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CLINIQUE > CONDUITE À TENIR

Conduite à tenir devant


un syndrome
vestibulaire
chez le Lapin
A. LINSART, DV,
Centre Hospitalier Vétérinaire Saint-Martin
Unité NAC
275 route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue Le syndrome vestibulaire est un motif de consultation fréquent
chez le Lapin de compagnie. Une démarche rigoureuse est
OBJECTIF
nécessaire.
PÉDAGOGIQUE
Connaître les différentes étapes des
démarches cliniques et diagnostiques
lors de syndrome vestibulaire chez le
Lapin.

LES 3 ÉTAPES
ESSENTIELLES

1 Déterminer l’origine
périphérique ou centrale, à partir
du recueil précis de l’anamnèse et
d’un examen clinique rigoureux.

2 Etablir un diagnostic
étiologique grâce à la
réalisation d’examens
Photo 1. Port de tête penché chez un lapin atteint de syndrome vestibulaire.

l
complémentaires appropriés.
a “tête penchée”(PHOTO 1) est une des présentations nerveuses les plus fréquentes

3 Déterminer le traitement
médical adapté. La prise en
charge immédiate nécessite des
chez le Lapin de compagnie, survenant en général brutalement chez un animal en
bonne santé. La connaissance des affections spécifiques du Lapin est indispensable
pour explorer convenablement ce syndrome.
soins de nursing, la prise en charge
des complications et l’instauration
d’une atteinte périphérique ou d’une
d’un traitement étiologique. 1re étape. Déterminer encéphalitozoonose (FIGURE 1).
l’origine centrale
ou périphérique du Il faut effectuer un examen clinique com-
plet et détecter les complications du syn-
syndrome vestibulaire drome vestibulaire.
CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE
La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La Questionner le propriétaire Hormis l’examen clinique classique,
déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est
à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire). La survenue d’épisodes similaires par le une attention particulière doit être por-
passé doit être évoquée. Elle est en faveur tée à des signes d’affection sous-jacente

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Tableau 1. Différencier les syndromes vestibulaires d’origine centrale et périphérique [1-3].


Signes cliniques Syndrome vestibulaire central Syndrome vestibulaire périphérique
Lésions siégeant a minima au niveau du tronc Lésions du Nerf VIII ou siégeant dans l’oreille
cérébral ou du cervelet interne
Observation de l’animal en mouvement
Peut-être modifié (stupeur, diminution de la
Etat de conscience Normalement non modifié (stress)
vigilance)
Perte d’équilibre Oui Toujours du même côté
Tête penchée Oui. Parfois d’un côté puis l’autre Toujours du même côté
Chutes Oui. Ipsilatérale ou controlatérale à la lésion Oui. Du côté de la lésion
Tremblements intentionnels Possible Non
Dysmétrie Possible Non
Palpation
Déformation (abcès, tumeur, traumatisme) de la
Palpation Fonte musculaire latéralisée possible
base de l’oreille parfois observée
Réactions posturales
Hémiparésie et/ou déficit postural ipsilatéral Possible Non
Inspection de la face et examen des nerfs crâniens
Horizontal, rotatoire ou vertical Nystagmus horizontal ou rotatoire
Nystagmus
Nystagmus positionnel possible Nystagmus spontané fréquent
Strabisme ventro-latéral Oui Oui
Atteinte du nerf facial (Nerf VII) Possible mais plus rare Possible
Syndrome de Claude Bernard-Horner Rare Possible
Autres
Non (difficile à distinguer d’une malpropreté
Incontinence urinaire Possible. Evoque l’encéphalitozoonose
liée à l’état de l’animal)
Peuvent être en faveur d’une atteinte
Signes respiratoires Rarement associés périphérique (processus infectieux intéressant
l’oreille)

(signes respiratoires, amaigrissement) et La localisation de la lésion, bien qu’es- Encadré 1 : Choix des examens
aux complications secondaires aux pertes sentielle pour la mise en place d’un trai- complémentaires.
d’équilibre (ulcère cornéen, fracture des tement étiologique et l’établissement du
pronostic, est souvent difficile à déter- 1/ Sérologie IgM et IgG pour Encephalitozoon
incisives, plaies cutanées superficielles et
cuniculi dès l’admission et biochimie sanguine.
troubles du transit secondaires). miner à l’issue de l’examen clinique (TA-
2/ Radiographie : recherche de particules
BLEAU 1) .
Localiser la lésion à partir métalliques (plomb), infection respiratoire.
de l’examen neurologique 3/ Examen vidéo-otoscopique, à associer à une
2e étape. Établir un radiographie des bulles tympaniques.
L’examen neurologique doit être effectué
très calmement : espèce-proie dans la
diagnostic causal (ENCADRÉ 1) 4/ Ponction de LCR (cisterna magna) : cytologie,
protéinorachie, bactériologie.
nature, le lapin peut devenir totalement ■ La cause la plus fréquente de syndrome 5/ Scanner : examen de choix pour l’évaluation
aréactif en cas de peur [1]. vestibulaire chez le Lapin de compagnie des bulles tympaniques (PHOTO 2). L’IRM est
supérieure si des lésions cérébrales doivent
L’animal est observé en mouvement est l’encéphalitozoonose (Encephalito-
être détectées.
dans la pièce afin d’évaluer son état de zoon cuniculi) [2,4,5] (ENCADRÉ 2).
conscience et son comportement explo- Le parasite provoque, à la faveur d’une tervalle indique une infection active et
ratoire. baisse de défense immunitaire, un syn- est très en faveur d’une encéphalitozoo-
Une palpation consciencieuse du corps drome vestibulaire d’origine centrale. nose. Une sérologie négative est en défa-
est effectuée. Des crépitements, un gon- Une hypophosphorémie et une dimi- veur d’une encéphalitozoonose, mais ne
flement localisé peuvent être mis en nution du rapport albumine/globulines l’exclut pas définitivement.
évidence suite à un traumatisme ou lors sont souvent notées [6]. ■ Les otites internes bactériennes (Pasteu-
d’otite grave. La recherche du parasite par PCR est rella multocida) sont en pratique moins
Les réactions posturales sont effectuées inutile car il reste confiné aux tissus cé- fréquentes que ne l’annonce la littéra-
sur animal calme. L’interprétation est rébraux. La cinétique des anticorps est ture. L’évolution est généralement pro-
délicate. Les réflexes médullaires sont l’examen de choix : une augmentation gressive et fatale, si une antibiothérapie
réalisés de manière classique. des IgM sur deux titrages à 15 jours d’in- de longue durée et une bullotomie ne

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Tableau 2. Diagnostic différentiel du syndrome vestibulaire chez le Lapin [2-4,7].


Origine Syndrome vestibulaire central Syndrome vestibulaire périphérique
Accident vasculaire cérébral
V Vasculaire Non connu chez le Lapin actuellement
Hypoxie liée à des troubles cardiaques
I Idiopathique Syndrome vestibulaire idiopathique (?)
Traumatique Chute, coup, morsure
T
Toxique Plomb, métronidazole, plantes Aminosides, (métronidazole, plomb)
A Anomalie congénitale Non connu chez le Lapin actuellement
M Métabolique Lipidose hépatique -
• Bactéries (Pasteurella multocida, Listeria monocytogenes)
• Virus (Herpèsvirus 1, rage)
Infectieux Otite interne d’origine bactérienne
• Champignons
I • Parasites (Encephalitozoon cuniculi, Toxoplasma gondi, larva migrans)
Immunitaire Non connu chez le Lapin actuellement
Inflammatoire E. cuniculi à l’origine d’une méningo-encéphalite granulomateuse Non connu chez le Lapin actuellement
N Néoplasique Lymphome Possible
Démyélinisation idiopathique
D Dégénératif Non connu chez le Lapin actuellement
Lésions secondaires à E. cuniculi (malacie)

sont pas effectuées. Si les sites infectés L’antibiothérapie instaurée doit être
sont inaccessibles à la chirurgie, l’anti-
3e étape. Instaurer un bien tolérée chez le Lapin, posséder une
biothérapie limite l’extension du proces- traitement médical excellente diffusion cérébrale et être
sus infectieux. adapté active sur les pasteurelles.
■ Les traumatismes sont recherchés, sur- Les fluoroquinolones sont préférées
Avant même l’obtention d’un diagnos-
tout en présence d’enfants ou d’autres tic de certitude, le praticien doit mettre dans cette indication (enrofloxacine 10
animaux. en place un traitement médical visant à mg/kg deux fois par jour PO, SC pendant
■ Psoroptes cuniculi peut occasionner (FIGURE 1) : 15 jours).
des douleurs vives conduisant le lapin à
■ traiter le trouble de l’équilibre et l’an- Un anti-inflammatoire non-stéroïdien
pencher la tête, en l’absence de troubles
xiété associée ; (méloxicam 0,2 mg/kg 1 à 2 fois par jour
nerveux.
PO, SC pendant 7 jours) est également
Le diagnostic clinique repose sur l’aspect ■ protéger le lapin d’éventuelles compli- administré pour diminuer les réactions
caractéristique “en feuilleté” dans les cations ; inflammatoires provoquées par E. cuni-
oreilles et la mise en évidence du parasite. culi et améliorer le confort de l’animal.
■ traiter les principales causes possibles
La classification “VITAMIN D” est une de syndrome vestibulaire chez l’individu Certains auteurs préfèrent utiliser des
aide mnémotechnique pour obtenir un considéré. corticoïdes dans cette indication.
diagnostic (TABLEAU 2).
Ces molécules sont très mal
Encadré 2 tolérées chez le Lapin (dysmi-
crobisme digestif et troubles
■ E. Cuniculi est une microsporidie métaboliques) : un corticoïde
(parasite unicellulaire et de courte durée de vie, admi-
intracellulaire obligatoire). Cette nistré sur 24 heures, est accep-
infection se rencontre chez le Lapin, table (prednisolone 0,5 mg/kg
les Rongeurs, les Carnivores ou une fois par jour SC).
encore chez l’Homme. Le potentiel
zoonotique de ce parasite doit être
connu.
La transmission est directe et Photo 2. Scanner des bulles
indirecte, les spores étant très tympaniques montrant une otite
résistantes dans le milieu extérieur. moyenne chez un lapin atteint de
L’excrétion est intermittente et syndrome vestibulaire périphérique.
précède l’apparition des symptômes. Bulle tympanique gauche remplie de
pus (flèche).

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D’autres conservent des séquelles mais par-


Conclusion viennent à vivre convenablement. Des re-
MÉMO

chutes sont cependant possibles. ■ L’encéphalitozoonose est la


Malgré une présentation clinique impres-
principale cause de syndrome
sionnante, le syndrome vestibulaire est loin vestibulaire chez le Lapin nain.
La détermination de l’étiologie, notamment
d’être une affection au pronostic sombre.
lors de lésion centrale, permet de nuancer cet ■ Toute manifestation clinique
Beaucoup de lapins ayant présenté un syn- aspect et d’adapter le traitement à l’individu compatible avec une
drome vestibulaire périphérique récupèrent afin de lui procurer un confort de vie satis- encéphalitozoonose chez un
facilement quelques jours après la phase faisant et d’espérer ralentir l’évolution de la animal séropositif (IgM)
aiguë, parfois même sans traitement. maladie causale.  nécessite la mise en place du
traitement étiologique.
■ La classification mnémotech-
nique “VITAMIN D” permet
w
Figure 1. Arbre décisionnel. d’explorer le diagnostic
différentiel du syndrome
Tête penchée vestibulaire.
Trouble de l’équilibre
Nystagmus
Age et race de l’animal, date et lieu de l’adoption, mode de vie
Durée d’évolution des symptômes et modalités d’apparition
Troubles présents chez les autres

Syndrome vestibulaire Origine centrale ou péri- Syndrome vestibulaire


central phérique non déterminée périphérique >>À LIRE...
1. Vernau KM et coll. The
neurological examination
and lesion localization in the
Encéphalitozoonose Otite interne (bactérienne) companion rabbit (Oryctolagus
cuniculus). Vet Clin Exot Anim.
Méningo-encéphalite (bactérie, Traumatisme
2007 ; 10 : 731-58.
virus, champignons, parasites) Intoxication par les aminoglycosides
2. Harcourt-Brown F. Textbook
Traumatisme Syndrome vestibulaire idiopathique of rabbit medicine. Edinburgh :
Intoxication, Néoplasie, Trouble Néoplasie Butterworth-Heinemann. 2002.
vasculaire
3. Meredith AL. Update on
Métabolique Exploration par radiographie neurological disease in the rabbit.
des bulles tympaniques ou Proc. Of the 33rd WSAVA/
Sérologie E. cuniculi (IgM et scanner, vidéo-otoscopie FECAVA, Dublin, Ireland. 2008 ;
IgG) à effectuer en priorité possible mais décevante 256-8.
Sérologie T. gondi 4. Gruber A et coll. A
Bilan biochimique classique + retrospective study of
Phosphore, K+, Ca2+, Cholestérol neurological disease in 118 rabbits.
J Comp Pathol. 2009 ; 140 : 31-7.
5. Kunstyr I et Naumann S. Head
Nursing et prise en charge des complications : maintien en cage étroite, gel lubrifiant oculaire, traitement des plaies tilt caused by pasteurellosis and
superficielles cutanées, maintien du transit digestif (gavages et gastrocinétiques) encephalitozoonosis. Lab Anim.
1985 ; 19 : 208-13.
Traiter le trouble de l’équilibre et l’anxiété associée : antivertigineux méclizine (2-12 mg/kg deux fois par jour PO) ;
benzodiazépine (diazépam 1 mg/kg une fois par jour IM) pour diminuer l’agitation après l’évaluation neurologique de l’animal. 6. Jeklova E et coll. Usefulness
of detection of IgM and IgG
Ne pas poursuivre au-delà de 48 heures.
antibodies for diagnosis of clinical
encephalitozoonosis in pet
rabbits. Vet Parasitol. 2010 ; 170 :
143-8.
Traitement étiologique Associer un antibiotique bien toléré Associer un antibiotique bien toléré 7. Müller K et coll. Encephalitis
E. cuniculi : fenbendazole 20 mg/kg par le Lapin, possédant une excellente par le Lapin, possédant une excel- in a rabbit caused by human
une fois par jour PO pendant 1 mois herpesvirus-1. J Amer Vet Med
diffusion au niveau cérébral (enro- lente diffusion cérébrale (enrofloxa-
Assoc. 2009 ; 235 : 66-9.
et anti-inflammatoire (méloxicam floxacine 10 mg/kg deux fois par jour) cine 10 mg/kg deux fois par jour)
0,2 mg/kg une fois par jour PO pen- avec le fenbendazole à 20 mg/kg une avec le fenbendazole à 20 mg/kg
dant 7 jours) fois par jour et un anti-inflammatoire une fois par jour et un anti-inflam-
T. gondi : Association sulfamides- (méloxicam 0,2 mg/kg une fois par matoire (méloxicam 0,2 mg/kg une
trimétoprime 15-30 mg/kg deux fois jour PO). fois par jour PO).
par jour PO pendant 10 jours. Conflits d’intérêts :
néant.

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