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PRENDRE LA PAROLE.
APPRENDRE LA PAROLE.
APPRENDRE PAR LA PAROLE.
Mylène LEFEVRE
Sous la direction de Laurence MAUREL
INTRODUCTION..................................................................................................................................................2
BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................................46
ANNEXES ............................................................................................................................................................47
1
INTRODUCTION
2
A – Questionnement par rapport au cycle 1
3
« rend explicites les règles de la communication et incite chacun à les respecter ». Ce texte
précise donc que les situations de langage et de communication au sein du groupe classe
doivent être préparées et organisées par l’enseignant et ce de façon quotidienne, dans un
climat de confiance et de respect mutuel.
- L’importance de définir clairement les paramètres de la situation de langage : les
programmes soulignent que l’ « école maternelle fait du langage oral l’axe majeur de ses
activités ». Ceci implique que le langage oral a plusieurs fonctions à l’école maternelle
comme ailleurs. En effet, on classe les situations de langage en trois catégories :
les situations d’oral pour communiquer : la maîtrise du langage oral est mise au
service du domaine intitulé « Vivre ensemble ».
les situations d’oral pour apprendre : le langage oral est ici un outil dans la
construction des apprentissages par l’élève.
les situations d’oral à apprendre : là, le langage oral fait l’objet d’un apprentissage,
d’un travail méta sur la langue elle-même.
Cette classification m’a permis d’éclaircir la nature des activités que je désirais mettre en
place : je devais me centrer sur des objectifs communicationnels, c’est à dire élaborer une
situation d’oral pour communiquer. Or, la poursuite de ces objectifs permet d’articuler deux
des cinq grands domaines d’activités des programmes de l’école maternelle : « Le langage au
cœur des apprentissages » et « Vivre ensemble ».
Dans ces textes, il est précisé que « la pédagogie du langage repose sur le maintien de la
communication entre chaque enfant et les adultes de l’école d’une part, entre chaque enfant et
tous les autres d’autre part », mais aussi que « la communication au sein du groupe classe
participe à l’élaboration d’une réflexion qui intègre les apports de chacun ».
4
- les prises de parole auront lieu chaque jour, de façon ritualisée et seront assistées d’un
support matériel (la boîte)
- le contenu du discours restera libre, choisi par celui qui prend la parole (néanmoins validé
par l’enseignant pour éviter d’éventuelles dérives)
- afin d’entrer dans la communication, l’élève parlera pendant un moment (le temps qui lui
est nécessaire pour formuler son idée) et le reste du groupe pourra, dans un second
moment et de façon réglée, lui poser des questions sur ce qu’il a dit
- les règles de la communication qui doivent être respectées seront claires et explicites,
rappelées autant de fois que nécessaire par l’enseignant d’abord, puis par les élèves,
jusqu’à ce qu’elles soient intégrées par tous.
Afin de répondre à ces attentes, j’ai élaboré une fiche de préparation* clarifiant les
objectifs et le déroulement de ces séances de langage oral :
- Sur le plan matériel, il me fallait trouver un support adéquat : j’ai donc choisi une boîte
décorée portant l’inscription « LA BOITE A PAROLES » (en lettres capitales), munie d’une
fente dans laquelle les élèves pourraient glisser l’étiquette de leur prénom pour indiquer qu’ils
souhaitaient prendre la parole. J’ai choisi une boîte cartonnée et opaque (type boîte à
chaussures) afin d’empêcher les élèves de voir si des étiquettes sont déjà présentes dans la
boîte et, si tel est le cas, à qui elles appartiennent. Cette boîte serait placée en permanence vers
le tableau et serait libre d’accès pour les élèves : j’ai fait ce choix pour les inviter au
maximum à participer à l’activité pensant, à tort, que peu d’élèves viendraient placer leur
étiquette dans la boîte.
- Sur le plan pédagogique, j’ai décliné deux grandes catégories d’objectifs :
Les objectifs communicationnels sont d’ordre pragmatique, verbal ou non verbal :
exprimer son désir de communiquer : prendre la parole, écouter.
savoir faire fonctionner et évoluer l’échange : maintenir son propos jusqu’au bout, rester
dans le thème de l’échange, poser des questions pour mieux comprendre…
savoir tenir des rôles différents : celui qui parle, celui qui écoute, celui qui pose des
questions et, éventuellement, celui qui régule.
tenir compte du lieu social et du lieu concret de la communication : on ne parle pas en classe
comme dans la cour de l’école, on ne parle pas à ses camarades comme aux membres de sa
famille…
*
Voir annexe 1
5
adopter une attitude adaptée à la situation de communication : timbre de voix, rythme,
puissance, mélodie mais aussi utilisation des gestes, du regard…
Les objectifs liés au domaine « Vivre ensemble » sont étroitement liés aux objectifs
communicationnels :
respecter les règles de la communication (énoncées ci-dessus)
s’ouvrir à autrui : montrer de l’intérêt pour ce que dit un camarade, partager son expérience
et/ou tenter de la comprendre
prendre sa place dans l’échange et ainsi montrer sa place dans le groupe classe
Pour cela, j’ai décidé de placer ces séances en fin de journée, avec le groupe classe entier (les
quatre élèves de moyenne section n’étant pas dans ma classe l’après midi et ne revenant que
pour la dernière demi-heure). Ainsi, je pensais que ces moments permettraient de réunir le
groupe qui était divisé l’après midi mais aussi, par leur aspect ritualisé, de terminer la journée
ensemble, de la conclure par un moment de langage ayant pour sujet les élèves eux-mêmes.
6
Dès lors, restait à prévoir le temps que je consacrerais à la passation des règles
d’utilisation de la boîte à paroles. Afin d’entrer rapidement dans la situation, je voulais en
faire un moment court, partant du principe que, pour de jeunes enfants, l’exemple concret
reste plus parlant qu’une longue explication. Ainsi, je devais choisir parmi plusieurs options :
- Soit placer l’étiquette de mon prénom dans la boîte pour prendre la parole en premier et
ainsi me placer en « modèle », au risque d’induire très fortement les productions des élèves
lors des séances futures.
- Soit demander à un élève de simuler la situation, c’est-à-dire de venir placer son étiquette
dans la boîte et ainsi d’improviser une première prise de parole. Ce choix m’a paru peu
satisfaisant : comment choisir arbitrairement un élève d’une classe que je voyais pour la
première fois ? Comment ne pas le bloquer pour les séances à venir ? Qu’en est-il de la
motivation de sa démarche si c’est moi qui lui demande de parler ?
- Soit trouver un intermédiaire entre les élèves et moi : c’est là que j’ai pensé à faire intervenir
Marguerite, la marionnette de la classe, présentée aux élèves le matin même. En effet, la
marionnette, qui s’exprime pourtant par ma propre voix, joue un important rôle de médiateur
dans la classe : les élèves l’écoutent très volontiers et sont extrêmement attentifs à tout ce
qu’elle peut dire ou faire.
Ainsi, lors de la préparation de cette première séance, j’ai choisi de placer l’étiquette
portant le nom de Marguerite dans la boîte : c’est donc elle qui exposerait rapidement les
règles d’utilisation (qui sont en fait les règles conversationnelles) et qui prendrait la parole en
premier.
7
l’ouverture de la boîte permet d’y glisser quelque chose. Je les laisse ensuite émettre des
hypothèses sur ce qui pourrait être placé à l’intérieur de la boîte. Rapidement, les élèves
comprennent qu’on peut y glisser un petit papier, une étiquette.
2e phase : découverte des inscriptions (5 minutes)
Je leur propose ensuite d’essayer de « lire » ce qui est inscrit sur la boîte. Pour cela, je leur
demande quels mots ils reconnaissent : les mots « la » et « à » sont vite reconnus. Puis à l’aide
de différents indices pris dans les prénoms et les mots outils de la classe, je les conduis à
reconnaître l’intégralité de l’inscription : « La boîte à paroles ». Afin d’éviter toute ambiguïté,
je demande aux élèves de m’expliquer le sens du mot parole, celui-ci semble être bien connu.
Les élèves émettent alors des hypothèses quant à l’utilisation de ce nouvel outil. Pour éviter
trop de dérives, je mets en avant les propositions les plus intéressantes : « Il y a peut-être des
mots dedans ? », « Peut-être que la boîte elle parle. », « Peut-être que nous on doit lui parler ».
3e phase : première utilisation et mise en place des règles du jeu (10 minutes)
Afin d’infirmer ou de confirmer leurs hypothèses, je leur propose alors d’ouvrir la boîte
(chose que j’avais pris le soin de ne pas faire avant). Là, j’avais placé l’étiquette portant le
nom de la marionnette, les enfants le reconnaissent facilement car il est inscrit au tableau.
Remarque : au moment où j’ouvre la boîte, je prononce une courte phrase qui sera dite à
chaque nouvelle ouverture : « La discussion est ouverte. ». De même, chaque fois que la boîte
sera fermée (et donc que la séance sera terminée), on dira : « La discussion est terminée. »
Ces deux formules me permettent, là encore, de solenniser le moment.
Alors, je leur explique (par l’intermédiaire de la marionnette) que cette boîte va nous servir à
parler ensemble dans la classe. J’évite volontairement le terme de jeu, de peur de perdre
l’aspect ritualisé qui, jusqu’à lors, avait retenu toute l’attention des élèves.
Je leur énonce alors rapidement, toujours par l’intermédiaire de Marguerite, les règles
essentielles à respecter, à savoir :
- Celui qui a placé son étiquette dans la boîte peut parler et on l’écoute pour comprendre ce
qu’il dit.
- On ne parle pas en même temps que quelqu’un d’autre.
- On a le droit de poser une question si on veut savoir quelque chose de plus et c’est celui qui
parle qui interroge les enfants désirant poser une question.
C’est alors le moment de langage oral proprement dit qui commence. Je leur demande : «
Qui a placé son étiquette dans la boîte ? Donc, qui vient prendre la parole aujourd’hui ? ». Ils
comprennent vite que c’est la marionnette qui va parler et s’apprêtent à l’écouter.
8
Par l’intermédiaire de ma voix, Marguerite leur fait donc un court récit d’une chute en vélo
qu’elle a faite la veille. C’est alors le moment des questions qui commence. Voyant qu’aucun
élève ne semble prêt à en poser, je lève le doigt et interroge Marguerite. Ceci semble inviter
quelques élèves à faire de même.
Après quelques échanges, la boîte est refermée et le moment de prise de parole est achevé.
La séance, elle, n’est cependant pas terminée. Je leur demande s’ils ont quelque chose
à dire sur ce qui s’est passé. Tous semblent avoir été réceptifs à cet échange, ils sont même
prêts à recommencer immédiatement. Ceci est pour moi une bonne occasion de leur rappeler
que cette activité aura désormais lieu une fois par jour et qu’à chaque fois, plusieurs enfants
seront autorisés à prendre la parole.
Pour finir, je leur demande si, lors de cette séance, les règles du jeu que j’avais
précisées ont bien été respectées. Comme c’est le cas et qu’ils me le font remarquer, je les
félicite, la séance mais aussi la journée de classe se terminent ainsi.
9
pourtant le dispositif a priori. J’aurais pu, à mon tour, prendre la parole ou même laisser un ou
plusieurs élèves parler sans aucune consigne.
- En ce qui concerne la passation des règles : elles ont, lors de cette séance, été
remarquablement bien respectées. Ceci s’explique par plusieurs raisons : l’intervention de la
marionnette, qui a impressionné les élèves, mais aussi le fait qu’il s’agit d’une classe ayant
d’excellentes habitudes de travail (les élèves ont un fort degré d’autonomie, ils ont été très tôt
familiarisés aux règles de vie dans la classe). Ainsi, dans un autre contexte ou avec d’autres
élèves, il aurait probablement fallu insister davantage sur ce point et envisager d’autres
solutions : faire intervenir la marionnette à chaque séance pour rappeler les règles, ce que je
n’ai pas eu besoin de faire, ou encore mettre en place un système de cartes sur lesquelles les
règles seraient codées et que les élèves chargés de réguler la séance pourraient lever en cas
d'
incartade.
10
Cette solution ne peut être que provisoire car il me semble insatisfaisant de choisir
arbitrairement les élèves qui peuvent parler chaque jour. Toutefois, cela me permet, sur les
trois premières séances, de faire participer tous les élèves de la classe.
- Chaque jour, cinq à huit élèves viennent prendre la parole dans le temps imparti à l’activité
(environ quinze minutes). Leurs productions durent environ une minute, ce qui me paraît
satisfaisant, et le temps de questionnement qui suit a une durée variable (de une à deux
minutes). Le thème qu’ils choisissent d’aborder est souvent le même (récit de vacances ou de
week-end) et les productions sont tout à fait recevables d’un point de vue syntaxique et
lexical. L’enchaînement des idées est, pour la plupart, correct.
- Lors de ces premières séances, les élèves font preuve de beaucoup d’attention et d’intérêt
pour l’activité, particulièrement ceux qui ne sont pas encore intervenus.
Globalement, les objectifs que j’avais fixés semblent être atteints. Ainsi, je pensais
qu’en continuant cette activité de façon quotidienne, je conduirais les élèves à améliorer
progressivement leurs productions et donc à acquérir des compétences de plus en plus ciblées
et individualisées. Cependant, rapidement, de nouveaux problèmes ont émergé et j’ai dû
remettre en cause l’efficacité du dispositif tel qu’il était alors.
11
aux élèves, je ne pouvait plus en changer : un panneau muni de cases permettant à un nombre
limité d’élèves (cinq ou six) de s’inscrire chaque jour aurait sans doute permis d’éviter cet
écueil.
12
Les interventions orales des élèves, qui devaient se dérouler en deux temps (temps de prise
de parole individuelle et temps de questionnement collectif), se réduisaient souvent à la
première phase uniquement. Les élèves prenaient souvent la parole pour engager un nouveau
sujet plutôt que pour demander des précisions sur celui dont il était question. Afin de résoudre
ce problème, j’ai rapidement compris que mes interventions en tant qu’enseignante étaient
primordiales : je devais donc me pencher davantage sur la question de l’étayage, c'
est-à-dire
du rôle déterminant que peut jouer l’enseignant en vue d’améliorer les productions de ses
élèves.
Ainsi, établir la liste des difficultés auxquelles je devais apporter des solutions m’a
permis à court terme de mettre à l’épreuve, sur le terrain, quelques solutions provisoires mais
surtout, à plus long terme, d’envisager de mieux organiser mon travail et de mener une
réflexion plus poussée.
Face au nombre important d’élèves souhaitant prendre la parole chaque jour, j’ai envisagé
plusieurs réponses :
limiter les productions individuelles en temps, à l’aide d’un sablier par exemple : ceci m’a
paru peu satisfaisant car la dimension du plaisir de parler est alors fortement réduite.
répartir les productions sur plusieurs jours : cela posait évidemment le problème de la
mémoire : l’élève dont j’aurais différé l’intervention se souviendrait-il, le lendemain, de ce
dont il voulait parler ?
limiter le temps de production total : c’est ce que j’ai choisi dès le premier jour et j’ai
continué ainsi pendant la première semaine.
Malgré mes tentatives d’amélioration, une question reste sans réponse : comment ne pas
passer à côté de la dimension « Vivre ensemble » quand un élève éprouvant le besoin de
parler de sa journée de classe n’a pas l’occasion de le faire ?
Face à l’hétérogénéité évidente de niveau dans la classe, j’ai considéré plusieurs cas :
13
Faire parler les élèves de niveau équivalent les uns après autres et peut être risquer de
démobiliser le grand groupe lors des prises de parole des élèves les plus faibles qui hésitent,
qui chuchotent.
Valoriser d’une part, par mes interventions, les productions des élèves les plus timides : en
me faisant leur porte parole et en sollicitant l’intérêt du groupe pour ce qui est dit ; d’autre
part, faire intervenir très tôt dans la séance les élèves les plus demandeurs et les plus
extravertis pour éviter qu’ils ne perturbent la séance par leur impatience. C’est la solution à
laquelle j’ai eu immédiatement recours, tout en sachant qu’à long terme elle ne suffirait sans
doute pas.
Enfin, j’ai surtout pris conscience que si je voulais atteindre les objectifs fixés, il était
nécessaire d’inscrire cette situation de langage, qui n’était encore qu’une activité satellite,
dans une programmation. Faire acquérir aux élèves des compétences dans les différentes
composantes du langage oral s’est avéré une vaste tâche, demandant donc une réflexion plus
poussée que celle que j’avais menée jusque là.
†
FLORIN Agnès (1995), Parler ensemble en maternelle. La maîtrise de l’oral, l’initiation à l’écrit, Ellipses,
p136.
14
Ainsi, il m’a semblé primordial, dans le contexte dans lequel je travaillais, de mettre
l’accent sur deux aspects :
- différencier les objectifs pour tenir compte de l’hétérogénéité de la classe : faire progresser
tous les élèves, les plus grands parleurs comme les plus introvertis.
- continuer à travailler les compétences concernant le domaine « Vivre ensemble » : même
dans une perspective de différenciation pédagogique, je voulais insister sur l’unité d’un
groupe classe qui était divisé chaque après-midi.
À travers ces deux grands aspects, je continuerais à exiger des élèves le respect des règles
communicationnelles. Celui-ci ayant été satisfaisant lors des premières séances, je n’en ai pas
fait une priorité mais j’ai choisi de l’aborder de façon transversale.
Afin de programmer les activités dans ce sens, je devais choisir, parmi les paramètres
entrant en jeu dans la situation de départ, ceux que je pouvais modifier pour répondre à mes
attentes. Autrement dit, je devais analyser les différentes variables didactiques des situations
de langage pour organiser un enseignement, même succinct, de l’oral.
Le constat établi précédemment ne reflète pas la réalité d’une classe, mais est
simplement dû à l’organisation des stages de formation sur une courte durée. Sur l’année
scolaire, voire sur l’ensemble du cycle, il serait évidemment préférable d’élaborer une
programmation des apprentissages plus complète, comme le préconise Claudine Garcia-
Debanc‡ : « La mise en œuvre d'
une didactique de l'
oral cohérente suppose que, sur
l'
ensemble d'
une année scolaire ou d'
un cycle, soient pratiquées des situations d'
oral variées
qui aient permis aux élèves d'
explorer les différentes dimensions des activités orales ».
15
La modification d’un paramètre de la situation change la tâche de l’élève, sans
toutefois dénaturer l’activité. En effet, l’enseignant peut faire intervenir une ou plusieurs
variables au cours d’une séance : donner par exemple le rôle de régulateur à différents élèves,
modifier ses propres interventions en fonction des compétences de l’élève qui parle. Mais il
peut également faire jouer une même variable pendant toute une séquence d’apprentissages :
d’une séance à l’autre, ne changer que la tâche discursive, le thème abordé ou la composition
des groupes, par exemple.
Ainsi, il m’a semblé pertinent, lors de cette phase de remise en question du dispositif
initial, de m’informer sur les différents moyens dont je disposais pour faire évoluer la
situation. Toutefois, il ne s’agit pas d’appliquer littéralement les recommandations que font
les chercheurs mais bien de les contextualiser et surtout de faire intervenir les variables qui
répondent aux besoins réels des élèves.
**
dans le cadre du programme de recherche de l' Institut National de Recherche Pédagogique "L' oral pour
apprendre" coordonné par Claudine Garcia-Debanc, Michel Grandaty et Sylvie Plane.
††
dans un article intitulé Situations de langage à l’école maternelle in Jeux de langage et dialogues à l’école
maternelle, sous la direction de Frédéric François, CRDP Midi-Pyrénées.
‡‡
FLORIN A. (1995), p137
16
la composition du groupe joue un rôle important pour la différenciation pédagogique que
l’enseignant peut exercer surtout si elle varie au fil des séances. Il peut choisir des groupes
par affinités, des groupes homogènes (Agnès Florin§§ propose de classer les élèves « en
fonction du nombre d’énoncés produits en situation habituelle ». Ceci l’amène à définir trois
groupes homogènes, et non de niveau : les grands parleurs, les moyens parleurs et les petits
parleurs), ou des groupes hétérogènes (Agnès Florin propose qu’ils soient constitués chacun
d’un tiers des trois groupes homogènes, c'
est-à-dire de constituer des groupes d’élèves ayant
des compétences différentes)
la place de l’enseignant dans le groupe est importante tant dans la dimension « Vivre
ensemble » que dans une perspective de différenciation pédagogique. L’enseignant peut être :
intégré au groupe (comme tous les autres membres), avec l’élève qui parle pour le soutenir,
l’aider à reformuler son propos, se faire son porte parole ou encore à une place spéciale (en
retrait du groupe, comme observateur ou évaluateur, quand les élèves sont en autonomie)
les rôles donnés au sein du groupe : leur maîtrise peut devenir un objectif d’apprentissage.
Ils ont également une influence sur l’acquisition des compétences liées au domaine « Vivre
ensemble », surtout s’ils évoluent au fil des séances. Le rôle de régulateur peut être pris par
l’enseignant, un ou plusieurs élèves ; le rôle de celui qui parle par un ou plusieurs élèves (oral
monogéré/polygéré) ou tout le groupe (interaction) ; le rôle de porte parole par l’enseignant
ou un autre élève, ayant un niveau de compétences différent. Enfin, l’absence de rôles
dévolus développe spécifiquement les interactions au sein du groupe au complet.
En changeant les rôles, on change les rapports de force qui gèrent les prises de parole et la
validité du discours émis.
§§
FLORIN A. (1995), p134
17
l’installation des élèves. Selon Hélène Ali-Ouanas : « elle favorise telle ou telle focalisation
de l’attention, du regard ». Elle modifie également le degré d’exposition de celui qui parle aux
yeux du reste du groupe : en cercle, tout le monde se voit, celui qui parle reste à sa place ou
peut éventuellement se lever ; celui qui parle fait face à son auditoire, est assis ou reste
debout
le lieu peut varier mais dans tous les cas chaque élève doit avoir sa place et s’y sentir à l’aise
pour s’exprimer : au coin regroupement, c’est souvent le cas dans les classes de maternelle,
les élèves sont assis sur des bancs ; au coin bibliothèque qui est un lieu plus réduit (pour les
petits groupes) mais souvent plus confortable (fauteuils, coussins) et familier des élèves ; sur
les tables de travail, ce qui permet notamment l’utilisation d’un support (écrit ou image) mais
réduit les possibilités de développement du langage non verbal (gestes). Enfin, dans un lieu
dédié, certaines écoles ont des salles où sont aménagés scènes, podiums ou pupitres qui
offrent des possibilités plus vastes que l’espace de la classe.
Les variables liées à la nature de l’étayage par l’enseignant : quels paramètres peut-il
modifier pour diversifier ses interventions et, par là même, différencier sa pédagogie ?
Dans l’acquisition de savoir-faire et la résolution de problèmes par l’enfant, J. S. Bruner***
utilise la notion d’étayage pour rendre compte de la manière dont un tuteur soutient ou
stimule les comportements de l’enfant qui vont l’aider à comprendre le but à atteindre et les
moyens de l’atteindre. La tutelle est le fait des adultes, mais peut aussi être exercée par un
enfant plus âgé ou plus expert que l’enfant novice. Ici, on s’intéresse particulièrement au rôle
de l’enseignant comme tuteur de l’élève qui apprend : la tutelle est un des principaux moyens
pour lui de différencier sa pédagogie car il peut ainsi choisir de complexifier ou de simplifier
la tâche d’un ou plusieurs élèves.
L’étayage recouvre un ensemble d’interventions possibles :
la nature des questions posées par l’enseignant :
- questions ouvertes ou fermées : l’élaboration de la réponse est très différente dans l’un ou
l’autre cas (une phrase complète/un mot)
- questions s’adressant au groupe ou à un élève en particulier : il peut adapter sa demande
aux compétences de l’élèves à qui il s’adresse
la nature des ses interventions orales :
- reformuler : il peut reformuler tout ou partie de la production d’un élève.
***
BRUNER J.S. (1983), Le développement de l’enfant. Savoir faire, savoir dire, PUF, p 277-279
18
Michel Tozzi††† définit les fonctions de la reformulation pour les différents participants. Elle
est le signe qu’il est « écouté et personnellement compris » pour celui qui parle. Pour le
groupe, elle est « cognitivement clarifiante » et permet de « faire des liens entre les différentes
interventions et chaque intervention et le sujet ». Pour l’enseignant, enfin, elle permet de
vérifier les acquis de chacun et d’élaborer « un cheminement commun ».
- se faire le porte parole des élèves les plus faibles : pour transmettre leur message au groupe
et permettre ainsi la continuité dans l’échange mais aussi pour rendre leur tâche moins
éprouvante, moins périlleuse
- se présenter en « modèle » pour engager l’intérêt et l’adhésion des élèves, pour leur faire
comprendre le but de la tâche
- s’effacer et laisser sa fonction de tuteur à un élève
son rôle lors des interactions peut être celui de membre du groupe, au même titre que les
élèves ; celui de régulateur : garant du respect des règles conversationnelles, il maintien les
élèves à la poursuite d’un objectif déterminé ; celui d’observateur et/ou évaluateur, il peut
être en retrait ou non du groupe. Enfin, il peur avoir un rôle directif s’il oriente les élèves en
donnant des consignes précises.
†††
dans un article intitulé La reformulation in Cahiers pédagogiques n°400 : « Oser l’oral », janvier 2002
19
l’histoire s’il s’agit d’un album, par exemple). Enfin, l’absence de support privilégie
l’utilisation du langage d’évocation
Les variables liées aux conduites discursives attendues sont étroitement liées au choix du
thème. Toutefois, tout au long d’une séquence, on peut, à partir d’un même thème, travailler
plusieurs conduites discursives. Par exemple, avec un album, on pourrait envisager de
travailler la description des illustrations, la narration de l’histoire, l’argumentation à propos
d’une suite éventuelle, par exemple.
Les principales conduites discursives pouvant être abordées à l’école maternelle sont :
décrire : un objet, une image, une situation
expliquer : la cause d’un évènement, le fonctionnement d’un jouet, le mode d’alimentation
d’un animal
raconter l’histoire d’un album, ou relater un évènement de sa vie personnelle, de la vie de la
classe
argumenter en justifiant : pour choisir un album qui sera lu par l’enseignant, pour faire part
de son point de vue au reste de la classe, pour convaincre ses camarades de la pertinence de la
procédure choisie lors d’une résolution de problème
Les variables liées aux objectifs fixés concernent l’aspect du langage oral qui sera privilégié
par l’enseignant. En effet, dans ses objectifs, celui-ci peut choisir de mettre l’accent sur une
ou plusieurs de ces composantes :
la composante pragmatique : il s’agit d’amener les élèves à adapter leur production à la
situation de communication. Ceci peut se décliner en plusieurs sous-objectifs tels que : oser
parler devant les autres, connaître les rôles de chacun, adapter son discours à la situation, à ses
interlocuteurs…
la composante discursive concerne les types d’oraux. Chantal Mairal et Patrick Blochet‡‡‡
proposent une typologie des textes oraux en huit catégories : narratif, descriptif, explicatif,
injonctif, argumentatif, informatif, conversationnel et poétique. Chacun de ces types peut se
décliner sous de multiples formes : par exemple, le type conversationnel regroupe interviews,
dialogues téléphoniques, entretiens, sketches, saynètes, etc. Il s’agit donc pour les élèves de
dégager les grandes caractéristiques de chacun des types d’oraux.
Là encore, pour une séquence d’apprentissage, on peut choisir d’élaborer soit une progression
visant une connaissance approfondie d’un de ces types (ne travailler que sur des oraux
‡‡‡
MAIRAL C. BLOCHET P. (2000), Maîtriser l’oral, Magnard, p118-119
20
narratifs par exemple) soit une progression visant la différenciation des différents types
d’oraux (par un travail semblable à ce qui se fait à l’écrit lors des tris de textes par exemple).
la composante verbale/non verbale : on cherche ici à ce que les élèves comprennent que ces
deux langages sont complémentaires. En fonction des compétences de chacun, on peut choisir
de ne travailler, pendant un moment, que sur la dimension non verbale du langage : par des
jeux permettant d’explorer les différentes attitudes, gestes, utilisations du regard, de la
voix (intonation, rythme, prosodie, débit, articulation, volume sonore). Ce travail peut ensuite
être réinvesti afin que les élèves comprennent l’importance de cette dimension non verbale
qui permet de mieux se faire comprendre, de se sentir plus à l’aise, de mieux communiquer.
Par ailleurs, dans une perspective de différenciation pédagogique, on pourrait inciter les petits
parleurs à s’engager dans une communication non verbale. En effet, ce n’est pas parce qu’ils
ne parlent pas qu’ils ne participent pas à l’activité du groupe.
la composante linguistique regroupe l’ensemble des formes linguistiques qui caractérisent
un énoncé oral (syntaxe, lexique, système des temps, connecteurs logiques, spatiaux ou
temporels, procédés de reprise anaphorique…). La définition des objectifs liés à cette
composante est induite par le choix du type d’oral : un travail sur l’oral narratif implique
l’acquisition de connaissances sur les temps du récit, les connecteurs spatio-temporels, les
procédés de reprise. Cependant, à l’école maternelle, il ne s’agit pas de formaliser ce travail :
on pourra faire, avec les élèves, certaines remarques et surtout, on valorisera les productions
présentant des qualités linguistiques.
la composante métalangagière concerne la place et la forme d’une analyse méta dans les
apprentissages. Il s’agit de prendre le langage oral comme objet. L’enregistrement des
productions et leur visionnage (ou écoute) différé(e) par le groupe est un outil très utile pour
atteindre cet objectif. On pourra par exemple chercher avec les élèves des moyens d’améliorer
telle production ou encore les raisons qui font que telle autre est particulièrement réussie.
Cette analyse méta est d’autant plus utile si elle est faite en début (ou en cours) et en fin
d’apprentissage : elle permet alors aux élèves de prendre conscience de leur progrès mais
aussi de ce qu’il reste à faire. L’oral devient alors un objet à apprendre.
Cet inventaire des nombreuses variables didactiques entrant en jeu dans l’élaboration
d’une séance de langage permet à l’enseignant :
- de prendre conscience que les choix qu’il fait, sciemment ou non, ont des conséquences
certaines sur la tâche des élèves
21
- de construire une progression rigoureuse de l’apprentissage de l’oral sur l’année ou sur le
cycle
Toutefois, sur une séquence d’apprentissage, il serait incohérent voire déstabilisant
pour les élèves de modifier tous ces paramètres. Il me semble donc nécessaire de faire des
choix répondant aux principaux besoins des élèves.
22
pour la composante non verbale du langage : apprendre à utiliser correctement sa voix :
parler suffisamment fort pour se faire entendre par tous, répondre aux questions posées ;
s’affirmer devant le groupe en lui faisant face, en regardant tous ses interlocuteurs.
23
leur imposer certaines conditions ne nuirait pas à leur motivation. De plus, je prévoyais en fin
de journée un second temps de prise de parole qui leur offrait une nouvelle possibilité
d’intervenir.
Ce choix de thème induisait directement les conduites discursives des élèves : ils
devraient décrire l’objet en question, voire expliquer son fonctionnement. J’optais donc pour
les types descriptifs et/ou explicatifs.
Afin de faire acquérir aux élèves les compétences langagières énoncées ci-dessus, je
multiplierais mes interventions et serais plus directive dans mes consignes :
- par exemple, avec les grands parleurs, si un propos est mal structuré, il est possible de faire
poser des questions par les autres élèves sur ce qui est mal compris, de faire reformuler l’élève
ou encore de l’aider à reformuler.
- avec les petits parleurs, si un élève a peur de venir parler devant le groupe, j’envisage de les
faire intervenir en binôme, de me faire son porte-parole, par exemple.
Ainsi, en diversifiant mon rôle et en adaptant mon étayage aux besoins de chacun, je
pensais développer les compétences langagières des élèves.
b – Travail en grand groupe sur les objectifs liés au « Vivre ensemble »
En fin de journée, au retour des élèves de moyenne section, je réunirais le grand
groupe pour une seconde séance quotidienne consacrée à l’oral et dont les objectifs seraient
davantage tournés vers le domaine « Vivre ensemble ». En effet, la classe étant divisée
l’après-midi, j’avais parfois l’impression que les quatre élèves de moyenne section n’étaient
pas suffisamment intégrés au groupe et qu’ils avaient peu l’occasion de partager leurs
expériences avec les grandes sections.
Ce constat m’a permis de trouver le thème des prises de parole pour ces séances :
chaque niveau (moyenne section d’une part et grande section de l’autre) devrait raconter à
l’autre ce qu’il avait fait au cours de l’après-midi. Je choisissais ainsi un nouveau type d’oral,
la narration, mais qui restait ancré dans le contexte de la classe.
24
Chaque soir, le déroulement serait le même :
- deux élèves de moyenne section viendraient raconter leur après midi : j’ai choisi de les faire
intervenir en binôme d’une part pour qu’ils s’aident mutuellement à se souvenir de tout ce
qu’ils avaient fait (c’est un travail de mémoire difficile) et d’autre part pour les aider à faire
face au groupe (il s’agissait de petits parleurs).
- selon leur niveau, un à deux élèves de grande section viendraient ensuite faire de même.
Les prises de parole se feraient cette fois sans support autre que la mémoire. Ensuite,
s’ils le désiraient, les autres membres du groupe étaient autorisés à intervenir pour apporter
des précisions ou poser des questions.
Cette interaction permettrait de réunir la classe autour de son vécu. Quand à moi,
j’essaierais, lors de ces séances, de m’effacer progressivement afin de favoriser la
communication entre les élèves. Mon rôle serait alors limité à celui de régulateur, rappelant si
nécessaire les règles communicationnelles à respecter.
c – Synthèse
Ainsi, en élaborant ces séances d’oral, je visais l’acquisition par les élèves de
compétences langagières autant que communicationnelles. J’étais donc en train d’opérer un
déplacement par rapport à mes objectifs de départ : d’un oral pour communiquer, je passais
maintenant à un oral à apprendre, tout en conservant sa dimension d’oral « pour vivre
ensemble ».
25
Afin d’analyser les séances qui ont suivi cette phase de réaménagement, j’ai choisi non
pas de faire des remarques générales sur les résultats obtenus, mais plutôt de me pencher sur
le cas de deux élèves : Anaëlle et Dylan.
Anaëlle, élève de moyenne section âgée de quatre ans, est très brillante à l’écrit. Son
travail dans les différents ateliers est remarquable. C’est une élève qui comprend rapidement
les consignes et qui les applique avec soin. Cependant, Anaëlle est très introvertie à l’oral lors
des moments collectifs. Elle demande très peu la parole bien qu’elle fasse, quand je
l’interroge, des remarques très pertinentes. De plus, cette élève communique facilement avec
ses camarades lorsqu’ils sont en petit groupe (en ateliers ou dans la cour de récréation).
Lors de la première semaine d’utilisation de la boîte à paroles, elle s’est montrée
volontaire pour venir prendre la parole : elle a, comme les autres, placé son étiquette chaque
jour dans la boîte. Lorsqu’elle a eu la possibilité de s’exprimer devant les autres, Anaëlle a eu
un comportement qui m’a d’abord surprise. Elle ne s’adressait qu’à moi, ne regardait pas les
autres et parlait tout bas. Malgré cela, son discours était assez bien structuré, tant sur le fond
(sens et différentes étapes marquées) que sur la forme (syntaxe, vocabulaire et connecteurs
utilisés). J’ai ensuite remarqué qu’Anaëlle n’était pas la seule élève présentant ce type de
difficultés : ce sont eux que j’ai, par la suite, réunis dans le groupe des petits parleurs.
Dylan, élève de grande section âgé de cinq ans, a un profil tout à fait différent. Il
présente de grandes difficultés à l’écrit. Lors des séances de lecture ou de mathématiques en
ateliers, il termine rarement son travail, celui-ci est peu soigné et Dylan a constamment besoin
que je lui apporte une aide particulière, un soutien. En revanche, il est très à l’aise pour
prendre la parole devant ses camarades. Visiblement, il éprouve un besoin permanent de
parler mais ne communique pas pour autant. En effet, cet élève a des difficultés à attendre son
tour pour parler et il coupe volontiers la parole, celle de ses camarades comme la mienne. A
priori, on pourrait croire qu’il est performant à l’oral - c’est un grand parleur - mais son
discours est souvent mal structuré, il articule peu et se fait donc mal comprendre.
Ainsi, Dylan et Anaëlle sont tous deux, malgré leurs différences, en difficulté dans
leur apprentissage de l’oral. Le dispositif tel qu’il était lors de ma première semaine de stage
ne pouvait pas répondre convenablement aux besoins de ces deux élèves. Pourtant, toute
situation d’apprentissage devrait favoriser la réussite de l’ensemble des élèves d’une classe.
Qu’en est-il de la situation que j’avais aménagée pour la suite du stage ?
26
1.1 – La mise en place de groupes restreints
Comme prévu, j’ai, lors des dernières séances, distingué deux moments dans mon
enseignement de l’oral :
a - Les moments de travail en groupes homogènes avaient pour objectif de travailler les
compétences langagières avec les élèves.
- Le groupe des petits parleurs comptait neuf élèves : les quatre élèves de moyenne section,
dont Anaëlle, et cinq élèves de grande section. La réduction du nombre de participants à
l’activité a eu plusieurs effets :
les élèves se sont rapprochés les uns des autres : le groupe était réduit en nombre mais aussi
en taille, ce qui semblait les mettre en confiance. Au fur et à mesure des séances, ils se sont
habitués à parler ensemble et leur peur de parler devant le groupe diminuait. Pour Anaëlle par
exemple, il était beaucoup moins éprouvant de faire face à huit camarades qu’à vingt-deux.
Progressivement, elle parvenait à regarder les autres élèves, à lever la tête et donc à mieux
porter sa voix.
le temps de parole de chacun a augmenté : n’étant plus que neuf, ils pouvaient, dans les
quinze minutes imparties, intervenir plus souvent. Anaëlle, qui en collectif n’osait pas prendre
la parole, a rapidement commencé à poser des questions traduisant un intérêt pour ce qui était
dit : « Ton robot, il est de quelle couleur ? », « Tu dessineras quoi avec tes feutres ? »
Ainsi, la constitution d’un groupe restreint a contribué à atteindre une partie des objectifs
langagiers fixés.
- Le groupe des grands parleurs comptait quatorze élèves, c’est à dire plus de la moitié de la
classe. Je n’ai pas choisi de réduire davantage la taille de ce groupe car leur difficulté majeure
n’était pas d’oser prendre la parole. Pour eux, l’objectif à atteindre était de mieux organiser
leur propos en vue de se faire comprendre. Or, la seule réduction de la taille du groupe ne
simplifiait pas la tâche de ces élèves. Par exemple, les propos de Dylan n’étaient pas plus
cohérents qu’avant : il ne parvenait pas à suivre une progression dans son discours, il passait
d’un sujet à l’autre sans lien logique et ne se faisait pas mieux comprendre par ses camarades.
Ainsi, la seule constitution d’un groupe restreint n’a pu, dans ce cas, répondre aux objectifs
fixés. Il était donc indispensable de faire intervenir d’autres paramètres pour faire progresser
les grands parleurs.
27
b - les moments de travail en grand groupe : ces séances avaient pour objectif de travailler
les compétences communicationnelles et les compétences liées au domaine « Vivre
ensemble ».
Les résultats obtenus lors de ces séances sont satisfaisants car plusieurs indices montrent que
les objectifs visant le « Vivre ensemble » ont été atteints :
le retour des élèves de moyenne section était valorisé par l’aspect rituel de la situation : ce
dernier rassemblement en fin de journée réaffirmait leur place au sein du groupe et pour tous,
c’était un plaisir de se retrouver avant de quitter l’école
chaque groupe était très curieux de savoir ce que l’autre avait fait au cours de l’après-midi.
Ils étaient particulièrement enthousiastes quand ils trouvaient des points communs entre leurs
activités respectives : « Nous aussi, on a fabriqué des sapins ! ». Il me semble qu’un vécu
commun se créait entre les deux niveaux qui pourtant étaient séparés l’après-midi.
les règles communicationnelles ont été convenablement appliquées : un bref rappel en début
de chaque séance suffisait à les faire respecter
28
Ainsi, la mise en place de groupes de tailles et de compositions variées m’a permis d’atteindre
un certain nombre d’objectifs mais ne saurait suffire à la mise en place d’un enseignement
rigoureux de l’oral. Pour une analyse des séances plus approfondie, d’autres paramètres
doivent être pris en considération.
29
de trouver des mots qui commencent/finissent par le même son (« Marsupilami, ç’est
comme ami ! »), des mots très proches (« Traineau c’est pas comme créneau »)
Ainsi, grâce à des jeux très simples mais adaptés aux besoins de chaque élève, j’ai
rapidement constaté des progrès chez deux élèves qui, au départ, étaient pourtant très
différents. Dylan prenait davantage de temps pour parler et articuler et Anaëlle commençait à
placer correctement sa voix. En individualisant ainsi le travail, il me semble qu’il est possible,
à terme, de construire un solide apprentissage de l’oral par tous les élèves.
30
programmation n’était pas aussi rigoureuse qu’elle devrait l’être pour un enseignement de
l’oral planifié sur l’année ou sur le cycle.
31
B – Un réinvestissement en cycle II
Il ne s’agit pas ici d’analyser de façon exhaustive une nouvelle situation
d’apprentissage mais bien de voir comment les enseignements tirés de mon expérience en
maternelle ont pu être réinvestis en cycle II.
1 – Emergence de la réflexion
32
Afin d’assurer la continuité avec le travail fait en maternelle mais aussi de tenir
compte de la spécificité de la classe de CP, il fallait définir de nouveaux objectifs.
Lors du stage précédent, j’ai d’abord privilégié un oral pour apprendre à
communiquer, pour ensuite m’orienter davantage vers des objectifs langagiers, vers un oral à
apprendre.
Afin de concilier spécificité du CP et continuité avec la maternelle, j’ai à nouveau
choisi de partir sur un oral pour apprendre. En effet, comme l’indiquent les instructions
officielles, oral et écrit doivent être étroitement liés au cycle II : il était donc possible de
concevoir une situation mettant l’apprentissage de l’oral au service de l’entrée dans l’écrit et
vice versa.
2 – Conception du dispositif
§§§
voir annexe 2
33
Ainsi, il me semblait intéressant d’élaborer un dispositif proche de celui du « Tarot des
contes », jeu permettant de produire des oraux narratifs sous la contrainte imposée par les
cartes que l’on tire.
Au vu de ces éléments, mes objectifs de départ étaient surtout langagiers. Plus précisément,
ils étaient surtout discursifs, liés au type narratif :
- créer une histoire qui suit un schéma narratif simple : une situation initiale/une
complication/une situation finale
- raconter son histoire à l’oral
Mes objectifs étaient également linguistiques :
- maintenir la cohérence énonciative sur les temps et utiliser la troisième personne.
- apprendre à utiliser des connecteurs logiques et temporels pour marquer les différentes
étapes de l’histoire.
Dans une moindre mesure, mes objectifs étaient aussi liés à la composante non verbale du
langage oral :
- raconter son histoire devant la classe : regarder son auditoire, ne pas lui tourner le dos.
- utiliser sa voix et son corps dans le but de se faire comprendre.
34
- afin de placer ces élèves de CP en situation de production, j’ai choisi de proposer des cartes
portant des dessins les plus explicites possibles et aucune indication écrite : je ne voulais pas
que le déchiffrage devienne un obstacle à la production orale.
- j’ai choisi des thèmes susceptibles de stimuler l’imagination des élèves :
des thèmes fréquemment rencontrés dans les contes, notamment dans ceux que je leur lisais
au quotidien : ogre, sorcière ou magicien pour les personnages ; forêt, château ou village pour
les lieux ; faire un tour de magie, manger ou avoir peur pour les actions.
des thèmes qui n’apparaissent pas particulièrement dans les contes mais qui sont porteurs
pour les élèves car ils appartiennent à leur quotidien : deux enfants comme personnages, une
salle de classe comme lieu, chanter comme action.
35
- pour commencer, je leur ai présenté toutes les cartes (recto et verso) et les ai affichées au
tableau. Ils ont ensuite fait des remarques sur ces cartes : « Il y en a trois sortes ! », « Il y en a
où il y a des bonhommes et d’autres où il n’y en a pas », « C’est des étiquettes et il faut écrire
les mots en dessous ». Rapidement, je leur ai indiqué : « C’est un jeu de cartes qui va nous
permettre de raconter des histoires » et leur ai demandé : « Comment pourrait-on les
utiliser ? ». Là encore, ils ont émis un certain nombre d’hypothèses : « On prend une carte et
on doit raconter l’histoire du bonhomme. », à cela, un élève a répondu : « Mais non, sinon ça
sert à rien les couleurs ! »
- afin d’entrer plus rapidement dans l’activité, je leur ai indiqué la fonction de chacun des
trois ensembles de cartes (les personnages, les actions et les lieux) et leur ai présenté les
règles du jeu :
Le joueur tire au sort deux cartes rouges (personnages), 1 bleue (lieu) et une jaune (action)
Il doit ensuite raconter à la classe une histoire mettant en scène ces personnages, dans ce
lieu, faisant cette action
Le reste de la classe l’écoute pour comprendre l’histoire
Ces règles sont volontairement simplistes car ayant peu de temps devant moi, je souhaitais
que leur appropriation soit rapide et efficace. Une fois ces quelques règles intégrées par tous,
il m’était possible de les compléter, voire de les complexifier.
- j’ai ensuite sollicité un élève pour me faire tirer les cartes au sort, en veillant à leur faire
reformuler les règles du jeu : « Combien dois-je tirer de cartes rouges ? bleues ? jaunes ? ». A
partir des cartes que j’avais tirées, j’ai raconté une histoire très simple mais qui semble avoir
motivé les élèves à poursuivre l’activité.
b – Pour les séances suivantes, plusieurs moments sont à distinguer dans la progression que
j’ai construite à partir du jeu de tarot des histoires. Chaque nouvelle phase de la séquence est
initiée par l’introduction d’une nouvelle variable didactique. L’analyse des variables que
j’avais faite au cours de mon premier stage pouvait en effet être réinvestie dans la nouvelle
situation d’apprentissage.
Tout au long de la séquence, j’ai enregistré les productions des élèves en vue de les
analyser a posteriori. Au sein d’une même étape, le déroulement des séances est sensiblement
le même. Ainsi, dans chacun des cinq moments d’apprentissage décrits ci-dessous, une
majorité des élèves a pu intervenir.
- Première étape : les élèves travaillent à partir des douze cartes de départ. Le jeu suit les
règles énoncées lors de la première séance : l’élève tire au sort ses quatre cartes, il les affiche
36
au tableau pour que tout le monde les voie. Il raconte son histoire au tableau, devant la classe.
On change les cartes à chaque fois qu’on change de joueur.
- Deuxième étape : après six séances, les élèves ont tous eu l’occasion de jouer au moins une
fois et la qualité de leurs productions m’a semblé suffisante pour introduire une variable. Je
leur propose d’introduire de nouvelles cartes et plutôt que de leur imposer, je les invite à me
faire des propositions. Quatre nouveaux personnages (un roi, une princesse, une sirène et un
maître d’école), trois nouvelles actions (se battre, tomber amoureux et faire de la moto) ainsi
que deux nouveaux lieux (une maison en gâteaux et l’eau) sont alors introduits. Il s’agit
maintenant de s’approprier ces nouvelles cartes et surtout d’explorer les nouvelles possibilités
narratives qu’elles offrent.
- Troisième étape : rapidement, les élèves paraissant familiarisés avec les nouvelles cartes, je
leur propose de tirer non plus quatre mais cinq cartes : ils devront maintenant articuler leur
histoire autour de deux actions. Cette variable a pour principale conséquence de complexifier
le schéma narratif : entre situation initiale et situation finale, deux complications doivent
avoir lieu. Ceci requiert de la part des élèves de nouvelles compétences linguistiques, liées à
l’enchaînement des étapes de la narration, notamment une utilisation plus efficace des
connecteurs temporels et logiques.
- Quatrième étape : l’introduction d’une nouvelle action dans le récit a fortement complexifié
la tâche des élèves. Ils éprouvent davantage de difficulté à construire leur énoncé et leurs
productions présentent moins de qualité. Afin d’apporter une aide aux élèves et en vue de les
faire progresser, j’ai modifié quelque peu le déroulement des séances. Après avoir tiré ses
cinq cartes, l’élève les affiche au tableau et je demande à toute la classe (y compris l’élève qui
joue) de réfléchir pendant quelques minutes afin de « construire leur histoire dans leur tête ».
Ensuite seulement, l’élève raconte son histoire et quand il a terminé, on ne change pas les
cartes afin que plusieurs élèves puissent faire part de leur proposition. En faisant cela, je fais
intervenir la composante pragmatique du langage, obligeant ainsi les élèves à élaborer leur
énoncé plutôt qu’à l’improviser.
- Cinquième étape : quand tous les élèves ont eu la possibilité d’intervenir au moins une fois
dans les conditions décrites ci-dessus, j’ai décidé d’alterner les séances de production avec
des séances d’écoute des enregistrements. C’est à des compétences métalangagières que j’ai
alors fait appel : les élèves commentent et comparent les différentes productions, guidés par
des consignes telles que « Qu’est-ce qui fait qu’on comprend mieux l’histoire de Vincent que
celle de Fanny ? », « Comment pourrait-on améliorer l’histoire qu’on vient d’entendre ? » ou
encore « L’histoire de Léa est très intéressante, qui peut essayer d’expliquer pourquoi ? ».
37
Ces cinq étapes sont celles de la progression que j’ai suivie au cours des trois semaines
de stage. Elle n’est évidemment pas complète mais reflète le chemin parcouru avec les élèves
de CP : partant d’une situation d’oral pour apprendre à raconter des histoires, ils sont
parvenus, en fin de séquence, à analyser leurs productions et ont donc commencé à apprendre
l’oral.
Il convient à présent de mesurer les effets de mon enseignement sur les compétences
des élèves. Pour cela, il faut d’abord d’analyser les séances par rapport à mes objectifs de
départ qui étaient surtout discursifs, linguistiques et non verbaux.
****
voir les différentes cartes en annexe 3
38
résoudre ce problème, je leur ai demandé par la suite de ne plus aligner les cartes au tableau
mais de les regrouper selon leur couleur. Ceci semble les avoir aidés à articuler les étapes de
leur récit plutôt qu’à les juxtaposer.
Ces difficultés sont apparues au début de la séquence, lors de la phase d’appropriation
des règles et sont réapparues à nouveau lors de l’introduction d’une deuxième action. Ceci
montre que la construction d’un schéma narratif même très simple, est un travail très difficile
pour des élèves de CP. L’apport d’images sur les cartes, qui est censé alléger ce travail peut
parfois faire obstacle. Si j’avais choisi des cartes ne portant que des indications écrites, les
difficultés auraient été autres. Avec le matériel que j’avais choisi, c’est mon étayage qui
semblait constituer la meilleure aide pour les élèves : leur répéter ce qu’ils avaient dit et leur
demander de reformuler. Progressivement, ils ont franchi cet obstacle et les objectifs
discursifs ont été atteints.
39
- les connecteurs logiques sont assez bien utilisés et sont variés : « mais », « parce que »,
« pour », « alors ». Leur emploi est favorisé par l’introduction d’une deuxième action dans le
récit : multiplier les étapes oblige les élève à mieux les articuler.
- les connecteurs spatiaux sont quasiment inexistants : ceci est du à la situation elle-même car
les élèves n’utilisent, pour construire leur récit, qu’une seule carte « lieu ». Celui reste donc le
même tout au long de l’histoire. Pour engager les élèves à utiliser davantage de connecteurs
spatiaux, il suffirait de leur demander de tirer une deuxième carte « lieu ».
Les objectifs linguistiques sont donc globalement atteints car à l’oral, les exigences
sont moins élevées qu’à l’écrit. L’écoute des enregistrements a posteriori semble être le
moyen le plus efficace de cibler les difficultés, pour ensuite y trouver des réponses.
Les différents moyens que j’ai dû mettre en œuvre pour aider les élèves à surmonter
leurs difficultés ont fait apparaître chez eux des compétences que je n’avais initialement pas
prévu de développer. Ces compétences sont devenues nécessaires lors des deux dernières
phases de ma progression.
40
2.1 – Les compétences pragmatiques
- Lorsque j’ai proposé aux élèves de toute la classe de réfléchir à leur histoire avant de la
produire, je les ai conduits à élaborer leur propos en fonction des données qui étaient à leur
disposition. Ceci développait chez eux la capacité à adapter leur énoncé à la situation de
communication, une compétence nécessaire dans la vie courante. Un énoncé ne peut atteindre
son but s’il ne prend en compte ni la situation dans laquelle il est produit, ni les interlocuteurs
à qui il est destiné.
- Lorsque j’ai demandé à plusieurs élèves d’inventer une histoire à partir des mêmes cartes, un
échange entre les élèves s’est produit : certains ont repris les idées des autres pour les
compléter avec les leurs, d’autres ont proposé une fin différente pour une même histoire. Ceci
a contribué à une élaboration collective de l’énoncé plutôt qu’à une élaboration individuelle.
D’autre part, ces nouvelles dispositions ont fait que les élèves se sont sentis plus écoutés :
toute la classe ayant réfléchi sur les mêmes cartes, ils essayaient de se démarquer et tentaient
de mieux articuler les étapes de leur histoire.
3 – Bilan
41
3.1 – Un prolongement possible : le passage à la production écrite
Les programmes pour le cycle II recommandent une étroite articulation entre langage
oral et langage écrit. Dans la situation que j’ai présentée, cet objectif national n’apparaît pas
clairement. Toutefois, la progression que j’ai élaborée conduit à cette articulation. C’est la
durée du stage qui ne m’a pas permis de passer de la production orale à la production écrite,
qui est la suite logique des activités que j’ai menées jusqu’à lors.
Une réflexion est nécessaire si on veut effectuer une articulation cohérente entre oral
et écrit. Il s’agit d’analyser en quoi cette situation d’apprentissage de l’oral peut contribuer à
la production d’écrits narratifs.
a – Les apports du jeu de tarot des histoires pour l’entrée dans l’écrit :
La situation d’apprentissage de l’oral mise en place à partir de ce jeu constitue un
moyen efficace pour les élèves de se représenter le type d’écrit à produire.
Sur le plan discursif, elle a permis aux élèves de :
se représenter l’enjeu du type narratif : raconter
faire les principaux choix énonciatifs liés au type narratif : choix du point de vue adopté,
détermination de la situation d’énonciation et adaptation du discours à celle-ci.
se familiariser avec le schéma narratif et ses différentes étapes : ce sont les cartes qui
déterminent le contenu du texte
Sur le plan linguistique, les élèves ont fait des choix :
quant au système des temps à utiliser : même s’ils ne maîtrisent pas les emplois des
différents temps, ils utilisent un système cohérent dans leurs productions
quant aux connecteurs logiques et temporels : une liste de certains d’entre eux a déjà été
dressée. Complétée, elle pourrait devenir un outil utile à la production écrite.
b – Les limites de l’utilisation du dispositif pour la production écrite :
Il serait difficile de demander aux élèves de produire un écrit narratif directement
après le seul entraînement oral. Pour cela, il faudrait qu’ils soient capables de transférer à
l’écrit les compétences acquises à l’oral, un objectif bien trop ambitieux pour des élèves de
CP. Avant la production finale, ceux-ci doivent encore acquérir des compétences liées au type
d’écrit narratif.
- Le support matériel présente un certain nombre de limites :
les cartes du jeu présentent à la fois des éléments issus de l’univers contes de fées (les cartes
« princesse », « sorcière » ou « château ») et des éléments issus de notre quotidien (la carte
« faire de la moto »). Ceci n’était pas un obstacle aux productions orales mais tendait, au
contraire, à susciter l’imagination des élèves. Toutefois, afin de respecter le principe de non
42
contradiction avec le monde représenté, nécessaire à la cohérence textuelle††††, il faudrait
veiller à ne pas mélanger des éléments qui appartiennent à des univers différents. En effet,
ceci conduirait les élèves à confondre contes, récits et histoires. Il serait donc préférable de
choisir un texte narratif précis, le conte par exemple, et de s’y tenir en choisissant des
personnages lieux ou actions qui lui sont propres.
l’utilisation des cartes fait que les élèves font des erreurs dans la référence aux personnages.
Par exemple, lors de la première apparition d’un personnage dans l’histoire, ils n’emploient
pas un déterminant indéfini (« Un jour, une princesse… »), mais un déterminant défini (« Un
jour, la princesse… »). Cette erreur est systématique chez tous les élèves car elle est due à
l’existence des cartes : après quelques séances seulement, les élèves sont familiarisés avec ces
cartes et ils les reconnaissent au premier coup d’œil. Pour eux, il ne peut donc y avoir qu’une
seule princesse dans l’histoire. A l’écrit, il ne faudrait pas que cette erreur persiste : l’écoute
des enregistrements serait sans doute un bon moyen de l’identifier et d’y apporter des
réponses.
L’utilisation du dispositif n’a pas permis d’identifier les caractéristiques du type narratif qui
sont propres à l’écrit :
la mise en texte n’a pas été vue : la disposition en paragraphes, l’utilisation de la ponctuation
devra être observée sur des exemples avant la production finale.
la mise en mots sera une étape difficile : les élèves de CP sont en cours d’apprentissage de
l’écriture. Ils sont donc loin de maîtriser les formes écrites des propositions qu’ils font à
l’oral. Le transfert entre oral et écrit sera très délicat avant la fin du CP et la correction
orthographique ne sera en aucun cas un critère d’évaluation retenu. La production écrite sous
forme de dictée à l’adulte serait sans doute une solution pertinente à ce problème.
La situation d’apprentissage de l’oral narratif constitue entrée dans l’écrit originale et
intéressante. Toutefois, elle doit être complétée par un travail sur la langue auquel elle ne
saurait se substituer.
††††
selon Michel Charolles, quatre règles fondamentales sont à respecter pour un bonne cohérence textuelle : a
règle de progression, celle de répétition, celle de relation et celle de non contradiction.
‡‡‡‡
cf. page 35
43
En cycle II, j’ai donc eu l’occasion de mettre en pratique les enseignements tirés. Il me
semble que ceux-ci m’ont aidés à programmer les apprentissages sur une séquence suivant
une progression, à élaborer une situation plus riche, offrant des perspectives d’évolution plus
larges (articulation oral/écrit) ainsi qu’à organiser et gérer la classe de façon plus efficace
Ce nouveau dispositif possède tout de même ses limites : les compétences sont en
cours d’acquisition seulement et n’ont pas été évaluées.
CONCLUSION GENERALE
« C’est en parlant qu’on apprend à parler », mais pas seulement ! La réflexion dont
rend compte ce mémoire montre que la construction des apprentissages de et par l’oral
nécessite d’être pensée et programmée par l’enseignant dans une logique de complémentarité.
Lors de mon premier stage en responsabilité, j’ai eu l’occasion de mettre en pratique
un dispositif didactique susceptible d’encourager les élèves de maternelle à prendre la parole.
L’émergence d’un certain nombre de difficultés, ainsi que leur analyse, m’ont contrainte à
remettre ce dispositif en question. C’est alors que, par un appui sur des références théoriques
ne perdant pas de vue le contexte de la classe, j’ai pu concevoir et mettre en œuvre des outils
permettant une meilleure articulation entre oral pour apprendre et oral à apprendre. Après une
44
seconde analyse critique et la mise en évidence des limites du nouveau dispositif, j’avais entre
les mains des moyens de renouveler l’expérience, lors de mon second stage en responsabilité.
C’est dans une classe de cours préparatoire que j’ai pu réinvestir les enseignements
tirés de ma première expérience. Une seconde mise en pratique m’a permis d’une part
d’affirmer et parfois d’infirmer la validité des outils et démarches que j’avais élaborés et
d’autre part de pousser ma réflexion plus avant, notamment vers une perspective de
programmation des apprentissages sur le cycle II.
Ma réflexion sur l’enseignement de l’oral n’est que partielle mais en me permettant de
réfléchir à la manière de concevoir des situations d’apprentissage, elle a assurément contribué
à ma formation initiale.
A l’avenir, j’aimerais avoir l’occasion de mener une nouvelle réflexion sur les
modalités de l’enseignement de la prise de parole en cycle III, particulièrement dans le cadre
du débat citoyen.
45
BIBLIOGRAPHIE
46
ANNEXES
47
ANNEXE 1 :
Domaine disciplinaire Sujet Niveau Date Durée
Le langage au cœur des Présentation d’un nouvel
apprentissages outil de la classe : « La MS/GS 22/11 20’
Vivre ensemble boîte à paroles »
Les programmes :
L’apprentissage du langage est le cœur des activités de l’école maternelle. L’enseignant accompagne l’action : il
parle avec chaque enfant, chaque jour, dans des situations claires et explicites.
Apprendre à vivre ensemble est l’un des principaux objectifs d’une école maternelle qui offre à chaque enfant le
cadre éducatif d’une collectivité structurée par des règles explicites et encadrée par des adultes responsables.
Les compétences à acquérir en fin de cycle :
Etre capable de :
- respecter les règles de vie commune et appliquer dans son comportement vis-à-vis de ses camarades
quelques principes de vie collective.
- répondre aux sollicitations de l’adulte.
- participer à un échange collectif en acceptant d’écouter autrui, en attendant son tour de parole et en
restant dans le propos de l’échange.
- utiliser un langage en situation mais aussi une langage d’évocation
La séance :
Objectifs :
- présenter un nouvel outil de classe aux élèves et leur donner envie de l’utiliser
- les inciter à de prises de paroles quotidiennes organisées tout en respectant, au début,
leur spontanéité
Etapes :
1. Présentation de l’outil (10 min)
- montrer la boite (apportée par la marionnette ?) aux élèves, la faire décrire, la faire toucher
(NE PAS L’OUVRIR !)
- Qu’y a-t-il écrit sur cette boîte ?
en utilisant les mots outils de la classe ainsi que les prénoms (1e lettre…) on doit parvenir à
reconnaître les mots qui sont inscrits dessus : « LA BOITE A PAROLES »
- A quoi cela peut-il servir ?
émission d’hypothèses quant à son utilisation
validation par l’enseignant : expliquer à quoi elle va servir
48
ANNEXE 2 :
LA SEANCE :
- produire un court énoncé oral (une ou plusieurs phrases), en utilisant un support imagé
(cartes de tarot donnant le thème, les protagonistes et les actions structurant le propos)
- écouter les autres, suggérer une amélioration et accepter le point de vue d’autrui.
Le déroulement de la séance :
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ANNEXE 3 :
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PRENDRE LA PAROLE.
APPRENDRE LA PAROLE.
APPRENDRE PAR LA PAROLE.
Résumé du mémoire :
un oral à apprendre. Dans le récit de deux expériences vécues lors de mes stages de
formation, l’un à l’école maternelle et l’autre en cycle deux, je fais part des réponses que j’ai
Mots clés :
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