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Corrigés du sujet "Peut-on renoncer à la

vérité ?"
 samedi 14 novembre 2009 (actualisé le 2 décembre 2015) par Serge Durand - Philosophie

  Sommaire  
 Version 1. Peut-on renoncer à
 INTRODUCTION
 Partie I – Vers la nécessité
 Partie II – Sagesse de renoncer
 Partie III – Le pluralisme (...)
 Conclusion
 Version 2. Peut-on renoncer à
Sur la vérité vous pouvez consulter aussi Peut-on douter de tout ?, La discussion est-elle source
de vérité ? ainsi que La vérité peut-elle ne pas s’imposer ?

  Version 1. Peut-on renoncer à la vérité ?

Corrigé d’un travail de Leslie Vivier T° L en 2009-2010 :

 INTRODUCTION

Nous vivons dans une société où il y a peu de repères moraux, spirituels... Ainsi, la question de
la vérité conduit très souvent à de profonds désaccords. Ainsi il est possible d’observer ceux
qui estiment que la vérité est indéniable et, face à eux, ceux qui pensent qu’elle est hors de
portées si toutefois il en existe une, ce que d’autres encore nient radicalement. De fait la
vérité s’impose à certains tandis que d’autres entendent nous apprendre à y renoncer. On peut
ainsi se demander s’il est possible de vivre une vie équilibrée en ignorant volontairement toute
vérité. Peut-on ne pas accepter la vérité ? Ce questionnement induit un doute qui nous pousse
à nous demander si, d’un point de vue moral et intellectuel, l’on peut remettre tout en
question jusqu’à nos valeurs les plus fondamentales comme celle qu’il faut prendre au sérieux
la vérité ? L’Homme peut-il vivre dans une société dépourvue de limites, où le mensonge
pourrait régner et conduire au chaos ? Devant ces interrogations, la science semble rendre
indubitable une réalité des faits qui émanerait d’observations et d’expériences répétées
montrant les relations constantes qui unissent les phénomènes tandis que les sceptiques et les
relativistes nous invitent avec une vision contestataire à renoncer à la vérité. En effet, pour
eux, elle est source d’inquiétude, d’intolérance dogmatique et d’hubris technoscientifique.
Renoncer à la vérité, reconnaître son inaccessibilité, revient à se libérer de tout ce qui au fond
constitue notre désir de toute puissance et donc notre égocentrisme. Le renoncement à la
vérité sera donc source de bonheur. Aussi, face à ces deux visions radicalement opposées,
certains comme Socrate ou bien Descartes pensent paradoxalement à une vérité intérieure à
nous approchable par le doute.

 Partie I – Vers la nécessité d’une approche pragmatique de la vérité.


A – La nécessité d’une théorie systémique cohérente.

Le sens commun voudrait deux vérités ; l’une issue de la foi et l’autre de la raison. Néanmoins,
et d’après Averroès, la vérité est une vérité cohérente et la loi divine enjoint l’homme à user
de l’intellect. Le Positivisme va plus loin : il nous incite donc à renoncer au pourquoi et à
montrer le comment des choses. Ainsi la vérité résiderait dans la non-contradiction des
jugements desquels découlent l’accord des idées entre-elles. En effet, on évalue la validité
d’un jugement en fonction de sa compatibilité avec d’autres jugements c’est-à-dire que les
vérités doivent constituer un système logique où les éléments sont reliés entre eux de manière
à former une seule unité cohérente dont la cohésion rend invraisemblable les autres
possibilités et rend indéniable celle mise en évidence. Néanmoins, examiner une proposition
particulière ne conduit qu’à un résultat partiellement vrai et donc, par substitution,
partiellement faux puisque l’on traite une partie et non un tout. Ainsi, en suivant cette même
optique seul un système dans sa totalité peut être entièrement vrai car il s’agit cette fois, non
d’une partie partielle mais d’une vérité de l’ensemble lui-même. De cette manière, la vérité-
cohérence se base sur le raisonnement de la logique et les mathématiques formant un système.

B – Correspondance ou adéquation d’un système au réel ?

Toutefois il est nécessaire que les sciences empiriques confirment ou infirment puisque toute
connaissance véritable repose au final sur l’expérience et l’observation. Prenons les faits
historiques ; le seul critère pour vérifier des faits passés et sans conteste la cohérence de
divers témoignages que l’on peut considérer comme affirmations grâce au système logique qui
les unit. De cette façon, Tarski a déclaré que « Si je dis que la neige est blanche et qu’elle est
blanche alors je dis vrai ». L’enjeu ici est de distinguer la cohérence d’un système qui ne peut
être qu’une fiction avec la correspondance entre système théorique et réel. Cependant,
comme la remarqué Nietzsche avec justesse, pourquoi le réel aurait-il à être cohérent à
l’image de la théorie. N’est-ce pas d’une part pour se rassurer et d’autre part pour s’y adapter
autant que possible ? Malgré ceci, si l’on se conforme à la pensée de Tarski, il existe un fait
indubitable qui s’impose à nos sens et auquel se soumet notre pensée. Il semble donc
nécessaire d’être cohérent afin d’examiner sincèrement la correspondance avec les faits mais
ceci suffit-il à nous garantir contre l’erreur, à nous assurer de dire vrai ? Face au soupçon de la
faiblesse de la vérité cohérence face au réel, l’adéquation pourrait venir renforcer l’idée d’une
vérité indubitable. Cachée, occultée, soustraite à la vue, dissimulée ; la vérité se dérobe à
notre recherche permanente à laquelle notre raison nous soumet. Mais la vérité n’est pas à
chercher que dans nos pensées et uniquement en elles car en suivant une philosophie
positiviste les choses ne peuvent être vraies ou fausses, elles sont ou elles ne sont pas. Ainsi, la
chaise que je vois devant moi est vraie puisqu’elle est présente, que je peux la toucher et que
sa présence s’accorde avec l’idée que j’ai (celle de bien la voir). En effet, Thomas d’Aquin
démontre que « La vérité est l’adéquation de l’esprit et de la chose ». Par conséquent, toute
chose que mon esprit conçoit et qui est bien présent en tant que chose est indéniablement vrai
puisque mon esprit s’accorde à la chose ce qui rend le sujet authentiquement vrai. une idée
vraie est ainsi conçue comme une sorte de copie exacte de son objet, et la relation de vérité
comme quelque chose d’analogue à la ressemblance entre l’idée et le modèle comme le met
en évidence le philosophe Spinoza dans Les Pensées métaphysiques I, III : « On appelle idée
vraie celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. »
C – Le pragmatisme abandonne l’adéquation pour l’action expérimentale comme milieu de
la correspondance de la théorie au réel.

Néanmoins, pour que la définition de la vérité vue par l’adéquation soit valide, il faudrait que
l’on puisse comparer nos idées aux choses. Le problème qui se pose est que je n’ai jamais à
faire aux choses en elles-mêmes mais à leurs représentations. Or, le monde est-il bien
conforme à ce que je perçois ? Il se pourrait, comme l’a démontré Descartes, que toute notre
vie ne soit qu’un « songe bien lié », que nous sommes en train de rêver tout ce que nous
croyons percevoir car rien ne nous assure que le monde ou autrui existent tels que nous les
pensons être. La vérité serait-elle donc, dans une certaine mesure, une erreur ? Face à cette
interrogation la pensée pragmatique démontre qu’au-delà de la cohérence et de la
correspondance l’efficacité vient vérifier la véracité d’une chose. Au-delà de la cohérence
logique ou de la correspondance, c’est l’efficacité pratique qui est le critère ultime de la
vérité selon la pensée pragmatique. Ainsi, une méthode doit être opératoire pour être digne de
vérité ; par exemple la construction d’appareils de mesures et d’observations témoigne de la
justesse et de l’utilité de la physique lorsqu’elle étudie un phénomène. On estime donc que la
vérité est avant tout ce qui s’entrevoit dans l’action car il n’y a correspondance et cohérence
que s’il y a action expérimentale. Cette primauté de l’action expérimentale est au cœur du
pragmatisme, une approche dérivée, d’une part, de l’empirisme, dont la méthode ne repose
que sur l’expérience et exclut les systèmes a priori, et, d’autre part, de l’utilitarisme. Comme
le positivisme, le pragmatisme renonce au pourquoi pour déterminer le comment. Selon
Auguste Comte « la recherche des causes est vouée à l’échec car il y a toujours une cause à la
cause ». Avec le pragmatisme, il est donc possible d’en déduire que ce sont les choses elles-
mêmes qui trient ce qui est vrai et efficace de ce qui ne l’est pas. La vérité n’est donc pas une
valeur perdue et inatteignable mais simplement une marque qui justifie la victoire d’une idée
face aux épreuves du réel qui finalement jouent le rôle de preuves. Si, une idée est conforme
aux lois du réel dans son application alors elle est vraie. Le caractère fort de la philosophie
pragmatique est donc d’établir une jonction entre la théorie et la pratique car une idée vraie
est celle qui finit par réussir et une idée juste, à triompher. Par exemple, la véracité des
calculs est vérifiée lorsque l’éclipse se produit à leur même prévue par les sciences. Dans une
même optique, la justesse de la réfutation du Communisme est amplement admise lorsque l’on
observe l’échec économique qu’il a engendré. Ainsi, la vérité se mesure au degré de son
efficacité car dès l’instant que notre vie, notre survie et notre qualité de vie font appel à une
action efficace autant qu’il est possible on ne peut pas renoncer à la vérité.

Transition critique :

Néanmoins, le « comment » prôné par les Pragmatiques induit inévitablement un « pourquoi »


puisque dans l’action, il y a le « pourquoi » humain sans cesse interférant au « comment » du
monde, des autres et de soi. L’un entraîne inévitablement l’autre, car pour comprendre le
fonctionnement d’une chose, il faut en connaître son origine car c’est le principe même de la
chose qui nous éclaire sur son mode d’action. De cette manière, rechercher systématiquement
le comment et le pourquoi n’est-ce pas renoncer à la vérité ? Car à trop vouloir rechercher la
vérité plus loin que là où elle se manifeste clairement, on en vient à se perdre dans des
démarches qui paradoxalement nous éloignent d’elle, pour nous emmener dans une spirale de
questionnements vains. Selon Hans Jonas, il n’y a pas de réelle distanciation entre expliquer et
comprendre car interpréter est au cœur même de l’action d’un scientifique puisque s’il veut,
par exemple, rendre compte du réel mathématiquement comment le peut-il sans croire que le
réel est cohérent en lui-même. Le philosophe démontre ainsi les limites de la philosophie
positiviste en la considérant donc illusoire. Parallèlement à cette pensée, la philosophie
sceptique vient ajouter sa thèse à la dialectique de la vérité et renonce elle, volontairement, à
l’existence d’une vérité absolue.

 Partie II – Sagesse de renoncer à une vérité absolue et universelle pour un


pluralisme assumé.

A – Renoncer à l’inquiétude de la vérité avec les sceptiques.

A l’époque classique, on appelait « Pyrrhonisme » du nom de Pyrrhon son fondateur, la


philosophie selon laquelle la vérité est inatteignable si toutefois celle-ci existe. En effet, les
penseurs pyrrhoniens soutiennent l’idée que la vérité n’existe pas, que si toutefois elle existe,
elle est inconnaissable et que si par hasard, elle est connaissable elle est incommunicable.
Face à ceux qui prônent la recherche de la vérité, les sceptiques voient là une quête stérile où
il y a davantage de problèmes que de solutions. Effectivement, toutes nos opinions se valent,
nos sensations ne sont ni vraies, ni fausses, les doctrines des sages ne cessent de se contredire
donc comment est-il concevable d’affirmer une vérité au milieu de toutes ces incertitudes ? La
philosophie sceptique s’affirme donc comme étant avant tout une initiation au renoncement de
la vérité. Il ne faut rien affirmer, nous détacher de tout et tendre à l’ataraxie qui est une
absence complète de troubles où l’âme est dans un état de paix absolue. De ce point de vue la
question et l’inquiétude de la vérité trouble le souverain bien. Par conséquent, il est impératif
de douter de tout et de douter de nos doutes car c’est notre volonté de porter des jugements
définitifs sur les choses qui ne sont peut-être même pas ce qu’elles paraissent être qui conduit
notre âme dans l’obscurité de l’inquiétude et de la confusion. Ainsi, dans l’optique sceptique,
chercher la vérité sans condition ni limites n’est que ruine de l’âme. Il faut se maintenir dans
une absence de jugement (épochè) afin que notre esprit connaisse un état de silence mental
(aphasie), émotionnel, qui permettrait d’aboutir à l’état d’ataraxie. En fin de compte, la clef
la plus profonde du scepticisme est que le doute est à la puissance au carré selon l’expression
d’Emmanuel Naya. Ce qui signifie que les penseurs remettre en question la certitude d’une
chose par une démonstration puis douter de leurs démonstrations pour accéder à une vie sans
contrainte morale, une vie de plénitude. Par conséquent, avec cette méthode la vérité semble
loin de l’homme car démontrer l’incertitude d’une vérité absolue et douter de notre
démonstration revient à dire que la vérité est inatteignable. Cependant d’un point de vue
moral, est-il permis de douter de tout et d’ainsi remettre en cause l’existence d’une vérité qui
structure pourtant notre société ?

B - Le relativisme des valeurs au-delà du scepticisme.

Face à cette interrogation les relativistes interviennent et affirment que tout n’est que
relativité et donc que chacun à sa propre vérité. Philosophie dominante du monde occidental
le relativisme émet l’idée d’un pluralisme de valeurs. En effet, plusieurs interprétations du
monde mènent à des actions apparemment aussi efficaces bien qu’elles soient divergentes dans
leur valorisation. Ainsi d’un point de vue moral, les mœurs chinoises semblent tout aussi
efficaces que les mœurs occidentales. Or les valeurs occidentales insistent sur l’importance de
l’individu dans la politique avec notamment les nombreux régimes démocratiques tandis que
les valeurs chinoises favorisent souvent un modèle collectiviste, où l’individu n’est qu’un
rouage dans la vie politique holiste de son pays. Aussi, rien ne sert de rechercher la vérité car
toutes les opinions se valent puisqu’elles s’expliquent toutes par le point de vue d’une
personne étant sous l’influence de son éducation, de son époque, de sa famille avec laquelle il
a appris à se concevoir en tant qu’individu à part entière, de ses traumatismes infantiles et de
toutes autres sortes de facteurs qui ont pu influencer son jugement. Il semble donc impossible
de privilégier la véracité de tel ou tel jugement car tous ont été construits de la même
manière à la différence près que les croyances n’ont pas toutes été fondées sur une même
base, ce qui produit des interprétations différentes mais non plus valables les unes que les
autres. Ainsi, les opinions d’une personne sont relatives à son environnement et elles sont
donc, d’une certaine manière, justifiées par lui. De ce fait, les relativistes remettent en
question l’existence de la vérité absolue car une vérité n’est pas une vérité en elle-même,
mais seulement du point de vue de la personne qui l’énonce. On présente donc le relativisme
comme étant une philosophie spontanée qui donne une même valeur à toutes les opinions ;
aucune ne domine une autre et il ne semble donc pas y avoir d’un point de vue objectif une
vérité unique et absolue. Cependant le relativisme permet de la sorte, de lutter contre les
travers de l’homme dépourvu de sagesse. Cette égale validité a priori des valeurs ne dit rien de
leur vitalité. A vrai dire, l’opinion commune impose de manière subjective sa vérité comme
étant la vérité mais elle est rarement d’une grande vitalité. Par exemple, quelqu’un peut
définir l’homosexualité comme immorale, ce sera là sa vérité. A l’opposé, un autre répondra
que dans l’antiquité grecque l’homosexualité était considérée comme aussi nécessaire
socialement que l’hétérosexualité. Par ce recours, au fait historique d’une grande civilisation,
lui aussi prétend apporter une valeur et en rappelant la vitalité liée à ces mœurs, il souligne la
faiblesse d’une morale excluant une forme de vie. Un relativiste accepte lui que différentes
mœurs cohabitent. Le relativisme affirme que ma vérité ne peut pas valoir pour autrui c’est-à-
dire que ce qui me parait vrai ne l’est pas forcément pour mon interlocuteur. Dès lors les
relativistes prônent la tolérance car il est vrai, qu’étant démocrates, ces derniers pensent
fortement que c’est grâce au partage d’une même valeur comme la tolérance, que plusieurs
pensées et valeurs diverses peuvent cohabiter. Cette coexistence de valeurs diverses et en
constante évolution donnera à une société démocratique plus de vitalité qu’une société
traditionnelle où des mœurs uniformes sont imposés par le biais d’une idéologie le plus souvent
religieuse ou politique. Seule la démocratie peut permettre à une antithèse d’être tout aussi a
priori valable que la thèse qu’elle contredit. On pourrait tenter d’opposer à la pensée
relativiste, qu’elle rend le jugement moral aléatoire au point où la vie sociale est menacée. Ce
qui est bien pour moi peut être mal pour autrui ; ainsi un acte immoral peut tout à fait être
jugé moral par un autre homme. Dès lors nous n’aurions plus une morale minimale en commun.
Ne faut-il pas affirmer la vérité d’une morale minimale comme « Ne fais pas à autrui ce que tu
ne voudrais pas qu’on te fasse » pour qu’une société perdure dans sa vitalité ? Néanmoins,
cette critique est à nuancer car il existe au sein du relativisme un noyau humaniste qui
démontre qu’un relativiste fasciste ou qu’un égoïste dévalorisant le respect de l’autre est en
fait une brute déguisée qui demande qu’on tolère son intolérance. Un relativiste est un
pluraliste qui sera d’autant plus justifié que chacun reste libre de vivre ses valeurs dans la
mesure où il n’empiète pas sur la liberté des autres de vivre leurs valeurs. Selon les
relativistes, il ne s’agit pas de savoir si on est plus dans le vrai que cette brute barbare car de
toute façon des discours moralisateurs ne changeront guère sa manière d’être. Par nature son
fanatisme lui fera fuir le doute. Face à une telle barbarie, la seule action pertinente devra être
de le mettre hors d’état de nuire, puisqu’il met en danger les personnes dans leur intégrité à
plus ou moins long terme.

Transition critique :

Cependant, une zone d’ombre semble persister. En effet, le souci est l’authenticité, car il y a
là un réel critère du vrai. Le relativiste dans son discours valorise des critères de respect du
pluralisme et de la valorisation de la tolérance des garanties d’une société ayant plus de
vitalité qu’une société d’ordre traditionaliste ou idéologiquement totalitaire. Mais s’il nie qu’il
ré-institue une validité, ces critères sont ceux d’une authenticité. De même en amont le
sceptique a des critères pour estimer si son attitude n’est qu’une posture ou si elle a à voir
avec une expérience profonde d’aphasie et d’ataraxie. Plus globalement, la connaissance de
soi induit un point de vue individuel, nul ne peut atteindre par des concepts universels ce qui
ressort de l’unicité d’un individu, mais en même temps, cette connaissance n’en demeure pas
moins plus ou moins authentique et donc en sens plus ou moins vraie de ce même point de vue
individuel. D’ailleurs est-il donc concevable de juger vraie une pensée venant d’une source qui
se pourrait être non-authentique ? Ainsi face à cette vision de « chacun sa vérité », certains
philosophes s’opposent et affirment que la vérité de notre individualité n’est pas un don reçu
par tous mais qu’elle est la quête de toute une vie. En effet nos soi-disant opinions
personnelles s’avèrent souvent des préjugés sociaux et des déterminismes psychologiques.

 Partie III – Le pluralisme des points de vue individuels n’empêche pas de


chercher la vérité de son âme.

A – La vérité indubitable de notre ego se trouve dans la prise de conscience de sa volonté


infinie.

La recherche de la vérité conçue comme un accouchement harmonieux de notre âme dans le


tout de l’univers est un travail de longue haleine indispensable à l’épanouissement de la nature
humaine. La connaissance de soi révèle une dimension universelle de soi ; la conscience. Ainsi,
l’enjeu est ici tant individuel qu’universel comme le souligne le doute cartésien de Descartes.
Distinct du doute Sceptique, définitif et radical, le doute est chez Descartes une méthode et
un procédé par lequel on rejette provisoirement tout ce qui n’est pas certain, d’une évidence
absolue. Il faut donc se résoudre à admettre comme vérité, uniquement les idées dont il ne
nous est pas permis de douter. Mais, comment-il possible d’accéder aux fondements absolus de
la vérité ? Quand on doute radicalement, il semble y avoir une contradiction entre la
démonstration du doute et le doute lui-même. Pour le penseur, cette contradiction peut être
surmontée dès lors que l’on distingue celui qui doute du doute lui-même. Ainsi, on peut
remettre en question notre identité personnelle mais absolument pas la conscience de cette
identité. Ce doute qui est une forme de conscience rend possible la mise à distance de tous les
fondements ce qui permet la saisie du « Cogito » Le Cogito est d’abord important en ce qu’il
dit « je » et pas « il » (Dieu) ; « je » et pas « nous » (la société) ; « je » et pas « on » (la foule
anonyme). Il s’agit d’un tournant radical dans notre civilisation car l’homme prend conscience
de lui en tant que personne. Le Cogito nous assure donc de la certitude de l’Ego dans le sous où
« je pense donc je suis ». En effet, « je pense que je doute, moi qui suis qui pense que je
doute, je pense donc je suis ». Descartes pointe ici un ego non corporel, non lié à une
mémoire, etc. Descartes pointe donc l’ego de la liberté, notre volonté infinie. Renoncer à la
vérité revient à renoncer à la liberté infinie de l’ego car renoncer à rechercher la vérité
revient à ne pas assumer notre personnalité du fait de posséder une telle liberté. Par son
raisonnement, le penseur affirme qu’il existe donc une vérité indubitable à laquelle on ne peut
s’opposer : nous sommes. Nous existons par conséquent en tant que conscience, qui est elle-
même l’essence de la pensée intellectuelle, émotionnelle et sensible. Il est donc impossible de
douter de notre réalité personnelle et donc de l’existence d’une vérité suprême, mais nous
pouvons douter du reste car, selon le philosophe, le doute radical permet d’être libre. En
effet, l’ego qui a douté radicalement est libre de son corps, de ses passions et de ses idées
même s’il reste en lui–même une certitude indubitable. Ainsi Descartes reconnaît que même si
je doute, je ne peux douter que je doute. L’homme doit donc se résoudre à croire en
l’existence d’une vérité suprême, car s’il nie la vérité, il nie qu’il existe, or il pense donc
fondamentalement il existe ; c’est une certitude, donc il n’a d’autres choix que de se
soumettre à l’idée que la vérité existe. Ainsi, Descartes présente une philosophie tempérée,
qui refuse d’admettre que toute chose soit une certitude car notre personnalité elle ne l’est
pas, mais qui refuse également l’idée que tout ne soit qu’illusion car l’identité personnelle elle
est indubitable.

B – S‘ouvrir à la vérité de notre âme est plus profond que s’accrocher à toutes nos
croyances égocentriques.

Néanmoins, la conception Socratique ne s’accorde pas à celle de Descartes, car il est vrai que
le « connais-toi toi-même » de Socrate n’est en rien l’ego cartésien. Pour Socrate, l’âme n’est
pas plus mentale qu’émotionnelle, même si elle a un reflet mental soit discursif et en reflet
émotionnel soit l’intelligence du cœur. Selon Socrate, le seul moyen d’éviter le mal est de
savoir, de connaître … Face aux contenus de la conscience, il n’y a pas de choix possible ou de
liberté. On n’est pas libre de nos opinions mais on parvient plus ou moins à entrevoir la vérité
malgré la nasse mentale, vitale et physique où notre âme est enfermée. D’après le philosophe,
l’Homme est manipulé par ses opinions, qui sont en toutes circonstances et de façon
indubitable présentes. C’est d’elles que provient la manière d’être et de penser de l’homme,
car l’opinion n’est autre qu’une interprétation des apparences que l’homme entreprend
spontanément. Cependant, cette incapacité de l’homme à se défaire de ses opinions, n’est en
rien une fatalité ; en effet, le doute est un moyen de discernement. Il s’agit à travers cette
possibilité de voir au-dessus du mental, ce qui l’éclaire. On cherchera par exemple au-dessus
de l’âme ce qui la génère et la régénère. Effectivement, comme le montre son expérience,
Socrate met en avant l’idée que le doute est un pont entre l’ignorance et la connaissance
absolue de toute chose. Ainsi, une pensée juste permettra de se connaître mais il faut avant
tout parvenir à acquérir une pensée dépourvue d’erreurs. Selon Socrate, pour être en vérité il
faut effectuer par le dialogue une déconstruction de l’opinion, qui, par l’attachement
émotionnel du moi qu’elle renferme, fausse un jugement. Nous pouvons dire, en outre, que la
capacité humaine à se poser des questions dans le but de consentir à une certitude est une
vocation morale. Ainsi, l’Homme recherche constamment, parfois même inconsciemment, une
vérité qui pourrait le guider dans ses choix. Aussi, selon la philosophie Socratique, la solitude
permet également de se connaître soi-même, tel que l’on est et non tel que l’on se pense être,
car une remise en question intérieure nous éloigne de nos croyances et de nos opinions que l’on
prend pour des vérités. Cependant, la mise en question doit être radicale afin que notre âme
accouche de la vérité. Nous avons ici affaire à une méthode maïeutique. L’objectif est donc la
clarification qui libère de l’ignorance : s’il y a une sincérité face à l’erreur, l’âme va alors
émerger en dépit de la conscience égocentrique. Dans cette optique, quelqu’un qui n’a pas
abouti à une vérité sur sa personne, est victime de ses pulsions. Pour le philosophe grec, une
déconstruction de l’opinion se révèle inévitable, car la franchise et la sincérité n’excluent pas
l’erreur ; un homme peut être sincère dans son jugement mais il ne dira pas nécessairement la
vérité, mais plutôt sa vérité comme nous l’avons vu. En effet, la véracité est la qualité de
l’énoncé vrai, la franchise est le fait de dire ce que l’on pense et la sincérité est le fait de
penser ce que l’on dit. Or, la pensée peut-être facilement erronée, puisqu’elle est influencée
par toutes sortes de facteurs, ce qui fausse la véracité du jugement. Ainsi, il est important de
dialoguer afin de mettre à terre nos soi-disant certitudes, qui ne sont que des à priori. Par
conséquent, la forme intelligible éclaire le discours mental et le refonde ; c’est une forme
intelligible qui est source de toutes les âmes. De cette manière, il faut assumer l’incertitude
inhérente au discours mental, qui peut prouver tout et son contraire, pour voir en arrière l’âme
qui l’oriente et les formes intelligibles qui peuvent l’éclairer. De ce fait, la vérité a donc
toujours une tournure individuelle, autant qu’une profondeur universelle pour la pratique de la
dialectique Socratique. Cependant, comment est-il possible de reconnaître une vérité dans
l’ensemble de nos doutes ? Le penseur démontre que la confrontation des jugements aboutit à
la suspension de nos pseudos savoirs, ce qui nous permet d’accepter tranquillement notre
ignorance. La dialectique Socratique n’est pas dans l’idée de création ; les dialecticiens comme
Platon, croient en des archétypes éternels. Néanmoins, l’acceptation de notre ignorance nous
conduit sur le chemin de la sagesse, où il semble impossible de se détourner de la vérité,
puisque nous sommes conçus pour la rechercher. Par conséquent, l’Homme dispose d’une
fonction morale instinctive qui est de se poser des questions ; le doute qui en découle permet
de faire tomber nos certitudes prématurées, ce qui nous rend possible l’accès à la vérité. Ainsi
en l’Homme, le doute et la vérité sont étroitement liés puisque l’un induit l’autre.

 Conclusion

En conclusion, pour les pragmatistes, l’expérience et l’observation est la base de toute vérité,
ce qui induit la véracité de la vérité cohérente et celle d’adéquation. Effectivement, la
première trouve une vérité indubitable grâce à la cohérence de plusieurs jugements et la
seconde accède à une vérité absolue grâce à la concordance des idées et des faits. Néanmoins,
alors que les positivistes voient là la meilleure possibilité de répondre à la plus grande
interrogation que constitue la vérité, les Sceptiques ainsi que les Relativistes déconstruisent
leurs certitudes en affirmant que la vérité existe, certes, mais qu’elle est introuvable et de ce
fait elle génère plus de troubles que de solutions. Ainsi, selon ces penseurs, rien ne sert de
perdre notre temps à courir après une chose qui a tant de chance d’être plus réelle
qu’illusoire. De cette manière, ils rejettent l’idée de vérité comme ils rejettent toute idée
d’une absoluité de la douleur pour s’en soulager. Face à des positivistes qui pensent que
chaque chose a une part de vérité, et aux sceptiques qui doutent de tout, Descartes émet
l’idée qu’il existe bien une certitude qui est celle d’un ego libre, et démontre ainsi que
renoncer à la vérité, serait, renoncer à la liberté infinie de l’ego, car s’abstenir de rechercher
la vérité par le doute revient à ne pas assumer la liberté rendue disponible à notre personne.
Au-delà de la conception cartésienne, Socrate affirme que le seul moyen d’éviter le mal qu’est
l’ignorance est de savoir. Or, la vérité est une source de savoir infinie, ce qui pousse Socrate et
ses disciples à la rechercher à travers la dialectique, car assumer l’incertitude du discours
mental qui est capable d’affirmer tout et son contraire, permet de voir les formes intelligibles
qui éclairent et orientent l’âme. Ainsi, une mise en question radicale de soi permet à notre
âme d’accoucher de la vérité, ce qui prouve malgré tout qu’une vérité subsiste et que la
fonction première de l’Homme est de la rechercher. Autrement dit, avec Bergson, il n’y a pas
de vérité définitive, puisqu’elle est toujours en évolution, en autocréation de sa manifestation.
On ne peut donc pas posséder la vérité comme quelque chose de matériel, mais seulement
l’incarner plus ou moins bien, pour tendre à un épanouissement intérieur. Enfin, un homme en
accord avec la vérité n’est-il pas un homme en harmonie et donc heureux ?

  Version 2. Peut-on renoncer à la vérité ?

Un corrigé du professeur.

I. Introduction problématique.

A l’heure où des fanatiques de tout bord veulent précipiter nos sociétés dans le chaos, on peut
légitimement se demander s’il ne faut pas renoncer à la vérité. Mais à vrai dire, peut-on
renoncer à la vérité ? Certes il y a certains dogmatismes religieux et moraux que les approches
relativistes et sceptiques nous permettent de rejeter. Mais les relativismes sont-ils tous de
même valeur ? Un certain cynisme contemporain par scepticisme et relativisme ne s’autorise-t-
il pas au pire ? D’où peut-on se placer pour affirmer qu’il faut renoncer à la vérité sinon déjà
d’une certaine conception de la vérité ? Des attitudes sceptiques ou relativistes face à ces
reproches seront plus ou moins authentiques. Et parler d’authenticité plus ou moins
approfondie n’est-ce pas réintroduire une certaine forme de vérité ? Au final, ne faudrait-il pas
plus simplement distinguer ceux qui prétendent avoir la vérité de ceux qui font des efforts pour
être en vérité ? La réflexion nécessaire pour être et agir en vérité peut-elle réhabiliter une
forme de vérité qui n’aura plus rien de dogmatique ?

II. Il faut renoncer au dogmatisme de la vérité.

1. Le dogmatisme intolérant rend nécessaire le relativisme.

Si on fait le bilan des deux derniers millénaires, n’est-ce pas la prétention à la vérité qui aura
causé le plus de massacres ? Les totalitarismes du XXe siècle ne sont-ils pas en quelque sorte la
prolongation de l’esprit qui animait ceux qui menèrent croisades, jihads et autres guerres de
religions ? Là où les religions se contentaient souvent de la foi et utilisaient le raisonnement
pour réaffirmer la nécessité de la foi, les totalitarismes du XX e siècle ont prétendu fonder leur
discours sur la science moderne. Les communistes se sont réclamés d’une science économique
du devenir des classes sociales et les fascistes d’une science du devenir des races, des cultures.
A y regarder de plus près, certaines affirmations de ces pseudosciences sont des dogmes
discutables. D’autres sont à vrai dire tellement immunisés à la discussion qu’ils sont
irréfutables. Mais l’irréfutabilité loin de prouver une vérité ne révèle-t-elle pas tout son
dogmatisme ? La science authentique n’a jamais eu une telle prétention à la vérité : elle est
par définition révisable dès lors que son discours théorique ne rend plus compte de
l’expérience. 
La pensée relativiste est fondée sur le respect de la liberté de conscience car elle affirme que
chacun d’entre nous avons un point de vue insubstituable sur la vie. Notre point de vue est
radicalement unique et donc tout discours de vérité à prétention universaliste s’évertue à
gommer cette multiplicité et individualité des points de vue. Certes nous avons besoin pour
agir de certaines références communes mais qu’on observe les différences d’une communauté
à l’autre, nous devrons constater que chaque société, chaque culture a développé un point de
vue individuel incommensurable aux autres cultures. Nos cultures n’ont pas d’étalon pour se
comparer ou pour traduire en profondeur l’échelle de valeurs et donc le mode de vie individuel
inhérent à d’autres cultures. Si nous prétendons le contraire soit nous nous positionnons au-
dessus des autres cultures et nous les forçons à adopter notre point de vue soit nous décidons
de construire de toute pièce un point de vue commun jusque là inexistant. Les deux attitudes
ne sont pas exclusives l’une de l’autre à vrai dire. Nos politiques d’intégration à la République
française d’une immigration de cultures diverses et variées procèdent des deux logiques. Les
droits de l’homme, le principe de laïcité,etc. imposent un espace publique commun où chacun
renonce à imposer sa vérité religieuse, ses mœurs à tous les autres. Non seulement chacun est
invité à renoncer à faire prévaloir sa vérité culturelle mais en outre chacun doit faire l’effort
de s’ouvrir tant que possible au dialogue avec les autres perspectives. La coexistence des
communautés menace le principe républicain qui se nourrit de l’intégration des perspectives
diverses dans une identité nationale toujours recréée. Au fond le relativisme est fort quand au
lieu de se contenter d’une coexistence culturelle, d’un consumérisme culturel communautaire,
il devient créateur. Le relativisme est faible quand il se comprend dans le sens de « à chacun
ses goûts, sa façon de vivre, sa vérité, etc. ». Il impulse une tolérance molle qui fait
doucement le lit des communautés les moins tolérantes. Le relativisme est fort quand il entend
non pas imposer une identité culturelle, nationale définitivement claire et close mais quand il
entreprend sans cesse de la refonder, de la faire revivre autrement. Le relativisme est fort
quand il est vivant, quand il est créateur, quand il impose par le dialogue une vie commune et
fraternelle. L’intolérant a toujours une vérité à défendre, à conserver y compris par la violence
la plus destructrice. Le relativiste fort sait persuader car il s’adresse à ce qui demande à vivre,
il lui donne de nouveau contour, un nouvel espace. Il se méfie d’une démocratie du consensus,
il préfère une démocratie du dissensus où le dialogue est plus vif, exigeant de chacun plus
d’habileté et de créativité. Il se méfie d’un accord immédiat, il préfère des accords autour de
désaccords. Quand il recourt exceptionnellement à la violence, il s’agit toujours d’une violence
au service de la vie créatrice. Les totalitarismes et les fondamentalismes communautaires ou
religieux se sont avérés plus ou moins rapidement des puissances de mort : les cultures sont
pertinentes et vivantes lorsqu’elles surgissent mais dans de nouveaux contextes, elles peuvent
devenir inadaptées si elles ne se renouvellent pas. Il ne s’agit pas de les juger : il serait inutile
d’affirmer que notre art contemporain cinématographique est plus noble que l’art
préhistorique tel qu’il se voit dans les grottes de Lascaux ; il convient de remarquer que notre
art est profondément enraciné dans les problématiques de notre époque comme le fût celui de
Lascaux. On peut admirer là les traces signifiantes d’un monde humain viable en son temps
mais dont le sens nous échappe en partie et qui n’est pas reproductible au temps
d’aujourd’hui. Le relativisme fort estime que la croyance en une vérité traduit une logique
identitaire conservatrice forte qui risque de manquer la nécessité de l’adaptation aux
circonstances fluctuantes de la vie.

2. Le scepticisme abolit tout dogmatisme moral sans abolir la morale.

Le relativisme fort démocratique en lutte contre tous les dogmatismes valorise le dialogue
comme processus de valorisation sans affirmer une vérité du dialogue. Les défenseurs de la
notion de vérité ont repéré à ce sujet une apparente contradiction : affirmer qu’il n’y a pas de
vérité et le promouvoir, n’est-ce pas prendre un point de vue divin pour dire qu’il n’y a pas de
point de vue divin ? Par ailleurs, ils ne manquent pas de faire cette objection : renoncer à la
vérité, n’est-ce pas renoncer à la vérité morale ? Partant de là, comment valoriser le dialogue ?
Le relativiste démocrate en prenant inconsciemment un point de vue divin pour dire qu’il n’y
en a pas, ne va-t-il pas, malgré lui, empêcher l’émergence d’une vérité du dialogue ? Enfin
devant une valorisation d’un refus du dialogue, comment le relativiste démocrate pourrait-il en
réaffirmer la valeur supérieure sans prétendre au moins rhétoriquement à une forme de vérité
morale ? 
A vrai dire, le relativiste peut faire appel au scepticisme qui permet de se défaire de ces
difficultés. La démarche sceptique utilise en effet le dialogue pour suspendre le jugement et
reconnaître que toute forme de vérité est inatteignable. Un sceptique authentique ne dit pas
que la vérité n’existe pas, il dit que l’esprit humain n’a pas les moyens de l’atteindre si elle
existe.
Premièrement, face au dogmatique qui nous assure qu’il y a une adéquation entre le réel et
nos représentations, le sceptique fait remarquer que nous n’avons pas accès aux choses en soi,
nous n’avons affaire qu’à des apparences jaillissant dans la conscience. Nous ne pouvons pas
savoir si ces apparences sont des illusions ou si elles sont l’effet de choses extérieures. Voyons-
nous une image de bureau qui correspond à un bureau réel en dehors de notre esprit ou cette
image est-elle illusoire ? Le sceptique affirme que nous ne disposons d’aucun moyen de
trancher : il nous faut donc suspendre notre jugement. Le relativiste reprenant ceci estimera
que nous n’avons que des interprétations du monde des apparences à notre disposition et que
leur validité dépend au final de nos valorisations interprétatives.
Deuxièmement, face au dogmatique qui nous voudrait exclure le scepticisme et le relativisme
au nom d’une cohérence de nos raisonnements, le sceptique rappellera qu’il y a un pluralisme
logique indépassable. Rien ne nous permet de déduire telle réalité à partir de telle logique
puisque plusieurs logiques cohérentes incompatibles sont possibles. Lorsque le dogmatique
affirme que nier la vérité implique la vérité, le sceptique rappellera que la proposition il est
faux qu’il n’y a pas de vérité n’impliquerait qu’il y aurait une vérité que si le principe du tiers
exclu avait une validité absolue. Or il s’avère que le principe du tiers exclu ne vaut pas dans
l’absolu, il existe des logiques du tiers inclus où la proposition non non A n’est pas forcément
A. Pour le sceptique, la proposition « la vérité existe » est une proposition indécidable comme
celle du menteur crétois qui affirme que les crétois sont tous des menteurs. Le relativiste
complétera le point de vue sceptique en affirmant que le caractère indécidable de ce type de
proposition nous ouvre précisément un espace de création au-delà des limites de la cohérence
entre propositions. 
Enfin quant à la question morale, le sceptique n’affirme donc pas qu’il n’y a pas de vérité
morale. Il affirme qu’il est aisé d’en douter. Qui d’ailleurs n’en a pas douté quand il avait
envie de satisfaire une envie immorale ? Le sceptique authentique sait que l’apparence la plus
difficile à vivre comme une apparence est précisément le sentiment de soi, l’ego. Douter de la
morale ne donne-t-il pas plus de champ à cet ego qui se croit plus réel qu’elle ? Le sceptique
invitera donc à douter des doutes sur la morale : la morale a au moins une valeur relative pour
attaquer l’illusion d’un ego qui refuse de se considérer à la lumière de la conscience telle
n’importe quelle autre apparence. Cette relative valorisation de la morale évite non seulement
de la rejeter mais aussi de la poser comme une vérité absolue à la façon des dogmatiques.
Sceptiques et relativistes savent que considérer la morale comme une vérité absolue aboutit
forcément à un moralisme conservateur. L’ego dogmatique va, en se conduisant moralement,
affirmer d’autant plus sa réalité : en se targuant de sa moralité, il va à l’encontre de l’esprit
de la morale renforcer son égocentrisme ; en dénonçant et en persécutant ceux qui ne seraient
pas moraux, il va donner libre cours à son agressivité égocentrique tout en se donnant bonne
conscience. L’usage sceptique le plus authentique de la morale a vraiment pour but de
surmonter l’illusion égocentrique et de considérer l’ego comme une apparence de l’esprit
parmi d’autres, la morale n’est pas une fin en soi, elle n’a qu’une valeur relative. Le relativiste
peut trouver là la confirmation radicale de son appel à se libérer de toute logique identitaire
et à en entrer dans un processus créateur continuel de l’identité.

III. Il y a une authenticité à laquelle on ne peut pas renoncer.

1.Les limites de l’enseignement sceptique.

Cependant, si on admet que la philosophie sceptique est le soubassement théorique du


relativisme démocratique. Nous devons reconnaître que pour vraiment répondre aux objections
dogmatiques, il doit se montrer d’une authenticité forte. Le relativiste reprenant son discours
sur l’authenticité de la culture de Lascaux incommensurable avec celle de l’art contemporain
dira qu’il s’agit d’une authenticité adaptée à la résistance dogmatique. Selon lui, il n’y a pas
un progrès de l’authenticité, il y a une évolution, une adaptation relative de l’authenticité à
une nouvelle situation. Cela se passe comme dans Alice au pays des merveilles où la reine
rouge explique qu’il s’agit de courir aussi vite que le paysage pour rester sur place. A vrai dire,
le scepticisme comme le relativisme ne sont pas des doctrines philosophiques. Ce sont des
techniques rhétoriques pour déconstruire ce que les dogmatiques présentent comme vérités
indubitables. 
Toutefois si nous admettons que le scepticisme est authentique quand vraiment toutes les
apparences y compris celles concernant le sentiment de soi sont vécues comme des
apparences, nous avons là un critère décisif d’authenticité dans la transmission de
l’enseignement sceptique. Il ne s’agit pas seulement d’une posture intellectuelle, il s’agit
d’une éthique. Dans l’antiquité, le scepticisme visait une suspension du jugement radicale
concernant les apparences de sensations, d’émotions et de pensées au point de produire une
aphasie, un silence de l’esprit induisant un état d’ataraxie, c’est-à-dire de calme, de sérénité
et de tranquillité quelles que soient les circonstances. Le scepticisme était une école de
philosophie paradoxale puisqu’elle affirmait ne pas être une école et ne pas délivrer un
enseignement. On peut convenir qu’il ne s’agit pas d’une doctrine mais on ne peut nier une
certaine méthodologie, un ensemble d’exercices psycho-corporelles et de critères pour jauger
du progrès dans la pratique. Parler d’authenticité ne peut pas ici consister seulement à parler
de formes de vie incommensurables parce qu’elles existent dans des situations différentes et
que parce qu’elles sont vivantes et se reproduisent, elles sont suffisamment adaptées. Ici
l’authenticité renvoie à une qualité d’être. Certes cette qualité d’être ne se prétend pas une
qualité absolue comme chez les philosophes dogmatiques mais force est de constater qu’elle
s’approfondit d’autant plus qu’elle apprend à nous libérer de toutes les forteresses mentales
dogmatiques. Malgré eux, le sceptique et le relativiste restaurent une forme de vérité, celle
qui concerne la qualité d’être. Il n’y a pas une unique qualité d’être, il y en a de multiples
mais chaque qualité d’être peut être plus ou moins authentique. Parmi ces qualités d’être,
l’une concerne l’égocentrisme de la conscience : affirmer avoir une vérité comme le fait le
dogmatique implique une forme d’égocentrisme et donc renoncer à avoir la vérité donne une
qualité d’être, ce qui implique une manière d’être en vérité.

2.De la docte ignorance socratique.

Socrate affirmait qu’il savait, avant tout une chose, ne rien savoir. Il ne se situait donc pas
dans une position dogmatique mais contrairement aux sceptiques ou aux relativistes, il ne niait
pas apprendre. Si on considère ses différents héritiers, on peut s’étonner de la multiplicité de
leur point de vue. On voit ainsi à côté de Platon dont l’amour tire l’âme vers le monde des
idées, Antisthène apprendre à se contenter de peu et Aristippe exercer à jouir du moment
opportun au plaisir avec détachement. Socrate n’a pas des élèves à qui il transmet un savoir
uniforme. A vrai dire il a appris à chacun de ses disciples à apprendre par lui-même la qualité
d’être dont il est porteur individuellement. Platon évoque au sujet de Socrate un art de la
maïeutique, un art de faire accoucher les esprits du savoir qu’il recèle en eux-mêmes. Socrate
dépouille et libère de toutes les entraves dogmatiques comme le feront les sceptiques, il
apprend donc à se libérer de toute forme de forteresse mentale, mais il le fait pour qu’il y ait
prise de conscience d’un savoir enfoui au milieu des préjugés, des citations, des imitations et
des réactions. Socrate apprend donc aux individus qui le rencontrent à devenir davantage eux-
mêmes en devenant lui plus sensible à son génie (daimon) mais son sens de l’authenticité
l’éloigne du relativisme démocratique fort des sophistes de son temps tels Protagoras ou
Gorgias. En effet s’il sait ne pas posséder la vérité, il sait qu’en assumant son ignorance, il la
surmonte. Connaître son ignorance, revient à apercevoir ce qui la fait peu peu disparaître.
Socrate ne possède pas la vérité mais il sait être de plus en plus en vérité. La qualité d’être est
pour lui première par rapport à toutes les prétentions à la vérité. Les dogmatiques de son
temps étaient incarnés par ceux qu’on nommait les physiciens tel Anaxagore dont le Phédon de
Platon fait mention. Ils donnaient des réponses théoriques aux événements en invoquant des
transmutations matérielles mais ces explications ne rendaient pas compte de l’action éthique,
de la qualité d’être. Là encore avec Socrate, il faut apprendre à renoncer à une vérité
objective au sens où elle serait un objet intellectuel manipulable par n’importe qui se prêtant
au jeu du raisonnement et de l’observation des phénomènes d’une expérience subjective de la
recherche de la vérité dont l’exercice conduit à changer la qualité d’être de la subjectivité de
celui qui l’exerce. 
Nicolas de Cusa durant la renaissance évoqua à propos de la démarche de Socrate l’idée de
docte ignorance. Celui qui devient au point de reconnaître la misère de son savoir reçoit une
lumière qui le guide vers plus de savoir et lui permet de ne plus agir partir de son ignorance.

IV. Il y a une vérité non dogmatique : un processus de recherche et d’évolution vers plus
d’être.
1. S’éloigner de l’erreur, l’illusion et le mal pour mieux être en vérité.

Si on prend au sérieux la démarche socratique de la docte ignorance, il ne s’agit donc pas tant
de renoncer à la vérité qu’on ne possède pas mais de renoncer à l’ignorance qui s’ignore.
L’ignorance se maintient ignorance au moins par le biais de l’erreur, de l’illusion et du mal.
L’erreur est l’envers du vrai. L’illusion est l’envers du beau. Le mal est l’envers du bien. Le
vrai, le bien et le beau sont hors de portée et nous ne sommes pas en mesure en tant que
conscience humaine d’envisager leur unité. Ce qui est vrai n’est ni forcément beau ni
forcément bien ; une fiction peut être belle sans être vraie ou morale ; enfin la bonté exige
parfois de mettre entre parenthèse la recherche du vrai et dénonce la séduction exercée par le
mal. Cependant en renonçant à certaines erreurs, nous sommes plus dans le vrai ; en renonçant
à certains maux, nous aimons mieux le bien ; en renonçant à certaines illusions, notre amour
du beau s’avère plus authentique.

a. De l’objectivité affinée à la qualité de subjectivité.

Il y a un pluralisme logique irréductible en ce qui concerne la cohérence de nos propositions


mais dans une logique donnée nous devons reconnaître qu’il y a des erreurs. Il y a une
interprétation des apparences mais certaines interprétations ont le pouvoir de nous faire
découvrir un nouveau plan d’apparences jusqu’ici inconnu tandis que d’autres interprétations
parfois persistent à nier l’évidence des faits. Le plan atomique ou plus récemment les trous
noirs sont des apparences qui ont été conçus au niveau interprétatif avant d’être aperçus au
niveau sensible. Ainsi l’évolutionnisme dont notre relativisme se fait l’écho avec ses notions
d’adaptation ou en appliquant la métaphore de la reine rouge afin de dissocier évolution et
progrès est plus qu’une théorie conjecturelle sur le développement du vivant : le niveau vivant
des apparences évolue et nous fait évoluer comme le confirme les traces des apparences
passées. Le vrai quand il concerne l’ensemble que forme le sujet et l’objet implique une
attitude déontologique. Il n’y a pas une objectivité sans une certaine qualité de subjectivité.
Qui sait dans quelle mesure les lumières les plus décisives gagnées contre l’ignorance
n’impliqueraient pas une évolution fondamentale de notre qualité de subjectivité ? Les
physiciens et mathématiciens impliqués au XXe siècle dans la mécanique quantique, la relativité
et l’astrophysique témoignent d’expériences d’états de conscience suprarationnels. Ne
retrouveraient-ils pas des états d’être que Platon ou les néo-platoniciens essaient de décrire
quand ils évoquent une ascension de l’âme au-delà du raisonnement analytique et discursif
dans un monde où on contemplerait les essences mêmes de la réalité ? Quoi qu’il en soit du
sens ultime de ces expériences intuitives suprarationnelles, il faut une soif de vérité qui
détruise toutes les tendances dogmatiques d’enfermer la vérité dans un système de pensée
analytique et discursif pour dépasser la conscience mentale usuelle des apparences. Le
scepticisme offre donc une méthodologie nécessaire pour briser toutes les tendances
dogmatiques et pour s’arracher à la pensée analytique afin d’aller au-delà des frontières
usuelles de la pensée. Mais si le scepticisme et le relativisme en viennent à nier ce
dépassement intuitif possible des frontières usuelles de la conscience ne participent-ils pas à
cet enfermement qu’ils reprochent tant au dogmatisme ?

b. Du mal évité au devenir de l’intelligence du cœur.


Nos morales ne sont pas le bien et c’est là l’erreur des moralistes. Cependant une morale
centrée sur les intérêts du clan n’a qu’un rapport étroit au bien. Et les XIX et XX e siècle auront
souffert de morales centrées sur des intérêts ethniques et nationalistes. Les moralistes de
toutes les époques ont toujours étonnamment fait de la morale de leur temps le sommet de la
vie morale. Jésus-Christ a le mérite d’avoir repéré cette tension en distinguant la loi et
l’Esprit. Le bien n’est pas simplement l’application d’une loi. La loi donne des indications pour
éviter certains maux. Ainsi la Règle d’or, « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on
te fasse » est pour Jésus-Christ insuffisante. Il propose une Règle d’or inversée : « Fais à autrui
ce que tu voudrais qu’on te fasses ». Mais à vrai dire il s’agit de savoir quel est le bien qui
convient à l’autre. Au-delà des lois morales, il s’agit donc de développer une intelligence du
cœur. Là encore il est plus question d’une qualité d’être en devenir que d’une saisie
intellectuelle d’une vérité. La raison dans sa force critique permet sans aucun doute de
clarifier ce qu’on croit venu du cœur alors qu’il s’agit encore d’un désir égocentrique mais
quand le cœur est assez libre des préférences égocentriques il a ses propres intuitions. 
L’approche sceptique de la morale aboutit comme nous l’avons vu à nous détacher de l’illusion
d’une évidence de l’ego soit en utilisant la morale contre les tendances égocentriques, soit en
relativisant la morale contre les tendances de l’ego à s’en prévaloir. Mais si les approches
sceptiques et relativistes nient ici encore un élargissement possible de la conscience à une
intuition du cœur, ne risquent-elles pas d’aller à l’encontre d’une extension de la conscience
humaine d’un individu en terme de qualité d’être ?

c. Vers l’authenticité de l’être.

Le scepticisme et plus encore le relativisme ne peuvent s’empêcher de tomber dans des


paradoxes quand il est question d’authenticité et de qualité de subjectivité. Si le discours
moral du scepticisme est juste, on ne peut plus comprendre n’importe comment l’exhortation
à « devenir soi » du relativisme. La relativisation de l’idéal de perfection du soi implique une
relativisation du goût mais si elle met en jeu l’illusion égocentrique nous devrons préciser son
authenticité à l’encontre de certaines interprétations du relativisme. 
« A chacun ses goûts », affirmera le relativiste au sens faible. Le relativiste qui se veut fort
refuse d’être un consommateur dont les préférences sont dictées par d’autres et il rejette
cette formule « à chacun ses goûts » au sens faible pour la comprendre au sens fort, c’est-à-
dire en vue de promouvoir une création, une individualisation créatrice du goût. Dès lors il faut
bien admettre que même si une individualisation créatrice ne peut se soumettre à des critères
de beauté, d’authenticité ou de perfection qui se voudraient universels, certaines
individualisations créatrices ont ou auront un impact plus universels que d’autres. Kant, en ce
qui concerne le sentiment de beauté, a remarqué qu’il fallait le distinguer de l’agréable qui
répond à nos goûts individuels. L’agréable produit en nous un plaisir intéressé lié à la
satisfaction de nos préférences. Le sentiment de beauté produit un plaisir désintéressé sans
rapport à nos préférences. Si on veut préciser ce dont il s’agit, nous pouvons essayer de décrire
phénoménologiquement ce sentiment de beauté : il ne met pas en jeu le sujet et son objet
d’agrément, il consiste au contraire dans le dépassement de la dualité entre un sujet et un
objet. Quand un passage de musique produit le sentiment de beauté, il nous ravit, c’est-à-dire
qu’il produit comme un effacement momentané d’un effort d’écoute, le passage musical en
question est juste écouté dans une conscience où il n’y a plus l’intention de saisir quoi que ce
soit. Quand l’agréable se produit, il y a l’intention d’un ego qui essai de jouir de son plaisir.
Dans le sentiment de beauté, il n’y a personne qui essaie de tirer profit du plaisir. Le plaisir
désintéressé inhérent au sentiment de beauté au contraire a comme fait disparaître
l’égocentrisme de l’ego : l’ego est ravi par la beauté, la beauté l’efface ou le ressuscite
universel avec le désir de partager quelque qu’il a reconnu comme au-delà de ses préférences
et de ses valorisations personnelles. La beauté distincte de l’agréable révèle qu’il y a des
valorisations à portée universelle car profondément non égocentriques. L’approche morale
sceptique qui vise à une conscience de l’ego comme apparence malgré la certitude généré par
son égocentrisme rencontre ici un soutien esthétique. Le relativisme fort d’un Nietzsche est
souvent à l’inverse une titanisation de l’ego, il est une apologie de l’ego égocentrique
universalisé reniant incidemment la critique de la certitude de l’ego et de la conscience
produite par ailleurs.

2. l’exploration de la conscience d’être et l’évolution créatrice de la conscience d’être.

Notre analyse de l’expérience de beauté suggère qu’il y a une expansion de l’ego qui n’a rien
d’égocentrique et qui a une qualité d’être supérieure dans la mesure où la conscience qui la
connaît a le pouvoir de reconnaître de distinguer une valorisation égocentrique et narcissique
de soi d’une valorisation proprement à portée universelle. La qualité de subjectivité dont il a
été question jusqu’ici reçoit un éclairage décisif, la vérité exige de dépasser la conscience
égocentrique non pas pour se défaire de toute individualité et personnalité mais de s’en
défaire pour vraiment que les dimensions individuelles de la conscience se fondent dans ses
dimensions universelles, immanentes et transcendantes. L’intuition contrairement aux
traditions rationalistes ou aux traditions spiritualistes qui les interprètent comme des essences
éternelles dont le monde serait une copie sera ici interprétée comme créatrice. La
transcendance serait vue non pas comme ce qui cause la création mais aussi comme ce que
projette au-delà de soi-même l’immanence. La conscience en évolution créatrice serait donc la
vérité qui s’esquisse à travers le rejet de l’erreur, du mal et de l’inauthenticité. Mais si on y
réfléchit le terme de vérité est-il adéquat pour désigner une réalité qui serait une évolution
créatrice de plus en plus consciente de la conscience ? Si la création à travers l’intuition et
l’individualisation de la conscience est le sens ultime de l’évolution, y aurait-il des vérités ? Au
sens d’une saisie intellectuelle, il n’y en aurait aucune. Certes il y aurait des généralités
intellectuelles authentiques mais elles prendraient sens si celui qui les entend découvre avec
elles comment mieux individuellement s’harmoniser avec cette conscience créatrice dont il est
un vecteur. Ultimement, ce serait à chacun d’inventer son chemin de vérité, puisque ce serait
à chacun d’incarner la qualité de subjectivité dont il serait porteur, qualité de subjectivité qui
met en jeu le devenir universel de la conscience de l’être.

V. Conclusion.

Pascal qui parlait des nains sur l’épaule des géants voyait juste. La vérité n’est pas quelque
chose de fixe. Toute tentation dogmatique est vouée à l’échec : la querelle des anciens et des
modernes est tranchée. Nous renonçons volontiers à la vérité au sens dogmatique. Mais au-delà
d’une accumulation de savoirs, d’un progrès de la connaissance au sens moderne, c’est d’une
vision de l’avenir dont il est question, une vision créatrice qui en change le cours ici et
maintenant. Nous ne renonçons pas vraiment à la vérité comme un certain postmodernisme
sceptique et relativiste nous y invite mais à vrai dire si la liberté créatrice est ce qu’elle
désigne, peut-on définir la vérité positivement ? La recherche de la vérité est selon nous un art
de libérer la liberté créatrice qui est en nous individualisation, universalisation et intuition.

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