Jésus, Fils de David, aie pitié de moi pécheur’’). Par ces prières,
notre cœur se réoriente vers Dieu, les distractions sont écartées.
Il peut y avoir bien d’autres tremplins pour l’acte de foi. Un Psaume, le Magnificat, un auteur
spirituel… Ainsi, il est conseillé de ne jamais aller à l’oraison sans un livre, mais celui-ci n’est pas
nécessairement ouvert... et il doit faire place au silence, il doit simplement m’aider à me mettre
réellement en présence du Christ.
Pour entrer en oraison, l’esprit humain a besoin de silence et de temps. Sachons lui offrir. A
l’oraison, en effet, il faut aimer le silence et la solitude. ‘‘Beata solitudo, sola beatitudine’’ ! Pour
cela, il faut faire l’effort de quitter le monde. Le prophète Elie perçoit la présence de Dieu au
désert, non dans le l’ouragan, le tremblement de terre ou le feu, mais dans la brise légère (cf. 1 R
19, 11-12). L’Evangile nous rapporte souvent que Jésus va prier seul, à l’écart, dans un endroit
désert.
« Tant que tu peux te taire en face de Dieu, tais toi. C’est lui qui parle, c’est lui qui agit. Tout à l’heure ou
demain, tu t’apercevras qu’il a fait quelque chose en toi, tu trouveras en toi quelque chose qui n’y était pas
auparavant, mais ce n’est pas le moment de le chercher. Laisse faire le Seigneur et ne bouge pas. » disait le
Père Henri Caffarel.