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Paolo Brenni
2010/1 N° 8 | pages 53 à 71
ISSN 1762-3227
ISBN 9782351130803
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-l-electricite-2010-1-page-53.htm
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Paolo Brenni
Chercheur, CNR, Instituto e Museo di Storia della Scienza, Fondazione Scienza
e Tecnica, Firenze
et président de la Scientific Instrument Commission de l’International Union
of History and Philosophy of Science
One of the earliest observations I made with these new machines was that electrical
oscillations of an extremely high rate act in an extraordinary manner upon the human
organism1.
Nikola Tesla (1900)
Résumé
À la fin du XIXe siècle, Nikola Tesla étudie les courants à haute fréquence et à haute
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Abstract
At the end of the 19th Century, Nikola Tesla studied high frequency currents of
high voltage and presented a series of extraordinary experiments. The physicist and
physiologist Arsène d’Arsonval exploited these currents for a new type of electrothe-
rapy, which was widely used up to the 1930s. But the phenomena produced by high
frequency currents became also very popular on stage, especially in United-States and
Great-Britain. Clever showmen and quacks equipped with Tesla’s apparatus amazed
the public by performing “scientific magic”. Here, I will retrace the most important
steps in the applications of these currents.
1. Nikola Tesla, « The Problem of Increasing Human Energy », The Century Magazine, vol. XXXVIII, 1900,
pp.175-211.
Le corps humain et l’électricité
2. Pour une histoire des applications médicales de l’électricité voir : Margaret Rowbottom, Charles Suss-
kind, Electricity and Medicine. History of their Interaction, San Francisco, San Francisco Press, 1984 et
Sidney Licht, « History of Electrotherapy » in Therapeutic Electricity and Ultraviolet Radiation, Baltimore,
Waverly Press Incorporated, 1959, p. 1-69 (cet article comporte une liste bibliographique de près de 1 000
titres consacrés à l’électrothérapie, publiés entre le milieu du XVIIIe siècle et les années 1960).
3. Voir par exemple : Brian Bowers, A History of Electric Light and Power, Stevenage (UK), Peter Pere-
grinus, Science Museum, 1982.
les fréquences des courants produits par que, sont exploités industriellement par
toutes ces machines à induction restent la firme Westinghouse qui se trouve ainsi
inférieures à une centaine de Hertz. au centre de la fameuse « bataille des
Il était cependant possible de produire courants » entre les partisans du courant
des courants de fréquence plus élevée alternatif et ceux du courant continu.
d’une autre manière, avec la décharge Au tournant du siècle, Tesla est devenu
d’une bouteille de Leyde, le premier une vedette scientifique, aussi célèbre que
type de condensateur. Cette décharge du Thomas Edison, le magicien de Menlo
condensateur fut étudiée par Hermann Park. Prototype du savant excentrique,
von Helmholtz en 1847, sa fréquence coqueluche de la haute société new-yor-
calculée par William Thomson en kaise, ami de personnalités comme l’écri-
1853, et enfin son caractère oscillatoire vain Mark Twain, ses recherches font la
mis en évidence expérimentalement en une des journaux. Pionnier de la tech-
1858 par le physicien allemand Behrend nologie des courants alternatifs à haute
W. Feddersen 4. Les courants à haute fréquence à haute tension, d’ailleurs
fréquence créés par la décharge d’un souvent appelés « courants de Tesla », il
condensateur allaient se révéler fonda- dépose un grand nombre de brevets, pour
mentaux dans plusieurs domaines de la l’électricité industrielle ou pour la TSF.
physique et de l’électricité. Ainsi les expé- Son rêve demeure de pouvoir transmet-
riences de Hertz, montrant l’existence tre sans fil non seulement des signaux,
des ondes électromagnétiques en 1888, mais encore de l’énergie électrique. Les
stimulèrent un très grand nombre de reportages abondamment illustrés de ses
recherches qui aboutirent à la réalisation expériences spectaculaires de 1899, dans
de la télégraphie sans fil5. son laboratoire de Colorado Springs où il
La saga des courants à haute fréquence produit des foudres artificielles grâce à ses
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4. Dans sa forme plus simple, un circuit oscillant comprend une résistance, une capacité (condensateur) et
une impédance (bobine). La décharge d’un tel circuit est oscillante si la résistance n’est pas trop grande.
5. Voir par exemple Hugh G.J. Aitken, Syntony and Spark. The Origins of Radio, Princeton, Princeton
University Press, 1985.
6. La plupart des biographies de Tesla sont peu précises et remplies de légendes. On peut consulter John
O‘Neill, Prodigal Genius. The life of Nikola Tesla, New York, Ives Washburn Inc., 1944 et Margaret Cheney,
Tesla Man Out of Time, New York, Laurel Book, 1983.
Fig. 1 : Tesla présente ses expériences avec les oscillatoire de la bobine primaire, il peut
courants à haute fréquence en 1892 à Paris. allumer des lampes à incandescence en
passant à travers l’expérimentateur sans
que celui-ci ne ressente rien8.
En mai 1891, Tesla présente ses éton-
nantes expériences à New York, et en
février 1892 il les répète à Londres, puis
à Paris lors d’une séance conjointe de
la Société française de physique et de la
Société des ingénieurs électriciens (Fig. 1).
L’auditoire est très impressionné par cette
performance décrite les jours suivants dans
les journaux et les revues scientifiques avec
(La Nature, 1892, I, p. 209.) abondance de détails. Un éditorialiste
enthousiaste de La lumière électrique écrit
bre de spires (le secondaire). Lorsque le à propos de la conférence : « L’événement
condensateur se décharge dans la bobine est d’importance ; il s’agit de la révélation
primaire, un courant alternatif amorti et expérimentale devant les physiciens et
à haute fréquence parcourt le primaire et les électriciens d’un nouveau domaine à
crée dans la bobine secondaire un courant explorer. » Il prend des accents lyriques :
induit de même fréquence mais de très « Les tubes raréfiés, de plus d’un mètre de
haute tension7. Les effets de ces courants longueur, tenus à la main par Tesla dans
induits, encore mal compris, sont parti- le champ, s’illuminent dans toute leur lon-
culièrement spectaculaires. Les pôles de gueur d’une lueur intense […]. On dirait
la bobine secondaire créent de puissantes un glaive lumineux tenu dans la main d’un
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7. Dans un appareil de Tesla, les fréquences sont de l’ordre de 104-106 Hz, tandis que les tensions peuvent
atteindre plus de 106 volts. Ce qu’on appelait vers 1900 « hautes fréquences » rentre aujourd’hui dans le
domaine des LF (low frequency 30-300 KHz) et des MF (medium frequency 300 Khz-3 MHz). Aujourd’hui on
appelle hautes fréquences (HF) la partie du spectre électromagnétique comprise entre 3 MHz et 30 MHz.
8. Les appareils et expériences de Tesla sont décrits en détail dans : Thomas C. Martin (ed.), The inventions,
Researches and Writings of Nikola Tesla, New York, The Electrical Engineers, 1894 (réedité par Barnes &
Noble, New York, 1992) et aussi dans Nikola Tesla, Lectures Patents Articles, Zagreb, Nikola Tesla Museum,
1956. Les articles, les conférences et le journal scientifique de Colorado Spring ont été publiés en 1999 par
Zavod za Udžbenike i Nastavna Sredstva à Belgrade.
9. E. Raverot, « Les expériences de M. Tesla », La lumière électrique, vol. 43, 27 avril 1892, p. 402-409. Voir
aussi : « E. Hospitalier, Expériences de Tesla sur les courants alternatifs de grande fréquence », La Nature,
15 août 1991, p. 162-167 et 5 mars 1892, p. 209-211.
reils semblables. Mais si ses travaux sont a certainement été le médecin, physiolo-
régulièrement décrits par La lumière élec- giste et physicien Arsène d’Arsonval, un
trique, l’absence de démonstration publi- des savants français les plus influents,
que ne lui permet pas d’atteindre la même de la fin du XIXe siècle aux premières
célébrité que Tesla10. décennies du XXe siècle12. D’abord assis-
À plusieurs reprises, Tesla observe les tant de Claude Bernard puis de Charles
effets des courants à haute fréquence sur le Brown-Séquard au Collège de France, il
corps humain et il en espère un éventuel y devient lui-même professeur de méde-
effet thérapeutique. En 1891 déjà, il avait cine expérimentale en 1894. D’Arsonval
écrit un article dans l’Electrical Engineer où aborde les questions physiologiques et
il mentionnait l’augmentation de la tem- médicales avec les outils de la physique :
pérature sous l’influence de ces courants recherches calorimétriques sur les ani-
(il suggérait même qu’une personne nue maux, puis recherches sur l’électrophy-
au pôle Nord pourrait se chauffer par ce siologie et l’électrothérapie. Mais son
type de courant !). Mais Tesla, qui n’était intérêt pour l’électricité ne se limite pas
pas médecin, ajoutait : « I trust that the pre- au domaine biologique et médical. Il a
sent brief communication will not be inter- ainsi contribué au développement du
preted as an effort on my part to put myself microphone et du téléphone qu’il uti-
on record as a “patent medicine” man, for lise pour détecter des courants nerveux
a serious worker cannot despise anything et musculaires. Avec l’ingénieur Marcel
more than the misuse and abuse of elec- Deprez, vers 1880, il invente un galvano-
tricity which we have frequent occasion to mètre à cadre mobile qui allait devenir
witness. […] No wonder then that progres- un instrument classique dans tous les
sive physicians also should expect to find in laboratoires. En 1881, il est parmi les
it a powerful tool and help in new curative organisateurs de la première Exposition
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10. Elihu Thomson, « Induction produite par les décharges à haute tension », La lumière électrique, vol.
43, 12 mars 1892, p. 540-543 et 583-585 ; Id., « Sur l’induction aux tensions et aux fréquences très élevées »,
La lumière électrique, vol. 44, 30 avril 1892, p. 240-243 ; Id., Electricity at high pressures, New York, 1899.
11. Nikola Tesla, « Massage with currents of high frequency », The Electrical Engineer, 23 décembre 1891
reproduit dans Thomas C. Martin (ed.), The inventions, op. cit., p. 394-395 et dans La lumière électrique,
16 janvier 1892, p. 127.
12. Pour la biographie de D’Arsonval voir : Louis Chauvois, D‘Arsonval. Soixante-cinq ans à travers la
Science, Paris, J. Olivien, 1937 et Pierre Vayre, Jacques Arsène d‘Arsonval. Un médecin limousin à Paris,
Paris, Glyphe Éditions, 2006.
13. Arsène d’Arsonval, « Sur les effets physiologiques des courants alternatifs à variation sinusoïdale »,
Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. 114, 1892, p. 1534-1536 : Henry Bordier, Précis
d’électrothérapie, Paris, Baillière et fils, 1897, p. 102-106.
14. Arsène d’Arsonval, « Influence de la fréquence sur les effets physiologiques des courants alterna-
tifs », Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 116, 1893, p. 630-633 ; Id., « Action physiologique des
courants alternatifs à grande fréquence », Archives de physiologie normale et pathologique, série 5, t. 5,
1893, p. 401-408.
15. Le circuit de d’Arsonval était plus sûr que celui de Tesla pour le patient, car ce dernier n’était pas
directement relié au transformateur à haute tension dont les courants à basse fréquence pouvaient être
très dangereux.
16. Arsène d’Arsonval, « L’autoconduction ou nouvelle méthode d’électrisation des êtres vivants », Comptes
rendus de l’Académie des sciences, t. 117, 1893, p. 34-37.
l’absence d’excitabilité par les courants et améliore ses éclateurs et ses circuits19.
à haute fréquence ? Pour d’Arsonval, ce D’autres médecins suivent d’Arsonval.
phénomène est physiologique et il rejette Vers 1892, le docteur Paul Oudin propose
l’explication fournie par les physiciens à un appareil à une seule bobine, son solé-
« l’effet de peau » – le fait que les courants noïde fonctionnant comme auto transfor-
à haute fréquence circulent à la surface mateur20. Quelques spires de ce solénoïde
des conducteurs – en soulignant que le font partie du circuit primaire comprenant
corps humain n’est pas un bon conduc- le condensateur et l’éclateur, les autres
teur. spires, faisant fonction de circuit secon-
D’Arsonval propose trois modes d’ac- daire résonnant, produisent les très hautes
tion thérapeutique des courants à haute tensions (Fig.3). Le résonateur à haute
fréquence : l’application directe, l’auto- fréquence de Oudin se révéla particuliè-
conduction et le lit condensateur. Dans rement adapté à la production de longues
le premier cas, le patient est directement
relié aux bornes de l’appareil par des élec- Fig. 3. L’effluviation d’un patient avec
trodes. Dans l’autoconduction, dite aussi un résonateur de Oudin.
faradisation induite, il est plongé à l’inté-
rieur d’un grand solénoïde qui fait partie
du circuit oscillant17 (Fig.2). Le patient
n’est alors pas directement en communi-
cation avec l’appareil, mais des courants
induits circulent à l’intérieur de son corps.
Enfin dans la troisième méthode le sujet,
qui tient dans les mains une électrode
reliée à une borne du solénoïde, consti-
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17. Ibidem.
18. Arsène d’Arsonval, « Effets thérapeutiques des courants à haute fréquence », Comptes rendus de
l’Académie des sciences, t. 123, 1896, p. 23-29 et Id., « Action physiologique et thérapeutique des courants à
haute fréquence », Revue internationale d’électrothérapie et de radiothérapie, avril-mai 1897, p. 241-265.
19. Ibidem ; Arsène d’Arsonval, « Nouveau dispositif électrique permettant de souffler l’arc de haute
fréquence », Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. 138, 1904, p. 323-324 et Id., « Dispositifs de
protection pour sources électriques alimentant les générateurs de haute fréquence », Comptes rendus de
l’Académie des Sciences, t. 138, 1904, p. 325-326.
20. Paul Oudin, « Sur le résonateur et sur l’effluve de résonance », Comptes rendus de l’Académie des
sciences, t. 126, 1898, p. 1632-1634 ; « Sur le nouveau dispositif du résonateur de Oudin et de M. Radiguet »,
Archives d’électricité médicale, t. VI, 1898, p. 331-333 ; « Nouveau mode de transformations des courants de
haute fréquence », L’électricien. Revue internationale d’électricité, série 2, t. VI, 1896, p. 86-91.
étincelles (pour la fulguration) et d’aigrettes Il n’est donc pas téméraire de dire que
(pour l’effluviation) utilisées dans le traite- les courants à haute fréquence ouvrent
ment des maladies et cancers de la peau, une voie nouvelle à la thérapeutique »22.
ainsi qu’en gynécologie, ou encore pour D’Arsonval qui ne pratique pas lui-même
l’extraction des dents grâce au pouvoir la médecine, mais suit de près les travaux
anesthésiant des étincelles. Ce résonateur de ses collaborateurs, précise : « En fai-
fut en outre utilisé dans les émetteurs des sant connaître ces faits aux médecins, en
appareils de télégraphie sans fil21. les dotant du matériel qui permet de les
Pendant les mêmes années, Arsène obtenir, mon rôle de physiologiste est ter-
d’Arsonval, ses collaborateurs et ses dis- miné. C’est à eux maintenant d’en tirer
ciples, mènent une série de recherches partie en thérapeutique. »23
pour étudier les effets thérapeutiques Dans les années 1890, l’intérêt pour
des hautes fréquences. Georges Apostoli cette nouvelle thérapie gagne rapidement
et Augustin Joseph Berlioz étudient 75 d’autres pays, suscitant un nombre
patients soumis à l’autoconduction. À croissant d’articles et de traités spécialisés,
l’Hôtel-Dieu, le docteur Albert Charrin faisant de plus en plus d’adeptes dans le
teste, sous la direction de d’Arsonval, la corps médical en Europe et aux États-
méthode de l’application directe sur les Unis24. En 1898 le médecin anglais S.
patients de l’hôpital. D’autres expérien- Hedley partageant l’enthousiasme de
ces sont menées par Oudin, Jean-Alban nombre de ses collègues, écrit : « Plus
Bergonié et Léonard Bordier, ce dernier récemment encore, le médecin dirige
devenant un des experts de la thérapie son attention vers les courants de haute
à haute fréquence. Les résultats théra- fréquence et de haut potentiel, ce qui
peutiques paraissent très prometteurs : ouvre un nouveau champ aux recherches
« Comme ces courants peuvent traverser physiologiques et donne des moyens
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21. Un des traités les plus complets sur l’appareillage à haute fréquence : A. Charbonneau, Les courants
alternatifs de haute fréquence. Théorie, production, application, Paris, Librairie des sciences et de l‘industrie,
1911. Voir aussi G. Geiger, Manuel pratique d’électricité médicale. Électrologie & Instrumentation, Rayons
X et courants à haute fréquence, Paris, H. Deforge, 1907 ; A. Turpain, « La production des courants à haute
fréquence », Le Radium, 14 septembre 1904, p. 65-70.
22. Arsène d’Arsonval, « Action physiologique et thérapeutique des courants à haute fréquence », art.
cit., p. 264.
23. Arsène d’Arsonval, « Note à propos de la communication précédente », Comptes rendus de l’Académie
des Sciences, t. 145, 1907, p. 528-529.
24. Je me bornerai ici à donner quelques titres importants, pour une bibliographie développée voir Sidney
Licht, « History of Electrotherapy », art. cit. ; Burton Baker Grover, High frequency practice for practitioners and
students, Kansas City, Electron press, 1925, 4e éd. ; Evelyn Crook, High frequency currents, London, Baillière,
Tindall & Cox, 1909, 2e éd. ; G. Betton Massey, Practical Eletrotherapeutics and diathermy, London, J.&A.
Churchill, 1924 ; S.H. Monell, High frequency electric currents in medicine and dentistry, New York, W.R. Jen-
kins company, 1910 ; H. Guilleminot, Électrologie et Radiologie, Paris, Masson & Cie, 1922, 3e éd. ; A. Zimmern,
S.Turchini, Les courants de haute fréquence et la D’Arsonvalisation, Paris, J.B. Baillière et fils, 1910.
25. S. Hedeley, « Les progrès faits par l’électrothérapie depuis vingt-cinq ans », Revue internationale
d’électrothérapie et de radiothérapie, février 1898, p. 193-201.
26. Pour une liste de témoignages sur les bienfaits des hautes fréquences dans les pathologies les plus
diverses, voir S.H. Monell, High frequency electric currents in medicine and dentistry, op. cit.
solénoïde. Enroulé sur une carcasse et les névralgies furent soignées avec
d’osier de 130 cm de hauteur, de 80 cm succès. Des tumeurs superficielles furent
de diamètre, contenant une vingtaine de éliminées par l’action des décharges. Les
spires, il descend majestueusement du effets bénéfiques de ce type de traitement
plafond autour du patient plein d’horreur furent beaucoup plus controversés dans
sacrée. Celui-ci qui n’éprouve absolument le cas de maladies comme la goutte, le
rien, a la joie de constater qu’une lampe diabète et l’obésité. Les courants à haute
fermant un collier de cuivre mis autour de fréquence furent aussi utilisés avec un
son cou, s’illumine au blanc. Il conclut certain succès pour des anesthésies locales,
qu’un travail puissant d’intégration (style par exemple pour l’extraction des dents.
médical) se produit dans son organisme, Cette nouvelle thérapie fit en outre naître
alors que du diable si personne peut l’espoir de vaincre la tuberculose : des
dire où pénètrent ces fameux courants, annonces tonitruantes parurent dans les
dans le noyau mal défini que le patient journaux, à la suite de plusieurs travaux,
constitue pour le grand solénoïde. Il existe mais les résultats restèrent très discutés30.
des lits solénoïdes pour ceux qui préfèrent De fait toutes les recherches relatives à
la station couchée. Après cela, blaguez l’action sur les bactéries et les toxines
Cagliostro et l’oracle d’Épidaure. »29 furent controversées, même si d’Arsonval
Malgré ces critiques, la darsonvalisation avait lui-même affirmé la réduction de
fut très pratiquée jusqu’aux années 1930 leur virulence sous l’action des courants
et si elle disparaît, ce n’est pas suite à à haute fréquence.
des jugements médicaux d’inefficacité. L’hérit age le plus direct de la
Elle fut peu à peu supplantée par darsonvalisation fut la diathermie qui
d’autres thérapeutiques, en particulier vise spécifiquement l’échauffement des
pharmaceutiques. Aujourd’hui le tissus par l’utilisation d’ondes sinusoïdales
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29. Henri Bouasse, Oscillations électriques, Paris, Librairie Delagrave, 1924, p. 45.
30. Voir par exemple L. Castagné, Action des courants de haute fréquence sur la tuberculose, Montpellier,
Impr. de Hamelin frères, 1901.
31. Pour une histoire des applications des hautes fréquences après la darsonvalisation, et en particu-
lier de la diathermie, voir Richard Kovács, Electrotherapy and Light Therapy, Philadelphia, Lea & Ferbiger,
1945 ; Arthur W. Guy, History of Biological Effects and Medical Applications of Microwave Energy, IEEE
Transactions on Microwave Theory and Techniques, vol. 32, september 1984, p. 1182 -1200 ; Arthur W. Guy,
Medical application at Sub-Microwave frequencies, 2009 in http://www.ieeeghn.org/wiki/index.php/Biolo-
gical_Effects_of_Electromagnetic_Radiation.
32. Noble M. Eberhart, A working manual of high frequency currents, Chicago, New medicine Publishing,
1919, 5e éd. et Bob MacCoy, Quack ! Tales of Medical Fraud from the Museum of Questionable Devices, Santa
Monica Press, Santa Monica, 2000, p. 122-130.
33. La couleur plus ou moins violette des rayons dépendait de la pression de l’air dans le tube. Certains
tubes contenant du néon s’illuminaient d’une couleur rouge vif.
34. On peut se rendre compte de l’incroyable succès de la thérapie à rayons violets en observant la quantité
d’appareils de la première moitié du XXe siècle que l’on trouve encore aujourd’hui chez les brocanteurs ou
en vente sur le Web.
35. Frederick F. Strong, « Electricity and Life », The Electrical Experimenter, March 1917, p. 798 et 831 ; May
1917, 24, 59, 60-61 ; June 1917, p. 104-105 et 152 ; December 1917, p. 530-531.
36. Ces appareils sont encore utilisés aujourd’hui comme détecteur de fuite dans les conduites sous vide,
ainsi que dans les salons de beauté et dans certaines pratiques sexuelles.
37. Parmi les plus importantes collections d’instruments et de documents concernant l’histoire de la
médecine (en particulier de l’électrothérapie), il faut mentionner la Wellcome Collection conservée au
Science Museum de Londres, qui présente en particulier la reconstruction du cabinet du médecin écossais
équipé d’un grand appareil à haute fréquence de Gaiffe. Voir : http://www.sciencemuseum.org.uk/about_us/
about_the_museum/collections/about_the_collections/collections_snapshot/wellcome_collection.aspx
http://library.wellcome.ac.uk/ et http://www.bium.univ-paris5.fr/aspad/expo18.htm.
The Bakken Museum de Minneapolis, consacré aux relations entre l‘électricité et le vivant, possède une
collection très riche : http://www.thebakken.org/. Enfin le musée privé The Turn Of The Century Electrothe-
rapy Museum de West Palm Beach (Florida) possède une extraordinaire collection de machines, appareils
et documents relatifs aux thérapies à haute fréquence. Le site Web de ce musée, particulièrement riche
et bien articulé, comporte un grand nombre de traités, catalogues et documents consultables en ligne. Je
remercie Jeff Behary, propriétaire de ce musée, pour les informations qu‘il m’a fournies pour la rédaction
de cet article.
au XVIIIe siècle, l’abbé Nollet et l’abbé Fig. 5. Un grand appareil pour la production
Bertholon avaient expérimenté les effets des courants à haute fréquence d’Isenthal.
de l’électricité statique sur la croissance
des végétaux38. Au début du XXe siècle en
Europe et en Amérique, on électrifie des
potagers ou des vergers à l’aide de câbles,
cages ou solénoïdes parcourus par des cou-
rants à haute fréquence. En France, dans
les années 1920, une série d’expériences
de ce type sont réalisées à Bellevue par la
Direction des recherches scientifiques et
industrielles39. Mais, même si quelques
résultats sont encourageants, ils ne suffi-
sent pas à introduire l’électroculture dans
la pratique agricole.
Plus originale, et plus inquiétante,
est l’expérience réalisée en 1912 par
le physicien et chimiste suédois Svante
Arrhenius, prix Nobel de chimie 1903,
et décrite dans plusieurs revues améri-
caines40. Arrhenius choisit deux groupes
d’écoliers du même âge et de caracté-
ristiques semblables qu’il place dans
deux salles de classe voisines, l’une (Frederick F. Strong, High-Frequency Currents,
des deux salles étant équipée de fils London, 1908, p. 81.)
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38. Voir par exemple Louis-Nicolas Grandeau, Cours d‘agriculture de l‘École forestière. Chimie et physio-
logie appliquées à l‘agriculture et à la sylviculture, Paris, Berger-Levrault, 1879, p. 279-344.
39. Voir (anonyme) « Expériences d’électroculture effectuées à Bellevue en 1920-1921 », Bulletin officiel
de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, 32, 1922, p. 361-382.
40. John H. Huber, « Arrhenius and His Electrified Children. A new use for High-frequency Currents »,
Scientific American, 13 April 1912, p. 334.
41. Ibidem.
42. J. Laffargue, « Appareil à grande tension et à haute fréquence. Production d’effluves », La Nature,
16 juillet 1898, p. 103-106.
43. Sur les shows électriques, voir aussi Fred Nadis, Wonder Shows Performing science, magic and religion
in America, New Brunswick, New Jersey and London, Rutgers University Press, 2005. Des photographies et
un extrait de film du spectacle électrique des années 1920, Professor Sparks and Thelmina, sont visibles à
cette adresse : http://www.voltini.com/id45.htm.
44. Frederick F. Strong, High-Frequency Currents, London, Rebman Ldt., 1908.
Fig. 6. Frederick F. Strong et sa femme devant les appareils à haute fréquence utilisés
lors des démonstrations publiques.
45. Frederick F. Strong, « Electricity and Life », The Electrical Experimenter, March 1917, p. 798 et 831 ; May
1917, 24, 59 et 60-61 ; June 1917, p. 104-105 et 152 ; December 1917, p. 530-531.
46. Thomas S. Curtis, High Frequency Apparatus Its Construction and Practical Application, New York,
Evryday Mechanics Co, 1916, p. 222.
47. Herry L. Tarnstrom, Electricity at high pressure and high frequencies, Chicago, Joseph G. Branch, 1921,
2e éd ; Brevet US002277187 (1938) « Corona discharge protective device ».
48. Ricky Jay, Learned Pigs and Fireproof Women, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1986, p. 127-146
et Fred Nadis, Wonder Shows Performing science, op. cit.
49. Voir Ricky Jay, Learned Pigs, op. cit., p. 136.
55. Arsène d’Arsonval, « Exploseur rotatif et dispositifs divers pour la production de puissants courants
à haute fréquence », L’électricien, 488, 5 mai 1900, p. 273-275.
des hautes fréquences et ce domaine écrit à la fin de son gros traité sur les
d’expérimentation leur semble très courants haute fréquence, après avoir
prometteur. Les courants à haute résumé leur utilité dans les domaines
fréquence paraissent liés aux forces de l’électrothérapie, de la TSF, de la
ultimes et fondamentales de la nature. production de l’ozone et de l’éclairage
Pour beaucoup, les vibrations électriques sans fil : « Demain verra des usines géné-
qui ont pu être attribuées à l’éther, aux ratrices de courants de haute fréquence,
atomes ou aux molécules, semblent transmettant la lumière, la force à dis-
être à la base de phénomènes physiques tance sans fil, car on aura trouvé le moyen
fondamentaux et être génératrices de de concentrer les ondes et alors l’industrie
force vitale. Les hautes fréquences sont entrera dans une phase nouvelle, et les
souvent perçues comme intimement liées choses sociales seront profondément modi-
à la source de vie (quoi que cette expres- fiées. »57 Les hautes fréquences alimen-
sion pût signifier), comme le fluide galva- tent l’utopie technologique et l’imaginaire
nique l’avait été au début du XIXe siècle. social du début du XXe siècle : l’électricité
Ce n’est pas un hasard si le docteur Victor comme moteur non seulement du progrès
Frankenstein, du roman de Mary Shelley technique, mais aussi comme catalyseur
a appris les secrets de l’électricité galva- d’un profond changement social.
nique, tandis que le monstre cinémato- Il est encore intéressant de souligner
graphique naît dans un laboratoire truffé que, même si cette technologie était
de transformateurs de Tesla et Oudin et issue du progrès scientifique, ses effets
que les savants fous de la filmographie des sensationnels restaient toujours, au moins
années 1920-1950 utilisent très souvent pour le public, entourés d’un halo de
les mêmes appareils pour parvenir à leurs mystère. Les courants à haute fréquence
fins maléfiques56. permettent de reproduire à volonté la
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56. Au cinéma, avant les effets spéciaux numériques, la foudre était simulée par des décharges de transfor-
mateurs de Tesla et de Oudin. Voir la biographie de K. Stickfaden, le plus célèbre spécialiste d’effets spéciaux
électriques d’Hollywood : Harry Goldman, Kenneth Strickfaden, Dr. Frankenstein’s Electrician, Jefferson (NC)
and London, McFarland & Company, 2005.
57. Albert Charbonneau, Les courants alternatifs de haute fréquence, op. cit.