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IV
^-1
L'ESPRIT
DROIT ROMAIN.
DÉPOSE.
l-TY
L'ESPRIT
DE ACTEUR
TRADUIT SUR LA 3« ÉDITION AVEC L'ACTORISATIOS
L'
PAR
0. DE MEULENAERE
Juge au tribunal de première instance à Bruges
DEUXIÈME ÉDITION
TOME III
PARIS
A. MARESCQ, Aîné, éditeur
20, rue Soufflot et 17, rue Victor-Cousin
MDCCCLXXX
A. lAiiOT
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BIBLIOTHECA
îH35
(Suite).
TITRE III.
matière.
V intuition juridique ; —
ensuite, le talent d'opérer à l'aide des
notions du droit, la faculté de transformer tour à tour l'abstrait
et le concret, le coup d'œil et la perception nette des principes
du droit dans les espèces proposées (diagnostic juyndique) , en un
mot Y art juridique. Ces deux
: qualités réunies forment Véduca-
tion juridique. C'est elle, et non point la masse des connaissances
qui distingue le juriste de l'homme du monde; c'est elle, et non
point le degré du savoir, qui fait la valeur du premier. On peut,
avec un savoir modéré être un juriste distingué, comme on peut
aussi, malgré des connaissances fort étendues, n'être qu'un ju-
riste médiocre. L'exemple de certains savants théoriciens en est
8 LIV. IL — I^ PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
doit les faire. J'ai plus appris en un certain sens , dans Hegel , Stahl et
Ti-endelenburg ,
que dans une foule de livres purement juridiques ;
mais
quant à la technique du droit le philosophe de profession doit l'apprendre
du juriste de profession, s'il ne veut s'exposer à de grossières méprises
sur des objets d'importance ; ou plutôt il doit subordonner son jugement
à celui du juriste car , le jugement ne peut réellement être acquis en cette
{*) Par ex. lorsqu'un débiteur paie à une tierce personne sur l'ordre de
son créancier, le juriste voit là, d'abord un paiement du débiteur à
son créancier (réalisé entre les mains du tiers), et ensuite l'acte juridique
même aspect (^). Dans tous ces cas cependant, il ne s'agit pas
de conceptions particulières aux juristes romains, mais de con-
sidérations et de décisions d'une nécessité logique si impérieuse
en droit, que toute autre jurisprudence aurait dû y aboutir
de la même manière.
La conception du juriste et celle de l'homme du monde sont
donc choses essentiellement différentes. On a fait un reproche
à la jurisprudence de cette différence qui est un fait historique
(acte qui peut êti'e également une solutio, ou une donation, ou un prêt, ou
tout autre) ; L. 44 de solut (46-3): In numerationibus aliquando evenit, iit
u)ia nianeratione duae obligotiones tollantur wio niomento. C'est à des cas
pareils que se rapporte la remarque du juriste dans la L. 3, § 12 de don.
i. v. et u. (24-1) : celeritate conjvngendarum inter se actioman imam actio-
iiem occidtari.
(^) Ainsi lorsque le locataire achète du locateur la chose louée, il s'opère
ou produit, et non
portequ'àlaJî(r/sp?n(c^c'«C(?, à ce quelle a créé
aux matériaux qu'une autorité extérieure lui a imposés et dont
elle ne peut être rendue responsable moins encore aux opinions ,
p. 29, s.)
les conditions, etc., qui sont décisives en cette matière, sont les
unes inhérentes, les autres étrangères au droit. Au nombre de
ces dernières il faut citer le degré de culture intellectuelle et
morale du peuple , le développement de l'idée de l'État et du
pouvoir public, la division sociale du peuple, le rapport du
pouvoir des diverses classes, et surtout la force morale dont
du droit auprès de ce peuple. La justice
jouit l'idée paraît-elle
au peuple chose élevée et sainte, ou n'est-elle pour lui, qu'un
18 LIT. II. — I*^ PAET. — TITRE III. — TECHNIQUE.
toutes ? Tel était le cas à Rome vers la fin de l'empire tel est ,
BIBLIOTHECA
pJiilosophi ,
quatenus raiione et intelligentia. Assurer et faciliter
portée l'application
, même du droit laissera à désirer, lors même
que le sujet y déploierait toute son activité et toute sa pénétra-
tion. L'intérêt du juge et celui du commerce juridique marchent
ici de pair. Il est donc fort important pour la pratique de
rechercher si le juriste peut facilement se rendre maître de la
matière du droit.
La simplification quantitative et qualitative, voilà la for-
mule au moyen de laquelle le juriste conquiert le domaine
intellectuel sur le droit : elle résume toute la tâche de la techni-
que juridique dans cet ordre d'idées.
L La simplification quantitative tend à diminuer la "tuasse
(') Que de mots ne faudrait-il point, p. ex., pour traduire dans le lan-
aux gens du monde l'intelligence du droit, repose sur une pieuse illusion.
Remplacer les expressions latines : cidpa, dolus , etc., par des mots fran-
çais, ne facilite en aucune manière l'intelligence du droit aux bourgeois
et aux paysans ; il ne s'agit pas , en effet , de comprendre des mots , mais
des idées. Le paysan qui ne comprend pas une formule algébrique, bien
CHAP. I. — SECT. — 2. A. BUT DE LA TECHXIQUE. § 43. 25
que celles d'une langue vivante. Le sens dans lequel la science emploie
les mots de la langue maternelle , sera et doit nécessairement être souvent
autre que celui dans lequel les emploie la vie. Le motif en est que la
plus simples, que l'esprit humain ait jamais faites. Vingt qua-
tre signes nous assurent l'empire sur un trésor inépuisable, et
d'autant plus nécessaire qu'il s'y révèle une des tâches et une
des opérations les plus importantes de la technique juridique.
Le phénomène dont il s'agit ici, et dont nous pourrions trouver
une série d'exemples, non seulement dans l'histoire du droit
romain, mais dans celle d'un droit quelconque, consiste en ce
qu'une idée abstraite, au moment où elle se produit pour la
première fois ne se montre qu'en un point isolé, que l'on pour-
,
dire de l'influence que peuvent exercer sur la production d'une règle géné-
rale un rapport ou un intérêt particuliers. Le motif historique de l'intro-
duction des codicilles nous est indiqué par Justinien . ce fut l'absence
(pr. Inst. de codicil. 2. 25.. iwoptcr magnas et longas i^regrinationcs) ]
sur l'esprit d'une manière inconsciente , mais qui n'en est pas
moins efficace: avant même qu'elle soit reconnue, sa puissance
a été éprouvée et s'est déjà imposée. Aussi les idées atteignent-
elles infailliblement Tlieure où Ton se demande : pourquoi
dominent-elles ici seulement, et pourquoi ne règlent-elles pas
tel autre rap^wrt complètement homogène ? Le temps arrive
où le cercle restreint de leur action primitive étonne autant que
la tentative de les admettre, même avec les plus grandes
restrictions, pouvait au moment de leur irruption, paraître
impossible ou étrange.
Je veux expliquer ce que j'avance par un tableau d'exemples
puisés dans le droit romain. La colonne de gauche désigne les
idées dans la généralité qu'elles ont fini par acquérir; la colonne
de droite indique leur point d'irruption, les rapports juridiques
dans lesquels, restreintes encore, elles ont apparu pour la pre-
mière fois dans l'histoire.
(") Lorsque, plus tard, le droit romain eut sa source dans les rescrits
des emjiereurs, le danger d'une généralisation exagérée, c'est-à-dire d'une
CHAP. I. — SECT. 2. — B. 1. ANALYSE, § 44. 35
de même en droit ,
pour les i^hases iwimitives (T. I, p. 32).
Le droit écrit non plus n'est là qu'une indication très peu cor-
C^) C'est le cas de laL.44 in f. de sol ut. (46-3}.. damnatus alicid i-endcre.
38 LIV. II. — I*^ PART, — TITRE III. — TECHNIQUE.
résultat final).
CHIP. I. — SECT. 2. — B. 1. ANALYSE, § 44. 41
~f
2. Concentration logique.
dédier cette remarque à tous les philosophes du droit qui ne sont pas
juristes : l'appréciation même purement morale d'un droit déterminé
n'est pas possiljle sans la connaissance de la technique. Pour cacher le
moi organique. Vins l'idée est confuse, plus la chose est organique. Un
jeune savant de mes amis , le professeur Yan Krieken malheureusement
,
centre. Plus elle en est éloignée, plus long est le chemin à par-
courir, c'est-à-dire plus est longue et compliquée l'exposition
de l'objet en discussion. Chaque pas qui la rapproche du centre
rétrécit le cercle, abrège la voie; en d'autres termes, le nombre
de ses préceptes diminue, leur contenu augmente, jusqu'à ce que
parvenue au centre même, elle embrasse toute la masse de la
matière en un seul et unique principe.
La découverte finale du principe a une importance capitale
pour la science, mais ce n'est pas seulement parce qu'on y trouve
réunie et concentrée toute la matière juridique déjà existante,
mais aussi parce que le principe une fois trouvé et reconnu
devient lui-môme la source de règles de droit nouvelles. Ces
règles, ce sont toutes les conséquences que ce principe entraîne
et qui étaient restées ignorées. Ce n'est que lorsqu'une idée a
été conçue et acceptée sous son véritable aspect ,
qu'elle acquiert
reposent sur une seule et même idée ('*). L'usucapion est accom-
plie dès lecommencement du dernier jour du délai, — voilà la
règle — la prescription n'est acquise qu'à la
;
seulement de fin
C^)'
Que l'on prenne par exemple la question de savoir si l'extinction de
l'obligation par le concours de deux causes lucratives contient une singu-
larité ou une conséquence de l'essence de l'obligation. V. sur ce point.
G. Hartmann, die Obligation, p. 5,6, 13.
,
(^^) L. 34, pr. Mand. (17-1)... nuinmi, qui mei crant , tui fiunt.
,
48 LIV. II.
jo PART. TITRE III. — TECHNIQUE.
3. Construction juridique.
elles ont leurs missions et leurs buts; pour les réaliser elles
ont leurs forces et leurs qualités particulières, etc. Je les
(2*) La conceptiou ci-dessus, qui m'a valu de vives attaques, n'a pas été
inventée pai" moi; je l'ai seulement le premier poussée dans ses dernières
conséquences. On en trouve des traces chez d'autres, bien longtemps
avant moi, par exemple chez Savigny, Ueber den Beritf miser cr Zeit...,
3 édit., p. 29 : « Les notions sont devenues pour les juristes des être réels,
(^=) Voici quelque sources que le lecteur peut cousultcr pour les explica-
tions qui suivent. Le corps juridique a dans le langage des juristes romains
sa nature déterminée : natitra, par exemple la servitude, L. 32, § 1 de S.
(2fi)
En droit romain par exemple, la traditio brcvi manu, le coustitut
{") Tel est, notamment, son caractère dans Vhereditas jacens. Ici encore
le sujet est indéterminé et la personne juridique n'est qu'un chaînon
intermédiaire entre la personne pliysicpie et le patrimoine. Je reviendrai
plus loin sur ce point de vue. V. T. IV, § 65, 71.
58 LIV. II. — F' TAIIT. — TIÏEE III. — TECHNIQUE.
manquée est sans valeur aucune c'est un travail perdu. Nul de ceux qui
,
n"est que trop disposé par suite , à ne voir dans le fruit de recherches
poursuivies pendant des années, qu'une richesse obtenue sans peine dans
une heure de bonheur. Un seul mot souvent peut amener une solution, et
le mot prononcé, le résultat paraît si naturel et si simple qu'il semble que
chacun aui'ait pu le trouver. On songe involontairement à la solution d'une
énigme, qui , on le sait , une fois trouvée, paraît toute autre que lorsqu'on
la cherchait. Il n'est pas aussi aisé de deviner nos énigmes du droit civil :
(^^) La FiCTio lefjis CoDieîiae est un exemple bien connu d'une construc-
tion législative de l'époque ancienne du droit romain ;
pour l'époque
postérieure, je citerai la disposition de Zenon sur la natui-e propre du
contrat empliythéotique. Mais en général on ne peut adresser à la législa-
tion romaine juscju'à Justinien le reproclie de pareilles incursions sur le
terrain de la science. Justinien au contraire, poursuivait, comme on le
Redit. Leii)2ig, 1865, p. 14, 17. Unger, Systetn des ôsterr. privât Eechts,
I, p. C08) ; la conception de la possession comme droit réel. (Randa, p. 27);
la possession tabulaire, (id. p. 43); le titulus et rnodus acq^drendi. (Ungee,
II, p. 11) ; la tradition symbolique. (Rakda, p. 119, ExNEK,i)/e Lehre vom
Reclitsericerb durch Besitz nacli ôsterr. Recht. Vienne, 18G7, p. 167 ?.) ;
lois anciennes comme dans les lois nouvelles il y a encore beaucoup à faire
sous ce rapport. Rien de plus dangereux que d'attacher une foi absolue
aux termes dont elles se servent. Ainsi elles emploient souvent le mot
possession, là oîi il s'agit du droit au transfert de la possession. (Y. Stobbe
dans la Revue d'iHERiNG, XV, j). 234); elles parlent d'un transfert de la
j}ropriété de la cliosc vendue dès la conclusion de la vente , alors qu'elles
n'ont en vue que le transfert du péril de la chose, et qu'au fond, elles ne
visent la propriété que comme argument ou moyen pour établir cette der-
nière règle.
CHAP. I. — SECT. 2. — B. 3. CONSTRUCTION. § 46. 63
ces deux personnes — car une qualité sans sujet n'existe pas.
Or, il résulte de là que l'obligation doit s'éteindre par la mort
du créancier ou du Cependant il n'en est pas ainsi
débiteur.
en pratique. Dès lors il abandonner la conception
faut ou bien
dont il s'agit, ou bien considérer les personnes comme perma-
nentes. C'est cette dernière voie qu'ont suivie les juristes ro-
mains. Il n'y a pas d'autre issue : toute autre hypothèse ne
pourrait consister qu'à se contenter du simple fait de la conti-
nuation de l'obligation, et devrait renoncer à mettre ce fait eu
harmonie avec la notion de l'obligation. Ce serait là une ban-
queroute scientifique, la décadence de toute jurisprudence
quelconque.
La jurisprudence admet que l'obligation s'éteint par le
étant encore pendante, etc. C'est ainsi enfin qu'ils exigent , lorsqu'un rap-
port est né dans un espace de temps quelconque , l'indication du moment
de la naissance, et qu'ils nient, par ex., très logiquement dans la L. 9,
bien que celle-ci s'incline devant lui ; les notions et les doctrines
qui ont existé jusqu'ici doivent être changées pour faire place ,
(*") J'ai donné une foule d'exemples au t. IV, § 70. Il s'en trouve quel-
ques autres dans Regelsberger, Zur Lehre vom Altersvorzug der Pfand-
rechte. Erlang, 1859, p. 7, note c; i)ar exemple, pour faire passer un
usufruit aux héritiers on n'a pas fait une exception à l'incessibilité, mais
on a eu recours à l'obligation d'en constituer un nouveau L. 5 pr. quib.
mod. usuf. (7-4).
G8 LIV. II. — 1*^ PART. — TITEE III. — TECHNIQUE.
(") Je rappellerai par exemple \e jactus missilimn (V. la note 38). L'an-
cien dogme porte aucun : acte juridique ne peut être dirigé in pei'sonatn
incertam. Pour maintenir cette prohibition, il ne restait qu'à décomposer
le jactus missilium en déréliction et occupation. Mais cette conciliation
était forcée : elle violait la volonté du jacens qui avait en vue non une
déréliction, mais une cession. La jui'isjirudence postérieure rendit ici un
hommage à la vérité, en admettant une traditio in incertain personam , et
(**) Cette aj)préciation se fait jour même chez les juristes romains ;
signification i^'^).
(*3) Voici, par exemple, des règles adoptées par les juristes romains pour
la construction juridique, et imitées de la nature : ce qui est venu à cesser
ne peut jdIus reprendre son ancienne existence ; ce qui est arrivé ne peut
plus être changé (par exemple, L. 2 de resc. vend. 18-5 : perrre non potitit
quod qîùs nondum habuit; L. 26 pr. de usuf. leg. 33-2) ; la cause et l'effet
on a même
voulu y voir de véritables constructions. L'on ne
saurait contester du reste qu'elles ne soient habilement choisies,
et ne donnent à l'intelligence des points d'appui très utiles.
fait la mémoire ;
elle les aj^erçoit tous en même temps et dans
tout leur ensemble. Cela suppose l'existence d'un pareil ensem-
ble, un et objectivement perceptible. Or, cette perceptibilité
objective est précisément acquise, pour le droit, par le système.
Dans le système, en efî'et, la matière a pris un état organisé,
elle s'est groupée et réunie en corps plastiquement modelés.
Chacun de ces corps comporte une somme de règles du droit :
Ce ne sont à vrai dire, que des questions que nous lui adressons,
mais la question est le premier pas vers la connaissance elle est ;
Section 1. — La jurisprudence.
résolue dès les premiers pas que l'on fait dans rancieii droit
ne fut-ce que pour pouvoir parler de juristes de l'époque an-
cienne, mais je ne pose la question que d'une manière toute
superficielle; je demande uniquement: le droit ancien connais-
sait-il le juriste et l'homme
déjà la différence eo^térieure entre
du monde, y d'hommes dont la profession
avait-il une classe
consistait dans la connaissance et l'application du droit ? Faut-il
leur refuser le nom de juristes dans le sens propre {^'^) ? Leur
science et leur pouvoir méritent-ils le nom de juridiques ? Nous
ne pourrons répondre qu'à la fin de ce chapitre, c'est-à-dire
lorsque nous aurons vu quels sont leurs travaux.
n PccHTAinst.jt. I, §77.
,
TOME III.
82 LIY. II. — 1° PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
étaient bien sous les yeux de chacun , mais c'étaient les Pontifes
ainsi que les papes ont défendu la lecture des Ecritures. » Yierzig
(")L. 2, §6deorig.jur.,(l-2).
CHAP. II. — SECT. 1. — JURISPr.UDEXCE. § 47. 83
seul maître.
La connaissance de la pratique antérieure, était une partie
fondamentale de cette discipline juridique 'pontificale. Le ter-
rain était favorable pour le développement d'une pratique con-
stante. L'observation est à peine nécessaire : la pratique se
transmettait au moyen de traditions écrites et orales, dont le
dépôt ne sortait pas du cercle des membres du collège. Le peu-
ple pouvait et devait facilement perdre le souvenir d'espèces
et de décisions importantes : dans un collège ce souvenir se
fixait , et se transmettait d'une génération à une autre (^^). La
doctrine proprement dite , c'est-à-dire la théorie du droit ébau-
chée par les Pontifes eux-mêmes formait la seconde partie essen-
tielle de cette discipline pontificale. Le côté religieux du droit
devait fatalement les amener à élaborer une théorie particu-
lière , indépendante du , droit. La puissance législative du peuple
vrai sens du mot ils ont été si bien les dignes prédécesseurs des
:
(^^) Des écrivains postérieurs font remonter les legis actiones jusqu'aux
livres des Pontifes. V. Ciceron de orat. I, 43. (Leist, Versuch einer Ge-
schichte der rômischen Rechtssy sterne, p. 15) et Valerics Probus de notis
antiquis. Ce dernier auteur identifie complètement les momcmoita ponti-
ficutn, (§ 1) avec les legis actiones, (§ 4). V. sur ce point Th. Mojimsen
dans son édition de cet auteur, contenue dans les bulletins àelaSâchs.
Oesellschaft der Wiss.; classe d'histoire et de philologie, 1853, p. 131,
[tiré à part à Leipzig chez Hirtel)
,
(60j Verha certa , soleiinia, légitima. Y. les textes à l'appui dans Bkis-
SON de voc. ac form. Lib. I, c. 181, 191 et ailleurs, par exemple, dans
Festus sub v° fanum :.. ccrta verba. CiCEKO pro donio c. 47.. solennibus
verbis.
CHAP. II. — SECT. 1. — JUEISPEUDENCE. § 47. 87
("') Par exemple, la formule sire deus sire dea es et seu quo alio nomine
appellari volueris. Brissox, l. c, c. 89.
(62) Ambroscu, Die Romer, p. 29, 30. De là la
Rcli(jionsbil:her der
fixation préalable par le Pontif. Maxim, des formules à appliquer par les
employés civils, (par exemple, dans le votum public, dans la devotio, dedi-
catio, etc.). (Brisson, c. 181 , c. 192 et ailleurs), l'adjonction d'un cmtos.
(Pline, hist. nat., XXYIII, 3).
("') Le passage classique sur ce point se trouve dans Pline , liist. nat.
XXXVIII ,
3-5.
large, qui trouva son application plus tard clans une foule de
cas, en droit civil.
(") L. 28, § 4 de stip. serv. (45-3) :.. lieredis famitia ex movtis tempore
funesta facta intelligitur. Tel est l'argument sur lequel est basée , dans ce
texte, l'idée de l'effet rétroactif de l'adition d'hérédité, en droit civil. Il
mentionné ici (et dans 159 ibid.) appliqué à la fdle : famulam voveo.
(") Servius ibid. ,111, 117. Une analogie entre cette discipline et le
droit c'est que les auspices (Gellius, III, 2, 10) et le testament, (L. 21
pr. Cod. de test. (6-23) devaient également être achevés en un seul ci
même jour.
92 LIV. II, — I^ PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
("*) PoMPONius paraît avoir eu la même idée lorsqu'il dit des le(jis
(*') Ainsi disparaîtrait le doute exprimé par Gaius, IV, § 20 : qi< are
qu'en Tan 452 , trois ans a])rès la publication des legis actiones
teur se i-eprésente donc le collège des Pontifes comme une pépinière, une
C'est dans ces limites que le juriste intervenait dans les débats
devant le juge. En dehors de ces cas, le imtron, c'est-à-dire
du débat. Lorsque le juge était lui-
l'orateur, restait seul maître
même étranger au droit, on comprend que le fondé de pou-
voirs n'avait guères besoin non plus de posséder des connais-
sances juridiques bien étendues. Sans éducation juridique
proprement dite en règle générale (^-), ses fonctions devaient
son client.
(96) Se basant sur la distinction faite par Cicekon pro Murena c. 9,
n'y a donc pas à s'occuper de cette division : tout au moins ne faut-il pas
p. 31 s.
CHAP. n. — SECT. — JURISPRUDENCE.
1. § 47. 105
(••") Copia jurisconsulti. Il arrivait rarement qu'il n'y en eût pas : rm'o
accipiendum est. L. 9, § 4, de jur. ign. (22-6).
('"') Cic. ad fani. VII, 13 [à Trebatius qui avait suivi au camp le clief
même aurait elle été possible , si à Rome, comme cbez nous, l'art
A. Le matérialisme.
ses abstractions. Les règles du droit qu'il met au jour ont néces-
sairement une forme substantielle qui ne retient des rapports
de la vie auxquels elles s'ap})liqucnt que les parties grossières
Le matérialisme.
Les lois et les idées d'une époque barbare rappellent les hom-
mes qui en sont les contemporains, êtres incultes, grossiers,
n'ayant d'yeux que pour ce qu'ils peuvent saisir avec la main.
CicERON (de o£f. IIL 17) définissant la différence des lois et
de la philosophie appliquées au môme problème : leges tollunt
astutias, quatenus manu tenere possunt, pliilosoplii, quatenus
ratione et intclligentia, a par ces premiers mots caractérisé com-
plètement le droit civil ancien de Rome. Tangibles, extérieures,
sensibles, visibles : telles sont toutes les notions du droit ancien.
Partout la forme extérieure prédomine sur l'idée ; les résultats
par25as("').
("") Ncct. Att., XI, 18, § 23 : meminisse debemus , furtum sine ulla
quoque attrectatione /ieri passe, sola mente et animo, i(t furtuni fiât
annit3nte.
("') Je n'ai trouvé nulle part une décision satisfaisante sur la distinction
entre les deux j)rcmiers cas. Ne j)eut-on invoquer les paroles de Festus :
TOMF m. 8
,
C^*) Le iDoint extrême que l'on pourrait atteindre dans cette voie serait
,
seul, à bon droit d'après moi et donnant un exemple digne d'être suivi,
('2''') Ainsi, par exemple, la mancipatio atteste que les Romains avaient
déjà traversé de bonne heure la période du commerce d'échanges que ,
la
nes sont le produit des époques de luxe , dans lesquelles les idées sur la
du droit.
réelles il n'est tenu compte que des fruits. Dans le droit nou-
veau, il est vrai, les avantages accessoires tombent aussi sous
la notion de fruit (comme fructus civiles) ('-'*), mais l'étendue
que naturelle qu'elle nous paraisse, n'en repose pas moins sur
une abstraction. Elle est un travail de la pensée seule, qui
échappe à tout contrôle des sens. Il en est tout autrement lors-
que c'est l'objet lui-même (cbose ou personne) qui est transféré;
on se trouve alors en présence d'un objet visible, dont le pas-
sage de l'une main dans l'autre peut être perçu par les 3'eux ('^').
tion peut porter sur la dation d'une chose corporelle comme sur
C^s) L. 2. quor. bon. (43-2). Y. aussi note 114 sur l'interdit fraudato-
riiini. Dans le droit de Justinien même Vimniîssio in possessionem ou le
pignics praetorimn est étendu aux créances. L. 1, Cod. de praet. pign.
(8-22).
^"'^) La prétention de celui qui avait été lésé par un délit ne tombait
l^as à l'origine sous le point de vue de l'obligation mais sous celui de la
vengeance, § 12.
('•") § 17. Inst. de act. (4 6) ... rei perseqitoidae caunn compnrctae vidcn-
tur vehiti ... commodati, depositi, mandati, pro socï'o, etc.
CHAP. II. — SECT. 2. — B. DirORT. DES IMOTS. § 49. ] 29
celle-ci.
Le mot, le mot écrit aussi bien que le mot solennel parlé (la
^i39j
On trouvera une foule de matériaux rassemblés dans l'ouvrage
connu deBRTSsoy, de vocibus ac formulis.
('<") La loi des XII tables contenait des dispositions pénales contre ceux
qui usaient de magie pour nuire aux récoltes. Plixè, Hist. nat. XXVIII,
2, 4 : qui fruges excantasset. Sur la puissance mystique attribuée au mot,
V. surtout le passage classique de Plixe, H. X. XXYIII, 3-5. Même à
l'époque postérieure, les incantations jouèrent un grand rôle. V. par
exemple, Apulée (éd. Bip.) Metam. I, p. 10, de Magia oratio II, p. 52,
dencc, pour exalter l'art oratoire, ce qui lui inspira, de son propre aveu,
sa fameuse diatrilie contre les juristes, dans son discours 2oro Murena, un
lettré enfin, comme l'appelle Mom.msen, devait doul dément haïr cbez les
juristes ce clioix laborieux et méticuleux de l'expression.
132 LIY. n. — I*" TART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
l'interprétation littérale.
Il est deux manières de s'exi^liquer comment le mot sert
d'intermédiaire à Fécliange des idées. C'est dans cette diffé-
rence que se trouve l'origine de cette double espèce d'interpré-
tation juridique que l'on nomme (mais inexactement) interpré-
tation grammaticale et logique ('^-).
sion l'indique fort bien. Les mots sont pour elle ce qu'ils ne
sont pas, ce qu'ils ne peuvent jamais être, c'est-à-dire la pen-
sée elle-même devenue visible et objective. L'interprétation
logique, au contraire, se conformant à la véritable essence de
la communication des idées, passe au-dessus des mots et se
transporte dans l'âme de celui qui parle. Elle va chercher la
pensée jusque dans son foyer, pour ainsi dire. L'âme de celui
qui parle , voilà le théâtre de son activité. Le théâtre de l'in-
terprétation grammaticale , c'est le mot nu. Pour celle-ci tout ,
ce qui n'est pas dans les mots, ce qui ne s'y est pas incorporé,
n'existe pas. Elle s'en tient, comme on dit habituellement, à la
lettre morte; morte, parce qu'elle ne lui sert pas pour repro-
duire la pensée de celui qui parle, et l'appeler à une existence
nouvelle. Elle n'a souci que de traduire les mots, comme tels,
pas au mot une fonction ni une valeur autres que celles qui lui
sont propres. Si le point de départ de l'interprétation gramma-
maticale, que la pensée comme telle peut être rendue, était
exact, elle mériterait assurément et à tous égards la préférence.
Eu effet, sans compter le travail moindre qu'elle exige de l'in-
terprète ,
elle présente l'avantage d'un résultat immédiat et par
cela même celui d'une plus grande sûreté. Avec l'interprétation
grammaticale, pas de recherches à faire, nulles conclusions ou
déductions artificielles à tirer : elle s'en tient fidèlement à ce
qui tombe immédiatement sous sa ])ortée, au phénomène exté-
rieur; — et dès lors tout cet avantage apparent
Mais ce dernier
de la sûreté vient à s'évanouir — est souvent trompeur, douteux,
inexact; le mot, comparé à la pensée, est tantôt trop large,
tantôt trop étroit, et en fin de compte cette sûreté favorise aussi
bien l'erreur que la vérité.
On comprend maintenant que l'interprétation grammaticale
précède partout, historiquement, l'interprétation logique. Il
peut paraître étrange, mais il n'en est pas moins vrai cepen-
dant, que les époques qui s'en tiennent le plus rigoureusement
136 LIV. II. — I^ PART. — TITRE IH. — TECHNIQUE.
aux mots sont précisément celles qui sont le moins versées dans
la science des mots. Elles sont par cela même impuissantes à
réaliser la première de toutes les conditions de l'interprétation
grammaticale, c'est-à-dire, à faire que les mots contiennent la
terprétation littérale.
Nous distinguerons l'interprétation des actes juridiques et
Pour l'interprétation en elle-même, il est vrai, il
celle des lois.
importe peu que ce soit une loi ou un acte juridique qui en
fasse l'objet, et cette considération m'a longtemps engagé à les
quani verba.
CHAP. IL — SECT. 2. — B. IMPOET. DES MOTS. § 49. 137
CiCERON ('**), c'est d'un côté une lutte de mots, une iniquité,
un droit rigoureux, astucieux, ouvrant le champ à la chicane;
c'est de l'autre côté le respect de la véritable intention du con-
tractant, c'est le droit équitable.
Le droit ancien ignorait cette distinction. Les rapports juri-
diques susceptibles d'une interprétation logique, n'ont été
pourvus d'actions qu'à l'époque postérieure. Reconnu pour les
('**) pro Caecina, c. 23 : Si contra verbis et literis et iit dici solet suinio
Tout ce qui est voulu doit être dit expressément ; nulle con-
sidération pour une volonté non exprimée, pleine valeur au
contraire à ce qui est dit mais non voulu dans toute son étendue,
lors même, que dans l'un comme dans l'autre cas, le désaccord
entre le mot et la volonté peut être établi avec la plus entière
certitude, lors même que l'adversaire en a eu connaissance:
veau droit.
('«) L. 19 dehered. inst. (28-5). L. IG , § 1 de vulg. et pup. subst.
(28-6). D'après la plupart des cours de Pandectes nouveaux et même
d'après celui de Puchta, (§ 473, note c), ce molèle d'interprétation litté-
(i52j
Par exemple , les intérêts moratoires , l'obligation à la diligentia,
Préteur.
Au reste , tous ces inconvénients, étaient en réalité bien moins
graves qu'ils ne paraissent. Lorsque un seul mot peut dicter la
décision, l'intérêt personnel ou celui d'autrui l'ont exercer sur
les mots un contrôle plus sérieux, que lorsque leur emploi ne
(131) Ordinairement on ne parle (Véluder que i^ar rapport aux lois , d'a-
près les sources c'est observer les mots en contrevenant à la volonté réelle
de la loi, par exemple L. 29, 30 de leg. (1-3).. in fraudem qui salvis vet^bis
amplexiis contra legis tiititur voliintatetn , mais il est évident que cette
espèce de fraude peut s'appliquer tout aussi bien aux actes juridiques, elle
est une conséquence inévitaLle de l'interprétation littérale. V. L. I , § 3
de dol. exe. (44-4). Et quidem dolo fit tam in contractibus quam in testa-
C'^'"')
La plupart des fragments d'anciens jurisconsnltes qui nous ont été
conservés dans les écrits d'auteurs plus récents contiennent des explica-
tions philologiques; v. la collection de ces fragments dans IIuschke,
Jurisp. antej., p. 1 , s.
CHAP. II. — SECT. 2. — B. IMPORT. DES MOTS § 49. 143
('^') L. 6 de suis (38-16) , lex XII tabul. eiim vocat ad hcrcditutem qui ,
même ,
qu'il n'y ait pas de tuteur , ou que le tuteur soit frappé
d'incapacité. Nous dirions que du moment que la loi juge un
tuteur nécessaire, sa disposition doit être appliquée dans l'un
cas comme dans l'autre. La jurisprudence ancienne au contraire
s'en tenait rigoureusement aux termes de la loi : « 'personnes
qui n'ont pas de tuteurs) ('^^). Une personne, disait-elle, dont le
tuteur est fou ou autrement incapable, a un tuteur; par consé-
quent, il n'y a pas lieu d'appliquer la disposition de la loi. 11
Gaitjs, I, § 185 et les Institutes in pr. de atil. tut. (1-20) disent: si cid
NrLLUS omnino tutor siT.
(iG-2^
On n'a jamais essayé de l'établir scientifiquement, sinon on se
serait aussitôt aperçu de l'impossibilité de cette théorie. On la rencontre
cependant occasionnellement exprimée même chez nos meilleurs histo-
riens du droit. V. par exemple, Kellee, Pandekten , § 458, (1 édit.,
C*^) L. 29, § 1 de statul. (40-7).. Quonicim lex XII tab. emtionis verbo
OMNEM ALrENATlONEM C07nplexa rideretur, non interessct, quo génère qxdsqne
dominus ejits fleret.
("^*) L. 21 pr, de statul. (40-7)... sic et verba legis XII tabid. vetcrcs
interpretati sunt : si oqua ph'.ria nocet i. e. NOCERE POTERIT.
('«9} L. 120 de V. S. (50-lG)... sed id coakgcstatum est vel legum tel
,
rigoureux (p. 143 s.). L'argument tiré du mot moritur, pour con-
clure que l'héritier devait avoir vécu au moment de la mort du
de cujus n'était également qu'un prétexte ; la proposition con-
traire était parfaitement compatible avec les termes de la loi.
Dans le cas où les héritiers testamentaires faisaient défaut , on
rapportait même le mot, non à l'époque de la mort du testateur,
mais au moment de l'ouverture de la succession ab intestat. L'ex-
("') Gaius II, 54... posfea crecUtum est, îj;5«s hereditotes usucapi non
passe.
152 LIV. II. — 1° PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
fût pas laissé entraîner à j)orter la main sur des règles que la pratique a
établies pour elle-même, et pour lesquelles elle ne cliercliait dans les sour-
ces qu'un point d'appui extérieur quelconque, quelle que fût sa fi-agilité.
Tel est le cas, par exemple, à mon avis, pour Vactio spolii et le summa-
riisshnwn, que Savigny rejette avec tant de hauteur, et malheureusement
avec tant de légèreté. V. dans le même sens : Dellbrùck, Die dingllche
Klage des deutschen R-'chts, p. 83-91 ; Stobbe, Geschichte der deutschen
Rechtsqiiellen, II, p. 122, note 29; BiiHR, dans les Jahrbucher d'InERiNG,
T. 13, p. 284.
(•") Dans le passage bien connu : pro Mureua, c. 12... nam quum per-
multa praeclare legibus essent constit.ita', ea jurisconsultoritm ingeniis
pleraque corrupta ac deptravata sunt. Il convint lui-même plus tard que
ces mots avaient été dits apnd imp.^ritis.Y. de finibus lY, 27.
(") Gaius, IV, 30.
. ,
cienne se caractérise encore par cet autre élément qui lui est
propre, et dont j'ai déjà parlé : son attachement au point de vue
de la forme, aux lois existantes. Les Romains eux-mêmes en font
également la remarque (""). La jurisprudence n'osait pas encore
('") L. 2, § 5 de or i
g. jur. (1-2)... lioc jus quod sine scripto venit, com-
2)ositu)n a prudoitibus
("") Y. par exemple, Pomponius dans le passage de la note précédente
où il désigne le droit des juristes comme le résultat de Vinterpretatio.
('") Y. note 153.
CHAP. II. — SECT. 2. — B. IMPOET. DES MOTS. § 49. 155
auteur des rogations qui ont reçu son nom, avait éludé sa pro-
pre loi agraire , en émancipant son fils et en lui transmettant
la partie de ses possessions agricoles excédant la mesure de la
loi : il fut, comme le rapporte Tite-Live condamné d'après
('*"),
C. Le formalisme.
vata sunt.
('*'; L'exemple principal est fourni par la Lex Furia sur le montant des
legs; la loi n'abrogea pas la disposition de la loi des XII tables : vti legas-
sit, ita jus esta, par rapport au montant fixé jjar elle pour les legs, mais
elle l'éluda en frappant le légataire qui prenait plus, de la peine du qua-
druple. T. IV, § G2.
CHAP. II. — SECT. 2, — Cl. ESSENCE DU FORMALISME. § 50. 157
peut lui être comparée. Aucun principe matériel autre que celui
de la forme ne pouvait attendre une réalisation aussi large,
aussi absolue ; aucun élément du droit ancien ne s'est conservé
aussi longtemps ;
les formes romaines ont survécu à la liberté
romaine.
Il existe un rapport particulier entre ces deux idées fonda-
mentales du droit romain, la forme et la liberté.Malgré leur
contradiction apparente, — car Tune garantit la liberté la plus
illimitée de la volonté matérielle, tandis que l'autre la restreint
étroitement au point de vue formel, — elles trahissent cepen-
dant, par le parallélisme de leurs lignes de développement , leur
dépendance mutuelle et réciproque et laissent deviner un rap-
port caché qui les enchaîne étroitement. Le plus complet épa-
nouissement de l'ère de la liberté, marque aussi le règne de
la plus pénible rigueur dans la forme. La forme se relâcha de
sa sévérité, en même temps que sombrait insensiblement la
liberté, et sous les ruines de celle-ci, lorsque sous la pression
continue du régime césarien elle s'écroula toute entière à jamais,
on vit disparaître aussi les formes et les formules du droit
ancien. C'est déjà un fait qui doit nous rendre attentifs de voir
la forme disparaître précisément à l'époque où le bon plaisir
souverain s'était mis sur le trône, s'affirrnant ouvertement et
sans voiles comme principe suprême du droit public. Mais bien
mieux encore l'époque des empereurs byzantins, Toraison fu-
nèbre dont ils accompagnèrent la disparition de la forme, l'aver-
sion et le mépris qu'ils lui témoignèrent (^'^^), nous feront tou-
('*) L. 1, Cod. de forai, suhl. (2-58) (ann. 342) juris formidae aucupa-
TioNE SYLLABARUM L. 15, Cod. de testam. (6 23) (339) q'ko-
insidiaiites...
('*«) Pas n'est besoin d'expliquer que cette différence ne trouve applica-
tion qu'aux actes juridiques et non aux délits, ni pour quelle raison.
160 LIV. IT. — le PART. — TITEE III. — TECHNIQUE.
('^") Cette injonction delà loi peut aussi poi'tcr uniquement sur le lieu
(par exemple, en justice, à la bourse, ou sur le temps).
,,
(i92j
C'est pour cela que les Romains désignent avec raison le principe
(le l'absence de formes comme principe de la volonté nue, nuda voluntas,
par opposition à la ritjor jiiris civilis. V. par exemple, Ulp., XXV, 1,
L. 18 de leg. III. (32).
164 LIV. II. — I*^ PAET. — TITRE HI. — TECHNIQUE.
la forme était quelque chose d'étranger au droit, qui aurait dû être im-
posé du dehors ! En présence de pareilles erreurs , la nécessité du travail
qui suit n'a plus besoin de justification.
166 LIV. II. — I'^ PAIIT. — TITEE III. — TECHNIQUE.
ceux qui lui sont propres, nous parlerons plus tard des autres.
Il y en a trois que, pour abréger, j'appellerai l'élément quan-
titatif, Vêlement morphologique et enfin l'élément de principe.
,
basé sur la dation de la chose : mais les conventions sur des obligations
accessoires doivent être établies par écrit. « p. 151 : Les conventions par
lesquelles quelqu'un est obligé à des prestations personnelles successives
promises pour toujours ou pour un temps indéterminé, exigent absolu-
ment la forme ;
ce^jcndant sont excei)tées les conventions de louage avec
les domestiques ordinaires , dans lesquelles la dation et la réception
du salaire remplace la convention écrite. Au contraire, les contrats de
louage avec les serviteurs désignés sous le nom de Hausoffîcianten, doi-
vent toujours être dressés par écrit. — p. 160 : 1" Contrats de bail de
bien ruraux : Si la convention est conclue verbalement seulement, elle
ne vaut que pour un an, 9° Contrat d'édition de livres. Si la conveu-
170 LIV. II. — I^' PART. — TITKE III. — TECHNIQUE.
les conserver dans la mémoire, ces dispositions exigent une
contention d'esprit dont un juriste seul est capable. Et c'est
cet amas confus de dispositions sans lien entr'elles sans prin- ,
tion n'a pas été dressée par écrit, mais le manuscrit cependant livré i:)ar
§ 201 , surnito, § 193, ou bien aussi : do lego). Cela est non moins
significatif, d'abord sous le rapport historique : comme réminis-
cence de la forme légale originaire des testaments ; ensuite sous
le rapport dogmatique : comme expression du droit d'autonomie
qui se réalise dans le testament (nous en parlerons ailleurs).
172 LIV. II. — 1° PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
(''J'')
Ce fut peut-être cette considération de convenances qui, dans le
Ce qui précède est vrai de toute forme quelle que soit sa per- ,
toute forme ,
quelle qu'elle soit , entraîne des désavantages qui
lui sont propres, et dont le commerce juridique doit plus ou
moins soufirir.
des actes sans formes des Romains. Témoin l'affranchissement sans for-
troisième système.
,
(2»') Dans les contrats usuraires, obtenus par violence etc., on obligeait
le débiteur à s'exécuter, mais on forçait ensuite le créancier à restituer ce
(-»*) Nous en verrons une preuve plus loin (T. V) dans les actes non
pourvus d'une action du droit ancien.
CHAP. n. — SECT. 2. —cl. ESSENCE DU FORJlxVLISiTE. § 50. 177
2. Avantages de la forme.
avec lui une des sources les plus fécondes des procès. INIais bien
des choses peuvent être faites dans ce sens soit par la libre acti-
vité du commerce juridique (usage de formulaires fixes, adjonc-
tion de juristes), soit par le droit, et le moyen qui le lui permet
c'est le formalisme C^"^).
(20=) Le sens pratique de tous les temps et de tous les peuples l'a exac-
tement senti, ainsi, par exemple, chez le peuple d'Israël, v. Michaelis,
Mosaisches Redit, II, § 81 (vente, échange, donation sous la porte, ou hien
en ôtant un soulier) ;
chez les Turcs, von ToRNAUW,MosZc;»rt/sc/i<?s Redit,
p. G7 : le Sigheh ou la déclaration d'obligation verbale, consiste dans cer-
taines expressions spécialement fixées pour chaque contrat, lesquelles sont
prononcées lors de l'accord et de la conclusion définitive. Déclarer le
Sigheh équivaut à convenir que la convention sera verbale. V. en des
exemples spéciaux, ibid. p. 87 (vente) p. 105 (prêt).
CHAP. II. — S£CT. — cl. ESSENCE DU rOK:MALISME. §
2. 50. 179
indique quel est l'acte qu'on a entendu conclure dans , les cas
où pour divers actes diverses formes ont été déterminées. Ces deux
questions peuvent donner lieu aux })lus grandes difficultés lors-
qu'aucune forme n'est prescrite par la loi. Prenons la première
d'abord : quelle que soit la distance qui sépare en principe l'acte
juridique des actes préparatoires, queLpie différence qu'il y ait
en théorie entre manifester le projet de vouloir se lier, et en-
chaîner réellement sa volonté , il est des cas oîi la distinction
(*•") Savigsy, SysttMii III, p. 338 : Une résolution sur des clioses imi^or-
tantes arrive rarement du premier coup à maturité; elle est habituelle-
180 LIV. II. — I'^ rART. — TITIŒ ni. — TECHNIQUE.
tion était exigée dans le second cas. S'il n'y avait aucune forme
qui vint révéler l'acte qu'il s'était agi de conclure on rentrait ,
ment précédée par un état d'indécision, dans lequel les transiticms se font
jjrit de celui qui conclut un acte juridique, une affaire. Dès que
le mot spondesne retentissait dans le cours d'un entretien, une
oreille romaine était avertie que l'entretien, nullement juri-
dique jusqu'alors, mais amical, allait prendre un caractère
d'affaire : ce mot était le signal d'un acte de nature et de signi-
fication juridiques. Celui qui dans le cours de la conversation
avait donné des assurances, devait être frappé, dès que son
interlocuteur le prenait au mot et voulait fixer la chose juridi-
quement, (telle est la signification du mot romain : stipidari).
(2»») J'ai déjà émis plus haut une considération à cet égard en parlant
d<ila confection orale du testament (T. II, p. liS).
184 LIV. II. — 1° PAKT. — TITRE III. — TECHNIQUE.
positions, la forme est bien plus importante que pour les con-
trats. Les contrats restreignent leurs effets aux personnes qui
y interviennent directement, et expirent plus ou moins promp-
tement les dispositions que nous venons de nommer, au contraire,
:
liers, un seul transfert sur une chose immobilière. C'est ainsi que
conservatrice de la forme.
51. Ainsi que nous l'avons dit ''p. 1G4) il serait erroné de ne
trouver le fondement de l'apparition du formalisme dans l'his-
18S LIV. II. — I« PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
toire du droit que dans les avantages pratiques qu'il offre. Cela
n'est vrai que pour les formes qui sont appelées à la vie par un
acte de la législation, car celles-ci sont introduites dans un but
déterminé un motif pratique seul leur confère et leur existence,
,
(='") Savigny, System, t. Il, j). 239, place le motif de cette différence
dans « cette tendance inconsciente vei's le progrès, qui anime la nation,
de représenter une chose qui à son tour est sensible ; par exemple,
lorsqu'en droit romain (^'0, dans la revendication le fonds est
représenté (pars pro toto) par une motte de terre, ou dans le
droit germanique en matière de tradition, par une motte de
gazon et un rameau (-'-); sinon on pourrait aussi appeler la
peinture ou le dessin un s,ymbole de l'objet qu'ils doivent repré-
Il est un pliénomène ,
que nous allons examiner avec atten-
tion ,
qui donne la notion exacte de la nature et des causes du
formalisme. Plus que tout autre, il témoigne de la puissance que
la forme exerce sur le cœur humain. C'est que des formes nais-
sent, dépourvues d'avance de toute signification interne; c'est
que des formes se conservent après avoir perdu toute significa-
tion ce pliénomène en un mot c'est le culte pur et nu de la
: , ,
naire. C'est ainsi qu'aujourd'liui encore les turcs doivent lire en arabe,
d'après le mode anticpie, les deux versets qui précèdout toute prière.
Comp. sur ces exemples empruntés aux usages des noces, Ross-
(^")
but de découvrir des objets volés, était astreint encore dans les
Dans tous ces cas, et dans maint autre C"'^), la forme n'avait
absolument aucune signification a priori; elle n'était qu'un
reste du passé un caput mortuum. On pourrait
, certes soutenir
(^2») Gell. XI, 18, § 9. XVI, 10, § 8. Festus, V" Lance (Mûller, p. 117).
Gaius, III, 193. A son époque l'expression était déjà surannée [qxdd sit
p. 272 « linteo et rudi >ne contectum », p. 276 « iinteis iniectum ))^. Sur
cette forme de visite domiciliaire. Y. T. II, p. 153, note 213.
(**') Airain = Sanscr. Ayas, lat. aes, gotli. aiz, anglosax. ar, scaudin.
eir, haut allem. anc. er.
(2-2) Ainsi, par exemple, dans Lange, Veber die Transitio ad jilebem.
Leipz. 1864, t^. 46, note 2, où l'on indique le rex sacrificnlus comme
« roi apparent résiduel ». Une espèce particulière d'actes aj^parents rési-
duels est formée par certaines actions, qui, à l'origine, dépendaient entiè-
rement de la libre résolution, mais qui plus tard furent érigées en néces-
sités légales et transformées en pures actions apparentes. Des exemples
tirés de l'antiquité romaine sont la lex Publilia sur la collation de la^a-
trum auctoritas (TiTE-LiVE, YIII, 12) la lex Maenia (Ciceron, Brutus, 14;
TiTE-LiVE, I, 17, qui relève lui-même l'absence de signification de l'acte :
(--^) Ainsi, par exemple, il ne faut pas rejetei' aussi loin que le fait
§ 1G2, note m.
,
sivement des idées religieuses, — est pour toutes idées des il les
fices, la prière, les vœux, les auspices, toute relation avec les
dieux en un mot a ses formules et ses formes fixes. La vie publi-
que toute entière, à comme à l'extérieur, clans les
l'intérieur
assemblées du peuple comme dans la Curie à la guerre comme
,
avec les particuliers on n'appliquait pas les formes que ces derniers
avaient à observer entre eux, on en observait d'autres, non moins fixes et
déterminées. Nous parlerons ailleurs des traités du jus gentium interna-
tional. V. aussi contre l'opinion de Mommsen, Huschke, Die MuUa und
dus Sacramentum, Leipzig, 1874, p. 14, note 15.
(229J Plinj.^ ep_ IV, c. 11. carent togae jure, qidbus aqua etigni interdic-
tum est.
,
d'origine nouvelle
Droit ancien. d'âge douteux.
incontestable.
cille.
Formules pour Abolition des for-
les dispositions mules.
testamentaires.
Legs. Fidéicommis.
Cretio. Adition sans for-
mes , restitu-
tiondu fidéi-
commis univer-
sel.
,
est vrai, qu'elle ne date que d'une époque plus récente. Mais
siTon réfléchit que le formalisme n'a réglé et régi aucune partie
du droit ancien d'une manière plus rigoureuse que le droit
héréditaire, si l'on songe que c'est dans le testament que la
forme et le formalisme ont atteint leur plus haute expression
on doit considérer comme une impossibilité absolue que le droit
héréditaire, dont le premier acte le testament , , était maintenu
dans les formes les plus rigides , aurait pu avoir pour second
acteune adition d'hérédité complètement dépourvue de formes.
Pour qu'il en fût ainsi, les juristes auraient dû se démentir
eux-mêmes, renier leur méthode et abandonner le principe de
la symétrie ou de la correspondance de la forme qu'ils met-
taient si soigneusement en pratique dans les actes juridiques
(§ 55). Il est même inutile de rappeler qu'un juriste romain
cite Yhereditatis aditio parmi les actus legitimi (*''); les com-
pilateurs des Pandectes comme
, ils l'ont fait en tant d'autres
matières, ont pu remplacer, ici, par une expression encore en
usage, un terme suranné du droit ancien {cretio).
Le tableau que nous avons eu sous les yeux fournit les con-
clusions suivantes : sont tenus à des formes fixes tous les actes
qui sans conteste appartiennent au droit ancien; ceux qui se
rattachent avec certitude à l'époque nouvelle ont abandonné
le formalisme; en d'autres termes, l'époque antérieure a une
nuation ;
pour les intercessions des femmes, Vinstrumentum
publicum; pour l'affranchissement, les formes modernes, etc.
(-'-) Je ne pourrai examiner qu'à une autre place les actes tle l'État
C^*) La lai-ge extension de l'usage des témoins faisait que la peine d'in-
capacité de tester était une des plus graves que le droit pût comminer.
Uintestabilis n'était pas seulement incapable de fonctionner comme témoin
dans un acte pareil, mais même de tester personnellement et comme des ;
TOME ITI. H
210 LIVEE n. — I^ PAET. — TITEE III, — TECHNIQUE.
Quoiqu'il ait été déjà brièvement indiqué (p. 170 s.), il y faut
revenir. A mon avis , c'est Yintéy^èt qui a créé cette diversité. La
stipulation et le contrat littéral bornent leurs effets exclusive-
ment aux parties qui interviennent dans l'acte , voilà pourquoi
ellesy paraissent seules. Les actes des cinq autres catégories
étendent au contraire leurs effets au-delà des parties qui y
figurent, et c'est ce qui fait que des tiers doivent y intervenir.
Pour certains d'entre eux l'intervention de personnes étrangères
n'a d'autre but que de porter l'acte à la connaissance de tous
les intéressés , ces personnes ne sont appelées que pour faire foi
de la publicité donnée à dans d'autres (1.3),
l'acte [dP 2.4.5);
c'est celui que l'on conclut dans la seule intention de n'en faire
résulterque certains effets, parfois même fort secondaires (-^-).
Lorsque Licmius Stolo émancipa son fils pour écliapper aux ,
^2«j Pour obtenir une décision judiciaire sur une Cjuestion quelconque,
par exemple, si quelqu'un est le plus proche parent, le prox^rié taire, s'il a
fait telle ou telle chose , etc., on faisait une stipulation dans laquelle l'une
des parties promettait à l'autre une somme quelconque sous la condition
que' le fait (soumis à l'appréciation du juge) fût vrai. Cette somme était
somme n'était pas exigée après cela. Ce que l'on voulait ici, on ne le
('") Cela est particulièrement frappant dans Vin jure cessio. Où la con-
vention accessoire aurait-elle pu ici se trouver dans la formule de la reven-
dication? C'eût été une monstruosité juridique de l'y insérer. Il en est de
même quant à la mancipath et ce n'est pas par oubli que Gaius, I, 132,
dans la description de la triple mancipation du fils ne mentionne pas le
(-") Les Romains eux-mêmes sont fort peu explicites sur ce sujet : c'est
une de ces théories qu'il faut cherclier entre les lignes. L'opinion domi-
nante fait du pacte accessoire une partie de l'acte lui-même. V. par
exemple, Huschke, Redit des Xexiim, p. 76 : « i)arce que cet acte [fichicia]
ment, servait aux femmes 1° pour changer leurs tutores legitimi (Gaius,
I, 115) ;
2" pour obtenir la capacité de tester (Gaius, I, 115^) ;
3" pour être
déliées des sacra (Ciceron pro Murena, c. 12). V. T. IV, § 68.
('*'') y. par exemple Gaius, I, 135... qui ex eo filio conceptus est, qui in
tertia mancipatione est. Le § 115'» n'aurait pas de sens, sans cela ; V. en-
core le § 118... nec ob id filiae loco sit, et § 182... etiamsî nondum manu-
,
missus sit, sed adhuc in causa mancipii, et encore moins la l'emarque : sed
in usu est eidem tnancipari ; et la répétition de celle-ci par rapport à la
jour. Ce dernier parti fut possible en réalité, plus tard. V. Paul, S. R.,
II, 25, § 2.
(*'"') Gaius, II, 65... in jure cessionis jus proprium est civium rotna-
norutn,
OHAP. n. — SECT. — 2. C. II. ANCIEN DKOIT. § 52. 217
légataires ,
pouvaient puiser des droits — un acte pareil n'était
plus une mancipatio, mais avait en réalité un tout autre
caractère.
Cet exemple est précisément propre à nous montrer le rôle
particulier de la jurisprudence dans la formation de l'acte ap-
parent. A côté de la considération invoquée plus haut, venait
s'en ranger une autre d'un caractère bien plus urgent ; le but
pratique de l'acte apparent. Ce but , on ne pouvait le sacrifier
à leur maître les mots à ]3ronoiicer ? Cela était possible , et l'on pouvait
(^5^J Gaius II, § 105, 106 ; domesticuni testimonium. Ulp., XX, § 3-5.
,
,
(2") Gaius, n, 108. CiCERON pro Milone c. 18. Lorsque Ulpien, dans la
L. 20, p. qui test. (28-1), exclut l'héritier, cela ne s'accorde pas avec la
manière dont il s'exprime sur la question dans ses fragments, XX, 3-5, et
l'opinion qui déclare ce texte interpolé (Gluck, Commentar, T. 34, p. 245)
est donc bien fondée.
(256) En affirmant dans le § 10 Inst. de test. ord. (2-10) que toutes
les notions du droit avaient ainsi été renversées, [totum jus contnrbatum
erat , Justinien émettait une critique parfaitement juste.
('") Gaius, II, § 108... sed tamen... minime hoc jure itti clebemus,
,
tant qu'il n'y avait pas un sérieux intérêt pratique en jeu. Elle
ne s'est écartée des formes que dans le cas d'une nécessité pra-
tique absolue.
ne considérer rigoureusement, en théorie. Vin jure cessio
A
que comme le prototype de la revendication, il faudrait ad-
mettre qu'elle s'appliquait à tous les cas auxquels s'appliqua
plus tard la revendication. Mais plus étroite était la portée de
Vin jure cessio. Résultat immédiat d'un besoin pratique, la
logique abstraite restait étrangère au but qu'elle se proposait.
L'héritier testamentaire pouvait revendiquer une hérédité tout
aussi bien que l'héritier ab intestat, mais seul Vheres legitimus
pouvait la céder in jure avec plein effet , et encore seulement
avant l'adition (-^*'). Seul le tutor legitimus d'une femme pouvait
céder (2^^) la tutelle : tout tuteur pouvait la revendiquer.
La rnanus réelle accordait au mari toute la fortune de la
femme et reconnaissait à celle-ci un droit héréditaire à la suc-
cession du mari. Ces mêmes effets ne découlaient pas de la
manus apparente (2''"), à moins que celle-ci n'eût été conclue
avecle mari lui-même (-''') : ces conséquences sont toutes égale-
(26«) Quant au premier v. Gaius, II, 98. Quant au second, Gaius, 1, 118,
pouvait usucaper sans titre une chose que l'on avait réellement
mancipée ou cédée in jure, lorsqu'on en restait soi-même en
possession , mais on pouvait usucaper les choses que l'on avait
Quiritium meum esse aio, l'autre au moyen des mots isque mihi :
(-'î') Ce mot est, et non esto, nous est donné par trois autorités diffé-
Inatitutionen, p. 566 s. Pas n'était besoin d'une Ijalance pour cela. Est-il
donc besoin d'aller si loin cherclier l'explication de ce fait, et ne pou-
vait-on la trouver même dans les pratiques de la vie moderne ? Tout le
(269J
Festus, V°Rodus. Ruduscidum (ou raudusculum, comme dit Var-
EON de L. L. V, 163) voulait dire, ainsi que le remarque Festus, le métal
brut. Cette expression fut conservée, conformément à l'habitude romaine,
même lorsque l'on eut introduit l'usage plus commode de se servir d'un
{^'oj La balance resta pendue, il est vrai, dans le temple de Saturne, après
comme avant. Varron de L. L. V, 183 Per trutinam solvi solitimi vesti-
:
gium etiani nimc manet in aede Saturni, quod ea etiam mine projeter pen-
suram habet trutinam posit a m.
("') Point reconnu par les juristes romains :
§ 2 Inst. de emt. (3-23)
eamque speciem emtionis et venditionis vetustissinuini esse. L. 1, pr. de
omne quod per libram et aes geritur, in quo sint mancîpia. Festus
scribit
V° Nexum. Nexum est ut ait Gallus Aelius quodcmique jjfr aes et liOram
geritur idque necti dicitur, quo in génère sunt (c'est-à-dire en pratique, a
son époque) haec : t;st inienti factio, nexi datio, nexi liberatio.
TOVE III. 15
226 LIT. II. — I"^ PAET. — TITEE ni. — TECH^^QUE.
(ce qui doit non pas être gardé, mais restitué, c'est-à-dire ce qui est prêté)
inde nexum dictum.
(*") Cependant on rencontre fréquemment cette expression appliquée
à la mancipation et à la propriété, dans les auteurs non juristes. V. par
ex., CiCKRON , Top. 5: traditur alteri nexu et Boethius sur Cic. (Oeelli,
p. 322), de harusp. c. 7 : jure nexi, de Republ. I, c. 7, etc. Aux yeux du
peuple Vaes et la Uh^^a avaient acquis une i)lus grande importance que
l'appréhension de la chose, laquelle sautait moins aux yeux : on caracté-
risait l'acte d'après l'un élément et non d'après l'autre. De là des
expressions comme mercari libra et aère (Hoeace), emere per assern et
{='") La formule nous a été conservée par les juristes romains (Gaics,
II, 104. Ulp., XX, 9) : ita testor itaque vos Quirites testimoniimi mihi
perhibetote . Fallait-il en outre encore une r^ogatio solennelle des témoins
au commencement de l'acte? Je laisserai cette question indécise, les
vent pas, non plus que les mots : ante testimoniiim certiorentur de la
L. 21, § 2, ibid. Il va sans dire que l'on n'appelle pas des témoins à un
acte juridique, sans les avertir d'abord de quoi il s'agit, il importe seu-
lement de savoir , si cette rogatlo devait se faire d'une manière solen-
nelle, c'est-à-dire au moyen d'une formule déterminée. L'appel des
témoins après l'acte conclu se rencontre encore, dans la Utis contestatio.
Ce n'est certes pas fortuitement que ces deux actes ont tiré leur nom
(testari, contestari) de cet appel des témoins. Dans la Utis contestatio les
deux parties faisaient appel aux témoins ; dans le testament, c'était le
testateur seul, et non l'héritier ou le fatniliae etntor qui tenait sa place,
(28") Ulp.,XX, 7.
(^*') Paul., S. R., III, 4^', § 4, quia testes t.:sthnonium sibi perhibentss
AUDIRE potist.
{-'2) De noniine capere : nommer par son nom, dire. Ciceron de off.,
(-33) Paul., -S'. R., II, 17, § 3; remplacée par la stipulatlo chqjli encas
de inancipatio saus suite. Y. en sens contraire EcK, Die Verpflichtung des
Verkâu/ers zur Geicâh)-im(j des Eigenthums, Halle, 1874, p. 2 s.; il fait
V. Ihering, Schuldmonient p. 14 , s.
,
(285) RuDORFF, Zeitsch. far R. G., T. II, p. 87, qui pour le reste est dans
le vrai, s'est trompé d'une manière incompréhensible à leur sujet, lors-
qu'il dit : qu'outre le sesterce il fallait encore un prix C'était juste le con-
!
ce qui était jus, ce n'était pas ce qui avait été fait ou ce qui
avait été convenu en debors et à côté de la mancipatio, mais
uniquement ce qui était compris dans la nuncupatio et encore ,
tion même.
On pouvait également au moyen de la nuncx'patio , convenir
de clauses accessoires quant à V objet : on pouvait, par exemple,
assurer certaines servitudes à un fonds ou , le reconnaître li1)re
n'accordait la parole qu'à une des parties , à celle qui : mancipium faciet
à une prestation.
CHAP. n. — SECT. 2. — C, II. ANCIEN DROIT. § 52. 233
(-*") Gaius, II, 24, qn,o nega)ite ant tacente. Cette difTéreiice (.Ums la
rédaction des formules, indépendamment de tout autre motif, aurait seule
dû exclure l'idée que la stipulation est née de la mmcKpatio de la manci-
pation.
(290) Gaius, II, 104.
(^'-'t)
C'est ce qu'indique également la manière dont s'exprime à cet
égard Ulpien, XX, 9 : in testamento, quod per aes et libram fit, duae kes
agimtur familiae mancipatio
, et nuyicupatio tsstamenti. V. aussi Gaius, II,
Dans le sens de .la vie ordinaire — car cette idée ne saurait guère être
admise en droit — on pouvait même désigner la femme elle-même comme
le sujet de la coemptio : coemptionem facit, par exemple, Gaius, I, 115, et
autres textes.
(^^5) Les juristes romains avaient le sentiment exact de cette idée lors-
qu'ils ont exclu l'hérédité des res mancipi, tandis qu'ils y comprennent les
servitudes rustiques, bien que celles-ci soient également des res incorpo-
raies. Gaius, II, 17. Ulpien, XIX, 1. Que les personnes libres mancipées
ne soient pas nommées parmi les res mancipi, cela, n'a pas besoin de jus-
tification.
CHAP. IT. — SECT. 2. — C. H. ANCIEN DROIT. § 52. 235
(2"J Nous avons dit plus haut 'p. 211) tout ce qu'il ya à dire de la
fiducia.
(298j YaWq se trouve mentionnée pour la première fois au sujet d'une
application à la manumission, dans la premièi'e année de la république
.
CHAMP D'APPLICATIOX
Tranfert de la i^ro-
priétédesresm«n-
cijn. Id. des rcs nec tnancijn.
Constitution de ser-
vitudes rustiques. Servitudes urbaines et
personnelles.
Mcmcipium Manumission {vindicta).
'Manus. Émancipation.
Testament. Adoption.
Transfert de la tutela lé-
gitima iHidierum et de
Vhereditas légitima.
(TiTE-LnT), 11, 5) ;
et même la manumissio per vindictam se comportait
respondet : praes
(305j ^gf „g emptits ? est emptus
(^os) Stipulatio vient de stips, ce dernier vient de la racine sanscrite
sthâ. En latin stip, stlpit , stirp avait le sens de tige, qui a été conservé
dans opstipesccê-e (devenu raide comme une tige). V. Pott ,
Etymol.
Forscb. ï. 1, p. 198. Les institutes pr. de verb. obi. (3-16), sont dans
le vrai , en donnant l'étymologie suivante : quocl stipulum apnd veteres
TOME III. 16
242 LIV. II. — le PART, — TITRE III. — TECHNIQUE.
table, mais il faut l'étudier sous son vrai jour, sans cela il reste
une véritable énigme.
Pour établir dès à présent le point dans lequel il faut , à mon
avis, cbercber l'intelligence de tout le système formaliste, je
dirai que c'est l'élément morphologique qui est la clef de ce
système, mais il ne faut pas se contenter de son expression
extérieure, il faut pénétrer dans ses causes. Le formalisme n'est
passé dans une phase plus avancée et notre science peut négliger
des mots et des formules. La phase que traversait le droit ancien
traçait à la jurisprudence romaine la marche et la direction do
son activité. C'est la nécessité historique , ce n'est pas son libre
choix qui a voué toute sa sagacité et toutes ses forces à un objet
aussi secondaire en apparence que le système des formules.
et les actions.
Les fasces avec la 7iâche entre les mains des licteurs rappellent
au peuple le droit de vie et de mort qui appartient aux consuls;
le glaive entre les mains du Judex quaestionis , de l'époque pos-
térieure , avertit l'accusé que le glaive est suspendu sur sa tête ;
(310) V. les preuves dans Pseudo Ascon. in Yerrem I, § 55. (Orelli, II,
152.) II, § 1. (Orellt, II, 156.) Ciceron, de divin. II, 34. Servius, ad Virg.
I, 65G. Pline, H. N., VII, 60. Brisson, de voc. ac form. I, c. 219. V, 213.
('") Le savant et profond ouvrage d'EvER. Otto, de Jurisprudentia
symbolica exercitationutn trias. Traj. ad Rhen. 1730, ne s'occupe que
d'un côté de la question et ne l'a nnême pas épuisé. Je me suis dispensé
cuiqiie nisi libero, quos solos fides deceret. Pline, H. N., XXXIII, c. 6.
Otto, p. 204.
("S) Otto, p. 172. Sur le cas de liberté recouvrée ou du retour du Ro-
main de la captivité ennemie, dont Otto ne fait pas mention, V. Tite-
LiVE, XXX, 45. XXXIV, 52. Val. Max., V, 2, § 5, 6, etc. Le chapeau
recouvrant la tête de l'esclave exposé en vente, indiquait que le vendeur
n'entendait donner aucune gai'antie (servi x>ileati). Gell., VII, 4; signi-
fiait-il peut-être que l'esclave a besoin d'être couvert ,
parce qu'on ne
peut pas le regarder à la tête? Beaiicoup de signes accompagnent en gé-
néral la vente des esclaves, ainsi, par exemple, la couronne sur la tête des
prisonniers de guerre (sub coronu venire). Pourquoi une couronne? V. l'ex-
plication de Gellics, VII, 4. V. aussi Schweoleh, Eôm. Geschichte, T. I,
p. 70. Les esclaves amenés à Rome des pays d'outre-mer étaient, loi's de
248 LIV. IL — I^ PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
solennelles.
(^i') Th. Mommsen, Rôm. Forschimgen, I, p. 343.
(318) Les explications de cette écuelle chez les anciens sont étranges.
V. Gaius, III, 193 : ideo, ut manibus occupantis nihil ohjiciatio% sive ideo,
ut quod invenerit ibi imponat; Festus, V" Icmce. (Muller, p. 117) lançon
,
vante : l'écuelle était tenue par dessus la tête, afin que les mains ne fussent
pas libres ; comme si l'on pouvait cherclier quelque chose avec succès,
sans rien déplacer de la main ! D'autres, (par exemple, Bocking, Rômi-
sches Privatrecht, 1862, p. 150, note 15. Kuntze, Excurse v.ber rôm. E.,
p. 502), ont trouvé là une forme rituelle rappelant le bandeau du prêtre
et le vase du sacrifice, comme s'il s'agissait là d'une action du prêtre et
d'un sacrifice. Le serment à prêter d'après le droit grec (Kellee, Institu-
tionen, p. 140.) qui a fait arriver à cette singulière idée, n'était rien d'au-
tre qu'un juramentum calwnniae, semblable à celui qui devait être prêté
dans Vact. ad exhibendum. (L. 6, § 2 de edendo. 2, 13.) — Je ne sais
I
s'agranditdans des proportions notables, une extension du
jwmoerium, de l'espace de terrain libre autour des murs de
la ville, en avertit ("''"). L'auteur d'un homicide involontaire,
offre en expiation à sa propre place, pour échapper à la ven-
les mannequins d'osier que l'on jetait tous les ans dans le Tibre,
remplacent pour ,
le dieu du fleuve les corps humains qu'il ré-
,
('2') Macrobe ibid. II, 7 heredis flctus sub persona risus est.
:
(^s"^)
La Bjnnbolique du corps humain forme l'objet principal de l'ou-
vrage d'ÛTTO ;
mais il y a beaucoup de clioses problématiques en cette
matière.
p3c) TiTE-LiVE, I, 18... si est fas hune Numarn Pompllium, CV3V^ EGO
CAPUT TENEO, regeni Romae esse. Cela fait songer à l'onctioii des Rois dans
l'ancien testament. Quant sm. pater patratus , V. Tite-Live, I, 24.
('^') Suétone, Vitell. 17, redueto coma capite, ceu noxii soient.
occupe la première place après l'organe qui doit agir dans tout
acte juridique, la langue, et ainsi que nous l'avons fait remar-
quer plus haut, elle se trouve avec lui dans la plus étroite
relation. Si la langue annonce la résolution, la main l'exécute;
elle est bien véritablement l'organe de la volonté , et , au point
de vue de la conception naturelle sensible , agir et remuer la
main sont une seule et même chose. Notre cadre ne comporte
pas une explication ])lus approfondie de cette langue des signes
de la main, langue si riche et si universellement répandue.
Disons encore cependant qu'il n'y a guères de mouvement de
rame que la main ne puisse accompagner d'une manière expres-
sive, qu'il n'y a guères d'acte solennel de la période d'enfance
des peuples, dans lequel elle ne joue un rôle. Celui qui tend
la main à l'ennemi lui pardonne; on se frappe dans la main
en gage de fidélité dans les promesses ('''); on implore la sou-
mission et l'apaisement en joignant les deux mains; les mains
des deux époux sont unies dans les noces (^"'-)
; on implore les
dieux en tendant les mains vers le ciel ("'); on les presse
tione contentus, nisi reu7n manu sua tenait. Le rapprochement fait entre
le mandat et cet usage, par Isidore, Orig. V, 24, 20 (mandatée) est un de
ces nombreux contes étymologiques dont ce chapitre d'Isidore est si pro-
digue.
(^") RossBACH, l. c, p. 308. De même en concluant la paix.
^333) Brisson de voc. ac form. I, c. 62. Dans le votum I, c. 179. Dans le
admet qu'ils tenaient tous deux les jambages de la porte, mais cela repose
sur un malentendu, car tous deux auraient dû en même temps faire la
même la dédicace, ne devenait pas acteur par cela seul qu'il dictait la for-
mule au magistrat qui faisait la dédicace.
("') Tite-Lr^e, II, 8. CicKRON pro domo 46 , 47. Tal. Max., Y, 10,
§ 1. Serv., De là l'expression dedicare,
ad Georg. III, 16. consecrare manu
CicEEON de leg. II, 2, pro domo 40, etc.
^33a)
V. Maceobe, Sat. III, 9. De même dans le votum à la déesse Ops. I,
patrimus et niatrimiis terrani non tenuit Aenob. Adv. gent. IV, 31.
('<») Sur le serment V. Beisson, l. c, YIII, c. 10 et Danz, der Sacrale
Schv.tz, j). 45, 113 ;
sur le sacrifice V. Brisson, I, c. 63 et Maceobe, Sa-
turn. III, 2 — quod lit ire sola non possit oratio, 7iisi is qui deos preca-
turetiam aram nianibus appréhendât. Celui qui jurait par Jupiter, maître
du tonnerre, portait en main, pour l'indiquer, un silex : Festus : Lapidem
silicem tcnehant jurât iri per Jorem.
(3<i)
Les mots soulignés de Maceobe, dans la note précédente, semblent
faire allusion à cette idée que le simple mot n'est pas assez substantiel
pour suffire. — C'est peut-être sur cette idée que rejpose l'usage de pen-
dre aux jambages des portes du temple les présents apportés aux dieux
(v. Beisson, I, c. 49].
254 LIV. IL — I<^ PART. — TITRE III. — TECHNIQUE.
pitj apprehendere id ipsum qiiod ci mancipio datur necesse sit, unde etiam
MANCiPATio DICITUR, qui nianu res capitur, praedia vero absentia solent
mancipnri.
('*') ROSSBACH, l. c, p. 328.
256 LIV. II. —F TAET. — TITRE III. — TECHNIQUE.
mule.
CHAT. II. — SECT. 2. — C. HT. ANALYSE DU FORMALISME. § 53. 257