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DÉVELOPPER LA SURÉLÉVATION

Didier Mignery

Fédération Française du Bâtiment | « Constructif »

2020/3 N° 57 | pages 38 à 42
ISSN 1950-5051
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-constructif-2020-3-page-38.htm
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FONCIER : FONDAMENTAUX ET IDÉES NEUVES

Développer
la surélévation
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Didier
Mignery
Architecte, président d’UpFactor (www.upfactor.fr).
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Didier Mignery
Solution originale pour développer des projets immobiliers tout en rénovant l’ancien
sans consommation de foncier, la surélévation est une pratique ancienne, ancrée dans
les paysages urbains. Elle peut aujourd’hui répondre aux besoins de rénovation du
patrimoine et de création de logements dans les centres urbains. Contribuant à une
densification soucieuse de l’environnement, la surélévation mérite d’être développée.

L
es métropoles françaises font face à de empêchaient l’étalement urbain. Les villes se
nombreux défis, parmi lesquels la crise du construisaient alors sur elles-mêmes avant d’aller
logement, la lutte contre la pollution de l’air chercher des terrains vierges plus loin. Comme l’écrit
et le besoin de végétalisation. En outre, la François Loyer, historien de l’art et de l’architecture :
crise sanitaire due à la Covid-19 a révélé le besoin « Dans une ville dont les limites restaient fixées par
de réinventer le bâti existant pour l’adapter aux l’éloignement des distances, au rythme de la marche
nouveaux usages et aux nouvelles pratiques des à pied, le procédé primordial de densification restait
habitants. La surélévation est une des solutions pos- la surélévation, dès que l’occupation des sols avait
sibles à tous ces enjeux. atteint ses limites. »

La surélévation, c’est la densification verticale, Des réglementations sur la hauteur des bâtiments
rationnelle et mesurée du bâti existant. Il s’agit, existaient dès le XVIIe siècle, témoignant de la ten-
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concrètement, d’ajouter un ou plusieurs étages à un dance à la surélévation du bâti. Par exemple, la
bâtiment, bien souvent en milieu occupé. La suré- place Dauphine à Paris, créée à cette époque, est
lévation agit par touches, sans excès, en concerta- composée d’immeubles ayant été surélevés plus
tion avec la préservation patrimoniale et les formes d’une fois. Plusieurs facteurs expliquent cette pré-
urbaines. férence de la surélévation au fil des siècles, parmi
lesquels l’évolution des réglementations en faveur
Les avantages de la surélévation sont nombreux : de l’élévation du bâti et l’intérêt économique que
création de nouveaux mètres carrés, réduc- confèrent de tels travaux.
tion de l’étalement urbain, développement de la
végétalisation et protection de la biodiversité. En L’augmentation de la demande de logements due à
outre, la surélévation favorise la (re)naturalisation la croissance de la population a orienté les choix
des villes grâce à l’usage des toitures et participe urbanistiques vers la surélévation. Grâce aux pro-
ainsi au projet « zéro artificialisation nette » promu grès techniques, ajouter des étages devient plus
par le gouvernement 1. simple en raison des matériaux utilisés (bois, métal
ou béton armé à partir de 1920).
Histoire de la surélévation
Enfin, les évolutions urbanistiques et réglemen-
Jusqu’à présent, on cherchait à construire toujours taires furent aussi des accélérateurs de suréléva-
plus loin. Cela s’explique par le choix résidentiel tion. L’exemple parisien est caractéristique, avec
des ménages et répond à leur demande de disposer une évolution progressive et homogène des formes
d’un lieu de vie isolé du reste des espaces urbains urbaines jusqu’à la fin du XIXe siècle, notamment
denses. Il en découle un étalement urbain et des pour les hauteurs verticales des façades. C’est à
constructions qui s’étendent géographiquement. partir du règlement d’urbanisme de 1884 que les
évolutions des parties supérieures, combles et toi-
Or, au regard de l’histoire des villes, la norme a tures ont fait naître les premières disparités et pro-
longtemps été celle de la surélévation. Au Moyen blématiques de voisinage entre bâtiments construits
Âge, les remparts et les murs qui les protégeaient à des époques distinctes.

1. Voir les articles abordant ce thème dans cette livraison de Constructif.


2. François Loyer, Paris XIXe siècle : l’immeuble et la rue, éditions Hazan, 1987, p. 54.

CONSTRUCTIF • no 57 • Novembre 2020


La modification des profils autorisés en toiture taires en droit de priorité et en abaissant les majo-
(1884) puis la règle de hauteur proportionnelle à rités en zone de préemption urbaine. De là sont nés
la largeur de la rue (1902) et l’arrivée massive de les premiers projets de surélévation perçus d’abord
l’ascenseur vont conduire à un exhaussement mas- comme une aubaine financière avant d’apparaître
sif des constructions. Durant la première moitié du comme une source de financement de la rénovation
XXe siècle, les bâtiments atteignent une hauteur globale en copropriété.
maximum de 30 mètres, proche des 31 mètres habi-
tuellement observés de nos jours. Sur l’ensemble des Au-delà des freins administratifs et juridiques, il
permis de construire déposés entre 1876 et 1939 à convient, pour faciliter l’acceptation du principe de
Paris, 18 % concernent des surélévations, avec un la surélévation, de changer les représentations. La
pic à 23 % entre les deux guerres 3. densification n’est pas synonyme de proximité, de
compacité à tout prix. Densifier n’est pas suroccuper,
Les dépassements des plafonds de hauteur, caracté- bétonner ou construire des immeubles de grande hau-
ristiques du règlement de 1967, ont conduit à plus teur, mais optimiser l’espace qui est à notre portée.
de démolitions que de surélévations à proprement
parler, notamment via la liaison des hauteurs et des La densité elle-même est un concept discuté. Si
retraits par rapport à l’alignement de la rue. l’on évoque la densité de la population ou d’une
métropole, il ne s’agit pas d’une densité subjective,
Le plan d’occupation des sols (POS) de 1977 réin- vécue par les citadins. C’est dire qu’une forte densité
terroge le bâti existant et opère un retour à des d’habitants ne signifie pas de grandes interactions
formes urbaines plus homogènes, tout en limitant entre les personnes. Naturellement, penser la den-
les constructions par un coefficient d’occupation du sité aujourd’hui oriente la réflexion vers la question
sol (COS) adapté aux tissus constitués. Le plan local de la salubrité et en particulier celle de la diffusion
d’urbanisme (PLU) de 2006 prolonge ce retour à la des maladies. L’épidémie de la Covid-19 questionne
ville et au paysage urbain constitué en privilégiant la densité du bâti et sa propension à diffuser un
les gabarits contrôlés issus du tissu existant et un virus. On observe cependant que des villes comme
zonage simplifié où le COS est généralement de 3 Hongkong ou Singapour ont réussi à contenir la pro-
(la surface constructible équivaut à trois fois la sur- pagation de l’épidémie malgré leur forte densité au
face de la parcelle). C’est avec la suppression du COS prix d’efforts de distanciation et de contrôle impor-
en 2014 et la loi Alur, augmentées de dérogations tants. À l’inverse, dans des grandes villes chinoises
possibles en adossement d’immeubles mitoyens plus et américaines ou dans des petits villages du nord
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élevés, que la surélévation redevient une opportunité de l’Italie, partout où le phénomène n’a pas été pris
pour beaucoup de propriétaires, notamment à Paris. au sérieux, des clusters virulents sont apparus 4.

Les travaux visant à la révision du règlement pari- Voilà pourquoi il ne faut pas faire le procès méca-
sien pour un « PLU bioclimatique » s’intéressent de nique de la densification et a fortiori celui de la
près à ce mouvement croissant de la transformation surélévation.
des toitures. Il serait inconcevable de ne pas consi-
dérer, au même titre que la rue, ce territoire qu’est le La rénovation globale
toit, quasi « monofonctionnel » et principal échan- par la surélévation
geur thermique avec les usages urbains. Aller plus
loin dans l’obligation de végétaliser les toits, dans La surélévation n’est pas un marché de niche. Il existe
l’intégration de systèmes de production d’énergies tout un espace urbain non exploité et pourtant à
renouvelables et de leurs usages mixtes, publics et notre disposition pour servir divers objectifs essen-
privés, sont autant de pistes à développer. tiels à la vie urbaine tels que la création de nouveaux
logements, la rénovation énergétique des bâtiments
Les freins à la surélévation ou l’aménagement de toitures végétalisées.

L’une des problématiques limitant la surélévation du C’est pourquoi la revalorisation du secteur de la


bâti existant réside dans le mode de détention des copropriété aux yeux des promoteurs est indispen-
immeubles. La plupart des projets sont effectivement sable à la réalisation de ces objectifs. Longtemps
portés par des mono-propriétaires. Mais avec environ boudés par les investisseurs et les architectes, car
28 % des logements en copropriété, taux bien plus complexes et chronophages, les projets en copro-
prononcés dans les grandes villes, les barrières à la priété se limitent souvent à des travaux mineurs
surélévation sont importantes. tels que des ravalements de façade. Ce manque de
considération est désormais révolu avec la rénova-
Les évolutions juridiques ont assoupli les règles en tion par la surélévation, source d’innovation et de
transformant le droit de veto de certains coproprié- création architecturale.

3. Voir l’étude de l’Apur, « Incidence de la loi Alur sur l’évolution du bâti parisien », 2014 (www.apur.org/sites/default/files/documents/incidences_evolution_loi_ALUR_bati_
parisien.pdf).
4. Voir, sur ces sujets, les travaux du think tank urbain la Fabrique de la cité (www.lafabriquedelacite.com).
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Didier Mignery
Le financement de la rénovation énergétique est aux revenus des propriétaires, attractifs pour cer-
à ce jour très complexe. D’un côté, peu d’acteurs tains mais dont l’impact est difficile à mesurer.
bancaires capables d’octroyer des prêts collectifs Or, partout où cela est possible, valoriser le bien
permettant l’étalement de l’effort financier d’une commun d’une copropriété en exploitant un droit à
rénovation lourde et performante. De l’autre, des bâtir résiduel peut apporter une aide essentielle au
dispositifs d’aide généralement individualisés, liés lancement d’un programme de rénovation globale.

UNE APPROCHE GLOBALE

Gain de
Valorisation des toits : luminosité
végétalisation,
panneaux solaires,
isolation thermique...
Gain de
volume

Gain d’espace
Enrichissement
de l’expression
architecturale
du bâtiment
Gain financier
à la revente
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Création
de nouveaux
logements

Réduction
des charges
d’exploitation
Financement et d’entretien
des travaux
d’amélioration
du bâtiment

Un des projets d’UpFactor, à Lyon, pour le compte De manière plus générale, certaines municipalités
de la régie Franchet, consiste à accompagner une ont inscrit l’opportunité de la surélévation dans
copropriété dans une démarche globale de rénova- leurs documents d’urbanisme en accompagnement
tion par la surélévation. de la rénovation globale et énergétique.
Celle-ci permet l’autofinancement des travaux, la
réduction des besoins de chauffage, l’améliora- C’est le cas de Tignes, en Savoie, qui doit faire face
tion du confort et la revalorisation de l’image du au vieillissement de son parc immobilier et à des
bâtiment en l’inscrivant dans son environnement. défis tels que la nécessaire réduction des consom-
La démarche est encore innovante et semée d’em- mations de chauffage, majoritairement au fioul. Tout
bûches, mais le principal est lancé. cela dans des conditions climatiques extrêmes.

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PROJET DE SURÉLÉVATION À TIGNES

Dans ce contexte, UpFactor accompagne deux copro- qu’au moins 2 % des résidences sont aptes à la
priétés gérées par Foncia Bourg-Saint-Maurice dans surélévation. Nous pouvons ainsi créer au minimum
leurs projets de rénovation globale et de valorisa- 40 000  nouveaux logements pour 8 000 projets de
tion par la création de 1 200 m² en surélévation. construction.
L’attractivité touristique de la station et l’empla-
cement exceptionnel des immeubles permettent Fers de lance de la croissance française, le bâtiment
d’envisager un projet global intégrant d’importants et l’immobilier vont être significativement impactés
travaux de rénovation et d’isolation afin d’obtenir dans les prochaines années. En outre, les nouveaux
le label bâtiment basse consommation (BBC). L’opé- maires écologistes portés au pouvoir dans plusieurs
ration contient aussi une réhabilitation des espaces grandes villes françaises témoignent de l’aspiration
communs et l’installation d’ascenseurs. L’enjeu est des citadins à des aménagements plus « verts ».
d’inscrire le bâti existant dans la veine des loge- Partout s’annoncent des politiques urbaines en
ments neufs RT 2012 créés en toiture, en investis- faveur de la biodiversité. Promouvoir de nouveaux
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sant la plus-value dégagée grâce à la valorisation modèles est donc une nécessité. En cela, la suré-
des économies d’énergie. Une expérimentation lévation et son modèle vertueux pour l’économie
sera même envisagée en intégrant une source de permettent de répondre à ce défi en intégrant
production d’énergie renouvelable avec des garde- une large chaîne d’acteurs, de la détection jusqu’à
corps photovoltaïques sur des façades des loggias la réalisation des projets, en instituant un partage
de la surélévation. équilibré des coûts et des gains.

Passer de l’expérimentation La création d’emplois locaux non délocalisables est


à la généralisation également favorisée par la fabrication des équipe-
ments et leur distribution. Cette démarche se pour-
L’accès à la smart data permet aujourd’hui de suit jusqu’à la construction des nouvelles surfaces
construire automatiquement une donnée jusqu’alors en faisant la promotion de la construction hors
inédite : la mesure du foncier aérien 5. Cette techno- site, modulaire et fabriquée en France. En suivant
logie parvient à reconstituer en 3D la morphologie une procédure systématique qui garantit la durée,
des bâtiments existants. Croisée avec la donnée les coûts et la qualité des travaux sans uniformiser
réglementaire, elle peut valider, en un clic, un poten- les formes, le sur-mesure abordable permettra de
tiel de surélévation sur une adresse donnée. Grâce à concilier travaux et milieu occupé.
une identification rapide à grande échelle, le projet
est accéléré et devient une opportunité d’agir. Partage de l’espace, partage des charges, partage
des gains, tel est le triptyque propre à la suréléva-
La moitié des 9,7 millions de logements en copro- tion que porte UpFactor pour les copropriétés et les
priété en France et des 4,6 millions de logements bailleurs sociaux. Promouvoir le foncier aérien et
sociaux se trouvent dans des zones urbaines ten- les toits pour rendre la totalité de l’espace urbain
dues, propices à la surélévation. Notre exper- habitable et accessible au plus grand nombre : c’est
tise logicielle et métier nous permet d’affirmer notre ambition. 

5. Voir l’outil numérique novateur que nous développons, Upfactor Geoservices® (https://upfactor.fr/services/).

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