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Remerciements
Merci à Caroline pour son soutien sans faille et sa patience.
Merci à Laurent Jacquet pour ses relectures efficaces et pertinentes.
Merci à Patrick Lagadec et Bertrand Robert
pour m’avoir inoculé le virus de la gestion de crise.
Cognitia SAS
20, rue d’Athènes
75009 Paris
4e édition 2018
www.esf-scienceshumaines.fr
ISBN 978-2-7101-3410-7
ISSN 0768-2026
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une
part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées
à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but
d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le
consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette
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représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
4
Comment tirer le meilleur parti de cet ouvrage?
Cet ouvrage a pour vocation de vous accompagner dans votre développement
personnel et professionnel.
5
N ous espérons que cet ouvrage vous rendra les meilleurs services dans vos activités professionnelles
et personnelles. N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos remarques, critiques
et suggestions :
ESF Sciences humaines
Service Lecteurs
20, rue d'Athènes
75009 Paris
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Plan d’autoformation
Pour profiter pleinement de cet ouvrage, l’auteur a réalisé pour vous un
parcours d’autoformation qui favorise l’assimilation des concepts développés
et la mise en pratique dans votre quotidien.
Parce que l’on comprend mieux ce que l’on a déjà expérimenté, laissez-vous
guider.
2 Lire le 1er chapitre (page 13) puis réenvisager les réponses en fonction de cette lecture.
7
Table des matières
Comment tirer le meilleur parti de cet ouvrage?
Plan d’autoformation
8
Contexte général pour les exercices de 4 à 9
Exercice 4. La cartographie des risques
Exercice 5. Partager l’information
Exercice 6. S’organiser et identifier les rôles
Exercice 7. Communiquer par temps de crise
Exercice 8. La presse en a parlé
Exercice 9. Vous êtes la crise !
Corrigés des exercices
9
Première partie
10
Introduction
Changer les mentalités pour conduire les situations
dégradées
L a crise est partout : télé, radio, débats, discussions de comptoir. Pas une
journée sans que la notion de crise ne soit mise à toutes les sauces :
crise(s) de la dette, éruption volcanique aux effets incontrôlables, tsunami
meurtrier, attaques informatiques ciblant un ministère stratégique,
contamination d’un concombre faisant s’effondrer le chiffre d’affaires des
producteurs, autant de situations chaotiques qui caractérisent une décade sous
le signe de la crise. C’est à se demander comment ceux qui sont nés avant le
début de ce nouveau millénaire sont parvenus à survivre jusque-là, dans leur
vie personnelle comme dans leur vie professionnelle! La conscience des
risques encourus semblait alors moins prégnante : chacun buvait l’eau du
robinet, vivait dans des maisons peintes avec des peintures au plomb, isolées
à l’amiante, roulait dans des voitures sans airbags ni GPS. Se lancer à corps
perdu dans l’aventure de la création d’entreprise, innover, inventer semblait
moins insurmontable. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les dernières
décennies du XXe siècle ont vu tant d’innovations et d’idées nouvelles
révolutionner l’environnement. Le risque n’était pas un frein, il était
simplement la juste contrepartie de la réussite et du succès. Alors, qu’est-ce
qui a changé? Pourquoi, aujourd’hui, le risque est-il perçu comme un frein et
non plus comme un facteur de motivation et la contrepartie incontournable du
succès?
Les menaces d’aujourd’hui sont sans cesse plus nombreuses,
11
polymorphes et sans pitié. Il suffit de regarder l’actualité, de lire des
magazines d’information, de surfer sur les sites des agences de presse pour
réaliser la dimension transversale des menaces qui pèsent sur
l’environnement en général et sur le monde de l’entreprise en particulier :
OPA agressives, guerres concurrentielles, atteintes volontaires ou fortuites à
l’image, réglementations de plus en plus draconiennes, crises sociales,
terrorisme, fanatisme. Plus rien n’est épargné au monde du business, et faire
un tour d’horizon de tout ce qui menace un projet en gestation peut faire
frémir même les plus téméraires.
Les menaces ne sont plus isolées et uniques, mais elles sont entremêlées
et interactives : un incident mineur, un problème anodin dans l’une des
branches d’activité d’une organisation peut déstabiliser l’ensemble du
système. Et par effet de contagion, ce risque s’étend également aux systèmes
environnants. Le scandale Enron n’a pas seulement affecté la société qui en a
été à l’origine, mais tout le secteur de cette société et l’ensemble du monde
des affaires. Une entreprise peut donc être largement impactée par un incident
dont elle n’est pas à l’origine et dans lequel elle n’est absolument pas partie
prenante.
Certaines évolutions récentes constituent elles-mêmes un terrain
particulièrement fertile pour transformer un incident anodin en crise : rapidité
de l’information et donc de la « désinformation », réduction des délais de
prise de décision, complexité des systèmes de conduite de projets,
multiplicité des intervenants, effet accélérateur des médias – tous ces
éléments sont autant de facteurs aggravants qui n’attendent que l’occasion de
s’entre-mêler et de s’auto-entretenir pour faire disjoncter le système.
Aujourd’hui, les entreprises confrontées à un environnement de plus en
plus complexe et instable cherchent à formaliser une politique d’anticipation
des risques et de gestion de leurs conséquences en cas de crise. C’est déjà un
premier pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant. La difficulté
de l’anticipation des risques, c’est que toutes les menaces ne sont pas
identifiables. Déjà, en 1921, F. H. Knight parlait de ce risque différent du
risque « probabilisable » et le nommait incertitude1. Et cette notion
d’incertitude se heurte à des mentalités figées et des idées rassurantes mais
qui s’avèrent le plus souvent stériles et contreproductives quand il s’agit de
penser l’impensable ou de se préparer à gérer la surprise.
12
Alexis Ledermann s’interrogeait, dans un article intitulé La Recherche
d’un cadre de gestion des risques2, sur le fait que la tâche d’un risk manager
est peut-être redondante avec celle des titulaires des autres fonctions de
l’entreprise. Nous savons tous que quiconque se lance dans une entreprise se
trouve confronté à la gestion des risques et, par voie de conséquence, à la
gestion des crises. Nous sommes donc tous les risk managers de nos propres
projets, ceux qui seront responsables en cas de dysfonctionnements et devront
assumer les décisions prises quand il faudra solutionner un incident. La
notion de transversalité fait donc son chemin dans le domaine de la
prévention des risques. Nous ne sommes plus de simples consommateurs de
sécurité, mais nous en devenons tous des acteurs puisque chacun participe à
l’anticipation des risques concernant les projets dont il a la responsabilité.
Incertitude, risques, crises, responsabilités, décisions sont autant de
notions qui s’entremêlent dans les domaines complexes de l’anticipation et de
la conduite des situations de crise. Mais au-delà des méthodes, plans,
processus, classifications des risques, se pose le problème fondamental de
l’attitude que nous avons (ou que nous devrions avoir) face aux situations
incertaines et difficilement gérables. Car la conduite des crises est avant tout
affaire de mentalité et d’état d’esprit. Combien de fois n’a-t-on pas entendu
cette phrase lors de débriefings de situations réelles : « Nous n’étions pas
prêts ». Plutôt que de se plaindre de ce manque d’anticipation,
demandonsnous pourquoi nous n’étions pas prêts, et comment sortir de notre
culture de gestion de l’événement à chaud pour passer à celle de
l’anticipation adaptée et adaptable.
Le chantier qui s’annonce n’est pas simple : « travailler » sur la mentalité
et sur les attitudes « habituelles » des managers face aux risques et à leurs
conséquences relève d’un véritable travail de fond et de longue haleine.
Réfléchir sur ses modes de fonctionnements, c’est avant tout travailler sur
soi. Et travailler efficacement sur soi, c’est avant tout identifier ses failles et
ses travers pour les combler ou les corriger quand il faut décider vite. Or, la
prise de conscience de cette nécessité de travailler sur soi est déjà en elle-
même une difficulté. Mais elle est le premier pas indispensable pour
progresser dans l’anticipation des risques et la conduite des crises.
Le danger, mais également le plaisir de l’anticipation des risques et de la
conduite des risques, c’est qu’il existe peu de règles préétablies et applicables
13
de façon universelle, et que tout est à construire et à imaginer. En la matière,
la situation ou les événements constituent souvent des exceptions qui mettent
la règle à l’épreuve. En situation dégradée, l’exception devient souvent la
règle.
Cet ouvrage se veut simple et concis, clair et pragmatique. L’objectif
n’est pas de disserter sur les malheurs de l’incertitude et la difficulté à gérer
l’impensable, mais plutôt de clarifier quelques notions fondamentales. Il a
pour seule ambition de donner des pistes de réflexion et de proposer aux
dirigeants – chefs d’entreprise, responsables des ressources humaines,
responsables de projet, bref tous ceux qui auront un jour ou l’autre, dans leur
carrière ou dans leur vie personnelle, des risques à anticiper et des crises à
gérer – quelques outils pour le changement des mentalités.
◗ Note de l’auteur
Certains exemples de crises évoqués dans cet ouvrage ne font pas état du
nom de l’organisation ou de la société en cause. Ils sont ici volontairement
gommés pour ne pas porter atteinte à leur image ni mettre en cause les
personnes qui auraient commis des erreurs dans la gestion des situations
évoquées.
14
1
CHAPITRE
15
plus élémentaire des réserves ou des prudences. Ainsi donc, chacun perçoit le
risque à sa façon : selon son éducation, ses expériences, son état physique ou
psychique au moment où il doit faire ses choix. La subjectivité tient alors une
place importante dans un domaine d’où elle devrait être bannie. Avant de se
lancer plus avant dans la présentation des quelques méthodes qui semblent
indispensables pour anticiper les risques et piloter les crises quand elles se
déclenchent, il convient de clarifier la notion de risque, et par voie de
conséquence, la notion de crise à laquelle le risque est indubitablement lié.
16
ses clients ont pu mieux identifier les risques en fonction des intérêts de chacun, et ainsi
fournir des réponses appropriées à tous. Tout le monde s’en est trouvé rassuré, simplement
parce que cette réflexion avait contribué à « dégonfler » les inquiétudes de chacun.
Savoir prendre des risques, c’est donc avant tout commencer par un
travail sur soi. Connaître ses limites, ses objectifs, ses contraintes, c’est
l’étape incontournable à toute entreprise de quelque ordre qu’elle soit.
Combien de personnes se sont-elles lancées dans l’aventure de la création
d’entreprise sans savoir quels étaient leurs atouts et surtout leurs défauts
personnels? Combien ont entrepris sans vraiment savoir quels objectifs ils
souhaitaient atteindre?
De nombreuses techniques sont utilisées aujourd’hui pour réaliser ce
travail d’introspection et d’identification de notre cadre de référence. Sans
pour autant aller solliciter un psychanalyste avant de se lancer dans
l’aventure, savoir qui l’on est vraiment est primordial. Nous sommes notre
premier ennemi face au risque, et nos « dysfonctionnements » personnels
face au stress, à l’urgence, à la prise de décision, à la gestion des équipes sont
les principales causes des mauvaises gestions des crises que nous
rencontrons.
Afin de réaliser une première approche de cette notion complexe, il est
intéressant de concevoir un questionnaire simple et rapide2, que chacun
pourra remplir en fonction de son expérience et de son vécu professionnel et
personnel. Chacun pourra s’apercevoir que cette notion reste très subjective
et que la perception que l’on en a est en général modifiée par des paramètres
totalement personnels et parfois difficilement explicables de manière
rationnelle.
1.1 Définitions
On trouve de nombreuses approches de la notion de risque dans toutes les
littératures : risque naturel, risque technologique, risque assurance, indice de
risque… Il est vrai que ce mot est tellement riche de sens, selon qu’il est pris
dans tel contexte plutôt que dans tel autre, que l’enfermer dans une seule
définition semble illusoire et inefficace. Cependant, certaines d’entre elles
sont intéressantes et méritent de figurer dans cet ouvrage.
◗ Définitions à retenir
17
Sur le site de la Direction régionale de l’environnement de Lorraine
(DIREN)3, une définition intéressante du risque est donnée dans la rubrique «
risques naturels » : « Le risque résulte de la superposition d’un aléa avec un
enjeu. On entend par aléa la manifestation d’un phénomène naturel
(débordements de rivières, glissements de terrains, séismes, ou encore
avalanches, cyclones, éruptions volcaniques). Un aléa est caractérisé par sa
probabilité d’occurrence (décennale, centennale), et l’intensité de sa
manifestation (hauteur et vitesse de l’eau pour les crues, magnitude pour les
séismes, largeur de bande pour les glissements de terrain). Les enjeux : ce
sont les dommages directs comptabilisables dès la fin de l’événement
exceptionnel sur les habitations, les infrastructures, les bâtiments
commerciaux ou industriels, les cultures ou le cheptel, et, dans les cas les
plus dramatiques, les vies humaines. Ce sont aussi les perturbations
économiques et sociales qui résident essentiellement dans les pertes
d’exploitation dues à la destruction de l’outil de travail ou des récoltes ou
l’interruption des communications, mais aussi les atteintes à l’environnement
».
Le risque est positionné dans cette définition comme la superposition
d’un aléa et d’un enjeu. Pour le chef d’entreprise, le manager ou le chef de
projet, le risque est la superposition d’un enjeu (la réalisation du projet,
les résultats escomptés, le maintien d’une situation existante), avec un ou
des aléas (les impondérables techniques, commerciaux, l’action de la
concurrence, les malveillances…). Dans le cadre d’une gestion de projet, ce
sont les enjeux qui motivent ceux qui s’engagent. Dans la vie des entreprises,
ce sont les enjeux qui poussent à l’action et qui incitent à se lancer dans de
nouvelles aventures. Et c’est parce qu’il existe des aléas dans toute entreprise
que tout un chacun n’est pas entrepreneur. Dans toute élaboration de projet,
ce qu’il convient d’analyser, c’est avant tout ce que l’on peut gagner plutôt
que ce qu’on risque de perdre. C’est la base de ce que certains appellent «
l’esprit commando » et qui fait souvent défaut dans les entreprises
aujourd’hui (voir p. 34).
Lors d’un séminaire4 organisé par le réseau Analyse du risque industriel
(ARI) sous le patronage de l’INRS, de l’INERIS, de l’INSTN et du CEA,
Ivan Boissières a proposé pour le risque la définition suivante : « Le risque
concerne tout événement, tout dysfonctionnement susceptible de provoquer
un écart significatif entre un objectif assigné à l’organisation et la réponse
18
effectivement mise en œuvre par celle-ci. »
Le risque est ici associé à un dysfonctionnement qui empêche une
organisation d’atteindre un objectif qu’elle s’est fixée ou qui lui a été assigné.
Cette notion de dysfonctionnement rappelle une nouvelle fois le caractère
imprévisible de ce « grain de sable » qui grippe la machine. La capacité
d’anticipation des risques (voir p. 35), même si elle ne permet pas d’identifier
de façon exhaustive tous les dangers, permet au moins de diminuer l’effet de
surprise face à un dysfonctionnement imprévu.
Dans son ouvrage L’Homme face au risque technique 5, Denis Duclos
présente le concept de risque comme « une notion à géométrie variable ». Il
se rattache à la notion de catastrophe, de par l’importance des conséquences
en cas d’occurrence du risque. Il se rattache également à la notion de
confiance dans la fiabilité du système : l’organisation est-elle assez
compétente et professionnelle pour faire face au risque et en atténuer les
conséquences? La notion de conflit entre les parties contribuant à la gestion
du projet est également présente. Bon nombre d’équipes se fissurent ou
laissent paraître leurs divergences dès lors que les difficultés semblent
insurmontables. Le stress, les pressions internes et externes, le sentiment
d’impuissance s’attaquent au bon fonctionnement de l’organisation pour
laisser émerger les instincts primaires, les réactions de survie psychologique,
qui ont pour seul objectif de protéger chacun du sentiment de
disqualification. Car la disqualification est également l’un des visages de
cette notion de risque polymorphe : disqualification des procédures de
gestion des risques, des « agents » censés éviter les dysfonctionnements,
perte de confiance des groupes. Par expérience, on s’aperçoit qu’on qualifie
souvent de crise des situations qui font courir un risque de disqualification
alors qu’il ne s’agit que d’un incident somme toute mineur, qu’on a déjà géré
maintes et maintes fois. Mais la qualification de crise permet de justifier un
échec s’il devait survenir. Cette justification de la décision a priori est l’un
des aspects de la prise de décision qui sera abordé plus loin dans cet ouvrage.
19
facteur incontournable à prendre en compte. S’il existe toujours des risques
dès lors que l’on entreprend, certains ont une probabilité d’occurrence
beaucoup plus faible que d’autres, et la classification des menaces en fonction
de cette probabilité joue un rôle important dans la politique de prévention et
de conduite des crises.
Le risque mêle à la fois les notions d’objectif à atteindre, d’enjeux, d’aléas plus ou moins
probables et de conséquences. On pourrait dès lors tenter de définir le risque, dans le cadre d’une
gestion de projet notamment, comme « la probabilité d’occurrence d’un aléa dans la recherche
d’objectifs, qui aurait pour conséquences un retard ou un empêchement dans la réalisation des
objectifs assignés ».
20
également une légitimation de l’existence de l’individu, donnant quasiment
un sens à sa vie, où « le jeu symbolique avec la mort ajoute à l’exaltation
d’être en vie, un sentiment d’être garanti. Il se forge ainsi son image par ses
limites et jalonne son existence de ses repères. À défaut de limites de sens
que la société ne lui donne plus, il recherche autour de lui des limites de faits,
tangibles… le côtoiement de la mort est générateur de sens et le goût du
risque émerge du fond d’une société crispée sur une volonté de sécurité6 ».
◗ Médiatisation et surinformation
Il est quasiment impossible aujourd’hui de se lancer dans un quelconque
projet sans que les « oiseaux de mauvais augure » ne viennent vous mettre en
garde face aux pires dangers. La plupart du temps, leur intention n’est pas de
vous prévenir pour que vous puissiez vous préparer à leur occurrence mais
plutôt pour vous dissuader de tenter toute entreprise. Et leurs ultimes conseils
prennent parfois des allures de menaces : « On vous aura prévenu ». La
description de cette attitude est peut-être exagérée, mais les « prudents », les
hypocondriaques du risque, trouvent parfois des stratagèmes beaucoup plus
discrets et insidieux pour rappeler que chacun agit à ses risques et périls et
qu’il faudra assumer seuls les conséquences d’un dérapage ou d’une crise. Il
est pourtant indéniable que la surmédiatisation des plus récentes crises n’est
pas de nature à apaiser les craintes des plus prudents ou réticents. Cet excès
d’information, sous prétexte de donner tous les renseignements nécessaires,
est beaucoup plus inhibant que propice à une préparation efficace. Il est alors
facile de perdre un peu plus cette objectivité qui devrait être la première arme
face aux événements.
L’accès à l’information et le sentiment de surpuissance qu’il génère
changent profondément la notion de risque. Qui aurait imaginé que les
révélations d’informations classifiées sur Wikileaks auraient pu engendrer
une crise de la diplomatie internationale? Il y a encore quelques années, la
gestion efficace des informations était un des facteurs clés de l’efficacité en
gestion de crise. Aujourd’hui, c’est également une menace croissante qu’il
convient de prendre en compte dès le début d’une gestion de crise.
21
définition donnée par chacun de la notion de risque. Le premier « risque »
encouru dans une analyse de situation objective est le fait des préjugés et des
interprétations. Il est toujours surprenant de demander à plusieurs personnes
de lister les événements ou les situations qu’ils considèrent comme présentant
un risque : chacun fera des analyses et des appréciations différentes. Cette
diversité doit être prise en compte car elle est susceptible de tronquer une
analyse ou de privilégier un domaine considéré plus à risque qu’un autre.
28 janvier 1986 : la navette spatiale américaine Challenger explose quelques secondes
après son lancement. La commission Rodgers chargée de l’enquête établira que les joints
des réacteurs d’appoint, rendus défectueux à cause d’une température trop basse dans les
nuits précédant le décollage, sont à l’origine de l’explosion. Mais la commission Rodgers
a également établi que les grilles d’évaluation des risques utilisées par les techniciens
n’étaient pas les mêmes que celles utilisées par les décideurs. En effet, certains ingénieurs
avaient classé le risque de défectuosité des joints à cause du gel comme très probable,
alors que les décideurs avaient qualifié ce risque de négligeable.
◗ Quantifier le risque
Des méthodes de quantification du risque sont proposées dans de
nombreux ouvrages. Elles ont le mérite de fournir un outil d’évaluation plus
ou moins fiable et utile. Citons notamment la formule la plus classique et la
plus répandue :
Risque = gravité × probabilité d’occurrence
Dans cette formule, la gravité équivaut à la perte engendrée par la
survenue du risque : coût de l’interruption d’une chaîne de production, coût
de la perte d’un homme clé ou d’une information stratégique, frais de mise en
conformité suite à une évolution de la législation, etc. La probabilité
d’occurrence désigne, quant à elle, les possibilités de survenue du risque,
probabilité elle-même sujette à anticipation et quantification.
Il est certes très rassurant de mettre en « équation » la notion de risque
pour aboutir à une mesure ou une disposition sur une « échelle de risque »,
22
mais cette rationalisation ne contribue-t-elle pas à faire perdre de vue le côté
très subjectif de l’appréciation du risque? Peut-on mettre en formule
quasiment mathématique des notions aussi difficiles à cerner que la gravité et
la probabilité d’occurrence ?
Prenons un exemple concret : une entreprise décide de lancer un nouveau
produit particulièrement innovant sur un marché très concurrentiel. Comment
évaluer la gravité d’une attaque concurrentielle et se faire une idée sur sa
probabilité d’occurrence ?
Il convient tout d’abord de dresser un état des lieux de la concurrence sur
le marché : qui est en face de nous, qui allons-nous concurrencer avec notre
produit, quelles sont les conséquences de notre produit sur leur chiffre
d’affaires ? Il faudrait ensuite évaluer en fonction des expériences passées les
modes d’action susceptibles d’être utilisés contre nous : campagne de
publicité concurrente, riposte technique avec un produit encore plus innovant,
utilisation de moyens déloyaux (atteinte à l’image du nouveau produit, à la
réputation de la société, à l’intégrité de ses dirigeants…). Il faudrait
également estimer la perte engendrée par l’utilisation des moyens évoqués ci-
dessus, et finalement envisager les possibilités d’occurrence de chacun. Pour
en arriver à la conclusion suivante : si nous présentons un produit innovant
sur un marché très concurrentiel, la probabilité d’être la cible d’attaques
concurrentielles est très grande. Ce n’est pas la mise en formule de ce risque
qui va nous permettre de nous en prémunir. Et si, par extraordinaire, cette
probabilité contribuait à classer le risque comme impro-bable, cela nous
autoriserait-il à ne pas nous préparer à sa survenue ?
Les méthodes de mesure ou de quantification du risque ont très
certainement un intérêt, notamment pour tout ce qui concerne l’assurance de
ces risques ; toutefois elles ont le côté pervers de nous amener parfois à
négliger des risques très improbables, mais dont la gravité en cas
d’occurrence pourrait être fatale à l’organisation.
Le risque de voir deux avions de ligne s’écraser quasi simultanément sur les tours du
World Trade Center était quasiment nul en termes de probabilité. Et la gravité de cette
éventualité était telle qu’elle n’a jamais été véritablement abordée avec sérieux, ce qui
explique l’état de cataplexie qui a saisi les autorités américaines le 11 septembre 2001.
23
Prendre des décisions, c’est le propre de l’entrepreneur. Pour les prendre,
il faut pouvoir mettre en balance ce que l’on risque et ce que l’on peut
gagner. Là encore, chacun évalue ses enjeux en fonction des objectifs qu’il
désire atteindre et des moyens qu’il est prêt à mettre en œuvre pour les
atteindre.
À chacun d’établir sa propre échelle d’enjeux, et de savoir jusqu’où il est
prêt à aller pour les atteindre.
2.1 Définition
La crise peut tout d’abord être définie en étudiant ses causes et ses
origines : c’est souvent ce que l’on fait quand on analyse une crise passée.
Comment est-elle survenue, quels en ont été les signes annonciateurs, aurait-
on pu les prévoir, pourquoi ne les a-t-on pas vus ?
On peut également définir la crise en envisageant son issue et ses
conséquences : si cela se produit, que va-t-il se passer et comment gérer les
conséquences de l’incident ?
Ces « saucissonnages » ne conviennent plus à la mise en œuvre de
politiques d’anticipation et de gestion des crises. Les auteurs les plus récents
24
ont envisagé la crise comme un processus global, au cours duquel les causes
et les conséquences s’entremêlent pour générer une situation instable et
particulièrement difficile à piloter.
◗ Définitions d’auteurs
Depuis une bonne trentaine d’années, une littérature spécifique s’est
développée autour de la crise et du risque. Quelques définitions, même
anciennes, permettent de mieux cerner cette notion fluctuante et, là encore,
subjective. Si aucune ne fournit la définition idéale, elles permettent de
susciter la réflexion et la discussion pour en tracer les contours.
En 1963, Charles Herman définit la crise comme « un événement
surprenant les individus et restreignant leur temps de réponse, et menaçant
leurs objectifs prioritaires7 ». Il lie donc à la crise les notions de surprise, de
décision dans l’urgence et d’atteinte aux objectifs fixés.
J. E. Dutton, en 1986, voit la crise comme « une situation ambiguë où les
causes et les effets sont inconnus ». Il est indéniable que la crise est toujours
ambiguë, au sens notamment où elle contient dans sa dynamique à la fois
tous les ingrédients de la réussite et de l’échec. Cependant, si les effets de la
crise sont souvent inconnus à son commencement, il est risqué de penser que
ses causes le sont aussi. Ce serait peut-être avoir une vision trop fataliste, car
des causes inconnues semblent par essence difficiles à anticiper.
Dans une définition de 1988, Ian Mitroff introduit clairement la notion de
probabilité d’occurrence en identifiant la crise comme « un événement à
faible probabilité et à fort impact », impact dû peut-être à sa faible
anticipation induite par sa faible probabilité.
Une autre définition intéressante a été élaborée par l’Institut des hautes
études en sécurité intérieure8 : « La crise est une déstructuration rapide de
tous les repères, une dérégulation des mécanismes et des réactions
habituelles. C’est une dynamique qui s’auto-alimente par un effet boule de
neige provoquant une incapacité grandissante à maîtriser l’incertitude ».
25
situations, c’est indéniablement Patrick Lagadec, directeur de recherche à
l’École polytechnique et auteur de nombreux ouvrages sur ce sujet9.
Pour Patrick Lagadec, « nous sommes entrés dans une ère d’événements
d’un genre nouveau caractérisés par leur vitesse de propagation, leur
hypercomplexité, leur dimension mondiale, l’ignorance dans laquelle ils
placent les acteurs concernés et le caractère impensable de leur nature10 ».
Cette notion d’hypercomplexité est particulièrement intéressante car elle
intègre à la notion de crise une notion qui lui est indissociable, celle
d’incertitude. On ne peut pas tout prévoir, et les modèles d’anticipation et de
prévision ont montré leurs limites. Il va falloir désormais accepter cette zone
de flou qui enveloppera les crises de demain.
2.2 Interprétations
Définir la crise est difficile, mais trouver une définition qui satisfasse tout
le monde l’est encore plus. Les expériences sont aussi nombreuses que
variées, et chacun aura de la crise sa propre perception.
◗ La crise perçue
En situation dégradée, quand les événements se bousculent et que
l’urgence à prendre une décision se fait encore plus prégnante, l’objectivité
devient subjectivité et la perception de chacun prend le pas sur le sens
commun.
Christophe Roux-Dufort11 voit dans la crise « un concept
fondamentalement lié à la perception que peuvent en avoir les acteurs. Une
même situation peut être perçue par certains comme une crise et par d’autres
comme une simple perturbation inhérente à la vie des affaires. L’ambiguïté
26
du concept, abusivement employé pour décrire toutes sortes de situations
dont les causes et les effets se révèlent ambigus, a contribué à vider la notion
de son sens. Elle pose aussi le problème de définition des situations que les
dirigeants ont à gérer ». En bref, il semble évident que chacun voit la crise à
sa porte. À chacun donc d’en définir les concepts et les contours pour pouvoir
l’identifier au plus tôt.
Il est également intéressant de noter l’appréciation de A. Bolzinger12 dans
le Bulletin de psychologie. Il caractérise la crise vécue par quatre mots clés :
◆ Soudaineté : la crise est ressentie comme un événement foudroyant
qui fait irruption dans la vie du sujet, même lorsqu’elle est progressive et
s’installe en quelques jours.
◆ Incoercibilité : la crise s’impose jusque dans l’intimité du sujet avec
une actualité pressante et inéluctable.
◆ Incompréhensibilité : la crise est perçue comme un étrange concours
de circonstances ; même si le sujet adhère à la logique de la situation qui le
saisit, il conserve néanmoins un fond de surprise et de bouleversement
mystérieux.
◆ Facticité : la crise est, pour le sujet, comme une parenthèse
brusquement détachée du déroulement habituel de son existence, un moment
paroxystique qui est vécu comme une réalité objective mais séparé de la
réalité objective.
27
une crise, aujourd’hui, tout le monde a pris conscience que la crise est
devenue une réalité quasipermanente.
Dans un tel environnement, les organisations et ceux qui les composent
doivent désormais intégrer deux notions fondamentales : complication versus
complexité. Un système compliqué est un système qui est régi pas une
multitude de paramètres, que l’on peut identifier et dont on connaît l’impact
les uns sur les autres. Un tel système permet d’être dans une logique de
modélisation, et donc de procédures dans lesquelles tout est prévu, identifié,
et qui sont remplies de réponses à des problèmes prévisibles. Par contre, un
système complexe est un système dans lequel, parmi une multitude de
paramètres prévisibles, se trouve au moins un paramètre aléatoire, ou
imperceptible, ou inacceptable dans le cadre de référence de celui qui
l’observe. Et quand plusieurs dizaines de paramètres sont devenus aléatoires,
imperceptibles ou inacceptables, la complexité s’installe pour longtemps.
Le management de crise est devenu le management de la complexité : des
situations où l’aléatoire est devenu systématique et où l’incertitude est un
paramètre permanent. Face à cette incertitude croissante, constituant
désormais une constante incontournable, un changement des mentalités est
nécessaire. La complexité, si elle nous fait passer d’une logique de
modélisation à une logique de l’aléatoire, permet aussi quand elle est
acceptée d’utiliser les crises comme des opportunités de changement, de
mutation et de perfectionnement.
Il faut donc arriver à cette conclusion peu rassurante : le monde est
incertitude, et il faudra vivre avec ce sentiment de malaise que tout le monde
cherche à se cacher et dont chacun se protège en confortant ses certitudes,
même fausses. Raymond Vaillancourt décrit bien ce mécanisme de défense :
« Cette incertitude récurrente provoque une insécurité personnelle qui
cherche à se résorber par une vaine tentative de soumettre la réalité aux
solutions ayant déjà donné des résultats. Devant l’échec, cela renforce
l’impression d’une généralisation de l’incertitude. L’insécurité demeure du
domaine personnel et sera principalement résorbée en fonction de la façon
avec laquelle nous aborderons l’incertitude. Quant à cette dernière, il est
possible de la gérer en l’intégrant comme une donnée de base de la situation
actuelle et un élément incontournable du futur14 ».
Les dernières années nous ont démontré les failles colossales que
28
génèrent les fausses certitudes : les attentats du 11 septembre 2001 en sont un
exemple douloureux.
Les auteurs des détournements d’avion du 11 septembre ont fondé leur action sur trois
fausses certitudes majeures, qui ont rendu illisibles tous les signaux annonciateurs d’une
telle tragédie. La première faille dans le système fut le fort sentiment d’invulnérabilité du
territoire américain. En effet, la dernière action de guerre sur le territoire des États-Unis fut
le bombardement de la flotte dans le port de Pearl Harbor par l’aviation japonaise en
décembre 1942. Depuis cette date, les USA ont mené de multiples opérations militaires
(Corée, Vietnam, Panama, Irak) mais jamais sur leur propre territoire. Il était dès lors
impossible de réellement prendre en compte le fait qu’un pays capable de porter en
quelques heures la guerre en n’importe quel point de la planète puisse être attaqué sur son
propre territoire. Depuis la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du Pacte de Varsovie,
aucune armée au monde n’aurait pu mener à bien une telle action.
La seconde certitude qui a rendu les USA vulnérables fut l’illusion que toutes les
informations ou les renseignements disponibles sur les menaces éventuelles étaient traités
de façon efficace. Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que l’information indiquant
qu’un groupe de personnes potentiellement suspectes, originaires du Moyen-Orient,
prenait des cours de pilotage dans diverses écoles des États-Unis était connue de certains
membres du FBI. Mais cette information, noyée parmi les millions d’autres captées chaque
jour par les systèmes d’écoute ou de renseignement américains, n’a pas été appréciée à sa
juste valeur.
La dernière certitude, enfin, fut de croire que les services de sécurité et les multiples
agences américaines travaillaient main dans la main et en parfaite coordination.
Prises une à une, ces fausses croyances auraient pu être assimilées à des
dysfonctionnements du système. Pourtant, leur tragique conjugaison a fait que
l’organisation la plus avancée en matière de sécurité d’un territoire a été mise en défaut par
une vingtaine de terroristes armés de cutters.
S’il n’existe pas de bonne certitude, il en est une fondamentale : rien n’est
certain, mais l’instable peut malgré tout se gérer.
29
Les bonnes et mauvaises certitudes face aux risques
◗ L’insouciance :
« Le risque ? À quoi ça sert ? »
On pourrait se dire que les insouciants sont les managers les plus
30
audacieux et les plus entreprenants car ils ne sont pas limités par ce frein
inhibiteur qu’est l’appréhension face aux risques et aux aléas. Il n’en est rien :
si la peur n’efface pas le danger, elle est malgré tout un bon indicateur du
moment où il faut se poser la question du risque et de ses conséquences pour
faire le point sur ce qui a été prévu au cas où cela se passerait mal. Or, celui
qui n’a peur de rien est dangereux, pour lui et pour les autres, a fortiori dans
le cadre d’une gestion de projet « à risques ».
Quand la crise se déclenche, l’impression d’incrédulité fige les esprits,
pousse les décideurs dans une impasse imaginaire qui laisse à la crise le
champ libre pour proliférer et contaminer le reste de l’organisation. Après
cette première impression d’irréalité, ce sont généralement les sentiments
d’impuissance et d’injustice qui s’installent. Ces émotions, très légitimes
mais malheureusement particulièrement déstabilisantes, ne sont pas plus
efficaces car elles donnent l’impression que tout est perdu ou elles poussent à
réagir avec impulsivité sans prendre le recul nécessaire à une bonne
adaptation à la situation.
◗ La politique de l’autruche :
« Rien ne peut nous arriver. Pas à nous… »
31
l’information stratégique. Le formidable développement de l’intelligence
économique fait de l’information économique et concurrentielle une cible
privilégiée pour les concurrents, qu’ils soient privés ou publics. Ce risque,
qui n’est pas nouveau mais dont la prise de conscience collective reste très
récente, n’est toujours pas systématiquement inclus dans les plans de crise
des entreprises.
Dernièrement, le dirigeant d’une PME travaillant sur une niche technologique liée à
l’aéronautique indiquait dans la presse que son activité était « marginale » pour les grands
groupes du secteur (ses clients pour la plupart) et que son activité ne saurait susciter un
quelconque intérêt de la part des « chercheurs d’informations » gravitant dans les
domaines de la haute technologie. Ce qui revenait à affirmer que « le risque existe, mais il
ne s’applique pas à moi ». Bien mal en a pris à ce dirigeant car à quelques jours de
déposer un brevet capital pour la continuité de son activité, un de ces concurrents
étrangers lui a damé le pion et a déposé la même innovation technologique auprès des
instances officielles. Malgré les recours engagés, il lui a été impossible de prouver que
l’idée avait été subtilisée par son concurrent même si la très grande proximité de la
conception laissait à penser que c’était effectivement le cas. Aujourd’hui, le dirigeant
malheureux a pris des mesures de protection de son information stratégique. Il n’est
jamais trop tard pour bien faire…
◗ L’esprit de forteresse :
« Rassurez-vous, tout est prévu et sous contrôle! »
32
projette l’organisation hors de son domaine classique d’action.
En général, les organisations développant l’esprit de forteresse ont une
ébauche d’organisation de crise. Elles en ont peut-être aussi affronté, souvent
avec succès, et ont donc l’impression qu’elles peuvent « gagner » à tous les
coups. Cette certitude que « tout est sous contrôle » pousse à négliger le fait
que les menaces d’aujourd’hui sont polymorphes, mouvantes et transversales.
Cette illusion d’être bien préparé va produire un effet d’accélération
dévastateur dans le cas où la situation s’avère beaucoup plus difficile à
maîtriser que prévu. Dès lors que l’organisation, sûre de son indéfectible
fiabilité, va constater les premières disqualifications dues à l’instabilité de la
situation ou à la complexité de l’incident, tout le système va se désagréger.
C’est la perte de l’illusion d’« omni-efficience » qui va être l’élément le plus
dévastateur de la crise. C’est en général à ce moment-là que chacun ou que
chaque entité de l’organisation va rejeter la responsabilité de l’incident sur les
autres. Dès lors, c’en est fini de la cohésion et de l’unité. La confiance perdue
sera difficile à retrouver.
L’excès de confiance est une fausse certitude qui reste proche de l’esprit
de forteresse mais qui diffère par le fait que la conscience du risque est en
général bien moins présente et la préparation faible. Pourquoi se préparer
puisque nous sommes naturellement bons ? Ce manque d’humilité et le
sentiment d’invulnérabilité qui en découle donnent l’illusion que même si
notre environnement n’est pas totalement sous contrôle, nous pourrons
affronter les turbulences sans problème.
Ce dysfonctionnement génère souvent une tendance à la prise de risque
irraisonnée tant que tout se passe bien. Le retour de bâton est alors d’autant
plus violent le jour où l’imprévu se produit et lorsqu’on s’aperçoit que
l’organisation est incapable d’y faire face, généralement submergée par
l’ampleur de la tâche à accomplir et l’énormité des enjeux et des
conséquences de la crise.
◗ L’excès de prudence :
« Surtout, ne faites pas bouger le bateau! »
33
Les adeptes de l’excès de prudence ont en général une conscience
exacerbée des risques. Cette conscience est telle qu’elle les plonge dans une
sorte d’inertie. Cette attitude paralyse les plus courageux et décourage les
plus entreprenants. Plutôt ne rien faire que de faire courir un risque à un
système certes ronronnant mais tellement plus rassurant par sa stabilité
bonhomme.
Dès que la crise se déclenche, les premières réactions sont plutôt dans la
recherche des responsabilités que dans la prise en main efficace de la
conduite de l’incident. Tout ce qui convient pour entraver un peu plus le
retour à la confiance et la motivation par l’initiative.
L’incertitude génère une désagréable sensation car elle met en doute les
capacités des organisations à tout anticiper et à tout prévoir. Rien de plus
rassurant que d’épaisses procédures dans lesquelles tous les problèmes et
toutes les solutions ont été envisagés, pensés et consolidés. Or, cette « zone
de danger » ne peut être acceptée et appréhendée que si l’incertitude est
acceptée comme un paramètre incontournable de la gestion des crises.
Le premier pas vers un état d’esprit adapté à l’anticipation des risques et à
la conduite de crise, c’est avant tout accepter la part d’incertitude inhérente
à toute activité. Cette zone « grise » des situations imprévisibles ne sera de
toute façon jamais sous le contrôle des managers ou des dirigeants. Dès lors,
il faut la considérer comme partie intégrante du « jeu » et l’accepter quand
elle vient entraver le bon déroulement d’un projet ou d’une stratégie.
Si l’incertitude fait partie du jeu, il faut donc apprendre à gérer la
34
surprise. Bertrand Robert et Catherine Weber15 mènent depuis quelques
années des réflexions particulièrement intéressantes et innovantes sur la
notion de surprise dans la gestion des crises. Ils ont envisagé la surprise selon
deux angles opposés : la surprise comme adversaire, mais également la
surprise comme outil de gestion des situations à risque. Apprivoiser la
surprise, apprendre à l’affronter sans qu’elle ne suscite un excès de stress ou
de panique, voilà une attitude constructive pour se forger un état d’esprit
gagnant. Cet apprentissage passe notamment par la conduite d’exercices «
non conventionnels », sortant du cadre habituel des simulations et mettant les
participants face à des situations impensables et hors du commun. Ces mises
en situations participeront à l’émergence de cette capacité d’adaptation et de
créativité qui transforme la surprise en alliée.
35
de débriefings efficaces16, nécessite une certaine confiance au sein de
l’équipe de crise, ainsi qu’une véritable maturité.
Dernier élément renforçant l’idée que l’humilité est primordiale : il n’y a
pas de « petite crise ». Bon nombre de dirigeants ne daignent pas se pencher
sur des situations qu’ils n’évaluent pas comme des crises « dignes de leur
rang ». Or, bon nombre de situations dégradées portent en elles les germes de
catastrophes d’ampleur incommensurable. Il ne faut pas considérer que
certains risques ne méritent pas l’attention ; tous doivent être examinés avec
sérieux pour éviter qu’ils ne se transforment en événement disqualifiant.
◗ La capacité à s’adapter
La capacité d’adaptation est un corollaire naturel de l’acceptation de la
notion d’incertitude et de l’humilité face aux situations. Cette capacité est
l’aptitude à remettre en question, à « chaud » et dans la tourmente, ses
certitudes et ses préjugés pour pouvoir faire face au problème de la manière
la plus efficace qui soit. Savoir réajuster son jugement, ses choix, ses
décisions est une aptitude qui n’est pas forcément naturelle et qui se travaille
au jour le jour. Loin d’être une marque d’instabilité, cette aptitude à modifier
son comportement est une force du dirigeant. Pour André Gide, «
l’intelligence, c’est la faculté d’adaptation ».
La capacité d’adaptation est également étroitement liée à la créativité que
chacun peut développer face aux problèmes. S’adapter, c’est parfois trouver
une solution innovante ou inédite à un problème donné, sortir du cadre et des
habitudes. Un problème particulier qui se transforme en crise, c’est parfois un
problème auquel on a appliqué des solutions anciennes qui n’ont pas
fonctionné.
◗ La prise de risque
« Who dares win »
Devise du SAS17
36
justement parce qu’elle est personnelle. Alors, comment expliquer qu’il soit
si difficile de la faire accepter dans le monde de l’entreprise et dans la gestion
de crise ?
Beaucoup de dirigeants évoquent le manque d’« esprit commando » dans
leurs équipes, le manque de prise d’initiative et une certaine inhibition à
prendre des décisions sensibles, même lorsqu’elles relèvent clairement de la
fiche de tâche du manager en question. Mais les dirigeants parfois si critiques
font-ils ce qu’il faut pour valoriser la prise de risque de leurs collaborateurs ?
Ne poussent-ils pas parfois à la centralisation de la prise de décision pour
pouvoir « tout contrôler » ?
Gérer une crise, c’est décider, et donc prendre des risques. C’est là que
l’expérience entre en jeu et apporte à ceux qui savent la valoriser cette
aptitude à connaître leur propre capacité à « risquer ». C’est aussi cet effet
d’apprentissage qui permet de voir que plus les risques encourus sont grands,
plus les bénéfices obtenus par l’action sont élevés. Mais cet effet
d’apprentissage a un effet pervers, car il suffit parfois de se tromper dans une
prise de risque, et donc peut-être de perdre beaucoup, pour inhiber le
décideur pour longtemps.
Développer la capacité à prendre des risques (mesurés) est avant tout
une responsabilité de l’organisation. Elle seule peut parvenir à vaincre
ses propres blocages, et un seul individu ne peut pas bouleverser des modes
de fonctionnement « validés » par le système au sein duquel il se trouve.
L’entraînement et la pratique de l’équipe de crise sont des facteurs favorisant
cette aptitude à prendre des risques. Le management des situations instables
doit se situer entre audace et prudence.
37
Qu’est-ce que l’esprit commando ?
Ce ne sont encore une fois que des règles de bon sens, mais qui sont
souvent plus faciles à énumérer qu’à appliquer efficacement. Tout revient une
nouvelle fois à cette incontournable nécessité de faire évoluer les mentalités.
En pratique
38
Anticiper les risques, c’est avant tout :
– dresser un état des lieux de ce qui pourrait arriver, de tous les événements qui pourraient «
impacter » un projet ou une activité ;
– classer les risques par probabilité d’occurrence ;
– identifier les principaux signes annonciateurs qui pourraient être détectés en amont pour les
risques les plus probables ;
– garder constamment à l’esprit la notion d’incertitude.
◗ Honnêteté de l’analyse
Construire efficacement sur un mensonge est impossible et impensable.
Dans l’anticipation des risques, il convient d’être particulièrement honnête et
objectif pour réduire l’incertitude. Certains pourraient parfois être tentés de
sélectionner, dans les informations et les analyses diverses faites autour d’un
projet, uniquement celles qui vont dans un certain sens. Parfois, après avoir
pris une décision qui s’est avérée être mauvaise, on s’aperçoit que seules
certaines informations ont été intégrées dans l’analyse, alors que celles qui
infirmaient la décision envisagée ont été oubliées. Quand cette sélection se
fait de façon consciente, elle confine à la malhonnêteté. Mais il peut
également s’agir d’un fonctionnement psychologique inconscient, appelé
scotomisation.
En ophtalmologie, le scotome est une anomalie passagère ou durable de la vision, qui peut
revêtir de nombreuses formes et « amputer » une partie plus ou moins grande du champ
39
visuel du patient ou, dans certains cas, l’empêcher de percevoir globalement la réalité. En
psychiatrie, la scotomisation est le fait pour un sujet d’évacuer de sa conscience un
événement pénible, un souvenir traumatisant. Les psychiatres ont utilisé ce terme
d’ophtalmologie, car il traduit bien le fait d’obscurcir une partie de ses souvenirs, comme
un scotome qui ampute le champ visuel. Sigmund Freud parlait de « déni de la réalité » en
décrivant ce type de défense contre une perception douloureuse. En ce qui concerne la
sélection des informations destinées à l’analyse de situation, ce dysfonctionnement pousse
à ne prendre en compte que les renseignements qui vont dans le sens du décideur au
détriment des autres. C’est en quelque sorte un filtre inconscient dont l’objectif est en fait
de ne conserver que les analyses qui permettront de justifier une solution envisagée à
l’avance.
40
une fois, la conscience efficace reste l’attitude qu’il convient d’adopter face
aux risques.
Pour permettre une approche méthodologique de l’identification des
risques, il est possible d’appliquer la technique de l’entonnoir. Elle consiste à
définir les grandes « familles » de risques, puis à décliner chaque famille
pour en identifier les risques les plus apparents, et enfin lister les signes
précurseurs qui pourraient annoncer leur survenue. Dès que ce travail aura été
réalisé, on pourra centraliser tous les risques identifiés dans une cartographie
globale.
◗ Le risque métier
Le risque métier est celui qui est directement lié à l’activité principale, au
cœur de métier de l’organisation.
Lorsqu’un laboratoire privé américain diffuse par inadvertance, à travers
son réseau de laboratoires partenaires, une souche du virus de la fièvre de
1957 pour lequel aucun vaccin n’est plus disponible, il s’agit d’un incident lié
au risque métier. Outre l’incidence qu’un risque métier a sur la production, il
met généralement en jeu l’image de sérieux et de compétence de
l’organisation en cause.
• L’affaire des régulateurs de vitesse n’en finit pas de rebondir. Sans que la responsabilité
des constructeurs automobiles ne soit réellement pleinement engagée, le nombre
d’incidents liés à l’utilisation des régulateurs de vitesse ne cesse de croître : impossibilité
de reprendre le contrôle de la vitesse du véhicule sur une autoroute, dysfonctionnements
généraux des modules de conduite. Même si rien ne prouve aujourd’hui qu’il s’agit d’un
défaut de conception, ces affaires à répétition mettent à mal la crédibilité technique du
système et constituent un incident lié au métier des constructeurs automobiles.
• En septembre 1999, la marque de bière Budweiser ordonne un rappel de ses bouteilles
en raison d’un risque d’ébrèchement du verre lors de l’ouverture.
• En septembre 2000, Firestone retire plus de 60000 pneus du marché après plusieurs
accidents mortels.
41
– Incident dans la chaîne de distribution
– Incident « perte projet »
– Perte d’une ressource humaine « clé »
– Perte d’information stratégique
◗ Risque concurrentiel
Le risque concurrentiel est le risque lié à l’activité des entités
concurrentes à l’organisation. On peut identifier dans cette famille deux types
de risques :
– ceux relevant de la concurrence « blanche », c’est-à-dire ayant recours
à des actions entrant dans le cadre d’une concurrence dite normale ;
– ceux liés à la concurrence « noire », c’est-à-dire ayant recours à des
actions clairement déloyales ou illégales.
Si les actes de concurrence blanche sont des démarches normales dans le
cadre d’une économie de marché, les actes de concurrence noire sont très
déstabilisants, souvent imprévisibles et en général difficiles à prouver pour
intenter une action en justice.
• Dans les années 1990, une société américaine a installé dans le sud de la France un
bureau de recrutement. L’objectif de ce bureau, par le biais de dizaines de faux entretiens
d’embauche, était d’obtenir des informations sur les sociétés liées à l’aéronautique
installées dans la région, réaliser une cartographie des sociétés travaillant dans le secteur et
débaucher les profils les plus intéressants.
• En mai 2005, la société Valéo se dit victime d’un acte d’espionnage économique. Une
stagiaire chinoise aurait profité de son activité pour pirater le système informatique de
l’équipementier automobile afin de se procurer les plans de systèmes et de produits non
encore mis sur le marché.
42
◗ Risque financier
Le risque financier est lié à tous les aspects relatifs à la comptabilité et/ou
aux investissements des organisations. Il peut être du fait d’un partenaire, qui
décide de se retirer d’un projet par exemple, ou du fait d’un concurrent qui
lance une OPA hostile à un moment où la société cible est en difficulté. Il
regroupe également l’ensemble des crises liées aux fraudes et aux
malversations.
En décembre 2000, le groupe Enron est mis en cause dans une affaire de falsification de
documents comptables, entraînant ainsi la chute d’Andersen et une vaste vague de
défiance dans ce secteur d’activité.
◗ Risque légal
Le risque légal est le risque lié à l’environnement juridique et
réglementaire du projet ou de l’activité. On peut notamment identifier dans
cette famille de risques les mises en causes judiciaires de la société ou de ses
dirigeants.
• En décembre 2002, la mise en cause des dirigeants de la société Buffalo Grill dans le
cadre des enquêtes sur la mise en vente de viande britannique, malgré l’embargo lié à la
crise de la vache folle, a été une épreuve difficile à gérer pour cette société. Les
expressions « garde à vue » et « mise en examen » sont lourdes de sens pour le public des
médias, même si elles ne signifient en rien la culpabilité de ceux qui sont soumis à ces
mesures judiciaires.
• En novembre 1999, la célèbre agence de mannequin Élite est mise en cause pour
harcèlement sexuel dans un reportage diffusé par la chaîne de télévision britannique BBC.
De multiples plaintes seront déposées par d’anciens mannequins.
• En septembre 2000, le premier groupe laitier italien Lactalis est mis en cause dans le
cadre d’une affaire de falsification portant sur plus de 65 % de sa production. De
nombreux producteurs locaux seront gravement impactés par cette affaire.
43
de l’environnement légal qui peuvent porter atteinte au bon fonctionnement
de l’organisation, ainsi que les jurisprudences des tribunaux qui clarifient des
points de législation.
• Le 15 octobre 1992, le ministère des Finances français décide de mettre fin à la pratique
des comptes courants rémunérés, entraînant par là même une crise au sein de certaines
banques spécialisées, comme la banque Cortal, qui s’étaient développées sur ce produit. Il
est à noter que le ministère des Finances est revenu sur cette décision en 2005.
• En juin 1993, le Groupe Yves Saint-Laurent lance un nouveau parfum baptisé «
Champagne ». Après des plaintes de producteurs de Champagne, le nom du parfum sera
interdit par la cour d’appel de Paris le 15 décembre 1993 car utilisant une appellation
d’origine contrôlée.
◗ Risque social
Le risque social est constitué des actions, mouvements ou actes
revendicatifs qui, justifiés ou non, sont susceptibles de modifier la bonne
marche de l’activité de l’organisation. Les grèves des chauffeurs routiers de
la fin des années 1990 ont largement pesé sur l’ensemble de l’activité
économique nationale, bien au-delà semble-t-il des attentes des grévistes.
En 1998, à la veille de la Coupe du monde de football, les pilotes de la compagnie
aérienne Air France affiliés au Syndicat national des pilotes de lignes déclenchent un
mouvement de grève. Le gouvernement menace d’utiliser l’armée pour mettre fin au
conflit.
44
les négociations, ils ont menacé de déverser les produits chimiques destinés à la
production dans une rivière voisine, au risque de polluer l’environnement de façon
importante.
◗ Risque image
Le risque image est celui dont l’occurrence peut nuire gravement à la
notoriété ou la réputation de l’organisation. Cette atteinte peut être directe
quand elle vise l’entité en question.
• Le 22 juin 1983, le Canard Enchaîné révèle une vaste escroquerie financière liée au
projet des avions renifleurs, mettant en cause plusieurs personnalités politiques et des
cadres de sociétés d’aéronautique.
• En juin 2004, le film de Morgan Spurlock intitulé Supersize me met en cause la chaîne
Mc Donald dans le phénomène de l’obésité aux États-Unis.
L’atteinte peut également être indirecte quand elle touche un partenaire ou un concurrent
travaillant dans le même secteur d’activité.
En janvier 1996, le scandale de l’ARC éclate : la Cour des comptes publie un rapport
accablant qui met en cause certains dirigeants pour une série de malversations financières
dont l’association ne se relèvera que difficilement. Les autres associations du même
secteur seront indirectement touchées par cette affaire et verront leurs donations diminuer
de façon importante alors qu’elles ne sont nullement impliquées dans l’affaire.
45
– Atteinte à l’image d’un produit au sens large
Atteintes ciblées – Rumeurs concernant la société
– Campagne de désinformation ciblée
• Le 1er novembre 1986, à la suite d’un incendie dans une usine chimique Sandoz près de
Bâle, du mercure est déversé dans le Rhin, provoquant une crise écologique hors du
commun.
• En janvier 2003, la neige bloque l’autoroute A 10, gérée par la société Cofiroute, et
bloque pendant plusieurs heures 15000 véhicules.
• En août 2003, une canicule sans précédent s’abat sur la France. 12000 décès lui sont
imputés, obligeant le ministre de la Santé à démissionner. Les principaux risques liés à
l’environnement
46
Crise sanitaire – Contamination de produit de consommation par un élément
pathogène
◗ Risque sûreté-sécurité
Le risque Sécurité regroupe les situations liées au domaine « hygiène et
sécurité ». Force est de constater que ce type de risque est largement pris en
compte, notamment du fait des obligations légales qui pèsent sur l’employeur
et des actions efficaces de la plupart des CHSCT23.
Le risque sûreté regroupe quant à lui les atteintes volontaires aux
personnes et aux biens, sous toutes leurs formes.
Fin 2003, une entreprise française travaillant dans un pays africain est confrontée à une
crise de sûreté : deux de ses ingénieurs, un Belge et un Français, sont kidnappés. La
panique gagne le reste des personnels expatriés dans ce pays ; ceux-ci menacent d’exercer
leur droit de retrait et demandent à rentrer en France. Cette société ne peut se permettre
d’arrêter son exploitation, au vu notamment des colossales pénalités établies
contractuellement avec son donneur d’ordre. Après avoir sollicité le soutien d’une société
spécialisée dans la sécurisation du développement international, les deux ingénieurs seront
récupérés rapidement et les autres personnels sécurisés dans la durée.
47
dans cette matière, le service de sécurité-sûreté se chargera de son domaine,
et ainsi de suite. Chacun agissant dans son secteur d’activité ou d’expertise, il
sera plus aisé de déterminer les signes annonciateurs des risques ainsi que
leur probabilité d’occurrence.
◗ Le risque improbable
Le risque improbable a une faible probabilité d’occurrence. Sa survenue
est souvent liée à un déclenchement quasi-volontaire ou à une décision
absurde24. Dans le cadre de l’implantation d’une entreprise de haute
technologie innovante au Luxembourg, le risque de crise politique pouvant
déstabiliser l’activité de celle-ci dans ce pays paisible est hautement
improbable.
◗ Le risque possible
Le risque possible a une probabilité d’occurrence moyenne. Bien qu’il ne
constitue pas une menace avérée, il reste toujours envisageable de façon
raisonnablement sérieuse. Une société de haute technologie, si elle développe
un produit très innovant dans un domaine très concurrentiel, peut envisager
comme possible le risque de vol d’informations ou de débauchage d’un
personnel clé.
L’identification des signes précurseurs liés à ces risques possibles est
indispensable pour détecter le problème et le traiter avec un temps d’avance
s’il se produit.
48
◗ Le risque attendu
Le risque attendu a une forte probabilité d’occurrence. Son identification
constitue une bonne occasion de réduire l’incertitude, et de transformer la
crise en opportunité.
La société de haute technologie qui développe un produit innovant
pourrait identifier certains risques, notamment des « risques-métiers »
pouvant être considérés comme attendus : un retard dans la mise en œuvre du
produit, des défauts de fonctionnements inévitables dans ces domaines
d’activité… Identifier un risque et le classer comme attendu permet entre
autres de dédramatiser sa survenue, et également de préparer les autres parties
pouvant être impactées : les partenaires, les clients, les actionnaires…
◗ Sensibiliser à la veille
La veille est devenue un outil indispensable des entreprises. Avec l’avè-
nement de l’Intelligence économique, les organisations ont pris conscience
que l’information et son identification précoce sont des facteurs de succès
incontournables. En matière de gestion de crise, la détection de signaux
précoces et leur qualification comme des annonciateurs d’instabilité doivent
être systématisées et développées à tous les niveaux.
Un grand groupe international travaille depuis de nombreuses années en Afrique. Habitués
aux bouleversements de toutes sortes, les expatriés salariés de ce groupe savent que les
pays dans lesquels ils évoluent peuvent basculer du jour au lendemain dans la crise
économique, sociale ou politique. Aveuglés par la fausse certitude qu’ils détiennent toutes
les informations et que rien ne peut leur échapper, personne n’a vu venir des tensions
interethniques de grande envergure, pourtant largement prévisibles. C’est ainsi que les
expatriés de cette société ont passé plusieurs jours terrés dans des cachettes de fortune en
attendant un retour au calme. Personne n’a voulu voir les tensions quotidiennes dans la
capitale, les mises en garde des diplomaties étrangères, les informations (il est vrai,
parfois contradictoires) provenant des autres expatriés.
49
groupe, chaque collaborateur de l’organisation doit devenir à son niveau un
véritable acteur de la gestion de crise, un maillon de la chaîne de
retransmission de l’information, un « guetteur ». Plus personne ne peut rester
aujourd’hui un simple « consommateur » des mesures de sécurité et de
prévention.
Cette politique de sensibilisation, menée en direction de tous, doit
répondre à certaines contraintes : la forme est aussi importante que le fond.
En effet, communiquer maladroitement sur le fait que l’organisation réfléchit
à gérer des crises pourrait être interprété par certains comme la
reconnaissance que des crises couvent et qu’elles ne vont pas tarder à
émerger. Ensuite, il faut susciter l’intérêt de tous à rester attentif à un
environnement potentiellement « crisogène ». Enfin, il faut expliquer à
chacun, quel que soit son niveau hiérarchique ou sa fonction dans
l’organisation, l’intérêt de faire remonter les informations, les analyses, les
idées, même les plus saugrenues. Si on ne dit pas à quoi sert la collecte
d’informations, il y a de grandes chances de voir la source rapidement se
tarir.
50
siège, une communication régulière auprès des responsables de projet et des
chefs de Business Unit participera à la politique de veille.
Pour les sites locaux, y compris à l’étranger, le travail de sensibilisation
est plus compliqué. Les implantations locales sont souvent les mieux placées
pour identifier une crise naissante, mais la conscience du risque est souvent
moins présente. C’est encore une fois un travail quasi culturel qu’il convient
de réaliser pour mettre au point un système performant d’anticipation des
risques et de conduite des crises.
51
2
CHAPITRE
52
Savoir s’entourer est une qualité primordiale pour le dirigeant ou le chef
de projet. En situation de crise, la notion d’équipe est encore plus
fondamentale que par temps calme : on ne peut pas gérer une situation
exceptionnelle tout seul. La multitude des intervenants extérieurs, le
déferlement des difficultés et des décisions à prendre, la visibilité réduite
pour piloter l’incident obligent à travailler main dans la main avec tous ceux
qui pourraient être concernés par les conséquences de la crise.
Toutefois, il convient de désamorcer deux idées reçues en ce qui
concerne la cellule de crise :
◆ Première idée reçue : la cellule de crise suffit à se préparer à
gérer une crise. Loin d’être une solution en soi, la cellule de crise n’est
qu’un moyen, un outil mis à la disposition du décideur pour l’aider dans la
résolution d’une situation ambiguë.
◆ Seconde idée reçue : la cellule de crise est composée de personnes
prédéterminées. Selon le type de crise qu’il faudra affronter, les personnes
qui composeront l’équipe pourront varier. La cellule de crise regroupe avant
tout des fonctions recouvrant des tâches et des missions différentes. Chacune
de ces fonctions peut ensuite être remplie par une personne ou par une
équipe, selon l’importance de la crise et l’ampleur de chaque tâche.
Une certitude cependant : l’équipe de crise doit être constituée bien avant
que ne se déclenche l’incident. Un sélectionneur qui devrait recruter des
joueurs pour participer à un championnat du monde n’attendrait pas le coup
d’envoi du premier match pour détecter, entraîner et « souder » ces joueurs.
Pour affronter l’incertitude, la nécessité reste la même : on n’est pas certain
de devoir jouer un match contre la crise, mais dans l’éventualité où cette «
rencontre » serait inévitable, il faut que l’équipe soit prête à entrer sur le
terrain.
◗ Réactivité
L’équipe doit pouvoir être activée très rapidement, dans les 30 minutes
53
qui suivent le déclenchement de l’incident ou la détection des premiers signes
précurseurs. On a coutume de dire que pour éteindre un feu qui démarre, il
faut un verre d’eau dans la première minute, un seau au bout de cinq minutes
et un camion de pompier après un quart d’heure. C’est pourquoi il est
important de mettre en place un système de veille des signes précurseurs ainsi
qu’un dispositif de pré-alerte pour sensibiliser l’équipe à une montée en
puissance imminente.
Cette réactivité ne peut s’obtenir que si les membres de l’équipe adhèrent
à l’idée qu’une crise se gère d’autant mieux qu’elle est conduite et traitée
rapidement. Cette prise de conscience est en général issue de la pratique,
réelle ou simulée, de gestion d’incidents plus ou moins graves.
◗ Efficience
L’équipe, pour fonctionner au mieux, doit être préparée et entraînée
régulièrement. L’efficience est la capacité à atteindre le niveau d’efficacité le
plus élevé avec le minimum de moyens. Or, toutes les crises gérées dans le
passé ont systématiquement démontré qu’il faut savoir faire au mieux en
conditions dégradées, avec des moyens réduits et des marges de manœuvres
très limitées.
Il est courant d’entendre, lors de débriefings de gestion de crise ou
d’exercices de simulation, que la conduite de la cellule de crise ne s’est pas
passée au mieux du fait de l’absence de moyens adéquats ou de la mise à
disposition de moyens largement dégradés. C’est malheureusement une des
caractéristiques de la crise : la pression du temps empêche l’utilisation
optimale de la logistique et impose souvent des moyens d’intervention
dégradés. Inutile dès lors de justifier une mauvaise gestion de la situation du
fait de l’absence de ressources : ce manque de moyens fait « partie du jeu »,
tout l’art de la gestion de crise étant de la régler quelles que soient les
conditions.
L’efficience des équipes passe essentiellement par la préparation et
l’entraînement. C’est par temps calme que l’esprit d’équipe se crée, que les
procédures se rodent et que la confiance ancre ses fondations.
◗ Adaptabilité
La capacité d’adaptation est une qualité incontournable pour une équipe
54
de gestion de crise. Acquise par un changement des mentalités généralement
rencontrées et par l’édification d’un état d’esprit que l’on pourrait qualifier
d’esprit « commando », cette aptitude permet à tout un chacun de faire
face aux situations, même les plus imprévues et les plus saugrenues.
Pour être adaptable, l’équipe doit pouvoir modifier de façon permanente
son attitude et sa stratégie face aux problèmes à résoudre. Toute situation de
crise connaît une dynamique difficile à appréhender ; il est donc primordial
de savoir réévaluer constamment notre action pour la restructurer ou la
réadapter au mieux.
Sans cette intelligence des situations, il est impossible de vouloir
affronter l’incertain et donc la crise. En effet, comment adapter sa stratégie et
ses tactiques à l’inimaginable si l’équipe est engluée dans ses certitudes et
fonde son action sur des références à un passé qui est de toute façon
définitivement révolu ? On imagine un joueur de tennis qui, attendant un
service de son adversaire sur son côté droit, ne bougerait pas d’un pouce pour
se placer sur sa gauche alors même que son adversaire se mettrait en position
de jouer de ce côté. Cette attention aux moindres détails, cette observation
des signaux faibles qui permettent de réajuster sa position pour affronter au
mieux les événements, c’est cette capacité d’adaptation que nous devons
développer au sein des équipes de pilotage de la crise. La constitution d’une
équipe avec des profils variés est un facteur d’adaptabilité important.
Certaines méthodes de gestion des crises reposent sur la rédaction de processus et de procédures
ad hoc parfois très complets, peut-être trop. Si ces cadres de fonctionnement sont nécessaires et
indispensables, il ne faut pourtant pas en faire un « livre saint » dont on ne pourrait sortir.
Les procédures doivent être suffisamment directives pour cadrer l’action des équipes de gestion
de l’incident, tout en permettant une autonomie et une capacité d’adaptation à ceux qui sont aux
commandes.
55
◗ Cohésion
Pour affronter le déferlement des événements, l’équipe doit être cohésive
et soudée par la confiance. Face à des situations difficiles, chacun a tendance
à se retrancher derrière son secteur d’activité ; ainsi il n’est pas rare de voir
l’équipe exploser au moment de prendre des responsabilités. La cohésion et
la confiance qu’elle suppose forment le socle d’un bon fonctionnement en
situation dégradée.
Comment acquérir la confiance et souder les équipes ? Tout d’abord par
la pratique, encore et toujours. Et la pratique efficace ne se trouve que dans la
gestion de situations réelles ou la simulation autour d’exercices réalistes et
dûment « débriefés ». S’exercer est parfois perçu comme une perte de temps,
et peu d’entreprises se consacrent aujourd’hui suffisamment aux simulations.
Et les fausses certitudes comme « l’esprit de forteresse » ou « l’excès de
confiance1 » sont très propices à ce rejet d’une pratique simulée et d’un
entraînement efficace.
Le fait que l’entraînement soit inscrit au programme de prévention d’une
entreprise caractérise également l’importance accordée par les instances de
direction à la gestion des crises. Or, il est difficile de demander aux membres
de l’équipe d’avoir confiance en eux et en leur capacité à gérer la crise si leur
hiérarchie ne leur accorde pas cette confiance.
La cohésion et la confiance au sein des équipes permettent également de
garantir un fonctionnement efficace. Partager les informations, faire partager
son avis sans être jugé, accepter l’avis des autres, accepter les décisions du
responsable de la cellule de crise ne sont malheureusement pas des choses
naturelles, a fortiori lorsque la situation dérape et que l’instabilité s’installe.
56
réellement compter fondent comme neige au soleil. Il faut donc, dans un
premier temps, déterminer clairement les rôles qui devront être remplis par
l’équipe de gestion de crise, puis identifier les personnes ou les groupes de
personnes qui seront les plus à même de remplir ces rôles en situation
dégradée.
Organisation et fonctions de la cellule de crise
57
Il doit pouvoir allier leadership et capacité à susciter la cohésion de son
équipe. Le mode de fonctionnement top to down, où le chef décide et les
autres exécutent sans interférer dans la prise de décision, est un modèle qui a
du mal à trouver sa place en matière de gestion de crises.
Au-delà de ce principe autoritaire, le responsable de la cellule doit
pouvoir baser son rôle de leader sur sa capacité à :
– encourager la créativité de ses collaborateurs,
– les associer aux décisions qu’il prend ou qu’il propose,
– les soutenir dans les moments de doutes ou dans les difficultés.
Être un leader ne se décrète pas, cela s’acquiert avec le temps et
l’expérience.
Son aptitude à gérer les conflits va également jouer un rôle primordial. La
crise a cette faculté pernicieuse d’exacerber les tensions entre les personnes :
le stress, la nécessité d’agir dans l’urgence, l’engagement de sa responsabilité
font surgir les vieilles rancunes ou les conflits larvés. Or, face à la
déstabilisation due à une situation dégradée, la cohésion est fondamentale. La
crise est l’heure de se « serrer les coudes », non de se « crêper le chignon ».
C’est en grande partie au responsable de l’équipe que revient le rôle
d’anticiper et de juguler ces tensions dévastatrices, et de susciter adhésion et
cohésion entre les membres de la cellule de crise2.
◗ Le profil
Le responsable de la cellule est un professionnel multidisciplinaire.
Professionnel, car il doit connaître le métier où les risques doivent être
anticipés et/ou la crise va surgir. Multidisciplinaire, car il doit être capable
d’avoir une vision transversale sur tous les aspects de la gestion de l’incident,
et pouvoir embrasser toutes les composantes de l’analyse et de la décision.
Le responsable de cellule qui a été un spécialiste dans son métier doit
toutefois se garder de vouloir « remettre les mains dans le cambouis » : il a
certes une compétence technique, mais sa mission de coordinateur et de
directeur de l’équipe l’empêche de vouloir jouer le rôle des techniciens en
poste. La tentation sera certainement forte mais tomber dans ce piège peut
être très fâcheux : en s’attachant à remplir un rôle de technicien, le
responsable de l’équipe va se trouver coupé des autres composantes de la
58
gestion du risque, et perdre sa vision transversale. Il risque également
d’entrer en conflit avec les véritables techniciens opérationnels qui verront
certainement d’un mauvais œil que l’on vienne marcher sur leurs plates-
bandes. L’objectif d’une identification efficace des rôles est certes de trouver
tous les profils nécessaires à l’équipe de crise, mais également de définir les
rôles de chacun pour éviter les conflits « opérationnels ».
Le responsable de l’équipe de crise doit faire preuve de capacités
d’analyse et de synthèse certaines. La crise est une situation très fertile en
informations, en bonnes ou mauvaises nouvelles. Contrairement à ce que
beaucoup de personnes peuvent croire, la difficulté en situation de crise n’est
pas de trouver de l’information, c’est essentiellement de faire le tri dans le
flot incessant de nouvelles diverses et variées qui inondent la cellule de crise.
Le phénomène est le même dans l’anticipation des risques : l’absence d’anticipation des
attentats du 11 septembre 2001 n’a pas été due à un manque d’information, mais à un
manque d’analyse de celles-ci. Les capacités de captation des informations mises en
œuvre par les services spécialisés américains étaient tellement extraordinaires que la
masse de renseignements ne pouvait être traitée à temps pour être exploitée. A posteriori,
toutes les composantes des attentats contre les Twin Towers ont pu être identifiées dans
les millions de messages interceptés par le FBI3, la CIA4 ou la NSA5.
◗ Rôle et missions
La première mission du responsable de la cellule est la direction de son
équipe, aussi bien dans la phase de réflexion et de préparation que dans la
phase de conduite de la crise. Cette mission de direction revêt plusieurs
aspects selon qu’elle se déroule par temps « calme » ou par temps de « crise
».
En période calme, le responsable doit veiller à ce que son équipe reste
motivée et cohésive dans sa phase de préparation (voir p. 67). Continuer à se
préparer à gérer une crise qui, si l’anticipation s’est bien déroulée, ne se
produira jamais n’est pas chose facile. Garder la foi dans le système de
conduite de l’incident et continuer à s’améliorer sans cesse sont les objectifs
de la cellule en phase de préparation.
En période de crise, le responsable de l’équipe va assurer la conduite de
l’ensemble du dispositif et permettre à chacun de remplir sa mission
sereinement et en coordination avec tous.
59
◗ Le Décideur ne fait pas partie de l’équipe de crise
Prendre des décisions – si possible les bonnes – en situation de crise
demande d’avoir suffisamment de recul par rapport à la tourmente et d’être
protégé du stress ambiant qui incite à décider vite, parfois trop vite. Cette
contrainte de recul et de calme qui pèse sur le décideur l’empêche d’être celui
qui va conduire la cellule de crise.
Le responsable de l’équipe n’est pas le décideur ultime mais seulement
son « homme-orchestre ». C’est également une garantie supplémentaire
d’objectivité pour l’analyse de la situation et des alternatives applicables.
Détaché de toute contrainte de choix et de responsabilité, le responsable de
l’équipe de crise peut fournir des analyses de situation complètement
objectives : il n’est pas tenu par une vision éventuellement partiale ou
orientée de la situation.
S’il n’assume pas la charge de prendre les décisions finales dans la
conduite de l’incident, le responsable de l’équipe doit tout de même avoir une
certaine latitude de choix et une marge de manœuvre suffisante. Il doit
pouvoir prendre des décisions relevant de son niveau de compétence dans la
gestion de l’événement, notamment en termes d’organisation des moyens et
des hommes. Le décideur ultime ne devra être mis en avant dans le dispositif
qu’au moment de faire les choix stratégiques, après avoir été informé de tous
les paramètres analysés par l’équipe de crise et lui permettant de prendre ses
décisions en connaissance de cause.
◗ Le profil du logisticien
Ayant pour tâche de gérer l’environnement immédiat de l’équipe de crise,
60
le logisticien doit faire preuve d’un sens certain de l’organisation et d’une
approche très « rationnelle » de l’ergonomie. Son aptitude à gérer l’espace et
les interconnexions entre les différents « ateliers » va grandement faciliter le
fonctionnement de la cellule de crise et dégager les autres membres de
l’équipe de toutes les contingences matérielles.
Le logisticien doit être très rigoureux dans son mode d’organisation : dès
les premiers instants, il doit pouvoir être en mesure de fournir à tous les
conditions optimales à l’accomplissement de leurs missions, tout en
fonctionnant dans l’urgence et en gérant le stress des uns et des autres. Il est
très facile, lorsque les conditions de conduite de la crise se dégradent, de «
charger » la logistique en expliquant que les bonnes conditions ne sont pas
remplies. Cette réaction de transfert de responsabilité vers les aspects
matériels de l’organisation, courante sous l’effet du stress, ne doit pas
pouvoir justifier un dysfonctionnement de l’équipe. Le logisticien devra donc
également faire preuve d’un certain détachement face aux critiques et aux
remarques qu’on pourra lui faire en situation dégradée.
Un esprit de synthèse efficace sera également un atout pour le logisticien,
notamment dans la gestion des flux d’informations entrants et sortants qu’il
devra réguler en collaboration avec la fonction Information-Analyse. Il devra
également réaliser la mise en forme et la rédaction de la « mémoire » de la
crise, ainsi que l’archivage de tous les renseignements afin qu’ils puissent
être retrouvés et éventuellement réutilisés en temps utile. C’est un facteur
important pour pouvoir assurer un débriefing utile à l’apprentissage6.
Enfin, le logisticien doit faire preuve d’une réelle capacité à gérer
l’espace et le temps. Si le responsable d’équipe dirige les hommes, le
logisticien dirige les moyens. Ces moyens sont à la fois les ressources
matérielles disponibles et les « crédits-temps » à disposition. C’est grâce à
ces qualités et par cette approche qu’il est indissociable du responsable de la
conduite de la cellule.
61
matériels de son équipe, jusqu’à la prévision des repas : organisation des
rotations, commandes de plateaux-repas, fourniture de bouteilles d’eau…
◆ La seconde mission de la fonction Logistique est de faire le point
sur l’état des moyens disponibles pour la conduite opérationnelle :
moyens propres de l’organisation, moyens requis disponibles, prévisions des
besoins à court et moyen termes.
◆ La dernière mission des logisticiens est la mise en œuvre pratique
des décisions prises par le décideur. En fonction des moyens dont
l’organisation dispose, des ressources humaines et techniques, des réseaux de
transmission de l’information, la fonction logistique fait appliquer la stratégie
choisie et organise le flux des feedbacks qui permettront un réajustement
constant de l’action menée.
62
justement parce qu’il n’y a pas d’analyste idéal qu’un groupe de ce type peut
se composer d’une variété de profils, offrant un examen multi-facettes du
problème. Mais la variété n’implique pas forcément la fantaisie, et quelques
traits de caractères essentiels vont toutefois être recherchés pour les membres
de l’atelier Analyse.
On recherchera chez les analystes un esprit plutôt rigoureux, plutôt bien
organisé, ainsi qu’une importante capacité de synthèse. Ils devront être
àmême :
– de faire le tri parmi les informations à leur disposition pour définir un
ordre de priorité des analyses à réaliser ;
– et d’en tirer l’essentiel pouvant être utilisé par l’équipe afin de
conduire au mieux l’événement en cours.
Les membres du groupe d’analyse devront également être capables de
développer la créativité au sein de leur équipe. Cette qualité leur permettra
d’avoir une certaine capacité à détecter les signaux porteurs de sens,
d’anticiper sur les événements, d’être aussi « créatifs » que peut l’être la
crise.
63
Information-Analyse devra faire face à ce travers et assurer une validation
des données avant de les intégrer et de les traiter.
Christophe Roux-Dufort7 identifie l’un des dysfonctionnements lié à la
surabondance d’information comme « un accroissement de la rigidité
cognitive » : plus le stress se fait pressant, plus la tolérance à la complexité
des situations diminue. « Le champs d’attention des décideurs se restreint
considérablement lorsque le volume d’informations augmente. Cette
surcharge accroît encore la tension et le stress. Une stratégie consiste à filtrer
au maximum ces informations. Mais le risque est grand de faire reposer leurs
décisions sur des analyses incomplètes ». Cette dernière mise en garde de
Roux-Dufort confirme le caractère incontournable et sensible de la mission
du groupe Information-Analyse, et sa nécessaire sensibilisation aux risques
de dysfonctionnements psychologiques.
La seconde mission de la fonction Information-Analyse est la gestion du
renseignement. Le groupe va devoir mettre en ordre et en forme l’ensemble
des informations entrant et sortant de la cellule afin de les rendre utilisables
par tous. Ce travail se réalisera en étroite collaboration avec le logisticien, qui
réceptionne notamment les résultats du travail de renseignement pour
information et archivage.
Pour collecter les informations, le groupe doit pouvoir compter sur un
système de captation et de remontée des données, en provenance du terrain
notamment. Cette action de collecte de renseignements s’articule autour de
trois maîtres mots repris dans l’acronyme DI. VA. C : DIsponibilité,
VAlidité, Clarté8. Le système de centralisation, puis de redistribution de
l’information doit reposer sur une organisation dédiée et autonome, avec des
réseaux spécifiques à la fois techniques et humains.
La troisième mission, qui découle naturellement des deux premières, est
la conduite de l’analyse constante de la situation et la proposition de
stratégies adaptées. Les analystes vont soumettre au responsable de l’équipe,
et par son intermédiaire au décideur, une vision claire des probabilités
d’évolution de la situation, ainsi qu’une vision d’ensemble des stratégies
applicables pour endiguer, contrôler et résorber la crise.
Cette mission permettra d’assurer notamment :
– le suivi des signaux et des paramètres d’évaluation ;
64
– l’anticipation des évolutions successives ;
– la préparation des alternatives et des stratégies applicables, renforçant
la réactivité de l’équipe face aux événements et aux éventuelles
« surprises ».
65
Pour accomplir leur mission, les membres de la fonction Communication
doivent faire preuve d’un véritable esprit d’analyse et de synthèse, afin de
capter les attentes des publics internes et externes et de fournir des
informations fiables et efficaces dans la gestion de la crise. Ils doivent aussi
faire preuve d’une réelle capacité à rédiger des communiqués et des notes
d’informations claires, concises et objectives.
Pour cette mission très particulière, on peut imaginer de recourir à un
consultant externe qui, au-delà des expertises internes mobilisables
ponctuellement, pourrait rejoindre la fonction communication dès l’activation
de la cellule de crise.
66
de conduite de la crise9, elles devront prévoir les coûts et les conséquences de
chaque réponse proposée à court, moyen et long termes.
Enfin, en fonction de la stratégie décidée par les instances dirigeantes, le
groupe devra appliquer le plan de communication de crise préétabli et rédiger
les communiqués de presse et les notes d’information internes qui seront
diffusés aux médias appropriés.
1.7 Le « profane »
La présence dans l’équipe d’un « profane » qui n’est pas spécialisé dans
une fonction particulière peut enrichir par un regard « décalé » par rapport à
celui de l’ensemble du groupe. Un tel regard peut permettre d’identifier des
failles éventuelles ou des erreurs tellement énormes qu’elles ne sont pas
perçues par les autres, absorbés à conduire leur tâche.
Dans une cellule de crise, il est important d’avoir une personne qui n’est
pas « spécialiste » ni en charge d’une fonction particulière. Ce « profane » est
donc à même de sortir du cadre plus facilement et de jouer le rôle de
l’observateur décalé. Grâce à cette vision, la cellule de crise peut avoir
quelqu’un qui rappelle le bon sens et les fondamentaux.
67
Il convient de noter que pour constituer une équipe efficace, il faut
souvent privilégier l’autorité de compétence plutôt que l’autorité
hiérarchique, ce qui n’est pas toujours facile à gérer. Il faut savoir refroidir
les ardeurs inappropriées sans pour autant blesser les susceptibilités ou
générer du ressentiment contre le projet.
68
et légales de l’incident et des actions menées dans la phase de conduite.
◆ La direction des assurances : maîtrise de la problématique de
couverture des risques et des implications financières d’une situation de crise.
◆ Les services techniques : expertises techniques spécifiques liées au
domaine impacté par la crise.
◆ Les personnes en charge du développement durable : appui dans
les situations liées à des problèmes sur l’environnement.
◆ Les psychologues d’entreprise : gestion du stress et des facteurs
humains au sein de l’organisation, pendant et après la crise.
69
La constitution du réseau des ressources externes et leur implication dans
les procédures de crise vont aller de paire avec l’anticipation des risques.
Pour chaque famille de risques, pour chaque domaine, puis pour chaque
risque particulier, il convient d’identifier les compétences qu’il faudra
mobiliser. Elles seront ensuite incluses dans le plan de crise, avec mention de
leurs spécialités et des moyens de les joindre rapidement. Cette identification
préalable permettra également de les intégrer dans les exercices de simulation
(voir chapitre 4, p. 140).
◗ Expertises et experts
Le mot « expert » est un de ceux qui arrivent le plus vite dans la bouche
d’un dirigeant ou d’un décideur qui se retrouve face à une situation
inextricable ou complexe. Parce qu’il est impossible de tout savoir ni tout
maîtriser (fort heureusement) : il faut donc avoir recours à des personnes
spécialistes du domaine concerné.
Leur apport, au sein de l’équipe de crise, peut être celui d’un superviseur
qui pourra assister l’organisation dans la conduite de la crise sans pour autant
s’immiscer dans les décisions stratégiques prises par les décideurs. Le rôle de
l’expert en gestion de crise est un peu celui du coach sportif qui aide l’équipe
à bien fonctionner mais qui ne joue pas à sa place.
Il est primordial d’identifier à l’avance les experts que l’on va solliciter
en cas de problème. Tout d’abord parce qu’il va falloir s’assurer de leur
fiabilité en cas de crise, de leur compétence dans leur domaine d’action, et de
leur crédibilité vis-à-vis des professionnels et des médias.
70
négociateurs spécialisés, fait appel à un psychiatre local pour tenter d’établir un profil de
l’individu et une stratégie de contact. Cet expert, d’un certain âge, arrive rapidement sur
les lieux. Après qu’on lui a donné quelques éléments d’information sur la situation, le
psychiatre en déduit qu’aucune négociation n’est possible et qu’il faut absolument donner
l’assaut. Le chef de la police locale n’est pas de cet avis et indique qu’il va discuter
malgré tout avec le preneur d’otage. Le psychiatre entre alors dans une colère noire,
vilipendant le policier qui refuse de se ranger à son expertise et criant à qui veut l’entendre
que le chef de la police aura bientôt des morts sur la conscience. Malgré tout, une
négociation est entamée et, après quelques heures, le preneur d’otage finit par libérer son
malheureux otage et par se rendre. Lors du débriefing, le psychiatre ne parvient pas à
expliquer son attitude, pour le moins incohérente et inefficace, autrement que par le stress
de la situation auquel il n’était visiblement pas préparé.
71
débriefings des véritables situations de crise vécues sont autant de facteurs de
création de la confiance qu’il faut privilégier. L’esprit d’équipe s’installe
durablement quand chaque membre de l’équipe a conscience d’être plus
efficace dans sa mission propre parce qu’il travaille avec les autres. Le
partage de l’OBLiC participe10 à cet esprit d’équipe.
Lors d’une prise d’otage au cours de laquelle un individu retient sa compagne enfermée,
un groupe de négociateurs de police tente de ramener l’homme à la raison. Dès le premier
contact, le ton est donné : l’individu est particulièrement déterminé, froid, calme et posé. Il
énonce clairement et fermement ses revendications et indique qu’il est prêt à aller jusqu’au
bout.
Après avoir raccroché, les négociateurs font le point sur les informations en leur
possession et en arrivent à la conclusion que le preneur d’otage affiche une solide
détermination, signe d’un véritable risque de passage à l’acte.
72
Or, un des tireurs d’élite en position aux abords du lieu de crise signale qu’il observe
l’homme dans sa lunette et qu’il remarque une attitude singulière : lorsque le preneur
d’otage parle aux négociateurs, il affiche un calme apparent mais lorsqu’il raccroche, il est
beaucoup plus nerveux, tourne en rond, manifeste des gestes d’humeur contradictoires.
Cette information n’a aucune importance pour le tireur d’élite. Cependant, il connaît le
rôle et la tâche des négociateurs, c’est pourquoi il a regardé au-delà de sa propre mission.
Cette information, inutile pour lui, est capitale pour les négociateurs car elle montre que le
preneur d’otage joue le rôle de quelqu’un de déterminé et calme, alors qu’il est visiblement
beaucoup plus nerveux et inquiet dès qu’il cesse le contact.
En réajustant leur analyse et leur stratégie au vu de cet élément nouveau, les négociateurs
sont parvenus à obtenir la libération de l’otage puis la reddition de l’individu. Sans cet
échange inattendu, une information capitale à la gestion de la crise aurait certainement été
perdue.
◗ Bonnes pratiques
Il faut faire un effort pour se préoccuper des autres quand on a déjà tant à
faire de son côté. Un travail intéressant pour toucher du doigt les contraintes
de chacun consiste à échanger les rôles des membres de l’équipe dans le
cadre d’un exercice. Chacun va ainsi pouvoir connaître la véritable teneur de
la mission des autres, et peut-être s’apercevoir qu’il détient dans le cadre de
sa tâche initiale des informations ou des moyens pouvant être utiles aux
autres membres de l’équipe ou aux autres « ateliers » de crise.
Au cours d’un exercice réalisé au sein d’une entreprise qui possédait déjà une cellule de
crise plutôt expérimentée, l’objectif était de faire pratiquer les membres de l’équipe sur la
notion de transversalité. Chacun s’attendait à un scénario particulier, adapté au travail sur
le partage et la connaissance mutuelle. Or, le scénario de l’exercice était des plus
classiques. Mais la consigne principale l’était moins : chacun allait pour cette fois
abandonner son rôle habituel dans la cellule de crise pour endosser celui d’un autre. Le
président de la société, décideur ultime en cas de crise, fut chargé de l’organisation
logistique. Le chef de la sécurité fut intronisé Directeur de la communication, ce dernier
étant lui-même nommé responsable de l’analyse et de la recherche d’informations. Le
directeur des assurances, plutôt habitué à un rôle d’expert interne, dut prendre la
responsabilité de directeur de la cellule de crise, etc.
Après quelques minutes de surprise et quelques sourires amusés, chacun prit sa tâche très
au sérieux. Ainsi, tous purent mesurer les difficultés et les contraintes de la mission des
autres. Au cours du débriefing, tous furent surpris d’avoir finalement découvert le travail
des autres fonctions. Ce petit jeu d’équipes tournantes a permis de renforcer la
connaissance du rôle des uns et des autres et la transversalité des tâches au sein de la
cellule de crise.
73
◗ Savoir collaborer en équipe : humilité et tolérance
La qualité qu’il convient de privilégier et de développer pour devenir plus
efficace en gestion de crise, c’est l’humilité. Humilité face à la crise, face à
soi-même et face aux autres ; la capacité à garder les pieds sur terre face aux
situations est souvent salvatrice.
L’humilité se développe notamment par la pratique et les retours
d’expérience bien menés. Toutes les réussites contiennent dans leur
dynamique les ingrédients des échecs, c’est simplement l’alchimie qui
change. Et rien n’est plus efficace pour développer l’humilité des membres de
l’équipe que de mettre le doigt là où cela fait mal, c’est-à-dire les
dysfonctionnements. Il ne faut pas oublier que progresser, c’est changer
d’erreur.
La tolérance à l’égard des autres est également un véritable atout des
équipes de gestion de crise. Au-delà des discours bien appris et politiquement
corrects de bon nombre de managers et de dirigeants, la tolérance à l’égard
des autres n’est pas naturelle dans la gestion des hommes et des situations. En
situation instable et dégradée, la tolérance n’est pas seulement importante
parce que c’est un concept humaniste, mais surtout parce que c’est un facteur
d’efficacité. Écouter les avis divergents, c’est s’ouvrir des opportunités et
élargir le champ du possible. Comme le dit Yvan Gavriloff11, expert en
créativité : « Si un bruit te dérange, écoute-le. »
Dans leur ouvrage sur la négociation12, Alain Pekar Lempereur et Aurélien Colson expliquent
quelles sont les sept règles du brainstorming. Elles incarnent assez bien cette nécessité
d’humilité et de tolérance :
– tous les membres de l’équipe doivent y participer ;
– la discussion est libre et laisse place à toutes les idées, y compris les plus folles ;
– les propositions de solution ne seront ni critiquées ni évaluées ;
– les idées appartiennent à l’ensemble du groupe, et non pas à celui qui les a exprimées ;
– avancer une proposition ne signifie pas s’engager personnellement à la mettre en œuvre ;
– ce n’est qu’après le brainstorming qu’interviennent l’évaluation des différentes idées et la
décision de n’en retenir que quelques-unes ;
– un facilitateur doit veiller au bon fonctionnement du brainstorming et au respect des six
règles précédentes.
74
Cette capacité à promouvoir humilité et tolérance nécessite, pour pouvoir
coexister et se développer efficacement, de susciter une autre qualité
incontournable : la confiance.
◗ Le sentiment d’appartenance
Constituer une équipe dont la mission principale sera de gérer des
situations, au mieux instables, au pire catastrophiques, n’est pas chose facile.
Il n’est pas rare d’avoir du mal à motiver les troupes et à susciter des
vocations. Les membres de l’équipe de crise, souvent désignés d’office ou du
fait de leur fonction, voient dans cette implication forcée une contrainte, qui,
au mieux, va leur faire perdre leur temps. Difficile dès lors d’organiser des
75
réflexions en commun quand on se retrouve à deux autour d’une table. Ce
phénomène est souvent identifiable par le nombre considérable de « Je n’ai
pas le temps, on verra bien si cela arrive ».
◗ La motivation
La motivation de l’équipe se forge avant la crise, par temps calme. Elle
consiste essentiellement à mobiliser les effectifs de l’équipe pour atteindre
un objectif déterminé : être prêt en cas de problème.
Abraham Maslow13 a travaillé sur la motivation et sur les besoins des
êtres humains dans la construction de leur identité et de leur satisfaction
personnelle. Ses travaux nous permettent de classer ces besoins humains, par
ordre croissant d’importance, en cinq niveaux. La satisfaction de l’un des
niveaux ouvre la voie à la satisfaction du besoin suivant. Par conséquent, un
76
besoin « supérieur » ne peut pas être satisfait si le besoin immédiatement «
inférieur » ne l’est pas.
La pyramide de Maslow
77
satisfaction de toute sorte.
◆ Le besoin d’auto-accomplissement est le besoin de se réaliser,
d’exprimer pleinement son potentiel dans l’exercice de son travail et de sa vie
personnelle.
Chacun de nous a donc besoin d’un certain nombre de conditions pour se
réaliser pleinement et, finalement, entrevoir son intérêt à évoluer et à
travailler au sein de son équipe. Il est à noter que l’objectif d’un groupe de
gestion de crise est particulièrement gratifiant (même si l’exercice est
difficile) et propice à la réalisation de soi. Mais si l’on s’en tient aux travaux
de Maslow, il faudra d’abord satisfaire le besoin d’appartenance des membres
de l’équipe avant de vouloir leur démontrer la reconnaissance de
l’organisation. Et cette reconnaissance, si elle s’exprime naturellement quand
l’équipe a géré efficacement une situation de crise, est moins facile à
démontrer si l’équipe n’a jamais l’occasion de faire preuve de ses talents.
L’importance de la pratique, notamment par le biais d’exercices et de
simulations, est donc de participer à la motivation des membres du groupe
autant que de les préparer à gérer la crise.
◗ Honnêteté
L’honnêteté vis-à-vis des autres mais aussi vis-à-vis de soi, c’est avant
tout la capacité à se remettre réellement en cause, d’accepter de se poser
les bonnes questions et d’avoir la franchise d’apporter des réponses qui ne
vont pas forcément dans le sens qu’on espérerait.
L’honnêteté, c’est également la maîtrise de la concurrence interne.
Dans tous les groupes, dans toutes les organisations, il existe entre les
membres une compétition, une course à la compétence ou à la reconnaissance
: c’est ce que l’on appelle plus pudiquement une « saine émulation ». Cette
concurrence participe à la recherche de l’excellence et au perfectionnement
78
personnel des membres du groupe. Mais elle ne doit pas entraver le bon
fonctionnement de l’équipe, notamment dans des situations ayant des enjeux
capitaux. En d’autres termes, on ne se met pas des bâtons dans les roues
dans le cadre d’une gestion de crise. C’est d’ailleurs une règle
préalablement annoncée et acceptée par tous les membres de l’équipe.
Dans la gestion d’une crise liée à un risque métier, une organisation travaillant dans le
domaine des technologies de l’information est en proie à une situation particulièrement
dégradée : remise en cause de sa compétence professionnelle et de son intégrité, réaction
d’un groupe de pression profitant de l’occasion pour affirmer des idées contraires aux
objectifs de cette société, attitude ambiguë des médias…
Plusieurs filiales de cette organisation sont en cause, et une cellule de crise improvisée est
réunie pour coordonner l’ensemble. Un communiqué de presse est préparé puis proposé au
comité de direction. À la grande surprise de tous, plusieurs journalistes viennent poser des
questions taillant en pièces les éléments proposés dans le communiqué de presse. Or, le
communiqué de presse n’a pas encore été diffusé. Pire, ces mêmes journalistes
commencent à lancer des polémiques démontrant qu’ils détiennent des informations
confidentielles qui, bien qu’elles soient en partie fausses et incomplètes, ne peuvent
provenir que d’une source interne très bien informée.
Après plusieurs heures d’interrogations stupéfaites des membres du comité de direction,
on s’aperçoit qu’un des cadres dirigeants d’une des filiales en cause diffuse des
renseignements très précis aux journalistes si bien informés. Après quelques jours
d’instabilité et un apaisement de la situation, le cadre fautif est sommé de s’expliquer sur
son attitude. En fait, il diffusait des informations pour nuire à son supérieur direct et ainsi
démontrer à tous sa compétence professionnelle, jamais réellement reconnue d’après lui. Il
semble ne pas s’être aperçu des effets nuisibles de son attitude sur la gestion de l’incident.
◗ Préparation mentale
Comme les sportifs de haut niveau qui se préparent mentalement avant
chaque compétition ou rendez-vous importants, les membres de l’équipe de
crise vont se préparer mentalement à gérer des situations potentiellement à
risque. L’objectif de cette préparation est d’amortir les chocs émotionnels qui
pourraient survenir dans des situations d’urgence et d’instabilité et de «
réactiver » les aptitudes et comportements efficaces.
En termes d’obligation, les membres de l’équipe de crise ont
techniquement une obligation de moyens : ils vont mettre en œuvre les
moyens à leur disposition pour réduire l’incident, mais il ne pourra pas leur
être reproché de n’avoir pas atteint leur objectif, notamment en cas de crise
particulièrement grave ou de moyens insuffisants ou inadaptés.
79
Cependant, les membres de l’équipe ont moralement une obligation de
résultats face à la crise. Leur détermination sera primordiale dans une
résolution favorable des événements, et elle participera à la motivation de
tous. Dès lors qu’ils vont entrer en cellule de crise, ils devront garder à
l’esprit cette nécessité d’une détermination sans faille, qui, loin d’être une
qualité anecdotique, constitue une qualité fondamentale de l’équipe.
La préparation mentale va permettre aux membres de la cellule de se
mettre dans un mode de fonctionnement particulier que l’on pourrait qualifier
de « mode crise » : les compétences et aptitudes nécessaires en gestion de
crise, évoquées précédemment, ne sont pas un mode de fonctionnement
permanent pour la plupart des gens. Il faut en quelque sorte les « réactiver »
pour les utiliser et les mettre en œuvre.
Guy Missoum14, cité par Lionel Bellenger15, a recensé treize stratégies
mentales susceptibles d’être associées à la préparation des sportifs. Certaines
de ces stratégies sont intéressantes pour être intégrées dans un processus de
préparation d’une cellule de crise. Les stratégies identifiées par Missoum sont
les suivantes :
– la définition précise des objectifs à atteindre ;
– la visualisation mentale de ces objectifs ;
– la gestion des situations, notamment par l’apprentissage issu des
échecs.
– le « switch », permettant de « basculer » dans un mode de pensée
particulier ;
– la confrontation, en imaginant « l’adversaire » en situation d’infériorité
;
– la mise en avant du relationnel et de la relation interpersonnelle
efficace ;
– la méta-attitude, prise de recul sur la situation ;
– l’attitude du déjà-vu, en se mettant mentalement dans un contexte
familier ;
– l’attitude de la première fois, en prenant la situation comme une
nouvelle épreuve ;
– le bon départ, anticipation de la mise en œuvre de la stratégie ;
– le bien finir, pour garder la concentration efficace jusqu’au bout ;
– la préparation au duel, par l’élaboration d’un combat mental et des
stratégies applicables ;
80
– l’attitude d’encouragement, suscitant cohésion et unité de l’équipe.
Ces stratégies, comme la plupart des techniques de préparation mentale
utilisées notamment dans le sport de haut niveau, visent à pousser les
membres de l’équipe à se dépasser et à se connaître pour affronter des
épreuves « hors du commun » en puisant en eux-mêmes toutes les ressources
disponibles.
81
◆ Une liste des membres de l’équipe de crise et de leurs suppléants,
reprenant leurs coordonnées complètes (adresses, téléphones fixes, mobiles,
moyens de liaison).
◆ Une cartographie de l’ensemble des situations de crise envisagées
lors des phases d’anticipation des risques. Cet état, bien évidemment non
exhaustif, doit pouvoir permettre à ceux qui l’utilisent d’accéder à
l’information en fonction du type de crise ou de risque qu’ils ont à conduire.
◆ Une description détaillée des plans de réponse et des modes
opératoires attribués en fonction des situations précédemment envisagées.
◆ Une description éventuelle du plan de continuité des activités, ou
du moins la procédure de mise en œuvre de celui-ci.
◆ Une description de la cellule de crise et de son fonctionnement :
organisation de la salle de crise, matériels dédiés, mode d’utilisation et de
fonctionnement, répartition des moyens de communication, numéros de
téléphone entrants et sortants…
◆ Un annuaire des ressources disponibles en interne et en externe.
Cet annuaire, régulièrement actualisé et remis à jour, doit permettre de
joindre immédiatement et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit les
ressources identifiées.
Conseil pratique
Il est intéressant de bien différencier plan de crise et plan de continuité des activités (PCA). Le
premier sert à gérer un événement ponctuel et grave, le second permet une poursuite de l’activité
dans un contexte dégradé par la crise. Le fait d’avoir un PCA ne supprime en rien la nécessité de
rédiger un plan de crise.
82
message d’alerte est envoyé au permanent d’une société qui cherche à tester sa capacité de
réaction en cas de problème. Personne n’a été prévenu de la mise en œuvre de l’exercice,
hormis le DRH et le directeur général.
Rapidement, et avec une efficacité qui surprend presque tout le monde, la cellule de crise
est réunie et les personnes devant s’y rejoindre commencent à arriver. Mais les
observateurs extérieurs chargés d’analyser le fonctionnement du groupe s’aperçoivent
qu’aucune des procédures logistiques préétablies n’est respectée. Cela n’entrave pas le
début de la gestion de l’incident, mais cela surprend suffisamment le DRH pour qu’il aille
s’enquérir auprès du responsable de l’équipe de crise de ce changement inopiné. La
réponse est cinglante : « Le plan de crise, on n’y comprend rien, alors on a décidé de faire
simple ».
Après lecture dudit plan, il apparaît qu’il est incompréhensible, touffu et parfois même
contradictoire. Il est certes bien écrit, dans de beaux classeurs au sigle de la société, mais il
n’y a aucun intercalaire pour en séparer les différentes parties. De nombreux points
importants sont à peine abordés alors que des futilités sont expliquées avec maints détails.
À l’issue du débriefing, il est apparu que le plan de crise avait été rédigé par une seule
personne, qui ne faisait même pas partie de l’équipe de crise. Elle avait conçu ce plan
comme un véritable mémoire universitaire mais en aucun cas comme un outil
opérationnel.
83
permanent n’a pas la clé de l’armoire forte. Le responsable sécurité est quant à lui en arrêt
maladie, et le plan de crise de son bureau est introuvable. Bien qu’il soit parfaitement
réalisé, complet, simple à utiliser, le plan de crise de ce magasin est inutile car
inaccessible.
84
L’utilisation de fiches détachables permet de modifier l’une d’elles sans
pour autant modifier l’ensemble du plan ou de son organisation. Clairement
identifiée dans le document par la mention «mis à jour le… », la mise à jour
est facilitée.
4. La logistique de crise
L’équipe de crise, si elle est amenée à évoluer dans une situation instable
et mouvante, doit néanmoins bénéficier d’une logistique optimale qui se
pense et se prépare à l’avance. L’environnement de l’équipe peut être un
facteur de stabilisation, d’apaisement de tensions et de performance.
Cette logistique comporte notamment une salle de conduite, généralement
appelée salle de crise, une salle de repli, et des moyens techniques dédiés.
85
forcément un lieu dédié uniquement à la crise mais une pièce qu’on peut
aisément transformer en salle adaptée.
C’est à la salle de conduite que vont remonter l’ensemble des
informations en provenance du terrain, les analyses des experts, des autorités
compétentes. C’est là que tout sera traité pour être ensuite redistribué à qui de
droit. C’est également dans cette salle que vont se conduire les analyses de
situation, à partir desquelles seront élaborées les stratégies et les instructions
de mise en œuvre.
86
spécifique et filtrées par un agent de sécurité.
Une cellule de crise en pleine action, avec de nombreuses personnes gravitant dans la salle
de conduite, a eu un jour une surprise de taille : chacun étant pris dans sa mission,
personne ne s’est étonné de la présence d’un individu qui prenait des notes et que
personne ne connaissait. C’est le responsable de l’équipe qui, après presque une heure de
présence, est allé demander à cette personne qui elle était. Il s’agissait d’un journaliste qui,
en toute bonne foi, s’était introduit dans la salle et assistait aux opérations « de l’intérieur
», selon son expression.
◗ Un environnement organisé
La salle de conduite doit être organisée à l’avance. Pour un
fonctionnement efficace, il faut que chacun reste à sa place. Et pour que
chacun reste à sa place, il doit y avoir une place pour chacun. En fonction de
la salle choisie, l’organisation des lieux sera différente mais un espace « vital
» sera réservé à chaque fonction.
Pour faire face à une crise liée à un incident-produit, une société de distribution
alimentaire déclenche sa procédure de crise et réunit son équipe dédiée. Placées dans une
salle totalement inadaptée aux besoins, toutes les fonctions vont se « marcher sur les pieds
», à tel point que certaines trouveront refuge dans des bureaux à proximité. Mais aucune
procédure d’échange de l’information n’est alors établie, et chacun va travailler dans son
coin sans échanger avec les autres. Au bout de quelques heures, c’est la fonction
Communication qui, par nécessité, a rappelé tout le monde à l’ordre pour rétablir la
transversalité des missions. La salle de conduite, pourtant identifiée à l’avance, n’était
absolument pas organisée et préparée.
87
trouverait au siège, potentiellement inaccessible.
◗ Un espace de secours
Si elle est une réplique de la salle principale, la salle de repli reste
cependant un espace de secours. Équipée à l’identique, elle est malgré tout
faite pour fonctionner en conditions dégradées et quand elle est utilisée, on
acceptera de ne pas avoir la même logistique ni les mêmes moyens que l’on
aurait pu trouver dans la salle principale.
88
support numérique : plans, procédures…
L’utilisation des supports numériques permet une transmission rapide de
l’information, une distribution ciblée et une mise à jour quasi-instantanée.
89
distinguer, entre autres, deux aspects susceptibles d’être abordés : les
dysfonctionnements liés aux facteurs humains des membres des équipes de
crise, et les dysfonctionnements liés aux facteurs organisationnels de la
structure ou de l’entreprise.
X est moniteur de parachutisme sportif. Chaque année, il enseigne à des dizaines d’élèves
les rudiments de la chute libre, et notamment les conduites à tenir en cas d’incident. Parmi
ces incidents, il en est un appelé « poignée dure » : au moment de tirer sur la poignée qui
sert à ouvrir le parachute principal, celle-ci résiste. La procédure normale à appliquer dans
ce cas est de reprendre la position à plat, face vers le sol, puis de retenter une traction de la
poignée. En cas de nouvelle résistance, la procédure indique qu’il faut faire une procédure
de secours (ouverture du parachute de secours).
Ce jour-là, X effectue un saut d’accompagnement d’un élève en progression. L’élève ayant
ouvert son parachute principal normalement, X décide d’ouvrir le sien et se heurte à une «
poignée dure ». Il applique la procédure, reprend la position à plat face vers le sol, puis
retente une traction. La poignée étant dure, il reprend la position… puis tente une nouvelle
traction. Puis encore une autre. Et une autre… Enfin, la poignée quitte son logement et la
voile se déploie.
En dépit de la procédure applicable en la matière, X n’a pas effectué de procédure de
secours et a réalisé six tentatives avant d’ouvrir son parachute. Arrivé au sol, il ne réalise
pas ce dysfonctionnement dans ses procédures, et ne réalise même pas qu’il a ouvert à 400
90
mètres d’altitude, alors que la hauteur réglementaire est de 850 mètres au minimum. Sous
l’effet du stress, X a oublié les règles fondamentales de son sport alors même qu’il
enseigne aux autres les procédures à appliquer en cas d’incident. Ce n’est qu’en examinant
la vidéo filmée par la caméra qu’il porte sur son casque que X prendra conscience du
nombre répété de tentatives infructueuses. Même bien préparé, nul ne peut dire comment il
réagira face à une situation de danger.
91
selon les individus, mais on peut les classer en trois catégories principales :
l’immobilité stuporeuse, l’agitation stérile et l’adaptation au danger.
◆ L’immobilité stuporeuse, ou cataplexie de Preyer : Wilhelm
Preyer18 décrit dès 1878 ces réactions en étudiant notamment l’attitude des
animaux face à un danger. Cette immobilité est une « dissolution brutale du
tonus de posture et une inhibition complète de la motilité volontaire
responsable de chutes brusques, et ce en l’absence de tout trouble de la
conscience. Elle survient en plein éveil et dure de quelques secondes à
quelques minutes ; elle peut être déclenchée par un facteur émotionnel ».
Une personne réagissant ainsi se trouve en quelque sorte paralysée par le
stress, de quelques secondes à plusieurs minutes, tout en ayant parfaitement
conscience de ce qui se passe. Cette immobilité peut empêcher une réaction
adaptée à la situation ; l’effet est d’autant plus traumatisant que la personne
est parfaitement consciente de ce qui se passe mais qu’elle ne peut agir sur
l’événement.
◆ L’agitation stérile. Cette fois, le stress dépassé incite la personne à
agir même si son action est stérile face au danger : elle aura l’impression de
répondre efficacement à la situation, bien que sa réponse soit complètement
inadaptée et donc improductive.
◆ L’adaptation. Malgré le stress dépassé, la personne réussit à adopter
un comportement d’adaptation face au danger et avoir une attitude efficace.
Il est impossible de se prémunir avec certitude des effets négatifs d’un
stress dépassé. On peut cependant s’y préparer et garder à l’esprit que malgré
une perception exacerbée du danger, c’est par le contrôle de ses émotions
qu’on pourra surmonter la situation.
92
remédier à ce dysfonctionnement.
◗ La pensée de groupe
Le phénomène de la pensée de groupe a été décrit par Irving Janis19 en
1982 et repris par Patrick Lagadec20 en 1992. Surpris par le nombre de
décisions inefficaces prises par des hommes pourtant brillants mais réunis
dans des groupes soumis à une pression importante, Janis a identifié un mode
de fonctionnement intéressant : des « individus qui, profondément impliqués
dans un groupe fortement marqué par la cohésion, déploient bien plus
d’efforts pour assurer l’unanimité du groupe que pour parvenir à un examen
réaliste des lignes d’action envisageables. Le terme renvoie à une
détérioration de l’efficacité mentale, de la capacité à tester la réalité, de
l’aptitude au jugement moral – détériorations résultant des pressions internes
au groupe ».
Les symptômes caractéristiques du Groupthink, repris par Lagadec, se
classent dans trois grandes familles de dysfonctionnements :
◆ La survalorisation du groupe. Le groupe s’inscrit dans une illusion
d’invulnérabilité, qui pousse parfois à la prise de risque inconsidérée. Le
groupe développe également une foi absolue dans sa propre éthique, allant
jusqu’à ignorer l’aspect moral de ses choix et de ses décisions.
◆ La fermeture de la pensée. Le groupe tombe dans le piège de la
scotomisation21, et élimine de son champ d’analyse les informations qui
pourraient l’amener à reconsidérer ses choix. Il considère également que son
« adversaire » est trop faible et/ou trop stupide pour obliger une réaction
réellement adaptée.
◆ La pression de conformité. Les membres du groupe qui pourraient
avoir des idées allant à l’encontre de l’unanimité générale s’autocensurent.
Des gardiens de la pensée émergent et se chargent de protéger cette illusion
d’efficacité du groupe.
93
avec efficience.
◗ Trop d’organisation
Si l’absence d’organisation est un vrai problème, trop d’organisation est
également un handicap. L’utilisation de fiche carcans, de guidelines trop
contraignants, constitue un frein puissant à l’efficacité. Si l’organisation doit
être présente, elle doit cependant laisser une certaine marge de manœuvre à
chacun dès lors que la confiance existe : la créativité est un des paramètres
d’une gestion de crise efficiente.
Le poids de la hiérarchie, quand il est trop pesant, peut générer des
dysfonctionnements également déstabilisants : face à un décideur
omniprésent, à un contrôle pesant de tout ce qui est entrepris, l’impression
d’une absence de confiance, voire d’une véritable défiance, constitue un
élément fort de démotivation des acteurs de la gestion de la crise. Ces
derniers auront tôt fait de ne plus prendre aucune initiative sans l’aval du
décideur ultime, lequel se trouvera du même coup saturé d’actions à
superviser et perdra l’appui que peut lui apporter son équipe.
1. Voir chapitre 1.
94
2. Voir infra.
3. Federal Bureau of Investigation.
4. Central Intelligence Agency.
5. National Security Agency.
6. Voir chapitre 4.
7. Christophe Roux-Dufort, Gérer et décider en situation de crise, op. cit.
8. Voir chapitre 3.
9. Voir chapitre 3.
10. Voir supra.
11. Ivan Gavriloff, repris par Bertrand Robert, Naviguer au cap confiance, op. cit.
12. Alain Pekar Lempereur et Aurélien Colson, Méthode de Négociation, Dunod, 2004.
13. Abraham Maslow, Vers une psychologie de l’Être, Fayard, 1972.
14. Guy Missoum, Guide du training mental, Retz, 1991.
15. Lionel Bellenger, Comment managent les grands coachs sportifs, ESF éditeur, 2003.
16. Patrick Lagadec, La Gestion des crises, op. cit.
17. Hans Selye, Stress without distress, Hodder, 1978.
18. Wilhelm Preyer, Éléments de physiologie générale, Alcan, 1884.
19. Irving Janis, Groupthink-Psychological studies of policy decisions and fiascoes, Hougthon Mifflin
Company, 1982.
20. Patrick Lagadec, La Gestion des crises, op. cit.
21. Voir chapitre 1.
95
3
CHAPITRE
96
et valider les procédures, il ne faut pas non plus démotiver tout le monde en
appelant une caserne de pompiers pour éteindre un feu de poubelles.
Il faut trouver un équilibre entre l’excès de prudence et le
dilettantisme en recherchant la conscience efficace.
La vitesse de réaction et de mise en œuvre est un gage d’efficacité
indéniable. Prendre rapidement les premières mesures face à la crise, c’est se
donner la chance d’endiguer la situation avant que les conséquences ne
dépassent un seuil critique au-delà duquel les bouleversements causés par la
crise seront irréversibles.
Un autre facteur à prendre en compte dans le basculement en phase
opérationnelle de la conduite d’une crise est le coût interne du déclenchement
d’une telle procédure :
◆ Le premier de ces coûts est la peur qu’on risque de générer chez
les collaborateurs : activer une procédure de crise, déclencher la réunion de
l’équipe dédiée, ouvrir la salle de conduite, c’est d’abord aux yeux de tous
reconnaître qu’on est en crise. Il y a fort à parier que ce coût pourrait
facilement inhiber bon nombre de responsables de cellule de crise peu
sensibilisés.
◆ Un autre coût à prendre en compte est le coût financier de la
mobilisation générale. Pour peu que l’incident se déclenche une nuit ou un
week-end, qu’il mobilise des ressources extérieures (expertises de
consultants, activation d’une agence de presse, mesures de confinement d’un
siège, évacuation d’expatriés dans un pays à risque, etc.), les coûts imaginés
par le responsable de la cellule de crise ou la direction peuvent paraître tels
que rien ne sera mis en œuvre.
La montée en puissance de la conduite de la crise doit se faire
progressivement et par paliers. On peut décider d’activer les procédures de
manière peut-être allégée au départ, en attendant d’y voir plus clair sur la
nature de l’événement mais en se gardant la possibilité de mobiliser très
rapidement le reste du dispositif ad hoc.
1. La montée en puissance
97
La décision d’activer le dispositif de crise dépend de divers éléments
propres à chaque organisation ou à chaque entreprise. D’une activité à une
autre, d’une expérience à une autre, les critères de qualification peuvent
varier de façon significative.
Les éléments permettant de qualifier une situation en crise sont de divers
ordres :
◆ On peut tout d’abord qualifier une situation en fonction de son
point d’origine : une émeute dans un pays, une épidémie, une catastrophe
naturelle, un accident industriel, la découverte d’un défaut technique sur un
produit.
◆ On peut également qualifier une situation en fonction des moyens
qu’on devra mettre en œuvre pour la résoudre : un incident objectivement
minime en son point d’origine peut nécessiter, pour être endigué, la mise en
œuvre de moyens exorbitants et fort coûteux.
◆ Une situation peut être également qualifiée en fonction des enjeux
et des menaces : images, nombre de personnes menacées, enjeux
financiers…
◆ La crise peut enfin être également qualifiée du fait de la pression
du temps et de l’urgence qu’elle fait peser sur la prise de décision. Cette
notion d’urgence est d’ailleurs intéressante à examiner : de nombreuses
organisations, quand elles ont à faire face à une situation qu’elles qualifient
d’urgente, acceptent que les modes de fonctionnement habituels ou les
procédures préétablies ne soient pas appliquées. Elles acceptent également
que le résultat obtenu ne soit pas optimal du fait justement qu’il a été obtenu
dans l’urgence. Or, quand on analyse ces situations, on s’aperçoit que
l’urgence fait partie de leur métier. Dès lors, ce n’est plus de l’urgence mais
un mode de fonctionnement à part entière pour lequel il faut penser des
procédures adaptées. Comme disait le Maréchal Liautey : « On fait ou on ne
fait pas mais si on fait, on fait bien! » Il est tentant d’ajouter : « Y compris
dans l’urgence! ».
La procédure de qualification de crise est donc propre à chaque
organisation, à la perception qu’elle a de l’incident, à son ordre de priorité
dans les enjeux qu’elle souhaite défendre. Ce qui est malheureusement
commun à tous, et à toutes les organisations, ce sont quelques mécanismes de
98
défense que l’on constate et qui peuvent facilement devenir des entraves à
l’action. Les deux mécanismes de défense les plus courants face à une
situation perçue comme à risque ou dangereuse sont le déni et la dénégation.
◆ Le déni est un mécanisme de défense psychologique qui se traduit
par le refus d’une réalité perçue comme potentiellement dangereuse.
Pour se protéger de cette réalité angoissante, le sujet ou le groupe qui en est
victime rejette complètement ce qui se passe, au point de nier l’évidence. Ce
dysfonctionnement est souvent très déstabilisant pour l’entourage ou les
conseillers de celui qui le met en œuvre car il se situe au-delà du rationnel et
de l’explicable. Il se différencie de la politique de l’autruche adoptée lorsque
le sujet a conscience des risques mais qu’il refuse consciemment de les
prendre en considération.
◆ La dénégation est également un mécanisme de défense
psychologique qui peut limiter la capacité de prise de décision ou de
réaction d’un individu ou d’un groupe, notamment si celui qui en est
victime joue un rôle central dans le groupe. La dénégation est en quelque
sorte un déni partiel de la réalité, la négation d’une partie des éléments
d’information factuels.
La phase d’alerte revêt une importance capitale dans la phase de conduite
de l’incident. Elle est le fruit d’une remontée d’informations qui peut être soit
active, soit passive.
◆ La réception passive de l’information se caractérise par une veille
réactive : on réagit à un renseignement qu’on n’a pas forcément cherché
mais qui parvient aux décideurs chargés d’activer le processus. Ce mode de
fonctionnement est efficace, même s’il reste malgré tout passif dans la
recherche des signaux faibles. Cette relative passivité peut faire perdre du
temps de réaction, d’autant plus que l’information reçue ou observée « à la
volée » est souvent brute et nécessite validation et confirmation.
◆ La recherche active de l’information implique quant à elle une
veille proactive, qui garde la main sur l’initiative. On va chercher les
renseignements et les signaux faibles avant qu’ils ne nous arrivent
naturellement. Cette méthode de veille ne nécessite pas forcément des
moyens colossaux mais passe généralement par une sensibilisation de tous à
ce principe et par une motivation transversale de tous ceux qui pourraient
99
faire remonter l’information quand elle n’est pas encore forcément visible.
La veille des signes annonciateurs peut se faire à deux niveaux : au
niveau de l’environnement propre de l’organisation, et au niveau de
l’environnement partenarial et concurrentiel.
100
Identification du signal précurseur et qualification « Crise »
◗ Maillage et sensibilisation
Le maillage du terrain est avant tout la sensibilisation et la formation
spécifique des « capteurs » appartenant à l’organisation. On s’aperçoit dans la
plupart des situations de crise que des signaux faibles avaient été perçus, ou
qu’ils auraient pu l’être facilement, mais qu’ils n’avaient pas été pris en
compte. Les trois principales raisons à cet état de fait sont les suivantes : les
renseignements ne remontent pas jusqu’aux instances de décision, les
décideurs ne les prennent pas au sérieux, ou les « capteurs » de l’information
la conservent volontairement.
Premier cas de figure : les renseignements ne remontent pas aux
101
instances de prise de décision
Ceux qui pourraient observer et identifier le signal faible ne le font pas
parce qu’ils n’en voient pas l’intérêt, ou parce qu’ils estiment que ce n’est pas
de leur compétence et que si eux le perçoivent, la direction doit l’avoir perçu
depuis longtemps.
102
les conservent volontairement
Ce dysfonctionnement est souvent dû au fait que les signes annonciateurs
d’une crise peuvent être perçus comme une marque d’incompétence du
collaborateur, du manager ou du dirigeant qui en est à l’origine. Dès lors,
plutôt ne rien dire que prendre le risque d’être montré du doigt : « surtout pas
de vagues… ». Ce comportement est d’autant plus dévastateur que la crise est
forte et qu’on pourra démontrer que l’information était connue et qu’elle
aurait pu empêcher une catastrophe. La sinistre affaire du sang contaminé en
est peut-être une illustration.
La mobilisation et la sensibilisation de réseaux de « capteurs » internes
sont les pierres angulaires d’un système de veille proactive efficace. Mails il
en est une autre, parfois négligée, et qui pourtant revêt son importance. C’est
le recours à des observateurs extérieurs ou des réseaux partenaires :
séminaires, cercles de réflexion, réseaux d’échanges sur les bonnes pratiques
des métiers sont autant de caisses de résonance qui peuvent permettre de «
sonder » les expériences de chacun et de détecter dans la pratique des autres
des similitudes ou des points de convergence intéressants pouvant constituer
autant de sonnettes d’alarme.
◗ La remontée d’informations
En matière d’anticipation des risques et de gestion des crises, il n’y a pas
de « petites » informations. Dès lors qu’un fait ou un événement sort de
l’ordinaire et pourrait avoir des conséquences sur le bon fonctionnement de
l’organisation, il devrait faire l’objet d’un « rapport d’étonnement ». Cette «
alerte », même succincte, permet de ne pas passer à côté d’une information
importante.
Le « capteur » doit savoir à qui s’adresser. Lorsqu’il souhaite faire
remonter une information, il doit avoir à sa disposition un canal privilégié,
avec plusieurs destinataires clairement identifiés (l’un assurant ce rôle quand
l’autre est absent), pouvant permettre la remontée du message. Rien n’est pire
que d’avoir une idée, une conviction ou un renseignement et de ne pas savoir
à qui le transmettre. Tomber sur le mauvais interlocuteur peut générer un
mauvais traitement de l’information (notamment si elle est mal comprise ou
mal interprétée), une déperdition de l’essentiel du message, voire même un «
classement » directement… dans la poubelle.
103
Il doit également savoir sous quelle forme faire parvenir son information.
L’écrit est évidemment à privilégier, du fait de sa traçabilité, même s’il ne
vient qu’en complément d’un message transmis oralement pour plus de
rapidité.
La transmission par fax reste intéressante car elle permet de laisser
immédiatement une trace comportant une date et une heure d’envoi.
Il convient de noter le caractère pervers du courrier électronique, pourtant très utilisé : il est très
facile d’envoyer des e-mails à une multitude de destinataires pour les informer ou leur faire
remonter la perception d’un renseignement intéressant. Mais l’expéditeur a trop souvent
tendance à penser que dès que son message sera envoyé, il sera lu et traité par son interlocuteur.
Or, au vu de la masse de courriels reçus par tout un chacun chaque jour, il est facile de laisser
passer une information qui n’aurait pas forcément été mise en valeur par son expéditeur.
Un feedback ou un contre-appel pour valider le fait que le renseignement a été reçu est
important, au-delà de la confirmation de lecture souvent demandée lors d’envoi d’e-mails.
104
final, du fait notamment de son niveau de stress lié à la situation, de son
niveau de compétence technique, de sa capacité personnelle à synthétiser
l’information et à ne pas se noyer dans les détails.
105
priorité, et il revient à chaque organisation d’établir son propre canevas.
Un message « type » pourrait être divisé en trois parties :
◆ Le rédacteur : qualité, coordonnées pour un contre-appel, lieu de
l’incident ou du fait déclenchant, date et heure de l’événement.
◆ Les faits : éléments objectifs observés, causes visibles, conséquences
identifiables, victimes éventuelles.
◆ Les mesures prises : actions entreprises et effets sur l’incident,
secours et autorités alertées, présence de secours sur place.
Définir le caractère d’urgence d’une situation
Un des aspects importants de la transmission de l’information est la
qualification de l’urgence de la situation. En fonction de cette urgence
(perçue sur le terrain, avec toutes les nuances et les réserves qu’il convient de
prendre en compte), le message sera transmis par le dispositif normal de
compte rendu ou empruntera une voie plus rapide au vu de la nécessité
immédiate de prendre une décision quant à l’événement.
Parler de « remontée » de l’information, ce n’est pas pour autant oublier
la redistribution de l’information. Créer un réseau de capteurs, c’est bien.
Mais pour garder la motivation de tous, il est important de faire circuler
l’information et de démontrer à quoi peuvent servir les renseignements ou les
rapports d’étonnement transmis.
Le directeur commercial d’une société de service a réussi à sensibiliser l’ensemble de ses
collaborateurs, notamment dans les filiales de province, à l’intérêt de faire remonter de
l’information sur les sociétés concurrentes agissant dans le même domaine. Rapidement,
son fichier « concurrents » s’est étoffé et lui a permis de modifier sa stratégie de
développement. Au bout de quelques mois, la source d’informations se tarit, d’abord
insensiblement, puis presque complètement. Alors qu’il appelle un de ses agents
commerciaux, et qu’il le sollicite pour avoir de plus amples renseignements, celui-ci lui
livre la raison de ce tarissement : « Nous avons déjà du mal à faire notre job normal, si en
plus on doit te faire remonter des informations dont on ne sait pas à quoi elles servent… ».
Jamais le directeur commercial n’avait informé ses « capteurs » des suites données à leurs
transmissions de renseignements, notamment son réajustement de stratégie de
développement. Comment motiver les « capteurs » s’ils ne savent pas à quoi servent les
informations qu’ils transmettent ?
◗ Validation
106
L’information qui est retransmise du terrain ou des sites en cause doit
forcément être validée. Il n’est pas ici question de mettre en doute les
renseignements donnés par des capteurs locaux, mais simplement de
s’assurer de leur pertinence et de leur ampleur.
La subjectivité et l’objectivité étant deux notions qui s’entremêlent et
s’entrechoquent en temps d’instabilité, il est important de prévoir un
processus de validation de l’information. Sous la pression de l’urgence, face à
des événements exorbitants et hors du commun, il est facile de grossir le trait
ou de tomber dans le piège de la dénégation. Il faudra donc prévoir un moyen
de contacter d’autres sources d’information et de valider ou de pondérer les
premiers renseignements obtenus en fonction desquels on va décider ou non
d’armer le dispositif de crise.
◗ Maillage
Un partenaire, a fortiori quand il est un rouage essentiel dans un projet ou
dans un mode de fonctionnement, peut être facteur de crise s’il est lui-même
victime d’une situation déstabilisante. La prise en compte de ce risque dans
une cartographie de risques, et l’observation de signes annonciateurs (de
façon moins directe que dans l’environnement propre) font partie d’une
anticipation efficace. Un impact indirect peut être plus dévastateur qu’un
impact frontal, d’autant plus qu’il a été moins objectivement ou moins
franchement perçu.
L’environnement concurrentiel est aussi un bon point d’observation des
crises potentielles. Ce que vivent les concurrents, ou ceux que subissent les
organisations qui évoluent dans le même environnement sont des situations
potentiellement contagieuses ou répétitives. Autant les observer et les
anticiper pour rester efficace.
Le 17 novembre 2004, la société de téléphonie mobile Bouygues Télécom a subi une
panne informatique majeure : son réseau a été paralysé pendant plusieurs heures, rendant
107
tout appel de la part de ses abonnés impossible. En cause, deux serveurs « jumeaux »,
censés se substituer l’un à l’autre en cas de problème, et qui sont tombés en panne
quasiment en même temps. Le retour à la normale ne s’est fait progressivement que le
lendemain. L’affaire a largement embarrassé l’opérateur et mécontenté ses millions
d’abonnés. France Télécom avait connu quelques semaines plus tôt un incident similaire,
rendant impossible toute communication dans plusieurs départements français.
Informations prises, les serveurs en cause dans la crise de Bouygues Télécom étaient du
même type que ceux utilisés par les autres opérateurs de téléphonie. Il aurait donc été
intéressant pour eux de bien étudier et débriefer l’incident afin d’en tirer les
enseignements et d’éviter que cela ne se reproduise.
108
chaud », au-delà d’un évident intérêt d’apprentissage, peuvent s’avérer être
précieux dans la gestion de l’incident en cours, du fait notamment des
expertises extérieures apportant une vision plus distanciée de la situation.
Cette pratique demande une grande maturité de la part des organisations en
présence, et soude durablement des relations de confiance, même dans le
cadre d’entités clairement concurrentes sur un plan commercial.
Un groupe travaillant à l’international suit avec attention l’actualité quotidienne d’un pays
africain au sein duquel il possède des intérêts. La situation est relativement stable par
rapport aux autres pays de la zone, mais un événement imprévu va tout changer : le vieux
président de ce pays décède, et quelques éléments de l’armée en profitent pour tenter un
coup d’État. Très rapidement, l’unique aéroport est fermé par les autorités et les
ressortissants étrangers se retrouvent dans l’impossibilité de quitter le pays par voie
aérienne.
Prévoyant, le groupe en question a fait appel à des consultants en sécurité pour mettre en
place une procédure d’exfiltration : des sociétés locales ont été identifiées pour transporter
les ressortissants, leur qualité a été contrôlée en continu, des plans ont été établis avec des
points de rassemblement pour les expatriés, plusieurs itinéraires sont envisagés… Tout est
sous contrôle.
C’est en fait un grain de sable qui va déstabiliser toute cette mécanique bien huilée.
L’activation de la cellule de crise du groupe est décidée rapidement par le président. On
contacte le responsable de l’équipe de crise qui se trouve dans sa maison de campagne :
son téléphone portable ne passe pas. On décide de le contacter sur un téléphone fixe, mais
aucune réponse n’est obtenue. Il est donc fait appel à un suppléant pour se rendre au siège
et activer la cellule de crise. Le suppléant se rend rapidement sur place, et tente de
rejoindre la salle dédiée à la gestion de crise au sein de laquelle se trouvent tous les
matériels utiles : téléphones ad hoc, classeurs de crise, annuaires dédiés et toutes les
références utiles. Mais il lui est impossible d’accéder à l’étage du bâtiment en question :
nous sommes samedi, et l’ascenseur n’accède pas à l’étage de la direction. Il faut une clé
spécifique que le suppléant ne possède pas. Il décide alors d’accéder par l’escalier de
secours, mais s’aperçoit que les portes palières coupe-feu sont fermées à clé le week-end,
et ne peuvent s’ouvrir que de l’intérieur. Impossible pour lui de se rendre dans la salle de
crise, au moment même où les expatriés sur place commencent à appeler pour savoir où en
est la procédure d’exfiltration et demander des consignes. Sans céder à la panique, le
suppléant rappelle le président et le directeur général du groupe pour leur exposer son
problème de clés. Ni l’un ni l’autre ne sont à proximité du siège, et il leur faut au moins
109
deux heures pour revenir de leurs lieux de week-end à condition que la circulation soit
fluide. Les autres détenteurs de clés ne répondent pas au téléphone, le responsable en titre
de la cellule de crise reste injoignable, et la situation commence à devenir très
déstabilisante. Après presque une heure, on parvient à débloquer l’ascenseur grâce à
l’intervention du concierge qui possède une clé bien que les consignes ne le prévoient pas.
Le suppléant, devenu par la force des choses responsable de l’équipe de crise, ouvre la
salle dédiée. Il va enfin pouvoir utiliser les téléphones satellites, les annuaires de crise, les
plans longuement préparés et parfaitement opérationnels. Le seul problème, c’est que tout
ce matériel se trouve dans une armoire forte, et que le suppléant possède une clé mais pas
la combinaison à quatre chiffres qui lui permettrait d’ouvrir la porte. Au bord de la crise de
nerfs, il a la présence d’esprit de contacter la hotline de la société de sécurité qui a mis au
point les plans d’exfiltration : une cellule de crise de secours est activée au siège de celle-
ci, et la mise en sécurité des expatriés est réalisée quelques heures plus tard. Une crise qui
finit bien mais qui aurait pu être catastrophique uniquement parce que la procédure de
mise en alerte de l’équipe de crise a été négligée.
◗ Le point d’entrée
Pour activer la cellule de crise et lancer le dispositif de conduite, il faut
avant tout identifier un point d’entrée, qui pourrait être également désigné
comme le « permanent » de crise.
La mission de ce permanent est de recevoir les appels pouvant être
déclencheurs et provenant de multiples horizons : un responsable local d’un
site particulier, un expatrié dans un pays instable, le président ou un dirigeant
du groupe ayant autorité pour activer le dispositif… Dès qu’il estime que la
situation qu’on lui présente pourrait empirer, ou dès qu’il en reçoit
l’instruction par un dirigeant, le permanent lance le processus d’activation du
plan de gestion de crise et tout ce que cela implique.
Le choix du point d’entrée n’est pas simple. S’il apparaît naturel que ce
rôle soit dévolu au responsable de l’équipe de crise, la mise en œuvre de cette
option est complexe. Comment demander à une seule personne d’être
disponible 24 heures par jour et 365 jours par an ? C’est courir le risque de
l’épuiser physiquement et nerveusement et de perdre un élément de valeur
dans le dispositif.
Il arrive souvent que le responsable d’équipe ou le chef de projet « crise »
se désigne lui-même comme le point d’entrée unique. Cela ne peut pas exister
dans la durée, et la mise en place d’une procédure de permanence
tournante est indispensable. On peut envisager d’intégrer tous les membres
de l’équipe de crise dans ce dispositif de permanence, avec une astreinte
110
hebdomadaire.
Il faut cependant veiller à ce que celui qui est en charge de cette veille ait
à sa disposition tous les moyens pour remplir sa tâche. Il doit notamment :
– pouvoir être joint avec certitude, y compris dans des endroits peu
accessibles ;
– disposer de tous les moyens pour accéder à la salle de crise, à toute
heure du jour et de la nuit ;
– pouvoir être assisté d’un suppléant de permanence, disposant des
mêmes moyens, pour pallier tout incident ou toute indisponibilité.
111
nécessiter le déclenchement du processus dédié :
◆ La mobilisation des membres de l’équipe. La première mission du
permanent va être de contacter toutes les personnes constituant la cellule de
crise pour les inviter à se réunir dans les plus brefs délais.
◆ L’ouverture de la salle de conduite. L’installation physique de
l’équipe et la mise en œuvre du matériel (téléphones, moyens de liaison) est
la seconde étape de la montée en puissance. Le déclenchement de cette
logistique de crise implique également l’ouverture du livre de crise sur lequel
seront consignés tous les éléments de la conduite de l’incident.
Le logisticien, dès son arrivée dans la salle de conduite, doit s’assurer de
la bonne mise en œuvre de la logistique ainsi que de la disponibilité de la
salle de repli en cas de problème.
◆ La mise en œuvre des mesures de sûreté immédiates.
L’application des premières mesures, selon le type de situation à gérer et les
préconisations contenues dans les procédures, est la troisième étape de la
montée en puissance. Elle consiste en fait à traiter les « hémorragies » avec
des mesures qui ne sont peut-être pas celles qui vont permettre de mettre fin à
la crise mais qui vont tout du moins l’endiguer et la contenir. Elle peut aussi
consister à éliminer des dangers immédiats pour les victimes potentielles ou
pour les intervenants.
◆ La mise en place des « ateliers » de crise. La dernière phase de la
montée en puissance est l’activation des « ateliers », en fonction de l’arrivée
des personnes qui les composent. La rapidité d’activation est un véritable
facteur de succès, chacun étant disponible pour accomplir sa tâche.
112
un outil pour l’équipe en charge de la conduite mais également pour les
équipes montantes qui vont venir relever le groupe en cas de crise prolongée.
Cette trace est également indispensable pour les débriefings dont on pourra
tirer des enseignements précieux.
Le document principal est une main courante qui sera ouverte dès
que possible par le responsable de la fonction logistique. Ce document
permettra à tous de reconstituer rapidement les premiers instants de la
situation, notamment pour bien comprendre les mécanismes mis en œuvre
dans les premières heures.
On peut parfois penser qu’établir des documents de crise est une tache subalterne, sans vraiment
d’intérêt. Ce serait une erreur grave que de négliger cette partie de la réaction face à la crise.
Après quelques heures de conduite de la situation, si personne n’a pris le soin de mentionner
exactement les mesures prises, il est quasiment impossible de pouvoir reconstituer qui a fait
quoi. Chacun va en avoir sa propre perception, et ces différences seront certainement sources de
confusion. Si l’équipe de crise doit justifier les premières mesures prises, il est important de
pouvoir fournir une information objective, détachée de toute confusion, qui pourra laisser croire
à une absence de maîtrise de l’événement.
113
envisageable des événements.
◆ Que pouvons-nous faire pour endiguer la crise ? C’est la phase de
construction des différentes stratégies applicables. Face aux diverses
anticipations sur les évolutions de la crise, on va imaginer les réponses
envisageables ainsi que les conséquences de chacune d’elles.
◆ Quelle décision prendre ? C’est la phase du choix, celle qui va
engager les responsabilités et déterminer l’impact de l’action de l’équipe de
crise sur la situation.
◆ Comment faire appliquer la décision ? C’est la phase de la mise en
œuvre des choix stratégiques. Dès lors que la décision d’agir dans un sens ou
dans un autre est prise, il faut faire en sorte que la stratégie choisie soit
appliquée efficacement et pleinement sur le terrain, et que des feedbacks
réguliers soient retransmis pour éventuellement réajuster la réponse.
114
✍ Centralisation
✍ Organisation
✍ Mise à disposition après validation
✍ Tri des mots utiles
✍ Classement par priorité
✍ Vérification croisée
✍ Validation
✍ Compréhensible
✍ Accessible aux non-spécialistes
◗ Disponibilité
Si l’information a une valeur stratégique dans le monde des affaires
notamment, elle est encore plus importante en situation de crise. Piloter la
gestion d’un incident depuis une salle de crise, c’est un peu comme conduire
une voiture avec les yeux bandés. Quand on a les bonnes informations sur la
direction à prendre, sur les éventuels obstacles que l’on peut rencontrer, sur
les changements brusques à opérer pour rester sur la route, on peut tenter sa
chance. Mais si ces informations ne sont pas disponibles, si elles ne sont pas
centralisées, l’entreprise est nécessairement vouée à l’échec.
L’organisation d’un réseau de remontée de l’information jusqu’à la
115
cellule de crise est indispensable. Rien n’est plus insupportable, lors du
débriefing d’une gestion de crise, que de s’apercevoir qu’une information
primordiale était à disposition dans le dispositif mais qu’elle n’est jamais
remontée jusqu’en haut de la chaîne d’analyse et de décision.
Pour organiser ce réseau, il faut avant tout pouvoir répondre aux
questions suivantes :
– Qu’est-ce que je cherche ?
– Où le chercher ?
– À qui le demander ?
Dès lors que l’on a pu répondre à ces questions, on peut organiser la
circulation du renseignement, en offrant notamment la possibilité à ceux qui
en ont besoin de consulter les informations.
◗ Validité
Avoir de l’information est une chose, et il n’est finalement pas vraiment
difficile d’en obtenir. La crise génère même un flux incessant de données, ce
qui ajoute au stress ambiant car on ne sait plus à quel renseignement se fier.
Dès lors qu’elle est centralisée, l’information doit être triée puis classée pour
être enfin vérifiée. Certaines statistiques évoquent que plus de la moitié des
informations disponibles en début d’incident sont fausses, obsolètes ou
inutilisables.
Pour pouvoir proposer des stratégies fiables aux instances de décision, il
faut valider l’information avant de l’intégrer dans le processus d’analyse.
Pour ce faire, on peut :
– croiser les sources pour une même information ;
– solliciter une ou plusieurs personnes de la fonction Information-
Analyse pour valider des renseignements particulièrement importants
pour la décision.
◗ Clarté
L’information, disponible et valide, doit être également compréhensible
par tous, y compris par des non-spécialistes. En situation d’instabilité, les
experts ont souvent tendance à se replier sur leur « savoir » et leur « science »
au moment où, au contraire, ils devraient simplifier leurs analyses et les
rendre accessibles à tous. Il est facile de « jargonner » pour essayer de donner
116
du corps à une information dont on n’est finalement pas sûr.
Un renseignement touffu, mal expliqué, retransmis dans des termes trop
techniques a de fortes chances d’être mis de côté si l’équipe de crise ou les
décideurs ne sont pas des spécialistes et s’ils ne peuvent pas percevoir son
intérêt opérationnel.
◗ Le contenu de l’analyse
Le groupe Information-Analyse va devoir fournir un point précis sur :
– l’état de la situation à un moment donné, en anticipant et en justifiant
son évaluation avec des renseignements validés ;
– les possibles évolutions de la crise dans le temps, avec leurs
conséquences ;
– les probabilités d’occurrence des scénarios envisagés pour en déduire
des stratégies applicables avec un ordre de priorité.
Il va cependant devoir se garder de quelques dysfonctionnements que
l’on pourrait qualifier de « filtres à la bonne analyse ».
J.-C. Abric5 identifie quelques-uns de ces filtres liés notamment aux
mécanismes de défense, dont certains ont déjà été évoqués dans la phase
d’identification des signes annonciateurs et dans la perception de la situation
de crise :
◆ La scotomisation : ce dysfonctionnement consiste à éliminer de son
champ d’analyse une information que l’on juge gênante (voir chapitre 1, p.
36).
◆ La mémorisation sélective : proche de la scotomisation, ce
117
dysfonctionnement provoque l’oubli immédiat de toute information qui serait
jugée problématique ou qui remettrait en question toute une analyse déjà faite
et/ou communiquée aux instances de décision.
◆ L’interprétation défensive : l’information entrant dans le processus
d’analyse n’est pas lue avec objectivité mais réinterprétée différemment afin
de se conformer à une position déjà prise.
◆ La négation de l’autorité de la source : plutôt que de nier une
donnée évidente aux yeux de tous, on va dévaloriser l’autorité ou la source à
l’origine de l’information, en invoquant notamment son manque d’objectivité
ou son manque de compétence en la matière.
Le groupe et la multiplicité des profils constituant la fonction
Information-Analyse ont notamment pour objectif de contrer les effets de ces
filtres et de ces dysfonctionnements.
118
2.3 Stratégies applicables
« Celui qui ne sait pas où il va n’est pas près d’arriver. »
Proverbe chinois
119
secondaires et doivent donc, tout en étant pris en compte, être traités comme
tels. Une difficulté que l’on rencontre parfois est justement le défaut
d’objectif. On va traiter quelques symptômes de la situation sans pour autant
s’attaquer à sa cause réelle, ce qui ne résout en rien le problème.
◆ Deuxième objectif stratégique : endiguer les conséquences
immédiates et « post-immédiates » de l’incident. Trop se concentrer sur la
cause originelle du problème peut faire oublier le déroulement actuel des
événements, qui mal pris en compte pourraient générer une crise secondaire.
Lors de l’examen des stratégies applicables, il s’agira :
– d’une part d’anticiper les conséquences de l’application des différentes
alternatives possibles, évaluer en quelque sorte le « rapport qualité prix »
de chacune d’elles ;
– d’autre part de classer ces stratégies par ordre de priorité en ce qui
concerne leur possibilité de mise en œuvre, avec à l’appui un
argumentaire détaillé permettant au décideur de faire son choix en toute
connaissance de cause.
120
◆ Autre risque dans la phase d’identification des stratégies
applicables : la justification de la solution a priori. Dans ce cas, on accorde
plus d’importance à justifier la décision que l’on va prendre en termes de
moyens plutôt qu’à choisir la solution la plus adaptée. Le risque pour les
décideurs d’être mis en cause en cas d’échec n’arrange rien : aujourd’hui, il
semble plus important de pouvoir se justifier a posteriori que de faire le bon
choix.
◆ La recherche de la « décision magique » : ce dysfonctionnement
relève du mythe selon lequel il existerait, dans la multitude des stratégies
envisageables, une bonne réponse, unique et universelle, qui permettrait de
résoudre d’un seul coup tous les problèmes liés à la crise. Or, cette solution
miracle n’existe pas. Passer tout son temps à la chercher, c’est au mieux
perdre du temps dans la conduite de la situation, au pire tomber dans des
pièges beaucoup plus paralysants comme, notamment, la pensée de groupe
identifiée par Janis7.
121
Le processus de décision
Le processus de décision, tel qu’il pourrait être appliqué en situation de conduite de crise, se
décompose comme suit :
– Identification de toutes les alternatives applicables ;
– Point sur les analyses attachées à chaque alternative ;
– Détermination des objectifs prioritaires de la décision ;
– Estimation de la faisabilité des alternatives, sorte d’évaluation du « rapport qualité/prix » ;
– Classement des alternatives en fonction des analyses précédemment évoquées ;
– Réévaluation constante de l’analyse avec les nouvelles informations entrantes et les
feedbacks ;
– Préparation de la mise en œuvre dans le détail de l’alternative choisie ;
– Décision : choix définitif de l’alternative ;
– Application sans faille de la décision.
122
qui a raison », avec le risque de changer de décision dès lors qu’est émis un
avis contraire à celle-ci. La multiplication des intervenants, des analyses et
des contraintes est un élément accélérateur perturbant qui amplifie encore ce
phénomène.
◆ Autre risque lié à la décision : la décision absurde. C’est Christian
Morel8 qui a le mieux expliqué ce phénomène. Il identifie les facteurs de
prise de décision absurde, notamment les erreurs de raisonnement, les
mécanismes collectifs et la perte de sens.
◗ La délégation
« Vous ne jouerez jamais aussi bien que le meilleur de vos musiciens ;
l’important, pour le chef d’orchestre, c’est de savoir ce qu’il lui est possible d’exiger. »
Herbert von Karajan
123
sorte établir la marge de manœuvre du délégataire ;
– Choisir le bon délégataire : il convient de trouver la personne la plus adaptée à la mission. Ce
choix est guidé par la complexité de la mission, le niveau de compétence du délégataire, sa
légitimité vis-à-vis de son environnement…
– Établir une obligation de rendre compte : fixer les règles du retour d’informations, aussi bien
en termes de temps que de contenu. Ce compte rendu permettra au décideur de valider les
actions menées par le délégataire et éventuellement de réajuster la fiche de tâche.
◗ La bonne exécution
◆ Le premier facteur d’une bonne exécution est la clarté des
instructions données. Plus l’ordre est explicite et détaillé, moins les erreurs
d’interprétations ou d’appréciation sont possibles.
◆ Le second facteur d’une bonne exécution est l’adhésion à
l’objectif des exécutants. S’ils ont une bonne compréhension de la situation
et de l’intérêt de la décision à mettre en application, ils auront d’autant plus
de motivation pour bien faire.
◆ Le troisième facteur est la capacité d’adaptation des équipes
d’exécutants : les feedbacks sur la mise en application de la stratégie vont
éventuellement permettre de revoir la réponse apportée et d’effectuer les
réajustements nécessaires.
124
◆ La première source de mauvaise exécution est l’incompréhension
des instructions données. Plus les instructions sont claires, plus ce défaut
sera minimisé. Mais l’incompréhension peut également provenir d’une
mauvaise évaluation du niveau de compétence des exécutants, qui ne
disposent pas de la technicité ou du savoir nécessaire à une bonne mise en
œuvre.
◆ L’erreur de mise en œuvre est également un facteur de mauvaise
exécution. Les instructions sont bien comprises, mais leur application est
erronée. Si les feedbacks sont efficaces, on peut remédier alors à une erreur
commise. Cependant, en temps de crise, les erreurs même minimes peuvent
avoir des conséquences dramatiques du fait notamment de la pression du
temps. L’urgence diminue le temps accordé à la vérification et raccourcit les
délais de prise de décision, notamment pour effectuer des réajustements.
La mauvaise application de la stratégie peut être aussi une marque de
défiance des exécutants vis-à-vis des instances de décision. La décision est
visiblement adaptée à la situation, l’instruction est bien comprise, mais elle
n’est pas appliquée ou incomplètement appliquée par la volonté des
exécutants : c’est une sorte de sabotage.
3. La communication de crise
Dès lors qu’une entreprise ou une organisation se trouve impliquée dans
une situation dégradée, qui pourrait peut-être glisser vers une situation de
crise, la tourmente médiatique ne tarde pas à s’abattre sur elle. Les
informations affluent de toutes parts, vraies ou fausses, et reprendre la main
n’est pas chose facile. Si l’organisation à une notoriété importante, si la crise
touche un domaine particulièrement sensible comme la santé publique,
l’alimentation, le nucléaire, ou bien si les victimes potentielles sont
nombreuses ou vulnérables, la communication va devenir l’un des pivots de
la gestion des conséquences de l’événement. Dès lors que les médias
s’emparent de l’information, parfois le surdimensionnement, l’effet
accélérateur sur la crise elle-même est foudroyant. Et si on nous vend de
l’extraordinaire, c’est certainement parce que nous avons besoin de «
fantasmer ». C’est notamment ce que nous explique Lionel Bellenger9
lorsqu’il nous invite à essayer de retrouver notre libre arbitre face à
l’événement et face à la « déferlante » de l’information.
125
Il est toujours difficile de devoir affronter la presse et les caméras. On
peut imaginer aisément l’état psychologique d’un dirigeant ou d’une équipe
de projet qui voient débarquer les « investigateurs » qui forcent les portes et
révèlent tous les secrets. Il est important pour appréhender tous les
paramètres de la communication avec les médias de bien comprendre
comment fonctionne la presse. En situation d’instabilité, il est préférable
d’envisager la presse comme un partenaire et non pas comme un
adversaire.
La règle est simple : il faut que les médias aient des choses à dire. Et les
alternatives ne sont pas nombreuses :
– les informations leur sont fournies à la source par l’organisation en
crise elle-même avec la validité et le contrôle nécessaire ;
– soit les journalistes vont trouver eux-mêmes ce qui les intéresse, au
risque de ne voir qu’un pan des événements décrits et abordés ;
– soit ils vont interpréter des silences ou d’autres renseignements
obtenus par des voies indirectes ou détournées.
Beaucoup de dirigeants ou de chefs de projet ont tendance à réduire la
conduite d’une situation de crise à la communication. Or, si la
communication est un des éléments les plus visibles (et pour cause) de la
gestion d’un incident, elle n’en reste pas moins un outil au service de
l’organisation et ne doit pas devenir une fin en soi.
Christophe Roux-Dufort10 parle du « danger de la surestimation de la
communication dans la stratégie de gestion des crises ». Pour lui, ce défaut de
perception pourrait faire courir le risque au décideur de se tromper sur les
objectifs de la communication. « Il ne s’agit pas de communiquer pour
communiquer et tenter coûte que coûte de restaurer son image, mais de servir
et relayer les efforts de gestion effectifs mis en place par l’entreprise afin de
circonscrire les événements et de répondre aux demandes et préoccupations
des différentes parties prenantes ».
On constate depuis quelques années une nouvelle défiance de la part des
« consommateurs » de communication et des citoyens : l’accident de
Tchernobyl en 1986, dont les dernières révélations n’ont rien arrangé, a
contribué à donner l’impression qu’en temps de crise, la vérité était
dissimulée et les analyses tronquées. Pour garantir l’efficacité de la
communication de crise, celle-ci doit obéir à trois maîtres mots : Honnêteté,
126
Cohérence et Confiance11.
127
l’événement.
Dès lors que les faits ont été clarifiés, on peut livrer des éléments
concernant les dispositifs déployés, les actions mises en œuvre ou les
ressources humaines et financières mobilisées. On peut également indiquer
les mesures prises pour prendre soin des victimes avérées ou potentielles :
soins, soutiens psychologiques, actions de prévention…
Cette phase de la communication permet également à l’organisation de
démontrer qu’elle entend assumer pleinement ses responsabilités. Cette
attitude a pour objectif de couper l’herbe sous le pied de ceux qui
chercheraient à mettre en cause le système puisque le système pointe lui-
même le doigt sur ses propres responsabilités.
◗ Regagner la confiance
En agissant de la sorte, en démontrant une attitude responsable, on peut
commencer à renforcer ou reconstruire la confiance éventuellement perdue.
◗ Honnêteté
L’honnêteté dans le contenu et la forme du discours est le meilleur
facteur d’efficacité de la communication de crise. Certains ont parfois
l’impression qu’un bon communicant peut « faire avaler » n’importe quoi à
n’importe qui. Or, l’objectif n’est pas ici de masquer la vérité mais plutôt
de dire ce qui doit l’être en temps et en heure.
L’honnêteté réduit l’incompréhension du public, qu’il soit interne ou
128
externe, et surtout évite toute disqualification ultérieure, car la vérité est
toujours connue à un moment ou à un autre. L’exemple de la catastrophe de
Tchernobyl le rappelle avec force : les interviews rétrospectives des
responsables de la sûreté nucléaire affirmant que les nuages chargés
d’éléments radioactifs n’avaient pas franchi nos frontières renforcent encore
la méfiance des spectateurs du monde.
Cette nécessité implique également que les informations délivrées
devront être vérifiées et validées : personne ne croira, même si c’est vrai,
qu’une information plus favorable à l’organisation mise en cause a été
délivrée simplement par erreur ou parce que l’on manquait de temps pour la
vérifier. Tout le monde criera à la manipulation et au mensonge, et on passera
dès lors plus de temps à corriger le faux pas qu’à communiquer de façon
proactive.
◗ Cohérence
En situation de crise, il y a une nécessité absolue de cohérence entre
toutes les informations émanant des différentes entités de l’organisation :
siège, filiales, porte-parole de la direction, représentants du personnel doivent
parler le même langage et délivrer les mêmes informations. La phrase de
Bertrand Robert prend ici tout son sens : « La confiance ne supporte pas les
dissonances ». En matière de communication, toute incohérence entre deux
informations jette le doute sur chacune d’elles.
Il doit également y avoir cohérence entre ce qui est dit et ce qui est
observable : c’est la congruence. En matière de communication
interpersonnelle, la congruence est l’adéquation entre les canaux verbaux,
paraverbaux et non-verbaux.
En communication de crise, les actes et actions réalisés par l’organisation
en charge de la conduite de l’incident doivent être en adéquation avec les
discours et communiqués. On imagine mal le porte-parole d’un site Sevezo
en proie à une crise affirmer à la presse que tout est sous contrôle, alors que
derrière lui tout le monde est occupé à évacuer les lieux dans l’urgence et
l’affolement. Cette nécessité de congruence implique que les organes de
conduite de crise puissent avoir sinon le contrôle total, du moins les comptes
rendus immédiats de toutes les actions menées sur le terrain par les équipes
d’exécution.
129
◗ Confiance
La stratégie de communication de crise doit être également motivée par la
volonté de reconstruire la confiance. Il conviendra donc d’éviter tous les
filtres à la confiance : jargons, contradictions, manque de clarté perçu comme
une ruse.
L’utilisation de jargon technique, ou pseudo professionnel, dans les
communiqués de presse ne sert qu’à donner l’impression que l’on cherche à
embrouiller l’esprit du public. Pourtant, c’est une pratique qui reste répandue
: on a l’impression qu’en utilisant des termes très techniques, on va
démontrer compétence et professionnalisme au public.
Les contradictions dans la communication des organisations sont tout
aussi déstabilisantes : elles démontrent soit un manque de professionnalisme
ou de contrôle, soit une volonté de cacher la vérité. Dans les deux cas,
communiquer est plus désastreux encore que se taire.
◗ La communication interne
La communication interne vise le public lié à l’organisation. On identifie
dans cette population les collaborateurs directs et les collaborateurs indirects.
◆ Les collaborateurs directs sont les employés et les cadres de
l’organisation. Loin d’être un public à négliger, il faut l’informer
immédiatement et régulièrement de l’avancée de la situation. Il n’y a rien de
plus déstabilisant et irritant que d’apprendre par la presse les difficultés
qu’affronte sa propre entreprise. Les collaborateurs directs sont également
primordiaux dans le maintien ou la reconstruction de la confiance après la
crise.
◆ Les collaborateurs indirects sont notamment les fournisseurs, les
partenaires techniques, financiers, essentiels eux aussi pour préparer la
reconstruction de la confiance et la continuité de l’activité pendant et après la
130
gestion de la crise.
Les moyens à mettre en œuvre en interne sont généralement de deux
ordres :
◆ Les moyens techniques : on peut utiliser les réseaux internes de
communication pour s’adresser aux collaborateurs directs. Le réseau intranet,
le courrier électronique, les notes d’informations diffusées par entités ou
Business Units sont de bons vecteurs de l’information interne.
Les collaborateurs indirects peuvent quant à eux être informés par
l’utilisation du courrier électronique ou par les relais habituels qui sont leurs
contacts dans les conditions normales de relation avec l’entreprise.
◆ Les moyens humains : il convient de ne pas les négliger. Il faut se
servir des responsables de services, de B.U., de filiale comme des caisses de
résonance du message de la direction. Il conviendra donc de les sensibiliser à
ce rôle de relais et d’explicitation des faits et de la stratégie choisie. Les
représentants du personnel, les leaders d’opinion sont aussi à impliquer dans
ce système de transmission de l’information interne.
◗ La communication externe
La communication externe s’adresse à tous les publics autres que les
collaborateurs au sens large de l’organisation : consommateurs, usagers des
services publics au sens large.
Les moyens de communication externe sont essentiellement ceux mis en
œuvre par la presse et les médias : interviews, communiqués de presse,
articles d’experts…
En matière de communication, on ne néglige ni ne méprise personne :
tous les moyens de diffuser des informations sont utilisés, et on réserve à tous
une attention appuyée : presse quotidienne locale, régionale, médias
nationaux. Les groupes d’opinion sont eux aussi importants et doivent faire
l’objet d’une attention particulière.
La stratégie de communication externe s’appuie sur deux axes, la
communication réactive et la communication proactive :
◆ Dans la phase réactive, on répond aux sollicitations et aux
131
interrogations exprimées par le public et les médias. On tente de mettre fin
aux polémiques naissantes ou de clarifier des renseignements déjà diffusés.
◆ Dans la phase proactive, on répond aux attentes avant qu’elles ne
soient exprimées. On va être « offensif » sur les questionnements et fournir
les renseignements avant même que les journalistes n’aient l’idée d’aller les
chercher. La communication externe proactive va aussi permettre de préparer
le public aux conséquences attendues de la gestion de la crise.
Lors du Grand Prix d’Indianapolis de juin 2005, la sortie de route d’un concurrent lors des
essais qualificatifs a révélé un problème de fiabilité des pneumatiques Michelin. Prenant
les devants, la société française a clairement indiqué que ses pneus étaient « inaptes » pour
le Grand prix en question et a suggéré aux écuries utilisant ces pneumatiques de s’abstenir
de courir. Cette reconnaissance d’un problème exposé au monde entier et la gestion
proactive de la communication ont permis de juguler une éventuelle polémique.
◗ Qui ?
L’interlocuteur ou le porte-parole de l’organisation ou de la société
doivent être désignés à l’avance. On n’a ainsi pas besoin de se poser la
question dans l’urgence, et l’interlocuteur peut être formé à cet exercice
toujours déstabilisant même pour les plus aguerris.
L’interlocuteur doit avoir une légitimité et une compétence incontestable
auprès des relais et des médias. La presse réclame souvent le dirigeant ou le
responsable en charge de la décision pour s’exprimer. Il convient d’être
prudent : le dirigeant peut être un excellent manager mais peut ne pas être un
bon orateur ni un bon communicant. Il faut aussi le préserver de la pression
que peuvent faire peser sur lui les médias et l’environnement, et lui permettre
de décider en toute sérénité.
La question se pose du choix d’un seul ou de plusieurs interlocuteurs, qui
pourraient éventuellement intervenir ensemble : lors de la seconde guerre du
Golfe, les porte-parole américains qui menaient les conférences de presse
132
quotidiennes étaient toujours deux, un « généraliste » qui représentait l’armée
et un spécialiste des missions réalisées dans la journée pour répondre à toutes
les questions des journalistes.
Il arrive que malgré tout, journalistes et relais d’opinion refusent de parler
au porte-parole chargé de la communication et demandent à s’adresser au
décideur, dont ils connaissent généralement l’identité et parfois le numéro de
téléphone direct. L’interlocuteur désigné doit donc s’imposer comme celui
qui maîtrise le sujet en répondant efficacement à toutes les questions et
sollicitations. La phase de préparation par temps calme est primordiale pour
cela.
◗ Quoi ?
La phase suivante du plan de communication concerne le contenu des
communiqués de presse et des interventions réalisés pendant la crise. Grâce à
la cartographie des risques et aux scénarios de crises envisageables, il est
possible d’établir le canevas d’un communiqué type adapté à chacune des
situations possibles, en identifiant notamment les types de renseignements
qui intéresseront la presse et qu’il faudra fournir en priorité.
◗ Quand ?
Le temps est une composante importante de la communication. Il faut
savoir prendre en main la situation sans pour autant tomber dans la
précipitation. Le moment de la première prise de contact est primordial car il
confère un contexte à tout ce qui sera dit. Une prise de contact trop tardive
laisse le champ libre à la communication parallèle, mais un communiqué trop
hâtif introduit des informations partielles ou invalides.
◗ Comment ?
La réflexion sur les moyens de communiquer doit mettre en synergie les
travaux de l’équipe de crise avec le service Communication et Relations
Extérieures. Cette entité, qui n’existe malheureusement pas dans toutes les
organisations, connaît le mode de fonctionnement des médias et a des
connexions privilégiées avec les journalistes. Il ne faut pas hésiter à les
mettre à profit.
Le recours à une expertise extérieure en communication de crise peut être
133
important en cas de défaut de département spécialisé. Il pourra apporter une
vision objective dans la préparation du plan de communication et expliquer,
loin de toutes interprétations, le fonctionnement et les mentalités observables
au sein des médias.
◗ Pour qui ?
La phase ultime du plan de communication consiste à identifier les
différents publics à qui l’on souhaite transmettre des informations, pour
ensuite adapter les communiqués à leurs attentes et identifier le degré de
priorité entre les publics.
134
à une pression dont il faudrait plutôt le préserver. Cependant, c’est aussi un
signe fort d’une implication totale de l’organisation dans la recherche de
normalisation. S’il est désigné comme l’interlocuteur des journalistes, le
dirigeant doit être sensibilisé en amont et préparé avant chaque interview :
contenu du discours, limites et points sensibles…
135
de la mobilisation de tous.
Affirmer que l’on met tout en œuvre pour reprendre ou garder le
contrôle est plus judicieux et foncièrement plus efficace.
136
4
CHAPITRE
La phase de capitalisation et
d’apprentissage
« L’expérience, nom dont les hommes baptisent leurs erreurs. »
Oscar Wilde
U ne fois la crise passée, la salle de crise est rangée, chacun retrouve son
son mode de fonctionnement normal et sort du « mode crise » comme
si de rien n’était. Pourtant, tout n’est pas encore complètement terminé. Une
phase importante de la gestion de la crise ne s’est pas encore jouée : la phase
de capitalisation et d’apprentissage de la situation vécue. Ce serait pourtant si
facile de tout remettre dans les cartons et de croiser les doigts en souhaitant
que rien ne vienne plus déranger le fonctionnement normal. Mais ce serait
rater l’opportunité de faire progresser le système et de l’enrichir pour les
crises futures. Patrick Lagadec traduit parfaitement ce passage de l’attentisme
à la prise de conscience : « Après le temps du refus, voici celui de
l’apprentissage ». Alors, place à l’apprentissage.
137
moments de transformation. Les crises sont des ruptures, des opportunités de
changement et d’amélioration. Encore faut-il qu’elles soient perçues et
acceptées comme telles.
Là encore, il est surprenant de voir que si les attitudes face aux risques
sont multiples et souvent sources de dysfonctionnements, les attitudes face
aux crises passées sont aussi variées et tout aussi déstabilisantes. S’il faut
changer les mentalités pour faire face aux risques, il faut également les
changer pour apprendre des crises que l’on a vécues. Beaucoup de managers
ou de dirigeants se disent prêts à apprendre de leurs erreurs passées, mais
bien peu passent effectivement de la parole à l’action. Christophe Roux-
Dufort1 définit la crise, dans le cadre d’un apprentissage pour l’avenir,
comme « une sorte de montagne à deux versants. D’un côté, on sombre dans
le chaos, de l’autre, on retrouve un ordre et les fondements d’un nouveau
départ. Il faut alors être suffisamment courageux pour gravir la montagne
jusqu’à son sommet et découvrir le versant de la transformation ».
On peut identifier quelques attitudes remarquables face aux situations
vécues, avec des motifs et des conséquences différentes sur l’apprentissage.
138
n’ont pu contenir la nappe d’huile qui a largement pollué le cours d’eau, détruit
entièrement une pisciculture et dégradé durablement l’écosystème de la zone. Lors de la
polémique qui a suivi, le responsable du site n’a eu de cesse de répondre aux journalistes
qu’il ne s’agissait pas d’une crise mais seulement d’un incident technique : la fuite d’un
réservoir d’huile faisait partie des cas prévus dans les procédures d’incident « classiques
». La pollution du site avait également été envisagée dans une procédure ad hoc, et des
moyens (jamais utilisés dans la situation en question) étaient disponibles. La situation
vécue ne pouvait donc pas être une crise, puisque des procédures lui étaient applicables!
Dans le cadre de son activité en Amérique latine, une entreprise européenne se trouve
confrontée à une crise grave : le décès d’un cadre expatrié dans des circonstances
inexpliquées. L’homme est retrouvé assassiné dans sa voiture, sans aucun motif apparent.
L’événement est géré tant bien que mal, et des rumeurs soigneusement orientées laissent
entendre que la vie « dissolue » de la personne en question ne serait pas étrangère à cette
mort violente. Aucune mesure de protection particulière n’est prise, les dirigeants de cette
société estimant que cela ne pourra plus se reproduire car on veillera désormais à la «
bonne moralité des expatriés ».
Quelques mois plus tard, le remplaçant du cadre assassiné est victime d’une tentative
d’extorsion. Devant son refus de céder, il fait l’objet dans les heures qui suivent d’une
fusillade et échappe de peu aux coups de feu des tueurs. Après enquête, il s’avère que la
première victime décédée avait également fait l’objet d’un racket. Ayant décidé de gérer
l’affaire seul et devant son refus de céder, il a été assassiné. Reconnaître que le premier
139
décès n’était pas un événement isolé lié à des circonstances particulières n’aurait
certainement pas mis fin à l’extorsion, mais cela aurait certainement permis de prendre des
mesures adaptées et d’éviter de faire courir un risque à son remplaçant.
Au milieu des années 1990, afin de se préparer à affronter des crises liées aux
problématiques de sécurité alimentaire et aux risques de contamination, une chaîne de
restauration collective organise un exercice de mise en situation. Le résultat est
catastrophique : les procédures sont visiblement inadaptées, aucune n’est à jour, la cellule
de crise n’existe que sur le papier, le stress et l’affolement balayent les bonnes volontés.
Le débriefing de la mise en situation est organisé quelques jours plus tard : les premiers
mots d’un des membres du comité de direction donnent le ton : « Finalement, tout s’est
bien passé, non ? » Qui aurait pu désormais dire le contraire, au risque de contredire cette
personne très sûre de son fait ? Par chance, le responsable des ressources humaines,
appuyé par le chargé de la sécurité, a pu « finement » limiter les effets de cette attitude,
notamment en pointant du doigt leurs propres erreurs et manquements, incitant du même
coup certains à faire de même.
140
du groupe.
2. Les débriefings
« L’échec est le fondement de la réussite. »
Lao-Tseu
Les retours d’expérience, ou REX, se sont institutionnalisés depuis plusieurs années dans les
organisations. Tout d’abord mises en œuvre par les militaires, ces phases de partage du savoir et
du vécu se sont développées dans d’autres organisations publiques ou parapubliques pour
finalement être aujourd’hui utilisées dans les entreprises privées désireuses de progresser. Car
rappelons que la finalité des débriefings, c’est avant tout le partage d’expérience afin que tous
puissent apprendre du vécu des autres.
141
la parole doit y être libre pour permettre à tous de s’exprimer, tout en gardant
à l’esprit la vocation constructive d’une telle action.
Un modérateur doit être chargé de coordonner les modalités du débriefing
et d’animer les différentes rencontres pour en tirer le meilleur sans glisser
vers un renvoi mutuel de responsabilité ni tomber dans le piège de la langue
de bois. Il peut être intéressant que le modérateur n’ait pas été directement
impliqué dans la conduite de la crise, qu’il ait un regard neuf sur l’affaire
détaché de toute partialité, même inconsciente.
142
– les acteurs directs de la gestion de la crise au siège : membres de la
cellule de crise, équipe de direction, organes de décision, etc. ;
– les acteurs directs locaux : responsables de sites, d’organisations
déportées, etc. ;
– les acteurs indirects internes : autres sites non impliqués, organisations
représentatives du personnel, etc. ;
– les acteurs indirects externes : groupements sociaux ou associatifs,
associations de victimes, association de consommateurs, etc. ;
– les autorités publiques : acteurs nationaux ou locaux ;
– les organisations partenaires : sociétés associées, fournisseurs, etc.
Cette liste, non exhaustive, regroupe des acteurs qui auront tous des
perceptions et visions différentes de la crise vécue. Cette disparité et cette
diversité sont les facteurs d’une analyse efficace de la situation, notamment
en acceptant de prendre en compte des considérations détachées des
contingences de l’organisation en cause.
Pour uniformiser les informations attendues, on peut établir un
questionnaire de débriefing relativement formalisé visant à centraliser un
minimum d’informations communes :
– rappel des faits précis sur lesquels porte le débriefing ;
– identification du « rapporteur » ;
– nature, heure, lieu de l’élément déclencheur pour le rapporteur ;
– premières mesures prises directement ou indirectement ;
– premières mesures constatées ;
– effets des premières mesures sur les sources de l’événement ;
– chronologie des actions réalisées, avec mention des effets et
conséquences ;
– chronologie des faits observés ;
– appréciation générale sur la conduite de l’incident ;
– identification des « bonnes pratiques » ;
– identification des erreurs commises ou observées ;
– remarques générales.
Cette fiche de débriefing, non exhaustive, pourra être formalisée par
l’équipe de crise et/ou le modérateur et être envoyée pour être remplie aux
diverses sources d’information identifiées. Le contenu pourra varier de l’une
à l’autre, en fonction de la proximité avec l’organisation en cause ou du degré
143
de renseignement recherché.
144
coïncidences.
145
On considère, à tort, que passer quelques heures à décortiquer une crise
passée est une perte de temps. On a déjà tellement à faire pour gérer le
quotidien, alors pourquoi consacrer de précieuses minutes à préparer une
éventuelle crise dont on n’est même pas sûr qu’elle aura lieu un jour ?
Susciter l’intérêt n’est pas simple et requiert beaucoup de talents et de
diplomatie. On ne peut pas imposer aux gens qu’ils prêtent attention aux
retours d’expérience. Tout comme dans la création d’un esprit d’équipe, il
faut que les personnes impliquées puissent percevoir toute la valeur d’un
débriefing bien fait et se rendent compte de l’apport réalisé dans leur réponse
opérationnelle à la crise.
Une méthode particulièrement efficace pour susciter l’intérêt est la
présentation du débriefing d’une situation complètement « décalée » par
rapport à l’activité de l’organisation : le retour d’expérience d’une crise
connue, médiatique ou particulièrement marquante peut permettre de
démontrer que, même dans le cas d’une situation qui s’est bien terminée, on
peut toujours trouver des éléments d’apprentissage ou identifier des erreurs et
des dysfonctionnements. Le fait que le débriefing présenté porte sur une
situation « extérieure » n’implique pas directement les participants mais
suscite leur curiosité, a fortiori si la crise présentée est passionnante du fait
de son contexte.
146
La mauvaise foi n’a jamais été un mode de fonctionnement constructif,
mais elle peut être dévastatrice en gestion de crise. Cette attitude est souvent
liée à la peur que les gens ont de révéler des erreurs qui pourraient passer
pour des marques de faiblesse dans des organisations qui ne sont pas faites
pour ça.
Contrer cet effet est possible, en mettant notamment l’accent sur l’intérêt
que l’on a à apprendre de ces erreurs. C’est la différence entre l’erreur et la
faute : on peut faire l’erreur une fois, mais refaire la même erreur constitue
une faute qui devrait être sanctionnée.
Pour arriver à ce que chacun accepte de dévoiler ses propres
dysfonctionnements, il faut que la confiance existe entre les participants au
débriefing. Les retours d’expérience bien faits sont un excellent facteur de
construction de la confiance et de la cohésion entre les personnes qui ont
participé à la conduite de la situation.
147
exploitables dans l’amélioration des procédures en cours.
148
Les sources d’apprentissage pour organiser des actions de débriefing sont
très proches des sources d’observation5 des signes annonciateurs de crise.
149
confidentialité sur les informations obtenues soit une règle absolue et
incontournable.
◆ On peut également imaginer l’analyse de crises « externes » dans
le cadre de groupes de travail et de réflexion au sein desquels chacun expose
les situations dégradées qu’il a dû conduire, les bons réflexes qui l’ont aidé
ainsi que les problèmes qu’il a rencontrés. Outre la qualité de l’apprentissage
et la pertinence des cas évoqués, le principe des groupes de travail permet de
fédérer la communauté des responsables de dispositif de gestion de crise ou
les personnes amenées à les conduire. C’est un réseau qu’il ne faut pas
négliger, notamment pour obtenir aides et conseils sur des situations réelles.
À la fin des années 1990, la communauté des négociateurs de crise a créé un groupe de
travail international visant à mettre en commun les recherches menées par ces spécialistes
de la gestion des prises d’otage, forcenés, kidnapping… L’I.N.W.G.6, créé notamment à
l’initiative de la Crisis Negociation Unit du FBI, a pour vocation d’organiser des
débriefings et des retours d’expérience au profit de tous les négociateurs des services de
police ou de forces spéciales autour du monde. En favorisant les échanges sur les bonnes
pratiques, en décortiquant les erreurs ou les dysfonctionnements observés, cette réunion
internationale constitue une source de progression hors du commun et un réseau
opérationnel particulièrement efficace.
150
L’apprentissage en gestion de crise a ceci de complexe que ses effets ne sont
pas perceptibles immédiatement, et les améliorations apportées à
l’organisation d’un processus global ne pourront être perçues que lors de la
prochaine simulation ou de la prochaine crise.
Mémento
Rappeler que les débriefings sont des espaces de construction et non de jugement est un
préalable important de l’engagement des instances de décision.
151
des erreurs commises :
– soit l’ensemble des erreurs commises est identifié par le responsable de
l’équipe de crise ou celui qui dirige le débriefing, mais dans ce cas, ceux
qui sont fautifs peuvent se sentir culpabilisés ou en porte-à-faux ;
– soit il est demandé à chacun d’identifier ses propres erreurs et
dysfonctionnements et d’envisager la façon d’y remédier.
Quoi qu’il en soit, il est indispensable que la confiance existe au sein de
l’équipe et plus largement au sein de l’organisation qui débriefe pour en
retirer tous les avantages. Et la confiance se construit avec le temps et
notamment grâce à des retours d’expérience efficaces.
152
– une aptitude à accepter les changements structurels et culturels, même
les plus fondamentaux ;
– l’implication de l’ensemble des personnels de l’organisation dans cette
démarche d’apprentissage.
Guy Pelletier et Claude Solar8, professeurs en administration de
l’éducation et formation pour adultes, considèrent que « le concept
d’organisation apprenante s’appuie donc sur deux dimensions clés :
l’apprentissage collectif (ou l’apprentissage des groupes de travail) et
l’organisation en tant que système intelligent. Ce système, comme l’ont
montré les travaux en cybernétique, doit être capable de s’autoréguler grâce à
l’apprentissage et à la communication ».
153
court terme. Les stratégies mises en œuvre cherchent alors à obtenir un
résultat immédiatement mesurable. Les autres objectifs, à plus long terme,
sont jugés moins prioritaires et donc parfois négligés.
◆ La réaction. Certaines organisations sont plutôt enclines à attendre
que les problèmes se posent pour les résoudre, plutôt qu’envisager des
stratégies d’anticipation. Peter Senge illustre ce phénomène par la métaphore
de la « grenouille ébouillantée ». Si on plonge une grenouille dans l’eau
bouillante, elle va tenter de bondir hors du récipient et pourra peut-être avoir
la vie sauve. Par contre, si on la plonge dans un récipient dont l’eau est à la
température ambiante, et si l’on réchauffe progressivement l’eau, la
grenouille restera dans le récipient jusqu’à être ébouillantée.
154
une erreur de croire que seuls quelques-uns doivent être sensibilisés, les
autres se contentant d’attendre qu’on leur donne des instructions le jour venu.
Or, tous les collaborateurs de l’organisation doivent être des acteurs de
l’anticipation des risques et des crises : c’est ce que l’on pourrait appeler la «
culture de crise ».
La « culture de crise » peut apparaître comme délicate à développer. Il
faut sensibiliser chacun au fait que la société, l’entreprise, l’organisation au
sein de laquelle il exerce est la cible de menaces floues, et est potentiellement
vulnérable à des situations particulièrement instables et disqualifiantes : rien
de bien rassurant. Pourtant, c’est un fait avéré.
C’est un peu comme les procédures de sécurité en avion : les personnels navigants de
toutes les compagnies aériennes expliquent à leurs passagers qu’un gilet de sauvetage se
trouve sous leur siège, et font une démonstration précise de la manière de le porter et de le
gonfler en cas d’amerrissage forcé de l’appareil. Cela implique que le risque
d’amerrissage existe puisque la démonstration est faite à chaque vol quelle que soit la
destination finale (y compris quand on ne survole aucune mer ou zone humide!). Or, il n’y
a aucune panique ni aucune interrogation de la part des passagers quand l’hôtesse fait la
démonstration : cette procédure objectivement peu rassurante est devenue parfaitement
naturelle au point que plus personne ne l’écoute vraiment. Mais il y a fort à parier qu’en
cas d’amerrissage, la plupart des passagers sauront comment enfiler leur gilet de
sauvetage et l’utiliser efficacement.
155
du processus. Comme cela a déjà été évoqué, se préparer à gérer une situation
en souhaitant qu’elle n’arrive jamais n’est pas naturel. Pour éviter de tomber
dans le syndrome du « désert des Tartares », qui consiste à attendre sans fin
une situation qui ne se produira jamais, il faut susciter l’éveil de chacun : les
simulations, basées sur des cas réels issus notamment de la veille de
l’environnement partenarial et concurrentiel, sont un bon moyen d’entretenir
« la flamme ».
La conservation de la motivation initiale demande là encore une véritable
implication de l’ensemble de la hiérarchie : les membres de l’équipe de crise
doivent se sentir valorisés par une telle mission, valorisation qui participera à
la création d’une indispensable fierté d’appartenance9.
Il est important de préciser que la tâche de constituer ou d’améliorer un
processus global de gestion des crises n’est pas une mission secondaire. C’est
un véritable travail demandant du temps et des moyens. Les décideurs
doivent avoir conscience que cet investissement n’est pas fait à fonds perdus.
Il arrive parfois que soient opposées des logiques budgétaires à la mise en
œuvre d’une préparation efficace à la gestion de crise. Il est alors intéressant
de demander à l’interlocuteur « économe » à combien il estime le coût d’une
crise si elle est mal gérée.
Cette tâche de construction et de préparation ne doit pas non plus être
attribuée « par défaut ». On ne peut pas forcer quelqu’un à remplir cette
mission s’il n’y adhère pas complètement.
Anticiper le turnover
156
place de procédures adaptées à la veille, l’anticipation et la conduite des
incidents imprévus ou inéluctables. Cette phase de la préparation est
généralement le fruit de la constatation d’un manque ou de la perception
d’une nécessaire remise à niveau de l’existant.
Cette prise de conscience est rarement spontanée. Elle est souvent
générée par un « électrochoc », comme un incident mineur qui prend des
proportions insoupçonnées ou une crise de large envergure qui impacte tout
un secteur. Il est rare de constater une volonté proactive de créer des
procédures de gestion d’incidents majeurs. On attend en général le problème
pour prendre conscience du besoin de s’y préparer. Encore un intérêt majeur
du débriefing de situations vécues : se faire « prendre » une fois par la crise
peut arriver à tout le monde, se faire « surprendre » une seconde fois n’est
pas acceptable.
◗ Audit de préparation
En matière de prévention des risques, on part rarement de zéro. Même si
elles ne sont pas efficaces ou utilisables, il y a toujours quelques règles
parfois écrites applicables en cas de problème. Plutôt que faire table rase des
travaux passés, il faut s’appuyer sur l’existant pour construire l’avenir.
Déclarer que tout ce qui a été fait jusqu’à présent est nul et non avenu
n’est pas une attitude managériale efficace : ce serait au mieux laisser à
penser que l’organisation a été jusqu’à présent incapable de se protéger des
situations à risque, au pire discréditer ceux qui ont tant bien que mal élaboré
une ébauche de procédure. Ni l’une ni l’autre de ces attitudes n’auront des
effets susceptibles d’encourager l’engagement et la motivation des équipes à
venir. Il conviendrait plutôt de s’appuyer sur les procédures existantes, même
si c’est pour les modifier en profondeur : cela permettra d’inscrire l’action de
réajustement ou de remise à niveau dans la durée, favorisant ainsi le
sentiment qu’une culture de gestion de crise existe et qu’elle a juste besoin
d’être « réactivée ».
◆ L’audit initial a pour objectif d’évaluer le niveau actuel de
préparation de l’organisation à un moment donné. Il est bien évident que
cette phase nécessite la plus grande honnêteté et la plus grande objectivité : il
faut évaluer le niveau réel de préparation, et non pas le niveau que l’on
imagine avoir atteint ni celui que l’on espère avoir.
157
◆ L’audit de préparation fait le point sur l’ensemble des
procédures élaborées : souvent dispersées, parfois à l’état d’ébauche, elles
doivent être centralisées pour établir leur pertinence et leur cohérence entre
elles. Il est souvent surprenant, dans le cadre de cette phase, de s’apercevoir
qu’il existe parfois des procédures redondantes, faisant double emploi ou
s’invalidant l’une l’autre.
Dans les mois qui ont suivi la tragédie du 11 septembre 2001, l’envoi de lettres suspectes
susceptibles d’être porteuses d’anthrax a semé la panique à travers le monde. Pour
anticiper ce type d’événement, un grand groupe de messagerie a décidé de se pencher sur
les procédures appliquées en son sein pour faire face à ces crises liées à une contamination
par un produit dangereux. Pour tester in vivo le niveau de préparation à un risque qui a
déjà été envisagé par le groupe, il est décidé de simuler la situation en prévenant un
minimum de personnes, et d’observer comment sont mises en œuvre les procédures en
vigueur.
Quelle ne fut pas la surprise des responsables de cette société de voir qu’une partie du
personnel rentrait chez elle immédiatement dès l’annonce de la présence d’un courrier
contenant une poudre suspecte, alors que l’autre partie se calfeutrait dans son bureau
quasiment en retenant son souffle. Pire, il ne fallut que quelques minutes pour que des
journalistes appellent le site en question pour avoir l’autorisation de venir filmer les
enveloppes!
Lors du débriefing, les responsables se sont aperçus que plusieurs procédures étaient en
vigueur selon les services, et qu’elles étaient contradictoires. L’une concernait les colis
suspects, mais envisagés plutôt comme une alerte à la bombe, et préconisait l’évacuation
des lieux avec retour au domicile. L’autre concernait le transport de matériel pouvant
disperser du gaz (réchaud ou autre) et préconisait le confinement. Dans les deux cas, les
procédures étaient inadaptées et, de plus, semaient la confusion dans l’esprit des salariés.
158
La mise en situation et la pratique d’exercices spécifiques doivent être le
point d’orgue d’une politique d’anticipation des crises. Elle est la véritable
validation de tout ce qui a été réalisé. Elle participe à mettre en confiance
tous ceux qui seront amenés à agir dans la gestion de l’incertitude.
◗ Pourquoi pratiquer ?
À ce stade de la réflexion menée sur l’anticipation des risques et la
conduite des crises, les éléments fondateurs d’une équipe efficace ont été
abordés. L’équipe se structure, chacun commence à voir quels seront sa
fonction et son rôle. « L’entraîneur » (le responsable de l’équipe de crise) a
expliqué sa vision du jeu, chacun a pu débattre des stratégies applicables en
fonction des situations à affronter, il ne reste plus qu’à attendre le match. Or,
en gestion de crise, il n’y a pas un match toutes les semaines, fort
heureusement. Il est donc important de pratiquer : la constitution et la mise en
place de procédures adaptées ne dispensent surtout pas de s’entraîner, pour
tester et valider lesdites procédures et vérifier que tout le dispositif est apte à
fonctionner efficacement.
L’objectif de la pratique est, outre la validation d’un système, d’apporter
sérénité et professionnalisme à l’équipe. Sérénité en donnant à tous, au moins
une fois, l’occasion de pratiquer dans sa fonction et dans son rôle même s’il
s’agit d’un exercice. Professionnalisme en instaurant le fonctionnement en
mode dégradé comme une des pratiques du métier, même si c’est
inconfortable. La pratique et les simulations permettent de faire acquérir et de
conserver les réflexes efficaces en situation de crise.
Les apports de la pratique de scénarios de crise et des mises en situation
sont multiples :
– elle permet de mobiliser l’équipe dans sa mission de conduite ;
– elle renforce la cohésion entre les membres ;
– elle sensibilise à la complexité des situations de crise ainsi qu’à la
combinaison aléatoire des facteurs qui la déclenchent et qui l’animent ;
– elle habitue l’équipe à affronter des scénarios non conventionnels,
même très improbables.
◗ Comment pratiquer ?
Il existe deux façons de s’entraîner à la gestion des crises : la constitution
159
de scénarios issus de crises débriefées, et la création de scénarios atypiques
issus de l’imagination de leur concepteur.
◆ Comme cela a été évoqué précédemment, le débriefing de crises
qui se sont réellement passées est une façon constructive d’apprendre des
erreurs ou des succès des autres. Pour constituer le « scénario » de la
situation, l’équipe va devoir décortiquer en profondeur l’événement. Elle
pourra donc se mettre « à la place » de la crise et en tirer les leçons
appropriées. De plus, le recours à des scénarios issus de la réalité crédibilise
la simulation, et permet aux participants à l’exercice de comparer heure par
heure leur stratégie par rapport à celle utilisée lors de la véritable conduite de
l’incident.
◆ La création de scénarios issus de l’imagination de leur auteur est
une autre façon intéressante de pratiquer. Elle permet de définir
précisément le type d’exercice que l’on recherche, en insistant sur des aspects
particuliers d’une conduite de crise que l’on souhaite faire opérer par
l’équipe. Cet aspect de la pratique permet de faire « jouer » des scénarios dits
non conventionnels, hautement improbable mais qui par leur côté « décalé »
permettent de sensibiliser les participants aux facteurs déclencheurs et
accélérateurs d’une crise.
Mémento
Que le scénario mis au point soit imaginé ou basé sur des faits passés, il doit avant tout être
réaliste : il doit être assez original pour susciter l’intérêt des participants, tout en restant plausible
et relativement proche du domaine d’activité de l’organisation.
160
Première étape : le choix du thème de l’exercice
La première phase de la génération du scénario est le choix du thème de
l’exercice. Cette sélection peut être le fait d’une volonté des instances de
direction : le risque d’avoir à gérer une situation très déstabilisante, même si
elle est peu probable, peut orienter le choix vers un type de crise plutôt que
vers un autre. On peut ainsi travailler sur une crise liée à une atteinte à
l’image ou à l’intégrité des dirigeants plutôt que sur une situation liée à un
risque métier.
Cette sélection peut aussi être laissée à l’appréciation du responsable de
la gestion de crise, qui va choisir un thème spécifique qu’il souhaite faire
travailler à l’équipe.
Enfin, la sélection du thème de l’exercice peut être simplement issue de la
cartographie des risques : les mises en situations reprennent des sujets
identifiés comme probables ou attendus lors de la phase d’anticipation.
Deuxième étape : le choix du sujet
Il peut s’agir d’un sujet conventionnel, c’est-à-dire qui a été clairement
identifié comme une crise potentielle : par exemple la rupture
d’approvisionnement d’un composant essentiel dans la chaîne de production.
Cela peut aussi être un sujet dit non conventionnel, choisi complètement
hors des sujets identifiés et forçant l’équipe à sortir des « sentiers battus » :
par exemple la dispersion dans le système d’aération du siège de la société
d’un vecteur chimique ou biologique avec une revendication terroriste ou
fanatique.
Troisième étape : établir la chronologie
Il s’agit ensuite de rédiger la chronologie du scénario. En partant du fait
déclencheur, qu’il soit tout d’abord un signe annonciateur ou dès le début un
signal très explicite, il faut imaginer les étapes que pourrait suivre la crise et
en déterminer les points forts.
Les points de passage d’une chronologie peuvent être de plusieurs sortes :
– des compléments d’information pour valider ou invalider les premiers
renseignements fournis dans le fait déclencheur ;
– des interventions extérieures : existence de victimes, implication de
161
partenaires, appels de journalistes ;
– des événements nécessitant des prises de décision immédiates ;
– des événements nécessitant une organisation et une répartition des
rôles spécifiques ;
– l’apparition de nouveaux éléments apaisants ou déstabilisants ;
– des « pièges » susceptibles d’induire l’équipe en erreur ou de susciter
des dysfonctionnements dans son action.
La liste des éléments de scénario n’est pas exhaustive, et chacun est libre
de l’agrémenter en fonction de son expérience ou du style d’exercice qu’il
souhaite constituer. Ces éléments peuvent également se combiner entre eux,
pour constituer encore une autre chronologie.
Mémento
Le conducteur du scénario doit garder à l’esprit que les participants vont s’emparer de sa
création et la jouer à leur manière. Même s’il convient de « guider » la conduite de l’exercice en
« injectant » les éléments du scénario, il faut cependant sans cesse être prêt à réajuster la
chronologie pour répondre à la conduite mise en œuvre et aux éventuelles décisions imprévues
ou créatives.
162
– l’aptitude à la prise de décision dans chacune des missions ;
– la mise en œuvre des décisions prises par les instances dirigeantes.
Les observateurs pourront utiliser une grille d’observation commune,
réalisée en même temps que le scénario, et qui mettra en avant les points
particuliers que l’on cherche à observer.
Exemples de fiches de débriefing par éléments
163
À la fin de la simulation, on pourra commencer le débriefing par une
autoévaluation des participants portant sur leur vision de la situation et sur
leur appréciation de leur action. Après un tour de table au cours duquel le ou
les observateurs noteront chaque sujet ou avis abordé par les participants, une
restitution des observations sera faite, permettant à tous de prendre
conscience :
– de leurs modes de fonctionnement ;
– de leurs éventuels dysfonctionnements ;
– de la façon très différente dont ils ont perçu l’action des uns et des
autres durant la crise.
Comme dans le cas de gestion de crises réelles, le débriefing des mises en
situation est un véritable facteur d’apprentissage et de progrès. Il n’est donc
pas à prendre à la légère et nécessite l’implication de tous les participants,
quel que soit le niveau de la hiérarchie auquel ils se situent.
164
10. Voir chapitre 3, p. 107.
165
Conclusion
166
On peut donc se préparer à gérer les crises. C’est même la phase la plus
importante d’un processus d’anticipation et de conduite efficace. Négliger ce
travail, dont beaucoup ne perçoivent pas la nécessité ou considèrent comme
une perte de temps, se paye au comptant dans la tourmente. Comme le disait
Abraham Lincoln : « Si j’avais huit heures pour abattre un arbre, j’en
passerais six à affûter ma hache ». Espérons que cet ouvrage permettra à
chacun d’affûter sa hache…
167
Deuxième partie
METTRE EN PRATIQUE
168
EXERCICE 1
La notion de risque
169
– Quelle en a été l’issue ?
– Êtes-vous prêt à recommencer ?
Corrigé p. 177
170
EXERCICE 2
La notion de crise
171
– Quelles en ont été les conséquences ?
– Cela a-t-il changé votre vision de la crise ?
Corrigé p. 177
172
EXERCICE 3
Êtes-vous prêt ?
173
– En cas d’incident, combien de collaborateurs « clés » pouvez-vous
joindre 24 heures/24 ?
– Vos collaborateurs « clés » savent-ils où vous joindre 24 heures/24 ?
– Avez-vous des procédures de crise préétablies ? Si oui, vous
semblentelles pertinentes ?
– Sont-elles disponibles pour tous ceux qui pourraient en avoir besoin ?
– Ont-ils été sensibilisés à leur utilisation, voire même à leur existence ?
La préparation
– Faites-vous régulièrement des exercices de simulation ?
– De quand date votre dernière mise en situation ?
– Vous sentez-vous capable de créer et d’animer un scénario de gestion
de crise ?
– Faites-vous un débriefing de toutes les situations difficiles que vous
avez affrontées ?
– Quels sont les enseignements que vous en avez tirés ?
– Si vous pouviez améliorer vos procédures d’anticipation et de conduite
des situations de crise, quelles mesures prendriez-vous ?
Corrigé p. 178
174
Contexte général pour les exercices
de 4 à 9
Pharmatech International
Le groupe Pharmatech International est un ensemble de sociétés
travaillant dans le domaine médical, pharmaceutique et dans la recherche liée
à ces secteurs. Second acteur du secteur au niveau européen, le groupe est le
leader français du marché.
Pharmatech International a été fondé en 1976, à l’initiative de la famille
Monville. Créé à l’origine pour fédérer les actions de plusieurs sociétés
familiales du secteur de la recherche pharmaceutique, PI est devenu
rapidement un acteur clé dans le domaine.
Pharmatech s’est diversifié en développant sont activité, notamment dans
la recherche sur les virus et dans le matériel de pointe.
À la demande du gouvernement et en collaboration avec le ministère de
la Défense, PI s’est également lancé dans la recherche sur les armes
chimiques et biologiques.
Pharmatech International est composé de plusieurs sociétés filiales,
175
détenues à 100%. Parmi ces filiales, notons les sociétés suivantes :
Pharmatériels
Société de fourniture de matériel médical auprès des hôpitaux, maisons
de retraite, centres de soins, Pharmatériels jouit d’une image de sérieux et de
grande qualité auprès de ses clients.
Les équipes de recherche de la société sont particulièrement en pointe et
mènent de nombreuses actions de prospective. Les innovations sont
nombreuses et les sociétés concurrentes, françaises ou étrangères, ont du mal
à suivre.
Pharmatériels met en œuvre depuis quelques mois une politique de
développement agressive et ses réseaux commerciaux chassent les clients
tous azimuts.
L’effectif global de la société est de 758. Le chiffre d’affaires de l’année
dernière était de 701 millions €.
Virtech
Virtech est une société spécialisée dans la recherche sur les virus et les
maladies infectieuses.
Les laboratoires de Virtech effectuent des recherches de vaccins et de
traitements, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé.
L’effectif global de la société est de 56 personnes, essentiellement des
chercheurs.
Le chiffre d’affaires de l’année dernière : 26 millions €.
Deftech
Deftech est une société spécialisée dans la recherche sur les armes
chimiques et biologiques. Deftech est une filiale très discrète, travaillant en
étroite collaboration avec le ministère de la Défense et contrôlée
régulièrement par les services de contre-espionnage.
Une grande partie des salariés de cette société sont des ingénieurs et des
176
chercheurs, dont la plupart ont travaillé auparavant pour les services de
l’armée.
Officiellement, Deftech ne travaille que sur des produits de lutte contre
les armes chimiques et biologiques.
L’effectif global de la société est de 48 personnes, toutes habilitées
Confidentiel Défense.
Le chiffre d’affaires de l’année dernière : 35 millions €.
177
EXERCICE 4
La cartographie des risques
178
allez pouvoir contribuer au désengorgement des services spécialisés.
Le dispositif, peu encombrant, fait appel à une technologie de pointe.
Vous collaborez pour l’occasion avec une société sud-coréenne qui vous
fournit des microprocesseurs intégrant le système.
Les travaux de recherche de votre département R & D sont quasiment
terminés, et l’ingénieur qui est le principal artisan du projet a bon espoir de
finaliser le produit d’ici à deux mois.
Plusieurs de vos concurrents mènent des recherches similaires, mais sont
moins bien avancés que vous. Ce produit sera certainement très lucratif (achat
ou location du dispositif, maintenance, logiciels de traitement de
l’information dans les hôpitaux), et vous attendez le référencement par la
Caisse nationale d’assurance-maladie pour une prise en charge totale de votre
dispositif. Vous savez que les sociétés concurrentes ne vous feront aucun
cadeau.
Vous envisagez de produire le dispositif électronique de Visior dans une
usine spécialisée du nord de la France. Ce site de production, localisé dans
une zone d’emploi plutôt sinistrée du fait de l’effondrement de l’industrie
textile, est proche du site de distribution général de Pharmatériels.
Avec votre équipe, réalisez une cartographie des risques qui pourraient
impacter ce projet, puis identifiez ceux qui vous semblent probables et
attendus.
Corrigé p. 179
179
EXERCICE 5
Partager l’information
180
échanger leurs informations et établir une stratégie vis-à-vis des autres.
Durant les 20 minutes suivantes, les équipes A1 et B1 se rencontrent une
nouvelle fois pour essayer de trouver un accord entre elles. A2 et B2
rencontrent une nouvelle fois C, mais dans l’ordre inverse de la première fois,
à savoir B2 puis A2.
Après ces 20 minutes, une rencontre finale est organisée entre A, B et C
pour aboutir à un accord entre tous.
Virtech
Vous êtes l’équipe du Dr Pierre Morsang, chercheur au sein de Virtech
et vous avez mis au point récemment un produit chimique de synthèse pour
soigner la maladie de Chelmann, contractée par les femmes enceintes. Si
cette maladie n’est pas soignée au cours des six premières semaines de
grossesse, elle peut causer de sérieux dommages oculaires au fœtus, voire
même la cécité.
Le ministère de la Santé a donné son agrément à l’utilisation de votre
produit comme traitement de cette maladie, votre laboratoire a déposé le
brevet de fabrication et s’attend à ce que ce médicament soit éminemment
rentable.
Il y a eu récemment une épidémie inattendue de Chelmann et plusieurs
centaines de femmes enceintes ont contracté la maladie. Malheureusement,
les expériences que vous avez dû réaliser pour obtenir l’agrément ont épuisé
vos stocks de sérum qui sont élaborés à partir du jus d’un fruit exotique très
rare, le jansong. La saison dernière, la production n’a pas dépassé 4 000
jansongs et il n’y en aura plus avant la prochaine saison, ce qui sera trop tard
pour vacciner les victimes actuelles de la maladie.
Vous avez été informés de source sûre que M. Tran Dang, un exportateur
de fruits cambodgien, dispose d’un lot de 3 000 jansongs parfaitement
stockés. Si vous pouviez vous procurer le jus de ces 3 000 fruits, vous
pourriez vacciner non seulement les victimes actuelles, mais également
reconstituer vos stocks pour faire face à une nouvelle épidémie.
Vous avez entendu dire qu’un Dr John Parker recherche activement à se
181
procurer des jansongs et qu’il est au courant des réserves disponibles de M.
Tran Dang.
L’équipe du Dr Parker, qui travaille pour la société Deftech, également en
contrat avec le gouvernement, fait de la recherche depuis plusieurs années sur
les armes biologiques. Bien que vous apparteniez au même groupe
pharmaceutique, Pharmatech International, vous êtes très méfiants vis-à-vis
de Deftech.
Votre entreprise vous a autorisés à prendre contact avec M. Tran Dang
pour lui acheter les 3 000 derniers jansongs qu’il possède. Il vous a précisé
qu’il les vendrait au plus offrant. Vous êtes autorisés à monter jusqu’à 250
000 €.
Vous venez de recevoir un appel téléphonique du Dr Parker qui souhaite
vous rencontrer avec plusieurs de ses collègues. Vous avez accepté la
confrontation.
Votre mission consiste à trouver, avec votre équipe, un accord avec la
partie adverse puis à vous procurer 3 000 jansongs.
Deftech
Vous êtes l’équipe du Dr John Parker, ingénieur biologiste. Vous faites
de la recherche dans le service R & D de la société Deftech qui est sous
contrat avec le gouvernement. Votre mission consiste à mettre au point des
produits permettant de contrer les effets des armes biologiques et chimiques.
Avec l’ensemble de vos spécialistes, vous avez mis au point une vapeur
synthétique, le DisComtam.
Récemment, des bombes renfermant du gaz neuroplégique ont été
trouvées dans un dépôt situé près d’une grande zone urbaine européenne de
plusieurs millions d’habitants.
Lors d’une tentative de transfert, plusieurs dizaines de ces bombes ont
laissé apparaître des fissures. Ces fissures ont été colmatées pour le moment,
mais les experts sont convaincus que le gaz mortel va s’échapper et traverser
l’enveloppe de protection d’ici deux semaines. Si c’est le cas, il n’existe
aujourd’hui aucun moyen d’empêcher le gaz de se répandre dans
182
l’atmosphère et de tuer des milliers de personnes ou d’infliger des dégâts
neurologiques irréversibles.
Votre vapeur synthétique, le DisContam, neutralisera ce gaz
neuroplégique si elle est injectée dans les containers de stockage des bombes
avant qu’il ne s’échappe. Le DisContam est fabriqué avec l’écorce du
jansong, un fruit exotique très rare. Malheureusement, la production
saisonnière totale de 4 000 jansongs a été entièrement utilisée.
Vous avez appris, de source sûre, qu’un M. Tran Dang, exportateur de
fruits cambodgien, dispose encore d’un lot de 3 000 jansongs, en bonne
condition. Le produit chimique dont vous avez besoin, fabriqué à partir de
l’écorce de ces fruits, serait juste suffisant pour neutraliser le gaz
neuroplégique dangereux.
Vous avez également appris que l’équipe du Dr Pierre Morsang cherche
désespérément à se procurer ces jansongs et qu’il est aussi au courant du lot
de jansongs dont dispose M. Tran Dang.
Pierre Morsang travaille pour la société Virtech, également en contrat
avec le gouvernement, et a mis au point un médicament pour enrayer la
maladie de Chelmann, une maladie qui touche les femmes enceintes. Bien
que vous apparteniez au même groupe pharmaceutique, Pharmatech
International, vous êtes très méfiants vis-à-vis de Deftech.
Le gouvernement a demandé de l’aide technique à votre entreprise et vos
dirigeants vous ont autorisés à prendre contact avec M. Tran Dang pour lui
acheter les 3 000 jansongs dont il dispose. On vous a informés qu’il les
vendrait au plus offrant. Vous êtes autorisés à monter jusqu’à 250 000 €.
Avant de prendre contact avec M. Tran Dang, vous avez décidé de
rencontrer l’équipe de Morsang afin de le convaincre de ne pas vous
empêcher d’acheter ce lot de jansongs. Vous lui avez téléphoné et il est
d’accord pour vous rencontrer.
Votre mission consiste à trouver, avec votre équipe, un accord avec la
partie adverse et à vous procurer 3 000 jansongs.
Tran Dang
183
Vous êtes l’équipe de M. Tran Dang, exportateur de fruits cambodgien.
Parmi les fruits exotiques que vous exportez figure le jansong, fruit très rare
et très convoité. Vous en exportez 5 000 pièces chaque saison.
Vous réservez systématiquement ce lot au marché chinois : les vertus
aphrodisiaques de ce fruit en font un produit très cher et très recherché.
Vous avez vendu le dernier lot de 5 000 jansongs 75 000 € et comme la
demande a plus que triplé en peu de temps, vous avez réussi à faire venir une
cargaison exceptionnelle supplémentaire de 3 000 jansongs, car il n’est pas
possible d’en obtenir d’autres avant la saison prochaine.
La demande étant nettement plus forte que l’offre, vous espérez en tirer
environ 125 000 €.
Vous avez été contactés par deux laboratoires pharmaceutiques,
visiblement concurrents, qui souhaitent chacun se procurer l’intégralité de
votre dernier stock de jansongs.
Corrigé p. 181
184
EXERCICE 6
S’organiser et identifier les rôles
185
sécurisée, Forces de Sécurité et de Protection autonomes, toutes commodités
pour les chercheurs et leurs familles (restauration, cinéma, école et garderie)
et équipements de recherche ultramodernes.
Il est considéré comme un fleuron de la recherche française, et le
ministère de la Recherche voudrait bien en faire le fer de lance de sa politique
de promotion à travers le monde.
139 personnes vivent dans le centre, et se répartissent comme suit :
– 25 chercheurs avec leurs femmes (25) et leurs enfants (18) ;
– 15 membres des forces de sécurité et de protection et leur famille
vivant sur site (19) ;
– 18 personnels administratifs et techniques et leurs familles vivant sur
site (14) ;
– 5 prestataires extérieurs (sans famille, logent à l’extérieur).
Les personnels du laboratoire Virtech et leurs familles vivent en bonne
intelligence même si parfois certains regrettent de vivre un peu en autarcie et
coupés du reste des populations de la région.
Partie 1
Après que les participants ont pris connaissance des consignes relatives
à leur environnement, le formateur leur remet la fiche de leur mission :
Vous venez d’apprendre que le ministère de la Recherche, votre principal
bailleur de fonds, désire faire visiter votre centre de recherche à une
délégation d’un pays du Moyen-Orient. L’objectif est de vendre le concept, et
vous êtes chargés de bâtir le programme et le contenu de la visite.
Votre correspondant au ministère de la Recherche a souligné le caractère
primordial de cette visite dans le cadre d’un projet de grande envergure avec
le pays en question. On vous a fait comprendre que vous n’aviez pas le droit
à l’erreur. La presse a été convoquée officiellement et les journalistes seront
nombreux.
Organisez-vous au mieux afin de préparer la visite ministérielle qui doit
se dérouler le lendemain matin.
186
Partie 2
Au bout dun laps de temps plus ou moins long, le formateur va initier la
seconde partie de lexercice. Il convient de donner les informations suivantes
de façon régulière, en laissant passer un certain temps entre chaque phase
pour laisser à léquipe de crise les moyens de sorganiser et de prendre les
décisions.
Le jour de la visite,
07 h 45
Alors que vous attendez la délégation pour 11 h 00 ce matin, on vient de
vous informer que le responsable du laboratoire P4, le Pr. Pierre Clément, ne
s’est pas présenté pour prendre son service.
Celui qui a donné l’alerte est la dernière personne qui l’a vu hier soir. Il
se souvient qu’il a travaillé tard en zone de confinement, puis qu’il est rentré
directement dans son appartement en résidence 2.
Divorcé, il vit seul et n’hésite pas à rester au laboratoire une partie de la
nuit.
Le jour de la visite,
08 h 35
Les forces de sécurité viennent de faire ouvrir l’appartement de Pierre
Clément. Ils l’ont retrouvé allongé sur le sol, sans vie.
Aucune blessure n’est apparente, et le corps ne présente aucune trace ni
aucun aspect suspect.
Vous devez décider de la suite à donner à cet incident et vous organiser
en conséquence.
Le jour de la visite,
09 h 00
187
Le médecin du site vient d’examiner le corps de la victime. Des analyses
vont être faites, mais les résultats ne seront pas connus avant le soir.
Les forces de sécurité vous annoncent que les premiers journalistes
arrivent et se présentent à l’entrée du site.
Un véhicule de police se présente au poste de sécurité : quelques agents
précurseurs chargés de la protection des autorités désirent vous rencontrer
immédiatement.
Le maire du village voisin vous appelle pour vous demander si son
conseil municipal et lui-même peuvent venir assister à cette rencontre dont la
presse a parlé.
188
Plan du site du laboratoire expérimental Virtech
189
Corrigé p. 183
190
EXERCICE 7
Communiquer par temps de crise
191
Vous avez appris hier que trois femmes enceintes étaient décédées à Sofia
cette semaine. Elles étaient toutes traitées au BioChelNax et les médecins de
l’Hôpital Central ont clairement mis en cause votre produit.
Vous avez appris de sources officieuses qu’une interaction avec d’autres
médicaments pourrait être la cause de ces décès.
Vos experts internes ne peuvent en l’état confirmer ou infirmer
l’implication du BioChelNax dans ces morts suspectes. Vous savez
également que le Professeur Dragan Hasmanov, éminent chercheur bulgare,
tire à boulet rouge sur votre médicament. Vous savez de source sûre qu’il est
également conseiller technique pour un laboratoire concurrent de Virtech.
Vous êtes mis en cause par la presse locale, et la rumeur s’étend aux pays
voisins : l’affolement gagne.
Vos réseaux sur place vous ont informés que votre médicament faisait
certainement l’objet de contrefaçons, et il serait possible que l’on ait
administré une copie du BioChelNax aux innocentes victimes.
Votre président, sollicité par les journalistes, souhaite parler à la presse et
vous demande de lui préparer un projet de communiqué.
Corrigé p. 184
192
EXERCICE 8
La presse en a parlé
Corrigé p. 185
193
EXERCICE 9
Vous êtes la crise !
194
Virtech
Vous êtes l’équipe du Dr Pierre Morsang, chercheur au sein de Virtech
et vous avez mis au point récemment un médicament, le BioChelNax, pour
soigner et guérir la maladie de Chelmann contractée par les femmes
enceintes. Si cette maladie n’est pas soignée au cours des six premières
semaines de grossesse, elle peut causer de sérieux dommages oculaires au
fœtus, voir même la cécité.
Le ministère de la Santé a donné son agrément à l’utilisation de votre
sérum comme traitement de cette maladie, votre laboratoire a déposé le
brevet de fabrication.
Vous avez prévu de sortir un article dans la presse spécialisée pour
informer le monde médical de toutes les opportunités qu’offre le
BioChelNax.
Votre fournisseur cambodgien de jansongs, fruit exotique à base duquel
vous créez votre produit, vous garantit une permanence de
l’approvisionnement.
Vous vous attendez à ce que le BioChelNax soit particulièrement
rentable.
Deftech
Vous êtes l’équipe du Dr John Parker, ingénieur biologiste et directeur
de recherche au sein de Deftech. Avec l’ensemble de vos spécialistes, vous
avez mis au point une vapeur synthétique, le DisComtam, qui peut neutraliser
la plupart des gaz neurotoxiques équipant les obus chimiques en service dans
le monde.
Le ministère de la Défense vous apporte son entier soutien dans vos
actions de recherche et a d’ors et déjà donné son agrément pour l’exportation
de DisContam. Vous avez été contactés par plusieurs gouvernements
étrangers qui cherchent à se débarrasser de stocks de bombes chimiques
plutôt « encombrants ».
Votre fournisseur cambodgien de jansongs, fruit exotique à base duquel
195
vous créez votre produit, vous garantit une permanence de
l’approvisionnement.
Vous vous attendez à ce que le DisContam soit particulièrement rentable.
Corrigé p. 185
196
CORRIGÉS
Corrigé de l’exercice 1
Comme cela a été évoqué dans le 1er chapitre, il n’y a pas de définition
précise de ce qu’est un risque. On peut cependant lister un certain nombre de
caractères communs qui pourront éclairer la notion.
Au moyen des réponses et des appréciations données par les participants,
il sera intéressant d’identifier les caractéristiques récurrentes du risque ou des
notions qui s’entrecroisent :
– occurrence d’un événement donné ;
– événement imprévu ou surprenant ;
– obstacle dans la réalisation d’un objectif ;
– aléas ;
– enjeux ;
– probabilité d’occurrence…
Il sera également intéressant de faire noter aux participants les multiples
différences de définition qui existent entre tous, démontrant une nouvelle fois
que la notion de risque est étroitement liée à la perception de chacun.
Lorsqu’on abordera la notion de probabilité d’occurrence, il conviendra
de montrer que chaque risque, même quand il est unanimement défini par
tous, n’est pas classé dans la même case « improbable », « possible » ou «
attendu ». Encore une fois, la perception et l’expérience de chacun modifient
la vision du risque.
Corrigé de l’exercice 2
Comme cela a été évoqué dans le 1er chapitre, il est difficile de ne retenir
197
qu’une seule définition du mot crise. On peut cependant lister un certain
nombre de caractères communs qui pourront en éclairer la notion.
Au moyen des réponses et des appréciations données par les participants,
il sera intéressant d’identifier les caractéristiques récurrentes de la crise :
– soudaineté ;
– nécessité de prendre des décisions ;
– urgence et pression du temps ;
– conséquences graves ;
– incertitude…
Il sera également intéressant de faire noter aux participants les multiples
différences de définition qui existent entre tous, démontrant une nouvelle fois
que la notion de crise est étroitement liée à la perception de chacun.
Lorsqu’on abordera la notion d’incertitude, il conviendra de rappeler le
caractère imprévisible de certains événements, qui par cet effet de surprise,
deviennent des crises. On ne peut pas mettre la crise en équation, on ne peut
donc pas tout prévoir.
Corrigé de l’exercice 3
En fonction des réponses aux questions suggérées, on pourra définir le
niveau de préparation des participants aux situations de crise. On pourra
également identifier les aspects de l’anticipation des risques qui pourraient
être améliorés. Enfin, en comparant les réponses entre les participants, on
pourra montrer les différences qui existent entre les organisations ou les
entreprises.
198
veut pas dire que tous les risques « oubliés » seront des crises probables, mais
leur anticipation permettra sinon de les empêcher, du moins de ne pas être
surpris au cas où ils se produiraient.
La préparation
Le niveau de préparation va découler normalement de diverses
perceptions évoquées ci-dessus. S’il y a une bonne anticipation des risques,
une organisation adéquate et une veille des signaux précurseurs, la
préparation est le dernier volet d’un dispositif anti-crise pertinent.
199
Corrigé de l’exercice 4
Tous les risques ne sont pas identifiables, et la part d’incertitude fait
partie du jeu. Cependant, il est possible d’identifier assez facilement un
certain nombre de risques en reprenant les grandes familles évoquées dans le
1er chapitre.
On peut établir un tableau d’anticipation comme suit :
Tableau des risques liés au projet VISIOR
200
Chaque risque qui aura été classé dans la catégorie « possible » fera
ensuite l’objet d’une évaluation quant aux signes annonciateurs qui
pourraient les précéder.
Corrigé de l’exercice 5
L’objectif des équipes A et B est d’acheter le stock de jansongs de M.
Tran Dang, et ce au meilleur prix. L’objectif de l’équipe C (Tran Dang) est de
vendre son stock de jansongs au prix le plus élevé.
L’intérêt de A et B est d’identifier que leur objectif d’acquisition n’est
pas concurrent mais complémentaire : l’équipe A a besoin de jus de jansong
201
pour réaliser le BioChelNax contre la maladie de Chelmann, l'équipe B à
quant à elle a besoin de l’écorce de jansong pour synthétiser le Discontam
contre les gaz de combat.
Le contexte de l’exercice est volontairement ambigu : Virtech et Deftech
sont des filiales du même groupe, Pharmatech International. Pourtant, il est
indiqué que ces filiales sont clairement méfiantes l’une vis-à-vis de l’autre.
L’objectif de l’exercice est de montrer qu’un minimum de confiance entre
deux entités d’une organisation, même quand elles se croient concurrentes,
est source de coopération et de collaboration.
202
Phase de rencontre A2/C puis B2/C
L’objectif de cette phase est d’obtenir des informations de la part des
acheteurs et du vendeur, et d’envisager le contexte de la négociation finale.
203
Corrigé de l’exercice 6
L’exercice ne comprend aucune difficulté si ce n’est d’imposer aux
participants la pression du temps et des enjeux forts. Leur objectif est de
prendre des décisions et de s’organiser en fonction des décisions prises.
Les informations données dans la feuille de consigne servent
essentiellement à saturer les participants plutôt qu’à fournir des indications
utiles à l’exercice.
Partie 1
Durant cette partie, les participants vont organiser une visite très
particulière et stressante, notamment au vu des enjeux. Les membres de
l’équipe de direction devront faire une rapide cartographie des risques qui
pourraient impacter la visite et s’organiser en conséquence :
– sûreté des autorités sur place ;
– incident technique ;
– risque de contamination ;
– manifestations sociales…
L’objectif principal dans cette phase est de s’organiser, en identifiant les
fonctions à remplir et de se répartir les missions :
– la direction du site en général ;
– la direction de la visite ;
– l’accueil des autorités ;
– l’information interne des personnels avant la visite ;
– la gestion de la presse ;
– les mesures de sûreté générales…
Partie 2
Durant la première phase de cette partie, les participants doivent
envisager les diverses causes de la disparition de Pierre Clément et réfléchir
aux éventuelles alternatives adaptées à chacune.
Dans la seconde phase, il s’agit d’une mort suspecte. En l’absence
d’explications précises, et vu le délai nécessaire à une enquête sur les causes
de la mort, une décision primordiale doit être prise : annuler ou maintenir la
204
visite. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, tout dépendra des mesures
adoptées en fonction. Cependant, en vertu du principe de précaution, on
pourrait imaginer de reporter la présentation aux autorités à une date
ultérieure.
Dans la troisième phase de cette partie, des éléments perturbateurs
extérieurs (notamment la presse) viennent rajouter des contraintes. Soit elles
ont été anticipées et peuvent être gérées efficacement, soit elles surprennent
l’équipe de crise et peuvent déstabiliser tout le monde. Le formateur est libre
de créer d’autres effets accélérateurs.
Le débriefing final doit montrer la capacité que l’équipe a eu à identifier
les priorités, à s’organiser et à prendre les décisions en conséquence.
Corrigé de l’exercice 7
La première étape de la rédaction du communiqué consiste à repérer dans
la fiche de contexte les éléments d’information :
– 3 décès de femmes enceintes à l’hôpital de Sofia ;
– les victimes étaient toutes traitées au BioChelNax ;
– les décès sont peut-être dus à une interaction entre médicaments ;
– aucune mise en cause avérée du BioChelNax ;
– la vérification ne peut pas être faite immédiatement ;
– un expert, peut-être impartial, met en cause votre médicament de façon
virulente ;
– la presse relaye l’affaire et l’amplifie dans toute la zone géographique ;
– il existe des contrefaçons de médicaments en Bulgarie, et le
BioChelnax est certainement déjà copié.
La seconde étape : faire le tri entre ce qui est vérifié et ce qui ne l’est pas.
On peut être certain des informations suivantes :
– il y a trois décès de femmes enceintes soignées au BioChelNax ;
– le BioChelNax est mis en cause par la presse et par un expert réputé ;
– la presse s’est emparée de l’affaire.
Toutes les autres informations ne sont pas forcément fausses mais elles ne
sont pas vérifiées pour l’instant : les interactions avec d’autres médicaments,
la partialité de l’expert Hasmanov, les probabilités de contrefaçon. Il ne faut
donc pas y faire allusion sous peine de donner l’impression que Virtech
205
cherche à se défausser ou à se soustraire à ses responsabilités.
La troisième étape consiste à énumérer les éléments qui doivent figurer
dans le communiqué :
– la constatation des faits pour reprendre la main ;
– le retrait du produit s’il est décidé par les instances de direction de
Virtech ;
– l’attachement de Virtech au principe de précaution et à la sécurité des
patients ;
– les pensées pour les victimes.
Corrigé de l’exercice 8
Le but de cet exercice n’est pas d’incriminer la presse ou les médias, mais
simplement de démontrer que les informations diffusées sont souvent altérées
par des interprétations ou des relations partielles. La crise étant une
dynamique qui se joue dans le temps, les informations sont souvent
incomplètes dans les premières heures : elles sont donc souvent déclinées en
alternatives ou en éventualités en fonction notamment des interprétations de
chaque rapporteur. Chacune de ces déclinaisons peut avoir une influence sur
la conduite de la situation par une équipe de crise, notamment quand elle est
relayée dans le grand public.
La communication de crise a pour première fonction de clarifier les faits.
C’est parce qu’il est courant et habituel d’interpréter ou de « compléter » ce
dont on n’est pas sûr ou ce qui est partiel qu’il convient de prendre
rapidement la main sur cet aspect de la gestion des crises.
Corrigé de l’exercice 9
206
Chaque équipe va devoir se mettre « à la place » de la crise pour mettre
au point un scénario original et vraisemblable. Le scénario doit comprendre
au minimum :
– un signal déclenchant le processus de qualification en « crise »,
– des informations permettant de déterminer un niveau de gravité,
– des informations de contexte sur l’événement,
– des implications « accélératrices » : presse, victimes, autorités…
Les fiches de contextes sont suffisamment courtes pour ne pas induire
elles-mêmes des crises trop facilement.
207
Troisième partie
208
Programme d’un stage de formation
▶ Stage de 3 jours :
Anticiper les risques et conduire les crises
Objectifs
L’objectif du séminaire est de permettre aux participants d’appréhender le
processus global de l’anticipation des risques et de la conduite des crises. Le
programme qui suit est décliné sous trois jours, mais peut être allongé en
fonction des attentes des participants.
Le formateur développera consécutivement les thèmes suivants :
– clarifier les notions de risque et de crise ;
– réaliser une cartographie des risques pouvant impacter une
organisation ;
– organiser un dispositif de gestion des crises ;
– préparer et entraîner une équipe efficace.
209
Programme
◗ Jour 1
9 h 00 – 9 h 30 Introduction du séminaire et présentation des participants
9 h 30 – 10 h 30 Clarifier la notion de risque : définitions et appréciations
Faire l’exercice 1
10 h 30 – 11 h 00 Pause
11 h 00 – 12 h 00 Clarifier la notion de crise : définitions et appréciations
Faire l’exercice 2
12 h 00 – 12 h 30 Élaboration de définitions communes du risque et de la crise
14 h 00 – 15 h 30 Les attitudes face aux risques : la prise en compte des menaces et la
nécessité de s’y préparer
La conscience efficace : développer une attitude opérationnelle
Faire l’exercice 3
15 h 30 – 16 h 00 Pause
16 h 00 – 17 h 30 Anticiper les grandes familles de risques
Identifier les risques par famille
Faire l’exercice 4
◗ Jour 2
9 h 00 – 10 h 30 Constituer une équipe de crise : organiser les fonctions de la cellule de
crise
Faire l’exercice 6
10 h 30 – 11 h 00 Pause
11 h 00 – 12 h 30 Faire fonctionner l’équipe : principes fondateurs d’une équipe efficace
Faire l’exercice 5
14 h 00 – 15 h 00 Les risques de dysfonctionnements : la gestion du stress et des modes
de fonctionnement psychologique
15 h 00 – 15 h 30 Pause
15 h 30 – 17 h 30 Procédures et logistique de crise : organiser les modes opératoires face
à l’instabilité et l’urgence
◗ Jour 3
9 h 00 – 10 h 30 Les réactions face à la crise : des premiers instants à la conduite de
l’incident.
10 h 30 – 11 h 00 Pause
11 h 00 – 12 h 30 La communication en temps de crise : gérer les relations internes et
externes
Faire les exercices 7 et 8
14 h 00 – 15 h 00 Débriefings : apprendre du passé pour préparer l’avenir
210
15 h 00 – 15 h 30 Pause
15 h 30 – 17 h 00 Préparer l’équipe de crise : organiser la pratique et générer des
scénarios
Faire l’exercice 9
17 h 00 – 17 h 30 Clôture du séminaire
211
Bibliographie
ABRIC J.-C., Psychologie de la communication : théories et méthodes, Armand Colin, 2008 (3e
édition).
ADLER A., J’ai vu finir le monde ancien, Grasset, 2002.
BELLENGER L., Du bon usage des médias, éditions Stratégies, 2000.
BELLENGER L., Comment managent les grands coachs sportifs, ESF éditeur, 2005.
212
MILBURN T., The Management of Crisis, C. F. Hermann Ed., 1972.
MISSOUM G., Guide du training mental, Retz, 1991.
PEKAR LEMPEREUR A. et COLSON A., Méthode de négociation, Dunod, 2010 (2e édition).
PREYER W., Éléments de physiologie générale (1884), Kessinger Publishing, 2010.
ROBERT B., Naviguer au cap confiance, fascicule du cabinet Argillos, 2004.
ROUX-DUFORT C., Gérer et décider en situation de crise, Dunod, 2003.
SABELLI F., Les Risques de l’économie et l’économie des risques : le point de vue d’un
anthropologue, intervention au 5e Congrès annuel de la Société suisse de management de projet,
mars 1999.
SCHMIDT C., Une nouvelle problématique des anticipations : risque et incertitude, Stratégies
d’incertitude, Economica, 1996.
SELYE H., Stress Without Distress, Hodder, 1978.
SENGE P., La Cinquième Discipline, Éditions First, 1991.
SIMON H. A., Administration et processus de décision, Economica, 1983.
SMART C. et VERTINSKY I., « Designs for Crisis Decision Units », Administrative Science
Quarterly, (décembre) 1977.
THOENIG J.-C., Erreurs organisationnelles et risques systémiques, Programme CNRS « Risques
collectifs et situations de crise », Actes de la 2e séance, 1995.
WATZLAWICK P., La Réalité de la réalité, Le Seuil, 1984.
213
OUVRAGES PUBLIÉS
DANS LA COLLECTION FORMATION PERMANENTE
ROGER MUCCHIELLI
L’analyse de contenu (n° 16).
Les complexes personnels (n° 11).
La conduite des réunions (n° 3).
La dynamique des groupes (n° 4).
L’entretien de face à face (n° 1).
L’interview de groupe (n° 6).
La méthode des cas (n° 5).
Les méthodes actives dans la pédagogie des adultes (n° 13).
Observation psychologique et psychosociologique (n° 17).
Opinions et changements d’opinion (n° 9).
Psychologie de la relation d’autorité (n° 19).
Le questionnaire dans l’enquête psychosociale (n° 2).
Le travail en équipe (n° 18).
JOSEPH AOUN
Manager une équipe multiculturelle (n° 161).
ALI ARMAND
Confiance et leadership (n° 218).
BRUNO BARJOU
Manager par projet (n° 128).
Savoir transmettre son expertise et son savoir-faire (n° 109).
Vendre ses idées et ses projets (n° 141).
214
BRUNO BARJOU, ANNICK COHEN, JACQUES ISORÉ, JEAN-PIERRE TESTA
Réussir dans ses nouvelles responsabilités (n° 118).
GUY BARRIER
La communication non verbale (n° 117).
Internet, clefs pour la lisibilité (n° 140).
ROGER BAZIN
Développement personnel et entraînement mental (n° 29).
Organiser les sessions de formation (n° 30).
THIERRY BEAUFORT
40 exercices ludopédagogiques pour la formation (n° 185).
Surprendre en formation (n° 191).
LIONEL BELLENGER
À chacun sa résilience (n° 200).
Agir en stratège (n° 168).
Comment managent les grands coachs sportifs (n° 156).
L’autorité responsabilisante (n° 211).
La boîte à outils du négociateur (n° 164).
La confiance en soi (n° 100).
La force de persuasion (n° 37).
Les fondamentaux de la négociation (n° 163).
Les outils du négociateur (n° 90).
Les techniques d’argumentation les plus sûres (n° 205).
L’excellence à l’oral (n° 149).
Libérez votre créativité (n° 166).
Des prises de parole captivantes (n° 214).
215
Piloter une équipe projet (n° 158).
Rire et faire rire (Hors série).
La vérité sur le charisme (n° 215).
PIERRE CAUVIN
La cohésion des équipes (n° 119).
RAMEZ CAYATTE
Motiver. Oui mais comment ? (n° 190).
Manager un projet… Oui mais comment ? (n° 195).
DOMINIQUE CHALVIN
L’affirmation de soi (n° 41).
Cerveau gauche, cerveau droit (n° 209)
216
Du bon usage de la manipulation (n° 148).
Faire face aux stress de la vie quotidienne (n° 48).
Formation : méthodes et outils (n° 116).
Histoire des courants pédagogiques (n° 115).
Le manager flexible (n° 197).
Les nouveaux outils de l’analyse transactionnelle (n° 64).
Les outils de base de l’analyse transactionnelle (n° 63).
Tensions et conflits dans les relations personnelles (n° 136).
JACQUES CHAUMIER
Travail et méthodes du documentaliste (n° 39).
CORINNE CHAUVIN
Concevoir un stage de formation (n° 173).
LAURENT COMBALBERT
Le management des situations de crise (n° 171).
Négociation en situations complexes (n° 179).
MARIE-JOSÉE COUCHAERE
70 exercices pour développer vos soft skills (n° 213).
Le développement de la mémoire (n° 147).
Favoriser le travail en équipe par la coopération (n° 194).
REBIHA COUILLET
Être soi (n° 124).
SOPHIE COURAU
Le blended learning (n° 217).
Les outils de base du formateur (n° 97).
Les outils d’excellence du formateur (n° 99).
Jeux et jeux de rôle en formation (n° 175).
217
ÉLIZABETH COUZON ET FRANÇOISE DORN
Les émotions (n° 181).
DENIS CRISTOL
Les communautés d’apprentissage (Hors série).
Former, se former et apprendre à l’ère numérique (Hors série).
Management et communication : 100 exercices (n° 196).
Innover en formation (n° 201).
50 conseils pour développer l’envie d’apprendre (n° 203).
Management et innovation : 60 nouveaux exercices (n° 206).
218