Vous êtes sur la page 1sur 54

République Du Sénégal

Un Peuple – Un But – Une Foi

MINISTERE DE L’EDUCATION MINISTERE DE L’EMPLOI, DE LA


NATIONALE FORMATION PROFESSIONNELLE ET
DE L’ARTISANAT

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

INSPECTION D’ACADEMIE DE PIKINE-GUEDIAWAYE


EN COLLABORATION AVEC L’INSPECTION GENERALE DE L’EDUCATION ET DE LA
FORMATION (IGEF)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

CONVENTION DE PARTENARIAT ENTRE


L’INSPECTION D’ACADEMIE DE PIKINE-GUEDIAWAYE ET
LA CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS (CDC)
Interdit à la vente

FASCICULE DE
PHILOSOPHIE

Offert par :
- la CDC
- la Ville de Guédiawaye
- la Ville de Pikine

Février 2020
République Du Sénégal
Un Peuple – Un But – Une Foi

MINISTERE DE L’EDUCATION MINISTERE DE L’EMPLOI, DE LA


NATIONALE FORMATION PROFESSIONNELLE ET
DE L’ARTISANAT

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

INSPECTION D’ACADEMIE DE PIKINE-GUEDIAWAYE


EN COLLABORATION AVEC L’INSPECTION GENERALE DE L’EDUCATION ET DE LA
FORMATION (IGEF)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

CONVENTION DE PARTENARIAT ENTRE


L’INSPECTION D’ACADEMIE DE PIKINE-GUEDIAWAYE ET
LA CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS (CDC)
Interdit à la vente

FASCICULE DE
PHILOSOPHIE

Offert par :
- la CDC
- la Ville de Guédiawaye
- la Ville de Pikine

Février 2020
SOMMAIRE

Domaine 1 : La Réflexion philosophique………………………………………….P.6

Domaine 2 : La Vie sociale…………………………………………………………….P.21

Domaine 3 : Epistémologie……………………………………………………………P.48

2
COMPOSITION DU COMITE DE PILOTAGE
Le comité qui a piloté l’élaboration du fascicule est ainsi constitué :
- Gana SENE à l’Inspection d’Académie (IA) de Pikine-Guédiawaye (Inspecteur
d’Académie entrant),
- Seyni WADE à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Inspecteur d’Académie sortant),
- Idrissa GUEYE à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Secrétaire général entrant),
- Aboubakry S NIANG à l’IA de Pikine-Guédiawaye (Secrétaire général sortant),
- Adama DIOUF Consultant,
- Saliou SALL au Centre régional de Formation des Personnels de l’Education
(C.R.F.P.E.) de Dakar,
- Mamadou Lamine SYLLA à la Caisse des Dépôts et Consignations (C.D.C.),
- Matar DIOP à la C.D.C.,
- Samane M. GNING à la C.D.C.,
- Magueye SECK à la Mairie de Ville Pikine,
- Salamata LY à la Mairie de Ville Pikine,
- Charles Ousmaïla NDIAYE à la Mairie de Ville de Guédiawaye,
- Pape Maoumy FALL à la Mairie de Ville de Guédiawaye.

COMPOSITION DE L’EQUIPE PEDAGOGIQUE


Le présent fascicule de Philosophie a été confectionné par l’équipe de rédaction
coordonnée par Papa Moussa MBAYE, formateur au Centre Régional de Formation
des Personnels de l’Education (C.R.F.P.E.) de Dakar.
La composition de l’équipe se décline comme suit :
- Malick TALL, Inspecteur à l’IA de Pikine-Guédiawaye,
- Sanoussy BA, Professeur de philosophie au lycée Seydina Issa Rohou Lahi des
Parcelles assainies (ex LPA),
- Moussa FALL, Professeur de philosophie au lycée Zone de recasement de Keur
Massar,
- Germain L. N. KABOU, Professeur de philosophie au lycée Seydina Issa Rohou
Lahi des Parcelles assainies (ex LPA),
- Mayoro NDIAYE, Professeur de philosophie au lycée Pikine-Est,
- Ibrahima SY, Professeur de philosophie au lycée de Pikine,
- Oumar SY, Professeur de philosophie au lycée Seydina Limamou Laye.

COMPOSITION DE LA COMMISSION DE RELECTURE


La composition de la commission de relecture est la suivante :
- Dieynaba BADJI, Formatrice au C.R.F.P.E. de Dakar,
- Marguerite NDIAYE, Formatrice au C.R.F.P.E. de Dakar,
- Momar Lissa FALL, Formateur au C.R.F.P.E. de Dakar,
- Oumar SY, Formateur au C.R.F.P.E. de Dakar.

La commission de relecture a travaillé sous la supervision de l’Inspection générale


de l’Education et de la Formation (I.G.E.F.).

3
AVANT-PROPOS

L’option pédagogique, dans le fascicule, est orientée vers l’entrée par les compétences
requises pour le traitement des exercices proposés en philosophie, la dissertation et le
commentaire.
Les sujets traités mettent ainsi l’accent sur les quatre compétences que sont :
- La Conceptualisation : elle consiste à définir philosophiquement une notion-
problème parce qu’elle engage un double rapport : le rapport de la pensée au
langage et le rapport de la pensée à elle-même. Les notions communes sont
souvent confuses d’où la nécessité de les conceptualiser, c’est-à-dire, leur
donner un contenu précis à partir duquel il est alors autorisé d’engager une
réflexion rigoureuse.

- La Problématisation : elle consiste, au moyen du doute et du


questionnement, à mettre en évidence le problème qui est impliqué dans une
affirmation ou une question. Il s’agit alors de dévoiler les pseudo-évidences, de
bousculer les fausses certitudes, c’est donc mettre en crise la pensée, la
dérouter en ébranlant les convictions les plus profondes pour découvrir la
question philosophique implicite, cachée dans une affirmation ou une question.

- L’Argumentation : argumenter c’est donner des raisons de ce que l’on


affirme. C’est partir d’un raisonnement pour aboutir à une conclusion.
Argumenter c’est démontrer. Les citations et les exemples ne sont pas des
arguments. Les citations servent à étayer une prise de position. Quant aux
exemples, ils n’ont qu’une valeur illustrative. Il est permis à l’élève de faire
appel, non seulement à sa culture philosophique, mais aussi à sa culture
littéraire, scientifique, historique, artistique etc. l’essentiel est qu’il en fasse un
usage pertinent. Ce qui est déterminant dans une argumentation, c’est
l’organisation cohérente des idées. Cette argumentation, on ne peut la
réussir qu’en s’appuyant sur un raisonnement.

- La Communication : cette compétence est avant tout littéraire car elle


consiste à partager ses idées pour se faire comprendre. Cela requiert donc le
respect des règles (règles d’orthographe, de conjugaison, de grammaire, de
logique, etc.) propres à la langue dans laquelle nous nous exprimons, en
l’occurrence, ici, la langue française. Le vocabulaire doit être simple, précis, les
phrases concises avec un usage rigoureux des connecteurs logiques.

Enfin, les exercices traités portent sur trois domaines du programme officiel de
philosophie en vigueur dans les établissements secondaires du Sénégal. L’objectif
principal est de faciliter les conditions d’apprentissage de la philosophie et de permettre
par la même occasion d’apporter des solutions aux difficultés que rencontrent les
apprenants.

4
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE

Sujet 1 : Doit-on s’abstenir de définir la philosophie ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE DES TERMES SIGNIFICATIFS

« Devoir » : formulation d’une obligation qui suppose la liberté du sujet pensant.


« On » : valeur d’universalité, liée à l’anonymat du pronom.
« Doit-on » : le verbe devoir induit une obligation. Une bonne conceptualisation doit
permettre de comprendre qu’en philosophie, le devoir ne s’assimile pas à la nécessité ;
le devoir renvoie à l’obligation et en tant que tel, il peut être accompli ou non, ce
qui signifie qu’il repose sur la liberté de l’individu.
« S’abstenir » : c’est se garder volontairement de, renoncer à, ne pas tenter de,
s’interdire de, s’empêcher de.
« Définir » : donner un sens, circonscrire, délimiter, donner la signification d’une
chose, cerner ses contours, dégager « un ensemble de traits qui circonscrivent un
objet ».
« Philosophie » : au sens large, elle désigne une vision du monde ; au sens
spécifique, la philosophie désigne une activité rationnelle fondée sur l’esprit critique.

N.B. L’analyse des notions essentielles permet d’approfondir la compréhension du


sujet et à partir de là, on est à même de le reformuler correctement.

Reformulation possible : Y a-t-il obligation de s’interdire de définir la philosophie ?

II- PROBLEMATIQUE

Il n’est pas aisé de donner une définition de la philosophie qui échappe à toute
controverse. Ce qui peut sembler décourageant et pourrait conduire à renoncer à toute
tentative de la définir. Cependant, la perspective de ne pas définir la philosophie n’est-
elle pas incompatible avec l’exigence de la quête de la vérité ? La définition de la
philosophie est-elle un acte superfétatoire (inessentiel, inutile) ou présente-t-elle un
enjeu de taille et qui apparaît dès lors comme une décision relevant à la limite d’une
nécessité ? Si on ne la définit pas comment la distinguer de ce qu’elle n’est pas ? Par-
delà toutes ces définitions n’y aurait-il pas un caractère commun qui détermine toutes
les philosophies quelles que soient leur obédience ?

5
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
- Première étape de la réflexion : Validation de la thèse implicite.
« On doit s’abstenir de définir la philosophie » : On a souvent tendance à renoncer à
la définition de la philosophie. Quelles sont les raisons qui pourraient fonder une telle
opinion ?
Argument 1
La diversité des définitions de la philosophie qui sont pour la plupart du temps
divergentes, voire contradictoires, conduit bien souvent à croire qu’il n’est pas
opportun de la définir, de lui donner un contenu qui, de toute évidence sera interrogé.
S’il y a diversité des définitions, cela peut se justifier par le fait que la philosophie est
une pensée personnelle, une prise de position d’un sujet pensant qui vise l’universalité
de par sa dimension rationnelle et critique, ne s’appuyant que sur la seule force
démonstrative érigée en élément de preuve. Ainsi, le débat contradictoire est toujours
autorisé. Ce n’est pas étonnant parce que, dès son avènement, la philosophie se
présente et s’affirme comme un espace ouvert caractérisé par le débat contradictoire.
L’histoire de la philosophie révèle qu’elle se présente sous la forme de la relativité de
conceptions qui s’affrontent et se contredisent de sorte que Kant a pu assimiler la
philosophie à une arène, un champ de bataille où il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. C’est
cette diversité qui fait dire à Sartre que « la Philosophie n’est pas…En fait, il y a des
philosophies » ; autrement, dit il n’y a pas une philosophie universellement acceptée
par tous les philosophes. Chaque philosophe la conçoit à sa manière.
Ceci s’explique par le fait que chaque philosophe pense en fonction de son contexte
socio-culturel, historique, économique et de son profil psychologique. Dans ce cas de
figure, chaque philosophe développe sa propre vision du monde, une vision
personnelle différente de celle des autres philosophes, à partir de l’idée qu’il se fait de
la philosophie. Cette contradiction se comprend parce que dans l’univers grec où elle
a émergé, ainsi que nous l’enseigne Vernant, elle adopta d’emblée les règles du jeu
intellectuel qui sont entre autres, le débat contradictoire, la libre discussion. Chaque
nouvelle théorie est livrée à l’appréciation de tous et soumise à la critique sans
complaisance. C’est bien en effet, dans cet affrontement d’idées que la philosophie
voit le jour. C’est dire que la philosophie est née du débat contradictoire et s’en nourrit.
Est-il alors étonnant de voir apparaître tant de divergences entre les philosophes, de
voir naître des théories et conceptions différentes à l’intérieur de la philosophie ? Si
donc la philosophie se présente sous la forme de conceptions différentes et
contradictoires, il n’est pas surprenant d’avoir des définitions variées et opposées au
point de décourager tout esprit naïf qui tenterait de la définir. L’affrontement entre
théories opposées est sans merci, sans aucun répit. Ce qui rend encore plus difficile la
tentative de trouver une définition unanime de la philosophie.
S’il est vrai que la diversité des définitions de la philosophie peut trouver une
explication dans les différentes conceptions du monde et les orientations théoriques
de chaque philosophe, l’historicité de la philosophie peut aussi être un facteur
justificatif.

6
Argument 2
La philosophie est aussi caractérisée par son historicité. Lorsqu’on parle de l’historicité
de la philosophie, cela signifie qu’elle est engagée dans ’histoire, elle ne naît pas ex
nihilo. En effet, toute philosophie est tributaire de son époque. Parler de l’historicité
de la philosophie revient ainsi à affirmer qu’elle dépend d’un ensemble de facteurs
historiques. Autrement dit, la philosophie est plongée dans le devenir de l’humanité,
elle change d’une époque à une autre en fonction de l’évolution des hommes. C’est le
sens qu’il convient de donner au propos de Hegel lorsqu’il écrit : « toute philosophie
est fille de son époque ». En tant qu’elle est une activité de l’esprit qui s’interroge sur
l’expérience humaine, la philosophie dépend de l’ensemble des déterminations et des
conditions spirituelles et matérielles de son temps. Dès lors que ces conditions évoluent
d’une époque à une autre, les philosophies qui sont la quintessence de l’expérience
humaine à une époque donnée, évoluent également. N’est-ce pas dans ce sens qu’il
convient de comprendre le propos de Marx selon lequel « les philosophes ne sortent
pas de terre comme des champignons. Ils sont les fruits de leur époque, de leur peuple,
dont les énergies les plus subtiles et les moins visibles s’expriment à travers les idées
philosophiques. Le même esprit qui construit les chemins de fer avec les mains des
ouvriers, construit les systèmes philosophiques dans le cerveau des philosophes. La
philosophie n’est pas extérieure au monde. Toute philosophie véritable est la
quintessence spirituelle de son époque. » Ce qui signifie que le philosophe ne tombe
pas des nuées, il n’est pas un esprit désincarné : il est imprégné des réalités de son
temps et qu’il retraduit en pensées, en concepts. On comprend dès lors pourquoi la
définition et les rôles conférés à la philosophie puissent changer.

Exemple de transition : La diversité des définitions de la philosophie peut amener


à penser qu’on doit cesser de chercher une définition universellement partagée ou
même tout simplement renoncer à la définir. Mais la difficulté de parvenir à une telle
unanimité devrait-elle rendre inutile toute tentative de définition ? Ne devrait-elle pas
au contraire, engendrer, non pas découragement et renoncement, mais plutôt intérêt
et passion pour un esprit vaillant ?

7
- Deuxième étape de la réflexion : Les limites de la thèse.
L’obligation de définir la philosophie présente un enjeu de taille pour quiconque
entreprend de philosopher.

Argument 1
Toute discipline qui se veut rigoureuse doit commencer par délimiter son domaine
d’application. La philosophie n’échappe pas à cette règle. En effet, comment la
philosophie pourrait-elle entreprendre une quête rigoureuse de la vérité sans pour
autant savoir ce qu’elle est ? Comment pourrait-on la distinguer des autres modes de
connaissance ? Si elle n’est pas définie, on encourt des risques énormes, c’est la porte
ouverte à toute sorte de dérive, à des confusions. On comprend pourquoi dès l’origine,
Socrate commence la quête de la vérité en cherchant le concept à travers la question
« qu’est-ce que ? ». C’est dans ce sens que chaque philosophe accorde de l’importance
à la question « Qu’est-ce que la philosophie ? »
Mais il convient de préciser que la philosophie ne recherche pas l’unanimité à
tout prix. C’est pourquoi tant d’esprits vaillants qui s’accordent tous à se nommer
philosophes ne définissent pas leur activité de la même manière, ou du moins ne
donnent pas le même contenu à la notion de « philosophie ». Et pourtant il semble
bien qu’ils aiment tous la vérité et recherchent la sagesse. Les points de vue en
philosophie, sans pour autant être subjectifs, sont tout de même personnels et
participent à l’élaboration de théories qui s’affrontent inévitablement. Si donc les
définitions sont propres à chaque philosophie, il faut dire que ce fait n’est point
étranger à la philosophie, mais en est plutôt une partie intégrante. Il y aurait pour
cette raison autant de définitions de la philosophie qu’il y a de philosophes. L’accepter
et l’intégrer, c’est être dans la philosophie et non en dehors. Ainsi, chaque philosophe
avance une conception de la philosophie qui se heurte aux autres conceptions dont
elle se distingue. Ce qui enrichit l’activité philosophique par un déploiement toujours
continu de définitions qui n’en épuisent pas le sens mais qui portent toutes les
caractéristiques propres à la philosophie dont elles ont en partage ce qui en constitue
la quintessence.

8
Argument 2
Saisir l’intentionnalité philosophique dans ce qu’elle a de plus essentiel est une tâche
que doit accomplir quiconque entreprend de cheminer dans la voie philosophique
d’autant plus que, comme le dit Simone Manon, « Chaque auteur incarne
l’intentionnalité philosophique à sa manière, en réactualise la nature et les fins de telle
sorte qu’il peut être intéressant d’en écrire les variantes. On ne doit pas avoir peur de
la contradiction car elle caractérise la philosophie ».
Cependant, n’est-ce pas un défi des plus grands pour la philosophie, une
gageure, que de tenter de cerner, de saisir ou de délimiter cette activité appelée
philosophie ?
Aucune philosophie ne peut donc exister sans se définir. Définir, c’est tenter de
saisir la nature d’une chose et l’essence de la philosophie est à chercher non pas dans
les contenus mais bien plutôt dans une certaine posture qui caractérise toute
philosophie et qu’on nomme esprit critique. On doit donc définir la philosophie parce
que sa définition demeure un problème, elle « est en jeu dans le questionnement et
la pratique philosophique. »
Ainsi que nous l’avons montré tantôt, la philosophie qui ne cesse de se déployer, de
prendre des formes nouvelles, d’emprunter de nouvelles voies en raison de sa liberté
et au gré de ses diverses aventures, ne saurait se définir à partir des contenus qui
varient d’une doctrine à l’autre mais plutôt à partir d’une attitude critique
caractéristique de toute philosophie, qui est toujours la même vis-à-vis de ces contenus
et qui autorise à parler de la philosophie pérenne.

9
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE

Sujet 2 : L’inutilité de la philosophie nous autorise-t-elle à la


rejeter ?
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Inutilité » : caractère de ce qui ne sert à rien.
Elle peut cependant être entendue ici en un double sens : au sens physique ou
matériel, mais aussi au sens intellectuel et moral.
« Philosophie » : activité rationnelle et critique portant sur le sens de la vie.
« Autoriser » : donner le droit, des raisons…
« Rejeter » : récuser, réfuter.
Exemple de reformulation : Le fait que la philosophie ne serve pas nos intérêts
matériels, nous donne-t-il le droit de la récuser ?
II- PROBLEMATISATION
Le problème se pose en termes d’opportunité ou de légitimité de se débarrasser de la
philosophie considérée comme inutile, c’est-à-dire superflue parce qu’inapte à servir
nos intérêts matériels. Dans ce sens c’est l’inefficacité matérielle de cette discipline
réflexive qui est mise en cause. Toutefois, est-il juste de penser que tout ce qui ne
permet pas de renforcer ou de faire évoluer les bases matérielles de l’existence ne sert
à rien du tout ? Même si elle paraît inutile face aux besoins matériels et organiques, la
philosophie n’a-t-elle pas un rôle décisif à jouer au plan intellectuel et moral ?

10
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

-Première étape : Phase de validation de la Thèse implicite


On dit souvent de la philosophie qu’elle doit être rejetée du fait de son inefficacité
matérielle.

Argument 1
La philosophie semble inutile pour le sens commun qui perçoit l’utilité dans sa
dimension matérielle. La philosophie serait inutile croit-on, parce qu’elle semble
éloignée de nos préoccupations immédiates qui sont plus tournées vers les questions
de survie et de bien-être. En effet, elle ne peut se développer réellement que lorsque
l’on a satisfait d’abord aux besoins vitaux comme manger, boire, etc. Aristote affirmait
que cette discipline n’apparaît que lorsqu’on a déjà satisfait aux besoins matériels. En
d’autres termes, face à l’urgence de la vie, elle apparaît ainsi comme une discipline de
luxe qui ne peut s’exercer que lorsqu’on est libéré des soucis ordinaires. Ce n’est pas
étonnant qu’elle soit née en Grèce, particulièrement chez les nobles qui, pendant que
les esclaves s’acquittaient des taches journalières, eux pouvaient s’adonner librement
à la réflexion et à la contemplation. Hobbes écrit dans le Léviathan que « l’oisiveté est
la mère de la philosophie ». Ce qui renforce l’idée que la philosophie ne peut être
pratiquée que lorsqu’on se sera émancipé du souci matériel. S’interrogeant sur nos
savoirs et nos pratiques, elle ne donne pas de savoir-faire et de compétence pour
garantir à l’homme le confort matériel auquel il aspire de plus en plus dans une société
ultra moderne où la consommation est poussée à son paroxysme, à l’extrême. On lui
reproche ainsi son inaptitude à changer la réalité et à installer l’individu dans un doute
perpétuel qui peut le plonger dans une inquiétude permanente et qui pourrait
l’empêcher d’agir.

Argument 2
La philosophie paraît également inaccessible à la plupart des gens du fait de son
caractère abstrait et spéculatif. Ces préjugés semblent trouver leur ancrage dans la
dimension métaphysique de la philosophie. En effet, la métaphysique soulève des
questions complètement décentrées des préoccupations immédiates de l’homme. Ces
questions précisément portent, par exemple, sur le sens de la vie, la question de la
mort, l’existence de Dieu.
Il s’y ajoute que l’absence de réponses définitives aux questions qu’elle se pose, amène
à penser qu’elle est statique et figée, donnant ainsi l’impression d’un verbiage. C’est
de cette façon que pense l’homme du sens commun, l’homme de la rue qui n’est mu
que par des besoins pratiques. S’insurgeant contre celle attitude qui n’est pas fondée
en raison, Bachelard montre que l’opinion ne pense pas et qu’elle « traduit ses besoins
en pensées ». C’est justement ce qui l’empêche de saisir l’essentiel et, par voie de
conséquence, de philosopher.

11
Deuxième étape : Les limites de la thèse. La philosophie, à défaut d’être utile au
sens où l’entend le sens commun, a tout de même de la valeur.
Argument 1
La valeur d’une chose ne dépend pas forcément de son utilité pratique. Comte-
Sponville fait remarquer que beaucoup de choses ayant une très grande importance
dans la vie de l’homme, telles que l’amour, le bonheur, le beau, ne sont pourtant
d’aucune utilité matérielle. L’art par exemple, en dépit de son inutilité, nous procure
une satisfaction spirituelle. Il en est de même des valeurs (religieuses, esthétiques,
morales.) qui sont par essence abstraites et qui pourtant sont d’une importance
capitale parce qu’elles donnent des repères aux hommes pour organiser leur existence
individuelle et collective.
C’est aussi le cas de la philosophie qui joue le rôle de conscience critique de l’Humanité.
Or il n’y a pas de révolution intellectuelle proprement dite là où la pensée critique ne
s’exerce pas en toute liberté. C’est sous ce rapport qu’il faut entendre Russel qui
souligne que la valeur de la philosophie réside dans le doute libérateur. Elle libère des
dogmes (opinions, traditions, croyances,…) qui sclérosent la pensée de l’homme et
freinent son autonomie intellectuelle. Elle détruit les préjugés, par exemple l’idée que
la technoscience pourrait à elle seule satisfaire la totalité des besoins de l’homme. C’est
oublier qu’en sa qualité d’ « animal métaphysique », comme dit Schopenhauer,
l’homme a besoin de s’interroger sur son existence.
Argument 2
Penser que la philosophie est inutile peut relever d’un jugement abusif. Par sa double
fonction de veille et d’éveil, elle participe effectivement à la transformation du monde.
Il est certain que la philosophie relève de la sphère de la pensée et non de celle de
l’action. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’elle intervienne directement dans le
processus de transformation du monde au même titre que la technoscience. Son
implication dans ce processus s’exerce sur la conscience des hommes qui sont appelés
à changer le monde. D’ailleurs, l’histoire nous enseigne que les bouleversements socio-
politiques comme ceux qu’on a observés par exemple, à la place Tiananmen en Chine,
le printemps arabe au Maghreb, sont toujours précédés de révolutions intellectuelles.
Marx ne disait-il pas qu’ « une idée devient une force quand elle s’empare des
masses ».
Exemple de conclusion :
Au regard de son caractère spéculatif, la philosophie peut apparaître comme une
entreprise vaine. C’est ce qui justifie d’ailleurs qu’elle fasse souvent l’objet d’un rejet.
Pourtant cette dimension spéculative lui confère à bien des égards la possibilité de
remplir une fonction d’éveil et d’alerte.
Malgré toutes les accusations dont elle fait l’objet, paradoxalement le besoin de
philosopher s’intensifie avec la déliquescence des valeurs et les dérives de la
technoscience. Il devient urgent alors pour l’humanité de comprendre que ses moyens
de vivre ne doivent pas compromettre ses raisons de vivre. Ne serait-ce que pour cette
raison, le besoin de philosophie, aujourd’hui plus que jamais s’avère nécessaire.

12
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE

Sujet 3 : Toute pensée est-elle philosophique ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE

« Toute pensée » :
« Toute’ » renvoyant ici à la totalité et se rapportant à la pensée, désigne l’ensemble
des formes de pensées entendues au sens de théories ou de productions
intellectuelles. Il s’agit ici d’une généralisation sans distinction aucune de toutes les
formes de production désignées par l’expression « toute pensée ».
« Pensée » peut désigner les mythes, les cosmogonies, les divers systèmes de
croyances ou religions (reposant sur des textes écrits ou sur des récits oraux), mais
aussi les théories dites rationnelles telles la philosophie ou la science.
« Philosophique » : désigne ce qui se rapporte à la philosophie et qui est donc, à la
fois, rationnel et critique.

Exemple de reformulation : Peut-on légitimement qualifier toutes les formes de


pensées de pensée philosophique ?

II- PROBLEMATISATION
Qualifier toute pensée de philosophique c’est admettre que toute production
intellectuelle relève du domaine de la philosophie. N’est-ce pas la meilleure façon de
nier la spécificité du discours philosophique que de dire que toute pensée est
philosophique ? Bien qu’étant du domaine de la pensée, la philosophie n’a-t-elle pas
des caractéristiques propres qui la particularisent par rapport à d’autres formes de
pensée ?

13
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

Argument 1
Selon une conception assez répandue, tout homme qui pense s’adonne d’une manière
ou d’une autre à la philosophie. Autrement dit, il suffirait de penser pour philosopher.
C’est ce qui conduit à croire que chacun est philosophe. De ce point de vue on confond
philosophie et opinion ou encore philosophie et point de vue, principes de vie. Ainsi il
n’est pas rare d’entendre l’homme du sens commun dire par exemple : « ma
philosophie m’interdit de faire telle ou telle chose » pour signifier que sa propre vision
du monde a valeur philosophique. De même on est amené à penser qu’il y aurait de
la philosophie dans les contenus culturels (mythes, religions, proverbes, contes,
légendes, etc.). La philosophie sous ce rapport se réduirait à une simple vision ou
représentation du monde. Mais cette philosophie spontanée que Gramsci qualifie de «
philosophie implicite » n’est-elle pas à distinguer de celle dite « explicite » ?

Argument 2
Les mythes, les cosmogonies ou les autres formes de pensées de même nature ont
pour vocation d’expliquer le monde en vue de satisfaire la curiosité et le désir de
connaître présent chez tout homme. Dans certaines cultures, ces premières approches
du réel portent le nom de philosophie. En effet, si la philosophie se définit comme une
quête de sens, et dans la mesure où ces formes de représentation en sont porteuses
et qu’elles renferment également une certaine forme de rationalité, on peut alors être
tenté de les qualifier de pensées philosophiques. C’est le cas du Révérend Père Placide
Tempels qui confère à la cosmogonie bantoue un statut philosophique. On peut aussi
citer le cas du Professeur Assane Sylla qui donne un titre assez évocateur à son
ouvrage : La philosophie morale des Ouolof.
Mais on peut se demander si toute vision du monde est assimilable à de la philosophie.
En d’autres termes, faut-il admettre que les pensées contenues dans les cosmogonies
et croyances sont philosophiques ?

14
- Deuxième étape : limites de la thèse. La philosophie est une réflexion
rationnelle et critique.

Argument 1
Le fait que la philosophie relève du domaine de la pensée ne signifie pas pour autant
que toute pensée est philosophique. Certes la pensée en est une condition nécessaire
sans toutefois en être la condition suffisante. En effet, la philosophie est une forme de
représentation du monde au même titre que le mythe par exemple. Mais ce qui
distingue ici la philosophie du mythe est son approche rationnelle. C’est aussi ce qui la
distingue de toutes les autres formes de représentation du monde. Dire que la
philosophie est une pensée rationnelle c’est d’abord affirmer qu’elle est une production
de la raison. En tant que telle, elle est soumise à l’exigence de cohérence, ce qui
suppose une organisation méthodique, un enchaînement rigoureux des idées, fondé
sur le modèle du raisonnement mathématique. Platon, pour mettre l’accent sur la
spécificité de la réflexion philosophique et la rupture qu’elle opère d’avec les autres
modes de pensée fait remarquer que « les subtilités mythologiques ne méritent pas
d’être soumises à aucun examen sérieux. Tournons-nous plutôt du côté de ceux qui
raisonnent par voie de démonstration » pour faire référence à la philosophie. C’est
sous ce même rapport qu’il affirmait que le mythe est ruiné de l’intérieur par la
contradiction.

Argument 2

En plus, l’activité philosophique se donne pour mission d’interroger tout savoir, toute
connaissance. La méthode critique trouve dès lors sa justification dans la prise de
conscience que nos connaissances premières sont toujours mal fondées parce qu’elles
relèvent de l’opinion, des sens. Autrement dit, elles sont généralement formulées sans
le concours de la raison, sans aucune méthode. A partir du moment où elles sont
fausses, elles se présentent comme dangereuses. Ici le doute apparaît comme ce qui
accroît la vigilance de l’esprit, qui le met en alerte. On peut dire à juste titre qu’il est
une sorte d’anticorps qui empêche la contamination de l’esprit par des contre-vérités,
les préjugés, les superstitions. La critique s’impose ainsi comme une précaution
nécessaire pour toute entreprise qui se propose de rechercher la vérité : elle une voie
obligée avant d’admettre ou de rejeter toute proposition. Cette exigence de critique,
en même temps qu’elle est orientée vers les autres domaines de connaissance,
s’applique également à la philosophie. Ainsi la vocation à la fois critique et autocritique
de cette discipline la démarque des autres formes de pensée qui pourraient lui
ressembler sans être elle. La double exigence, la rationalité et critique, qui est la
marque distinctive de la philosophie implique qu’elle ne puisse se déployer tout en
s’ignorant. Autrement dit, la conscience d’elle-même en tant qu’approche du réel est
de facto inhérente à son déploiement. En termes clairs, l’idée d’une philosophie
implicite est totalement irrecevable.

15
Exemple de conclusion :
Il y a certes une idée répandue qui veut que chaque homme qui pense philosophe à
sa manière. Même des systèmes de pensée tels que les mythes, les croyances et les
cosmogonies revendiquent le statut de philosophie. Cependant, force est d’admettre
qu’il ne suffit pas de penser pour philosopher même si l’acte de penser y est essentiel.
Faudrait-il encore qu’on exerce sa pensée de façon rationnelle. S’y ajoute qu’une
théorie peut prétendre à la rationalité, comme la science sans pour autant s’identifier
à la philosophie. La philosophie est en définitive identifiable par sa nature critique et
autocritique. Elle interroge toutes les vérités établies sans jamais cesser de s’interroger
sur les vérités qu’elle prétend établir elle-même.

16
DOMAINE I
LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE

Sujet 4 : L’idée d’une philosophie africaine est-elle défendable ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE
Le sujet comprend trois (3) mots importants qui méritent d’être correctement élucidés
pour comprendre son sens : Idée ; philosophie africaine ; défendable.
« Idée » : dans le contexte précis du sujet, le mot idée est synonyme d’une croyance,
d’une opinion, d’une proposition, d’une thèse, d’une théorie que l’on tient pour vraie
et que l’on s’attache à défendre. Ce qui laisse entendre que « la philosophie africaine »
n’est pas une réalité effective, son existence fait l’objet d’une polémique, d’un débat
contradictoire.
« Philosophie africaine » : il y a une nuance fondamentale à opérer entre
« philosophie africaine » et « philosophie en Afrique ». La « philosophie en Afrique »
désigne l’état de la philosophie en Afrique et le mot philosophie est ici considéré dans
son acception universelle. En revanche « philosophie africaine » renvoie à une autre
signification par l’adjonction de l’épithète « africaine » à la philosophie pour la qualifier.
Ainsi, « philosophie africaine » indique une philosophie qui serait spécifique, propre à
l’Afrique. Le néologisme « ethnophilosophie » est la terminologie usuelle pour désigner
cette philosophie spécifique, propre à l’Afrique. Ce qui laisse entendre que
l’ethnophilosophie aurait ses marques propres qui permettraient de la distinguer de la
philosophie occidentale en particulier et des autres formes de philosophies en général.
« Défendable » : qui peut être défendu c’est-à-dire qui peut être soutenu ou justifié.
Il s’agit de ce dont on peut plaider en sa faveur.

Exemple de reformulation : Dispose-t-on d’arguments crédibles pour plaider en


faveur de la thèse selon laquelle les africains ont une philosophie qui leur est propre ?

II - PROBLEMATISATION
L’idée d’une philosophie africaine a fait l’objet d’une thèse défendue par ceux qui sont
communément appelés les ethnophilosophes. Cette philosophie se retrouverait dans
les mythes, les contes ou encore les proverbes. Cependant il y a lieu de se demander
si la philosophie se détermine en fonction des particularités culturelles,
civilisationnelles, voire géographiques, ou bien si elle doit plutôt être une activité
universelle, la même pour tous.

17
III-QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

-Première étape : Phase de validation de la thèse implicite.


De l’existence d’une philosophie africaine.

Argument 1
En Grèce antique, les écoles philosophiques étaient de véritables communautés
formées par des personnes qui partagent la même vision du monde lisible à travers
leur mode de vie. Nous pouvons citer à titre illustratif les pythagoriciens chez qui nous
observons le culte du nombre ainsi que le signifiait Philolaos : « tout est nombre » et
qui les poussa à développer les sciences mathématiques. Dès l’antiquité, toujours vêtus
de blanc, ils avaient anticipé le comportement végétarien qu’ils justifiaient par la
théorie de la métempsychose, en vertu de laquelle les âmes immortelles migrent d’un
corps à un autre y compris ceux des animaux. C’est la même qui s’observait chez les
platoniciens, les épicuriens, les stoïciens…
Cela peut légitimer l’existence de communautés de pensée, que des personnes qui
partagent une même aire géographique et culturelle peuvent également avoir en
partage une certaine philosophie entendue ici à la fois comme une Weltanschauung,
c’est-à-dire une vision du monde et comme une sagesse vécue.

Argument 2
La démarche ethnophilosophique consistera alors à identifier la philosophie d’une
société à sa vision du monde, à son système de valeurs enfouis dans la conscience
collective, lisible et traduisible à travers mythes et rites, proverbes et coutumes.
Selon cette conception, toute société, n’importe laquelle, aurait une philosophie
implicite qui se confondrait avec sa vision du monde. Le rôle de la philosophie serait
dès lors de procéder à une étude des éléments culturels (démarche ethnologique) et
de mettre en évidence à la fois la cohérence de la pensée et le lien entre cette
conception du monde et l’orientation de l’action.
C’est dans cette logique que s’inscrit la démarche de l’ouvrage La Philosophie Bantou
du Révérend-Père Tempels qui inaugure le débat autour de l’existence d’une
philosophie propre à la communauté bantoue et au-delà à toute les communautés
africaines philosophie africaine. C’est dans cette perspective qu’on a affirmé l’existence
d’une philosophie bambara, ouolof, diola.

Exemple de transition : Est-il admissible d’envisager la philosophie africaine dans


une logique d’opposition à la philosophie occidentale ? Une philosophie peut-elle être
inconsciente d’elle-même et se penser en dehors de la rationalité et de la critique ou
encore se conjuguer à la troisième personne du singulier « Nous » ?

18
- Deuxième étape : Limites de la thèse implicite.
La philosophie est une activité rationnelle, critique et elle s’exprime à titre individuel,
généralement sous la forme d’un système.

Argument 1
La philosophie est une activité rationnelle, universelle.
Il ne serait pas légitime de bouleverser les repères classiques de la philosophie pour
aménager un espace à l’Afrique dans le déploiement de la pensée universelle.
L’ethnophilosophie fonctionne comme si les africains étaient des êtres à part si bien
que l’individu y serait incapable de penser par lui-même et développer une conception
du monde qui ne serait pas sous l’emprise de la pensée commune à son peuple. Dans
Le Discours de la Méthode, René Descartes proclame l’universalité de la raison. Elle
est « la chose du monde la mieux partagée ». Ce qui distingue les hommes entre eux,
ce n’est donc pas que les uns ont plus de raison que les autres ; c’est précisément
dans la manière de s’en servir que réside la différence. La philosophie n’est pas
envisageable sans la raison qui est le seul mode d’accès légitime à la connaissance
critique. Elle ne se conçoit pas non plus indépendamment de la responsabilité du sujet
pensant et de l’esprit critique qui en est le moteur. A ce titre, le philosophe est
nécessairement auteur de sa pensée dont il porte l’entière responsabilité Cette
responsabilité individuelle du philosophe dans son rapport à sa philosophie fait dire à
Husserl que la philosophie est une « affaire personnelle » du philosophie même si par
ailleurs sa visée est l’universel.

Argument 2
La philosophie semble rebelle à toute définition formelle. C’est d’ailleurs dans cette
brèche que s’engouffre une indulgence ou complaisance intellectuelle qui voudrait que
tout soit philosophie. Il est plus opportun de s’en remettre au rôle de la philosophie de
manière générale dans l’histoire et en particulier dans la situation de l’Afrique,
continent meurtri par l’esclavage, sous domination coloniale et noyé dans la
mondialisation. Cette Afrique sans repères, confrontée à une crise métaphysique sans
précédent n’éprouve nullement le besoin d’une pseudo-philosophie figée, enfouie dans
ses représentations culturelles primitives. Il y a donc nécessairement lieu de
reconsidérer la posture ethnophilosophique sous un angle critique tout en mettant en
garde l’intelligentsia africaine face à ses responsabilités historiques. La fonction
véritable de la philosophie est de libérer les consciences de la tyrannie de
l’obscurantisme, des superstitions, de l’ignorance asservissante et d’orienter l’avenir.
C’est peut-être sous ce rapport que Marx pensait que les philosophes n’ont que de trop
interpréter le monde, « maintenant il s’agit de le transformer ».

19
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE
Sujet 1 : « Posons donc que tout ce qui est universel chez
l’homme relève de la nature et se caractérise par la spontanéité,
que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture
et présente les attributs du relatif et du particulier ».
Appréciez ce propos de Lévi-Strauss.
I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Universel » : ce que tous les êtres ont absolument en partage.
« Nature » : c’est ce qui existe indépendamment de l’activité transformatrice de
l’homme ; ici « nature » renvoie au naturel en l’homme, c’est-à-dire, l’ensemble des
caractères communs à l’espèce humaine, l’hérédité. Il ne faut pas confondre la nature
en l’homme de la nature de l’homme qui fait l’objet d’une polémique en philosophie.
« Norme » : formule abstraite qui indique ce qui doit être, c’est-à-dire la valeur.
« Culture » : l’ensemble des productions matérielles et immatérielles de l’homme.
« Relatif » : ce qui change, varie en fonction du temps et de l’espace.
II- PROBLEMATISATION
Lévi-Strauss propose des outils conceptuels pouvant permettre d’opérer une distinction
systématique de ce qui relève de la nature et ce qui relève de la culture dans le
comportement humain. Tout se passe comme si les deux ordres s’opposent : la
spontanéité du besoin biologique, naturel et le caractère normatif de la culture. Plutôt
que d’envisager sous le mode de l’opposition le rapport nature et culture, ne serait-il
pas plus judicieux d’y voir une continuité, un prolongement dans la mesure où c’est la
nature elle-même qui rend possible la culture ?

20
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

- Première étape de la réflexion : Phase de validation de la thèse.


Lévi-Strauss postule que l’homme est doublement constitué : il y a d’une part la nature
qui renvoie à l’ensemble des caractères biologiques et de l’autre la culture qui se
rapporte à la norme et relève du relatif et du particulier.

Argument 1
La nature en l’homme renvoie à l’universel, à tout ce qui est spontané chez l’homme.
L’homme est une espèce naturelle comme toutes les autres. Il porte ainsi de
manière infaillible les empreintes de la nature. Celle-ci se présente en lui sous le double
critère de l’universalité et de la spontanéité. Un comportement universel désigne un
comportement observable sur l’ensemble des êtres humains, en leur qualité d’êtres
vivants. En effet tous les êtres humains, par exemple, se nourrissent, se reproduisent,
meurent. A ce titre, la nature en l’homme se confond avec les lois biologiques de
l’espèce. Toutes les fonctions biologiques (manger, boire, dormir, se reproduire, etc.)
sont présentes en nous virtuellement : c’est l’hérédité. La spontanéité quant à elle
désigne tous les comportements dont le développement se fait tout seul, ne
nécessitant ni réflexion, ni apprentissage. Il y a cependant lieu de préciser que
contrairement à l’animal, l’homme est dépourvu d’instinct et c’est seulement par abus
de langage qu’on parle « d’instinct de succion » pour désigner l’automaticité de l’acte
de téter chez le nourrisson et « d’instinct sexuel » pour mettre l’accent sur l’autonomie
de son développement. Dans un langage plus adapté, on parlerait de « pulsion de
succion » et de « pulsions sexuelles » en lieu et place. L’instinct et la pulsion partageant
la spontanéité. En définitive, pour qu’un comportement puisse relever du fait naturel
il lui faut se conformer aux deux critères que sont l’universalité et la spontanéité

21
Argument 2
En l’homme tout ce qui est assujetti à la règle relève du domaine de la culture et se
caractérise par le relatif et le particulier. Il en va de même pour la norme qui désigne
l’ensemble des règles de conduite qu’il convient de suivre au sein d’un
groupe. Elle est fondatrice de toute société en même temps qu’elle l’organise.
Considérons par exemple les habitudes alimentaires. Si s’alimenter relève d’une
nécessite pour tous les êtres humains et par conséquent relevant de la nature, il n’en
demeure pas moins que chaque groupe humain autorise certains aliments et en interdit
d’autres. La manière de s’alimenter change également d’un groupe à un autre.
Ainsi de grandes civilisations comme les civilisations, européenne, chinoise et africaine
sont respectivement identifiées à travers les habitudes de la fourchette, de la baguette
et de la main. De telles variations sont également observables au niveau des
techniques culinaires, des techniques architecturales, des règles de mariage, des
rituels pour les morts et de toutes autres pratiques sociales. De ce fait, l’appropriation
de la culture, sous toutes ses formes, passe nécessairement par l’apprentissage. La
norme implique comme conséquence le relatif et le particulier du fait que les règles
sont inventées par un groupe socio-culturel donné en fonction de sa trajectoire
historique. Elle change, varie d’un groupe à un autre, d’une époque à une autre,
disons, dans le temps et l’espace. C’est le sens qu’il convient de donner au mot
« relatif ». A titre illustratif, on peut considérer que chaque communauté conçoit les
règles de mariage d’une manière spécifique qui découle de sa propre vision du monde ;
elles ne sont pas absolues. Ainsi, toute culture est particulière car portant les
empreintes de sa communauté. Nous pouvons alors définir la culture avec Lévi-Strauss
comme l’ensemble des comportements appris, ceux que l’homme a inventés pour faire
face aux sollicitations de la nature et qui sont transmis de génération en génération
par imitation ou par éducation.

Exemple de transition
Il ressort de cette assertion de Claude Lévi-Strauss que les deux dimensions de
l’existence humaine constituées par la nature et la culture semblent opposées. En effet,
là où la nature en l’homme relève avant tout de l’inné et s’applique à tous, en revanche,
la culture quant à elle est du domaine de l’acquis, de l’inventivité et de la créativité
humaine et s’applique à des particuliers.
Toutefois on peut se demander si la culture doit être appréhendée dans son rapport
avec la nature en termes de rupture ou de continuité. En d’autres termes, est-il même
possible de les dissocier, si l’homme se définit avant tout comme un être de paradoxe,
de liberté ?

22
- Deuxième étape de la réflexion : Limites de la thèse.

Prétendre distinguer en l’homme la nature d’un côté et la culture de l’autre, c’est perdre
de vue qu’il est un être de paradoxe : en l’homme tout est naturel et en même temps
tout est culturel, fabriqué, comme l’affirme Maurice Merleau-Ponty qui le qualifie de
« génie de l’équivoque ».

Argument 1
Imbrication ou interaction entre nature et culture chez l’homme.
Poser comme hypothèse la distinction du naturel et du culturel chez l’homme,
n’est-ce pas courir le risque de laisser échapper ce qui fait la marque spécifique de
l’homme en tant qu’être bio-culturel ? L’homme étant un produit de la nature, comment
parviendrait-il à produire de la culture ? Le fait qu’il soit capable de culture, n’est-ce
pas la preuve que la culture participe de sa propre nature ? En tant qu’espèce naturelle,
si l’homme est capable de culture, c’est parce qu’il possède les prédispositions, la
nature donc l’y a déjà préparé. C’est sous ce rapport que François Jacob affirme que
l’enfant vient au monde avec des « structures d’accueils» ou « prédispositions
naturelles » par lesquelles il peut apprendre toute culture. Ceci signifie que
l’apprentissage résulte de l’interaction permanente entre nature et culture. D’ailleurs,
il est important de souligner que Lévi-Strauss lui-même met en exergue ce qu’il appelle
« le paradoxe de la prohibition de l’inceste ». La prohibition de l’inceste est une règle
universelle et elle devrait donc, sur la base de ses critères de démarcation, relever
strictement de la nature, et pourtant ce n’est pas le cas, parce qu’elle est une norme,
et en tant que telle, elle devrait également relever strictement de la culture.

Argument 2
Le fait culturel est universel, même s’il se décline dans la diversité. La diversité
culturelle s’explique par le potentiel de construction de la raison et l’idéal de liberté qui
s’incarne dans l’humanité. Tous les peuples ont été capables, en effet, de produire une
culture, ce qui témoigne de son universalité en tant qu’elle définit l’homme. En effet,
si la culture se conçoit comme l’ensemble des productions matérielles et immatérielles,
autrement dit comme l’ensemble des solutions que l’homme apporte aux injonctions
de la nature, on constatera aisément que tous les peuples ont su réaliser ce que
Malinowski appelle les quatre conquêtes culturelles fondamentales : un monde
technique (les ustensiles, les machines, etc.), une organisation politique, un système
de valeurs et de normes et un système de communication (langues) par lesquelles ils
ont su s’adapter à leur milieu naturel. Ainsi, la diversité des cultures témoigne de
l’universalité du fait culturel et même de l’unité du genre humain contrairement à la
catégorisation de Lévi-Strauss.
Les différences repérables d’une culture à une autre, d’une civilisation à une autre,
peuvent se rencontrer au sein d’une race pendant que des races hétéroclites peuvent
les avoir en partage. Qu’est- ce qui peut bien justifier cela, si l’on admet que la raison
est une ? Cela s’explique par le fait qu’au-delà de toutes les contingences, l’homme est
fondamentalement liberté. Dans ce cas de figure, il ne se laisse emprisonner ni par la
nature, ni par la culture. Il s’y ajoute qu’avec le phénomène de la mondialisation
23
accentué par la révolution numérique et cybernétique, force est de constater que
l’interpénétration des cultures devient inévitable. Leur fécondation mutuelle tend vers
l’émergence d’une nouvelle culture partagée dont tous les contours ne sont pas encore
cernés.

Exemple d’introduction
La définition de l’homme est une préoccupation centrale qui traverse toute
l’histoire de la philosophie de Socrate à Foucault en passant par Kant. Si la question
« qu’est-ce que l’homme » est récurrente dans la réflexion philosophique, c’est parce
que l’homme est un être fort complexe, difficile à cerner. Faut-il le définir par la raison,
par la conscience, par la nature ou encore par la culture ? S’appropriant cette
problématique, Lévi-Strauss soutient que l’homme est doublement constitué, par une
part de nature qui renvoie à son côté biologique et une part de culture qui fixe sa règle
de conduite. Cette distinction entre nature et culture reposerait en effet sur le
présupposé qu’elles s’opposent. Cependant, le rapport ne peut-il pas être envisagé en
termes de continuité si l’on considère que la culture elle-même est rendue possible par
la nature ?

24
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 2 : Peut-on définir l’homme par le seul fait culturel ?

I - ANALYSE CONCEPTUELLE

« Peut-on » : est-il possible de, possibilité juridique (a-t-on le droit ?) et possibilité


matérielle (a-t-on les moyens matériels de…?)
« Définir » : dégager l’essence d’une chose en traçant les limites qui la séparent de
ce qu’elle n’est pas ; il s’agit dans ce sujet de s’intéresser à ce qui fonde l’humanité de
l’homme.
« Homme » renvoie ici à l’humain en général c’est-à-dire à tout individu qui appartient
à l’espèce humaine.
« Seul » : idée d’exclusivité, d’unicité, de réduction.
« Fait culturel » : c’est la manière dont l’homme prend en charge le naturel en lui,
sa nature biologique. Le fait culturel est alors constitué par un ensemble de productions
matérielles et immatérielles inventées par l’homme social et se transmettant de
génération en génération.

Reformulation possible (issue de l’analyse conceptuelle) :


L’homme, se réduit-il à ce que la culture a fait de lui ?

II - PROBLEMATISATION
L’homme ne devient humain qu’à l’intérieur du cadre culturel qui le façonne dès le
berceau et peut-être même avant la naissance. Mais en tant qu’être de raison et de
liberté peut-il se laisser emprisonner dans ce que la culture a fait de lui. S’il en était
ainsi, comment comprendre qu’un homme puisse s’écarter de sa culture et adopter
une culture étrangère ? L’homme n’est-il pas alors ce qu’il se fait dans un processus
continu à partir de son héritage culturel ?

25
III – QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

- Première étape : validation de la thèse implicite.


L’homme est ce que la culture a fait de lui.

Argument 1
L’homme est ce que la culture fait de lui. Il en est ainsi parce que le petit
homme vient au monde avec des prédispositions naturelles qui ne peuvent se
développer que dans un cadre culturel. C’est cette idée que soutient l’éthologue Boris
Cyrulnik qui écrit : «un homme seul n’est pas un homme. Dès que l’enfant paraît, le
monde alentour met à sa disposition un climat affectif, un langage, des outils et une
culture avec lesquels l’enfant va articuler ses capacités génétiques et neuropsychiques.
Ce n’est qu’en interaction avec son milieu que le petit humain pourra enclencher,
développer et exprimer ses capacités. » Ceci signifie que c’est le milieu culturel qui
fournit à l’homme les éléments nécessaires à son développement. L’homme est
façonné par cet ensemble de valeurs acquises dans sa société par imitation ou grâce
à l’éducation. C’est ce qui autorise François Chirpaz à dire : « On ne naît pas homme
on le devient » et on ne le devient que dans la société. Et les acquis de la culture se
donnent en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir-être.
Par le savoir l’homme accède à des connaissances au moyen desquels il construit un
univers intellectuel et spirituel que Georges Bataille appelle le « monde humain » et il
se dote d’un langage qui lui permet d’en parler et de communiquer, d’échanger avec
ses semblables. C’est dans ce monde qu’il transforme « sa nature » par l’éducation et
la nature par le travail en faisant appel à son savoir-faire, la technique. Les valeurs qui
sont des idéaux renforcent la construction de sa personnalité et lui permettent de se
tenir selon ce qui est attendu de la culture à laquelle il appartient.

Argument 2
En l’absence d’une culture acquise dans et par la société le petit de l’homme se
comporte de façon inhumaine et ne se différencie pas fondamentalement de l’animal
ou est même pire. Car l’animal a au moins son instinct infaillible pour le guider.
On peut citer à titre d’exemple le cas des enfants sauvages comme Victor de l’Aveyron,
Amala et Kamala. Et Cyrulnik va encore plus loin lorsqu’il apporte une précision de
taille : « Lévi-Strauss pense que les enfants sauvages illustrent ce que donnerait la
nature humaine s’il n’y avait pas de culture. Pour un éthologue, c’est mal poser le
problème que de le penser en termes de disjonction entre la nature et la culture. L’un
sans l’autre ne peut fonctionner. L’enfant-loup ne représente pas ce que donnerait la
nature avant la culture, puisque sa nature ne peut ni se développer ni s’exprimer s’il
n’y a pas de culture. L’enfant sauvage n’est pas un enfant de la nature, puisque par
nature, l’homme ne peut fonctionner que dans une culture. » Il s’agit de comprendre
alors que c’est la société qui inculque à l’homme des valeurs qui lui permettent de se
hisser au-dessus de l’animalité et de faire preuve de sociabilité en étant porteur du
minimum exigible à un individu pour se libérer de son égo et vivre en harmonie avec
autrui et avec le milieu physique, car l’homme n’est pas « un empire dans un empire »
comme l’avait si bien perçu Spinoza.
26
On pourra utilement faire appel à l’idée de Kant qui parle de « l’insociable sociabilité »
tout comme, d’ailleurs, la fable des porcs épics chez Schopenhauer permet à bien des
égards de renforcer l’argumentaire de la thèse implicite.

Exemple de transition : L’homme ne se construit que dans la culture et c’est ainsi


qu’il devient humain par apprentissage. Il est donc ce que la société a fait de lui. Mais
peut-il s’y réduire si l’on sait qu’il est aussi un être indéterminé, caractérisé par une
liberté originelle ?

– Deuxième étape de la réflexion : Limites de la thèse.


L’homme est indétermination, il est une liberté.

Argument 1
Il est vrai qu’à la naissance, avant même que la culture ne fasse son œuvre,
l’homme se reconnaît par son apparence physique, par un ensemble de prédispositions
naturelles, (génétiques, biologiques). C’est ainsi que nul n’a besoin de test de
reconnaissance pour la confirmation de son appartenance à l’humanité. D’emblée, tout
homme est doté d’une infrastructure biologique qui détermine son ancrage dans
l’espèce humaine. Faut-il pour autant parler d’humain à ce stade ? Non l’humain
comme nous venons de le montrer n’apparaît que dans la culture qui permet à l’homme
de « s’écarter de la nature » pour réaliser sa nature. C’est dire alors que l’homme,
contrairement à l’animal qui est figé parce que déterminé par l’instinct, est un animal
perfectible. C’est en ce sens qu’il convient de comprendre le propos d’A. Comte-
Sponville qui s’inscrit dans la perspective rousseauiste et kantienne : « on naît humain,
puis on le devient ». Cela vaut pour l’individu autant que pour l’espèce

Argument 2
L’indétermination originelle caractérise l’homme. Avancer une telle thèse, c’est
reconnaître que l’homme est un être inachevé. C’est cette idée que l’on retrouve chez
Heidegger qui fait remarquer, tout comme Sartre, que l’homme en tant que « dasein »
ou « ouverture au monde », sa spécificité réside précisément dans le fait de ne pas
avoir de définition puisque rien, ni la nature ni la culture, ne le définit définitivement.
On ne peut pas dire de ce qui devient qu’il est. Il se définit exclusivement dans et par
le projet infini qui le constitue en tant qu’être de raison et de liberté. Il est ce qu’il se
fait, ce qu’il aura librement choisi d’être à partir de ce qu’on a fait de lui. Il ne s’agit
pas de nier les conditions objectives qui déterminent tout homme, que tous les
hommes ont en partage et qui fonctionnent comme des contraintes qui définissent leur
existence ; par exemple tous les hommes sont des mortels. Il s’agit simplement de
reconnaître qu’en dépit de ces déterminations, chaque existence, en tant que liberté
demeure une expérience individuelle concrète, un « projet ». La valeur propre de
chaque individu réside dans sa manière personnelle de réaliser concrètement ce projet.
Nous sommes tous des êtres situés. C’est ce que laisse entendre Sartre lorsqu’il écrit :
« pour nous, ce que les hommes ont en commun, ce n’est pas une nature, c’est une
condition métaphysique : et par là, nous entendons l’ensemble des contraintes qui les
limitent a priori, la nécessité de naître et de mourir, celle d’être fini et d’exister dans le
27
monde au milieu d’autres hommes. » En effet, il faut reconnaître l’existence d’une
condition humaine universelle, mais toute expérience individuelle est irrémédiablement
irréductible à une autre. D’où la question de la responsabilité et de l’engagement.

Exemple de conclusion
Il peut être opportun, c’est-à-dire, à des fins pédagogiques, de vouloir opposer
nature et culture quand il est question de définir l’homme. Cependant, force est de
reconnaître que nulle part il est fait cas d’un homme qui serait pure nature et par suite
qui viendrait à la culture. L’histoire montre que partout où l’homme a existé, il était
déjà dans la culture. Ce qui signifie qu’en l’homme on ne saurait dissocier le naturel
du culturel. Cela se justifie par le fait que l’homme est un être comme le dit E. Morin,
« bio-culturel » qui se perfectionne. En réalité, la perfectibilité est sa nature qui se
révèle dans la culture. Ainsi, on devra certes reconnaître une unité du genre humain
relevant aussi bien du naturel que du culturel au sens où nous appartenons tous à
l’espèce humaine. Les différences culturelles aussi, loin de remettre en cause cette
unité la renforce du fait que tous les hommes sont des êtres culturels. On pourrait dès
lors dire que c’est bien la culture qui fait l’homme, au sens générique et même si
chaque homme est libre de se choisir son modèle humanisant, au sens où le philosophe
camerounais Fabien Eboussi Boulaga fait de la culture « un choix de traits sur le grand
arc de cercle des possibilités ».

28
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 3 : La culture est-elle le prolongement de la nature ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE

« Culture » : on peut la définir généralement comme l’ensemble des choses que


l’homme ajoute à la nature physique ou sa propre nature, autrement dit l’ensemble
des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être développés par l’homme pour mieux
dominer son environnement et l’adapter à ses besoins et à ses désirs.
« Est-elle » : à comprendre ici comme est-elle perçue, considérée, définie.
« Prolongement » : allongement, continuation, évolution, extension ; dans le sujet,
on doit surtout privilégier son sens figuré comme : suite, conséquence,
perfectionnement ou développement dans le sens d’étendre, d’enrichir, d’améliorer,
de dépasser, d’exploiter, d’actualiser, de compléter, de corriger, d’accomplir, de
réaliser, etc.
« Nature » : au sens large, la nature désigne l’ensemble des choses qui, libres de
toute influence humaine, portent en elles-mêmes les principes de leur existence et de
leur développement, conformément à leur propre fin. Le mot nature peut s’entendre
de trois manières différentes : la nature hors de l’homme (le milieu physique), la nature
en l’homme (le biologique) et l’idée de nature humaine (l’essence de l’homme) et qui
constitue un problème philosophique.

Reformulation possible :
La culture apparaît-elle comme une extension de la nature (comme la réalisation de la
nature, ce qui l’accomplit) ?

II- PROBLEMATISATION
La culture désigne l’ensemble des productions matérielles et immatérielles,
c’est-à-dire ce que l’homme ajoute à la nature par le truchement du travail et de la
morale. De ce point de vue la culture apparaît comme une sorte de négation, de refus
du donné naturel. Ne pourrait-elle pas alors être comprise comme une altération de la
nature ? Cependant, si l’homme est capable de produire la culture n’est-ce pas que
c’est la nature qui l’y prédispose en le dotant de facultés qui s’y prêtent ? Sous ce
rapport la culture n’est-elle pas finalement la nature de l’homme, ce par quoi la nature
elle-même s’accomplit ?

29
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

Première étape : Phase de validation de la thèse implicite.


La culture peut provoquer une dégradation de la nature.

Argument 1
La culture peut provoquer une altération de la nature. Les manifestations culturelles
se présentent de plus en plus comme une dégradation de l’environnement naturel. En
effet là où l’industrie culturelle se développe, la nature en pâtit. Aujourd’hui avec le
développement des sciences et techniques, nous assistons à une industrialisation très
poussée qui agresse l’atmosphère et détruit l’air et la couche d’ozone. Les
perturbations climatiques qui en découlent sont à l’origine de nombreuses
conséquences néfastes (inondations, tsunamis, réchauffement climatique,
désertification,…). Ce qui pose actuellement des problèmes écologiques sans
précédent et qui font naître un peu partout à travers le monde des mouvements
écologiques pour la défense de la nature. Si, à ses débuts, l’humanité avait créé la
technique pour faire face aux injonctions de la nature pour garantir sa survie, force est
de reconnaître que l’usage superflu qu’on en fait dans nos sociétés de consommation
à outrance la dévie de ses objectifs de départ.

Argument 2
La culture moderne façonnée par les progrès scientifiques et techniques a
tendance à secréter des modèles de sociétés marquées par une crise profonde des
valeurs spirituelles, une remise en cause des valeurs fondatrices de notre humanité
comme la solidarité, l’anthropophilie, la justice, etc. C’est précisément cette perte qui
entraîne la dégradation des mœurs et éloigne l’homme de son naturel. C’est ainsi que
la modernisation entraîne souvent des comportements qui frisent la déchéance et qui
bafouent la dignité humaine. Une telle culture si l’on peut dire, se moque des qualités
originelles de l’homme qui sont, pour Rousseau, la pitié et l’amour de soi. Ces critiques
de Rousseau à l’égard de la société donnent des ailes à sa propre boutade :
« l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt […] ». La société comme produit
de la culture peut se présenter non seulement comme un cadre de perfectionnement
des qualités naturelles de l’homme, mais aussi comme un facteur de la dégradation
des mœurs à cause de certains liens malsains qui s’y nouent. En vivant dans la société,
l’homme peut être ainsi amené à perdre de son humanité.

30
Deuxième étape : limites de la thèse.
La culture peut être perçue comme prolongement de la nature.

Développement possible de la deuxième partie.


L’homme naît avec des prédispositions naturelles dont l’exploitation rend possible
l’émergence de la culture. Contrairement aux animaux qui sont naturellement dotés
d’une capacité d’adaptation (l’instinct) leur permettant d’assurer leur survie biologique
dans le milieu naturel, l’homme se voit quant à lui obligé d’inventer ses propres moyens
de subsistance. De tous les animaux, seul l’homme est capable en plus de s’adapter,
d’adapter la nature à ses besoins, les bêtes en sont incapables. L’impossibilité pour
l’animal de s’adapter le conduit soit à la migration (recherche d’un milieu naturel
favorable à la vie), soit à la disparition (l’extinction d’une espèce). Cette compétence
supplémentaire consistant à adapter la nature à ses besoins, trouve son explication en
amont (à la naissance) dans la présence en l’homme de prédispositions naturelles. La
raison en acte permet à l’homme d’inventer des outils, de fabriquer un monde d’objets,
ce que Bataille appelle « un monde nouveau, un monde humain ». Grâce à son
potentiel naturel, l’homme parvient à réaliser ce qui ne lui est pas donné
immédiatement dans la nature. L’exploitation de ses potentialités naturelles (l’aptitude
à penser, à se servir d’un langage et à instrumentaliser son corps,…) lui offre la
possibilité de construire des abris, de mémoriser son expérience (savoirs, savoir-faire
et savoir-être) et de la transmettre à sa descendance de génération en génération. La
culture se comprend alors comme ce que l’homme crée ou met en œuvre et qui est
rendu possible à la base par ses potentialités naturelles. A titre d’exemple, l’homme
n’est pas aussi doté que le poisson dans l’eau ou l’oiseau dans les airs. Pour suppléer
A ses carences naturelles, il fabrique des bateaux, des avions, par exemple. En même
temps qu’il s’évertue à exploiter le milieu naturel pour survivre, il produit des objets et
crée ainsi un monde nouveau, le monde humain comme c’est dit plus haut. Ce contact
avec la nature par le travail lui permet d’acquérir des connaissances et d’en avoir une
certaine maîtrise. Le travail va ainsi lui révéler toute l’ingéniosité dont regorge son
intelligence. Sous ce rapport, la culture se présente comme une actualisation du
naturel.
Enfin, le langage va dévoiler toutes les potentialités naturelles de l’homme en termes
de communication. Les hommes vivent en commun, ils ont donc besoin d’un moyen
de communication pour se comprendre. La nature leur a pourvu d’une faculté pour
parler, mais pas de langue particulière. Dès lors, les hommes ont inventé les langues
pour échanger avec leurs semblables et consigner leurs acquis, leurs expériences, leur
histoire sous forme de symboles. Sous cette forme, le langage est une propriété
exclusivement assignable à l’homme révélant par la même occasion ce qui le spécifie.

31
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 4 : L’individu est-il virtuellement un ennemi de la société ?

I. ANALYSE CONCEPTUELLE

« Individu » : désigne tout élément d’un ensemble qui a une identité et qui est
indivisible. Mais au sens propre et psychologique du terme, l’individu c’est l’être humain
considéré isolément par rapport au groupe, dans ce qui le particularise, tant du côté
de ses goûts, que de ses pulsions, etc.
« Virtuellement » : en puissance, potentiellement, par opposition à ce qui est réel,
effectif ; ce qui peut advenir,
« Ennemi » : signifie ici un danger, quelque chose de nuisible, une menace.
« Société » : est un ensemble d’individus qui entretiennent des rapports organisés.

Reformulation du sujet : En affirmant sa singularité, l’individu ne peut-il pas


constituer une menace pour la société ?

III- PROBLEMATISATION
Affirmer que l’homme est virtuellement un ennemi de la société revient à penser qu’il
porte en lui, dès la naissance et tout au long de la formation de sa personnalité, des
dispositions singulières qui peuvent être incompatibles avec les exigences de la vie en
société. Toutefois, à partir du moment où l’homme ne peut mener son existence qu’en
collaborant avec ses semblables, ne serait-il pas peut-être plus judicieux de le prendre
pour un être sociable ? Ne faudrait-il plutôt penser que ce sont les dérives perpétrées
au nom de la société qui le dressent contre elle ? Dans cette optique, au lieu de
considérer l’individu comme l’ennemi de la société, ne serait-il pas son allié
incontournable ?

32
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

- Première étape : Phase de validation de la thèse implicite


L’homme en tant qu’individu est virtuellement un ennemi de la société.

Argument 1
Egoïsme et singularité de l’homme
Caractérisé par sa singularité l’individu est un être qui a tendance à ne s’intéresser
qu’à la satisfaction de ses propres besoins. En agissant de la sorte, il met en avant son
« égoïsme. D’ailleurs chaque individu a ses penchants, ses pulsions, ses désirs pouvant
le conduire à avoir de la répulsion pour la vie en société. Kant le précisait en parlant
de « l’insociabilité » naturelle de l’homme qui conduit l’individu à ne pas s’accorder
avec la société qu’il voit d’un mauvais œil. Il le fait dans la mesure où ce qui compte à
ses yeux n’est autre que la réalisation de ses aspirations individuelles. Or, une telle
réalisation n’est pas toujours effective à cause de la société caractérisée toujours par
une réglementation. L’animosité chez l’homme s’expliquerait par ses désirs, ses
pulsions et ses intérêts égoïstes. Cette idée se retrouve chez Freud qui considère
l’homme comme un être sous l’emprise de sa libido et naturellement agressif.

Argument 2
Nature contraignante de la société
De par son essence et son mode de fonctionnement, la société ne propose pas mais
impose à l’individu des règles de conduite. N’oublions pas que les normes sociales sont
coercitives (contraignantes). Elles peuvent brimer, étouffer l’individu au point où celui-
ci ne sent plus ou a du mal à s’épanouir. Freud ne voulait pas dire autre chose en
évoquant le malaise dans la civilisation. En effet l’homme a un penchant à l’agressivité
et à la sexualité. Afin qu’il ait société, il faut amener l’homme à réprimer un tel
penchant. C’est la raison pour laquelle la société, la civilisation ont une base répressive.
Cette répression peut amener l’individu à se rebeller et à se dresser contre la société
qu’il considère alors comme ennemie. En effet, la société, à travers ses règles et
normes, vise la stabilité et la paix. Ce faisant, elle cherche à réprimer toute forme de
pulsions considérées comme nuisibles.
Selon Freud, « les hommes se sentent lourdement opprimés par les sacrifices que la
civilisation attend d’eux afin leur rendre la vie en commun possible ».

33
- Deuxième étape : Limites de la thèse
La société pourrait elle-même secréter le conflit ?

Argument 1
Un éventuel conflit entre la société et l’individu peut être un état de fait qui ne lui est
pas forcément imputable. En effet, l’homme est un être social, c'est-à-dire qui vit dans
le groupe et qui ne peut vivre en dehors de lui. Il est donc sociable par nature et ne
saurait par conséquent constituer un danger pour la société. Ainsi, Aristote déclare que
« la cité est au nombre des réalités qui existent naturellement et que l’homme est par
nature un animal politique » Dans cette perspective, l’homme n’est rien sans le groupe
social auquel il appartient. Et la société en tant que corps prime sur l’individu en tant
que membre. De ce point de vue, individu et société ne s’opposent pas, ce sont plutôt
deux réalités intimement liées et inséparables. Ce dont l’individu est l’ennemi, ce n’est
jamais la société elle-même, mais une perversion de la société qui est détournée de
sa fonction originelle de rendre l’homme heureux. Si Rousseau dit que l’homme est né
bon mais c’est la société qui le corrompt et le rend méchant, il s’attaque alors non à la
société elle-même, mais à une certaine forme de société, celle-là même qui exploite,
asservit et détruit la part d’humain qui dort en chaque homme.

Argument 2
L’individu a intérêt à se conformer à l’ordre social dans la mesure où c’est le cadre à
l’intérieur duquel se réalise son humanité. C’est dans cette perspective que Chirpaz,
mettant en évidence l’intérêt du rapport individu/société affirme qu’ « on ne naît pas
homme on le devient ». Sous ce rapport, au lieu d’être un potentiel ennemi de la
société, l’individu est son allié. Il l’est d’autant plus que lui-même contribue à façonner
la société qui a vocation de le façonner. Le rapport entre individu et société n’est donc
pas unilatéral : c’est un rapport dialectique. On ne saurait donc comprendre que
l’individu puisse constituer un danger pour la société. Au contraire ce sont les abus des
tenants de l’autorité sociale qui peuvent donner à l’individu l’impression que c’est la
société elle-même qui est coupable de leur mal être. On ne saurait trouver illustration
parfaite de ce point de vue en dehors des sociétés de consommation qui réduisent
l’individu à une simple marchandise.

Exemple d’introduction : Il est généralement admis que la vie en société n’est pas
aisée. Elle est le plus souvent le théâtre de conflits. Ainsi, si l’individu au sens propre
du terme, c’est l’être humain considéré isolément par rapport au groupe, la société
quant à elle désigne la vie en communauté. Elle est fondée sur des normes qui souvent
entrer en contradiction avec les aspirations individuelles. L’être humain dans ce qui
constitue son individualité représente-t-il nécessairement une menace pour la société ?
Par ailleurs, si l’on considère que la personnalité humaine se construit dans la société
et que l’individu isolé perd cette qualité humaine comment concevoir alors leur relation
sous un rapport antagonique ? Ne devrait-on pas plutôt penser les relations entre
l’individu et la société sous la modalité d’une bienveillance mutuelle ?

34
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 5 : La liberté est- elle la condition de la responsabilité ?

I. ANALYSE CONCEPTUELLE
Le sujet comporte trois concepts clés qu’il faut analyser rigoureusement pour en saisir
la signification appropriée et déboucher sur une problématique, en passant par sa
reformulation.
Ces concepts sont : « la liberté », « la condition », « la responsabilité ».
« La liberté » : se conçoit communément comme absence de contrainte, autrement
dit le pouvoir d’agir sans subir de contrainte par rapport à ses désirs, sa volonté.
Etre libre, c’est être soi-même, avoir une autonomie de choix.
« La condition » : c’est ce qui rend possible, le facteur déterminant.
« La responsabilité » : c’est le fait de « répondre de », devoir assumer ses actes.
La responsabilité serait donc une obligation de répondre de ses actes, d’être garant de
quelque chose. C’est le fait d’être dans les dispositions d’assumer ses actes quelles que
soient leurs conséquences.

Reformulation du sujet :
Ne pouvons-nous répondre de nos actes que dans la mesure où nous les posons en
toute souveraineté ?

II - PROBLEMATISATION
La liberté est le pouvoir de choix qui engage l’autonomie du sujet qui agit sans
contrainte, c’est-à-dire, volontairement. Il a ainsi la capacité de discernement et peut
décider de telle ou telle autre chose en toute souveraineté. C’est donc sous ce rapport
qu’il peut être tenu pour responsable de ses actes. Mais si j’agis sans réfléchir aux
conséquences de mes actes et que je me retrouve par exemple en prison par ce simple
fait, cela ne signifie-t-il pas que la souveraineté de l’acte n’est pas une garantie
suffisante qui impliquerait la responsabilité ? Autrement dit ma responsabilité peut être
engagée sans que je ne sois directement l’auteur de l’acte. Ainsi sous différents angles,
je peux être responsable, par ignorance, pour avoir détenu l’information, par
indifférence, par complicité ou même moralement.

35
III - QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER
Première étape : Phase de validation de la thèse implicite
La liberté comme condition de la responsabilité
Argument 1
Si l’homme peut être tenu pour responsable de ses actes, c’est parce qu’il est
non seulement un être conscient mais il est doté aussi d’un libre arbitre qui le conduit
à prendre telle ou telle autre décision. En effet, si je ne suis pas libre de mes choix, si
je suis déterminé par des forces qui m’échappent, comment légitimement je peux
répondre des actes que je pose ? La condition de ma responsabilité est ma liberté.
Seulement, il est important de souligner que la liberté dont il est question ne réside
pas dans l’absence de contrainte ou faire ce qui me plaît comme le suppose le sens
commun. S’il en est ainsi c’est parce que la liberté signifie certes avoir des droits mais
aussi des charges, c’est-à-dire reconnaître qu’on est l’auteur de ses actes et cela n’est
possible que si au départ j’étais libre de mon choix. C’est en effet ce que laisse entendre
Sartre : « Nous prenons le mot de « responsabilité » en son sens banal de « conscience
d’être l’auteur incontestable d’un événement ou d’un objet ; cette responsabilité est
simple revendication logique des conséquences de notre liberté. » En effet la liberté
s’expérimente dans toutes les situations dans la mesure où à tout moment l’homme a
le pouvoir de choisir face à plusieurs possibilités. Ainsi, on peut dire que l’homme est
choix perpétuel puisqu’il est doté de libre arbitre, il a la capacité de discernement et il
peut opter pour le meilleur choix. C’est cette puissance de la volonté que Descartes
appelle « la principale perfection de l’homme » parce que, grâce à elle l’homme est
capable de maîtriser ses actions. C’est sous ce rapport que le libre arbitre rend l’homme
entièrement responsable de ses actes. Cette liberté totale a pour conséquence une
responsabilité totale. L’homme est entièrement responsable, parce qu’il est toujours
engagé dans une situation qu’il doit transcender (dépasser).

Argument 2

L’homme est responsable de tout devant tous. Il porte sur ses épaules le poids
du monde. Telle est l’explication profonde de l’angoisse. Sartre montre que l’existence
elle-même est angoisse du fait de son absurdité. En effet la raison n’est pas capable
de justifier le pourquoi de l’existence, ceci est source d’angoisse et cette angoisse est
renforcée par le poids de notre responsabilité parce que c’est une responsabilité à la
fois totale et interindividuelle ; ceci signifie que nous sommes responsables de tout et
de tout le monde. La prise de conscience de l’absurdité de l’existence humaine et du
poids de notre responsabilité nous conduit fatalement à l’angoisse.

De manière plus précise on peut dire que pour Sartre, ce sont les décisions que
je prends qui donnent sens aux situations qui existent. Par conséquent, notre
responsabilité va bien au-delà de ce que nous avons directement fait. En effet une
telle idée est mise en évidence par Sartre qui considère que nous sommes à la fois
responsables de nous-même et des autres. C’est sous ce rapport qu’il apporte une
clarification fondamentale : « la première démarche de l’existentialisme consiste à faire

36
prendre à tout homme conscience qu’il est entièrement responsable.» Sartre montre
que la liberté, au lieu d’être un avoir (puisque l’avoir peut diminuer ou augmenter),
elle est un être ; c’est pour dire au fond que je me confonds avec ma liberté ; je suis
condamné à la liberté. Ainsi je ne peux pas ne pas être responsable Ce qui signifie
alors que si j’accepte d’être libre donc je dois impérativement assumer les
conséquences de mes actes, d’où ma responsabilité.
Supposons, a contrario, qu’un individu soit privé de sa liberté pour une raison
ou pour une autre. En l’absence de la liberté, sur quelle base pourrait-on lui imputer
une quelconque responsabilité ? Répondre d’un acte semble ainsi n’avoir de sens que
lorsque la jouissance de la liberté est effective.

Limites de la thèse

Argument 1
On suppose habituellement que pour être responsable, il faut être libre. Mais le
problème qui se pose est de savoir si la liberté dont il est question est une réalité
effective ou une illusion. Il est vrai que l’homme est liberté du fait qu’il est détenteur
d’un libre arbitre. Mais il ne faut pas pour autant penser que son libre arbitre est absolu.
En effet, l’homme est souvent pris dans un faisceau de déterminismes qui semblent
limiter sa liberté : le déterminisme physique, le déterminisme social, le déterminisme
psychologique Ce triple déterminisme doit nous amener à reconsidérer le sens
classique de la notion de liberté entendue de manière absolue. Sous ce rapport la
liberté consisterait à tenir compte de la possibilité que notre marge de manœuvre
puisse réduite. C’est précisément dans cette logique que s’inscrit Spinoza qui écrit : «
ceux qui pensent être libres sans être déterminés rêvent les yeux ouverts.»
Autrement dit, il possible de porter la responsabilité d’un acte non pas parce
qu’il émane d’une libre décision mais que parce que j’en suis tout simplement l’auteur.

Argument 2
La responsabilité ne rime pas forcément avec la liberté. En effet responsabilité et
déterminisme ne sont pas incompatibles. Une telle prise de position doit nous amener
à dépasser l’opposition classique entre liberté et déterminisme. Ce qui signifie donc
qu’il faut repenser le libre arbitre. Cette nouvelle manière de concevoir la liberté doit
nous conduire à envisager la responsabilité non plus sous l’angle d’une responsabilité
personnelle ou subjective mais il s’agira si l’on peut dire de militer en faveur de ce
qu’on pourrait appeler une responsabilité objective. Autrement dit, notre responsabilité
va au-delà de notre individualité et peut englober les actes des autres lorsqu’ils sont
sous notre charge ou sous nos soins. De même nous pouvons comme le suggère Hans
Jonas être responsables devant les générations futures. Sartre abonde en ce sens
lorsqu’il estime que la responsabilité de chacun « engage l’humanité tout entière »

37
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 6 : L’inconscient psychique ruine-t-il la liberté ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE

« Inconscient psychique » : l’ensemble des processus psychiques qui échappent à


la conscience.
« Ruiner » : détériorer, ravager, s’écrouler ; suppose l’idée de perte, de démolition
ou d’altération. On peut aussi le comprendre dans le sujet comme une négation ou
une privation.
« Liberté » : la liberté est un concept qui désigne en général le fait, pour un être, de
pouvoir agir sans subir de contraintes extérieures, étrangères à sa nature ou à sa
volonté. On conçoit aussi la liberté comme la possibilité pour un être de se déterminer
lui-même et de contrôle0r le déroulement de son action. La liberté suppose donc au
minimum une certaine marge d’indétermination laissée à l’action humaine, et la
conscience pour un sujet agissant de pouvoir l’utiliser. On peut admettre ici que le sens
de la liberté renvoie à la possibilité ou la capacité chez l’homme de décider ou de
choisir en connaissance de cause.

II- PROBLEMATISATION
C’est un lieu commun de définir l’homme comme un être conscient pour signifier qu’il
ne se contente pas seulement d’exister mais il se sait exister. Ce savoir qu’il a de son
existence fait de lui un être libre car étant capacité par la conscience elle-même à
opérer des choix en toute souveraineté. Tout porte donc à croire que conscience et
liberté sont inextricablement liées. C’est le privilège de la conscience qui fonde la
différence de nature entre l’homme perçu comme être conscient et l’animal comme
régi par l’instinct. Remettre en cause la souveraineté absolue de la conscience par
l’affirmation de l’existence d’un inconscient psychique ne reviendrait-il pas alors à
déposséder l’homme de la liberté et le ravaler au rang de l’animal ? L’opposition entre
inconscient psychique et liberté ne se dissipe-t-elle dès lors que les contenus
psychiques refoulés peuvent remonter en surface par la cure psychanalytique ? Ne
pouvons-nous pas considérer sous ce rapport que l’ignorance asservit et la
connaissance libère ?

38
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

-Première étape : Phase de validation du sujet ou thèse implicite du sujet.

L’hypothèse de l’inconscient semble menacer la liberté.

Argument 1
La liberté requiert la conscience, autrement dit, pour qu’un homme soit libre ne lui
faut-il pas impérativement être conscient. En effet c’est par la conscience que l’homme
est informé et se rend compte de ce qu’il fait ou de ce qu’il dit. Non seulement il s’en
rend compte mais aussi il peut choisir d’agir en toute connaissance de cause, en toute
responsabilité donc en toute liberté. Or, il arrive que la conscience n’embrasse pas
l’intégralité de nos pensées et que quelque chose en nous nous échapperait, d’où
l’existence d’un inconscient psychique. L’inconscient psychique à travers ses contenus
actifs a tendance à faire de sorte que l’homme s’illusionne, croyant agir de lui-même
alors qu’il est agi à son insu. Il se voit agir tout en ignorant les motifs qui le font agir.
Du moment qu’il n’est pas à l’origine de ses actes il y a forcément perte d’autonomie.
Et l’homme se réduirait ainsi à être le jouet de forces souterraines qui influenceraient
et orienteraient ses actes. De ce point de vue, l’existence de l’inconscient serait de
facto incompatible avec la liberté.

Argument 2
Si nous postulons l’existence d’un inconscient psychique, il semble alors que nous
aurions du mal à concevoir l’homme en tant que maître de ses actes. Et en observant
les différents actes posés par les hommes, on remarque qu’il y a des actes manqués
comme le lapsus par exemple. Cela arrive quand voulant dire une chose se dit autre
chose à la place. Freud nous donne à titre illustratif le cas du président Schreiber, qui,
à l’occasion d’une réunion, constate dans la salle la présence de ses ennemis. Au
moment d’ouvrir la séance, inconsciemment il la ferme en disant : « la séance est
close ». Il aurait dû dire « la séance est ouverte. »
Ces actes manqués qui sont la manifestation de l’inconscient attestent que l’homme
n’a aucune emprise, ni sur leur existence, ni sur leur mode d’expression. Si, aussi bien
leur existence que leur expression échappent à l’homme comment pourrait-il prétendre
se connaître lui-même et se poser comme être libre ? En effet, s’il nous arrive de dire
des choses à notre insu que nous ne voulions pas dire, cela n’atteste-t-il pas un cas de
manifestation de l’inconscient. Ce qui témoigne de la réalité effective de l’inconscient
et par ricochet du caractère illusoire de la liberté.

39
- Deuxième étape : Limites de la thèse implicite
L’existence de l’inconscient psychique n’est pas une raison suffisante pour
disqualifier la liberté.

Argument 1
L’homme n’est certes pas toujours conscient de tout ce qui se passe en lui, mais est-
ce une raison suffisante pour mettre en péril sa liberté ? D’ailleurs ne faudrait pas
reconsidérer le concept de liberté ? L’homme est un être si complexe que tout ce qui
se déroule dans son for intérieur ne parvient pas intégralement à sa claire conscience.
Néanmoins, le fait qu’un inconscient psychique existe n’atteste pas de la négation de
notre liberté. Le sujet pensant est capable de s‘affranchir du pouvoir de l’inconscient
grâce à la connaissance. La connaissance de notre inconscient psychique, plutôt que
d’être un obstacle peut constituer un moyen pour nous libérer. Ce qui à notre insu
nous détermine, nous conditionne, si nous le cernons, si nous nous rendons compte
de son emprise, cela peut nous aider à avoir davantage d’autonomie. D’ailleurs, la
psychanalyse freudienne ne s’oppose pas à la liberté. Freud a voulu mettre à la
disposition de l’homme les moyens d’une véritable liberté. Il s’agit alors d’informer
l’homme afin qu’il sache ce qui se passe en lui, ce qui lui permet d’exercer un contrôle.
Si par exemple je prends conscience d’un oubli qui a été à l’origine d’un traumatisme,
par ce simple fait, je me libère de ses effets traumatisants. Du reste la cure
psychanalytique ne cherche pas autre chose qu’à ramener à la conscience claire les
contenus psychiques inconscients. Une fois devenus conscients, ils cessent d’être actifs
et c’est en cela que la connaissance est libératrice.

Argument 2
En opposant inconscient psychique et liberté, on peut être amené à la concevoir
comme indétermination. Or la liberté ne saurait est être comprise comme de
l’indépendance au sens où on pourrait tout se permettre. Autrement dit la liberté
s’accommode parfaitement bien avec le déterminisme à la seule condition d’en avoir
l’intelligence. Engels ne disait-il pas à ce propos que la liberté n’est autre que
l’ « intelligence de la nécessité » pour signifier que l’acte libre ne s’oppose pas à la loi
mais s’y conforme. Ainsi donc ce n’est pas parce que nous sommes déterminés que
notre liberté est compromise. Ici le mot liberté est à appréhender autrement qu’elle
n’est perçue communément. Il nous faut comprendre que la permissivité est la
véritable ennemie de la liberté car si tout un chacun se mettait à faire ce qu’il veut on
se retrouverait dans ce que Hobbes appelle état de nature.
En définitive, retenons que par la connaissance, l’homme peut parvenir à dominer et
à maîtriser ses traumatismes afin de s’en délivrer car il ne sera plus esclave ou
dépendant des troubles qui l’affectent et, par rapport auxquels, il pourra acquérir une
autonomie. S’y ajoute également que la loi n’est pas un obstacle à la liberté. Rousseau
ne disait-il pas « point de liberté sans lois », que la loi est l’organe même de la liberté.

40
Exemple de conclusion
La liberté et l’existence de l’inconscient sont à priori incompatibles. C’est le sens
de la question du sujet. Il nous est apparu en premier lieu que la conflictualité de la
liberté et de l’inconscient pouvait se justifier par le simple fait que je ne peux pas
revendiquer avoir une maîtrise sur un objet dont je n’ai pas conscience. En second lieu
nous nous sommes rendus à l’évidence que ce qui est inconscient échappe au contrôle
du sujet parce qu’il n’en a pas connaissance. Dès lors que ce qui est inconscient est
remonté en surface, ses effets s’estompent par la même occasion. Enfin nous sommes
arrivés à l’idée que c’est une mauvaise perception de la liberté qui conduit à sa
négation surtout lorsqu’elle est comprise comme absence de détermination. Le
déterminisme étant présent sous toutes ses formes il serait illusoire de prétendre le
supprimer. Mais si nous en avons l’intelligence nous réalisons notre liberté en nous
accordant avec tous les phénomènes qui nous déterminent.

41
DOMAINE II
LA VIE SOCIALE

Sujet 7 : La finalité de l’Etat est-elle la réalisation de la liberté ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE

Le sujet comporte quatre concepts clés qui méritent d’être analysés, c’est-à-dire
rigoureusement définis pour saisir le problème posé. Ces concepts sont :
« Finalité », « Etat », « réalisation », « liberté ».
« Finalité » : c’est ce que l’on cherche à atteindre, l’objectif ultime visé, la mission à
accomplir, le but.
«Etat » : l’Etat désigne ici le pouvoir politique institutionnalisé, c’est le gouvernement
et l’ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité.
«Réalisation » : c’est le fait de rendre réelle ou effective une chose.
L’accomplissement d’un fait, sa mise en œuvre. L’atteinte ou la manifestation d’une
chose.
« Liberté » : Droit de faire ce que les lois permettent sous réserve de ne pas porter
atteinte aux droits d’autrui et avoir une autonomie de choix.

Exemple de reformulation du sujet


Le but visé par l’Etat, en tant que pouvoir politique institutionnalisé, est-il de garantir
à chaque citoyen la totale jouissance de ses droits ?

II- PROBLEMATISATION

Une des principales fonctions régalienne de l’Etat est de veiller au maintien de l’ordre.
Pour parvenir à cette fin, l’Etat exige de tous les membres du corps politique qu’ils
respectent les lois établies, condition sans laquelle ni la sécurité, encore moins la liberté
ne sont pensables. Sous ce rapport, la liberté ne désignerait-elle pas la conformité aux
lois. Mais, suffit-il pour autant de se conformer aux lois pour être politiquement libre
si l’on considère qu’elles peuvent être oppressives et servir les intérêts de la classe
dominante ? Dans ce cas de figure, l’Etat n’est-il pas un instrument d’oppression et de
domination dont la survie réside dans la confiscation des libertés ? La liberté politique
ne résiderait-t-elle pas en définitive dans le modèle d’Etat démocratique ou de l’Etat
de droit qui implique le citoyen à la vie politique par la reconnaissance de droits
consignés comme droits inaliénables de l’homme ?

42
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

-Première étape : Phase de validation de la thèse.


La finalité de l’Etat est la réalisation de la liberté

Argument 1

L’institution de l’Etat
Si comme le prétend Aristote, l’homme est un animal politique, la vie en société
relève d’une nécessité ; ce qui signifie que les hommes sont condamnés à vivre dans
un cadre social. Seulement, tout en étant naturellement sociables, les hommes sont
aussi réfractaires à la vie communautaire à cause de leur « penchant à l’agressivité. »
Ce qui conduit à installer un climat conflictuel qui menace la cohésion et la stabilité de
la vie sociale. C’est justement en vue de parer au chaos que l’Etat a été institué ; en
effet l’Etat joue le rôle d’arbitre en coordonnant les différentes relations qui se tissent
entre individus mais aussi entre groupes d’individus, maintenant ainsi les différents
conflits nés de ces rapports dans les limites du supportable. Son institution a permis
donc d’organiser la vie en société. En réglementant les relations interindividuelles,
l’Etat tente d’harmoniser les rapports que les citoyens entretiennent entre eux. L’Etat
peut-être ainsi une solution pour résoudre un problème vital : celui de l’ordre et de la
sécurité qui sont une exigence pour toute vie communautaire. En sécurisant et en
pacifiant ainsi l’espace politique, l’Etat institue un cadre de prédilection de la liberté.au
moyen d’un outil majeur qu’est la loi.

Argument 2
La loi comme outil fondamental de l’Etat pour garantir la liberté.

L’Etat, en tant qu’autorité politique, s’organise autour d’un ensemble coordonné


d’institutions diverses (judiciaires, administratives, législatives, militaires, policières).
L’autorité de l’Etat est placée sous un gouvernement souverain qui est chargé de
présider aux destinées d’un peuple. Pour exercer son autorité, l’Etat s’appuie sur un
outil fondamental : la loi. La loi, d’un point d’un juridique est une règle édictée par
l’autorité souveraine et sanctionnée par la force publique. Elle est censée régir toutes
les activités de l’homme. C’est ainsi qu’il faut entendre Kant lorsqu’il affirme que « la
loi est la limitation […] de ma liberté ou de mon libre arbitre pour qu’il puisse s’accorder
avec le libre arbitre de chacun ». La loi ainsi définie a une importance majeure dans
l’Etat. En effet, elle est d’abord au fondement même de l’Etat parce que c’est la loi
fondamentale ou constitution qui permet à l’Etat de se constituer en corps politique.
De ce fait, la loi est fondatrice de la communauté politique. C’est pourquoi tout Etat
constitué a sa propre constitution ou loi fondamentale. L’importance de la loi dans
l’Etat se mesure aussi par le fait qu’elle donne à l’Etat les moyens d’agir en lui octroyant
ce que Marx Weber appelle le monopole de la violence physique légitime. Par cette
autorité qui lui est conférée, l’Etat amène les uns et les autres à respecter les règles
de droit. Par ce respect, le bon fonctionnement des différents rapports entre individus
est garanti. Ainsi, la loi impose des bornes qui font de sorte que les plus faibles sont
défendus contre les plus forts. De même, la loi instaure l’isonomie, c’est-à-dire, l’égalité
de tous devant la loi. Par l’entremise de l’isonomie, les conditions de la justice sont
43
réunies dans la mesure où chacun a la même valeur sociale, la même dignité en dépit
des différences et inégalités naturelles. En imposant à tous un même système de droits
et d’obligations, la loi fixe des limites par lesquelles la liberté de chacun est garantie.
Cette liberté garantie par la loi n’est pas à confondre avec l’indépendance comme nous
le rappelle si bien Rousseau : « On a beau vouloir confondre l’indépendance et la
liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement.
Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne
s’appelle pas un Etat libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas
soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à
la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir. (…) Il n’y a
donc point de liberté sans lois. »
Ainsi la liberté dans l’Etat ou liberté civile c’est le droit que me donnent les lois.
A travers ces dernières, l’Etat restreint les libertés des citoyens. Toutefois, au lieu de
mettre en péril la liberté des citoyens, cette restriction en est même la condition de
possibilité.

- Deuxième étape : Limites de la thèse

Argument 1

L’Etat transcende la société et s’érige en pouvoir suprême. Ce pouvoir se manifeste à


travers un ensemble d’institutions : d’une part les forces de répressions ou de sécurité
(Armée – Gendarmerie – Police – Tribunaux – prison - administration), d’autre part les
institutions sociales sous son contrôle et qui ont en charge l’éducation et la formation
des membres du corps politique (Ecole – Religion – Média - Famille). C’est par le moyen
de ces institutions que l’Etat exerce sa domination sur tous ceux qui vivent sur
l’étendue de son territoire. Louis Althusser (20ème siècle) qualifie ces institutions
respectivement d’appareils répressifs d’Etat et d’appareils idéologiques d’Etat. Par
idéologie, Althusser entend un mécanisme psycho-social de conditionnement pour
amener les membres du corps politique à adhérer à l’ordre établi sans opposer la
moindre résistance. La répression est activée en cas de rébellion contre l’autorité de
l’Etat. De ce point de vue, Etat rime avec violence. Ce qui conduit le sociologue
allemand Max Weber à considérer que l’Etat détient le « monopole de la violence
physique légitime » pour montrer l’étendue de son pouvoir sur ses administrés. Le lien
qui existe entre l’Etat en tant que pouvoir et l’exercice de la violence qui est inhérent
son fonctionnement a d’abord été mis en lumière par été d’abord exprimé par
Machiavel. En effet dans Le Prince, un de ses ouvrages majeurs, il soutient qu’en
politique « la fin justifie les moyens ». La force est le fait inaugural de la politique et
qu’un prince qui veut fonder un Etat et le maintenir doit se montrer cruel et user de la
violence pour arriver à ses fins : « il doit être un lion [force physique] pour faire peur
aux loups et un renard [la ruse] pour échapper aux filets ». C’est pourquoi, d’après
Machiavel, « les fondements qu’ont tous les Etats aujourd’hui comme hier ce sont de
bonnes lois et de bonnes armes, mais les lois ne valent rien là où il n’y a pas de bonnes
armes ».

44
Argument 2
Il en découle que l’Etat consiste en un rapport de domination fondé sur le moyen de
la violence. Sous ce rapport, bien évidemment, parler de liberté relève d’une illusion,
car aucune marge de manœuvre n’est laissée à l’individu qui ne peut développer une
quelconque initiative propre sans l’inscrire dans le paradigme des lois et des
institutions.
En effet, l’Etat a le pouvoir de contraindre les individus à payer des impôts, d’aller à la
guerre, à travailler de force. L’Etat peut les priver de liberté par l’emprisonnement et
même leur ôter la vie par la peine de mort.
Si l’exercice du pouvoir d’Etat est contraignant, de deux choses l’une : soit la nature
de l’individu est telle que c’est par la force qu’il faut le tenir au respect, soit les intérêts
que l’Etat préserve sont ceux des particuliers (classes économiquement dominantes)
non ceux de la grande masse des populations.
Le premier cas de figure est envisagé par l’absolutisme, doctrine qui accorde à l’Etat
un pouvoir absolu. Thomas Hobbes, dans son Léviathan, défend l’idée d’une nature
humaine agressive que seule la force est à même de contraindre à la sociabilité.
Hobbes théorise l’Etat monarchique dont le pouvoir est absolu du fait que les individus,
pour assurer la sécurité de leurs biens et de leurs personnes, ont signé un « pacte de
soumission ». L’idée qui fonde sa théorie postule que sécurité et liberté ne vont pas
ensemble, et plus de liberté implique nécessairement moins de sécurité et
inversement.
Le second cas de figure est envisagé par les théories anarchiste et marxiste qui
considèrent que l’Etat est contrôlé par une classe dominante et de ce fait constitue
une menace à la liberté et à l’égalité.
Dans la doctrine anarchiste comme dans le marxisme, ce qui est prôné pour le
triomphe de la liberté, c’est la disparition de l’Etat.
Pour la théorie marxiste, l’Etat est un simple appareil répressif, un instrument de
domination et d’oppression d’une classe sur une autre. C’est pour cette raison que
Marx prône la suppression de l’Etat bourgeois et son remplacement par un Etat
prolétarien qui est censé s’éteindre progressivement au fur et à mesure de la
disparition de la classe bourgeoise au profit d’une société sans classe : le communisme.
A la différence de Marx qui milite pour une disparition progressive de l’Etat, un
dépérissement de l’Etat, les anarchistes prônent sa disparition immédiate.
L’anarchisme dont le projet est de détruire l’Etat en tant que tel voit dans celui-ci un
mal radical parce qu’il est la source de toutes les oppressions, une entrave à la liberté
des individus. L’Etat est condamné parce qu’il est une aliénation de la liberté et non sa
réalisation. Et comme le dit Bakounine : « il est un immense cimetière où viennent
s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle ».
Mais n’est-il pas utopique, irréaliste que de prétendre se passer de l’Etat sous
prétexte des crimes commis en son nom ? Ne serait-il pas plus judicieux de s’inscrire
dans une logique constructive allant dans le sens de fixer des limites au pouvoir d’Etat
ou ce que Montesquieu appelle communément des contre-pouvoirs ? En effet le
modèle d’Etat démocratique ou l’Etat de droit, par la séparation des pouvoirs en
pouvoir législatif, judiciaire et exécutif ou par l’érection de droits universels auxquels
l’Etat lui-même ne peut se soustraire, amoindrissent l’autoritarisme et garantissent aux
45
citoyens, sécurité et liberté. Cette demande pressante de liberté qui envahit tous les
espaces politiques débordent du cadre restreint de l’Etat, dans les limites de sa
juridiction. La communauté internationale par le devoir d’ingérence somme les Etats à
respecter les droits fondamentaux de l’homme, droits inaliénables.

46
DOMAINE 3
EPISTEMOLOGIE

Sujet 1 : Peut-on définir la science par le seul critère de


l’expérimentation ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Peut-on » renvoie ici à la possibilité de fait, ce qui relève de l’ordre du réalisable,
a-t-on les moyens de…
« Seul » : l’idée d’exclusivité ; unique possibilité.
« Définir » : déterminer et délimiter une chose en vue de la spécifier, de la distinguer
de ce qu’elle n’est pas, la caractériser.
« Science » : ensemble de connaissances, d’études, d’une valeur universelle
caractérisées par un objet et une méthode déterminés, et fondées sur des relations
objectives, vérifiables.
« Critère » : moyen de distinguer et de sélectionner.
« Expérimentation » : méthode consistant à provoquer des observations en vue de
vérifier des théories pour les infirmer ou les confirmer.

Reformulation : Est-il possible de considérer l’expérimentation comme la marque


exclusive de scientificité d’une connaissance ?

II- PROBLEMATISATION

La science est une discipline se fondant sur des procédés rigoureux qui lui permettent
de parvenir à des résultats fiables, qui s’imposent à tous. Ces procédés ont, pour une
bonne part, une assise expérimentale au point que certains en sont amenés à
considérer l’expérimentation comme critère exclusif de scientificité. Ce qui est
scientifique ne peut-il être établi que par expérimentation ? L’expérience, à elle seule,
peut-elle épuiser les critères de scientificité. Si c’était le cas, comment qualifier les
mathématiques et la logique qui sont fondées sur une démarche hypothético-
déductive ? A-t-on le droit de ramener toute science aux sciences expérimentales ou
faut-il intégrer d’autres critères de scientificité ?

47
III- QUELQUES ARGUMENTS A DEVELOPPER

Première étape : phase de validation de la thèse implicite.


L’expérimentation comme critère de scientificité.

Argument 1
L’emploi du mot science au sens rigoureux du terme désigne un type de
connaissances ayant un objet précis et une méthode appropriée.
C’est ainsi que la méthode expérimentale est mise en œuvre dans certaines sciences.
Une telle méthode comporte, fondamentalement, trois phases. On procède d’abord à
l’observation d’un fait « polémique ». Par exemple, Claude Bernard observa l’urine
claire et acide des lapins qui est une indication d’un comportement carnivore, alors
qu’en leur qualité d’herbivores, ils devaient avoir l’urine trouble et alcaline. Ensuite,
partant de cette observation, on pose une ou des hypothèses. L’hypothèse n’est pas
une supposition fortuite, elle est une théorie et non une conjecture. C’est Claude
Bernard qui nous en donne l’explication. Il affirme que l’hypothèse est « une
interprétation anticipée et rationnelle des phénomènes de la nature. » Elle consiste
donc à se faire une idée intelligente sur ce qui pourrait expliquer le phénomène
observé. C’est ainsi par exemple que Claude Bernard formulera l’hypothèse selon
laquelle si l’urine des lapins a changé de couleur, c’est probablement dû au fait que les
lapins, étant exposés à la vente, n’ont pas été nourris et ce sont retrouvés dans un
état de jeûne.
Enfin, il procède à la vérification pour confirmer ou infirmer l’hypothèse qui n’était que
probable. Ainsi, en alimentant les lapins avec de l’herbe Claude Bernard constate que
l’urine redevient trouble et alcaline (coloration habituelle). Après les avoir soumis à
nouveau à jeûne et les avoir réalimentés à plusieurs reprises, les résultats restent
identiques.
La même expérience est renouvelée par Claude Bernard sur le cheval, autre animal
herbivore. Les résultats demeurent identiques.
Il est établi de la « preuve » expérimentale qu’« à jeûne, tous les animaux se
nourrissent de leur propre chair ». Donc c’est par la vérification que le savant découvre
une loi scientifique. Par définition, une loi est une relation constante et nécessaire
entre deux ou plusieurs phénomènes interdépendants.

48
Argument 2
Le procédé expérimental est un procédé auquel il faut se fier. En effet, par le canal de
l’expérimentation, il est procédé à une vérification produisant des preuves matérielles
susceptibles de réaliser l’accord des esprits compétents. La science selon Bachelard
n’est autre que l’ « union des travailleurs de la preuve ». A ce titre ses résultats sont
universellement acceptés. Tout porte ainsi à croire que les sciences expérimentales
sont les seules dignes de scientificité au point de reléguer les autres formes de
connaissances au rang de pseudosciences. C’est ainsi que pour le sens commun, il n’y
a de vérité que celle issue de la démarche expérimentale. Par voie de conséquence,
toute démarche qui nourrit une prétention de scientificité cherche à épouser cette
méthode. Fort de ce postulat, le statut épistémologique des sciences humaines est
remis en question : peut-on les tenir comme science à part entière ? Pour les
philosophes du Cercle de Vienne la scientificité de l’histoire est remise en cause du fait
de l’impossibilité de procéder à une vérification expérimentale des théories historiques
qui relèvent dès lors de conjectures.
Dans le même sillage, les résultats spectaculaires de la physique ont donné naissance
au physicalisme qui consiste à ériger la physique en modèle de scientificité. Quant aux
mathématiques et à la logique, elles sont considérées de plus en plus comme un
langage ou une méthode pour les autres sciences ; à ce titre elles apparaissent alors
comme des instruments mis à profit des sciences expérimentales ou juste comme un
« jeu de l’esprit ».

49
Deuxième étape : les limites de la thèse

Argument 1
S’il est vrai que la méthode expérimentale est gage de scientificité, force est de
reconnaître qu’elle ne saurait être érigée en modèle universelle d’autant plus que son
applicabilité ne s’étend pas à toutes les connaissances scientifiques. En effet, en ce qui
concerne les sciences hypothético-déductives (logico-formelles) qui reposent sur la
cohérence du discours, le critère de scientificité change de nature. Il faut dire que les
mathématiques qui sont une pure construction de l’esprit, reposent sur la
démonstration. Elles sont pourtant élevées au rang de science et mieux encore de
socle à toutes les sciences. Ceci surtout en rapport avec la rigueur de la démarche qui
les caractérise et l’évidence de leur résultat Donc, en lieu et place de l’expérimentation,
la démonstration est le critère de scientificité des sciences hypothético-déductive. La
vérité ne se conçoit pas comme adéquation de la pensée avec la réalité mais plutôt
comme conformité de la pensée avec elle-même, la cohérence interne du discours.

Argument 2
Il peut arriver que des résultats non encore observables soient prévisibles par
anticipation. C’est le cas du tableau périodique de Dimitri Mendelev qui a su, par des
calculs prévoir des éléments qui n’apparaîtront que bien plus tard. Dans ce cas de
figure, la théorie est bien en avance sur la pratique. Conséquemment, ce qui rend
scientifique une théorie n’est pas forcément et toujours l’expérimentation. Il s’y ajoute
que l’expérimentation elle-même n’est pas une garantie absolue de fiabilité. En effet,
quel que puisse être le nombre de fois où l’expérimentation a été faite avec succès,
cela ne peut aucunement justifier l’élaboration d’une loi ne reposant que sur une
généralisation amplifiante. A ce propos, il faut se mettre à l’écoute de Popper qui avertit
contre ce qu’il appelle une généralisation abusive et indue qui ne peut point être un
critère fiable de scientificité ; en effet, il n’ y a pas d’expérience capable de vérifier
définitivement une théorie.

50
DOMAINE 3
EPISTEMOLOGIE

Sujet 2 : La science et la technique, en se déployant, ne


soulèvent-elles pas des préoccupations éthiques ?

I- ANALYSE CONCEPTUELLE
« Science » : ensemble de connaissances et de recherches visant à découvrir les
lois explicatives des phénomènes (naturels et humains) et du raisonnement logico-
formel.
« Technique » : ensemble de pouvoirs tirés des connaissances scientifiques dans le
but de créer des objets utiles.
« Se déployant » : en s’exerçant, en s’activant dans le monde.
« Préoccupations éthiques » : l'éthique (du grec ethos «caractère, coutume,
mœurs») est la réflexion sur les valeurs qui fondent la moralité d’une action (une
bonne action) ; les préoccupations éthiques renvoient donc ici à la réflexion
philosophique sur les jugements de valeur, c’est -à-dire sur l’ensemble des questions
morales relatives aux normes, aux limites et aux devoirs de la technoscience.

II- PROBLEMATISATION

Les sciences et les techniques ont incontestablement conféré à l’homme un pouvoir


dont l’usage abusif constitue une menace sur l’environnement physique et sur le vivant
de manière générale. L’exploitation à outrance des ressources naturelles par l’industrie
humaine couplée aux manipulations génétiques pratiquées sur le vivant laisse planer
une inquiétude quant au devenir de l’humanité. Les progrès des sciences et des
techniques ne devraient-ils pas, sous ce rapport faire l’objet d’un encadrement si nous
voulons échapper aux conséquences néfastes qu’ils pourraient entraîner ? D’où peut-
être la nécessité de coupler progrès et éthique pour le meilleur sans les nuisances.
Toutefois, ces abus attribués aux sciences et techniques leurs sont-ils réellement
imputables si l’on sait qu’elles ne sont en réalité que des outils au service des hommes ?
Ne faut-il pas chercher en l’homme lui-même les causes des dérives des sciences et
des techniques ? Ne devrait-on pas surtout revoir l’idée que nous nous faisons de
l’humain pour un bon usage du potentiel scientifique et technique ?

51
La thèse implicite : La science et la technique, en se déployant, soulèvent des
préoccupations éthiques.

III- QUELQUES ELEMENTS POUR LE DEVELOPPEMENT

Première étape : Validation de la thèse implicite


Le développement des sciences et des techniques soulève des questions éthiques.

Argument 1
La science et la technique rendent possibles de nouvelles pratiques médicales (la
fécondation in vitro, l’euthanasie, les manipulations génétiques tels que l’eugénisme,
le clonage, la transsexualité, qui pourraient heurter la conscience morale.
Martin Heidegger, dans ses Essais et conférences, faisait déjà de la technique
moderne, non pas un danger, mais le danger suprême pour l’humanité. Il estimait en
effet que la technique cherche essentiellement l’« arraisonnement » de l’homme, c’est-
à-dire qu’elle participe de la mise à nu de sa raison, de l’anéantissement même de son
humanité en ce qu’elle procède à une sorte d’« oubli de l’être» qui transforme l’homme
en automate seulement tourné vers l’efficacité et l’utilité pratique et coupé de sa
dimension spirituelle.
Les préoccupations éthiques s’accentuent avec les progrès scientifiques et techniques.

Argument 2
De même, la recherche effrénée de profits par nos sociétés de consommation pousse
à une surproduction dont les conséquences sont visibles sur l’équilibre de notre
environnement et donc sur la survie même de notre espèce. C’est notamment le cas
de l’émission des gaz à effet de serre qui favorisent la pollution et le réchauffement
climatique entre autres.
Aujourd’hui les entreprises qui n’adoptent pas la gouvernance éthique peuvent se
permettre d’utiliser des techniques qui, en même temps qu’elles augmentent la plus-
value, ne répondent pas aux normes du développement durable qui est un type de
développement qui permet de faire face aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à subvenir à leurs besoins.

Exemple de transition : Les sciences et les techniques sont mises aujourd’hui au


banc des accusés à cause des dérives qu’elles entrainent (qui découlent de leurs
pratiques). Cependant, étant donné qu’elles ne sont que des instruments au service
de l’homme, n’est-ce pas en l’homme lui-même qu’il faut chercher le mal ?

52
Deuxième étape : Limites de la thèse

Argument 1
En approfondissant la réflexion, on est amené à penser que la science et la technique
ne sont pas en contradiction avec l’éthique. Mais c’est l’homme lui-même qui vit ce
qu’on pourrait appeler une crise éthique en faisant un mauvais usage des possibilités
qui lui sont offertes.
En effet, les plus grands dangers qui guettent la civilisation relèvent plus d’une crise
du sens (signification et direction) et du bas niveau moral et spirituel de l’homme que
des découvertes scientifiques elles-mêmes.

Argument 2
Compte tenu de la neutralité axiologique de la science et de la technique, il y a lieu de
définir des principes universels et stables pour relever les défis éthiques, c’est-à-dire
trouver des critères de délimitation et d’encadrement du pouvoir des chercheurs dans
tous les domaines.
Il faut placer la question éthique dans la conciliation, c’est-à-dire dans le juste milieu
entre la liberté d’action des chercheurs, l’intérêt scientifique de leurs recherches et
l’utilité sociale de ces dernières.
Il s’agira enfin de jeter les bases d’une révolution éthique consistant à relativiser l’idée
que nous nous faisons de l’humain.

Exemple de conclusion
L’humanité est de plus en soucieuse des préoccupations d’ordre moral, et même
éthique, qui découlent des applications néfastes des résultats de la science et de la
technique. Ainsi, pour sa survie, une éthique de la responsabilité s’impose afin que
Prométhée ne se déchaîne au point de devenir la source de sa malédiction.
Plutôt que d’incriminer la science et la technique, une prise de conscience est urgente
en vue de concilier en l’homme le pouvoir d’agir et la volonté de bien agir. Le devoir
moral permet de voir clair dans ses désirs et ainsi, d’aider l’homme de la
technoscience à se forger une claire conscience de son action et des conséquences qui
peuvent en découler. En plus d’un arsenal juridique pour protéger les recherches
scientifiques et leurs applications techniques, l’on a aussi besoin de la réflexion
philosophique pour éclairer et orienter nos choix.

53

Vous aimerez peut-être aussi