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Brahim Benouahmane

INTERPOLATION POLYNOMIALE

La façon la plus simple d’approcher une fonction est l’utilisation d’un polynôme d’interpolation.
Le procédé est le suivant :

1. On choisit n + 1 points distincts x0 , x1 , · · · , xn

2. On calcule y0 = f (x0 ), y1 = f (x1 ), · · · , yn = f (xn )

3. On cherche un polynôme Pn de degré n tel que : Pn (xi ) = yi , i = 0, 1, · · · , n

Nous allons montrer l’existence et l’unicité d’un tel polynôme en le construisant effectivement.

1. Interpolation de Lagrange

Théorème et définition

Il existe un polynôme Pn de degré n et un seul, tel que :

Pn (xi ) = f (xi ), ∀i = 0, 1, · · · , n

n
X
Ce polynôme s’écrit : Pn (x) = f (xi ) Li (x)
i=0
n
Y x − xj
avec Li (x) = (polynômes de Lagrange)
j=0j6=i
xi − xj

Le polynôme Pn s’appelle le polynôme d’interpolation de Lagrange de la fonction f


relativement aux points x0 , x1 , · · · , xn .

Preuve.

• unicité :

Supposons qu’il existe un polynôme Pn∗ de degré n vérifiant : Pn∗ (xi ) = f (xi ),
∀i = 0, 1, · · · , n

Posons : Qn = Pn − Pn∗ .
Qn serait un polynôme de degré n vérifiant : Qn (xi ) = 0, ∀i = 0, 1, · · · , n de sorte que
Qn aurait au moins (n + 1) racines distinctes.

Ceci n’est possible que si Q ≡ 0 (polynôme identiquement nul) ce qui prouve l’unicité
de Pn .

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• existence :

Nous voyons immédiatement que : Li est un polynôme de degré n et Li (xj ) = δi,j

(symbole de Kronecker).
Il en résulte que le polynôme Pn est de degré n et vérifie : Pn (xi ) = f (xi ),
∀i = 0, 1, · · · , n

Remarque

Les (n + 1) polynômes de Lagrange sont linéairement indépendants et forment donc une


base de l’espace vectoriel des polynômes de degré inférieur ou égal à n, appelée base de

Lagrange.

Calcul de Pn (α)

Le calcul de Pn (α) nécessite celui des (n + 1) quantités Li (α), ce qui est coûteux.

La méthode de Lagrange est d’un intérêt plus théorique que pratique car :

• coûteux en nombres d’opérations

• formulation peu aisée : si l’on ajoute un point xn+1 les Li doivent entièrement être
recalculés.

2. Erreur d’interpolation

Etude de l’erreur en (x) = f (x) − Pn (x) (appelée erreur d’interpolation)


pour tout x ∈ [a, b]

Théorème

Si f ∈ C (n+1) ([a, b]) alors pour tout x ∈ [a, b], il existe ξx appartenant au plus petit intervalle
fermé I contenant x, x0 , x1 , · · · , xn tel que :

f (n+1) (ξx )
en (x) = f (x) − Pn (x) = F (x) (∗)
(n + 1)!

où

F (x) = (x − x0 ) (x − x1 ) · · · (x − xn )

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Preuve.

Si x = xi alors en (x) = 0 et l’égalité (*) est vérifiée trivialement;

Supposons que x 6= xi , ∀i = 0, 1, · · · , n et considérons pour x fixé la fonction g définie par :

F (t)
g(t) = en (t) − en (x)
F (x)

La fonction g ∈ C (n+1) ([a, b]) et s’annule en (n + 2) points distincts x, x0 , x1 , · · · , xn .

Le théorème de Rolle montre que g 0 admet au moins (n + 1) racines dans I.


D’où, en procédant par récurrence sur l’ordre de dérivation de g, la fonction g (n+1) admet
au moins une racine dans I. Soit ξx cette racine. On a :

(n + 1)!
0 = g (n+1) (ξx ) = f (n+1) (ξx ) − en (x)
F (x)
(n+1)
D’où : en (x) = F (x) f (ξx )
(n+1)!

3. Interpolation d’Hermite

Problème : Déterminer un polynôme qui coı̈ncide avec f , ainsi que sa dérivée avec f 0 , aux

points x0 , x1 , · · · , xn .

Théorème et définition

Etant donnée une fonction f définie sur [a,b] et admettant des dérivées aux points xi , il existe
un polynôme P2 n+1 de degré 2 n + 1 et un seul tel que :

P2 n+1 (xi ) = f (xi ) et P20 n+1 (xi ) = f 0 (xi )

∀i = 0, 1, · · · , n

Le polynôme P2 n+1 ainsi défini est appelé polynôme d’interpolation d’Hermite de la


fonction f relativement aux points x0 , x1 , · · · , xn .

4. Erreur d’interpolation

Etude de l’erreur en (x) = f (x) − Pn (x) pour tout x ∈ [a, b]

Théorème

On considère le polynôme d’interpolation d’Hermite P2 n+1 .


On suppose que f ∈ C (2 n+2) ([a, b]) alors pour tout x ∈ [a, b], il existe ξx appartenant au plus

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petit intervalle fermé I contenant x, x0 , x1 , · · · , xn tel que :

f (2 n+2) (ξx )
en (x) = f (x) − P2 n+1 (x) = F 2 (x)
(2 n + 2)!

Preuve.

On considère pour tout x fixé distinct des xi la fonction g de la variable t défini par

F 2 (t)
g(t) = en (t) − en (x)
F 2 (x)

La fonction g 0 ∈ C (2 n+1) ([a, b]) et admet au moins (2 n + 2) zéros distincts.


Le théorème de Rolle montre que g 00 admet au moins (2 n + 1) racines dans I.
D’où, en procédant par récurrence sur l’ordre de dérivation de g, la fonction g (2 n+2) admet

au moins une racine dans I. Soit ξx cette racine. On a :

(2 n + 2)!
0 = g (2 n+2) (ξx ) = f (2 n+2) (ξx ) − en (x)
F 2 (x)
(2 n+2)
D’où : en (x) = F 2 (x) f (2 n+2)!
(ξx )

5. Interpolation itérée

La détermination et l’évaluation du polynôme de Lagrange sont assez coûteuses lorsque le


nombre de noeuds s’accroı̂t.

Nous allons développer un procédé itératif permettant de calculer le polynôme d’interpolation


Pn (x) basé sur n + 1 noeuds x0 , x1 , · · · , xn à partir du polynôme Pn−1 (x) basé sur n noeuds
x0 , x1 , · · · , xn−1 .

Pour n ≥ 1, le polynôme Pn (x)−Pn−1 (x) est de degré n et s’annule aux points x0 , x1 , · · · , xn−1 ,

il est donc de la forme :

Pn (x) − Pn−1 (x) = an (x − x0 ) (x − x1 ) · · · (x − xn−1 )

où an est le coefficient dominant de Pn (x)

D’après la formule de Lagrange on a :


n
X
Pn (x) = f (xk ) Lk (x)
k=0

Lk (x) est un polynôme de degré n dont le coefficient dominant est :

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(xk − x0 ) · · · (xk − xk−1 ) (xk − xk+1 ) · · · (xk − xn )

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donc
n
X f (xk )
an =
(xk − x0 ) · · · (xk − xk−1 ) (xk − xk+1 ) · · · (xk − xn )
k=0

Le nombre an est appelé différence divisée d’ordre n de la fonction f (x) et est noté :
an = f [x0 , x1 , · · · , xn ]

Définissant f (x0 ) = f [x0 ], nous avons :

Pn (x) = Pn−1 (x) + (x − x0 ) · · · (x − xn−1 ) f [x0 , x1 , · · · , xn ]

En utilisant ces relations pour n = 1, 2, · · · , nous pouvons donc :

(a) Obtenir une représentation explicite du polynôme d’interpolation :


n
X
Pn (x) = f [x0 ] + f [x0 , x1 , · · · , xk ] (x − x0 ) · · · (x − xk−1 )
k=1

(Cette représentation est appelée représentation de Newton du polynôme)

(b) Calculer itérativement les valeurs P0 (x), P1 (x), · · · , Pn (x) en un point x donné

Si nous définissons :
j
X f (xk )
f [xi , xi+1 , · · · , xj ] =
(xk − xi ) · · · (xk − xk−1 ) (xk − xk+1 ) · · · (xk − xj )
k=i

nous pouvons montrer que :

f [xi+1 , xi+2 , · · · , xj ] − f [xi , xi+1 , · · · , xj−1 ]


f [xi , xi+1 , · · · , xj ] =
xj − xi

Cette relation suggère de calculer les différences divisées, à l’aide d’une table triangulaire, de

la façon suivante :
xi f (xi ) = f [xi ] f [xi , xi+1 ] f [xi , xi+1 , xi+2 ] · · ·
x0 f [x0 ]
x1 f [x1 ] f [x0 , x1 ]
x2 f [x2 ] f [x1 , x2 ] f [x0 , x1 , x2 ]
..
.

Exemple

Déterminer le polynôme P3 d’interpolation de Lagrange de f aux points (xi , f (xi )) suivants :


(0,1),(1,3),(3,2),(4,5)

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xi f [xi ]
0 1
1 3 2
3 2 − 12 − 56
7 1
4 5 3 6 2
Le polynôme P3 est donc donné par :

5 1
P3 (x) = 1 + 2 x − x (x − 1) + x (x − 1) (x − 3)
6 2

Soit en développant l’expression de P3 dans la base canonique :

1 3 17 2 13
P3 (x) = x − x + x+1
2 6 3

Si on ajoute un point d’interpolation, il suffit de compléter le tableau des différences divisées


xi f [xi ]
0 1
1 3 2
3 2 − 12 − 56
7 1
4 5 3 6 2
2 -1 3 0 − 76 − 56

5 5 43 3 56 2 43
P4 (x) = P3 (x) − x (x − 1) (x − 3) (x − 4) = − x4 + x − x + x+1
6 6 6 3 3
Corollaire

• L’erreur d’interpolation de Lagrange est donnée par

en (x) = f (x) − Pn (x) = F (x) f [x0 , · · · , xn , x]

• Si f ∈ C (n+1) [a, b] alors il existe ξx ∈ [a, b] tel que :

f (n+1) (ξx )
f [x0 , · · · , xn , x] = (n+1)!

Preuve

Pour x fixé, le polynôme Q(t) d’interpolation de Lagrange de f aux points x0 , · · · , xn , x s’écrit

Q(t) = Pn (t) + f [x0 , · · · , xn , x] (t − x0 ) · · · (t − xn )

• Pour t = x, il vient

f (x) = Q(x) = Pn (x) + F (x) f [x0 , · · · , xn , x]


D’où la première relation

• la deuxième relation du corollaire découle immédiatement de la première.

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Calcul de Pn (α), α ∈ [a, b]

Pn (α) = f [x0 ] + f [x0 , x1 ] (α − x0 )+

f [x0 , x1 , x2 ] (α − x0 ) (α − x1 ) · · · +

f [x0 , x1 , · · · , xn ] (α − x0 ) (α − x1 ) (α − xn−1 )

Cette relation se réecrit de la manière suivante :

Pn (α) = f [x0 ] + (α − x0 ) (f [x0 , x1 ] + (α − x1 ) (f [x0 , x1 , x2 ]+

· · · (α − xn−2 ) (f [x0 , x1 , · · · xn−1 ] + (α − xn−1 ) (f [x0 , x1 , · · · xn ]) · · ·))

L’évaluation se fait de droite à gauche de la manière suivante :

ALGORITHME DE HÖRNER

b0 = f [x0 , x1 , · · · xn ]

b1 = f [x0 , x1 , · · · xn−1 ] + (α − xn−1 ) b0


..
.
bi = f [x0 , x1 , · · · xn−i ] + (α − xn−i ) bi−1 , i = 1, · · · , n − 1
..
.

bn = f [x0 ] + (α − x0 ) bn−1 = Pn (α)

Il est facile de vérifier que le coût opératoire pour calculer Pn (α) est de :

1. Algorithme de Newton : n (n + 1) soustractions

n (n+1)
2 divisions

n (n+1)
2 divisions

2. Algorithme de Hörner : n additions

n soustractions

n multiplications

n (n+1)
Soit au total : n2 + 3 n add/sous, n mult, 2 div

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