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L’séries

été
BELMONDO Histoire Sexe et pouvoir
La révolte fiscale des Un amant
« L’Homme de Rio » Français de Californie encombrant
ou le cascadeur né en 1850 à Westminster
PAG E S 1 8 -1 9 PAG E 20 PAGE 2 2

en

WEEK-END
SAMEDI 25 JUILLET 2020-76EANNÉE - NO 23496-4,50 € - FRANCE MÉTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR - FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

La bataille pour la réduction de la pollution plastique
▶ Une étude publiée ▶ A l’heure actuelle, plus ▶ L’usure des pneus et ▶ En l’absence de ▶ Les scientifiques plai­
dans la revue « Science » de 23 millions de tonnes des freins des véhicules changement de politique, dent pour la réduction
montre qu’il est possible de plastique sont rejetées génère 3 millions de les quantités de plastique des plastiques inutiles
de réduire massivement chaque année sur les tonnes de microplastiques rejetées chaque année et le développement
les rejets de plastique terres et près de 14 mil­ par an, qui contaminent risqueraient de tripler de filières de recyclage
à l’échelle mondiale lions dans l’eau l’environnement d’ici à 2040 PAGE 6

Emploi Un plan  Justice
à 6 milliards  Une commission 
pour les jeunes estime « établis » 
alors que des centaines de mil­
CHRISTOPHER NOLAN des faits de viol 
LE MÉTAPHYSICIEN  par Adama Traoré
liers de jeunes sont sur le point
d’entrer sur un marché du travail
ravagé par la récession, le gouver­
nement a présenté jeudi 23 juillet

D’HOLLYWOOD
un plan visant à leur éviter, autant La commission d’indem­
que possible, de passer par la case nisation des victimes
chômage. En déplacement à Be­ d’infractions a versé
sançon, le premier ministre, Jean 29 000 euros à un ancien
Castex, a annoncé la mise de
moyens substantiels sur la table :
codétenu qui avait accusé
6,5 milliards d’euros sur deux ans. de viol Adama Traoré
▶ D’« Inception » ▶ Avec « Tenet », son avant sa mort
L’une des mesures­phares con­
siste en une prime pouvant aller à « Interstellar », nouveau film, dont PAG E 10
jusqu’à 4 000 euros versée aux le Britannique s’est la sortie ne cesse
employeurs qui recruteront en
CDI ou en CDD d’au moins trois imposé comme un d’être repoussée,
mois une personne âgée de moins cinéaste d’exception, il entend sauver Allemagne
OLITAINE,
de 25 ans, de début août à janvier auteur de blockbusters les salles frappées ENT EN FRANCE
MÉTROP
MBOURG
La justice
2021. Elargie aux postes rémuné­ UNIQUEM AU LUXE
rés jusqu’à 2 smic, elle pourrait inspirés de la physique par la crise sanitaire EN BELG
IQUE ET et la mémoire
concerner « 450 000 contrats », se­ quantique SUPPLÉMENT de la Shoah
lon le ministère du travail. 
PAG E 8 PAG E 2

Politique International Economie Europe


A droite, l’éternel Tensions accrues La chaîne
fantasme à la frontière entre Courtepaille Les critiques 
du retour de l’Arménie et en cessation du Parlement 
Nicolas Sarkozy l’Azerbaïdjan de paiements
PAG E 8 PAG E 4 PAGE 1 3
européen sur le 
plan de relance
L’accord signé après de
Face­à­face gréco­turc en mer Egée longues négociations par
les chefs d’Etat et de gou­
vernement mardi 21 juillet
Le trajet
doit désormais être exa­
du navire turc miné par le Parlement
d’exploration européen puis par la qua­ Tables extensibles, plateaux laque,
« Oruç­Reis »
(ici, au large
si­totalité des Parlements
des 27 Etats membres
bois, verre et céramique, procédés
anti-rayures, fabrication française et VENTES
PRIVÉES
d’Antalya, européenne, dans le plus grand espace
le 23 juillet),
de l’Union européenne tables et chaises de repas à Paris.
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INTERNATIONAL
0123
2| SAMEDI 25 JUILLET 2020

Bruno Dey,
ancien gardien SS
au camp
de concentration
du Stutthof,
se cache le visage
dans la salle
d’audience
du tribunal
de Hambourg,
le 23 juillet.
DANIEL BOCKWOLDT/
DPA VIA AP

La justice allemande et la mémoire de la Shoah
Un ex­gardien de camp de concentration a été condamné pour complicité de milliers de meurtres de 1944 à 1945

berlin ­ correspondant président de l’Association des fils revanche, ne pas avoir participé Bruno Dey Gröning, ancien comptable à Aus­ dre et qui, parce qu’ils sont les der­
et filles de déportés juifs de lui­même à la mise à mort de pri­ chwitz, condamné en 2015 à qua­ niers survivants, sont parfois vus
sera-t-il le dernier

C
omme au premier jour France. Bruno Dey en est l’illus­ sonniers. Un point que le parquet tre ans de prison pour complicité comme devant payer pour tous les
de son procès, il y a neuf tration. Pendant son procès, plu­ ne conteste pas. Mais, selon ce condamné d’assassinat de 300 000 person­ autres », explique l’avocat.
mois, c’est en fauteuil sieurs rescapés ont raconté l’enfer dernier, le fait que l’accusé ait nes. Et celui de Reinhold Han­ Après le verdict, jeudi, l’avocat de
roulant, un chapeau sur qu’ils ont vécu au Stutthof, ce servi comme gardien en fait « un en Allemagne ning, ancien gardien à Auschwitz, Bruno Dey, Stefan Waterkamp,
la tête, des lunettes de soleil sur le camp situé au bord de la mer Bal­ rouage de la machine de mort » na­ pour les crimes jugé coupable, en 2016, de compli­ s’est déclaré « d’accord avec le juge­
nez et en cachant son visage der­ tique, près de la ville polonaise de zie, et donc justifie son procès. Et, cité d’assassinat de 170 000 per­ ment ». Concernant un éventuel
rière une chemise cartonnée que Gdansk, où environ 65 000 per­ lors de l’avant­dernière audience, du IIIe Reich ? sonnes. Les deux sont toutefois appel, il a indiqué qu’il devait
Bruno Dey est arrivé au palais de sonnes ont péri pendant la se­ il a présenté ses excuses à « ceux morts sans avoir commencé à auparavant consulter son client,
justice de Hambourg. Mais, jeudi conde guerre mondiale. Situé à qui sont passés par cet enfer de fo­ purger leur peine, Hanning en « épuisé » et très « affecté » après les
23 juillet, c’est à peine plus d’une une trentaine de kilomètres à l’est lie », expliquant avoir pris cons­ mai 2017 à 95 ans, Gröning en quarante­cinq audiences de ce
heure qu’y a passé ce vieillard de de Gdansk, le camp de Stutthof cience, au cours des neuf mois de mars 2018, à 96 ans. procès très médiatisé en Allema­
93 ans, juste le temps d’apprendre fut ouvert par les Allemands en son procès, de « toute l’ampleur de étaient ouvertes, outre­Rhin, au gne. Brièvement prisonnier de
qu’il était condamné à deux ans de septembre 1939, au moment de la cruauté » des horreurs commi­ 1er janvier 2020. Mais l’état de « Les seconds rôles oubliés » guerre après 1945, Bruno Dey n’a
prison avec sursis pour complicité l’invasion de la Pologne. Quelque ses au Stutthof. santé des protagonistes, tous âgés Pour M. Klarsfeld, le procès de pas été inquiété par la suite. Il a fait
d’assassinat de 5 232 personnes, 100 000 personnes y furent inter­ de plus de 90 ans, rend leur com­ Bruno Dey correspond à un troi­ sa vie à Hambourg, fut boulanger,
soit le nombre de prisonniers nées, principalement des oppo­ « Regarder le passé en face » parution devant la justice très in­ sième temps juridico­mémoriel chauffeur de camion et concierge,
dont la mort a été établie de façon sants politiques mais aussi des La présidente du tribunal, Anne certaine. Ces derniers mois, plu­ de l’histoire de l’Allemagne de­ avant de fonder une famille. 
certaine pendant la période où il juifs polonais originaires de Var­ Meier­Göring, n’a pas été con­ sieurs sont d’ailleurs décédés. A puis 1945. « Dans une première pé­ thomas wieder
travailla comme gardien au camp sovie et de Bialystok. vaincue. « Vous vous voyez l’instar de Karl Münter, un ancien riode, jusqu’aux années 1960, la
de concentration du Stutthof, A partir de fin 1943 ou début comme un observateur. Mais vous SS impliqué dans le massacre République fédérale a jugé les cri­
d’août 1944 à avril 1945, dans la Po­ 1944, le camp fut équipé d’une étiez un soutien de cet enfer créé d’Ascq, près de Lille, en avril 1944, minels nazis avec sévérité quand
logne occupée par les nazis. chambre à gaz, où plusieurs mil­ par des hommes », a­t­elle déclaré, et dont le procès était imminent ils étaient des subalternes et indul­ LE CONTEXTE
Il y a dix ou vingt ans, Bruno liers de détenus – le chiffre précis jeudi, lors du verdict. « Vous après des années d’investigation. gence quand ils étaient des déci­
Dey aurait échappé à la justice. Si n’est pas connu – ont été exter­ n’auriez pas dû participer à ce qui « Même si tous les procès ne pour­ sionnaires. A partir de la fin des an­
son procès a eu lieu, c’est grâce à minés au Zyklon B. De son côté, s’est passé au Stutthof », a­t­elle ront pas avoir lieu car certains des nées 1970, l’opinion publique a pris
ce qu’on appelle la « jurispru­ l’accusé a martelé qu’il n’avait ajouté, renvoyant Bruno Dey à sa accusés seront morts avant, il est conscience de l’immensité des cri­ LE CAMP
dence Demjanjuk », du nom de
cet ancien gardien du camp d’ex­
« jamais voulu faire de mal à
personne ». Devant le tribunal, il
« condition d’être humain » maître
de ses choix et refusant de le con­
important que l’Allemagne se mon­
tre aujourd’hui déterminée à juger
mes, et la relative impunité qui
avait prévalu jusque­là s’est peu à
DU STUTTHOF
termination de Sobibor (Polo­ a affirmé que c’est malgré lui sidérer comme un « simple les anciens criminels nazis », expli­ peu dissipée. Ces dernières années, Le camp du Stutthof est le
gne), qui, en 2011 à Munich, fut qu’il fut incorporé, à l’âge de rouage » de la machine de mort que Serge Klarsfeld. « C’est la enfin, on a commencé à s’intéres­ premier camp de concentration
condamné à cinq ans de prison 17 ans, au bataillon SS chargé de nazie, dénué de libre arbitre. preuve que la société allemande a ser à ceux qu’on n’avait jamais nazi établi en dehors du terri-
pour complicité d’assassinat de garder le camp. Entre les trois ans de réclusion changé, et que les générations ac­ voulu voir : les comptables, les gar­ toire allemand, dans la Pologne
28 060 juifs. Au cours de l’instruction, il a re­ requis par le parquet et l’acquitte­ tuelles sont prêtes à regarder le diens, les cuisiniers… En gros, tous à peine occupée par les nazis. Il
connu avoir vu des centaines de ment réclamé par la défense, c’est passé en face », poursuit l’avocat. ceux qui avaient joué les seconds est également le dernier à être
« Cet enfer de folie » cadavres à l’époque où il faisait toutefois un entre­deux qu’a dé­ A la suite du procès Demjanjuk, rôles mais qu’on avait oubliés. » libéré par les Alliés, le
Cette affaire a marqué un tour­ partie de l’équipe des gardiens du cidé la juge, convaincue de la cul­ l’Office central sur les crimes du D’après M. Klarsfeld, cette évo­ 9 mai 1945. Sa construction sur
nant dans l’attitude de la justice camp. Il a également raconté avoir pabilité de l’accusé mais soucieuse nazisme, créé en 1958 et basé à lution pose néanmoins des défis le territoire de la ville de Dantzig
allemande vis­à­vis des crimes du entendu des cris en provenance de tenir compte du fait qu’il avait Ludwigsbourg (Bade­Wurtem­ singuliers. « Il faut évidemment (Gdansk), à 34 kilomètres de
IIIe Reich. « Avant le procès de la chambre à gaz. Il a assuré, en 17 ans à l’époque. D’un strict point berg), a ouvert une trentaine juger, dit­il. Mais on ne peut pas cette ville, commença dès
Demjanjuk, les gens ne pouvaient de vue juridique, c’est d’ailleurs d’enquêtes visant d’anciens nazis faire porter le chapeau à des gens août 1939 et fut terminée le
être jugés que pour ce qu’ils devant un tribunal pour mineurs ayant été affectés à Auschwitz. qui ne sont pas entièrement res­ 2 septembre 1939 pour accueillir
avaient fait personnellement. Il que Bruno Dey a comparu. Moins d’une dizaine de ces en­ ponsables. Quelqu’un qui est né ses premiers prisonniers. Initia-
fallait des témoins ou des docu­
« Ce procès Soixante­quinze ans après la fin quêtes ont donné lieu à des con­ sous la République de Weimar et lement, Stutthof avait été cons-
ments les impliquant directement. est la preuve de la seconde guerre mondiale, damnations, certaines procédu­ qui avait une vingtaine d’années truit pour éliminer et persécuter
Depuis, le simple fait qu’une per­ Bruno Dey sera­t­il le dernier con­ res ayant été interrompues ou pendant la guerre doit être jugé les Polonais, mais ses fonctions
sonne ait appartenu à une organi­
que la société damné pour les crimes du IIIe ajournées en raison notamment plus sévèrement que quelqu’un qui évoluèrent et il joua ensuite un
sation criminelle suffit pour pou­ allemande Reich en Allemagne ? C’est possi­ de l’état de santé des accusés. a grandi dans les années 1930, rôle essentiel dans l’extermina-
voir la poursuivre, même si on ne ble. Selon un récent rapport du Deux de ces affaires ont néan­ comme Bruno Dey qui vient d’être tion planifiée des juifs d’Europe.
peut pas prouver précisément ce
a changé » Centre Wiesenthal, dont l’une des moins débouché sur des procès condamné : c’est difficile de juger Environ 65 000 personnes
qu’elle a fait elle­même », explique SERGE KLARSFELD missions est la traque des anciens ayant eu un important retentisse­ des gens très âgés qui ne peuvent y périrent sur les plus de 100 000
au Monde l’avocat Serge Klarsfeld, avocat nazis, une vingtaine d’enquêtes ment en Allemagne. Celui d’Oskar pas forcément très bien se défen­ qui y furent déportées.
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SAMEDI 25 JUILLET 2020 international | 3

UE : parcours d’obstacles pour le plan de relance


Le Parlement européen critique les concessions faites aux pays « frugaux » ou en délicatesse avec l’Etat de droit

bruxelles ­ bureau européen accord satisfaisant soit trouvé ».


Car, à leurs yeux, l’enveloppe bud­
la Commission quand son inter­
locutrice y a été nommée.
« Pour arracher cet ils sont issus − et elle a montré
qu’elle pouvait être imprévisible.
LE CONTEXTE

C’
est une véritable gétaire est insuffisante. Afin d’ob­ Côté recettes, les eurodéputés emprunt commun, Ainsi, il y a un an, elle n’a donné
course d’obstacles. La tenir l’aval des « frugaux » − Pays­ s’émeuvent que les rabais sur les qu’une très courte majorité à
on a sacrifié toute
première haie, sans
doute la plus haute,
Bas, Autriche, Suède, Danemark −
et de leur allié finlandais, adeptes
contributions nationales aient
été maintenus pour l’Allemagne l’Europe dont
Ursula von der Leyen pour être
confirmée à la présidence de la
SOUTIEN
a été franchie mardi 21 juillet, de l’orthodoxie budgétaire, les et augmentés pour les quatre Commission. Quelques mois plus Le Fonds de relance, sur lequel
quand, après quatre­vingt­dix Vingt­Sept ont revu à la baisse « frugaux ». Autre revendication :
nous avons tard, elle refusait les nominations les dirigeants des Etats
heures de discussions parfois hou­ leurs ambitions dans des domai­ en faire plus pour imposer la mise vraiment besoin » de trois commissaires, dont la de l’Union européenne se sont
leuses, les Vingt­Sept se sont en­ nes aussi variés que la recherche, en place de nouvelles ressources Française Sylvie Goulard. mis d’accord mardi 21 juillet,
FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY
tendus sur le plan de relance euro­ Erasmus, la défense, les transi­ propres, afin de permettre à Dans ce contexte, certains Etats prévoit d’emprunter en commun
eurodéputé Les Républicains
péen à 750 milliards d’euros qui tions climatique et numérique, ou l’Union de prélever des taxes pour membres sont sur leurs gardes : 750 milliards d’euros, du ja-
doit les aider à faire face à la crise encore la politique d’asile. rembourser l’emprunt commun les « frugaux », qui ont obtenu, en mais-vu, pour aider les pays
due au Covid­19. Financé par une agréé pour financer le plan de re­ échange de leur ralliement, des les plus touchés par la pandé-
dette commune, celui­ci viendra « Pilule difficile à avaler » lance, sans augmenter les contri­ Ainsi, les règles et les critères qui espèces sonnantes et trébu­ mie de Covid-19. Sur ce mon-
abonder le budget communau­ « Pour arracher cet emprunt com­ butions des Etats ni réduire les dé­ définissent le fonctionnement chantes ainsi qu’un budget plus tant, 390 milliards seront dé-
taire (de 1 074 milliards d’euros sur mun, on a sacrifié toute l’Europe penses communautaires. du fonds de relance et de rési­ contraint, tout comme la Pologne boursés sous forme de
la période 2021­2027). dont nous avons vraiment besoin », Sur la question de l’Etat de droit, lience (par lequel vont transiter et la Hongrie, qui refusent que le subventions, le solde le sera
Mais, pour voir le jour, cet ac­ résume l’ex­tête de liste LR aux aussi, les eurodéputés trouvent plus de 310 des 390 milliards de respect de l’Etat de droit condi­ sous forme de prêts. L’Italie,
cord va devoir encore passer plu­ élections européennes François­ matière à redire et ils « regrettent subventions qui seront allouées tionne leur accès à des fonds l’Espagne et la France seront
sieurs étapes, dont il n’est, à ce Xavier Bellamy. « Nos politiques vivement que », pour satisfaire aux pays le plus dans le besoin) européens, ont, eux aussi, à leur les principales bénéficiaires
stade, pas sûr qu’il sorte indemne. communautaires ne peuvent être Varsovie et Budapest − deux capi­ lui seront soumis, mais ce ne sera disposition un levier de négocia­ de cet instrument inédit.
Le Parlement européen, notam­ sacrifiées sur l’autel des taux de re­ tales régulièrement montrées du pas le cas du montant de son en­ tions puissant. Car le mécanisme
ment, aura son rôle à jouer dans tour des Etats membres [c’est­à­ doigt en la matière −, « le Conseil veloppe. Même chose pour le qui permet à la Commission de le­
cette affaire, et jeudi 23 juillet, à dire ce qu’ils touchent] », a ainsi européen ait considérablement af­ fonds pour une transition juste ver de la dette au nom des Vingt­ RATIFICATION
l’occasion d’un vote sur une réso­ lancé Dacian Ciolos, le président faibli » le lien entre le versement de 17,5 milliards, dans le budget, Sept sur les marchés doit être sou­ Avant d’entrer en vigueur, alors
lution, préparée par cinq grou­ du groupe Renew. des fonds européens à un pays et qui doit permettre d’aider les éco­ mis à au moins vingt­trois Parle­ que le temps presse pour sortir
pes politiques (les conservateurs Même si elle était dans l’hémi­ le respect des valeurs démocrati­ nomies les plus carbonées à ments nationaux − en Lettonie, de la récession suscitée par
du PPE, les sociaux­démocrates cycle pour défendre l’accord issu ques par ce dernier. émettre moins de CO2. en Irlande et en Slovaquie, la si­ la crise due au coronavirus, le
des S&D, les libéraux de Renew, du sommet européen − une L’Assemblée législative devra se gnature du gouvernement suffit. plan doit encore être ratifié par
les Verts et l’extrême gauche « force de frappe financière sans prononcer d’ici à la fin de l’année « Un vrai défi » « C’est un vrai défi », admet la quasi-totalité des Parlements
de la GUE/NGL) et adoptée par précédent » de 1 800 milliards sur le budget communautaire, Le Parlement compte donc profi­ Johannes Hahn, commissaire nationaux. Il sera examiné aussi
465 voix pour (150 contre et 67 d’euros −, la présidente de la Com­ qu’elle peut accepter ou refuser, ter des prochains mois pour im­ européen au budget. « Certains par le Parlement européen,
abstentions), les eurodéputés ont mission, Ursula von der Leyen, à mais pas amender. Elle ne sera, en primer sa marque sur un accord frugaux ou pays de l’Est voudront qui, s’il ne se prononce pas
fait part de leurs doléances. qui le budget permet de décliner revanche, pas appelée à voter sur qu’il juge insuffisant à bien des voter après le Parlement européen. directement sur ces fonds,
Si, dans leur grande majorité, ils ses priorités politiques, a re­ le plan de relance. Mais, dans un égards. Lors du précédent budget Ils se gardent une carte dans la a son mot à dire sur le budget
saluent le recours des Européens à connu que celui­ci était désor­ cas comme dans l’autre, elle sera (2014­2020), il avait déjà contesté manche s’il se montre trop gour­ communautaire négocié en
une dette commune afin de faire mais « très maigre ». C’est « une pi­ sollicitée, tout comme les Etats la proposition du Conseil, avant mand », décrypte une source parallèle lors du récent Conseil
œuvre de solidarité vis­à­vis des lule difficile à avaler », a admis membres, pour certaines des lé­ de finalement donner son accord. européenne. Un avertissement européen. Or les eurodéputés
pays le plus fragiles, comme l’Ita­ l’ancienne ministre d’Angela Me­ gislations qui devront être adop­ Mais, avec les élections européen­ à David Sassoli, le président du contestent des concessions
lie, l’Espagne ou la France, ils se di­ rkel. « Nous ne l’avalerons pas », tées, parce que des instruments nes de 2019, l’institution a été pro­ Parlement, qui affirmait pourtant faites pour arracher un compro-
sent néanmoins « prêts à refuser lui a répondu l’Allemand Manfred nouveaux sont créés. Sans jamais fondément renouvelée − 60 % des mercredi : « C’est nous qui avons mis après quatre jours de
de donner leur approbation [du Weber, le président du groupe avoir son mot à dire sur les enve­ élus n’appartiennent pas à un le dernier mot. »  tractations entre les chefs d’Etat
budget européen] jusqu’à ce qu’un PPE, qui briguait la présidence de loppes qui leur sont affectées. parti au pouvoir dans le pays dont virginie malingre et de gouvernement.

En Belgique, les meilleurs ennemis SPIRO FILMS PRÉSENTE

se parlent pour clore la crise politique


Les nationalistes flamands et les socialistes francophones ont
été invités par le roi Philippe à tenter de former un gouvernement

bruxelles ­ bureau européen qui a changé le cours des choses ? litique « plus efficace ». Si le pre­
La pandémie, évidemment, qui a mier n’évoquait plus son projet
UN FILM DE

C ela ressemble clairement


à une alliance des contrai­
res, mais c’est pourtant la
seule formule qui permettrait à la
Belgique d’avoir, enfin, un gou­
causé près de 10 000 morts, illus­
tré les faiblesses d’une gestion
fragmentée entre Etat fédéral, ré­
gions et communautés, et plon­
gé le pays dans la récession et
de confédéralisme, le second ne
disait rien du programme des
nationalistes en matière d’immi­
gration ou de questions éthiques,
notamment. Le vote d’un projet
YOSSI ATIA ET DAVID OFEK

vernement de plein exercice ca­ l’endettement. Le déficit de l’Etat de loi visant à la dépénalisation
pable, notamment, d’affronter la fédéral est passé en quelques complète de l’avortement, qui
pandémie qui l’a durement frap­ mois de 10 milliards à 52 mil­ les a opposés frontalement au
pée. Lundi 20 juillet, l’Alliance liards d’euros et le produit inté­ cours des dernières semaines, a
néoflamande (N­VA), le parti rieur brut (PIB) devrait reculer d’ailleurs été renvoyé à plus tard.
nationaliste de Bart De Wever, et de plus de 12 % cette année. Or, si
le Parti socialiste (PS) du Wallon elle veut notamment bénéficier Rapprochement prudent
Paul Magnette ont démarré offi­ de l’argent du fonds de relance Les deux protagonistes se sont
ciellement des discussions. approuvé, mardi 21 juillet, par octroyé une cinquantaine de
A la veille de la fête nationale, le le Conseil européen, la Belgique jours pour tenter de dégager un
roi Philippe avait prôné la mise devrait disposer d’un gouverne­ accord. C’est le 17 septembre que
en place d’un gouvernement « ré­ ment capable d’élaborer un pro­ le gouvernement d’affaires cou­
solu et stable », capable de fixer jet national, à soumettre à la rantes actuel, une coalition mi­
« une trajectoire clairement défi­ Commission. noritaire dirigée par la libérale
nie ». « Le pays tout entier le ré­ Pour justifier leur revirement francophone Sophie Wilmès, de­
clame, ne le décevons pas », affir­ et convaincre leur base, souvent vra obtenir un nouveau vote de
mait le chef de l’Etat, prônant très dubitative, voire hostile, confiance à la Chambre des dépu­
« courage et audace ». Un plai­ MM. Magnette et De Wever pour­ tés pour poursuivre sa route.
doyer on ne peut plus clair pour ront aussi mettre en avant l’inté­ « Il nous reste cinquante jours
une alliance des frères ennemis, rêt mutuel de leur alliance : la pour trouver une solution. A dé­
à la tête du plus grand parti de défense du système de sécu­ faut, il faudra convoquer de nou­
leurs régions respectives. rité sociale et du réinvestisse­ velles élections », indique M. Ma­
ment dans la santé et le social gnette. Or personne ne veut vrai­
Intérêt mutuel pour le premier, une nouvelle ré­ ment d’un scrutin qui devrait
Le PS et la N­VA avaient en fait forme institutionnelle, avec des conforter seulement les partis
déjà eu des contacts depuis la transferts supplémentaires de d’extrême droite (en Flandre) et
chute du gouvernement de Char­ compétences vers les régions, d’extrême gauche (en Wallonie).
les Michel, en décembre 2018, et pour le second. « Il n’y a aucune garantie de suc­
les élections, en mai 2019. L’en­ Dans des messages diffusés cès, mais je pense que nous devons
tente semblait toutefois impossi­ après leur nomination par le roi explorer cette voie et que nous de­
ble, comme l’avait illustré l’échec pour ce qui semble être une mis­ vons prendre cette responsabi­
d’une mission royale confiée, à sion de « préformation » (la défi­ lité », souligne M. De Wever.
l’automne dernier, à un repré­ nition d’un programme, avant la Cette fois, le roi Philippe re­
sentant de chacun de ces partis. négociation d’un accord), les prend le rôle qu’il ne jouait plus
La N­VA maintenait son hostilité deux présidents ont tenu des depuis le mois de mars. Parce
à une formation francophone propos convergents. M. De Wever qu’il pense que seule une al­
qu’elle caricature souvent en pro­ déplorait « l’enchevêtrement ins­ liance, même temporaire, entre
©CARACTÈRES - CRÉDITS NON CONTRACTUELS

motrice d’une « Walbanie » socia­ titutionnel », M. Magnette insis­ les deux plus grands partis per­
liste ; M. Magnette a affirmé que tait sur le fait, qu’en l’état actuel, mettra à son pays d’éviter de cu­ ACTUELLEMENT AU CINÉMA
son parti n’a « rien en commun » « le pays n’est pas prêt pour af­ muler les crises sanitaire, écono­
avec le nationalisme conserva­ fronter cette crise » et indiquait mique et politique. 
teur du parti flamand. Qu’est­ce qu’il fallait rendre le système po­ jean­pierre stroobants
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4 | international SAMEDI 25 JUILLET 2020

Face­à­face
gréco­turc
en mer Egée
Une mission d’exploration appuyée
par la marine turque est perçue
comme une nouvelle provocation

athènes ­ correspondance « La Grèce ne


va pas tolérer

A
seulement quarante­
huit heures du pre­ de violation
mier appel à la prière,
vendredi 24 juillet, à la de ses droits
basilique Sainte­Sophie d’Is­ souverains »
tanbul récemment transformée
en mosquée, le président turc STELIOS PETSAS
Recep Tayyip Erdogan a de nou­ porte-parole
veau provoqué la colère de son du gouvernement grec
voisin grec. Mardi, Ankara a an­
noncé par un message sur le sys­
tème d’information maritime in­ dans l’Evros en février, puis la ré­
ternational Navtex son intention cente décision de transformer la
de procéder, jusqu’au 2 août, à des basilique byzantine Sainte­So­ Le navire d’exploration turc « Oruç­Reis », au large d’Antalya, en Turquie, le 22 juillet. SEMIH ERSOZLER/AP
analyses sismiques, et de manière phie en mosquée, c’est, aux yeux
officieuse à la recherche d’hydro­ du gouvernement, une nouvelle qu’un F­16 turc avait abattu un gan en 2016, la situation s’est net­ vers le reste de l’Union euro­
carbures, au sud et à l’est de l’île provocation qui « sape la paix et la Mirage 2000 grec. Selon Angelos tement détériorée », explique Pa­
Le président péenne. « Erdogan essaie de tirer
grecque de Kastellorizo. sécurité dans la région ». Syrigos, professeur de droit in­ nagiotis Tsakonas, professeur de Emmanuel sur la corde au maximum, analyse
Le trajet du navire d’exploration ternational à l’université Pan­ relations internationales à l’uni­ Panagiotis Tsakonas. Il veut profi­
turc Oruç­Reis se situe pour deux Marathon diplomatique teion d’Athènes, « le moment versité d’Athènes. Confronté
Macron ter du désinvestissement améri­
tiers en zone maritime grecque. La marine grecque s’est mise en choisi pour lancer la prospection dans son pays à une sévère crise a déploré que cain sous l’administration Trump
Ankara conteste depuis des dé­ alerte dès mardi soir. Selon le mi­ n’est pas anodin : le 20 juillet se te­ économique, le président turc dans la région pour étendre son
cennies la délimitation de ces nistère de la défense, environ nait la 46e commémoration de tente de s’illustrer à l’internatio­
la Méditerranée influence et aussi essayer de faire
eaux territoriales. Hami Aksoy, 85 % de la flotte grecque se trouve l’offensive turque à Chypre, le nal et d’étendre son influence orientale soit pression sur l’Union européenne
porte­parole du ministre turc des en mer Egée au sud de Smyrne. 24 juillet correspond à l’anniver­ hors des frontières turques, en avant le sommet prévu en septem­
affaires étrangères, s’est d’ailleurs Les congés des militaires ont été saire de la signature du traité de Syrie, en Libye, en Méditerranée.
« l’enjeu de luttes bre où la question de la gestion
étonné mercredi que l’île de Kas­ suspendus jusqu’à nouvel ordre Lausanne de 1923 qui redessine les « Cette politique expansionniste de puissances » des flux migratoires sera de nou­
tellorizo, « large de 10 km2, à 2 km et le chef d’état­major, Konstanti­ frontières avec la Grèce et qu’An­ n’affecte pas que la Grèce, mais veau sur la table. »
seulement d’Anatolie [en Turquie] nos Floros, a dû rentrer précipi­ kara souhaite réviser… » depuis quelques mois, la question Jeudi, le président français, Em­
et à 580 km du continent grec » tamment d’une visite à Chypre. Dès mardi soir, la chancelière al­ de la Méditerranée orientale est Turquie signait avec le gouverne­ manuel Macron, a déploré que la
puisse offrir à la Grèce une souve­ « La Grèce ne va pas tolérer de vio­ lemande Angela Merkel a tenté de devenue prioritaire dans l’agenda ment d’accord national libyen Méditerranée orientale soit
raineté sur tout l’espace environ­ lation de ses droits souverains et calmer le jeu en appelant à la fois d’Ankara. C’était d’ailleurs le pre­ (GAN) un accord qui délimite les « l’enjeu de luttes de puissances,
nant. Dans le même temps, dix­ va faire tout ce qui est en son pou­ le premier ministre grec et le pré­ mier sujet abordé par le conseil de frontières maritimes bilatérales en particulier de la Turquie et de
huit navires de la marine turque voir pour les défendre », a déclaré sident turc. Kyriakos Mitsotakis sécurité national turc mercredi », en empiétant sur des zones exclu­ la Russie, qui s’affirment de plus
ont été déployés au sud de la mer jeudi le porte­parole du gouver­ s’est aussi lancé dans un mara­ note le chercheur. sives grecques et chypriotes. en plus et face auxquelles l’Union
Egée, et deux avions F­16 turcs nement grec, Stelios Petsas, thon diplomatique : depuis « Personne ne peut franchir de li­ européenne pèse encore trop
ont survolé les territoires grecs à avant que le premier ministre, mardi, il s’est entretenu avec le Ruée vers les hydrocarbures gnes rouges », avait alors mis en peu ». Les forces armées grecques
plusieurs reprises. Kyriakos Mitsotakis, ne s’entre­ président russe, Vladimir Pou­ La découverte d’hydrocarbures garde M. Mitsotakis. sont sur le qui­vive. L’Oruç­Reis
Pour Athènes, ces actions sont tienne sur le sujet avec tous les tine, le président chypriote, Nicos au large de Chypre s’est traduite En janvier, Athènes avait répli­ reste amarré dans le golfe d’Anta­
le signe d’une « escalade de la ten­ chefs de parti. Anastasiades, et a informé les ins­ ces dernières années par une qué avec la signature de l’accord lya, accompagné de deux fréga­
sion dans la région ». Après la si­ L’incident inquiète à Athènes et tances européennes, l’OTAN et le course à l’exploitation gazière et sur le pipeline Eastmed, qui doit tes turques. « Nous restons en
gnature d’un accord maritime n’est pas sans rappeler le diffé­ Conseil de sécurité de l’ONU. pétrolière. Ankara veut s’imposer permettre de transporter entre 9 alerte, et surveillons l’évolution de
turco­libyen en novembre 2019 rend de 1996 autour des îlots « La Grèce et la Turquie ont tou­ dans cette ruée vers les hydrocar­ et 11 milliards de mètres cubes de la situation avec sang­froid », a
bafouant les zones maritimes grecs inhabités d’Imia, à l’est de jours eu des relations de voisi­ bures et s’affirmer comme pre­ gaz naturel par an depuis les ré­ assuré jeudi le porte­parole du
grecques, l’envoi de milliers de Kalymnos, qui avait failli mener nage compliquées, mais depuis le mière puissance en Méditerranée serves offshore au large de Chy­ gouvernement grec. 
migrants à sa frontière terrestre les deux pays à la guerre lors­ coup d’Etat manqué contre Erdo­ orientale. En novembre 2019, la pre et d’Israël vers la Grèce, puis marina rafenberg

Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, « le danger est toujours là »


Les tensions, contenues jusqu’ici au Haut­Karabakh, gagnent désormais la frontière, laissant craindre un élargissement de ce vieux conflit

I l était un peu plus de 22 h 30 Depuis la mi­juillet et l’escalade GÉORGIE tions internationales depuis des aux frontières pourrait mener à pouvoir en Azerbaïdjan semble
quand, dans la nuit du des tensions entre les deux pays, Aygepar décennies tentant de réconcilier, une escalade géopolitique aux conscient qu’un point de non­re­
mardi 21 au mercredi 22 juillet, le point de non­retour menace Movses sans succès, les positions des diffé­ conséquences multiples. tour serait franchi en cas de
Chouchane Stepanian, la porte­ chaque jour d’être franchi. Tovuz
rents protagonistes. En ce qui con­ L’Arménie héberge à Guioumri guerre ouverte aux frontières.
parole du ministère de la défense Tavouch cerne le Haut­Karabakh, le conflit une base militaire russe stratégi­ « Les dirigeants du pays ne cessent
arménien a alerté d’une nouvelle Conflits sanglants
ARMÉNIE AZERBAÏDJAN est en réalité loin d’être gelé. La que pour le sud Caucase, et Mos­ de rappeler qu’ils n’envahissent
offensive du voisin azerbaïdja­ Tout démarre le 12 juillet. Pre­ zone, creusée de tranchées où se cou est lié au pays par un pacte de pas l’Arménie mais ne font que ré­
nais, faisant de nouveau frémir la nant de court des observateurs Erevan Haut- jaugent des « poilus » du XXIe siè­ défense. En face, l’Azerbaïdjan est pondre à ses attaques sur leur ter­
communauté internationale. « Les internationaux, des combatsTURQUIE cle, est régulièrement meurtrie soutenu sans faille par la Turquie. ritoire », observe Mme Vartanyan
Karabakh
unités spéciales de l’ennemi ont éclatent dans cette zone à la fron­ par des conflits sanglants. Ainsi de « Dans le cadre d’un conflit cir­ ajoutant, toutefois que « le danger
lancé une nouvelle attaque en di­ tière entre Azerbaïdjan et Armé­ AZ. la « guerre des quatre jours » qui, conscrit au Haut­Karabakh, la est toujours là ».
rection de la position “Sans peur”. nie, donnant lieu à une spirale in­ en avril 2016, provoque des centai­ Russie n’avait aucune obligation Semblant vouloir alerter la par­
Les forces arméniennes ont re­ contrôlée durant plusieurs jours. nes de victimes. Le groupe de mé­ légale d’intervenir pour défendre tie adverse, Vagif Dargahli, le por­
IRAN
poussé l’ennemi, causant d’impor­ Aux tirs de mortiers répondent Territoire contrôlé
diation mis en place en 1992 et di­ la partie arménienne. Si les frontiè­ te­parole du ministre azerbaïdja­
tantes pertes. Selon les informa­ les obus atteignant les villages 50 km par les forces arméniennes rigé, dans le cadre de l’Organisa­ res du pays sont en jeu, Moscou de­ nais de la défense, a sorti, le
tions provisoires, les forces spécia­ d’Aygepar et Movses. Bilan : au tion pour la sécurité et la coopéra­ vra peut­être prendre position », 16 juillet, un argument aux allures
les de l’ennemi ont, outre les bles­ moins 17 morts, dont 12 militai­ tion en Europe, par la Russie, les souligne Olesya Vartanyan, ana­ d’arme de dissuasion massive :
sés, des militaires piégés sur zone », res et un civil azerbaïdjanais et par Staline, le Nagorny­Karabakh Etats­Unis et la France parvient, in lyste sur le sud Caucase au sein de « La partie arménienne ne doit pas
écrit­elle sur Facebook. 4 soldats arméniens. Bakou est le théâtre d’affrontements fine, à faire respecter un fragile l’ONG International Crisis Group. oublier que les systèmes de missiles
Dans le camp opposé, le porte­ pleure notamment la mort d’un ethniques depuis la fin des an­ cessez­le­feu. Le président russe, Vladimir de pointe de notre armée peuvent
parole du ministre azerbaïdjanais général abattu par un drone, tan­ nées 1980. A la chute de l’empire Poutine, qui entend préserver des nous permettre de frapper avec
de la défense, Vagif Dargahli, a dis que la foule descend dans la soviétique, ce petit bout de terres « Sauver la face » relations apaisées avec l’Arménie précision la centrale nucléaire de
qualifié le propos de « fake news ». rue pour réclamer vengeance. montagneuses proclame son in­ Aujourd’hui, le nombre de victi­ mais aussi avec l’Azerbaïdjan, Metsamor, ce qui pourrait con­
« Il n’y a pas eu de nouvelle atta­ Ilham Aliev, le président azer­ dépendance, entraînant un con­ mes est, pour l’heure, bien moin­ auquel la Russie vend des armes, duire à une grande catastrophe
que, encore moins de blessés, de baïdjanais, limoge son ministre flit armé régional. Un fragile ces­ dre qu’en 2016, mais les analystes s’est dit « extrêmement préoccupé pour l’Arménie », a­t­il déclaré.
notre côté », a­t­il assuré, rappe­ de la défense jugé trop « passif ». sez­le­feu est signé en 1994 après n’en restent pas moins inquiets. par l’escalade actuelle », a indiqué Le ministre arménien des affai­
lant toutefois que la situation Chaque camp se rejette la faute une débâcle militaire de l’Azer­ Le fait que les échanges de tirs son porte­parole, Dmitri Peskov, res étrangères, Zohrab Mnatsa­
dans la région frontalière, qui re­ accusant l’autre d’être à l’initia­ baïdjan pourtant bien mieux éclatent désormais à la frontière cité par l’agence Interfax, le kanyan, a qualifié le propos de
lie Tavouch au nord­est de l’Armé­ tive des combats. armé – plus de 30 000 morts de entre les deux Etats, et non plus 17 juillet. Soulignant « le besoin ur­ « terrorisme d’Etat » reflétant les
nie et Tovuz en Azerbaïdjan, res­ La guerre qui oppose les deux part et d’autre – et l’expulsion des dans la zone du Haut­Karabakh, gent de garantir un cessez­le­feu », « intentions génocidaires de
tait « tendue ». pays est une vieille histoire. Mais Azéris. Dans l’affaire, Bakou perd fait prendre une nouvelle échelle Moscou a proposé d’endosser le l’Azerbaïdjan ». La centrale nu­
Nouvelle escarmouche dans la elle se concentre habituellement 13 % de son territoire. à l’affrontement. La zone est en­ rôle de médiateur. cléaire de Metsamor se situe à
guerre sans fin qui oppose les dans le territoire séparatiste du Depuis, le Haut­Karabakh fait tourée de villages et met en dan­ La communauté internationale moins d’une quarantaine de kilo­
deux ex­pays soviétiques ou étin­ Haut­Karabakh. Province peu­ partie de ces conflits dits « gelés » ger des civils et des infrastructu­ redoute encore que Bakou ne soit mètres d’Erevan, la capitale ar­
celle à même de mettre le feu plée en majorité d’Arméniens, qui, telles l’Ossétie du Sud ou la res, notamment pétrolières de tenté de choisir la surenchère ménienne. 
dans cette poudrière du Caucase ? rattachée à l’Azerbaïdjan en 1921 Transnistrie, font l’objet de média­ l’Azerbaïdjan. Et un conflit ouvert pour « sauver la face ». Mais le claire gatinois
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SAMEDI 25 JUILLET 2020 international | 5

En Côte d’Ivoire, Ouattara L’épidémie dépasse les


prévisions au Mexique
probable candidat malgré lui Face au nombre élevé de décès, le président Lopez
Obrador est accusé d’avoir minimisé la crise
Son successeur mort, tout laisse à penser que le président briguera
un troisième mandat, faute de renouvellement de la classe politique mexico ­ correspondance
« C’est criminel !

A
lassane Ouattara
n’avait sûrement pas
imaginé pareil cau­
chemar. Il n’a cepen­
Au moment
qui aurait dû être
lui, a également été présentée,
selon nos informations, à Jean­
Yves Le Drian, lorsque le chef de
la diplomatie française s’est
tion de la Côte d’Ivoire sortira
inévitablement abîmée de ce re­
niement. Conscient de cela lors­
qu’il se montrait ambigu sur sa
L a pandémie de coronavirus
ne faiblit pas au Mexique,
contrairement aux déclara­
tions optimistes du président,
Andrés Manuel Lopez Obrador
Le gouvernement
incite les malades
légers à rester
dant rien fait pour l’éviter. De­
le crépuscule rendu le 14 juillet aux obsèques candidature et n’avait pas encore (« AMLO »), qui martelait encore,
à domicile.
puis le 5 mars et l’annonce de son de sa carrière du premier ministre ivoirien. officiellement adoubé son mercredi 22 juillet, que « la crise Beaucoup meurent
départ au terme de son mandat, L’espérance d’un renouvelle­ premier ministre, il affirmait est surmontée ». Le lendemain,
le président ivoirien, 78 ans, di­
politique, ment du personnel politique lo­ alors vouloir « empêcher ceux qui le pays battait pourtant son re­
chez eux »
sait aspirer à une retraite « bien Ouattara, cal formulée par Paris attendra. ont détruit la Côte d’Ivoire de cord de contagions en 24 heures LAURIE ANN XIMENEZ-FYVIE
méritée », à s’occuper de sa fa­ Pour autant, cette candidature à revenir », avant de conclure sur (8 438 nouveaux cas confirmés). directrice d’un laboratoire
mille et de sa fondation, dont les
78 ans, semble un troisième mandat, que les op­ des accents trumpiens : « Côte Avec un total de 41 908 morts re­ de génétique moléculaire
locaux sont en cours de finition. plus seul posants ne manqueront pas de d’Ivoire first ». censés jeudi 23 juillet, le Mexique
Avant même cette déclaration déclarer contraire à la Constitu­ Reste que, derrière cette proba­ est le 4e pays au monde en nom­
officielle, qu’il affirmait avoir
que jamais tion, ne devrait pas susciter de ble candidature qui pourrait bre de décès, bien au­delà des pré­ code orange de repasser dans le
mûrie depuis deux ans, la route réaction outragée. faire bégayer l’histoire – en 2010­ visions initiales. Un message offi­ rouge. Depuis, cinq gouverneurs,
avait été préparée pour le pre­ 2011, la première confrontation ciel contradictoire qui soulève les concernés par ce revirement, refu­
mier ministre d’alors, Amadou Amon­Tanoh, qui a annoncé, Système pyramidal électorale entre les trois princi­ critiques des experts contre la sent de se soumettre aux consi­
Gon Coulibaly. Le décès inopiné, mercredi 22 juillet, sa candida­ « Le besoin déjà identifié demeure paux dirigeants s’était soldée par stratégie gouvernementale. Au gnes fédérales. « Les caprices (de
le 8 juillet, de ce « fils » et « plus ture à la présidentielle, Albert et nous le lui avons dit. Mais, avec une guerre qui a fait plus de point que certains gouverneurs M. Lopez­Gatell) ont déjà coûté
proche collaborateur », comme l’a Toikeusse Mabri ou le vice­prési­ un pays comme la Côte d’Ivoire, 3 000 morts –, c’est tout le fonc­ contestent les mesures sanitaires trop de vies au Mexique », a fustigé
qualifié le président, a fait voler dent, Daniel Kablan Duncan. nous jouerons de toute façon la tionnement de la vie politique des autorités fédérales. Enrique Alfaro, gouverneur de
en éclats ce plan de succession. Au moment qui aurait dû être carte de la stabilité. Notre relation ivoirienne qui se révèle. « Il y a un peu de confusion », a l’État de Jalisco (ouest). Depuis,
Sauf nouveau coup de théâtre, la le crépuscule de sa carrière politi­ nous permet de tout nous dire, Un système pyramidal où les reconnu, lundi 20 juillet, Hugo chacun d’entre eux se base sur ses
candidature d’Alassane Ouattara que, Alassane Ouattara apparaît mais la rupture n’est pas possi­ cadets, approchant souvent la Lopez­Gatell, vice­ministre de la propres indicateurs épidémiologi­
pour la présidentielle – dont le plus seul que jamais. Un homme ble », dit une source officielle soixantaine, sont éternellement santé, lors de sa conférence de ques. L’État de Jalisco prévoit ainsi,
premier tour a été fixé au 31 octo­ prisonnier de son attachement française. Le président de la Gui­ priés de patienter et n’osent pas presse quotidienne. « L’épidémie à partir du lundi 27 juillet, l’ouver­
bre –, en vue d’un troisième man­ exclusif à un dauphin à la santé née voisine, Alpha Condé, lui s’émanciper de leurs aînés. Com­ continue d’augmenter, mais à une ture des plages, des salles des fêtes
dat, semble désormais acquise. fragile, d’un entourage qui n’a aussi en quête d’un troisième ment sinon comprendre la candi­ rapidité moindre », répète l’épidé­ ou des zoos en imposant des me­
guère intérêt à son départ et de sa mandat et qui n’a cessé de dé­ dature qu’Henri Konan Bédié a miologiste en chef et porte­voix sures sanitaires. Quant à l’État de
« Préserver la stabilité du pays » croyance que lui seul est désor­ noncer le « deux poids, deux me­ pu encore imposer aux cadres du de la stratégie sanitaire du gou­ Quintana Roo (sud­est), la moitié
Dans son esprit, seul celui qui fut mais en mesure de battre les sures » dont il serait victime, ne Parti démocratique de Côte vernement. Pourtant, les chiffres de son territoire reste en code
son secrétaire général à la prési­ deux autres « éléphants » de la peut que jubiler. d’Ivoire, ou l’impossibilité du s’envolent : 370 712 cas ont été rouge, l’autre en code orange.
dence puis son premier ministre politique ivoirienne. L’ancien En Côte d’Ivoire, dès le premier Front populaire ivoirien à se re­ confirmés, jeudi, plaçant le pays La fronde va plus loin. Des parle­
était capable de prendre la relève président Henri Konan Bédié ministre enterré, le Rassemble­ construire sans Laurent Gbagbo ? au septième rang mondial des mentaires de l’opposition ont
parmi cette « jeune génération » à s’est déclaré candidat à 86 ans, et ment des houphouëtistes pour la L’« Ivoirien nouveau » qu’Alas­ contaminations. Pis, le Mexique, porté plainte contre M. Lopez­Ga­
qui il disait vouloir transmettre Laurent Gbagbo, 75 ans, dont les démocratie et la paix (RHDP) sane Ouattara prétendait vouloir avec 718 décès supplémentaires tell pour « négligence » dans la ges­
le flambeau. Les autres concur­ intentions ne sont pas claire­ s’est mis en branle. Les consulta­ faire émerger en même temps jeudi, talonne le Royaume­Uni tion de la pandémie. « Le nombre
rents au sein du pouvoir ont été ment affichées, pourrait faire al­ tions de la base, les déclarations que son pays au moment de (45 639 morts), derrière les États­ élevé de décès est dû à la stratégie
écartés, comme l’ancien prési­ liance avec lui, posant ainsi un des cadres du parti au pouvoir, prendre sa retraite en 2020 atten­ Unis (144 242 morts) et le Brésil erronée du gouvernement, qui a
dent de l’Assemblée nationale, réel défi électoral au pouvoir. une pétition lancée sur les ré­ dra encore. Il y a de fortes chan­ (84 082 morts). minimisé la crise », a justifié Julen
Guillaume Soro, ou invités à ron­ « A l’heure actuelle, compte tenu seaux sociaux sonnent toutes ces que les Ivoirens, au lende­ « Nous sommes parvenus à ralen­ Rementeria, sénateur du Parti Ac­
ger leur frein, comme le ministre des délais, je ne vois, hélas, pas comme un plébiscite parfaite­ main de la prochaine élection, tir la propagation du virus afin tion nationale (PAN, droite). Et
de la défense, Hamed Bakayoko. d’autre solution pour préserver la ment organisé en faveur d’Alas­ puissent encore appeler leur pré­ d’éviter la saturation des hôpitaux Laurie Ann Ximenez­Fyvie, direc­
Ceux qui auraient aimé un peu stabilité du pays », a ainsi confié sane Ouattara. « En l’état, il est le sident « le Vieux ».  tout en augmentant leur capacité trice du laboratoire de génétique
plus de considération, un sem­ Alassane Ouattara au magazine seul qui peut nous faire gagner et cyril bensimon d’accueil », se félicite M. Lopez­Ga­ moléculaire de l’Université auto­
blant de démocratie interne sur Jeune Afrique, une semaine après maintenir l’unité du parti », tell. Le confinement non obliga­ nome du Mexique (UNAM), de ti­
la désignation du successeur, le décès d’Amadou Gon Couli­ avance un dirigeant du RHDP. toire, instauré le 30 mars, a permis rer le signal d’alarme : « Le gouver­
sont allés voir ailleurs ; comme baly. Cette idée d’un sacrifice Son image de technocrate de limiter l’occupation hospita­ nement se focalise uniquement sur
les anciens ministres Marcel obligé, d’une candidature malgré ayant travaillé à la reconstruc­ Retrouvez en ligne l’ensemble de nos contenus lière à moins de 50 % en moyenne la disponibilité hospitalière, négli­
sur le territoire, et à moins de 80 % geant la contention des conta­
dans les régions les plus touchées. gions qui passe par le recours mas­
Le gouvernement a initié, depuis sif à des tests. »
le 1er juin, une reprise progressive Selon le programme des Nations

La mort d’humanitaires au Nigeria souligne des activités économiques. « Nous


avons pris la difficile décision
d’équilibrer la protection de la
unies pour le développement
(PNUD), le Mexique applique seu­
lement 65 tests par million d’habi­

l’exposition des ONG à la dégradation sécuritaire santé et celle du bien­être des gens
car la moitié de la population vit au
jour le jour », justifie M. Lopez­Ga­
tants, contre 305 en moyenne en
Amérique latine. « C’est criminel !,
s’insurge Mme Ximenez­Fyvie. Le
Des djihadistes ont exécuté cinq personnes, dont un employé d’Action contre la faim tell, qui invite les Mexicains à « res­ gouvernement incite les malades
ter chez eux quand ils le peuvent ». légers à rester à domicile. Beau­
coup meurent chez eux ou arrivent
Déconfinement progressif trop tard à l’hôpital. »

F ermer des missions pour


préserver la vie de ses équi­
pes ou rester coûte que
coûte pour ne pas abandonner
des populations parmi les plus
« Si nous partons,
ce sont
immédiatement
ont été exécutés. « Nous sommes
en permanence dans une partie
d’équilibriste où il faut peser le
service rendu aux populations et
l’exposition aux risques de nos
gions plus reculées, a même été
la cible de tirs. »
Face à cette dégradation, les
ONG internationales tentent de
transformer leurs modes d’inter­
Dans un pays où six actifs sur dix
travaillent dans l’économie infor­
melle, le gouvernement a lancé
un déconfinement progressif
basé sur un code de quatre cou­
En face, M. Lopez­Gatell relie le
nombre élevé de morts à la mau­
vaise alimentation des Mexi­
cains : « 75 % des adultes et 35 % des
enfants sont victimes de surpoids
démunies ? Au lendemain de l’as­ des milliers équipes », reconnaît Pierre Mi­ vention comme elles le font déjà leurs (rouge, orange, jaune et et d’obésité à cause de l’industrie
sassinat de quatre humanitaires cheletti, président d’ACF, à Paris. en Afghanistan, au Yémen, au vert), en fonction des niveaux de des sodas et de la malbouffe. Sans
et d’un officier de sécurité dans
de personnes « Nous naviguons à vue mais Mali ou au Soudan du Sud. « Nous contamination selon les régions. parler du diabète ou de l’hyperten­
nord­est du Nigeria, en proie de­ qui souffrent nous savons que si nous partons, avons de plus en plus recours à Depuis mi­juillet, 18 des 32 États sion, qui sont aussi des facteurs ag­
puis plus de dix ans à l’insurrec­ ce sont immédiatement des mil­ du personnel local ou africain. Ils sont placés en code rouge, n’auto­ gravant du Covid­19. » M. Lopez­
tion de groupes djihadistes et aux
davantage » liers de personnes qui souffrent savent mieux décrypter les con­ risant que les activités essentiel­ Gatell a présenté, jeudi, un plan de
attaques de groupes armés, la PIERRE MICHELETTI davantage », ajoute­t­il. textes sociaux et anticiper les ris­ les. Le reste est en code orange, lutte contre ces maladies chroni­
question se pose de nouveau président d’Action La situation humanitaire dans ques, explique Pierre Micheletti. permettant l’ouverture partielle ques qui inquiètent l’Organisa­
pour les ONG internationales. contre la faim le nord du pays le plus peuplé Quand la situation devient trop des autres activités. tion panaméricaine de la santé
La branche française d’Action d’Afrique est considérée comme tendue, les expatriés sont exfiltrés Mais, pour l’heure, l’épidémie (OPS). Mi­juillet, l’OPS a aussi ap­
contre la faim (ACF) et l’organisa­ une des plus dramatiques au vers des zones moins dangereuses continue de croître, mettant à mal pelé les autorités locales et natio­
tion américaine spécialisée dans la première exécution de tra­ monde par l’ONU. L’épidémie de et ils pratiquent de la “gestion à les prévisions de M. Lopez­Gatell. nales à mieux coordonner leurs
le soutien aux populations dépla­ vailleurs humanitaires. Nous avons Covid­19 l’a encore aggravée. Le distance”. C’est un pis­aller, la der­ Ce dernier avait d’abord annoncé actions pour éviter la confusion
cées, International Rescue Com­ dénoncé à de nombreuses reprises nombre de personnes ayant be­ nière étape avant le retrait. » un pic de contagions autour de la au sein de la population.
mitee (IRC) ont confirmé, mer­ la violation du droit humanitaire soin d’une aide d’urgence est Mais le président d’ACF insiste mi­mai, repoussé ensuite à juin. Même avis pour Mme Ximenez­
credi 22 juillet, la mort de leur em­ en espérant que cela ne se repro­ passé de 7,9 millions début 2020 sur un point : la sécurité des hu­ Depuis, il renvoie la fin de l’épidé­ Fyvie, qui déplore « des messages
ployé nigérian, détenu avec trois duise pas. J’implore une nouvelle à 10,6 millions ces dernières se­ manitaires ne pourra pas être mie à octobre. Quant au nombre officiels contradictoires incitant
autres hommes, enlevés début fois toutes les forces armées à ces­ maines. L’ONU estime que plus assurée si les gouvernements de victimes, l’épidémiologiste les gens à baisser la garde au ris­
juin sur la route qui relie Maidu­ ser de cibler les ONG et les civils », a de 1 million d’entre elles sont pri­ leur interdisent toute forme de l’évaluait, début mai, entre que d’une reprise de l’épidémie ».
guri, la capitale de l’Etat du Borno déclaré Edward Kallon, le coordi­ vées de toute assistance du fait contacts avec les groupes rebelles 6 000 et 8 000 morts d’ici la fin de En tête, le port du masque, dont
à Monguno, située à une centaine nateur des Nations unies pour les de la violence et de l’insécurité. armés : « La neutralité et l’indé­ l’été. Trois semaines plus tard, il M. Lopez­Gatell a mis en doute
de kilomètres au nord, en direc­ affaires humanitaires au Nigeria, pendance sont les principes fon­ tablait sur 35 000 morts. D’au­ l’efficacité. La maire de Mexico,
tion du lac Tchad. sans dissimuler un sentiment « Personnel local » dateurs des ONG humanitaires. tres études indépendantes sont Claudia Sheinbaum, l’a pourtant
Une vidéo a également été diffu­ d’impuissance. « L’espace des humanitaires se ré­ Nous devons pouvoir parler avec plus inquiétantes : l’université imposé dans les lieux publics
sée par les ravisseurs, cagoulés et Pour Action contre la faim, qui duit de plus en plus, témoigne Is­ tout le monde si cela nous garan­ de Washington (IHME) anticipe ainsi que l’instauration de 3 500
fusil au poing, dans laquelle ils déploie dans le pays plus de siaka Abdou, responsable des tit d’accéder aux populations les 88 160 décès d’ici le 1er octobre, tests par jour. La mégalopole, pla­
condamnent la collaboration de 600 personnes, les drames se ré­ opérations de Médecins sans plus vulnérables. Les lois antiter­ alors qu’un groupe de chercheurs cée en code orange, reste le princi­
leurs victimes avec « les infidèles », pètent. En juillet 2019, dans la frontières au Nigeria, au Mali et roristes (comme celle en vigueur du Massachusetts Institute of pal foyer de contagions. « “AMLO”
avant de les exécuter. Ils sont sus­ même région, l’une de ses em­ au Niger. Sortir de Maidiguri est contre Boko Haram) ne devraient Technology (MIT) prévoit 132 000 ne porte pas de masque alors qu’il
pectés d’appartenir au groupe Etat ployés, Grace Taku, avait été enle­ devenu extrêmement périlleux pas s’appliquer aux ONG qui inter­ décès d’ici le 1er septembre. devrait montrer l’exemple », sou­
islamique en Afrique de l’Ouest vée avec deux chauffeurs et trois en raison des barrages installés viennent dans les zones de con­ Même progressif, le déconfine­ pire Mme Ximenez­Fyvie, qui s’in­
(Iswap en anglais), apparu en 2016 fonctionnaires du ministère de sur les routes. Il y a un mois, un flits. Sinon, cela nous expose à ment a augmenté les risques de quiète de l’arrivée de la grippe, dé­
à la suite d’une scission avec Boko la santé. La jeune femme est tou­ hélicoptère humanitaire, que n’apparaître que comme les outils résurgence du coronavirus. but octobre, pouvant faire 20 000
Haram. « Ce n’est malheureuse­ jours retenue en otage par nous utilisons pour contourner des gouvernements en place. »  Dimanche 17 juillet, le gouverne­ morts supplémentaires. 
ment pas le premier enlèvement ni l’Iswap et les cinq autres otages cette insécurité et atteindre les ré­ laurence caramel ment a imposé à neuf États en frédéric saliba
6 | planète 0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

La pollution Les différents scénarios envisagés


Evolution de la pollution par le plastique dans le monde,
en millions de tonnes par an, selon différents scénarios

par le plastique Scénario 1 : pas de


changement de politique
100

Scénario 2 : amélioration

menace d’exploser de la collecte et de l'élimination


des déchets plastiques
Scénario 3 : amélioration
80

60
80,9

des techniques et capacités


Des stratégies ambitieuses pourraient encore de recyclage
40 36,9 44,9
Scénario 4 : réduction
réduire fortement les rejets dans l’environnement de l'utilisation du plastique
35,1
32,8
Scénario 5 : action 20 29,5
combinée des trois scénarios 17,7

L
es déchets en plastique Puis, ils ont étudié comment précédents (travail sur la collecte,
étouffent notre planète.
« Si on arrivait évolueraient les fuites annuelles le recyclage et la réduction 0
Mais casser la vague de à réduire de 80 % de plastique dans l’environne­ de l’utilisation du plastique) 2016 2020 2025 2030 2035 2040
pollution qui s’apprête à ment en fonction de cinq scéna­
nous submerger semble encore
la pollution rios différents, allant du statu quo
possible, selon une étude de mo­ au plastique, c’est (« business as usual ») à une com­ Evolution de la pollution par le plastique, en millions Evolution des modes d’élimination des plastiques
délisation publiée jeudi 23 juillet binaison d’interventions. de tonnes, pour 2020, 2030 et 2040, selon les scénarios issus des déchets ménagers selon le scénario
dans la revue Science, qui porte
un vrai défi Ils estiment qu’à l’heure ac­ le plus ambitieux, en millions de tonnes par an
sur l’impact que pourraient de l’humanité qui tuelle, près de 40 millions de ton­
Dans les mers
produire nos efforts sur les rejets nes de plastique sont rejetées
de plastique à l’échelle mondiale
serait relevé » chaque année dans l’environne­ 400
29,2
à l’horizon 2040. JEAN-FRANÇOIS GHIGLIONE ment, dont plus de 23 millions
18,2 130
Elle révèle notamment que, en directeur de recherche sur les terres et près de 14 mil­ 13,7 13,7 13 13,7 13,7 12,3 13,7 Réduits
l’absence de changement de po­ au CNRS lions dans l‘eau. Et que si rien 5,3 300
litique, les quantités de plastique n’était fait pour accroître la lutte Remplacés
rejetées chaque année dans l’en­ contre cette pollution, la quan­ 20 30 40 20 30 40 20 30 40 20 30 40 20 30 40 71
vironnement pourraient pres­ Si on y arrivait, c’est un vrai défi de tité déversée dans les milieux Recyclés
200
que tripler d’ici à 2040. Mais l’humanité qui serait relevé, parce terrestres et aquatiques chaque 51,6 Sur les terres
84
aussi que ces dernières pour­ qu’aujourd’hui, on ne fait pas du année serait respectivement
raient être réduites de près de tout face à nos déchets. » multipliée par 2,8 et 2,6 d’ici à Eliminés en décharge
80 % grâce au déploiement d’un Ce travail inédit, publié de pair 2040. Avec pour résultat la fuite 100
26,7
ensemble de stratégies visant à avec un rapport destiné au grand dans l’environnement de 1,3 mil­ 23,2 23,2 22 23,2 23,2 20,5 23,2 101
limiter cette pollution. Les rejets public et aux décideurs et inti­ liard de tonnes de plastique en 12,4
Dispersés dans l’environnement
annuels seraient alors inférieurs tulé « Breaking the Plastic l’espace de vingt ans. 0 44
de 40 % à ceux mesurés en 2016. Wave », a été réalisé par un panel 2016 2020 2030 2040
20 30 40 20 30 40 20 30 40 20 30 40 20 30 40
Ces stratégies existent déjà et de dix­sept experts internatio­ « Une vraie collecte »
l’enjeu est désormais qu’elles naux possédant des compéten­ Or, les engagements politiques ac­ Infographie : Le Monde Source : Science
soient mises en œuvre, par tous ces variées dans le domaine des tuels en faveur d’une réduction de
et partout. Elles combinent plastiques et des microplasti­ la pollution au plastique, comme
baisse de la consommation de ques, qui se sont réunis à inter­ l’interdiction au niveau européen contaminés. Or, « il faut une va­ conditions de recyclage absolu­ identifié de solution possible pour
plastique, substitution par valles réguliers en 2018 et 2019 des plastiques à usage unique ou leur suffisante dans le déchet plas­ ment pas contrôlées dans ces gérer ce problème » avec les tech­
d’autres matériaux comme le pa­ dans le cadre de groupes de tra­ encore des microbilles de plasti­ tique pour que les gens puissent en pays », souvent à ciel ouvert. nologies actuelles, explique­t­il.
pier, réutilisation et améliora­ vail et de séances plénières. Son que, ne permettraient de réduire vivre », souligne M. Boucher, ap­ L’étude met en outre en évi­ Il y a aussi un aspect comporte­
tion de la collecte et du recyclage. financement a été assuré par l’a0mpleur de cette pollution que pelant l’industrie à « utiliser da­ dence un autre aspect, bien som­ mental qu’il faut prendre en
l’organisation non gouverne­ de 7 %, souligne Julien Boucher, di­ vantage de plastiques recyclés ». bre : même en supposant que tou­ compte : les usagers rejettent en­
« Marqueur de l’anthropocène » mentale américaine The Pew recteur d’Environmental Action Il assure, en outre, que le recy­ tes les mesures à ce jour disponi­ core beaucoup de plastique dans
Pour Jean­François Ghiglione, di­ Charitable Trusts. Cet effort in­ (EA), un centre d’écoconception clage, tel qu’il est pratiqué dans bles pour lutter contre la pollution l’environnement, que ce soit
recteur de recherche CNRS à l’ob­ ternational est parti du constat suisse, et coauteur de l’étude. « Le les pays développés, est « claire­ au plastique soient déployées, ce d’ailleurs volontaire ou acciden­
servatoire océanologique de Ba­ qu’il manquait une réelle straté­ message est qu’il faut être beau­ ment une source importante de ne sont pas moins de 710 millions tel. Cela pourrait être limité à
nyuls­sur­Mer (Pyrénées­Orien­ gie, globale et concrète, pour ré­ coup plus ambitieux que nous ne le déchets plastiques », notamment de tonnes de plastique qui se­ l’avenir grâce à la conception de
tales), les résultats rapportés duire les déchets en plastique sommes actuellement, assure­t­il. en raison de leur export, en Asie raient rejetées dans l’environne­ produits sans pièces détachables,
dans cette étude – à laquelle il n’a dans le monde, et ce, en dépit Il n’est pas suffisant d’agir sur l’une ou en Afrique, par exemple. Envi­ ment en l’espace de vingt ans, estime Julien Boucher. Quoi qu’il
pas pris part – sont « un grand d’une prise de conscience crois­ ou l’autre de ces mesures, il faut ron 50 % des déchets collectés en parmi lesquels 250 millions de en soit, il espère que la publica­
message d’espoir », une « bouffée sante de l’ampleur du problème. agir sur tous les fronts. » Europe sont exportés. « D’un tonnes contamineraient les riviè­ tion de ces données permettra
d’oxygène ». « La pollution au Les chercheurs ont entrepris Cela passe donc par « la réduc­ point de vue environnemental, res, mers et océans. Et si le déploie­ d’accélérer les changements de
plastique est aujourd’hui une pol­ d’évaluer la pertinence de plu­ tion des plastiques inutiles » et le c’est une catastrophe, déplore ment de ces stratégies n’était re­ politique, estimant que « si l’on
lution majeure, que l’on considère sieurs stratégies visant à réduire la déploiement d’une « vraie filière M. Boucher, dénonçant des tardé ne serait­ce que de cinq ans, n’arrive pas à faire bouger les cho­
comme le marqueur de l’anthro­ pollution au plastique à l’échelle de retraitement, qui fonctionne alors 300 millions de tonnes sup­ ses avec cela, c’est vraiment mau­
pocène : quand nos enfants et nos mondiale d’ici à 2040. Ils ont pour avec du recyclage et l’utilisation de plémentaires s’accumuleraient au vais signe ».
petits­enfants regarderont notre cela développé un modèle inté­ matières recyclées », mais aussi sein des écosystèmes. Jean­François Ghiglione se
époque au sein des différentes grant les données, pour 2016, des par « une vraie collecte », détaille
« Le recyclage Pourrait­on donc faire mieux ? montre, pour sa part, optimiste,
ères géologiques, ils sauront que stocks et des flux de macroplasti­ Julien Boucher. La valeur du dé­ est actuellement Certaines sources de pollution estimant que « les voyants n’ont
nous étions à l’ère du plastique », ques issus des ordures ménagères chet plastique baisse depuis quel­ sont, à ce stade, difficilement jamais autant été au vert », que ce
déplore­t­il. Or, « cette étude est ainsi que des microplastiques gé­ ques années, en raison de la chute
une source compressibles, répond Julien soit du côté des consommateurs,
la première qui montre que ré­ nérés par le textile synthétique, du prix du baril mais aussi parce importante de Boucher. Par exemple, alors que des industriels ou des gouverne­
duire de 80 % la pollution au plas­ l’usure des pneus, les granulés de que la demande est faible : les les microplastiques générés par ments. Mais pour que cela fonc­
tique est quelque chose de possi­ plastique (utilisés pour la fabrica­ plastiques recyclés ne sont pas
déchets » l’usure des pneus contribuent « de tionne, « il faut vraiment que tous
ble, simplement avec nos con­ tion des produits en plastique) et utilisés dans les contenants ali­ JULIEN BOUCHER manière prépondérante » à la pol­ les acteurs s’y mettent ». 
naissances actuelles, se réjouit­il. les produits d’hygiène. mentaires car potentiellement directeur d’EA lution au plastique, « on n’a pas sylvie burnouf

Le trafic routier libère des microparticules dans l’air


L’usure des pneus et des freins génère chaque année 3 millions de tonnes de microplastiques qui contaminent les terres et les océans

L e trafic routier n’est pas seu­


lement synonyme de nui­
sances sonores et de gaz à
effet de serre : il génère aussi des
microplastiques, source de pollu­
liou, chercheur au Norwegian Ins­
titute for Air Research en Norvège
et premier auteur de l’étude.
Si l’analyse s’est focalisée sur la
pollution plastique générée par le
Cette pollution,
qui diminue
le pouvoir
kilos en moyenne), le nombre de
véhicules en circulation ou en­
core les distances parcourues.
L’analyse, qui repose sur les
données de 2014, révèle que le
tiers, soit quelque 140 000 ton­
nes, finit dans les océans. L’usure
des pneus serait, à elle seule, res­
ponsable du dépôt océanique an­
nuel de 100 000 tonnes de mi­
Alors comment limiter cette
pollution ? Pour Nikolaos Evan­
geliou, le développement de
nouvelles technologies en ma­
tière de production de pneus
tion atmosphérique. Une étude de trafic, dont les niveaux d’émis­ réfléchissant des trafic routier mondial génère an­ croparticules. A titre de compa­ pourrait apporter des éléments
modélisation publiée mardi sion sont « relativement bien surfaces, peut nuellement 2,9 millions de ton­ raison, l’équipe rapporte que de réponse, mais la solution la
14 juillet dans la revue Nature connus », les résultats pourraient, nes de particules de pneus et 64 000 tonnes de microplasti­ plus efficace serait de proscrire
Communications révèle que selon lui, s’appliquer plus large­ contribuer à la 175 000 tonnes de particules de ques issus de pneus usés sont dé­ l’utilisation de la voiture.
l’usure des pneus et des freins des ment à tous les microplastiques – fonte des glaces freins. Ces émissions provien­ versées chaque année dans les « Cela s’applique en réalité à tous
voitures, motos, bus et autres qu’il s’agisse de ceux issus des nent essentiellement des Etats­ océans par voie fluviale. les plastiques. Pour que la situa­
poids lourds produit chaque an­ emballages, des sacs en plastique Unis, du nord de l’Europe et des tion s’améliore, il faut les interdire,
née dans le monde quelque 3 mil­ ou encore des textiles – en dépit importantes régions urbanisées Métaux lourds car ces composés continuent de
lions de tonnes de particules com­ du peu d’attention jusqu’alors neige. Mais des contraintes tech­ de l’Asie orientale, du Moyen­ L’analyse révèle par ailleurs que s’accumuler dans l’environnement
posées en majorité de plastique. accordée à ce mode de diffusion niques avaient entravé l’identifi­ Orient et de l’Amérique latine. près de 50 000 tonnes de micro­ avec des cinétiques de décomposi­
Sous l’effet du vent, les plus fines par voie aérienne. cation des microparticules de Les scientifiques ont identifié plastiques transportés par l’air se tion extrêmement lentes. »
d’entre elles, représentant près de pneus. « C’est clairement un as­ que, parmi ces particules, celles déposent chaque année sur la « Il est bien sûr possible de net­
15 % de l’ensemble, ont la capacité Vent, pluie et neige pect qui mérite d’être étudié, avec de taille inférieure à 10 micromè­ neige et sur la glace, notamment toyer les océans et le littoral des
de se propager jusqu’à des régions Pour Steve Allen, chercheur à d’autres techniques », assure­t­il. tres (PM10) pouvaient circuler dans la région arctique. Selon les débris de plastique, mais les micro­
éloignées et de contaminer l’eau l’université de Strathclyde à Glas­ Pour quantifier l’étendue, à dans l’air pendant de longues chercheurs, cette pollution, qui plastiques, qui sont déjà partout,
des mers et des océans. gow (Ecosse), les chiffres rappor­ l’échelle mondiale, du transport périodes – jusqu’à trente­sept diminue le pouvoir réfléchissant vont probablement persister », dé­
« Le principal enseignement de tés dans cette « excellente étude atmosphérique et du dépôt des jours pour les plus fines – avant des surfaces, peut contribuer à la plore­il, rappelant que ces parti­
nos travaux est que, en matière de de modélisation » sont « vertigi­ microparticules de pneus et de de retomber sur les sols et dans fonte des glaces. cules ont la capacité de capter des
pollution océanique, les micro­ neux ». Il avait, dans une étude freins usés, l’équipe de cher­ les océans. Ils estiment en outre qu’en s’ac­ composés organiques et des mé­
plastiques issus du trafic routier parue en 2019, documenté avec cheurs norvégiens et autrichiens L’ampleur de cet effet est loin cumulant dans les bassins de taux lourds, ce qui accentue leur
qui sont transportés par voie aé­ des collègues toulousains le a pris en compte divers paramè­ d’être négligeable : les cher­ glace fondue, ces particules toxicité. En 2018, la production
rienne ont autant d’impact que dépôt, dans une région isolée des tres, dont la quantité totale de cheurs chiffrent le dépôt annuel pourraient engendrer des effets mondiale de plastique a atteint
ceux acheminés par les cours Pyrénées, de microplastiques matière que perd un pneu au total de PM10 issues du trafic écologiques dont l’ampleur est les 359 millions de tonnes. 
d’eau », résume Nikolaos Evange­ apportés par le vent, la pluie et la cours de son utilisation (quatre routier à 426 000 tonnes, dont le encore méconnue. sy. bu.
COMMUNIQUÉ SAMEDI 25 JUILLET 2020

www.grandanglesante.fr

Spécial Covid-19
QUAND LA CRISE ACCÉLÈRE
L’INNOVATION
Lancée durant la phase de confinement, la Coalition Innovation Santé vise à promouvoir
le développement de solutions numériques au profit d’un meilleur suivi du patient à son domicile.
Comment assurer la continuité des soins des patients DES SOLUTIONS TRÈS VARIÉES
chroniques, quand une partie des ressources se focalise La liste des solutions accompagnées par la Coalition
sur la prise en charge des patients atteints de Covid-19 ? Innovation Santé témoigne du large potentiel de la santé
Comment contribuer au désengorgement des services numérique.Biosency,par exemple,est un fournisseur d’ob-
hospitaliers ? Et comment l’innovation numérique peut- jets connectés qui permettent de monitorer les constantes
elle soulager l’activité des soignants tout en répondant aux des patients à domicile. Domicalis a mis au point Ambulis,
besoins réels des patients ? Telles sont les questions qui, un dispositif destiné à sécuriser les parcours médicaux et
dès le 25 mars, ont abouti à la constitution de la Coalition chirurgicaux, tandis que Calmedica propose un télésuivi
Innovation Santé, un regroupement inédit de plusieurs des patients par le biais de SMS. myCharlotte développe
catégories d’acteurs de santé. une appli Web, « Bulle », offrant plus de 30 activités en
© Darren Baker - stock.adobe.com / DR

« L’idée de ce projet est née de mes échanges avec des audio et vidéo adaptées aux patients atteints de cancer et
médecins, explique Franck Mouthon, président de France soignés à domicile. Cureety est une plateforme de télésur-
Biotech,à l’origine du projet. Ils s’interrogeaient sur la pos- veillance pensée pour le patient au domicile,afin d’amélio-
sibilité de disposer plus rapidement d’innovations techno- rer sa qualité de vie et d’optimiser son parcours de soins.
logiques, afin de mieux répondre à la prise en charge des Enfin, SimforHealth va permettre la formation à distance
malades chroniques, dans le contexte de tension majeure par simulation numérique d’environ 100 000 profession-
posée par l’épidémie de Covid-19. » nels de santé pour les patients atteints du Covid-19 et de
En quelques coups de fil et quelques jours, il constitue une maladies chroniques. Chacune des initiatives est soutenue
équipe de choc, immédiatement opérationnelle. par une ou plusieurs entreprises. Pfizer, par exemple, l’un
des projets. A l’issue de deux appels d’offres, 47 solutions sont des trois principaux contributeurs, s’intéresse à 12 d’entre
PARTIR DES BESOINS RÉELS DES USAGERS sélectionnées,dont 18 étaient financées ou sur le point de l’être elles, et en finance déjà 5. « Plus de 20 000 patients sont d’ores
Aux côtés de France Biotech, MedTech in France, France début juillet.Et près de 2,5 millions d’euros seront investis par et déjà concernés par ces projets, ajoute Franck Mouthon.
Digitale et le laboratoire AstraZeneca s’associent pour mettre les partenaires de la coalition. « La force de cette méthode,c’est Outre l’amélioration de la qualité de vie des patients, la
des experts à disposition. Rapidement, de nouveaux acteurs que nous partons des besoins exprimés sur notre site par des Coalition Innovation Santé révèle la formidable capacité des
rejoignent la démarche : l’AP-HP, Bpifrance, EIT Health, ainsi services hospitaliers, qu’ils soient publics ou privés, précise acteurs à travailler ensemble avec agilité et efficacité, au-delà
que plus d’une cinquantaine d’institutions ou d’entreprises. Franck Mouthon. L’objectif est d’éviter l’erreur trop souvent des cloisonnements traditionnels du système de santé. »
Du côté des start-up technologiques, plus de 400 d’entre elles constatée par le passé : l’élaboration de services technologi- Une leçon pour l’après-Covid, quand il faudra nécessairement
déposent un projet. C’est la société Digital Pharma Lab qui est quement performants, mais qui ne s’intègrent pas aux usages réformer l’écosystème de l’innovation dans le secteur de la
chargée de l’évaluation méthodologique et du déploiement des professionnels et des patients. » santé. Pierre Mongis

Engagement PFIZER LUTTE À 360° CONTRE LE VIRUS Vaccin LA PISTE


INNOVANTE DE L’ARN
Le groupe biopharmaceutique mondial met à profit son expertise pour participer MESSAGER
aux avant-postes à la lutte contre le Covid-19. Le point avec Henriette Rosenquist, Sur la base d’un partenariat
présidente de la filiale française de Pfizer. déjà existant depuis 2018
© DR

entre la société allemande


Face à la situation inédite metteuses contre le Covid-19. Nous cins sont en cours depuis plusieurs cesse de se multiplier et que l’or- de biotechnologie BioNTech et Pfizer,
provoquée par la pandémie, avons également adapté nos capaci- mois aux Etats-Unis et en Allemagne ganisme soit mieux à même de le les deux entreprises développent un
quels sont les axes de tés de production afin d’être en me- et nous avons annoncé des résultats combattre. Dans ce cadre, nous exa- potentiel vaccin à ARN messager.
mobilisation du groupe Pfizer ? sure de fournir les volumes néces- préliminaires positifs début juillet. minons les traitements actuelle- Son mode d’action vise à permettre à
Il s’agit en effet d’un événement saires lorsqu’une solution thérapeu- Si l’étude d’innocuité et d’efficacité ment disponibles et nous évaluons l’organisme de développer une immu-
sanitaire sans précédent, qui bou- tique ou préventive serait approuvée. est concluante et que le vaccin est les molécules qui ont été décou- nité contre le virus du SARS-COV-2.
leverse l’ensemble des systèmes de Enfin, le groupe appelle les agences approuvé par les autorités réglemen- vertes pour la première fois dans les Le principe consiste à introduire dans
santé et pose des défis majeurs dans fédérales américaines à former une taires, nous prévoyons de produire laboratoires de Pfizer en réponse à les cellules de l’organisme la séquence
tous les pays. En tant que leader équipe d’intervention d’urgence face jusqu’à 100 millions de doses d’ici l’épidémie de SRAS de 2003. d’ARN messager qui code et induit
mondial de l’industrie pharmaceu- aux futures menaces épidémiques. à la fin de 2020 et, potentiellement, dans la cellule la synthèse d’une pro-
tique, Pfizer s’est fortement mobili- Comment la filiale France téine spécifique du virus. Une fois cette
sé pour contribuer immédiatement s’investit-elle dans la protéine produite dans l’organisme,
à la lutte contre la pandémie. Dès lutte contre le virus ? le système immunitaire pourrait alors
le 13 mars, le président du Groupe, « Les essais cliniques D’abord, en soutenant la recherche. reconnaître l’antigène et développer
Albert Bourla, s’engageait sur cinq
promesses pour accélérer le déve-
sur quatre Nous apportons un soutien finan-
cier à l’Institut Pasteur et à la
une immunité contre celui-ci.

loppement de solutions qui pour- candidats vaccins Fondation de France dans le cadre
raient protéger la population mon- sont en cours depuis du programme «Tous unis contre le secteur en participant au finance-
diale contre cette pandémie. virus ». Le but est d’offrir davantage ment d’un stock de masques consti-
En premier lieu, nous garantissons plusieurs mois […] de moyens aux chercheurs pour tué par le LEEM.
un partage transparent de l’en- et nous avons mieux comprendre et détecter l’épi- Enfin, nous participons activement
semble des données disponibles,
annoncé des résultats démie, concevoir des traitements, à la Coalition Innovation Santé, un
© Grégory Brandel - Pfizer / DR

avec la constitution d’une plate- développer un vaccin et protéger les projet né en France au plus fort de
forme en open source. C’est une préliminaires soignants très exposés au risque. la pandémie et emblématique de
approche inédite qui permet d’accé- positifs Nos salariés sont par ailleurs pleine- l’apport du numérique pour la conti-
lérer considérablement les moda- ment engagés : certains,par exemple, nuité des parcours de soins.
lités de mise au point des futures début juillet. » participent à la réserve sanitaire Nous soutenons plusieurs projets
réponses thérapeutiques. Henriette Rosenquist pour seconder les soignants hospita- qui, outre les performances qu’ils
En second lieu, nous avons consti- liers,d’autres sont en première ligne offrent par la fertilisation croisée
tué une équipe de chercheurs consa- afin d’assurer la disponibilité de nos des compétences et des savoir-faire,
crée au Covid-19, composée de nos Où en est aujourd’hui plus de 1,2 milliard de doses en 2021. médicaments pour l’ensemble des témoignent aussi d’un réel esprit
meilleurs virologues, biologistes, la recherche de Pfizer Nous recherchons activement des patients, dans un contexte préoccu- de solidarité parmi les acteurs du
chimistes, cliniciens et épidémio- contre le virus ? traitements antiviraux pour les pa- pant de retard aux soins. monde de la santé.
logistes. Ensuite, Pfizer s’appuie sur Pfizer est totalement mobilisé pour tients atteints de Covid-19,qui pour- Un challenge solidaire interne a Propos recueillis par Pierre Mongis
son expertise en matière de déve- découvrir un vaccin et nous testons, raient les aider à combattre le virus aussi permis de verser un don pour
loppement clinique et de réglemen- avec notre partenaire BioNTech, un plus efficacement. soutenir les efforts sur le terrain de Informations communiquées en
tation pour soutenir les biotechs vaccin à ARN messager. Les essais L’objectif est de trouver un traite- la Croix-Rouge. Une solidarité expri- collaboration avec le laboratoire Pfizer.
disposant des solutions les plus pro- cliniques sur quatre candidats vac- ment qui inhibe le virus, afin qu’il mée également au niveau de notre PP -GIP-FRA-2015

Daté du 25 juillet 2020, Grand Angle est édité par CommÉdition • Directeur général Eric Lista • CommÉdition, agence de communication éditoriale • www.commedition.com • Rédaction Pierre Mongis • Secrétariat
de rédaction Iris Mondrian • Maquette & réalisation Aline Joly (andie.j) • LA RÉDACTION DU QUOTIDIEN LE MONDE N’A PAS PARTICIPÉ À LA RÉDACTION DE CE COMMUNIQUÉ. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT.
FRANCE
0123
8| SAMEDI 25 JUILLET 2020

Six milliards d’euros pour l’emploi des jeunes
Le gouvernement a présenté son plan jeudi, alors que les jeunes salariés sont fortement touchés par la crise

L’
entrée dans la vie active
ne doit pas se heurter à
une porte close. Alors
que des centaines de
milliers de jeunes sont sur le point
de pénétrer dans un marché du
travail ravagé par la récession,
l’exécutif cherche, autant que pos­
sible, à leur éviter de passer par la
case chômage, en mettant des
moyens substantiels sur la table :
6,5 milliards d’euros en 2020 et
en 2021. « Du jamais­vu », a assuré,
jeudi 23 juillet, Jean Castex. Le chef
du gouvernement a présenté un
très large éventail d’actions lors
d’un déplacement à Besançon, en
compagnie de trois ministres,
dont celle du travail, de l’emploi et
de l’insertion, Elisabeth Borne. Le
but est d’offrir une « solution » à
chacune des personnes qui com­
mencera sa vie professionnelle à
partir de la fin de l’été.
Un tel effort se justifie par le fait
que les jeunes sont ceux « qui mor­
flent le plus » en période de crise, a
lancé M. Castex, en peaufinant, au
passage, son image d’homme poli­
tique au style direct. Les mesures
qu’il a exposées s’inscrivent dans
la continuité des interventions Le premier
d’Emmanuel Macron. Durant son ministre, Jean
entretien télévisé du 14­Juillet, le Castex, visite
président de la République avait un centre de
annoncé les grands axes d’un plan formation
consacré à cette problématique, d’apprentis,
qu’il avait, partiellement, détaillé, à Besançon,
huit jours plus tard, lors d’une vi­ le 23 juillet.
site à Chambord (Loir­et­Cher). SÉBASTIEN BOZON/AFP
Le gouvernement actionne de
multiples curseurs : soutiens fi­
nanciers à l’embauche, extension mois, de début août à fin jan­ gée en début de carrière, car elle lution », renchérit Laurent Mune­ tigé. Un plan en faveur des jeunes
des actions de formation… Pour les vier 2021. La cible a été élargie aux peut déboucher sur des situations rot, le président de l’Union des en­
Une prime sera est « une bonne chose », recon­
publics éloignés de l’emploi, plu­ postes rémunérés jusqu’à 2 smic, de « décrochage » durable, fait va­ treprises de proximité, en souli­ attribuée aux naît­il, mais celui qui a été pré­
sieurs dispositifs existants vont afin de tenir compte d’une reven­ loir l’entourage de Mme Borne. gnant la simplicité du mécanisme, senté jeudi ne met pas assez l’ac­
être amplifiés ou relancés, parmi dication des organisations patro­ En matière de formation, 1,5 mil­ grâce à des versements effectués
employeurs qui cent, selon lui, sur une offre de
lesquels des formes de contrat nales : celles­ci craignaient que le liard d’euros supplémentaire va par un opérateur public. Seul bé­ recrutent un contrats de travail durables. En
aidé, que le pouvoir en place de­ dispositif dévoilé le 14 juillet ex­ être affecté au plan d’investisse­ mol, exprimé par M. Asselin : la outre, bon nombre des dispositifs
puis mai 2017 avait mises en ex­ clue les diplômés du supérieur – ment dans les compétences (PIC), réussite de ce programme dépend
jeune de moins proposés ne génèrent « aucun
tinction, les jugeant insuffisam­ ceux­ci étant bien souvent payés engagé dans la première moitié du intimement de la croissance éco­ de 25 ans, en CDI droit à la retraite ou à l’assurance­
ment efficaces. au­dessus du seuil envisagé, initia­ quinquennat : cette manne servira nomique. « Il ne faut pas oublier chômage », regrette­t­il. Et des in­
L’une des principales orienta­ lement, par le chef de l’Etat. à orienter vers des « métiers et des que c’est l’activité qui fait qu’une en­
ou en CDD d’au terrogations existent quant aux
tions arrêtées vise à alléger le coût secteurs d’avenir » (industries du treprise va embaucher ou non, moins trois mois moyens dévolus pour « accompa­
du travail. M. Macron en avait Effet d’aubaine numérique, entreprises concou­ dit­il. L’élément déclencheur, c’est gner » les bénéficiaires. Denis Gra­
parlé le 14 juillet, en évoquant une Cette aide, qui pourrait concerner rant à la transition écologique…). sentir que le carnet de commandes vouil (CGT) déplore, pour sa part,
« exonération [de] charges » pour « 450 000 contrats » de travail, a Le patronat réagit favorable­ se remplit. » « Il faut un choc de con­ (CFDT). Le fait de compiler une que les aides à l’embauche s’appa­
les emplois rémunérés jusqu’à pour objectif « d’accélérer les déci­ ment à ces mesures, notamment fiance », complète M. Munerot : à gamme étendue d’actions lui pa­ rentent à des « cadeaux », puis­
1,6 smic. Mais le mécanisme fina­ sions d’embauche », explique­t­on la prime au recrutement. « Ça va ce titre, le plan de relance, qui sera raît être « la meilleure des solu­ qu’elles ne sont assorties d’aucune
lement retenu est assez différent : au ministère du travail. Le gouver­ dans le bon sens, confie François présenté, le 24 août en principe, en tions » car la diversité des profils contrepartie réclamée aux em­
il consiste en une prime pouvant nement sait qu’elle est susceptible Asselin, le président de la Confédé­ conseil des ministres, jouera un est prise en compte. « La prime à ployeurs. A ses yeux, les initiatives
aller jusqu’à 4 000 euros par an et d’être synonyme, dans certains ration des petites et moyennes en­ rôle déterminant. l’embauche nous va bien », ajoute­ prises sur la question des discrimi­
destinée à compenser les cotisa­ cas, d’effet d’aubaine – des entre­ treprises. En s’appliquant aux ré­ Chez les syndicats, les avis sont t­elle, en relevant qu’il n’y a « pas nations, en particulier à l’égard des
tions sociales. Elle sera attribuée prises n’en ayant pas besoin pour­ munérations qui vont jusqu’à deux contrastés. Les annonces de jeudi d’exonérations de cotisations pé­ jeunes habitant les quartiers po­
aux employeurs qui recrutent un raient enrôler de la main­d’œuvre. smic, cette aide couvre la quasi­to­ reprennent « plusieurs des proposi­ rennes » – donc pas de ressources pulaires, sont insuffisantes. 
individu de moins de 25 ans, en Mais la première préoccupation talité des jeunes. C’est plutôt bien tions que nous avions faites », note, en moins pour la Sécurité sociale. raphaëlle besse desmoulières
CDI ou en CDD d’au moins trois est de prévenir l’inactivité prolon­ calibré. » « Il s’agit d’une bonne so­ avec satisfaction, Inès Minin Michel Beaugas (FO) est plus mi­ et bertrand bissuel

A droite, l’éternel fantasme du retour de Nicolas Sarkozy


L’ancien chef de l’Etat, qui doit être jugé en octobre pour corruption, publie un livre sur les deux premières années de son quinquennat

I l est des figures devenues tu­


télaires et dont la moindre
prise de parole est scrutée,
analysée, passée au fin tamis
du signifiant politique. Nicolas
personnelle que nationale, voire
internationale, qui ont émaillé
ces vingt­quatre premiers mois.
Du divorce avec sa femme Cécilia
à la gestion de la crise en Géorgie,
jeudi 23 juillet, l’eurodéputée Na­
dine Morano lâche sans détour :
« S’il avait une possibilité de reve­
nir dans le jeu parce que la situa­
tion est tellement dramatique qu’il
m’étais mis en tête que, si la situa­
tion devenait inextricable, dange­
reuse, extrême, ma place ne serait
plus contestée. »
Mais attention, prévient Pierre
sent libre d’écrire », tient­on à pré­
ciser. Reste qu’une candidature
potentielle de Nicolas Sarkozy ne
serait pas vue d’un mauvais œil
par tous chez LR, où aucun leader
qui affirment que leur champion
ira coûte que coûte. L’ex­chef de
l’Etat complimente d’ailleurs son
ancien ministre du travail dans
son ouvrage : « Xavier Bertrand
Sarkozy est de ceux, qui, à chaque en passant par un phlegmon à la serait le seul recours, je peux vous Charon, sénateur (Les Républi­ n’émerge pour l’instant. François exerçait ses fonctions avec une
fois qu’il s’adresse au grand pu­ gorge opéré une nuit avant une dire qu’il reviendrait vite fait. » cains) de Paris, « personne ne peut Baroin, poussé par de nombreux grande conscience profession­
blic, suscite des remous dans la visite d’Etat au Maroc. Ainsi, celui qui a perdu en 2012 sortir de son bureau en ayant une cadres et la direction à revêtir les nelle. Il était soucieux de bien
classe politique française. Un livre en forme de justifica­ contre François Hollande, puis a phrase à répéter ». Comprendre : couleurs du parti en 2022, n’a tou­ faire et ne ménageait ni son
La parution surprise, vendredi tion ou d’explication d’un quin­ été éliminé dès le premier tour de si des proches ou des fidèles s’ex­ jours pas clarifié ses intentions. temps ni sa peine. »
24 juillet, du livre Le Temps des quennat riche en événements la primaire de la droite en 2016, priment, personne ne sait vrai­ Certains de ses visiteurs affir­ Damien Abad, député de l’Ain et
tempêtes, aux éditions de L’Ob­ qui fait dire à certains que l’an­ penserait, selon quelques fidèles, ment ce qu’il y a dans la tête de ment d’ailleurs que Nicolas président du groupe LR à l’Assem­
servatoire (528 pages, 23 euros), cien président, qui siège désor­ de nouveau à l’élection présiden­ Nicolas Sarkozy. Lui­même af­ Sarkozy serait de plus en plus cri­ blée nationale, se réjouit que Ni­
un an après son précédent mais au conseil d’administra­ tielle si le contexte s’y prêtait. Si firme au Figaro, jeudi 23 juillet : tique devant les hésitations de colas Sarkozy « prenne la plume
ouvrage, Passions (éditions de tion du groupe Accor et qui doit « le pays était dans une situation « Ce livre n’a aucune dimension son ancien ministre. pour s’adresser de façon authenti­
L’Observatoire), n’a pas échappé être jugé en octobre pour corrup­ extraordinaire ». politique dans un projet de « On n’a pas de candidats à que aux Français ». « Ça donne du
aux règles du genre. tion dans l’affaire dite « des écou­ construction ou de continuation droite, il faut passer une annonce souffle et de l’oxygène à la droite
Ecrit pendant le confinement tes », n’en a pas tout à fait fini « Je ne suis pas en campagne » d’une carrière. » Et d’ajouter « Je ne dans Le Chasseur français pour que d’avoir un ancien président de
dans sa résidence du cap Nègre avec la vie politique. Après tout, A cet égard, certains passages des suis pas en campagne. Ça ne me avoir quelqu’un », regrette Pierre sa famille politique sur le devant
(Var) où s’était réfugié l’ancien « on n’apprend pas à un tigre à premières pages de son livre rela­ manque pas ! Personne ne me Charon. « C’est sûr que, pour les de la scène », estime­t­il. Mais
chef de l’Etat, ce volume de devenir végétarien », selon une tant sa fascination pour les tem­ croit, mais c’est la vérité ! » adhérents, et plus globalement point trop n’en faut, confie un
500 pages narre les deux premiè­ phrase prêtée à Patrick Buisson, pêtes peuvent en faire réfléchir Dans son entourage proche, on pour les électeurs de droite, autre élu sous le sceau de l’anony­
res années du quinquennat du son ex­conseiller. plus d’un. « Je dois bien reconnaî­ affirme que la parution, au milieu Sarkozy, s’il venait à revenir dans mat, car « les Français adorent lire
dernier président issu des rangs Pour certains de ses proches, tre que j’aime les tempêtes, et pas de l’été, est une preuve que l’an­ le jeu, serait un meilleur choix », ses Mémoires, c’est une figure,
de la droite républicaine. Sans Nicolas Sarkozy aurait « une folle simplement dans le sens climati­ cien président « souhaite parler tranche un autre fidèle. mais ils ne veulent pas replonger
chapitres, les pages pullulent de envie de revenir ». Mais attention, que », écrit l’ancien président de la aux Français et n’est pas dans Les partisans du président de la dans tout ce que cette figure impli­
détails sur les grands et les petits pas à n’importe quelles condi­ République. Plus loin, il admet : un tempo purement politique ». région Hauts­de­France, Xavier que ». L’exégèse a des limites. 
événements de nature tout aussi tions. Invitée de la chaîne Cnews, « Dès mon plus jeune âge, je « C’est parce qu’il est parti qu’il se Bertrand, ne sont pas de cet avis, sarah belouezzane
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 france | 9

Covid­19 : plongée
chez les « pestiférés »
de l’Oise
La commission d’enquête du Sénat a étudié
jeudi la gestion de la crise dans le premier
département touché par l’épidémie

I
l parle de la commune dont Premier foyer épidémique, le
il est élu depuis 1983, de ses département de l’Oise a recensé
blessures et de ses fantômes, 591 morts au total. « Notre terri­
et il pleure. Devant les séna­ toire a été pris très tôt dans la tour­
teurs de la commission d’enquête mente, et placé sous les feux des
parlementaire, jeudi 23 juillet, le projecteurs, sans être préparé », a Devant
maire de Crépy­en­Valois, Bruno résumé, à son tour, la présidente le collège
Fortier, a raconté son histoire et du conseil départemental, Jean­de­La­
celle de sa ville, première de Nadège Lefebvre. Surpris par la Fontaine,
France à avoir été touchée par violence de la vague, les acteurs à Crépy­en­
l’épidémie de Covid­19. Devenue de terrain ont dû « prendre leur Valois,
« l’épicentre de la crise pandémi­ sort en main », comme l’a rappelé le 28 février.
que et médiatique », cette petite le préfet, Louis Le Franc, con­ MARTIN BUREAU/AFP
commune de l’Oise, située à 60 ki­ fronté très tôt à une série de pro­
lomètres de Paris, a renoué avec la blèmes inédits, dont la pénurie de
tragédie, près de quarante ans masques ou l’encombrement des avait dit avoir trouvé 200 blouses, gation de l’épidémie en France, très forte ». « Avant cette nuit dra­
après le « terrible accident de services funéraires.
« En l’absence pour les ramener à l’hôpital de avant que l’Institut Pasteur écarte matique du 25 au 26 février, nous
Beaune », plus grave catastrophe Certains week­ends, le person­ de décisions Crépy. « Même si les masques finalement cette piste. « Il n’a pas avons passé le mois de février à
routière de France, dans laquelle nel des pompes funèbres, au dé­ étaient périmés, on se débrouillait été démontré que la base était le faire du “contact tracing” sur
44 enfants, serrés dans deux part très mal protégé, a « géré »
nationales, avec ce qu’on avait », a­t­il ajouté. centre à partir duquel a circulé le 42 cas investigués. » Mais, parado­
autobus bondés, ont perdu la vie entre 35 et 40 morts en même j’ai dû prendre Du côté de l’hôpital Saint­Lazare, virus », a insisté Louis Le Franc. xalement, « nous n’avons pas
dans l’incendie de ces derniers, temps, menaçant de laisser les aucune pénurie n’a au final été conscience que le virus circule dans
un sombre jour de juillet. cercueils sur les routes. « J’ai été
des décisions déplorée, même si l’établisse­ « Trou noir sur le mois de février » l’Oise, a­t­il reconnu. Nous pen­
L’épidémie de Covid est arrivée dans une situation où, en l’absence locales » ment s’est trouvé en « flux tendu », Autre zone d’ombre : le calen­ sions être dans la même situation
dans ce « contexte particulier », de décisions nationales, j’ai dû a précisé sa directrice, Marie­Cé­ drier. Alors que l’ARS a fait état de que les Contamines­Montjoie,
LOUIS LE FRANC
marqué par « tout ce qui nous est prendre des décisions locales », a cile Darmois. premières alertes reçues dès le [avec] des cas de contaminés qui
préfet de l’Oise
arrivé », a rappelé le maire. Une raconté le préfet, qui a énuméré Plusieurs zones d’ombre ont été 23 janvier, soit deux mois avant revenaient de Chine, ou qui avaient
nouvelle fois meurtrie et blessée, les mesures « coercitives » déci­ soulevées par les sénateurs, no­ le confinement national, peu de été en contact avec une personne
Crépy­en­Valois a en effet été l’un dées pour protéger la population, tamment le rôle joué dans l’intro­ réponses concrètes semblent qui en revenait ». Mais « c’était fi­
des tout premiers clusters recen­ comme la fermeture des marchés sence de réponse de Paris sur des duction de l’épidémie par la base avoir été apportées ensuite pour nalement une situation totale­
sés. Et l’un des siens, enseignant ou l’interdiction des rassemble­ problématiques précises, comme aérienne de Creil, d’où sont issus préparer le département à la va­ ment différente », a­t­il conclu.
au collège Jean­de­La­Fontaine, ments, bien avant le reste du pays. le décrochage de 2 800 enfants seize militaires ayant participé au gue épidémique. « Il y a un trou Un constat corroboré par le pro­
mort dans la nuit du 26 au 27 fé­ confinés, ayant perdu tout rapatriement des premiers Fran­ noir sur le mois de février, a ré­ fesseur Arnaud Fontanet, mem­
vrier à l’hôpital de la Pitié­Salpê­ Décrochage de 2 800 enfants contact avec le système éducatif : çais de Wuhan. « Il faudra revenir sumé le rapporteur, le sénateur bre du conseil scientifique et de
trière, fut la première victime Livrés à eux­mêmes et contraints « Devant la gravité de la situation, sur la base aérienne de Creil », a (apparenté socialiste) Bernard Jo­ l’Institut Pasteur, qui a mené une
française du Covid­19. Confinée d’innover, eux aussi, les élus de j’ai interpellé le secrétaire d’Etat ainsi lancé le sénateur LR de mier. J’aimerais comprendre ce étude sur l’évolution du virus
quinze jours avant le reste du l’Oise ont également joué un rôle­ chargé de la protection de l’en­ l’Oise, Olivier Paccaud, qui a fait qu’il s’est passé. » « La crise n’a pas dans le département. Lui aussi a
pays, la commune a vu doubler clé dans la gestion de l’épidémie. fance, j’attends encore la ré­ part de son « scepticisme » devant commencé le 26 février », avec le observé qu’en dépit des premiers
son nombre de morts par rapport La présidente du département a ponse… » la version officielle. « Les 193 rapa­ premier mort de Crépy­en­Va­ signes d’alerte en janvier, « il n’y
à la même période en 2019. souligné la faiblesse de « l’organi­ De son côté, le maire de Crépy­ triés de Wuhan ont été mis en qua­ lois, a en effet reconnu le direc­ avait pas de circulation connue du
« L’image de Crépy était terrible, sation régionalisée » de certains en­Valois a raconté avoir remué rantaine [mais] les militaires [ba­ teur de l’ARS des Hauts­de­ virus avant le 26 février ».
nous étions des pestiférés. Dès l’an­ services de l’Etat, ce qui a fait per­ ciel et terre pour trouver des mas­ sés à Creil] qui les ont ramenés France, Etienne Champion, qui En conclusion, le maire a sou­
nonce de la mort de ce pauvre dre, selon elle, un temps précieux ques pour ses administrés, après n’ont pas été mis en quatorzaine », s’est employé à défendre haité tourner la page au plus vite
monsieur Varoteaux, les em­ plutôt que de se concentrer sur avoir découvert, fin février, que a­t­il indiqué, rappelant que le l’agence, très critiquée pendant de cette « galère », cet « engrenage
ployeurs téléphonaient à leurs em­ l’Oise qui avait des besoins criants les stocks datant de la grippe H1N1 « deuxième malade » recensé en l’épidémie. terrible » : « Ça a été un moment
ployés pour dire : “Ne venez pas, et spécifiques. Nadège Lefebvre a avaient été réduits à néant. « Je de­ France était un membre du per­ Il a expliqué que dès la fin jan­ difficile mais Crépy reste un en­
vous êtes de Crépy­en­Valois !” », regretté aussi la double tutelle vais défendre ma paroisse », a­t­il sonnel civil de la base. De son vier, une « visio quotidienne » droit splendide, reposant. Nous
raconte Bruno Fortier, lui­même exercée par le département et souligné, en racontant être parti côté, le préfet a assuré que base de avait été mise en place avec les voudrions maintenant un peu de
testé positif à cette « cochonne­ l’agence régionale de santé (ARS) lui­même avec sa voiture à Creil avait été considérée « trop instances nationales, afin d’ins­ calme… » 
rie » le 1er mars. sur les Ehpad. De même que l’ab­ Clermont, où le sous­préfet lui vite » comme un foyer de propa­ taller une « chaîne de réactivité solenn de royer

Christophe Girard démissionne de son poste PA RIS


Les transports en
commun gratuits pour
timé à 10 millions d’euros,
concernerait 135 000 jeunes.
Après ce vote, David Belliard,
les jeunes de 4 à 18 ans adjoint (EELV) à la maire de

d’adjoint à la culture de la Mairie de Paris Le Conseil de Paris a voté à


l’unanimité, jeudi, la gratuité
des transports en commun
Paris en charge des transports,
a mis en avant « la transfor­
mation [du] modèle de mobi­
Des élus EELV et des féministes réclamaient son départ, en le mettant en cause dans l’affaire Matzneff pour tous les jeunes âgés de lité, afin de faire de Paris une
4 à 18 ans, dès la rentrée. Cette ville plus sobre, plus résiliente
mesure, dont le coût est es­ et plus solidaire ».

I l incarnait la culture à la Mai­


rie de Paris quasiment sans
discontinuer depuis 2001.
Christophe Girard, adjoint à la cul­
part de M. Girard. Dimanche
19 juillet, ils avaient écrit à Anne
Hidalgo pour lui demander de sus­
pendre son adjoint à la culture et
Mme Hidalgo, qui a toujours ap­
porté son soutien à M. Girard, s’est
dite « écœurée », après l’annonce
de sa démission. « Dans quelle dé­
pas. » « Dans le climat délétère gé­
néral (…) où l’on piétine notre droit
et le code pénal, et même si la mani­
festation de ce jour contre moi n’a

DE CAUSE
ture d’Anne Hidalgo dans la capi­ d’ouvrir une enquête interne à la mocratie vivons­nous où le droit rassemblé qu’une vingtaine de per­
tale, a démissionné de ses fonc­ Ville de Paris, estimant que M. Gi­ est piétiné par la rumeur, les amal­ sonnes, la première de mes priori­
tions, jeudi 23 juillet, après avoir rard devait s’expliquer sur ses games et les soupçons ? Tout mon tés est qu’Anne Hidalgo, brillam­

À EFFETS.
été mis en cause par les élus écolo­ liens avec M. Matzneff. « La soutien à mon ami Christophe Gi­ ment réélue maire de Paris, puisse
gistes, alliés de la maire socialiste, honte », « Girard démission », rard », a­t­elle réagi dans un Tweet. exercer son mandat sereinement »,
dans l’affaire Matzneff. « Mairie de Paris : bienvenue à Pe­ a­t­il expliqué.
© Radio France/Ch. Abramowitz

M. Girard avait été interrogé par


la police judiciaire en mars, en tant
doland » : armés de pancartes et de
slogans, plusieurs dizaines de ma­
« Situation intenable »
La nouvelle mandature d’Anne Hi­
Devenu une première fois ad­
joint à la culture sous la manda­
Le magazine de
qu’ancien secrétaire général de la nifestants s’étaient rassemblés, dalgo commence donc dans un ture de Bertrand Delanoë, et initia­ l’environnement
maison Yves Saint Laurent dans jeudi matin, devant l’Hôtel de ville climat tendu avec ses alliés écolo­ teur, entre autres, de la Nuit blan­
les années 1980, une structure qui à l’occasion du Conseil de Paris. gistes, qui pourrait laisser des tra­ che, M. Girard reste conseiller de
a apporté à l’époque un soutien fi­ ces pour la suite. « Au regard de la Paris du 18e arrondissement, où il a
nancier à l’homme de lettres Ga­ situation, qui devenait politique­ été élu le 28 juin. Sa démission Chaque
briel Matzneff, visé par une en­ ment intenable, Christophe Girard d’adjoint à la culture pose en re­ samedi
quête pour « viols sur mineurs » « Dans quelle a pris la meilleure décision pour vanche la question de son main­
8H05-9H00
ouverte par le parquet de Paris protéger la ville et l’exécutif », ont tien à la présidence du conseil
après la publication en janvier du
démocratie commenté les élus écologistes. d’administration de Paris Musées, Aurélie
roman autobiographique de Va­ vivons-nous, M. Girard, qui a porté plainte l’établissement public qui gère
Luneau
nessa Springora, Le Consentement pour diffamation, a indiqué, jeudi quatorze musées. Cet organisme
(Grasset, 216 pages, 18 euros), dans
où le droit soir, dans un communiqué : « J’ai clé dans la culture parisienne alors
lequel elle décrit la relation sous est piétiné 64 ans, une vie de famille épanouie que le secteur subit de plein fouet
emprise qu’elle a vécue lorsqu’elle et de nombreux engagements cul­ les conséquences économiques de
était mineure avec l’écrivain.
par la rumeur ? », turels, politiques et associatifs, et la crise sanitaire liée au coronavi­
En partenariat
L’esprit
avec
Depuis plusieurs semaines, de a réagi n’ai nullement envie de pourrir ma rus, a déjà subi le décès accidentel d’ouver-
nombreux élus d’Europe Ecolo­ vie plus longtemps et de m’emmer­ de sa directrice, Delphine Levy, vic­
gie­Les Verts (EELV) et des associa­
Anne Hidalgo der à me justifier en permanence time d’un AVC le 13 juillet.  ture.
tions féministes réclamaient le dé­ dans un Tweet pour quelque chose qui n’existe service politique
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10 | france SAMEDI 25 JUILLET 2020

La diaspora africaine déchirée de ne pas partir au «pays»


En raison de l’épidémie de Covid­19, un grand nombre de personnes ont dû renoncer à rejoindre leur famille

TÉMOIGNAGES « Je n’ai pas

I
l s’était promis de retourner, d’argent pour
à la fin du mois de juillet, à
Kayes, afin de se recueillir
acheter un billet
pour la première fois sur la à 2 000 euros à la
tombe de son père. « Il est mort
quelques mois après mon arrivée à
dernière minute »
Paris. Je ne suis pas retourné DENISE EYIKE
au Mali depuis que j’étudie en Camerounaise
France. Ça va faire trois ans en sep­
tembre », confie Bréhima Sidibé.
Ce jeune homme de 24 ans, étu­
diant en master sciences du lan­ Tout peut vite évoluer. » Pour ce
gage à l’université Cergy­Paris, jeune ingénieur en télécommu­
aurait dû acheter ses billets nication de 28 ans, qui a récem­
d’avion en mars, « mais ça coïnci­ ment décroché un CDI, « j’ai des
dait avec le début de la pandémie engagements professionnels, que
de coronavirus et du confinement, se passerait­il si le Sénégal ou la
dit­il de sa douce voix. Du coup, France fermait leurs frontières ? »,
j’ai renoncé à mes projets pour cet se demande­t­il.
été. Pas de vacances. Je travaille en
intérim. Le Covid­19 a eu raison de Patienter de longs mois
moi. » Aurait­il pu y aller malgré Pourtant, il n’avait pas pris de va­
tout ? Pas si sûr… cances depuis une année, histoire
Car le Mali a fermé ses frontiè­ d’accumuler des jours de congé
res depuis le 18 mars et suspendu afin de partir le plus longtemps
les lignes aériennes commercia­ possible. Il faudra donc patienter
les en provenance des pays tou­ encore de longs mois avant d’espé­
chés par l’épidémie. Seuls des vols rer revoir les proches. Un crè­
pour le rapatriement des Maliens ve­cœur pour cette partie de la
bloqués à l’extérieur (Europe, Ca­ diaspora africaine, notamment de
nada, Inde) sont programmés confession musulmane, qui espé­
− depuis Paris uniquement − jus­ rait célébrer en famille la grande
qu’à la fin du mois de juillet au fête de l’Aïd­el­Kébir, prévue le
prix de 773 euros. 31 juillet. « Ça faisait longtemps que
Quoi qu’il en soit, l’actuelle crise cette fête n’était pas tombée pen­
sanitaire mondiale a obligé une dant les vacances d’été, souligne
partie de la diaspora africaine Une passagère venue de France, à l’aéroport de Tunis­Carthage, le 27 juin. FETHI BELAID/AFP Souleymane Gueye. Beaucoup de
installée en France à renoncer, personnes s’étaient organisées
la mort dans l’âme, à passer ses dans ce coin du monde. Il n’y là­bas, je ne suis pas sûre qu’on res­ l’Etat algérien, Abdelmadjid Teb­ « bled », même si « une large majo­ pour rentrer. C’est un grand cha­
habituelles vacances d’été « au aura donc pas d’étreintes avec sa pecte les gestes barrières. » Le Ca­ boune, le 28 juin. rité des Algériens tient à partir cet grin. Beaucoup avaient réservé
pays ». Même si certains territoi­ famille pour cette assistante ma­ meroun a officiellement recensé En France, ces annonces ont été été », comme l’atteste Abdel (le leurs billets en janvier ou en février.
res tels que le Sénégal ou le Maroc ternelle qui vient de passer ses plus de 16 500 personnes contami­ très mal vécues par une partie de prénom a été changé), responsa­ Le plus souvent, ils les ont annulés. »
commencent à ouvrir leurs fron­ vacances avec son compagnon à nées et plus de 380 décès. « J’irai la diaspora algérienne, alors ble d’une agence de voyages ins­ Certains, comme des Tunisiens,
tières − généralement aux seuls Dax, dans les Landes. l’année prochaine, s’il n’y a pas un même que l’Union européenne tallée depuis des décennies à la ont décidé de partir malgré tout
ressortissants ou aux étrangers Et, même si elle le pouvait… « Ce autre malheur », promet­elle. (UE) a annoncé, le 30 juin, la réou­ Goutte­d’Or, dans le 18e arrondis­ parce qu’aucune mesure spécifi­
titulaires d’un titre de séjour −, virus nous a empêchés de nous or­ C’est exactement ce que se dit verture de ses frontières aérien­ sement de Paris. « Pourquoi fer­ que n’est appliquée à la France et
cette diaspora raconte sa pro­ ganiser pour cet été. Moi, je n’ai pas Saïd qui ne reverra pas, cet été en­ nes avec le pays. Mais l’Algérie fait ment­ils les frontières alors qu’il y que les frontières sont ouvertes
fonde « déchirure » de ne pas fou­ d’argent pour acheter un billet à core, les montagnes algériennes face, depuis le début du mois de a si peu de morts ? Peut­on vrai­ depuis le 27 juin. La crise sanitaire
ler à nouveau la terre natale tout 2 000 euros à la dernière minute. Je de Kabylie. Ce grand quinqua de juillet, à une flambée de conta­ ment croire l’Etat ? Cette crise sani­ au Sénégal (plus de 9 000 cas,
en exprimant, également, quel­ ne peux pas, lance­t­elle. Et, une fois Vitry­sur­Seine (Val­de­Marne) mination : le nombre officiel dé­ taire fait se poser des tas de ques­ 177 morts) n’a pas non plus rebuté
ques « peurs ». avait visité l’Italie en 2019 en fa­ passe les 500 cas par jour, contre tions », regrette Saïd. Anna Gueye, une Sénégalaise de
mille et pensait retrouver sa mai­ 250 fin juin. Un chiffre sous­es­ Justement, ces questions, Sou­ 19 ans, étudiante en prépa physi­
« Danemark en camping-car » son de Tizi Ouzou en août. « Tout timé, selon les médecins, qui mul­ leymane Gueye, vice­président que à Paris. Elle s’est envolée pour
Denise Eyike, une Camerounaise
Certains était prévu, mais c’est la pagaille tiplient les appels de détresse sur de la Fédération des étudiants et Dakar le 18 juillet. « J’avais pris mes
de 57 ans, qui vit non loin de Pa­ Tunisiens ont en Algérie. A la place, on ira peut­ les réseaux sociaux, s’alarmant stagiaires sénégalais de France, billets en février, mon vol a juste été
ris, ne se rendra pas à Yaoundé être au Danemark en camping­ d’une situation catastrophique n’arrêtent pas de le tourmenter. décalé. J’avais envie de revoir ma
pour embrasser ses parents, ses
décidé de partir car », confie­t­il « dégoûté ». En ef­ dans plusieurs hôpitaux. Depuis Que se passerait­il si, une fois là­ famille », dit­elle. Elle pourra reve­
deux filles et ses quatre petits­ parce qu’aucune fet, les frontières terrestres, mari­ l’enregistrement du premier cas, bas, on tombait malade ? Et que nir en France en août, car elle pos­
enfants. « Je me souviens d’avoir times et aériennes de l’Algérie le 25 février, le pays a officielle­ faire si les autorités décident de sède un visa étudiant. « Mon vol
dit à ma mère l’année dernière
mesure sont fermées. Elles vont le rester ment recensé près de 25 000 per­ reconfiner ? Comment quitter le retour est confirmé, assure­t­elle.
“rendez­vous en juillet pro­ spécifique jusqu’à la fin de la pandémie sonnes contaminées (16 000 dé­ pays dans ce cas ? « Je ne suis pas Mais si la France ou le Sénégal re­
chain” », se remémore cette de Covid­19 ou, dit autrement, but juillet) et plus de 1 100 décès. parti à Dakar par crainte d’être confine, alors là, je ne saurai pas
dame qui a pourtant l’habitude
n’est appliquée « jusqu’à ce que Dieu nous libère de Face au coronavirus, certains se bloqué sur le continent, recon­ quoi faire… » 
de passer chaque été un mois à la France ce fléau », a annoncé le chef de sont résolus à ne pas se rendre au naît­il. Je n’ai pas pris ce risque. mustapha kessous

Une commission estime «établis» des faits de viol par Adama Traoré
La commission d’indemnisation des victimes d’infractions a versé la somme de 29 000 euros à un jeune homme qui était en prison avec lui

U n ex­codétenu d’Adama
Traoré au sein de la pri­
son d’Osny (Val­d’Oise) a
obtenu, le 12 mars, une indemnité
de la part de la commission d’in­
« La CIVI n’a
ni le pouvoir
ni la compétence
libre, il est pris à partie par l’un des
frères d’Adama Traoré, Yacouba.
Avec un complice, ils l’emmènent
en voiture de L’Isle­Adam au quar­
tier de Boyenval, à Beaumont­sur­
colas Poincaré et Jean­Jacques
Bourdin, pour avoir évoqué, eux
aussi, ces allégations de viol.
Si la justice pénale a stoppé son
action, la procédure d’indemnisa­
ni le pouvoir ni la compétence de
dire qu’une infraction pénale est
avérée, assure­t­il, s’étonnant du
fait que « le procureur de Pontoise
ait pu laisser Adama Traoré sortir
rantie des victimes, qui verse les
indemnités après les décisions
rendues par les CIVI : « En l’absence
de condamnation pénale, la CIVI
peut juger que la matérialité de l’in­
demnisation des victimes d’in­ de dire qu’une Oise, toujours dans le Val­d’Oise. tion peut, elle, se poursuivre. La de prison si des faits aussi graves fraction est établie et ouvrir ainsi à
fractions (CIVI) du tribunal de Pon­ Traîné dans un hall, Steven est CIVI de Pontoise est saisie le 28 dé­ avaient été dénoncés à la mai­ la victime un droit à indemnisation
toise, comme l’a révélé, mercredi
infraction pénale passé à tabac par plusieurs person­ cembre 2018 par Steven, qui ré­ son d’arrêt ». Pour le pénaliste, « si (…). Il s’agit d’une procédure à la­
22 juillet, l ’hebdomadaire Le Point. est avérée » nes. Frappé avec une planche, il clame une indemnisation à la fois un témoignage devant un sur­ quelle l’auteur présumé des faits
Présente près de chaque tribunal obtient sept jours d’incapacité to­ pour les agressions sexuelles dont veillant de prison remplace un dos­ n’est pas partie. Seul le juge pénal
YASSINE BOUZROU
de grande instance, la CIVI est une tale de travail (ITT). il accuse Adama Traoré et pour le sier d’instruction contradictoire, est compétent pour le déclarer, le
avocat de la famille Traoré
institution autonome chargée de passage à tabac subi en 2017. La autant supprimer juges d’instruc­ cas échéant, coupable. »
déterminer l’octroi d’une indem­ Policier attaqué pour diffamation CIVI examine les éléments de l’en­ tion et tribunaux, on gagnera du Pour Me Bouzrou, qui s’est vu re­
nisation financière aux victimes Lors du procès en comparution quête, dont une lettre qu’aurait re­ temps ». fuser l’accès à la décision de la
d’infractions pénales, même en Je lui ai demandé : “Qui ?” Il m’a dit : immédiate, qui aboutira à la con­ mise Steven aux surveillants, se­ De fait, les magistrats de la CIVI CIVI, cette annonce dans la presse
l’absence d’une décision de justice “Mon ancien codétenu, Adama damnation de Yacouba Traoré, le lon Le Point. Le 12 mars, la commis­ ne jugent pas le fond du dossier, est « un coup de com, orchestré
sur le fond. Traoré.” », aurait expliqué la mère 15 mars 2017, à dix­huit mois de sion rend une décision favorable, précise au Monde le Fonds de ga­ par le tribunal de Pontoise ». Et
Elle a été sollicitée, en décem­ de Steven, qui décide, selon son ré­ prison ferme, Steven explique estimant, sur la foi de ces docu­ l’avocat de s’interroger : « S’agit­il
bre 2018, par cet ex­codétenu, pré­ cit, d’aller au commissariat de Cer­ que ce dernier lui a reproché ments, que « la matérialité des in­ d’une vengeance » à la suite du
nommé Steven. Ce dernier, qui gy­Pontoise pour évoquer les faits. d’avoir « parlé sur [s]on frère ». fractions d’agressions sexuelles dé­ dessaisissement du tribunal de
partageait la cellule d’Adama Tra­ Mais, quatre mois plus tard, sans Quelques semaines plus tard, en noncées doit être considérée
Steven Pontoise en 2016, après des décla­
oré, incarcéré entre fin 2015 et dé­ qu’aucun acte d’enquête ait en­ juillet, un policier est attaqué comme établie ». Elle octroie à Ste­ réclame une rations du procureur attribuant
but 2016, l’accuse de l’avoir con­ core eu lieu, Adama Traoré meurt, pour diffamation et injure publi­ ven une indemnité de le décès d’Adama Traoré à une
traint à lui prodiguer des fella­ le 19 juillet 2016, à la suite d’une que par le comité « Justice pour 28 793 euros, couvrant à la fois les
indemnisation « infection », ce qui avait été dé­
tions. Selon le récit du Point, le co­ course­poursuite avec des gendar­ Adama » : il a qualifié ce dernier allégations d’agressions sexuelles à la fois pour menti par des expertises ultérieu­
détenu a d’abord raconté les faits à mes. Le décès du jeune homme de de « violeur » devant des manifes­ et son passage à tabac. res ? Me Bouzrou envisage une ac­
sa mère lors d’une rencontre au 24 ans éteint automatiquement tants qui se rendaient à un ras­ La déclaration de la CIVI fait bon­
les agressions tion en justice contre les magis­
parloir, début 2016 : « Dès que je l’ai l’action de la justice. semblement de soutien. Il doit dir Me Yassine Bouzrou, l’avocat de sexuelles et pour trats de la CIVI pour « atteinte à
vu, il s’est mis à pleurer. Je lui ai de­ Steven n’en a pourtant pas fini comparaître en septembre. Le co­ la famille Traoré. Interrogé par Le l’honneur et à la considération »
mandé ce qui se passait, il m’a ré­ avec cette affaire. L’année sui­ mité a déposé une autre plainte, Monde, il dénonce des « informa­
le passage à tabac du défunt. 
pondu par deux fois : “Il m’a violé.” vante, le 25 février 2017, désormais en juin, contre les journalistes Ni­ tions mensongères » : « La CIVI n’a subi en 2017 samuel laurent
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 france | 11

Affaire Chouviat : les


gardien de la paix. Il mise sur la de deux des policiers. Assez vite, ils
possibilité que « les personnes
« Avec le temps, enlèvent le casque. Certes, ils com­
changent de comportement lors­ des choses mencent le massage assez tard.
qu’elles se savent filmées ». reviennent et Mais il faut souligner qu’on aurait

incohérences des policiers


A plusieurs reprises, les policiers tous été perdus dans une situation
tentent de joindre un officier de disparaissent, comme ça. Ce ne sont pas des mé­
police judiciaire pour savoir si c’est normal », decins du SAMU. »
l’outrage est caractérisé et si
l’homme peut être interpellé pour relativise l’avocat Version édulcorée
L’enquête IGPN remet en cause la version initiale des ce motif. Ils n’obtiennent pas
confirmation et se décident finale­
de deux policiers La suite des événements inter­
roge aussi les enquêteurs. Sur
policiers après leur interpellation musclée du livreur ment à regagner leur véhicule. Il
est alors 10 h 06, le contrôle semble moment le côté gauche du buste
place, des effectifs de la BAC vien­
nent en renfort, peu avant l’arri­
toucher à sa fin. Mais Michaël P. de M. Chouviat à se décoller du sol vée des sapeurs­pompiers et du
croit entendre une nouvelle invec­ et, très rapidement ensuite, ses SAMU, qui vont transporter Cé­

A
près six mois d’investi­ commissariat du 7e arrondisse­ ciers interceptent Cédric Chou­ tive. D’après lui, Cédric Chouviat pieds se mettent à battre violem­ dric Chouviat à l’hôpital, où il dé­
gations, les auditions ment de Paris, patrouillent en voi­ viat. Il s’arrête, descend de son aurait lâché : « Fils de pute. » Les vi­ ment de haut en bas, dans un mou­ cédera deux jours plus tard. Nico­
d’experts, de témoins ture quai Branly et repèrent un scooter. Le contrôle débute et du­ déos et l’audition de ses collègues vement évoquant plus la dé­ las P., membre de cette équipe,
et des policiers mis en homme en scooter. Les vidéos ex­ rera au total onze minutes et sept ne confirment pas cet élément. tresse qu’une tentative de dégage­ s’entretient avec Michaël P.,
cause, ainsi que la consultation de ploitées par l’IGPN le montrent en secondes. Des échanges vifs et ment », note un enquêteur. Lors Arnaud B. et Laura J., qui est aussi
multiples vidéos tournées au mo­ train de manipuler son téléphone peu amènes fusent d’emblée. A Interpellation sans concertation de l’audition, l’avocat du policier, sa conjointe. Alors qu’il n’était
ment des faits, l’enquête menée portable alors qu’il conduit. Les 9 h 56, le livreur – qui prend l’ini­ Le chef de brigade prend alors l’ini­ Thibault de Montbrial, tempère : pas présent lors de l’interven­
par l’inspection générale de la po­ policiers décident de le contrôler. tiative de filmer la scène avec son tiative de ressortir de la voiture. Il « La vidéo sur laquelle on voit une tion, c’est pourtant lui qui va en
lice nationale (IGPN) – révélée par A ce stade, la version des forces de téléphone portable – déclare aux demande plusieurs fois au livreur : manche d’uniforme près du cou de effectuer le compte rendu, ses
Libération et Mediapart et que Le l’ordre diverge avec certains élé­ policiers : « Comme ça, vous kiffez « Vous avez dit quoi ? » Pendant M. Chouviat ne permet pas de dé­ collègues étant « choqués » par
Monde s’est aussi procurée –, per­ ments de l’enquête de l’IGPN. mettre des amendes aux gens. » une minute quarante­six se­ terminer si le bras exerce ou non les événements.
met d’avoir une vision claire du Plusieurs policiers rapportent en Puis, il leur lâche, à différentes re­ condes, le ton monte de nouveau. une pression sur son cou. » Mais Nicolas P. donne une ver­
déroulé de l’interpellation mus­ effet que l’un des deux passagers prises : « pauvres types », « gui­ Les autres policiers ressortent du Sur place, Laura J. demande des sion édulcorée des faits. Par
clée, début janvier, de Cédric Chou­ avant du véhicule aurait baissé sa gnols »… L’un des policiers, Ludo­ véhicule. Alors que Michaël P. in­ renforts policiers, tandis que les exemple, il ne mentionne pas la
viat, ce livreur de 42 ans, qui vitre pour entrer en contact avec vic F., réplique sur un ton ironi­ siste sur l’« irrespect » dont faisait autres gardiens de la paix tentent technique d’intervention. « A
mourra deux jours plus tard. lui. Ce dernier aurait alors fait un que. La tension monte un peu preuve le livreur, l’IGPN souligne de menotter l’individu qui, d’après peine une minute après mon arri­
L’autopsie pratiquée sur son corps geste avec son bras pour signifier plus. « M. Chouviat a commencé à son attitude corporelle : « C’est eux, « se débat ». Au sol, Cédric vée sur place j’ai dû faire ce compte
a révélé « des manifestations as­ son indifférence. « Il a levé sa main traiter les policiers de “clowns” en vous qui vous rapprochez ostensi­ Chouviat va formuler plusieurs rendu radio, alors que je venais
phyxiques nettes associées à une gauche au niveau de son épaule réponse à des attitudes moqueuses blement de M. Chouviat alors que alertes : « lâche mon casque », d’avoir des informations à chaud
fracture hémorragique des deux gauche, nous laissant comprendre de leur part », écrit l’IGPN. jusque­là vous lui aviez intimé l’or­ « j’étouffe », répété neuf fois et, en­ par des collègues en état de choc, il
cornes du cartilage thyroïde ». qu’il s’en foutait », déclare lors de Michaël P. enjoint alors à l’inté­ dre de rester à distance. » fin, « je m’arrête ». L’IGPN souligne ne pouvait y avoir que déperdition
L’enquête met aussi au jour des son audition Michaël P. ressé, qui garde son casque de A 10 h 08, Michaël P., sans vérita­ la « voix aiguë paraissant traduire d’information », dit­il. Pourtant,
incohérences dans la version des Se basant sur des vidéos, les en­ moto tout au long de la scène, de ble concertation avec ses collè­ une détresse ». Mais les policiers di­ peu avant l’appel radio, l’IGPN
faits livrée par les policiers. L’avo­ quêteurs de l’IGPN décrivent une nettoyer sa plaque d’immatricula­ gues, entreprend d’interpeller Cé­ sent ne rien avoir entendu, en rai­ note que des images montrent Ni­
cat de deux des policiers, Laurent­ autre réalité : « On y voit M. Chou­ tion qu’il juge « illisible ». Cédric dric Chouviat. Le policier dit effec­ son du bruit de la circulation. colas P. en train d’échanger avec
Franck Liénard, relativise d’em­ viat tenir en main son téléphone Chouviat demande qu’une for­ tuer la technique controversée du Finalement menotté, l’homme Michaël P, qui lui mimait la tech­
blée : « Avec le temps, des choses puis le lâcher, mais à aucun mo­ mule de politesse soit jointe à cette « maintien de tête » – l’IGPN parle est placé sur le côté, puis assis. A nique du « maintien de tête ».
reviennent et disparaissent, c’est ment on ne le voit faire ce geste, ni requête. « Et alors ? Vous croyez que d’un « étranglement arrière » – 10 h 10, quinze secondes après la Contactés, Mes Vincent Bren­
normal. Une audition peut être dif­ aucun autre d’ailleurs. » Il est aussi je vais me mettre à quatre pattes ? qui permet, en principe, de maî­ fin de l’interpellation, Laura J. garth et William Bourdon, les avo­
férente à chaud, cela ne veut pas précisé que « ces images ne mon­ Je vais vous sucer la bite, aussi ? », triser un individu récalcitrant en constate que son teint est anor­ cats de la famille, estiment, face à
dire qu’il y a une systématisation trent pas l’abaissement des vitres ». lui rétorque le policier, qui dit « re­ l’emmenant à terre par une pres­ mal. Il fait un malaise cardiaque. ces éléments, qu’il est « incompré­
du mensonge dans la police. » Au croisement du quai Branly gretter ses propos » devant l’IGPN. sion au cou. A ce moment, les Son casque de moto lui est retiré hensible que ces policiers n’aient
Auditionnés en garde à vue le et de l’avenue de Suffren, les poli­ Laura J., qui est ce jour­là la deux hommes tombent au sol. cinquante­cinq secondes plus pas déjà été suspendus. Au­delà du
17 juin, trois policiers ont été mis conductrice du véhicule, filme, Cédric Chouviat se retrouve sur le tard. Les menottes, elles, lui sont cas particulier, cela a notamment
en examen pour « homicide invo­ elle aussi, la scène avec son télé­ ventre, face contre terre. Il porte enlevées deux minutes après la fin pour effet de nourrir la rupture du
lontaire » dans le cadre d’une in­ L’IGPN souligne phone personnel. Pourtant, son toujours son casque de moto. de l’interpellation. Le début du lien de confiance entre la police et la
formation judiciaire ouverte dé­ collègue Ludovic F. dispose d’une L’IGPN explique alors qu’une vi­ massage cardiaque ne débute que population ainsi que le sentiment
but janvier. La quatrième a été pla­ la « voix aiguë caméra­piéton, dont il dit savoir déo montre Michaël P. en appui trois minutes plus tard. « Les ima­ d’impunité ». Vendredi, dans un
cée sous le statut intermédiaire de paraissant comment elle fonctionne. Durant sur le haut du corps de Cédric ges montrent (…) un temps d’inac­ courrier adressé à Emmanuel Ma­
témoin assisté. le contrôle, il feint de filmer les Chouviat. D’autres images lais­ tion ou d’action inefficace relative­ cron, que Le Monde a pu lire, ces
Ce 3 janvier, peu avant 9 h 54, traduire une événements avec cette caméra. sent penser que son bras gauche ment long », tranche l’IGPN. derniers, ainsi que Me Arié Alimi,
Ludovic F., 23 ans, Arnaud B., détresse » de Celle­ci ne sera en réalité jamais ac­ est sous la tête de l’interpellé et « Les policiers, juste après avoir lui demandent d’intervenir pour
28 ans, Laura J., 28 ans également, tivée. « J’ai fait mine de le filmer qu’un mouvement de traction en découvert le malaise, sont complè­ que les policiers soient suspendus
et Michaël P., 33 ans, membres de l’individu lors de d’une manière dissuasive, pour ne arrière est opéré au niveau du cou. tement en état de choc, commente de leurs fonctions. 
l’équipage de police secours du l’interpellation pas que ça monte trop loin », dit le « Cette traction amène au même Laurent Franck­Lienard, l’avocat juliette bénézit

Les mesures de sûreté pour les ex­détenus JUSTI CE


Accident mortel de l’A7 :
Renault mis en cause par
Affaire Narumi Kurosaki :
le suspect chilien
extradé vers la France

terroristes adoptées par le Sénat l’avocat d’une famille


L’avocat d’une des familles
impliquées dans l’accident
Suspecté par la justice
du meurtre à Besançon,
en 2016, de son ex­petite amie
mortel de l’A7, dans la Drôme, japonaise, Narumi Kurosaki,
Les condamnés à au moins cinq ans de prison feront l’objet d’une évaluation avant leur sortie le 20 juillet, a mis en cause un ressortissant chilien de
Renault après que les premiè­ 29 ans, Nicolas Zepeda, a été
res expertises ont noté une extradé vers la France, ven­
rupture du turbo du Renault dredi 24 juillet. Il devait être

L es mesures de sûreté appli­


quées aux terroristes ayant
définitivement purgé leur
peine de prison entreront en vi­
gueur sans attendre la fin du
de la dangerosité future d’un indi­
vidu, forcément subjective.
Philippe Bas, président Les Ré­
publicains de la commission des
lois du Sénat, auteur d’une propo­
Cela peut aller de la simple obli­
gation d’un suivi par le service pé­
nitentiaire d’insertion et de pro­
bation et par le juge d’application
des peines antiterroristes à l’obli­
sion du ministère de l’intérieur
pour ce texte tandis que Jean­Fran­
çois Ricard, le procureur national
antiterroriste, voit dans les sor­
tants de prison la principale me­
Scénic, qui aurait provoqué
l’incendie du moteur et la
sortie de route. « Renault va
devoir répondre de ses respon­
sabilités dans cet accident
remis dans la matinée aux
autorités françaises. En octo­
bre 2019, le procureur de la
République de Besançon avait
annoncé que l’enquête était
mois. Députés et sénateurs se sition de loi similaire et défen­ gation d’un pointage trois fois par nace terroriste. Mme Braun­Pivet dramatique, il s’agit d’un pro­ « close » et avait demandé
sont mis d’accord, mercredi seur du texte issu du débat parle­ semaine au commissariat, jus­ refuse néanmoins d’y voir une al­ blème technique du construc­ l’extradition de M. Zepeda.
22 juillet, lors d’une commission mentaire, a reconnu en séance qu’au port d’un bracelet électro­ ternative au renseignement. teur », a estimé Me Nicolas Alors que le corps de la jeune
mixte paritaire sur la version dé­ que « la démarche est délicate car nique, en passant par l’interdic­ « C’est un outil complémentaire Cellupica. L’accident a coûté femme n’a jamais été re­
finitive de cette proposition de il s’agit à la fois d’être particulière­ tion de paraître dans certaines aux services de renseignement qui la vie à cinq enfants et fait trouvé, M. Zepeda clame son
loi, adoptée dès jeudi par le Sénat ment attentif à des anciens communes ou catégories de lieux surveillent une personne de façon quatre blessés. – (AFP.) innocence. – (AFP.)
avant son approbation dans les condamnés qui ont purgé leur et de rencontrer certaines per­ ponctuelle pendant quelques se­
mêmes termes lundi 27 juillet par peine et qui sont donc en règle sonnes, de déclarer son emploi et maines ou mois », dit­elle.
l’Assemblée nationale. Elle devrait avec la justice mais peuvent pré­ son domicile sans pouvoir en L’un des paradoxes de ce texte
être promulguée quelques jours senter une forte dangerosité, et de changer sans l’autorisation préa­ est que ses soutiens, dans la majo­

Festival
plus tard. veiller au respect de la liberté à la­ lable du juge, etc. Le non­respect rité comme dans l’opposition de
Yaël Braun­Pivet, présidente La quelle tout citoyen à droit à partir de l’une ou l’autre de ces mesures droite, ont souligné qu’il venait
République en marche de la com­ du moment où il est en règle avec peut ramener directement à la corriger l’effet pervers de la loi de
mission des lois de l’Assemblée, et la justice ». Eric Dupond­Moretti, case prison. Mme Braun­Pivet as­ 2016. Celle­ci a supprimé pour les
auteure avec Raphaël Gauvain de ministre de la justice, a, lui, répété sure au Monde « qu’il ne s’agit pas condamnés dans des dossiers ter­
la proposition de loi, se félicite de que ce texte se situait sur un « che­ d’une camisole juridique dont l’ob­ roristes les possibilités d’aména­
Théâtre, patrimoine, gastronomie locale

d’Eté
cette « réponse consensuelle et opé­ min de crête », mais juge au final, jectif serait d’attendre qu’elle soit gement en fin de peine ou de re­
rationnelle à l’enjeu majeur que re­ comme Mme Braun­Pivet et violée pour les réincarcérer ». mise de peine supplémentaire.
présente pour la sécurité des Fran­ M. Bas, les modalités retenues Ces mesures, décidées pour un Ces dispositifs existent pour tous
çais la libération de plus de 150 dé­ « équilibrées ». an par la juridiction parisienne de les détenus en fonction de leur
tenus condamnés pour terrorisme la rétention de sûreté à l’issue comportement en détention et de
d’ici à 2022, dont certains sont en­ Mesures décidées pour un an d’un débat contradictoire avec leur projet de réinsertion. Résul­
core particulièrement dangereux ». Désormais, toute personne l’intéressé et son avocat, pourront tat, ces condamnés sensibles quit­
Pour la députée des Yvelines, qui condamnée pour une infraction être renouvelées jusqu’à dix ans tent aujourd’hui la prison en « sor­
se réfère à une récente étude du terroriste, délictuelle ou crimi­ après leur sortie de prison pour tie sèche », sans accompagne­
Centre d’analyse du terrorisme, nelle, à une peine d’au moins cinq les auteurs d’une infraction cri­ ment. Mais personne ne songe à
« les personnes condamnées pour ans de prison ferme fera l’objet minelle, comme le fait d’avoir re­ revenir sur le texte de 2016.
des faits de terrorisme n’échappent d’une évaluation à l’approche de joint la Syrie après l’été 2014. Du­ « La balle est dans le camp des
pas au risque de récidive générale­ sa sortie de prison. Si elle pré­ rée limitée à cinq ans pour les magistrats chargés d’appliquer la
© Christophe Raynaud de Lage

ment estimé, toute infraction sente « une particulière dangero­ auteurs d’un délit. loi », souligne Mme Braun­Pivet. Ils
confondue, à 40 % dans les cinq ans sité caractérisée par une probabi­ L’entrée en vigueur de cette loi devront notamment résister à la
suivant la sortie de prison ». lité très élevée de récidive et par devrait soulager les services de tentation d’ouvrir le parapluie,
Visite contée
Goûter-spectacle 27 juillet
au
Apéro-spectacle
Cette proposition de loi a ren­ une adhésion persistante à une renseignement puisque c’est à la qui, dans un contexte de menace Dîner-spectacle
Domaine de la Vergne
contré l’opposition de nombreux
juristes en raison des atteintes à la
idéologie ou à des thèses incitant à
la commission d’actes de terro­
justice qu’est transférée une partie
de la charge de la surveillance des
terroriste, les amènerait à appli­
quer un principe de précaution et
16490 Alloue
mmcasares.fr 20 août
liberté que la justice pourra or­ risme », le procureur national an­ sortants de prison. La question du à ordonner ces mesures de sûreté
Réservation indispensable
05 45 31 81 22 2020
donner non pas en raison d’actes titerroriste pourra alors requérir coût de cette surveillance n’est de façon généralisée. 
commis, mais d’une évaluation des mesures de sûreté. d’ailleurs pas étrangère à la pres­ jean­baptiste jacquin
ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
12 | SAMEDI 25 JUILLET 2020

Avec la crise, Bpifrance revoit son rôle
La banque publique, habituée à financer les entrepreneurs, se retrouve parfois à voler au secours des emplois

E
n ce début d’été, les Fran­
çais retrouvent leur sac à
dos et rêvent d’horizons
dégagés. L’économie tou­
ristique se remet à espérer. Et
Voyageurs du monde, la star fran­
çaise du voyage sur mesure et des
treks montagnards, vient d’assu­
rer ses arrières.
Vendredi 17 juillet, elle a an­
noncé une augmentation de capi­
tal et l’arrivée d’un nouvel action­
naire prestigieux, Bpifrance. La
banque publique entre au conseil
d’administration et se félicite
d’ajouter à son tableau de chasse
de quelque 4 000 sociétés l’une
des plus belles entreprises d’un
secteur mis à terre par le virus.
« A la mi­mars, nous avions en­
grangé près de la moitié de l’année
en réservations, 10 % de mieux
qu’en 2019, raconte Jean­François
Rial, le PDG. Puis, de mars à juin,
plus rien. Zéro de chiffre d’affai­
res. » Alors qu’il n’avait jamais eu
affaire à la banque publique, il a
bouclé, en un temps record, un
prêt garanti par le gouvernement
de 30 millions d’euros et, en trois
mois, une augmentation de capi­
tal de 16 millions d’euros sous­
crits à moitié par Bpifrance.
« C’était pour moi l’investisseur de
long terme idéal », reconnaît le pa­
tron de Voyageurs du monde.
Voilà une histoire comme on les
aime du côté de la banque, filiale à
parité de l’Etat et de la Caisse des
dépôts et consignations. Elle con­
firme son statut d’investisseur Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, lors d’une conférence de presse à Paris, le 30 janvier 2019. ERIC PIERMONT/AFP
avisé, celui qui sait prendre des ris­
ques calculés au cœur de la tour­ treprise argue de son investisse­ l’avait clairement affirmé en por­ de la Caisse des dépôts et du et qui seront plus fortes après la
mente et assoit sa mission de ser­ ment industriel, du ralentisse­ tant la BPI sur les fonts baptis­ Fonds stratégique d’investisse­
La banque qui crise. » C’est le cas de la société No­
vice public en volant au secours ment de la consommation des maux en 2012 : « Ce n’est pas un ment créé par Nicolas Sarkozy se vivait en vares, équipementier automobile
d’un secteur sinistré et prioritaire. vins « tranquilles » (non pé­ outil défensif mais offensif. » pour protéger les grands groupes très dynamique, doté de quarante
Du coté de Cognac, en Charente, tillants), spécialité de cette unité, Mais le lien entre les deux est français. Le prêteur des boulan­
porte-drapeau de usines dans le monde, qui a été
on ne voit pas les choses de la et de la hausse des importations parfois ténu et le politique sacri­ gers, des décolleteurs ou des la start-up nation poussée au dépôt de bilan par la
même façon, et notamment cette pour justifier de sa décision, mais fie souvent ses plans d’avenir aux start­up informatiques s’est re­ crise. Bpifrance a joué le chef d’or­
alchimie forcément vertueuse rien n’y fait, pour Dominique Spi­ contingences du présent. « Cette trouvé, entre autres, propriétaire
s’est transformée chestre, convainquant à la fois les
entre le talent du financier et le nali, Bpifrance n’a pas fait son contradiction est présente depuis d’actions Orange, Eutelsat, Valeo, en nounou banques, l’Etat et l’actionnaire, le
sens du devoir du serviteur pu­ boulot. Et ces suppressions d’em­ la création de la banque, se sou­ Technip, PSA, Nexans, Constel­ fonds Equistone. « L’Etat a été effi­
blic. Dominique Spinali, le délé­ plois font mal en pleine crise éco­ vient l’économiste Philippe lium. Un portefeuille évolutif et
réconfortante cace et, au final, notre trésorerie
gué central CGT de Verallia, ne dé­ nomique. Martin, président délégué du qui donne un poids financier sortira renforcée de cette période »,
colère pas depuis que son entre­ « Ce n’est pas parce que Bpifrance Conseil d’analyse économique. A fort pour saisir des opportunités reconnaît Pierre Boulet, le PDG de
prise a annoncé, le 12 juin, la fer­ est au capital d’une entreprise que l’époque, la plupart des économis­ ou prendre des risques sur des volontaires, ont rappelé un à un Novares. Et Bpifrance a largement
meture d’un four et le départ de celle­ci doit se transformer en arse­ tes étaient négatifs, pensant que entreprises en devenir. Mais pas près de 100 000 dirigeants en dé­ contribué à sauver une pépite de
130 personnes. nal. Nous ne nous opposons pas à l’établissement allait vite être cap­ pour acheter des canards boi­ tresse, et dans le même temps des l’industrie automobile française.
des décisions d’investissement turé par les intérêts politiques lo­ teux ou sauver des emplois coûte crédits ont été débloqués sans ga­ Dans le même temps, Bpifrance
« Un outil offensif » quand il y a des ajustements à caux au nom de la sauvegarde de que coûte. rantie, des remboursements re­ a refusé un prêt aux chaussures
Pour lui, c’est près de 200 emplois faire », rétorque Nicolas Dufourcq. l’emploi. Finalement, cela n’a pas portés. La banque qui se vivait en André, à la grande fureur de son
qui sont menacés par cette déci­ Nommé à la tête de l’organisme été le cas. » Dirigeants en détresse porte­drapeau de la start­up na­ nouveau propriétaire, le groupe
sion de ne pas reconstruire ce dès sa création, cet HEC­ENA, an­ Jusqu’à ce début d’année 2020, Le problème est que la paralysie tion s’est d’un coup transformée Spartoo. Comme le résume l’éco­
four qui était en fin de vie. Or, Bpi­ cien directeur financier de Capge­ les choses étaient donc claires : soudaine de l’économie un beau en nounou réconfortante. nomiste Philippe Martin, il est
france est actionnaire de la so­ mini, sait tout de la difficulté Bpifrance est la banque des entre­ jour de mars 2020 est venue Dès lors, l’investisseur avisé naturel que Bpifrance inter­
ciété à 7 %. « Nous nous sommes à marcher sur le fil fragile qui relie preneurs, pas un bouclier social. brouiller les cartes. « Tout à coup, peut­il encore défendre son ap­ vienne pour sauver des usines et
battus pour qu’elle entre au capital la finance à la politique. Mais il Cela lui vient de ses aïeux qui on a éteint la lumière, et nos entre­ proche offensive, peu sensible à la des emplois, mais seulement si
en 2015 quand Saint­Gobain nous sait aussi que la mission de Bpi­ s’appelaient Oséo, Anvar, BDPME, preneurs se sont retrouvés dans le question sociale, au moment où leur fermeture est la conséquence
a vendus au fonds américain france n’a jamais été de sauver et qui tous s’enorgueillissaient de noir, raconte Anne Guérin, la pa­ l’Etat est mobilisé pour endiguer directe de la paralysie due à la
Apollo, affirme le syndicaliste. Elle l’emploi et les entreprises en diffi­ leur ancrage régional et de la tronne du financement et du ré­ le flot des chômeurs qui déferlera crise sanitaire, afin d’éviter qu’un
s’était engagée à être attentive culté partout sur le territoire, mais proximité avec le tissu économi­ seau. Il a fallu s’adapter instanta­ sitôt disparu les prêts gratuits et accident temporaire se trans­
à l’emploi et à l’outil de travail et, de dynamiser le tissu économi­ que et industriel des TPE (très pe­ nément. » L’établissement a ins­ autres dispositifs de chômage forme en cicatrice permanente.
maintenant, elle vote la fermeture que et industriel de la France. tites entreprises) et PME. tallé un numéro vert, immédiate­ partiel ? « Notre mission n’a pas Une ligne de conduite qui de­
d’une unité tout en touchant des Pierre Moscovici, ministre des fi­ L’ambiguïté est venue de l’ap­ ment saturé. Plus d’un millier de changé, affirme Nicolas Dufourq, mande un certain doigté. 
dividendes ! » La direction de l’en­ nances de François Hollande, port dans BPI des participations collaborateurs, dont beaucoup de construire des sociétés résilientes philippe escande

Le soutien controversé de l’Etat au secteur parapétrolier


Bpifrance détient toujours des participations dans deux groupes chahutés, TechnipFMC et Vallourec

P eut­on se revendiquer la
« banque du climat » et être
présente au capital des
principaux acteurs du parapétro­
lier en France ? Invisible du grand
seils d’administration de Techni­
pFMC et de Vallourec – elle n’est
plus actionnaire de CGG depuis
2018. Ces participations histori­
ques, héritées du Fonds stratégi­
de capital de 800 millions d’euros,
aurait, selon le Figaro du 24 juillet,
appelé l’Etat à l’aide.
« On essaie toujours de faire en
sorte que l’empreinte française soit
mère la liste des participations pri­
ses dans les grands groupes. Le
spécialiste mondial des tubes sans
soudure, toujours en difficulté, de­
vra être de nouveau recapitalisé
même temps, à agir en tant qu’in­
vestisseur avisé », souligne égale­
ment un patron du secteur.
Or le secteur parapétrolier fait
face à une nouvelle crise majeure,
de la Terre réclament ainsi que le
soutien public à ces entreprises
soit conditionné à « une stratégie
de diversification pour sortir des
énergies fossiles et assurer une
public et des consommateurs, ce que d’investissement (FSI) ont par­ là, tout en étant un investisseur dans les prochaines semaines. avec la chute brutale des prix du transition juste aux salariés », sou­
secteur réalise 90 % de son chiffre fois suscité de vives critiques dans avisé. On accompagne les transfor­ « Historiquement, cette présence pétrole liée à la crise sanitaire. Tou­ ligne Cécile Marchand, chargée de
d’affaires à l’exportation : on y une filière très chahutée. mations », explique José Gonzalo, de l’Etat au capital était vue comme tes les compagnies pétrolières an­ campagne climat de l’association.
compte le spécialiste mondial des Après la crise pétrolière de 2014­ directeur des investissements di­ une protection contre des attaques noncent des coupes importantes Une critique balayée par la ban­
tubes sans soudure Vallourec, un 2015 et la forte baisse des investis­ rects chez Bpifrance, qui rappelle étrangères », rappelle Olivier Ap­ dans leurs projets, et l’horizon que. « Si on veut agir et avoir une
géant des plates­formes, Technip­ sements, le secteur est durement que le secteur de l’énergie ne re­ pert, ancien président de l’Institut s’annonce difficile pour les entre­ vraie influence, il faut accompa­
FMC, et un acteur de référence touché : le groupe tricolore Tech­ présente que 5 % des mises de français du pétrole, qui a côtoyé la prises de la filière. gner les entreprises qui ne sont pas
dans l’exploration pétrolière, CGG. nip fusionne avec l’équipementier fonds de la banque. banque publique d’investisse­ D’autant qu’elles sont confron­ parfaites à un instant donné et
Historiquement structurée et or­ FMC, au grand dam des syndicats ment dans plusieurs conseils d’ad­ tées, en parallèle, à un autre défi soutenir leurs ambitions », dit Sé­
ganisée dans l’ombre de Total, français, qui y voient une prise de « Une vision financière » ministration : « Le FSI avait une vi­ majeur : celui du climat. La banque bastien Moynot, chargé des
cette filière a toujours été soute­ contrôle de l’américain. Il souligne par ailleurs qu’elle sou­ sion stratégique industrielle, Bpi­ est ainsi soumise à des critiques, grands groupes chez Bpifrance.
nue activement par l’Etat, qui Vallourec et CGG sont recapitali­ tient deux acteurs français des france travaille très bien, mais a tant de la part des syndicats, qui at­ Une stratégie qui doit s’inscrire
veille à défendre ses positions à sés au prix d’une lourde restructu­ énergies renouvelables, Neoen et d’abord une vision financière. » « Il tendent de sa présence un soutien sur le long terme : chez Techni­
l’international et est plusieurs fois ration, avec, à chaque fois, d’im­ Albioma. « Vallourec, c’est le seul y a une ambiguïté dans la présence pour maintenir l’activité en pFMC ou Vallourec, la quasi­tota­
intervenu pour recapitaliser cer­ portantes suppressions d’emplois. sujet compliqué pour Bpifrance », de la [banque publique d’investis­ France, que de la part des ONG, qui lité de l’activité est tournée vers
tains groupes. Bpifrance est pré­ Vallourec, qui a dû surseoir en rai­ reconnaît le patron de la banque, sement], qui cherche à la fois à por­ dénoncent un appui sans mesure les énergies fossiles. 
sente au capital et siège aux con­ son de la crise à une augmentation Nicolas Dufourcq, quand il énu­ ter la vision de l’Etat et, dans le à des groupes polluants. Les Amis nabil wakim
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 économie & entreprise | 13

Courtepaille en cessation de paiements


I NDUSTRI E
Liberty Steel désigné
pour reprendre France
Rail Industry
La reprise par le britannique
Quatre prétendants ont manifesté leur intérêt pour la chaîne de restaurants aux 2 700 salariés Liberty du principal fournis­
seur de rails de la SNCF,
France Rail Industry, décidée
jeudi 23 juillet par la justice

F
ermé aujourd’hui ». Sur la roi des grillades avait sollicité un à l’évolution de la consomma­ menses cornes blanches (dont commerciale, inclut l’aciérie
carte de France des res­
« Nous sommes prêt garanti par l’Etat (PGE) mais tion. Alors que les restaurants in­ 100 en franchise), pour près de Ascoval à Saint­Saulve (Nord)
taurants Courtepaille, la au début d’une ne l’a pas obtenu, à ce stade. La dépendants ont plus vite compris 400 millions d’euros, Buf­ et permet de reconstituer
même litanie s’égrène le politique de Bercy consiste à met­ qu’il fallait offrir un véritable ser­ falo Grill avait annoncé son in­ « une filière franco­française »
long de la route des vacances.
hécatombe (…). tre la pression sur les entreprises vice, une carte plus courte pour tention d’acquérir une marque de rails. Le groupe doit obte­
Avec seulement 55 restaurants Je pense que dont les difficultés avaient dé­ mettre en avant le fait­maison ou de restauration complémentaire nir l’accord de Bercy. – (AFP.)
ouverts sur 187 détenus (hors marré bien avant l’épidémie de introduire du végétal. D’autre sur le marché français. Mais l’en­
franchise), la chaîne préférée du
deux chaînes sur Covid­19 pour qu’elles prennent part, depuis 2005, les fonds d’in­ seigne, conseillée par Rothschild, TRA NSPORTS
couple présidentiel Brigitte et trois ne s’en des mesures structurelles, recapi­ vestissement sont entrés au capi­ doit désormais mener aussi sa Trottinettes à Paris :
Emmanuel Macron peine à se re­ talisation voire cession, avant de tal des chaînes et les ont cassées. propre restructuration finan­ Dott, Lime et Tier
lever de la crise due au Covid­19.
sortiront pas » recevoir l’argent du contribuable. Ce sont des financiers obsédés par cière. Selon L’Agefi, TDR Capital a retenus
De source syndicale, elle s’est BERNARD BOUTBOUL La chaîne d’ameublement Confo­ le résultat. » ainsi racheté avec le fonds de La Mairie de Paris a choisi,
même déclarée mardi 21 juillet en directeur du cabinet rama n’a ainsi décroché un PGE dette AlbaCore Capital une partie jeudi 23 juillet, les trois opéra­
cessation de paiements auprès Gira Conseil qu’après avoir conclu un adosse­ importante de la dette de Buffalo teurs Dott, Lime et Tier pour
du tribunal d’Evry, afin de déclen­ ment à son concurrent But. Un appétit qui semble insatiable Grill pour s’imposer face aux mettre à disposition des Pari­
cher l’ouverture d’une procédure Le rachat de Courtepaille et de Autre chaîne emblématique créanciers. siens 15 000 trottinettes dès la
de redressement judiciaire. Une des brasseries Flo), le fonds d’in­ ses près de 300 restaurants cons­ ayant fait l’objet d’un LBO, Buf­ Le prétendant venu du Far West rentrée. Ces opérateurs s’en­
audience en ce sens est prévue le vestissement Naxicap, action­ titue une étape majeure de la falo Grill traverse aussi une passe aura fort à faire face au groupe gagent à respecter les mesu­
27 juillet. Cette démarche « tech­ naire de l’enseigne familiale La consolidation d’un secteur très délicate. Pour renforcer sa tréso­ Bertrand qui, pour sa part, a déjà res notamment sociales et en­
nique », selon un bon connais­ Boucherie, et enfin Buffalo Grill, secoué par la crise sanitaire. La rerie, la chaîne adepte du western décroché un PGE de 35 millions vironnementales imposées
seur du dossier, vise à faciliter grand concurrent de Courtepaille. fermeture brutale des établisse­ négocie, de son côté, l’octroi d’euros auprès de ses banques au par la mairie. – (AFP.)
une restructuration de Courte­ Le tribunal choisira le repre­ ments le 14 mars, pour cause de d’un prêt garanti par l’Etat. Cela niveau de sa filiale Groupe Flo.
paille, avant sa reprise. neur en fonction du nombre de confinement, a accru la pression ne l’a pas empêchée de se porter Créé en 1997 et dirigé par Olivier I NVESTISSEM ENT
sites repris, du montant prévu sur les groupes les plus fragiles candidate pour la reprise de Bertrand, le groupe fait preuve La France protège ses
Fortes turbulences des investissements et des enga­ financièrement. Soit qu’ils aient Courtepaille. d’un appétit qui semble insatia­ entreprises stratégiques
Car, malgré ses difficultés, l’ensei­ gements formulés en termes déjà subi le contrecoup des ma­ En 2017, lorsque le fonds britan­ ble. Présent dans la restauration Un décret renforçant le con­
gne née en 1961, en Bourgogne, d’emploi. Le groupe compte quel­ nifestations des « gilets jaunes » nique TDR Capital avait acquis les rapide avec Burger King et Quick, trôle des investissements
au bord de la nationale 6, suscite que 2 700 salariés. ou celui des grèves suscitées par 360 restaurants coiffés des im­ dans les chaînes de restauration étrangers, afin de protéger les
l’appétit. Selon plusieurs sources, Courtepaille a déjà traversé de la réforme des retraites. Soit avec les enseignes Hippopota­ entreprises françaises ayant
quatre prétendants ont fait con­ fortes turbulences ces dernières qu’ils soient plombés par une mus, Au Bureau ou Bert’s, il est des « activités sensibles », est
naître leur intérêt dans le cadre années. D’abord créancier, ICG forte dette. également propriétaire des sa­ paru jeudi 23 juillet au Journal
de l’appel d’offres organisé par la avait pris le contrôle de l’ensei­ « Nous sommes au début d’une Le prétendant lons de thé Angelina et collec­ officiel. Le texte abaisse de
banque Lazard pour le compte gne en 2015, au terme d’une crise hécatombe des chaînes de restau­ tionne les brasseries et adresses 25 % à 10 % le seuil du contrôle
d’ICG, le fonds britannique pro­ de gouvernance, en convertis­ ration. Avant le Covid­19, elles n’al­
Buffalo Grill aura parisiennes. des investisseurs non euro­
priétaire de Courtepaille. sant la dette qu’il détenait en ca­ laient déjà pas très bien. Je disais fort à faire face Son expansion a été menée au péens prenant des parts dans
Le boulimique groupe Bertrand, pital. Il avait ainsi évincé un autre qu’une chaîne sur deux s’en sorti­ pas de course à coups de rachats les entreprises françaises
numéro un français de la restau­ fonds, Fondations Capital, qui rait. Je me suis trompé. Je pense
au groupe de sociétés en difficulté. Dernière « exerçant des activités sensi­
ration (Hippopotamus, Bert’s, avait acquis 53 % de Courtepaille que 2 sur 3 ne s’en sortiront pas », Bertrand qui, opération en date : la reprise de la bles et dont les actions sont
Brasserie Lipp, La Coupole…) se­ en 2011 pour 245 millions estime Bernard Boutboul, direc­ chaîne Léon de Bruxelles. Mais admises aux négociations sur
rait le mieux placé, devant Butler d’euros, dans le cadre d’une opé­ teur du cabinet Gira Conseil.
pour sa part, a cette stratégie très offensive ne va un marché réglementé »,
Industries, la holding du spécia­ ration avec effet de levier ou LBO Selon lui, deux raisons expli­ décroché un PGE pas sans poser question sur le ni­ autrement dit qui sont cotées
liste des entreprises en difficulté, (leveraged buy out). quent cette fragilisation du sec­ veau d’endettement du groupe.  en Bourse. Ce nouveau seuil
Walter Butler (propriétaire du Pa­ Sur fond de résultats 2019 déjà teur : « D’une part, ces chaînes ne
de 35 millions isabelle chaperon sera en vigueur jusqu’au
radis latin et ancien actionnaire décevants, selon une source, le se sont pas repensées par rapport d’euros et laurence girard 31 décembre. – (AFP.)

Aux Etats­Unis, la reprise de l’emploi Une collection


se fait hésitante
LE MONDE DE

MAIGRET
Les chiffres des inscriptions au chômage sont repartis à la hausse. La
résurgence de la crise sanitaire contraint à de nouvelles restrictions

washington — correspondante avec la proposition des républi­


Le nombre cains au Congrès, dont le plan pré­ Georges Simenon
T
A nnoncée plusieurs fois
par le président améri­
cain Donald Trump, la re­
de chômeurs
s’établit
désormais
voit une aide correspondant à
100 % des revenus antérieurs à la
pandémie. Au­delà des tradition­
OFFRE DE LANCEMEN
LE LIVRE N°1

2,99
prise économique espérée semble nelles divergences partisanes, les
marquer le pas face à la nouvelle
flambée de la pandémie liée au
Covid­19 aux Etats­Unis. Jeudi
à 16,2 millions discussions ont aussi été ralenties
par l’exigence de M. Trump de lier
le nouveau plan à une réduction

23 juillet, pour la première fois de­ des charges sociales pour les em­
puis début avril, les chiffres heb­
domadaires du chômage sont re­
mandeurs d’emploi de recevoir
600 dollars par semaine, assurant
ployeurs, une mesure rejetée à la
fois par les démocrates et les répu­
seulement
partis à la hausse, avec 1,4 million à certains travailleurs un revenu blicains. Le président y a finale­
de demandeurs d’emploi supplé­ supérieur à leur salaire initial. ment renoncé jeudi.
mentaires inscrits entre le 12 et le Faute d’un nouveau plan de sou­ Le plan de 1 000 milliards de dol­
18 juillet. La semaine précédente, tien, ces millions de travailleurs lars actuellement discuté prévoit
1,3 million de personnes étaient rejoindront le régime général de aussi des prêts supplémentaires
déjà venues grossir les rangs des l’assurance­chômage, moins gé­ pour les petites et moyennes en­
chômeurs, dont le nombre s’éta­ néreux (350 dollars par semaine treprises, des financements pour
blit désormais à 16,2 millions. Au en moyenne) et dont les condi­ améliorer le dépistage du virus et
total, si l’on prend en compte les tions varient d’un Etat à l’autre. la recherche sur le vaccin, des
personnes non salariées mais fonds pour permettre aux écoles
également indemnisées, 30 mil­ Prolonger les aides de rouvrir. Ce point suscite la dis­
lions de personnes ont demandé Pour éviter une crise sociale d’am­ corde entre le gouvernement fé­
des aides, soit un cinquième des pleur, il ne reste que quelques déral et de nombreux Etats, qui, au
travailleurs américains. jours au Congrès américain pour vu de la situation sanitaire, se
Le nombre de contaminations s’accorder sur un deuxième plan montrent réticents à la réouver­
et de morts qui, depuis trois se­ de soutien massif à l’économie. ture des établissements scolaires
maines, atteint des niveaux re­ Mais les propositions, âprement au mois d’août.
cord dans plusieurs Etats du sud discutées depuis plusieurs semai­ Dans ce contexte, une autre me­
et de l’ouest du pays, contraint nes, n’avaient toujours pas permis nace plane sur nombre de ména­ Sous la plume de Georges Simenon,
certaines régions à de nouvelles de dégager, jeudi, un consensus ges. Le moratoire sur les loyers dé­ plongez dans l’univers du commissaire
restrictions et fermetures de com­ entre républicains et démocrates. crété au niveau fédéral fin mars Jules Maigret.
merces. Cette résurgence de la Ces derniers souhaitent renou­ pour les personnes vivant dans
crise sanitaire – 4 millions de per­ veler l’aide aux chômeurs telle des logements subventionnés Chaque volume est accompagné d’un
sonnes infectées et 143 800 morts, qu’elle existe jusqu’à la fin de l’an­ prend fin le 24 juillet. Cette me­ dossier complet qui éclaire les thèmes,
selon l’université Johns Hopkins – née, tandis que les républicains sure concerne 12,3 millions de les personnages et le climat du roman.
freine à nouveau les embauches, veulent la diminuer, plus ou foyers, soit un tiers des locataires
alors que les mois de mai et juin, moins drastiquement. Prolonger au niveau national. Là encore,
Collection préfacée par John Simenon
marqués par une réouverture ra­ les aides est « une priorité », a as­ faute d’une décision rapide de la
pide de l’économie dans plusieurs suré jeudi le secrétaire au Trésor, part du gouvernement fédéral,
Etats, avaient vu la création de Steven Mnuchin, sur la chaîne des expulsions pourraient inter­ www.lemondedemaigret.fr
7,5 millions emplois. CNBC. Le gouvernement envisage venir. Dans le parc privé, la dimi­
Le ralentissement survient alors une indemnité équivalant à « envi­ nution des indemnités chômage
que les aides débloquées lors du ron 70 % » du salaire touché avant ou un simple délai des verse­
premier plan de soutien de le chômage : « Nous n’allons pas ments prévus par le futur plan
2 000 milliards de dollars adopté
en mars touchent à leur fin le
payer plus pour rester à la maison
que pour travailler », a­t­il déclaré.
pourrait aussi mettre les locatai­
res, et les loueurs, en difficulté. 
Dès le 23 juillet chez votre marchand de journaux
31 juillet. Elles ont permis aux de­ Une déclaration en porte­à­faux stéphanie le bars
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14 | économie & entreprise SAMEDI 25 JUILLET 2020

sydney ­ correspondance

L’
année 2020 s’an­
nonçait belle pour
l’Australie. Le « Lu
cky Country » de­
vait enregistrer sa
29e année de crois­
sance consécutive et, pour la pre­
mière fois depuis douze ans, un
très médiatisé excédent budgé­
taire. Mais après une saison des
incendies dévastatrice pendant
l’été austral 2019­2020 puis l’épi­
démie de Covid­19, qui a regagné
en intensité depuis la fin juin, le
gouvernement a annoncé, jeudi
23 juillet, que le déficit budgétaire
avait explosé et qu’il devrait at­
teindre 184,5 milliards de dollars
australiens (114 milliards d’euros)
en 2020­21, un record depuis la se­
conde guerre mondiale. Et si les
chiffres du deuxième trimestre
2020 ne sont pas encore publiés,
les autorités considèrent déjà que
le pays est en récession.
« La nature et la vitesse de la re­
prise économique sont extrême­
ment incertaines », avait souligné,
le 7 juillet, Philip Lowe, le gouver­
neur de la banque centrale, qui
avait alors maintenu son princi­
pal taux directeur à 0,25 % pour La galerie marchande Royal Arcade, dans le centre de Melbourne, vendredi 10 juillet. WILLIAM WEST/AFP
soutenir l’économie.

HAUSSE DU CHÔMAGE
Début juin, l’Australie pensait
pourtant que le plus dur était der­
rière elle. Le Covid­19, après avoir
PLEIN CADRE cultés réside dans le fait que l’on ne moindre qu’anticipé. Quant à
contaminé un peu plus de 7 000 sait pas combien de temps ces res­ l’ouverture des frontières avec la
personnes, ne circulait pratique­
ment plus dans un pays qui, dès le
20 mars, avait fermé ses frontiè­
res à tous les étrangers et adopté
des mesures de confinement. En­
L’Australie trictions resteront en place », ex­
plique Adele Labine­Romain, as­
socié au sein du cabinet d’audit et
de conseil Deloitte.
Nouvelle­Zélande, l’une des prin­
cipales solutions envisagée pour
amortir le choc, elle est pour l’ins­
tant compromise.
Mêmes problématiques dans
couragée par ce succès sanitaire,
la confiance comme la consom­
mation des ménages étaient re­
parties à la hausse.
Le nombre de création d’em­
sur la corde raide LE PAYS S’EST CALFEUTRÉ
Dans la lutte contre la pandémie,
l’isolement géographique de l’Aus­
tralie est l’un de ses principaux
atouts. Pour l’optimiser, le pays
le secteur de l’éducation supé­
rieure qui accueille, chaque an­
née, 500 000 étudiants étrangers
rapportant quelque 30 milliards
de dollars à l’économie austra­
plois aussi. « Il y a moins de cent
jours, l’Australie était au bord de
Le pays a été relativement épargné par le s’est calfeutré. « Je pense que pour
pouvoir ouvrir totalement les fron­
lienne. Les universités misaient
sur une amélioration du contexte
la falaise économique. Une ver­
sion économique de l’armaged­
Covid­19 mais la reprise économique est menacée tières, sans mesures de quaran­
taine ni restrictions, il faudra un
sanitaire pour que leurs étu­
diants, actuellement interdits
don. Une fois de plus, notre écono­
mie s’est montrée remarquable­
par une deuxième vague de contamination vaccin », a prévenu, le 26 juin, le
responsable de la santé publique
d’entrée sur l’île­continent, puis­
sent bénéficier d’exemptions par
ment résiliente », se réjouissait, d’alors, Brendan Murphy. Le direc­ un système de quarantaine.
sur Twitter, le jeudi 4 juin, le secré­ teur général de Qantas, Alan Joyce, Alors que des formules étaient à
taire au Trésor, Josh Fryden­ qui ne table pas sur une reprise si­ l’étude, tout a été mis en suspend.
berg, tandis qu’un rapport de grimpé de 5,1 % au mois de février Parallèlement, tous les autres gnificative des vols de sa compa­ Pourtant, si rien n’est fait, le man­
l’Organisation de coopération et à 7,4 % en juillet.
Le gouvernement Etats, craignant d’être atteints à gnie aérienne avant, au moins, que à gagner sera colossal. L’édu­
de développement économiques Ce que Canberra n’avait pas an­ a encore réduit leur tour, ont fermé leurs frontiè­ l’été 2021, a annoncé, le 25 juin, la cation représente le quatrième
(OCDE) notait, le 10 juin, que le ticipé, c’est la violence de la res avec le Victoria. suppression de 6 000 emplois. « secteur d’exportation » du pays
pays avait été « relativement épar­ deuxième vague qui a déferlé sur
le nombre Le gouvernement fédéral a, Durant les trois premiers mois après le fer, le charbon et le gaz na­
gné » grâce aussi aux mesures de l’Etat de Victoria, fin juin, et qui de personnes quant à lui, encore réduit le nom­ de la pandémie, l’industrie touris­ turel liquéfié.
soutien de l’Etat. menace désormais la Nouvelle­ bre de personnes autorisées à en­ tique, forte de 660 000 travail­
Le gouvernement, dirigé par le Galles du Sud. Dès le 9 juillet, pour
autorisées trer sur l’île­continent, de 8 000 à leurs dans l’ensemble du pays et PRÉSERVER SYDNEY
premier ministre conservateur tenter de freiner la propagation à entrer dans 4 000 par semaine. De très mau­ qui, en 2019, a contribué à hau­ Pour ne rien arranger, ces deux
Scott Morrison, a débloqué plus du virus, les autorités locales ont vaises nouvelles pour deux sec­ teur de 3,5 % au produit intérieur secteurs sont dans le viseur de la
de 135 milliards de dollars austra­ dû reconfiner Melbourne, la
le pays. Une très teurs parmi les plus touchés par la brut (PIB), a perdu 6 milliards de Chine. Début juin, l’Etat chinois a
liens (82 milliards d’euros) depuis deuxième ville du pays avec ses mauvaise crise : le tourisme et l’éducation. dollars (3,7 milliards d’euros). Les appelé ses touristes et étudiants à
le début de la crise, dont plusieurs 5 millions d’habitants, pour six En avril, après la fermeture du principaux opérateurs espé­ éviter l’île­continent en raison
dizaines de milliards consacrés à semaines. Une mesure qui, selon
nouvelle pour pays aux étrangers, l’arrivée raient, grâce à la levée des mesu­ d’incidents à caractère « racistes ».
des allocations d’activité partielle les études, devrait coûter plus de le tourisme de touristes internationaux avait res de confinement, profiter d’un Depuis que Canberra a mi­
pour les entreprises en difficulté. 1 milliard de dollars australiens chuté de 99,7 %. « Pour cette indus­ rebond du tourisme domestique. lité pour l’ouverture d’une en­
Malgré tout, le taux de chômage a par semaine.
et l’éducation trie, l’une des principales diffi­ Suite à la deuxième vague, il sera quête internationale indépen­
dante sur la pandémie, fin avril,
Pékin a multiplié les mesures
Queenstown, capitale du tourisme d’aventure néo-zélandais, à l’arrêt de représailles.
Autant de nuages dans le ciel de
la reprise australienne qui inquiè­
l’espace de deux semaines, dans le froid quatre coins de la planète. En 2019, le l’un des districts potentiellement les plus nouvelles pistes de développement : le tent. Mais ce que redoute le plus le
de l’hiver austral, la ville de Queens­ tourisme a rapporté 2,5 milliards de dol­ pauvres », n’a pu que constater, dès le tourisme médical, l’éducation, l’accueil gouvernement, c’est une propa­
town, nichée au cœur des majestueuses lars néo­zélandais (1,44 milliard d’euros) 24 avril, le maire de la commune, Jim d’entreprises de haute technologie ou gation de la deuxième vague jus­
montagnes des Alpes néo­zélandaises, à la région où il génère deux tiers Boult. Pour la région de Queenstown, le encore la construction de studios pour qu’en Nouvelles­Galles du Sud.
au sud du pays, a repris vie. Il y a eu la des emplois. bilan est dramatique. Début juillet, l’industrie du cinéma. La trilogie du Sei­ Au début du mois de juillet, le
queue en bas des remontées mécani­ 7 000 personnes avaient déjà perdu leur gneur des anneaux a notamment été secrétaire au Trésor, Josh Fryden­
ques. Des ribambelles d’enfants déva­ « Peu d’options » emploi et, selon des études prévision­ tournée dans les environs. « L’idée est de berg, avait souligné qu’il était « es­
lant les pistes de ski fraîchement ennei­ Mais tout a basculé le 19 mars, quand, nelles, le taux de chômage pourrait pas­ promouvoir notre cadre de vie unique », sentiel pour la reprise, pour la
gées. De grandes tablées dans les restau­ pour lutter contre la propagation du Co­ ser de 1,1 % en mars 2019 à 18,5 % en souligne Benje Patterson. confiance des consommateurs et
rants affichant enfin complet. Puis les vid­19, le gouvernement dirigé par la mars 2021, soit plus du double de ce qui Mais rien de comparable à ce que rap­ des entreprises », que l’Etat le
vacances scolaires ont pris fin, le première ministre travailliste, Jacinda est prévu dans le reste du pays. porte le tourisme international. Or, le plus peuplé d’Australie et son
17 juillet. Les commerçants ont re­ Ardern, a fermé les frontières du pays « Cela laisse peu d’options aux habi­ gouvernement n’envisage pas, pour principal moteur économique
plongé dans l’angoisse de mettre la clé à tout étranger non résident. Si cette po­ tants. Certains ont dû se reconvertir dans l’instant, de rouvrir les frontières de l’ar­ soit préservé.
sous la porte, faute d’arrivée de touristes litique, accompagnée de mesures de l’agriculture pour trouver un job. D’autres chipel aux ressortissants des pays Or, même si le nombre de cas à
étrangers. confinement strictes, a permis de met­ vont devoir déménager », explique Benje n’ayant pas maîtrisé l’épidémie due Sydney est encore faible, il a pro­
Depuis les années 1980, ce sont eux qui tre fin à la circulation du virus dans l’ar­ Patterson, économiste établi dans la au coronavirus. Seule lueur d’espoir gressé à tel point que les autorités
ont fait la fortune de Queenstown, la ca­ chipel, ce qui a engendré une reprise ville. « Nous savions depuis longtemps pour les habitants de la ville, la mise en n’excluent plus, si la situation de­
pitale des séjours d’aventure kiwi. Ce qui soutenue de l’activité dès le mois de juin, que nous devions diversifier notre écono­ place d’une « bulle de voyage » avec l’Aus­ vient incontrôlable, un reconfi­
n’était qu’une petite ville de 20 000 ha­ elle a laissé sur le carreau l’industrie tou­ mie. Mais la leçon a été rude. » tralie à laquelle réfléchissent, depuis nement de la plus grande ville du
bitants, s’est imposée comme une desti­ ristique, l’un des piliers de l’économie Pour relancer l’activité, Queenstown plusieurs mois, Canberra et Wellington. pays. Les prochaines semaines se­
nation de renom, proposant aussi bien néo­zélandaise. travaille désormais dans deux direc­ La deuxième vague de Covid­19 sur l’île­ ront « cruciales », a martelé, lundi
du saut à l’élastique que des excursions « En un peu plus d’un mois, littérale­ tions. D’un côté, elle s’est tournée vers le continent a repoussé ce projet à une date 20 juillet, Gladys Berejiklian, la
en hélicoptère et attirant 3 millions de ment, nous sommes passés du district le tourisme local et chacun a revu ses prix indéfinie.  première ministre de l’Etat. 
visiteurs par an, dont 60 % venus des plus prospère de Nouvelle­Zélande (…) à à la baisse. De l’autre, elle planche sur de i. de. (sydney, correspondance) isabelle dellerba
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 sports | 15

JO de Tokyo :
l’ombre
d’un doute
La décision finale du maintien
ou non des Jeux olympiques
en raison de la crise sanitaire
est attendue en avril 2021.
Leur annulation n’est plus taboue

tokyo ­ correspondance rêve, de l’espoir, de l’inspiration et


du courage au monde grâce à la

E
ncore 364 jours avant le puissance du sport. »
début des Jeux olympi­ Dans un entretien accordé à la
ques (JO) de Tokyo. A chaîne publique NHK, le 22 juillet,
condition qu’ils aient le président du comité d’organi­
bien lieu ! Les questions sanitai­ sation, Yoshiro Mori, a exclu un
res et financières entourant la te­ nouveau report, tout en admet­
nue de l’événement planétaire, tant, pour la première fois, le ris­
reporté d’un an à cause de la pan­ que d’une annulation : « Si la si­
démie de Covid­19, font cogiter tuation reste la même, nous ne Rikako Ikee, jeune nageuse nippone, jeudi 23 juillet, lors d’une cérémonie, à Tokyo. DU XIAOYI/AP
les organisateurs. Elles les inci­ pourrons pas les tenir. »
tent aussi à la modestie. M. Mori, qui a fixé à avril 2021 la quarantaine et de les loger dans le La prise en charge du report a Les 62 entreprises partenaires Pour réduire la facture, Toshiro
La cérémonie « 1YTG » (« One décision finale du maintien ou village olympique, ? Quid des déjà suscité des tensions en avril, des jeux, qui ont promis 3,3 mil­ Muto, le directeur général du co­
Year To Go », « Encore un an »), or­ non des Jeux, s’est aussi fait l’écho sportifs américains, alors que la quand les organisateurs et le gou­ liards de dollars (2,8 milliards mité d’organisation, a déclaré que
ganisée jeudi 23 juillet, à un an de du désarroi de la population. « Je pandémie ne montre aucun signe vernement nippon ont critiqué le d’euros) – un record –, font face à les organisateurs envisageaient
l’ouverture prévue des compéti­ ne pense pas que les gens soient de fléchissement aux Etats­Unis ? CIO, qui avait annoncé que le pre­ une crise économique d’une am­ des « simplifications » dans plus de
tions, n’a ainsi pas duré plus d’une d’humeur joyeuse pour célébrer le Les organisateurs s’interrogent mier ministre, Shinzo Abe, s’était pleur rare. « Nous essayons déjà de 200 domaines. Les invitations de
quinzaine de minutes. Alors que début du décompte d’un an. » aussi sur l’accueil des 80 000 bé­ engagé à assumer les coûts sup­ survivre jusqu’à la fin de l’année. personnalités olympiques pour­
la tour Tokyo Skytree s’illuminait D’après un sondage de l’agence névoles et la présence du public. plémentaires. Le problème tient Nous n’avons pas le temps de pen­ raient être limitées, comme le
du message « Ensemble, nous pou­ Kyodo, seuls 23,9 % des Japonais Thomas Bach, le président du Co­ au tarissement des financements ser aux Jeux olympiques », explique nombre de spectateurs et la taille
vons gagner », une petite déléga­ se disent favorables à la tenue des mité international olympique possibles à cause de la crise sani­ la compagnie aérienne ANA. Les des délégations. Le traditionnel
tion se réunissait sans public dans JO, quand 36,4 % plaident pour un (CIO), considère la réduction du taire. La ville de Tokyo a déjà géants de la finance Sumitomo défilé des athlètes lors de la céré­
le stade national, où auraient dû nouveau report et 33,7 % pour nombre de spectateurs comme épuisé 95 % de ses réserves d’ur­ Mitsui et Mizuho, deux partenai­ monie d’ouverture pourrait être
s’ouvrir, vendredi 24 juillet, les une annulation. « l’un des scénarios à examiner », gence pour la lutte contre le Co­ res « or » des JO, ont quant à eux supprimé. S’ils ont bien lieu, ces JO
32es JO de l’ère moderne. Pour l’instant, tout est fait pour même si « les Jeux olympiques à vid. Son endettement s’est accru, annoncé des fermetures d’agen­ ne « seront pas organisés avec ma­
les maintenir. Depuis l’annonce huis clos sont clairement quelque comme celui, déjà élevé, du gou­ ces, des suppressions de postes et gnificence », a prévenu M. Muto. 
Un nouveau report exclu du report, le 24 mars, les quaran­ chose que nous ne voulons pas ». vernement central. des baisses de rémunérations. philippe mesmer
D’espoir il fut beaucoup question te­deux sites des Jeux ont été ré­
au cours de cette mini­cérémo­ servés et le calendrier des compé­ Casse-tête financier
nie, marquée par la diffusion titions, sensiblement similaire au Le casse­tête de l’avenir des JO de
d’une vidéo titrée One Step calendrier initial, a été actualisé. Tokyo est aussi et surtout lié aux
Forward + 1, qui incluait un hom­ Beaucoup de questions restent questions financières. Il explique
mage « à tous ceux qui s’engagent toutefois à résoudre, à commen­ la forte mobilisation pour assu­

OFFRE EXCLUSIVE
pour la société », personnel soi­ cer par l’accueil des 11 000 athlè­ rer les compétitions en 2021. Une
gnant ou d’entretien, et par le tes olympiques et des 4 400 para­ annulation coûterait bien plus
message de Rikako Ikee, jeune na­ lympiques. A cause du Covid­19, le cher que le report. Tokyo, alors

VOTRE BIJOU
geuse nippone en phase de guéri­ Japon interdit l’entrée aux ressor­ privé des retombées de l’activité
son d’une leucémie. tissants de 146 pays. Mme Hashi­ touristique, devrait rembourser
« La lumière de l’espoir permet moto a évoqué la levée de cette in­ la contribution de 690 millions
aux gens de rester positifs et de
continuer à lutter. Je veux voir la
terdiction pour les athlètes, sans
donner de détails.
d’euros consentie par le CIO.
Pour ce dernier, cela signifierait x ELLE
flamme de l’espoir brûler dans ce Y aura­t­il un vaccin disponible ? la perte de milliards d’euros de

EL LE
stade l’année prochaine », a­t­elle Faudra­t­il accepter les athlètes ressources : 75 % des 4,9 milliards
déclaré, seule au milieu du stade, qui refuseraient d’être vaccinés ? d’euros de revenus du comité
tout de blanc vêtue et la flamme Sera­t­il possible de les placer en proviennent, pour les Jeux de To­
olympique dans les mains. Un kyo, des droits de retransmis­
vœu à la réalisation hypothéti­ sion, dont 1,03 milliard de la
que dans un pays confronté à chaîne américaine NBC.
une résurgence de la pandémie,
« Nous essayons Il faut donc trouver une solution
avec 981 cas enregistrés le déjà de survivre. au financement du report, qui, se­
23 juillet, portant à près de 28 250 lon plusieurs estimations, pour­
le nombre de malades, pour près
Nous n’avons pas rait coûter de 1,7 à 5,2 milliards
le temps de
de 1 000 décès.
« Le monde se bat toujours contre
penser aux Jeux
d’euros, chiffres que les organisa­
teurs refusent de confirmer. Ce Mode ENQUÊTE
RÊVES DE GLOIRE,
GROS SOUS ET DÉMÊLÉS
le Covid­19, une pandémie d’une montant s’ajouterait à l’enve­ BUSTIERS-FOULARDS, JUDICIAIRES
ampleur rare, a reconnu la minis­ olympiques », dit loppe des JO, qui atteint déjà offi­ ROBES EN CROCHET ET LA FOLLE SAGA
JOLIS PONCHOS DES BOGDANOV
tre des JO, Seiko Hashimoto. Dans ciellement 10,9 milliards d’euros,
des moments comme celui­ci, il
la compagnie dont plus de la moitié de finance­
L’ESPRIT FOLK
S’INVITE À LA PLAGE
faut surmonter les défis, offrir du aérienne ANA ments publics.

Au Japon, une reprise du sport en douceur


Spécial
Feel good
après plusieurs mois d’arrêt en raison de Cette reprise des activités sportives survient BRITNEY SPEARS
EN DANGER ?
l’épidémie de Covid­19, les activités sportives re­ toutefois sur fond de résurgence de la pandémie. L’ÉTRANGE EMPRISE
prennent prudemment au Japon, avec, en ligne Et pose la question de l’ouverture au public des DE SON PÈRE
de mire, les Jeux olympiques de Tokyo en 2021.
Le championnat d’athlétisme de la capitale a
compétitions. Depuis le 10 juillet, 5 000 specta­
teurs maximum sont autorisés dans les encein­
CE QUE LES VACANCES NOTRE DOSSIER
commencé, jeudi 23 juillet, permettant au mé­ tes sportives. Mais le 22 juillet, le gouvernement
DISENT DU MONDE
D’AUJOURD’HUI POUR S‘AIMER
daillé d’argent du 4 × 100 m des Jeux olympi­ a reporté au 31 août la suppression, initialement
ENTRETIEN
AVEC L’ANTHROPOLOGUE
COMME ON EST
ques de 2016 à Rio de Janeiro, Asuka Cambridge, fixée au 1er août, de la limite du nombre de spec­ SASKIA COUSIN + LE TEST DÉCOMPLEXANT
de courir son premier 100 m officiel depuis sep­ tateurs pour les événements sportifs ou les con­ DE L‘ÉTÉ
tembre 2019 et d’entamer sa préparation pour certs. « Nous déciderons de la levée des limites en
les JO. « Je veux être au mieux pour les Jeux, s’ils fonction du nombre de nouveaux cas », a souli­
ont lieu », a déclaré le sprinter. gné le premier ministre, Shinzo Abe. elle.fr
Quoi qu’il en soit, il n’est plus question d’an­
« Je me suis perdu » nuler des compétitions. A Tokyo, le tournoi es­
« L’environnement redevient normal », se réjouit tival de sumo a été maintenu. Programmé du LE BIJOU
la karateka Kiyou Shimizu, favorite pour l’or 19 juillet au 2 août, il se déroule au stade Koku­ PASCALE
dans l’épreuve des katas, tandis que d’autres se gikan, avec un public limité au quart de la MONVOISIN
remettent du choc du report. « Quand il a été an­
noncé, je me suis senti perdu », a expliqué sur
Twitter le nageur Daiya Seto, potentiel médaillé
jauge habituelle. Le championnat profession­
nel de base­ball, sport le plus populaire du Ja­
pon, a repris le 16 juin. Pour ce qui est du foot­
4 50 €*
en plus du
magazine

en 200 m et 400 m quatre nages. Les incertitu­ ball, le championnat a commencé le 4 juillet.
des sur la préparation des athlètes et le déroule­ Exceptionnellement, il n’y aura pas d’équipes 3 COULEURS AU CHOIX
ment des compétitions n’empêchent pas le Co­ reléguées à la fin de la saison, « pour ne pas pé­
mité olympique japonais de maintenir son ob­ naliser encore plus des clubs déjà affectés par la
*Offre spéciale ELLE : 4,50 € le bijou + 2,40 € le magazine, soit 6,90 € l’ensemble. Dans la limite des stocks disponibles.
jectif de 30 médailles d’or, qui constituerait un crise sanitaire », a expliqué la ligue profession­
nouveau record pour le Japon. Le précédent, nelle, la J­League. 
16 titres, a été établi aux jeux de Tokyo de 1964. ph. me. (à tokyo)
16 | culture 0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

L’art en mouvement de Franck Scurti


Pendant l’été, l’artiste a établi son atelier sous la nef du Grand Palais, où il construit des œuvres de bric et de broc

ARTS récupéré des rouleaux d’affiches


arrachées et les étend sur le béton

E
n proposant à Franck du sol, le bleu tourné vers le haut.
Scurti de faire de la nef Ainsi obtient­il des flaques de
du Grand Palais son ate­ ciel, traversées de nuages blancs
lier en juillet et en août, là où le papier a mal résisté au dé­
Chris Dercon, président de la Réu­ collage en force. Des taches de
nion des musées nationaux rouille dessinent des constella­
(RMN), savait à qui il s’adressait. tions. Le visiteur, piéton céleste,
Scurti, qui est né en 1965 et vit et est donc invité à circuler entre ces
travaille à Paris, est un poète du flaques. L’idée, précise l’artiste,
débris, un obsédé de la récupéra­ lui vient d’un détail des fresques
tion, un bricoleur railleur et sacri­ de Giotto dans la chapelle des
lège – de loin l’un des meilleurs Scrovegni à Padoue : un ange qui
aujourd’hui dans ce genre dont roule un coin du firmament
l’histoire commence avec Pi­ comme un tapis.
casso, Duchamp et Schwitters. Or
la nef du Grand Palais est un es­ Cages à oiseaux
pace noble, solennel et déme­ Dans sa forme ultérieure, l’instal­
suré. En 2007, Anselm Kiefer y lation développera peut­être plus
avait inauguré la suite des inter­ largement de telles allusions ar­
ventions d’artistes vivants nom­ tistiques. Des cages à oiseaux fi­
mée « Monumenta » – titre en gurent parmi les objets que Scurti
rapport avec les dimensions et la a apportés pour alimenter son
hauteur sous verrière. A l’excep­ travail. A l’heure actuelle, deux
tion de Christian Boltanski, tous d’entre elles sont, si l’on peut dire,
ceux qui lui ont succédé en ces en fonction. Elles n’enferment
lieux, jusqu’à Huang Yong Ping, pas des oiseaux mais des cons­
qui a clos la série en 2016, ont tructions de morceaux de bois
cédé à l’appel du spectaculaire, pris à des planches, des madriers
tantôt réussi – Richard Serra ou des caisses, et peintes de cou­
en 2008 –, tantôt raté – Daniel Bu­ leurs si vives qu’elles font penser
ren en 2012. Que peut donc faire à des perruches ou des perro­
ici un artiste dont les travaux quets, mais leurs volumes géo­
sont le plus souvent de dimen­ métriques rappellent les architec­
sions modestes et résolument tones de Malevitch – autre ama­
hostiles à toute grandiloquence ? teur de couleurs intenses. Male­
Un premier point était acquis vitch et le suprématisme en cage ?
avant même qu’il ne prenne pos­ Dans ce cas, n’y aurait­il pas quel­
session du lieu : il n’y ferait pas Franck Scurti, lors de l’installation de l’une de ses œuvres, au Grand Palais, le 3 juillet. NICOLAS KRIEF/NEF DU GRAND PALAIS RMN/ADAGP, PARIS 2020 que allusion au traitement que
une exposition. « Il faut rompre le régime stalinien infligea à Ma­
avec les habitudes, disait­il en levitch et, plus largement, à toute
juin, faire autre chose, un anti­Mo­ passe plein de choses, toujours en ments d’objets ou débris qui se symboliquement reliés à la terre forme d’art aux prises avec des ré­
numenta. » Tous les participants mouvement : que ça ne se fixe présentaient à sa vue dans cette
Des taches de et au sous­sol par un fil lesté de re­ gimes dictatoriaux ? Et pourquoi
à cette manifestation avaient pas. » Pas de projet arrêté : « on partie du 13e arrondissement de rouille dessinent buts de la société contemporaine. des mégots sont­ils soigneu­
conçu et exécuté un projet qui verra » – lui le premier – comment Paris. Il les attachait à des lacets de Il serait difficile de ne pas attri­ sement posés sur les volumes
était achevé au jour de l’ouverture « ça tourne ». chaussures mis bout à bout,
des constellations. buer à cette situation un sens peints ?
et ne changeait plus jusqu’à la fin. Il n’est donc possible que de comme un prisonnier nouant ses Le visiteur, quelque peu ironique, d’autant Lors de notre dernier passage, il
L’intervention de Scurti s’appelle donner des précisions sur ce qui draps pour en faire la corde de son plus que Scurti est l’auteur de y avait aussi une grille du genre de
« Au jour le jour » parce qu’elle est voué à demeurer tel quel ou à évasion. Ainsi a­t­il collecté des
piéton céleste, nombreux travaux qui traitent celles qui arment le béton, mais
changera jusqu’au dernier. Quel­ peu évoluer ; et d’énumérer en­ bouts de DVD, des débris d’instru­ est invité le politique et l’économie par la tordue et inutilisable pour la
ques éléments, peu nombreux, suite les éléments connus de ce ments ménagers et de jouets en satire : l’inénarrable vidéo La construction ; un tas de ces pla­
ont été mis en place au début et, grand jeu de construction et des­ plastique, des bouts de tissus et
à circuler entre Linea (Tractatus logico­economi­ ques d’un affreux plastique vert
probablement, le resteront. D’au­ truction auquel Scurti propose de de sacs de toutes les couleurs. ces flaques cus) (2001), Les Reflets (2004), creusées d’alvéoles qui servent au
tres seront modifiés, déplacés, re­ venir assister. Au fil du temps, lacet après lacet, suite d’enseignes lumineuses transport des fruits – des kiwis en
tirés peut­être. D’autres encore, la corde est devenue de plus en de commerce prises de trem­ la circonstance – ; un rouleau de
dont rien n’annonce la présence Jarres tapissées d’or plus longue : un gros rouleau as­ que de fonte que l’on appelle le blote, l’installation Empty Worlds fil de fer piqué d’étoiles ; et un
aujourd’hui, pourraient apparaî­ Ce qui est voué à rester est, princi­ sez difficile à dérouler. En obser­ clocheton. « Clocheton, cloche, (2009) faite de jarres de terre cuite stock de débris multicolores ré­
tre dans les semaines à venir. palement, ce que Scurti appelle la vant l’architecture de la nef, clochard », commente Scurti. La tapissées d’or, distordues et cre­ cemment recueillis et piqués sur
Le critique se trouve donc lui « corde des débris », qui n’est pas Scurti a su qu’en faire : la tendre tresse des débris est donc atta­ vées, et bien d’autres. un contreplaqué. Leur avenir,
aussi dans une position inhabi­ exactement une corde, mais me­ dans toute sa hauteur du point chée au clocheton. Il a fallu pour Un deuxième dispositif destiné Scurti disait alors l’ignorer. 
tuelle : il écrit sur ce qu’il a vu à un sure plus de quarante mètres de culminant de la verrière jusqu’au cela deux spécialistes des travaux à durer est celui que l’artiste défi­ philippe dagen
instant donné, mais ne saurait long. Depuis 2014, l’artiste la fa­ sol, au centre géométrique de la dans le vide, spectacle déconseillé nit par ces mots : « Faire tomber le
assurer que les visiteurs verront brique selon un rituel qui fait la coupole, qui est elle­même au à quiconque est menacé de crises ciel par terre. » Le ciel, vu à travers « Au jour le jour », au Grand
les mêmes pièces dans le même part belle au hasard. Chaque fois centre de la nef. A l’extérieur, sur de vertige. La corde descend à la la verrière de la nef l’été est, Palais, Paris 8e. Jusqu’au 23 août,
ordre quelques semaines plus qu’il se rendait à pied de l’appar­ le toit, c’est le point où est fixé le verticale et touche le sol de la nef, quand tout va bien, d’un beau du vendredi au dimanche
tard. La notion de work in pro­ tement qu’il habite à l’atelier qu’il mât qui porte le drapeau trico­ exactement au centre d’une pla­ bleu. Cet azur est aussi celui du re­ de 16 heures à 20 heures,
gress est strictement appliquée. occupait jusqu’à une date récente, lore. A l’intérieur, cet axe central que d’égout, elle­même circulaire. vers des affiches collées dans les hors week­end du 15 août.
« Je veux installer un atelier où il se il ramassait les restes et frag­ est matérialisé par une pendelo­ Le drapeau et le ciel sont ainsi stations de métro. Scurti a donc Entrée libre.

A Avignon, Tartagueule contre Rastaquouère


Au Palais des papes, Serge Valletti transpose les farces d’Aristophane dans le monde d’aujourd’hui

THÉÂTRE nâgeux, haranguaient le badaud


pour le drainer vers quelque salle
Maupassant se mêlent à des spec­
tacles jeune public, jusqu’au
Serge Valletti, auteur de 69 ans, a
entrepris, il y a une dizaine d’an­
et Rastaquouère. Le second (inter­
prété par Bruno Raffaelli) règne
C’est en tout cas Tartagueule,
sommé de nettoyer les tripes sa­
avignon (vaucluse)
obscure. Pour un certain nombre 31 juillet ; à la Condition des Soies, nées, de traduire à sa façon les sur Marseille depuis longtemps les de la ville, qui l’emportera,

A vignon avait de vrais­


faux airs d’Avignon, jeudi
23 juillet au soir. Sur la
place du Palais des papes, les ter­
rasses de cafés étaient – presque –
de chanceux, dont la ministre de
la culture, Roselyne Bachelot­
Narquin, en déplacement à Avi­
gnon et à Arles, il y avait même
une soirée au Palais. Pas dans la
Philippe Caubère joue Les Lettres
de mon moulin, d’Alphonse Dau­
det, jusqu’au 25 juillet.
Et c’est Philippe Caubère, vété­
ran d’Avignon, que l’on retrouvait,
onze pièces qui nous restent de
l’auteur comique grec.
Serge Valletti est un Marseillais
d’Avignon, et c’est avec la verve et
la gouaille de la cité phocéenne
déjà (toute allusion à un édile
contemporain n’étant sans doute
pas tout à fait fortuite). Le pre­
mier, tripier de son état, va se voir
poussé par la vox populi à lui ra­
dans ce duel de « matamores de
pacotille ». Une de ses grandes
propositions sera de développer
et de relocaliser la production de
boucles de ceinture, selon un rai­
pleines, et des créatures théâtra­ célèbre Cour d’honneur, lieu en compagnie d’Ariane Ascaride, qu’il a transposé les farces vir le cœur de Madame Marseille, sonnement imparable : comme
les, vêtues de costumes moye­ saint du festival, non, en cette an­ de Bruno Raffaelli et de quelques d’Aristophane dans notre monde laquelle est incarnée, en chair et tout le monde se la serre de plus
née où l’épidémie de Covid­19 a autres, pour cette soirée intitulée d’aujourd’hui. La pièce choisie en os, par Ariane Ascaride. en plus, la ceinture, les boucles
privé les amateurs de théâtre de Touristophane. Un titre qui rime pour cette soirée s’appelle s’usent. Tartagueule n’ira pas jus­
« in » comme de « off ». avec Aristophane, et pour cause : d’ailleurs, dans sa version Valletti, « Matamores de pacotille » qu’à se demander ce qu’il en ad­
C’est dans le cloître niché au elle était conçue par et autour de Les Marseillais. A l’origine, elle s’in­ Serge Valletti ne fait pas toujours viendra quand la population
cœur du Palais qu’avait lieu la soi­ titule Les Cavaliers, et elle est une dans la dentelle, mais, autant n’aura même plus de quoi ache­
Les rée de clôture du « Souffle d’Avi­ satire de la vie politique et sociale qu’on puisse en juger, Aristophane ter la boucle pour s’étrangler.
gnon », une semaine de lectures de l’Athènes classique, pendant la non plus. Le combat « homérico­ Le grand projet qui fera la joie de
de textes d’auteurs contempo­
Serge Valletti période de la guerre du Pélopon­ farcesque » entre le vulgum pecus ses supporteurs et lui donnera la
recherchent de rains montée par les salles perma­ ne fait pas nèse. Elle voit s’affronter, pour ga­ choisi par ses pairs – « on préfère victoire définitive, ce sera de réta­
nouveaux nentes d’Avignon, qui ne se résol­
vaient pas à voir leur ville totale­
toujours dans gner la confiance du peuple de la
cité, un marchand de boudin, Ago­
encore être dirigés par quelqu’un
d’aussi con que nous » – et le vieux
blir le défilé des majorettes lors
des grandes occasions. Serge

auteurs
Envoyez vos manuscrits :
ment privée de théâtre en ce mois
de juillet. Comme elles, quelques
lieux du « off » se sont débrouillés
la dentelle, mais,
autant qu’on
racrite, et Cléon, homme politique
et démagogue.
On voit qu’il a eu envie de
politicien au cynisme bon­
homme, les renvoyant tous deux
dos à dos, a visiblement laissé rê­
Valletti force le trait, par mo­
ments, dans cette comédie hu­
maine très marseillaise. Mais on
Éditions Amalthée
8-10 rue Louis Marin, 44200 Nantes pour proposer des spectacles, en puisse en juger, s’amuser, Serge Valletti, avec cette veuse Cécile Helle, la maire (divers est bien obligé de reconnaître que
petit comité : à la Chapelle du Ver­ histoire de marchand de boudin. gauche) d’Avignon, tandis qu’il a la réalité ne lui donne pas
Tél. 02 40 75 60 78
be­Incarné, Georges Feydeau, Co­
Aristophane Dans sa version, Agoracrite et semblé beaucoup amuser toujours tort. 
www.editions-amalthee.com
lette, Laurent Gaudé et Guy de non plus Cléon sont devenus Tartagueule Roselyne Bachelot­Narquin. fabienne darge
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 télévision | 17
Gorilles des montagnes en quête d’équilibre VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
La sauvegarde des grands singes, en Ouganda, RDC et au Rwanda, interroge sur les limites de l’intervention humaine

ARTE c’est une chance rare d’observer de


SAMEDI 25 - 22 H 40 si près une mère et son petit – c’est SAMEDI  25 JUILLET
DOCUMENTAIRE « normal ». Cette proximité, quand
il s’agit de les étudier, interroge : TF1

L
e chiffre 1 063 peut paraî­ ces gorilles sont­ils encore des ani­ 21.05 Les 100 plus grands
tre faible quand on sait maux sauvages ou les pensionnai­ Magazine présenté par Christophe
qu’il s’agit du nombre de res d’un vaste zoo ? D’autant que Beaugrand et Anaïs Grangera.
gorilles des montagnes re­ les défis sont nombreux. Celui 23.30 Le Grand Bêtisier de l’été
censés dans la forêt de Bwindi et d’Eugene Mutangana, chef du dé­ Divertissement présenté par Karine
les montagnes des Virunga, entre partement de protection de l’envi­ Ferri et Christophe Beaugrand.
le Rwanda, la République démo­ ronnement au Rwanda, est de
cratique du Congo (RDC) et faire cohabiter gorilles et humains France 2
l’Ouganda. Mais c’est beaucoup, si sur une zone peu extensible. « Ma­ 21.05 Fort Boyard
l’on rapporte cette population à nifestement, les gorilles comptent Divertissement présenté
son territoire, qui ne cesse de plus que nous », se plaint une agri­ par Olivier Minne.
s’amenuiser, grignoté par les habi­ cultrice et mère de famille. 23.25 Fort Boyard, toujours
tations et l’agriculture. Ce nombre La situation se tend depuis une plus fort
est une victoire : les gorilles des douzaine d’années et l’observa­ Divertissement.
montagnes n’étaient plus que 264 tion des premières scènes de
dans les années 1970 et sem­ « chaos ». Les groupements de go­ France 3
blaient condamnés à une extinc­ rilles, trop nombreux, se fraction­ 21.05 Commissaire Magellan
tion imminente ; un échec aussi, nent et les combats se multi­ Série. Avec Jacques Spiesser, Selma
lorsque l’on constate que l’accrois­ plient. Les vétérinaires, comme le Kouchy (Fr., 2018).
sement de la densité de popula­ docteur Gaspard Nzayisenga, sont 22.35 Commissaire Magellan
tion animale provoque des infan­ aux premières loges et n’inter­ Série. Avec Jacques Spiesser, Selma
ticides et une augmentation des Au nord du Rwanda, vivent les derniers gorilles des montagnes. ARTE/ELEPHANT DOC viennent que dans « les cas les plus Kouchy (Fr., 2013).
combats entre mâles dominants. graves ». Ont­ils raison de s’en mê­
Trop ou trop peu, ces évolutions ler ? En théorie, leur mission est Canal+
sont le résultat de l’intervention près depuis 1967, année où la pri­ naturel où vivent les gorilles et mates. Etonnante, Winnie Ec­ d’évaluer les stratégies de conser­ 21.00 Football
humaine. Ni film militant ni do­ matologue américaine Dian symbole de la vitalité du pays. kardt, chercheuse au sein de la vation des espèces pour, éventuel­ Match amical.
cumentaire animalier malgré son Fossey s’est installée dans les Ces actions sont supervisées par Fondation Dian­Fossey, pénètre lement, les modifier. Mais en pra­ 23.00 Annabelle : la maison
titre, Des gorilles dans la tour­ montagnes des Virunga et a com­ des scientifiques, comme Martha dans la forêt en « parlant » gorille… tique… « Un succès est un succès, du mal
mente retrace le travail sur le ter­ mencé à combattre les bracon­ Robbins, biologiste issue de l’Insti­ mais est­ce vraiment un bien­ Film de Gary Dauberman. Avec Vera
rain de femmes et d’hommes qui niers – jusqu’à en mourir, assassi­ tut d’anthropologie de Leipzig, De nombreux défis fait ? », résume Martha Robbins.  Farmiga (EU, 2019, 100 min).
tentent de sauvegarder des ani­ née en 1985. Parallèlement à cette qui connaît par son prénom cha­ Le documentaire ne triche pas et catherine pacary
maux tout en maintenant un fra­ lutte, couronnée de succès, le que gorille – « Celui­ci, je l’ai vu prévient : les primates rencontrés France 5
gile équilibre naturel. Rwanda a drastiquement régulé grandir » –, ou comme Moses ici sont « habitués à côtoyer Des gorilles dans la tourmente, 20.50 Echappées belles
Cette population de grands pri­ le tourisme dans la province de Akantorana, garde forestier l’homme ». Personne n’essaye de de Susanne Maria Krauss Magazine présenté par Sophie
mates a la chance d’être suivie de Musanze, porte d’entrée du parc chargé du recensement des pri­ faire croire au téléspectateur que (All., 2019, 52 min). Jovillard.
La Savoie, entre lac et montagne
22.25 Avignon 2020, fragments
d’un festival
Documentaire de Jérémie Cuvillier

Chiara Mastroianni regarde par la fenêtre ses souvenirs (Fr., 2020, 55 min).

Arte
Christophe Honoré met en scène une femme et ses conquêtes dans un huis clos à la fois léger et grave 20.50 Trois villes à la conquête
du monde : Amsterdam,
Londres, New York
Documentaire de Frédéric Wilner
CANAL+ CINÉMA risme à la concupiscence. s’apercevra vite que c’est Cocteau chambre d’hôtel bientôt surpeu­ Une ineffable fantaisie s’ensuit. (Fr., 2017,110 min).
SAMEDI 25 - 20 H 50 Christophe Honoré relance la qui se tient en embuscade. plée par les fantômes, y compris En même temps, une interroga­ 22.40 Des gorilles dans
FILM donne aujourd’hui au titre de la celui de sa propre conscience, sous tion affleure : peut­on se remettre la tourmente
fantaisie onirique. Empire du rêve et du faux les oripeaux d’un quinquagénaire de la perte de la jeunesse ? Peut­on Documentaire de Susanne Maria

I l y aurait une série à écrire sur


« la chambre d’en face » au ci­
néma, de Fenêtre sur cour
(1954), d’Hitchcock, avec James
Stewart paralysé derrière sa fenê­
Le réalisateur installe son hé­
roïne, Maria (Chiara Mastroianni),
au naturel volage, dans une cham­
bre d’hôtel qui fait face au domi­
cile conjugal, après sa dispute avec
Le film se déroule tout entier, en
effet, sous l’empire du rêve et du
faux (fausse neige, maquette ren­
due visible, mécanismes de théâ­
tre, paradoxes temporels). Le cou­
imitateur de Charles Aznavour. Y
apparaissent tour à tour Richard
âgé de 25 ans, sa première amante,
Irène (Camille Cottin), qui fut sa
professeure de piano et qui nous
jamais faire autrement que trom­
per l’autre avec lui­même ? Vous le
saurez en entrant dans cette com­
plainte de l’amour tissée jusqu’à la
douceur d’une nuit qui s’épuise au
Krauss (All., 2019, 52 min).

M6
21.05 Nos jours heureux
Film d’Eric Toledano et Olivier
tre face à l’assassin, à Nous irons son mari, Richard (Benjamin ple, qui a vingt ans de mariage der­ le révèle adolescent, elle­même à bar du Rosebud.  Nakache. Avec Jean-Paul Rouve,
tous au paradis (1977), d’Yves Ro­ Biolay), féru de musique et pia­ rière lui, habite d’ailleurs Mont­ l’âge de la retraite (Carole jacques mandelbaum Marilou Berry (Fr., 2006, 125 min).
bert, où Jean Rochefort loue une niste de son état, qui vient de trou­ parnasse, pile au­dessus d’un Bouquet), ainsi qu’Asdrubal, le 23.10 Les Vacances du Petit
chambre d’hôtel pour mieux sur­ ver un message laissé par l’amant complexe cinématographique qui jeune amant de Maria, sur les pas Chambre 212, de Christophe Nicolas
veiller sa femme. Bien des senti­ sur le portable de sa femme. Ces en distille, du rêve, à foison. duquel s’emboîtent la cohorte de Honoré. Avec Chiara Mastroianni, Film de Laurent Tirard. Avec Mathéo
ments entrent dans ce dispositif, prémices d’une excessive banalité C’est ainsi que partie pour faire ses conquêtes et même sa mère Vincent Lacoste, Benjamin Biolay Boisselier, Valérie Lemercier
de la peur à la jalousie, du voyeu­ laissent présager Feydeau, on le vide, Maria se retrouve dans une pour faire bonne mesure. (Fr., 2019, 87 min). (Fr., 2014, 110 min).

0123 est édité par la Société éditrice


HORIZONTALEMENT du « Monde » SA. Durée de la société :

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L’été en séries
0123
18 | décryptage SAMEDI 25 JUILLET 2020

« L’Homme
de Rio » ou le
cascadeur né
DE BELMONDO À BÉBEL 5 | 6
Dès 1962 dans « Cartouche », de Philippe de Broca, l’acteur montre
ses dons naturels pour bouger, sauter, monter à cheval ou manier l’épée.
Avec ce metteur en scène et d’autres, qui donnent une cohérence à sa
turbulence, il devient le premier héros d’action du cinéma français

RÉCIT Belmondo envoie avec ce film un message


clair : à la différence de Jean Gabin ou de Lino
pli, ce héros d’action, ce cascadeur hors du
commun, que le public admire. Mais loin de

J
ean­Paul Belmondo fête ses 40 ans le Ventura, il ne se laissera jamais aller. Durant la lumière apparaît aussi un Belmondo céré­
3 avril 1973 au Mexique, sur le plateau le tournage d’Un singe en hiver, il écume avec bral. Le scénariste Michel Audiard s’étonne
du Magnifique, le quatrième film Gabin tous les lieux de gastronomie de de découvrir, sur la table de chevet du comé­
qu’il tourne sous la direction de Phi­ Deauville et de ses environs. Leurs agapes se dien, Voyage au bout de la nuit, de Louis­Fer­
lippe de Broca, après Cartouche (1962), terminent tard. Mais ils ne finissent pas dans dinand Céline, et Une journée d’Ivan Denisso­
L’Homme de Rio (1964) et Les Tribula­ le même état. Gabin déborde – son physique vitch, de Soljenitsyne, la reliure entamée,
tions d’un Chinois en Chine (1965). échappe à tout enjeu. Chez Belmondo, au épuisée par les relectures. Entre les deux Bel­
Chacun tient un verre de vin rouge à la main, contraire, le corps est déjà devenu la clé de mondo, aucune différence de degré.
quand ce n’est pas une cigarette ou un cigare. voûte de son système. Il accomplit quoti­ Ce paradoxe frappe le journaliste et ci­
Jacqueline Bisset, la partenaire de Belmondo diennement des exercices physiques. Pos­ néaste Claude Lanzmann, qui le rencontre
à l’écran, l’actrice de François Truffaut dans sède sa propre salle de gym. Emploie des en 1964 pour faire son portrait dans le maga­
La Nuit américaine (1973), celle de Bullitt coachs. Fait appel à des diététiciens. Alain De­ zine Elle. Le futur réalisateur de Shoah (1985)
(1968) aux côtés de Steve McQueen, apparaît lon suit la même ligne. « Durant leur règne et note alors : « De cet antiacteur­acteur de génie
comme froissée. Trop d’alcool, trop de tout, leur empire, constate Philippe Labro, Bel­ on fit un proche parent du chimpanzé, à peu
en fait. A cette heure avancée de la nuit, tout mondo et Delon n’ont jamais eu de ventre. Ils près inapte au langage articulé, grand lecteur
le monde est épuisé. ont repris ça aux acteurs américains. » de Tintin et Milou et de L’Equipe. “Tu com­
Tout le monde sauf Belmondo. Il est tard, et prends, dit­il, j’étais ‘la bête humaine’, la brute, « Amuse­toi, ça empêche de mourir. » Bel­
la vedette du film arbore le visage frais du UN HOMME À LA PSYCHÉ COMPLEXE quoi. On me demandait : ‘Que lisez­vous ?’, je mondo s’amuse, déploie sous le regard de
matin. Le sourire est éclatant. Il porte un En 1973, ce n’est pas seulement sa ligne, deve­ répondais : ‘Tintin’, parce qu’ils m’emmer­ Philippe de Broca son extraordinaire vitalité,
poncho de circonstance. Ses tempes sont lé­ nue un exercice de haute précision, qui pré­ daient et ils brodaient là­dessus.” Il sourit et tout en signifiant son attirance pour la mort.
gèrement grisonnantes. Sa chevelure altière, occupe Belmondo. C’est aussi la façon dont il ses paupières inférieures se mettent à friser. » A la fin du film, il regarde sa partenaire mou­
toujours la même, rangée sur le côté, révèle expose son corps dans ses films. Que comp­ Le spectateur veut du muscle et de l’action ? rir, un peu par sa faute justement, parce que
un homme qui prend de l’âge mais reste te­t­il en montrer ? Beaucoup et très peu à la Belmondo leur en donne jusqu’à plus soif. l’espace d’un instant il a cessé de s’amuser.
épargné par le vieillissement. Pas le moindre fois. Toute sa carrière, il sera d’une pudeur D’autant qu’il est doué pour ça. Depuis Car­ Pour diriger l’acteur dans cette scène, Phi­
écart chez lui. Bien que ce soit sa fête, Bel­ extrême. Il lui arrive d’exhiber son torse nu touche, biographie romancée du brigand qui lippe de Broca pense à une phrase du réalisa­
mondo reste étranger à ces débordements. et ses pectoraux bien dessinés mais jamais sévit à Paris à la cour des Miracles, au début teur Henri Decoin : « Il est beaucoup plus fa­
Derrière sa mine réjouie se dissimule un as­ plus, rien en dessous. Il séduit beaucoup du XVIIIe siècle, Belmondo trouve en Phi­ cile de faire jouer une scène dramatique
cète. Il a toujours été un athlète. A ce patri­ mais embrasse rarement. Il est bien moins lippe de Broca le metteur en scène qui donne qu’une scène comique. Il suffit de dire à l’ac­
moine génétique, il adjoint la rigueur. Sans sexué et ambigu que Delon. une cohérence à sa turbulence. Ce réalisateur teur : “Ne pense à rien ou pense à un auto­
cela, les années qui s’étirent deviennent pu­ En revanche, il adore les accoutrements, fait de l’acteur le premier héros d’action de « LORSQUE  bus !” » Broca demande alors à Belmondo :
nition. L’équipe du Magnifique est aimantée qui sont autant de protections. Au début des l’histoire du cinéma français. Certes, avant « Pense à un autobus. » Impossible de savoir
par lui comme pour rajeunir. années 1970, l’acteur se fixe sur un uniforme lui, Gérard Philipe dans Fanfan la tulipe BELMONDO MONTE  s’il y pense, toujours est­il que, filmé en gros
Un épisode marque Belmondo sur le tour­ décontracté, le blouson en cuir, pour (1952), puis Jean Marais dans Le Bossu (1960), plan, il se met vraiment à pleurer, exprimant
nage de Pierrot le fou (1965), de Jean­Luc Go­ Le Casse (1971), d’Henri Verneuil. Cet habit lui excellent en bretteurs agiles et virevoltants. À CHEVAL DANS  la plus grande détresse. Deux secondes, plus
dard, dans lequel il compose avec Anna Ka­ sied bien, il s’y fond avec plaisir, ressent tant Sauf que le goût du risque de Belmondo, son tôt, il faisait l’idiot.
rina un couple de fugitifs. C’est l’époque où l’enthousiasme du public qu’il ne compte désir de faire comprendre au spectateur à
“CARTOUCHE”, 
l’actrice met un terme à son mariage avec le plus en changer. Puis Philippe Labro lui pro­ quel point le danger est devenu son métier, le ON A L’IMPRESSION  « FUITE DEVANT LES CONFLITS »
réalisateur du Mépris et vit une brève his­ pose, pour L’Héritier (1973), un costume trois placent dans une catégorie à part. Cette gravité enfouie fascine Philippe de
toire d’amour avec Maurice Ronet. Ce der­ pièces de marque Cerruti, taillé sur mesure Jean­Paul Rappeneau, le coscénariste de QU’IL FAIT ÇA DEPUIS  Broca qui trouve en l’acteur l’homme qui ex­
nier tourne alors en Espagne Les Centurions, pour un rôle si américain : le fils d’un patron L’Homme de Rio et du Magnifique, et qui a di­ prime par les gestes et le corps les mots qu’il
de Mark Robson. Elle cherche à le joindre, n’y de presse et d’industrie, installé aux Etats­ rigé la vedette, en héros d’action, dans TOUJOURS. OR,  a en tête. Leur complicité relève du mystère.
parvient pas. L’acteur d’Ascenseur pour Unis, contraint de retourner à Paris, après la Les Mariés de l’an deux (1971), est d’emblée CE N’EST TOUT DE  Leur carrière a débuté pour ainsi dire au
l’échafaud (1958) et de Plein soleil (1960) ne ré­ mort accidentelle de son père, pour repren­ frappé par les qualités physiques intrinsè­ même moment, en 1958, lors du tournage
pond pas au téléphone ou, plus probable­ dre les rênes de son empire. Belmondo se ques de Belmondo : « Quand je découvre, MÊME PAS DANS LE  d’A double tour, de Claude Chabrol : Broca est
ment, préfère se rendre injoignable. Alors montre d’abord perturbé que son public avant la guerre, Robin des bois [1938], de Mi­ premier assistant alors que Belmondo tient
Anna Karina lâche l’affaire, expliquant à Bel­ puisse l’associer à une élégance aussi raffi­ chael Curtiz, avec Errol Flynn, je me dis que le 14E ARRONDISSEMENT  son dernier rôle secondaire, juste avant le
mondo que, de toute façon, à 38 ans, Ronet a née. Mais le comédien accepte le carcan, cinéma c’est ça : on se bat à l’épée, les duels QU’IL A APPRIS UNE  triomphe d’A bout de souffle (1960). Le tan­
passé la limite d’âge. Réponse de Belmondo : conscient qu’après avoir transformé son sont extraordinaires. Eh bien, Belmondo est dem grandit ensemble et, comme tout cou­
« Je me moque d’apprendre qu’il a 37 ou 38 ans. corps en œuvre d’art, savoir l’encadrer de­ prêt à relever ce défi dès Cartouche, il n’est ja­ CHOSE PAREILLE » ple qui dure, partage joies et douleurs.
A cet âge­là on reste encore magnifique, sur­ vient essentiel. mais doublé et se révèle incroyablement bon Durant la guerre d’Algérie, Broca est affecté
tout quand il s’agit du comédien qui a en­ Ce que le public ne voit pas et ne sait pas, dans les duels. En cela, il devient l’héritier de JEAN-PAUL RAPPENEAU au service Cinéma des armées, filmant les
chanté mon adolescence. » c’est que derrière l’acteur au naturel incroya­ Douglas Fairbanks et d’Errol Flynn. » Rappe­ réalisateur exactions des deux camps, marqué à jamais
Quarante ans, pour Belmondo, définissent ble et à la psychologie sans prise de tête se ca­ neau ajoute un autre talent, qui n’est pas par les massacres qu’il enregistre avec sa ca­
un horizon. Un seuil où l’on dresse un bilan che un homme à la psyché complexe. donné à tout le monde : « Lorsque Belmondo méra. Belmondo, lui, doit combattre en Algé­
d’étape, sans pour autant chercher à s’arrêter, Comme dans Le Magnifique, où il est Fran­ monte à cheval dans Cartouche, on a l’im­ rie sans croire à cette cause, y est blessé,
au contraire. D’ailleurs, si Ronet, scruté par çois Merlin, un modeste auteur de romans pression qu’il fait ça depuis toujours. Or, ce sa hantise étant ensuite d’être rappelé sous
Belmondo, reste à juste titre splendide, la ve­ policiers à qui il arrive de se glisser dans la n’est tout de même pas dans le 14e arrondisse­ les drapeaux.
dette de L’Homme de Rio évolue à une autre peau d’un héros, Bob Saint­Clar, un invinci­ ment qu’il a appris une chose pareille. » « Je demandais souvent à mon mari, se sou­
altitude : il se révèle lui aussi magnifique et, ble agent secret aux aventures rocamboles­ Toujours dans Cartouche, Claudia Cardi­ vient Alexandra de Broca, l’épouse du ci­
surtout, il est désormais « Le Magnifique ». ques. Dans la vraie vie, il est ce sportif accom­ nale, à la beauté spectaculaire, lui lance : néaste, mort en 2004, pourquoi il faisait des
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

L’été en séries décryptage | 19

Jean­Paul Belmondo,
dans « L’Homme
de Rio » (1964),
de Philippe de Broca.
FILMS ARIANE-LES PRODUCTIONS A/
COLLECTION PROD DB

sage idéal pour y imprimer sa personnalité


et son talent.
Alors qu’il progresse, une main après
l’autre, du toit d’un immeuble à celui d’en
face, Belmondo se trouve bloqué à mi­che­
min. Ses bras sont engourdis. Il faut pourtant
avancer, sinon c’est la chute. Gil Delamare le
somme d’attraper le câble du haut avec les
jambes pour soulager le haut de son corps.
Quand il y parvient, il peut enfin relâcher le
bras droit, et rejoindre la corniche. La scène
dure douze minutes. Pour Belmondo, c’est
une éternité. Il s’est vu mourir, mais il recom­
mencera. « Il y a chez lui un instinct de bête
sauvage, analyse le cascadeur Rémy Julienne,
qui réglera, à partir de Ho ! (1968) et Le Cer­
veau (1969), les cascades de la plupart des
films de Belmondo. Il possède un don inné
pour la cascade. Il a une intuition extraordi­
naire, comme s’il devinait le danger. C’est
presque divinatoire. S’il n’y a pas de risques à
prendre, il n’est pas intéressé. Avec Jean­Paul,
on se situe toujours à la limite du raisonnable.
Je revois toujours son regard avant de passer à
l’action : il change de mine, obsédé par le geste
juste, puis tout d’un coup : “Hop ! On y va les
mecs !” Là, il devient un autre homme. »
Avec L’Homme de Rio, Belmondo ne se ré­
vèle pas seulement un prodigieux acteur dans
l’action. Il devient une figure de la culture pop,
à côté des Beatles et du Swinging London. Il
est à la mode, au sens où il marque son épo­
que. Le succès commercial du film aux Etats­
Unis en atteste, d’autant que les trois scénaris­
tes, Jean­Paul Rappeneau, Daniel Boulanger et
Ariane Mnouchkine, sont nommés, en 1965, à
l’Oscar du meilleur scénario.

UN ACTEUR TOTAL
Une petite décennie plus tard, dans Le Ma­
gnifique, l’image la plus marquante est tout
le contraire d’une cascade. C’est même la
plus dépouillée du film. Belmondo est assis
au jardin du Luxembourg près de Jacqueline
films aussi légers. Il me répondait : “Parce que ses relations avec le général de Gaulle ont Il y a néanmoins, au milieu de L’Homme de Bisset. La plus belle femme du monde ne
le rire est la meilleure défense contre les dra­ toujours été excellentes. » Rio, un temps fort, spectaculaire et un peu semble pas faire attention à ce personnage
mes de la vie.” » Elle ajoute : « Je crois qu’avec Avec la deuxième guerre mondiale et le plus dramatique qui, dans le langage des cas­ ordinaire mais le regard de l’acteur reste in­
Jean­Paul il avait en commun la fuite devant conflit en Algérie, Philippe de Broca et Jean­ cadeurs, s’appelle « avoir le bras blanc », ce sistant, arrogant, sûr de lui, conscient que, si
les conflits, y compris et surtout ceux avec les Paul Belmondo partagent leur lot de blessu­ moment où l’on ne sent plus ses forces alors cette femme finit par tourner la tête, elle
femmes, et une pudeur extrême à parler de res impossibles à cicatriser. Pour oublier, ils qu’il faut poursuivre son effort, au risque de tombera amoureuse de lui.
choses graves ou intimes. Ils étaient tous les veulent aller de l’avant, le plus loin possible, mourir. Belmondo, d’un smoking blanc Le plus émouvant dans ce film de Philippe
deux des hommes pressés : ils avaient besoin en déployant une énergie folle. Un film sym­ vêtu, se trouve suspendu dans le vide, entre de Broca n’est pas l’existence parallèle du
de cette vitesse pour oublier. » bolise leur vitalité, toute la désinvolture de deux immeubles en construction à Brasilia, personnage incarné par la vedette, avec ses
Alexandra de Broca pointe une autre dou­ l’époque aussi : L’Homme de Rio, bien sûr. les pieds sur un câble, les mains sur un autre. aventures d’agent secret portant le panama
leur commune, liée à la deuxième guerre Jean­Paul Rappeneau, un des scénaristes du et un complet blanc. Il est acquis pour tous
mondiale. La famille de Philippe de Broca est « UN INSTINCT DE BÊTE SAUVAGE » film, a écrit cette scène de manière suc­ que la vie rêvée de Jean­Paul Belmondo est
pétainiste, elle soutient passivement la Ré­ En voyage au Brésil pour la promotion de cincte, du genre « le héros se glisse le long de depuis longtemps sa vraie vie. Son besoin
volution nationale. Le sculpteur Paul Bel­ Cartouche, Belmondo et Broca découvrent « S’IL FAUT  la fenêtre ». d’accomplir lui­même ses cascades, afin de
mondo, père de l’acteur, Grand Prix de la les fabuleux paysages de Rio de Janeiro et se Broca, Belmondo et le cascadeur Gil Dela­ devenir un acteur total, unique en son genre,
Ville de Paris en 1936, caporal au combat, pri­ demandent s’il n’y a pas moyen de concilier SE PENDRE EN HAUT  mare partent en équipe restreinte tourner ce signale depuis longtemps qu’il n’existe guère
sonnier en 1940, devient ensuite membre du le travail à l’agrément. « C’est trop bête de ne qui va devenir la séquence emblématique du de hiatus entre l’écran et la vie.
Groupe Collaboration, qui tisse des liens avec pas profiter de ce paradis », constate le réali­ D’UN BUILDING,  film. L’idée vient alors à Belmondo comme Mais là, en écrivain fauché, apprivoisant la
l’occupant nazi. Il participe, en novem­ sateur. Il se tourne alors vers Alexandre ça, au débotté. Il raconte à Philippe de Broca vie, luttant avec le quotidien – un rôle de com­
bre 1941, à un voyage d’études en Allemagne, Mnouchkine, le producteur de Cartouche, et
CE N’EST PAS  comment, enfant, il est un acrobate patenté position visant à le rapprocher de l’homme
en compagnie de peintres et sculpteurs fran­ lui lance : « On va tourner un film avec Bel­ AGRÉABLE DE VOIR  qui, sans aucune peur du vide, se pend à la de la rue – et sur le point de conquérir cette
çais, dont André Derain et Maurice de Vla­ mondo qui sera en costume blanc et ça s’ap­ balustrade du cinquième étage de l’immeu­ créature sculpturale, l’acteur n’a peut­être ja­
minck, organisé par Arno Breker, le sculpteur pellera “L’Homme de Rio”. Il descendra de UN AUTRE LE FAIRE  ble familial, à Clairefontaine. Gil Delamare mais aussi bien réuni les conditions de son
officiel d’Hitler, et l’ambassadeur d’Allema­ l’avion avec un cigare et il lui arrivera plein lui suggère alors : « Pourquoi tu ne le ferais identification par le spectateur. Avec 2,4 mil­
gne en France, Otto Abetz. En 1945, Paul Bel­ d’aventures ! » À MA PLACE. COMME  pas toi­même ? » La suite, Belmondo la racon­ lions d’entrées, le succès est au rendez­vous.
mondo sera jugé par le tribunal d’épuration Le scénario, inspiré d’Hergé et de Maurice JE SUIS CAPABLE  tera devant les caméras de télévision, à la Jean­Paul Belmondo a 40 ans. Cet âge où l’on
des artistes plasticiens et interdit de ventes Leblanc, s’avère plus sophistiqué. Belmondo manière d’une règle élémentaire s’appli­ peut désormais convaincre le monde entier
et d’exposition pendant un an. joue un soldat qui se rend à Paris en permis­ DE LE FAIRE, AUTANT  quant à sa seule personne : « S’il faut se pen­ que les plus beaux voyages, comme l’écrivait
Jean­Paul Belmondo admire son père, le sion pour y retrouver sa fiancée, interprétée dre en haut d’un building, ce n’est pas agréa­ Philippe de Broca, se font par la fenêtre. 
défend inlassablement, jusqu’à la création, par Françoise Dorléac. Elle est enlevée sous Y ALLER » ble de voir un autre le faire à ma place. Je reste samuel blumenfeld
en 2010, du musée consacré à son œuvre, à ses yeux et emmenée au Brésil. A lui de faire JEAN-PAUL BELMONDO alors sur un fauteuil et m’ennuie énormé­
Boulogne­Billancourt. Il prend toujours sa le reste pour la retrouver. Sans doute n’a­ ment. Comme je suis capable de le faire, Entretiens : Jean­Paul Rappeneau,
défense, mettant en avant la complexité de t­on jamais vu à l’écran, dans un climat léger, autant y aller. » Alexandra de Broca, Philippe Labro,
la période d’Occupation. « Mon père, dit­il au un acteur français se démener et remuer son Il y a un vide de quarante étages sous Bel­ Rémy Julienne.
Figaro en septembre 2010, a profité de ses re­ corps : il court, nage, plonge, saute, conduit mondo et l’acteur n’est plus vraiment en si­ Bibliographie : « Mille vies valent mieux
lations d’artiste avec Arno Breker pour venir une voiture à toute allure, échappe à un vé­ tuation de profiter de la vue imprenable sur qu’une », de Jean­Paul Belmondo (Fayard,
en aide à de nombreuses victimes des Alle­ hicule essayant de l’écraser, s’accroche à un cette ville nouvelle de Brasilia, pensée par 2016). « Belmondo », de Philippe Durant
mands. De même, ma mère a caché des juifs avion, saute en parachute, etc. Il le fait tou­ l’architecte Oscar Niemeyer, en train de sor­ (Robert Laffont, 2011). « Définitivement
pendant la guerre, pendant que nous vivions jours avec élégance, sans forcer, sans dou­ tir de terre. Il devrait pourtant : la rencontre Belmondo », de Laurent Bourdon (Larousse,
à Clairefontaine. La sanction qu’il a eue leur apparente. Ses gestes sont plus proches entre l’acteur d’une génération et la future 2017). « Belmondo, le magnifique »,
après­guerre a été, en réalité, tout à fait sym­ de la chorégraphie que de la force physique. capitale du Brésil, à l’urbanisme planifié, à de Jérôme Wybon (Huginn & Muninn, 2018).
bolique puisqu’elle n’a pas été exécutée. Mon En ce sens, Belmondo retrouve la grâce l’architecture moderne et aussi blanche que
père a eu beaucoup d’amis résistants et no­ des comédiens du muet, Harold Lloyd et son costume, conçue pour prendre la forme Prochain article Un nom, une marque
tamment le plus grand d’entre eux, puisque Buster Keaton. d’un avion, va presque de soi. C’est le pay­ qui écrase tout
L’été en séries
20 | décryptage 0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

Tableau représentant
le lavage de l’or dans la rivière
Calaveras, en 1858. BRIDGEMAN IMAGES

Ci­dessous : A Murphys, près


de Mokelumne Hill, vers 1850.
OLD TIMER MUSEUM DE MURPHYS

mokelumne hill (californie) ­ lée, quand le percepteur s’est annoncé. Les


envoyée spéciale Français ont monté des barricades, sorti
les fusils et décrété qu’ils n’avaient pas fait
tomber la monarchie à Paris pour se plier

L
e local sent un peu la pous­ aux ordres de quelques Yankees, fussent­
sière mais comment en se­ ils receveurs des impôts. Ils ont eu gain de
rait­il autrement ? Nous som­ cause. « Une suite à la Révolution fran­
mes aux archives municipa­ çaise », a commenté, amusé, le pionnier al­
les, et le bureau est fermé de­ lemand Friedrich Gerstäcker.
puis plus de trois mois pour La « guerre » de Mokelumne Hill dé­
cause de Covid­19. Non pas que l’on ait vu marre le 23 avril, quand le « Vendéen », an­
le moindre malade à Mokelumne Hill, cien officier de marine, une forte tête dont
646 habitants, mais le règlement s’appli­ le signalement revient plusieurs fois dans
que à toute la Californie. Ce qui, dans le les archives mais dont l’identité n’a appa­
comté de Calaveras, ne va pas sans débat, remment pas été percée, se fait serrer d’un
voire rébellion : le shérif a même pro­ peu trop près par un Américain – qui se ré­
clamé qu’il ne ferait pas respecter l’obli­ vélera être un Irlandais. Le Français a
gation de porter le masque antivirus trouvé un filon prometteur sur French
décrétée par le gouverneur démocrate Hill, les Américains sont aux aguets. Ils
Gavin Newsom. Calaveras fait partie du ont affiché sur les arbres un décret mena­
Trump country, les contreforts de la sierra çant les étrangers d’expulsion. Dans la ba­
qui ont voté républicain en 2016. « Rou­ garre qui suit, un Irlandais est tué et ses ca­
vrons la Californie ! Destituons New­ marades anglo­saxons crient vengeance.
som ! », revendique une affiche à l’entrée Le « Vendéen » appelle ses compatriotes à
du village. Aujourd’hui comme hier, Mo­ la rescousse et bientôt le drapeau tricolore
kelumne Hill est une terre de rebelles. est planté sur French Hill, transformée en
L’archéologue Julia Costello a excep­ forteresse. Les Français s’échauffent ; ils
tionnellement ouvert les archives, c’est la parlent de reconquérir « Moke Hill », de lui
première fois depuis des semaines ; Ruby, rendre son nom originel de Fourcades,
son épagneul roux, se roule avec enthou­ cela en vertu de la doctrine de la décou­
siasme sur la moquette. Les dossiers sont verte, qui donne un droit de propriété aux
prêts dans la salle de lecture, sous les gra­ premiers arrivants…
vures d’époque qui montrent French Hill,
la colline qui surplombe Mokelumne Hill. UNE SOMBRE MÊLÉE
Elle fut le théâtre, en 1851, d’un épisode fa­ Les Américains, qui ont appelé des ren­
meux de la Ruée vers l’or que les journaux forts, donnent douze heures aux rebelles
de l’époque – toutes proportions non gar­ pour rendre les armes et livrer le coupable
dées – ont appelé « The French War ». Rien du meurtre de l’Irlandais. Evidemment,
de trépidant à l’échelle des règlements de les Français refusent : les gardes mobiles
comptes du Wild West, mais, dans l’his­ sont des militaires ; il est hors de question
toire de la présence française en Califor­ qu’ils se défassent de leurs fusils. Des cen­
nie, l’incident a fait date. Pour tout dire, le taines d’hommes se massent des deux cô­
consul de France a dû se déplacer de San tés. Et même une femme si on en croit
Francisco, soit deux journées à cheval et quelques récits. Les Français, en infériorité
une en bateau, pour une mission de numérique, battent en retraite mais se
maintien de la paix entre les factions. Le préparent à revenir… Une sombre mêlée,
bilan a été contenu – un mort, quelques où les uns font retraite, pendant que des
blessés – mais la « guerre » de French Hill a hors­la­loi essaient de piller l’or des Fran­
bien eu lieu. Reste à savoir qui l’a gagnée. çais dans la mine désertée, et que les Amé­
ricains préparent l’assaut…
UN ENDROIT MIRACULEUX Alerté, le consul français, Patrice Dillon,
« Moke Hill », comme disent les locaux, a arrive le 3 mai avec Thomas Butler King, le
longtemps été pour ainsi dire terre de receveur des impôts, et un colonel améri­

Un vent de
France. Le camp s’est d’abord appelé Les cain. Les délégués des factions ennemies
Fourcades, du nom de deux frères origi­ sont rassemblés sous une grande tente. La
naires de Dordogne, Albert et Jean. Prépo­ trêve est déclarée, acceptée par les belligé­
sitionnés dans la région de Monterey, ils rants, le temps des discours. L’Américain
étaient arrivés dès 1848, ce qui leur a per­ en appelle à l’histoire et convoque le sou­

révolution souffle
mis d’être parmi les premiers à faire for­ venir de La Fayette et le soutien des Fran­
tune. Dans l’univers cosmopolite des çais à l’indépendance des Etats­Unis – l’as­
prospecteurs, les Français avaient la répu­ sistance verse une larme. Le consul de
tation d’avoir de la chance et de trouver de France, lui, se trouve être d’origine irlan­
bons filons. Mokelumne Hill est de ces en­ daise, un coup de génie. Enfin un Français

sur « Moke Hill »


droits miraculeux. D’ailleurs, c’est là que qui sait parler aux Anglo­Saxons…
sont expédiés en novembre 1850 les gar­ La paix est conclue. Mais par quoi ? Selon
des mobiles envoyés depuis Paris sur un les journaux locaux, le « Vendéen » et ses
bâtiment de la Marine nationale, en guise amis ont perdu leur mine et été contraints
de remerciement pour les services rendus de quitter les lieux. « Dans le conflit “gar­
pendant la répression de 1848. De Stock­ des mobiles contre Anglo­Saxons”, ce sont
ton, on les entend monter en formation LA CALIFORNIE, UNE HISTOIRE FRANÇAISE 5 | 6 les seconds qui l’ont emporté », vante le
militaire, au pas cadencé. Cent cinquante Stockton Times. Ce n’est pas tout à fait la
hommes en uniforme, derrière leurs offi­ Les Français de 1848 n’o nt pas perdu leur esprit rebelle en arrivant dans le Golden conclusion du consul Dillon ou des récits
ciers et leurs clairons.
Mokelumne Hill a bientôt l’allure d’une State. Un projet de taxe pour les prospecteurs d’o r étrangers met le feu aux français. Remettons­nous en à l’opinion
de Malcolm Rohrbough. Selon lui, les
sous­préfecture provinciale, la plus
grande concentration de Français – quel­ poudres à Mokelumne Hill. Fusils, barricades… ils finissent par l’e mporter Français ont été « rétablis dans leur droit »
à exploiter le filon de French Hill, « un ré­
que 6 000 – en dehors de San Francisco. sultat crucial dénotant la faiblesse de l’ar­
Elle a ses restaurants, ses boulangeries, gumentation américaine ». Bref, ils ont ga­
une société de bienfaisance, un hôtel de gné. Cocorico ! Un an après, la taxe contre
France, propriété de l’Alsacien George Lé­ pour creuser plus profond, ils songent tent avec les anciens gardes mobiles qui ployait des esclaves. A Sonora, la bourgade les étrangers a fini par être abandonnée,
ger (l’hôtel est toujours là, intact au coin restaurants, jouent aux cartes… les ont combattus. Des conversions sur­ voisine, les citoyens donnent vingt jours sauf à l’encontre des Chinois.
de la rue Lafayette). Et un « pharmacien Politiquement, les Français sont tou­ viennent. Pierre Cauwet, qui avait publié aux étrangers pour adopter la nationalité Aujourd’hui, French Hill est largement
parisien » aux ressources multiples : « Mé­ jours aussi enflammés. Le 24 février 1851, un pamphlet contre Louis­Napoléon, fi­ américaine, faute de quoi leurs claims (re­ livrée aux manzanitas et aux serpents à
dicaments, soins dentaires, destruction de on fête royalement (si on peut dire) le troi­ nira par défendre le régime impérial après vendications sur la propriété en tant que sonnette. Pas un marqueur pour signaler
rats. Mort aux souris »… Les Français « ex­ sième anniversaire de la chute de la mo­ le sacre de décembre 1852. A des milliers premiers occupants) seront annulées. L’or l’endroit. « On en a tellement dans la ré­
cellent à s’installer confortablement », narchie de Juillet. Les festivités épatent les de kilomètres de chez eux, les mineurs se se fait rare, les Américains cherchent à éli­ gion », s’excuse Julia Costello, l’archéolo­
note le journaliste écossais John David journalistes du Sonora Herald qui en font rassemblent par nationalités, plus préoc­ miner les concurrents étrangers. Il est vrai gue. Dans son livre Quand la Californie
Borthwick. Là où les Américains entre­ le compte rendu le 15 mars : un banquet de cupés de survie que d’idéologie. « Ils es­ que le nombre de mineurs a explosé : était française (Le Pré aux Clercs, 1999),
prennent de déplacer des rivières et de 150 personnes, servi par les restaurateurs saient surtout de se protéger des Améri­ 50 000 fin 1849, 125 000 fin 1851. l’écrivain Michel Le Bris veut croire que
déployer des rangées d’échafaudages Louis Lecoq et Louis Vielle, avec un raffi­ cains, qui représentent une menace pour Les Mexicains comprennent vite qu’ils les Français ont laissé une empreinte
nement jamais vu dans une contrée où le tous les groupes nationaux », explique sont les premiers visés et plusieurs mil­ plus profonde qu’il n’y paraît. La Com­
principal divertissement est le combat du l’historien Malcolm Rohrbough, profes­ liers d’entre eux retournent chez eux. « Les mune a montré la voie. L’Internationale a
L’OR SE FAIT RARE,  dimanche entre un grizzly nommé Géné­ seur émérite à l’université Yale et spécia­ Américains ne cherchaient pas à s’en pren­ triomphé. « Et si la Californie était en fait
ral Scott et un taureau (l’ours est attaché à liste du Gold Rush. dre aux Français ni même à leur appliquer le produit de leurs rêves révolutionnai­
LES AMÉRICAINS  un piquet). Pas de soirée sans Les Giron­ la taxe, affirme Julia Costello. Ils fréquen­ res ? », avance­t­il. Et si cette révolution de
dins, l’hymne officieux de la IIe république, LA RÉVOLTE GRONDE taient leurs restaurants, allaient à l’église 1848, « si volontiers décrite comme un
CHERCHENT À ÉLIMINER LES  relève Borthwick, qui précise avoir été in­ Les Français sont énervés par la taxe décré­ avec eux. » Mais les Français dénoncent la échec », avait réussi, « mais de l’autre côté
CONCURRENTS ÉTRANGERS.  vité à un autre banquet, socialiste celui­là. tée dès sa première session par l’assem­ discrimination et ne sont pas les seuls : les de l’Atlantique » où elle a « pris le nom de
Il y a noté des références à Fourier, Robes­ blée de Californie, en avril 1850. Le Foreign Chiliens sont furieux contre la taxe (il y Californie » ? Peut­être. Mais à la mine de
IL EST VRAI QUE LE NOMBRE  pierre, Spartacus – et aussi à Jésus­Christ et Miners Tax Act impose aux étrangers de aura aussi une « guerre chilienne » dans le Malakoff Diggins, en tout cas, c’est plutôt
Moïse, s’étonne­t­il. payer 20 dollars par mois pour prospecter. comté), ainsi que les Italiens, mais égale­ le capitalisme qui prend le dessus… 
DE MINEURS A EXPLOSÉ :  Mais à l’épreuve de la loi de la jungle – et L’auteur de la loi est un Texan violem­ ment les Argentins, des exilés politiques corine lesnes
50 000 FIN 1849,  surtout de la sierra – la révolution n’est ment xénophobe, Thomas Jefferson eux aussi, qui ont fui la tyrannie du dicta­
plus aussi intransigeante. Des réconcilia­ Green, qui s’est lancé en politique après teur Rosas. La révolte gronde. Un incident Prochain article L’or contre le blé
125 000 FIN 1851 tions ont lieu. Les insurgés de 1848 cohabi­ avoir été chassé de la rivière Yuba où il em­ a déjà eu lieu un peu plus bas dans la val­ à Malakoff Diggins
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SAMEDI 25 JUILLET 2020

L’été en séries décryptage | 21

LINA BO BARDI, EN COMMUNION


AVEC LA FORÊT TROPICALE
AUPRÈS DE MON ARBRE 5 | 6  L’a rchitecte italo-brésilienne s’est construit, près de Sao Paulo, une maison de verre

U
n cube de verre posé sur de Biberonnée aux principes de l’architec­ vieille Europe, débordant de vitalité, de flète l’agencement hétéroclite, à l’inté­ La maison de verre est à l’architecture
fins pilotis bleus. Enrobé d’un ture rationaliste, à l’art moderne et au ci­ couleurs, de musique, de mythes fantas­ rieur, de meubles de grands designers et ce que le monochrome est à l’abstraction
gros manteau d’arbres tropi­ néma de son temps, Lina Bo Bardi s’est tiques, où elle va s’affranchir de la ratio­ de vieux buffets en bois, de sculptures de picturale : un module expérimental qui
caux, il est traversé en son formée en Italie dans l’atelier du grand nalité pure et dure. la collection de Pietro Maria Bardi et invite à pousser le plus loin possible les
cœur par un hévéa dont les racines appa­ architecte Gio Ponti et au contact de criti­ Ces arbres qui viennent lécher les pa­ d’objets kitsch ou folkloriques, avec le­ curseurs du modernisme, jusqu’à en ré­
rentes fabriquent comme un socle sau­ ques comme Bruno Zevi. Pendant la rois de sa maison de verre, irriguant ses quel l’architecte voulait délibérément véler les contradictions cachées. Habita­
vage. C’est ainsi qu’apparaît, depuis le guerre, elle se concentre sur le journa­ fondations de leur sève, expriment cet brouiller les frontières entre haute et ble à condition de disposer d’une boîte
pied de la colline où elle s’est greffée, la lisme, la critique, le design, l’illustration, intense désir de vie. Ils ont en même basse culture, et casser les hiérarchies co­ noire protégeant l’intimité de ses habi­
maison de Lina Bo Bardi (1914­1992), ar­ et rejoint la résistance communiste temps valeur de manifeste. Comme elle loniales. Le rapport entre extérieur et in­ tants, la maison de verre révèle que le
chitecte italienne qui adopta, en 1951, en 1943. En 1944 elle est nommée rédac­ le soutient dans son traité d’architecture térieur est troublé lui aussi par les baies grand mythe de la transparence, fonda­
l’année où elle la construisit, la nationa­ trice en chef de l’influente revue Domus. (premier traité d’architecture jamais vitrées qui font apparaître les arbres, de­ teur de l’architecture moderne, repose
lité brésilienne. « La maison représente Le bref espoir qu’elle nourrit, à la fin du écrit par une femme, publié en 1957 aux puis la grande pièce à vivre qui se déploie sur un culte du secret. Au tournant des
une tentative de communion avec la na­ conflit, de voir son pays, porté par une ar­ éditions Habitat), la nature est au fonde­ en forme de L, comme enfermés dans années 1950, les plus grands s’en sont
ture, disait­elle. Je cherche à respecter cet chitecture régénérée en profondeur, re­ ment de la discipline : une matrice de une serre. emparés : Philip Johnson avec sa célèbre
ordre naturel avec clarté. Je n’ai jamais naître de ses cendres, l’abandonne contraintes et d’inspirations qui con­ Glass House (1949), Charles et Ray Eames
aimé les maisons fermées qui se détour­ quand la démocratie chrétienne rétablit tient le secret de l’harmonie et com­ avec leur Case Study House n°8 (1949),
nent de l’orage et de la pluie. » au pouvoir ceux­là mêmes qui le condui­ mande une approche du bâti organique­ Mies van der Rohe avec la villa
Nous sommes dans le Jardim Mo­ sirent au désastre. ment liée à l’environnement. Farnsworth (1951), Oscar Niemeyer avec
rumbi, quartier résidentiel de la péri­ Avec Pietro Maria Bardi, qu’elle vient Derrière ce splendide cube qui semble CES ARBRES QUI VIENNENT  la Canoas House (1953).
phérie de Sao Paulo où s’érigeait jadis d’épouser, Lina Bo Bardi embarque pour flotter dans son décor d’émeraude, on LÉCHER LES PAROIS 
une réserve de forêt tropicale peuplée de le Brésil en 1946. Avant même de poser découvre une architecture d’inspiration Gigantesque arche de béton
petits daims, d’opossums, d’ocelots, de un pied à terre, la vision, depuis le pont vernaculaire, tout en murs blancs épais, DE SA MAISON DE VERRE,  Pour son coup d’essai, Lina Bo Bardi s’in­
grenouilles qui coassaient à la nuit tom­ du bateau, du monumental ministère de percés de toutes petites ouvertures. Une vitait donc à la table des maîtres et frap­
bée, de serpents magnifiques, d’oiseaux l’éducation nationale et de la santé, réa­ expression de cette architecture pauvre IRRIGUANT SES  pait un grand coup. En arrimant son pavé
merveilleux… De ce monde, il ne restait lisé par Lucio Costa à partir de dessins de (arquitetura pobre) dont Lina Bo Bardi se de verre, emblématique du style interna­
plus grand­chose quand l’architecte Le Corbusier, l’éblouit. Le pays entier lui fera l’apôtre, qui compte avec le climat,
FONDATIONS DE LEUR SÈVE,  tional de l’époque, à une architecture ver­
acheta son terrain de 7 000 m2, et, sur ce­ apparaît comme cette terre de promes­ les modes de vie locaux, privilégie les EXPRIMENT UN INTENSE  naculaire rustique, elle attaquait l’idéolo­
lui­ci en particulier, les arbres avaient ses et d’utopie où tout semble possible. matériaux naturels et les méthodes de gie de la table rase constitutive du mou­
tous été rasés. Un pays sans ces ruines qui asphyxient la construction traditionnelles. Et que re­ DÉSIR DE VIE vement moderne, affirmant au contraire
Ceux qui y prospèrent aujourd’hui ont que le présent s’enracine dans un passé
tous été plantés par elle. Ce sont des ma­ qui ne cesse jamais d’infuser. A l’image
tériaux d’architecture au même titre que de la fantastique luxuriance des arbres de
le béton, qu’elle aura été une des premiè­ sa maison, qui puise sa sève dans leurs
res à utiliser pour une maison indivi­ puissantes racines.
duelle, ou que l’air qui circule entre les La reconnaissance tardera à venir. Lina
pleins et les vides. Des matériaux qui ra­ Bo Bardi ne s’en plaindra pas, qui a tou­
vivent la mémoire d’un monde où vi­ jours clamé qu’elle a pu faire ce qu’elle
vaient des Indiens, où travaillaient des es­ voulait, à commencer par le MASP, le Mu­
claves, dont les chaînes étaient toujours sée d’art de Sao Paulo (1968), gigantesque
accrochées au mur de la vieille ferme voi­ arche de béton qui domine la ville
sine au moment de la construction. comme un monstre bienveillant, créant
sous ses pieds un fabuleux espace public
Terre de promesses et d’utopie tandis qu’à l’intérieur les peintures, sus­
Lina Bo Bardi fut la première à bâtir une pendues à des fils, semblent flotter dans
maison dans le quartier. Elle avait 36 ans le vide. Alors que ses compatriotes Oscar
et venait de créer Habitat, une revue qui Niemeyer et Paulo Mendes da Rocha se
convoquait, autour de l’architecture, tou­ sont respectivement vu gratifier du prix
tes les disciplines artistiques pour tenter Pritzker en 1988 et 2006, cette architecte
de définir ce que pourrait être un « envi­ qui se revendiquait communiste et anti­
ronnement moderne »… La « Casa de féministe, dont l’œuvre apparaît chaque
Vidro » (« la maison de verre »), comme jour plus en phase avec les considéra­
l’ont surnommée les riverains, était sa tions écologiques et culturelles actuelles,
première réalisation. Avec son mari, le est restée sous les radars jusqu’aux an­
critique et marchand d’art italien Pietro nées 2010, quand une série d’exposi­
Maria Bardi, elle allait y habiter pendant tions, et de publications, l’ont mise dans
les quatre décennies suivantes, jusqu’à sa la lumière. Elle est alors devenue, comme
mort, en 1992 (la maison a depuis été con­ l’a ironiquement posé l’historien de l’ar­
vertie en fondation, l’Instituto Bardi, qui chitecture américain Barry Bergdoll, une
se visite comme un musée), et recevoir la « starchitecte posthume ». 
fine fleur de l’avant­garde artistique isabelle regnier
mondiale : Roberto Rossellini, John Cage,
Gio Ponti, Glauber Rocha, Caetano Ve­ Prochain article Ariane Michel,
loso, Alexander Calder… en symbiose avec la forêt

ANDRÉ SANCHEZ

L’ALBUM QUI M’A FAIT AIMER… LES CANTATES DE BACH


Jean­Sébastien Bach ? Je grande partie grâce à l’Afrique, Akendengué, l’un des pion­ teur, auquel il avait consacré BWV 147 (avec la fameuse pièce
l’avais ignoré, comme tous les dont les musiques avaient niers de la présence africaine un essai en 1905, J. S. Bach, le Jesus bleibet meine Freude,
compositeurs de ce qu’on ap­ suscité mon intérêt entre­ sur la bande­son de la France, musicien­poète (réédité Jésus, que ma joie demeure) ou
pelait « la grande musique » à temps. Et c’est l’album Lamba­ où il vécut vingt ans avant de en 2019 chez Nabu Press). BWV 208 (Was mir behagt, ist
la maison, quand j’étais gosse. rena, paru sur le label français retourner au Gabon, ce projet Lambarena, qui résonne nur die muntre Jagd, Mon seul
Passé de France Gall (Sacré Celluloïd, en 1994, année mar­ est né d’une idée de la pro­ donc comme un écho aux an­ plaisir est la joie de la chasse),
Charlemagne) et Hugues quée d’horreur (le génocide ductrice Mariella Berthéas. nées africaines du célèbre doc­ Bach jaillit et flamboie entre
Aufray (Santiano) à des grou­ des Tutsi au Rwanda) et de teur, fédère autour d’Hughes les chants d’allégresse des voix
pes de rock britanniques joie (l’élection présidentielle Jouer au cœur de la forêt de Courson et de Pierre Aken­ et des rythmes du Gabon.
comme Manfred Mann, Uriah de Nelson Mandela en Afrique Il rend hommage à Albert dengué plus de 250 choristes Cette année­là, dans les
Heep, King Crimson ou Roxy du Sud), qui aura permis cette Schweitzer (1875­1965), méde­ du Gabon, des musiciens tradi­ rayons de musique classi­
Music, j’avais ensuite choisi le opportunité. Tissage insolite cin alsacien, pasteur et théolo­ tionnels, un orchestre classi­ que des médiathèques, j’em­
reggae de Bob Marley et la entre la musique du composi­ gien, docteur en philosophie, que (dirigé par le guitariste et pruntais des enregistrements
« LAMBARENA » salsa. Bach, je m’y suis tout de teur allemand et les chants et Prix Nobel de la paix en 1952, compositeur franco­argentin de référence des cantates de
(1994) même arrêté un peu plus rythmes de la forêt gabonaise, qui avait créé en 1913 un hôpi­ Tomas Gubitsch), un chœur Bach, les versions de Nikolaus
tard. Contraint d’étudier sa folle extravagance musicale et tal à Lambaréné, situé sur les baroque, des chanteurs et ins­ Harnoncourt et de Gustav
HUGHES DE vie et son œuvre, comme cel­ union improbable, Lamba­ rives de l’Ogooué, au sud­est trumentistes solistes (le per­ Leonhardt. Converti. 
COURSON ET PIERRE les d’autres compositeurs, en rena m’a emballé. de Libreville, la capitale gabo­ cussionniste brésilien Nana patrick labesse
vue de préparer un examen Conçu par Hughes de Cour­ naise. Musicien passionné par Vasconcelos, le violoncelliste
AKENDENGUÉ pour travailler dans la section son, cofondateur de Mali­ Jean­Sébastien Bach, il s’y était Vincent Segal, le percussion­ Edition originale Celluloïd,
musique des bibliothèques. corne, groupe­phare de la fait livrer un orgue pour conti­ niste camerounais Sami rééditée en 1995 par Sony
Ma vraie rencontre avec lui scène folk française dans les nuer à jouer au cœur de la fo­ Ateba). De La Passion selon Classical, sous le titre
aura lieu finalement en années 1970, et par Pierre rêt la musique du composi­ saint Jean aux cantates « Lambarena : Bach to Africa ».
L’été en séries
22 | décryptage 0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

À CHINON,
LA VÉRITÉ SORT DU PUY
PAYSAGES DE VIGNES 5 | 6  Dans la plus grande appellation de vins rouges du Val de Loire, une quinzaine de domaines
cultivent le raisin sur ces petites collines, dont le sol de sable et la végétation évoquent la Méditerranée
CELIA CALLOIS

UN AMANT
ENCOMBRANT
À WESTMINSTER
SEXE ET POUVOIR

En 2018, le réalisateur Stephen Frears a


intitulé A Very English Scandal la mini­
série, diffusée sur BBC One, qu’il a
consacrée à l’affaire Jeremy Thorpe.
On ne saurait mieux dire. Cette histoire
de politicien fauché en pleine gloire
à la suite d’une tentative de meurtre
sur fond d’homosexualité a marqué le
Royaume­Uni, terre d’élection reconnue
de scandales politico­sexuels.
Dans l’Angleterre des années 1960­
1970, aimer les hommes n’est pas re­
commandé pour qui nourrit l’ambition
de briller en politique, même si l’homo­
sexualité a été dépénalisée en 1967.
Cette évidence n’a pas échappé à Jeremy
Thorpe, député libéral du North Devon.
Jusqu’alors, il est parvenu à faire comme
si. Les services de renseignement sont
au courant et, pressenti pour être le best
man (« témoin ») d’Anthony Armstrong­
Jones lors de son mariage avec la prin­
cesse Margaret, il a été écarté en raison
des rumeurs qui courent sur son Vignoble du Chinonais (Indre­et­Loire). ADELINE PRAUD POUR « LE MONDE »
compte. Cela ne prête pas à consé­
quence. Aussi, élu président du Parti
libéral à seulement 38 ans, s’agace­t­il de
l’insistance avec laquelle Norman Scott, chinon (indre­et­loire) ­ tantôt ocre marron, parsemé de poin­ Une quinzaine de domaines culti­
un ancien amant, le sollicite. envoyée spéciale tes de fer qui ont l’apparence de grains vent le raisin et produisent du vin sur DE L’AUTRE CÔTÉ 
Psychologiquement fragile, ce jeune de poivre noir. Rien à voir avec les vi­ les puys. Jean­Martin Dutour en dirige DE LA VIENNE, LE 

O
homme un peu paumé tente sans grand n peut traverser Chinon gnes sablonneuses de Camargue. Et deux, le château de la Grille et le châ­
succès de se lancer dans une carrière de sans voir une seule vigne, encore moins avec les vignes herbeu­ teau de Saint Louans. Depuis ses terres, VIGNOBLE « CLASSIQUE » 
mannequin. Pendant dix ans, il va régu­ c’en est presque scanda­ ses et la terre argileuse des villages il voit au loin la plaine s’étaler de l’autre
lièrement se manifester pour réclamer à leux ! », s’exclame le vigne­ autour de Chinon. côté de la Vienne, où le vignoble « clas­ EST RYTHMÉ 
Thorpe des petits services, un job, mais ron Jean­Martin Dutour, en souriant. Ces fameux puys du Chinonais, aty­ sique » est rythmé par les champs de
aussi de l’argent, en menaçant de révéler Réputée pour sa forteresse médiévale, piques dans le Val de Loire, sont le ré­ blé, d’orge ou de maïs, mais aussi par
PAR LES CHAMPS DE BLÉ, 
leur liaison passée. Aux élections de la ville a pourtant donné son nom à la sultat d’une anomalie géologique. « Il des truffières toujours plus nombreu­ D’ORGE OU DE MAÏS 
1974, les libéraux ont approché les 20 % plus grande appellation de vins rouges s’agit d’un petit massif tectonique forte­ ses. « Cette biodiversité est importante
des voix et bien failli former un gouver­ du Val de Loire. Soit 2 300 hectares de ment désagrégé. D’où la multiplication car c’est la monoculture qui contribue ET PAR DES TRUFFIÈRES
nement avec les conservateurs. Alors cabernet franc pour le rouge et une de monticules », explique Dominique aux maladies de la vigne. »
que les journaux commencent à parler centaine d’hectares à peine de chenin Boutin, qui étudie le site depuis une Jean­Martin Dutour ajoute :
de « l’ère Thorpe », le député qui monte pour le blanc. Alors, où se cache la vi­ quarantaine d’années. Auteur de Chi­ « N’oublions pas que les sols viticoles sance à des vins structurés que l’on
veut surtout éviter ce que l’on appelle­ gne ? Tout autour, dans vingt­six com­ non. Voyage au pays de Rabelais (Galli­ sont modifiés par nos pratiques cultu­ peut garder longtemps en cave avant
rait aujourd’hui un « outing ». munes, de part et d’autre de la Vienne, mard, 2017), Jean­Martin Dutour rales – nous construisons des murs, rete­ de les boire. Des vins charpentés et
la rivière qui se jette plus loin dans la ajoute : « Ce qui est unique, c’est que ce nons les sols, etc. » Il le prouve avec une pourtant fort digestes.
Vrai-faux tueur Loire. Elle se cache aussi dans Chinon terroir d’érosion ne donne pas du sable petite parcelle logée sur la pente d’un Elu président de l’appellation chinon
Aurait alors germé l’idée de se débarras­ même, à sa périphérie. Et ce vigno­ granitique, mais des buttes calcaires qui puy, qu’il a plantée en chenin sur des en juin, Fabrice Gasnier, vigneron à Cra­
ser de Norman Scott. Andrew Newton ble­là, même s’il est tout petit (10 % de ne se sont pas érodées en même temps terrasses soutenues par des murs. Ce vant­les­Côteaux, se fait fort de distin­
est désigné comme exécuteur des bas­ l’ensemble), mérite qu’on s’y arrête. que le reste, qui est du tuffeau. On re­ Clos des Aubuis surplombe la Vienne guer à l’aveugle un vin concocté sur un
ses œuvres, contre environ 20 000 li­ Sa topographie est en effet l’une des trouve alors, sur les sols des hauts du co­ d’une vingtaine de mètres. Entre la vi­ puy d’un autre produit dans la plaine :
vres. Avec sa Mazda jaune criard, ses plus étonnantes qui soient : le raisin teau, du millarge, un calcaire coquillé, gne et la rivière se trouvent des habita­ « Je suis loin d’être un champion de la dé­
costumes rayés et ses cravates bariolées, pousse sur des puys, c’est­à­dire des pe­ un peu vernissé, qui ne retient pas tions privées, avec lesquelles il n’est gustation, mais comme nous avons un
le type n’est pas très discret. Et puis, ce tites collines, à la fois sauvages et habi­ l’eau. » Un sol, ajoute Dominique pas toujours simple de cohabiter. seul cépage de rouge, le cabernet franc,
n’est pas non plus un tueur né : il pani­ tées, qui surplombent Chinon, sur la Boutin, riche en fer, potasse et autres Même si le domaine est en bio… Auré­ c’est une occasion unique de découvrir
que et abat Rinka, le dogue allemand de rive droite de la rivière. Ces buttes, qui molécules utiles à la vigne. lien Schlienger, le chef de culture des les saveurs et atouts de chaque terroir. »
Scott, mais son arme s’enraye au mo­ ont poussé en Indre­et­Loire, provien­ Ces puys dégagent aussi une impres­ domaines de Jean­Martin Dutour, in­ Nous lui demandons alors de définir
ment d’exécuter la victime désignée. nent des dernières plissures géologi­ sion de chaleur, favorisée par un mi­ forme les voisins de chacun de ses trai­ plus précisément un vin de puy par
Pris de panique, il s’enfuit. Quatre ans ques des puissants monts d’Auvergne. croclimat sec bien réel. C’est un atout tements : « Récemment, mon tracteur rapport à un vin de plaine. « Les deux
seront nécessaires pour que les faits Elles culminent à une trentaine de mè­ depuis vingt siècles pour la vigne. Mais est tombé en panne et j’ai dû traiter le sont soyeux ! » Mais encore ? « Si le vin
soient établis et le député inculpé d’inci­ tres en moyenne mais échappent au un atout qui peut devenir « problémati­ lendemain du jour prévu. Mes voisins enveloppe bien le palais, en haut et en
tation au meurtre. En 1979 s’ouvre ce gel. Elles conviennent aux habitants de que » si le réchauffement de la planète n’étaient pas contents. » bas, c’est qu’il y a de la minéralité, c’est
que les tabloïds présentent comme « le maisons élégantes et à la vigne. Le puy persiste, prévient Dominique Boutin. qu’il provient d’un sol calcaire, donc plu­
procès du siècle ». Jeremy Thorpe garde Besnard, à 88 m, est le plus élevé. « Cha­ « Pour l’instant, les effets desséchants Réappropriation du paysage tôt en coteau. S’il est gras, alors il vient
obstinément le silence, et la défense que butte a son originalité, décrit le pé­ sont plus ou moins circonscrits, mais Cette proximité entre vigne et habitat de la plaine. » Il précise enfin que le ca­
plaide qu’il s’agissait seulement de faire dologue Dominique Boutin. Face à la lors des canicules, par exemple celle de explique sans doute en partie pourquoi bernet franc cultivé sur un puy donne
peur à l’importun. Les revirements de forteresse de Chinon, le puy de la Lysar­ 2009, le raisin a manqué d’acidité. » environ 30 % des domaines de l’appel­ un vin « plus aromatique, plus floral et
déclarations des témoins, dans un con­ dière, par exemple, domine la ville. On Peut­être, alors, les vignerons devront­ lation chinon, qu’ils soient plantés sur plus fruité, plus sur la framboise. La bou­
texte de fuites dans la presse à scandale, dit qu’il existe huit puys autour de Chi­ ils planter des cépages plus adaptés. les puys ou en bas autour de la rivière, che est croquante et fraîche ».
font mauvais effet auprès des juges. Au non. Ce n’est pas tout à fait exact, mais Certains le font déjà, mais il faudra sont certifiés en biologie ou en conver­ Il y a en effet des trames géologiques
terme de six journées de débats, les pré­ on ne va pas se chamailler pour ça ! » sans doute attendre dix ans pour juger sion. Et puis il y a la proximité avec le qui ne trompent pas. Cependant, pour
venus sont acquittés, mais, pour Jeremy des résultats. client, qu’il ne faut pas négliger. Ce vin les vignerons du Chinonnais, et on les
Thorpe, 50 ans, la politique, c’est fini. Une anomalie géologique est vendu à 90 % en France, surtout comprend, il n’y a pas de hiérarchie à
« Aujourd’hui, je crois que le public se­ Ces puys ne paient pas de mine quand dans la grande région Nord­Ouest, à établir entre telle ou telle vigne,
rait plus compréhensif. A l’époque, les on les observe de loin. Quand est au des prix bas – entre 5 et 8 euros. « Nous comme on le fait en Bourgogne, mais
gens ont été très troublés… Cela choquait milieu, ou les pieds dedans, les sensa­ LE CABERNET FRANC  vendons beaucoup en direct à des parti­ simplement des distinctions. Aussi des
leurs valeurs », confie­t­il au Guardian tions sont fortes. Car ils confèrent au culiers, qui viennent remplir le coffre de vignerons ont­ils récemment fait appa­
en 2008, juste avant sa disparition. Il y paysage une image aussi méditerra­
CULTIVÉ SUR UN PUY  leur voiture. Certains de nos clients n’hé­ raître, devant telle ou telle parcelle, des
aura tout de même une condamnation néenne qu’inattendue. Déjà, par la va­ DONNE UN VIN « PLUS  sitent pas à faire 100 km pour acheter bornes en pierre qui disent leurs noms.
dans l’affaire Jeremy Thorpe. Celle de riété exceptionnelle d’orchidées et de 300 bouteilles d’un coup », explique Nommer, c’est distinguer, singulariser,
Newton, le vrai­faux tueur, à deux ans nombreuses plantes du Sud – gené­ AROMATIQUE, PLUS  Jean­Martin Dutour, qui est également valoriser. C’est aussi une manière col­
de prison pour le meurtre du dogue al­ vrier, pin maritime ou serpolet. Et sur­ président de l’interprofession des vins lective de se réapproprier le paysage et
lemand, victime collatérale d’une affaire tout par son sol, y compris au milieu FLORAL ET PLUS FRUITÉ »,  du Val de Loire. A ces prix, il serait dom­ d’en comprendre la complexité. 
que, de guerre lasse, les tabloïds baptise­ des vignes, qu’il faut fouler et arpenter EXPLIQUE LE VIGNERON  mage de se priver. Car le paysage et l’en­ laure gasparotto
ront le « Rinkagate ».  pour voir et ressentir combien il est vironnement exceptionnels que for­
jean­michel normand moelleux : du sable calcaire, tantôt or, FABRICE GASNIER ment les puys de Chinon donnent nais­ Prochain article Collioure et banyuls
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

L’été des idées décryptage | 23

E
n 1858, le poète et philosophe
américain Henry David Thoreau
(1817­1862) lance un appel à la
création de parcs nationaux,
jouant ainsi un rôle fondateur
dans l’émergence de la protec­
tion de la nature. En 2019, le géographe
français Estienne Rodary prône « une po­
litique de la connectivité » et affirme que
la tentation de préserver des « enclaves
de nature » est incompatible, écologique­
ment et socialement, avec notre époque.
C’est qu’entre ces deux dates, notre rap­
port occidental au monde a considéra­
blement évolué. Et, avec lui, la réflexion
sur la manière dont il convient d’en
prendre soin.
Thoreau, l’auteur de La Désobéissance
civile, avait une passion pour la marche.
En explorant les montagnes sauvages
proches de la frontière nord­est avec le
Canada – dont les récits furent rassem­
blés, en 1864, dans Les Forêts du Maine
(Rivages Poche, 2018) –, il découvre une
nature « immense, titanesque », que le
poète personnalise et qui ne fait guère de
place à l’homme. « Elle ne lui sourit pas
comme dans les plaines, écrit­il. Elle sem­
ble demander sévèrement : pourquoi es­tu
venu ici avant ton heure ? Ce terrain n’est
pas encore prêt pour toi. Cela ne te suffit
donc pas que je sourie dans les vallées ? Je
n’ai jamais créé ce sol pour tes pieds, cet
air pour ton souffle, ces rochers pour être
tes voisins. » C’est la grande époque de la
wilderness : l’exaltation de la nature à CHRISTELLE ENAULT
l’état sauvage, sublime mise en scène de
l’œuvre divine.

LA « WILDERNESS », SYMBOLE DE PURETÉ

PROTÉGER LA NATURE,
« Pour les colons puritains de l’Amérique
du XVIIe siècle, wilderness est d’abord un dustriels. Comme tentent – non sans
terme de la Bible : c’est le désert au sens mal – de le faire les populations des aires
ancien du terme, la déréliction dans la­ protégées d’Afrique australe, où les parcs
quelle se trouvent les hommes lorsqu’ils nationaux hérités de la période colo­

MAIS COMMENT ?
sont abandonnés de Dieu, rappelle la phi­ niale sont devenus, note le géographe Es­
losophe de l’environnement Catherine tienne Rodary dans L’Apartheid et l’ani­
Larrère. Le mouvement s’inverse au mal (Wildproject, 2019), « des espaces
XVIIIe siècle, notamment sous l’influence sauvages habités d’espaces sociaux ».
du prédicateur et théologien Jonathan Ed­ Faut­il, donc, en finir avec la préserva­
wards. La wilderness devient la nature tion de l’environnement dans son état
que l’homme n’a pas corrompue, un sym­ premier ? Sous les effets conjoints des
bole de pureté. » Dans le sillage de la sen­ LA FIN DE LA NATURE ? 5|6  sciences de l’écologie, de l’émergence du
sibilité romantique qui s’épanouit alors « développement durable » et du souci
en Europe, le philosophe transcendanta­ Souvent américains, croissant d’atténuer le dualisme en
liste Ralph Waldo Emerson (1803­1882), les pionniers l’homme et le reste du monde, ce prin­
pour qui la priorité est de chercher ce qui cipe défendu au XIXe siècle a, certes,
unit l’homme et la nature, ouvre la voie. de la défense perdu de sa vigueur. Il n’en trouve pas
Suivra Thoreau, et après eux l’écrivain de l’environnement moins de nouveaux défenseurs, telle la
John Muir (1838­1914), dont l’action a no­ tée notamment par Aldo Leopold (1887­ « éthique de la terre » (land ethic) : une philosophe de l’environnement Virginie
tamment contribué à sauver la vallée de 1948), un ingénieur forestier rompu à la entendaient manière d’être au monde qui « élargit Maris (voir extrait). Car intégrer les hu­
Yosemite, en Californie. gestion des ressources naturelles, qui vit sauvegarder la nature simplement les frontières de la commu­ mains dans la nature, remarque­t­elle,
Pour ces pionniers de la défense de l’en­ dans la région des sables du Wisconsin, nauté de manière à y inclure le sol, l’eau, « c’est faire essentiellement de celle­ci le
vironnement, en cette époque d’indus­ dans le nord­est des Etats­Unis. sauvage. Aujourd’hui, les plantes et les animaux » – ce qui, milieu des humains et perdre notre capa­
trialisation croissante, il importe avant Dans un petit livre publié à titre pos­ il s’agit d’être avant ajoutait­il, ne peut exister « sans amour, cité à la reconnaître et à la défendre dans
tout de sauvegarder la nature sauvage. De thume en 1949, Almanach d’un comté sans respect, sans admiration pour [la son altérité ». Cette chercheuse au CNRS
leur combat naîtront les premiers parcs des sables (Flammarion 2017), Leopold tout responsables terre], et sans une grande considération invite ainsi à redonner sa place à La Part
nationaux – à commencer par Yellows­ décrit le territoire et les paysages qui l’en­ de nos actions les plus pour sa valeur ». sauvage du monde (Seuil, 2018) – cette
tone, en 1872. « Cette approche, que l’on tourent. L’originalité de ce texte tient Une réflexion que poursuit aujourd’hui, nature « qui se fait sans nous, autre, exté­
qualifie de préservationniste, entend limi­ pour beaucoup à la posture de son quotidiennes. à l’aune du désastre écologique actuel, le rieure, autonome », irrémédiablement
ter l’emprise humaine, préserver des lieux, auteur : celle d’un chasseur expérimenté D’agir, non pas sur, philosophe américain John Baird Calli­ étrangère aux finalités humaines.
des territoires “où l’humain est un visiteur plutôt que d’un moraliste. Or, savoir cott. Proposant de substituer à l’anthro­ « Dans le mot latin servare (“préserver”,
qui ne fait que passer” », souligne la philo­ trouver son gibier, c’est être capable mais avec la nature pocentrisme un « écocentrisme », celui “conserver”), il y a l’idée de soigner, mais
sophe Virginie Maris, en reprenant les d’adopter le point de vue de l’animal que que Catherine Larrère considère comme il y a aussi celle d’empêcher l’altération,
termes du Wilderness Act (la loi améri­ l’on traque. C’est quitter sa position en « sans doute le plus fécond et le plus remarque, quant à elle, Anne Simon,
caine sur la protection de la nature), voté surplomb pour se mettre à sa place. C’est original des théoriciens contemporains spécialiste de l’animalité en littérature.
en 1964. Mais la réflexion environne­ apprendre à « penser comme une monta­ de l’éthique environnementale » s’attelle Le mot “préserver” est donc ambivalent :
mentaliste nord­américaine, qui fut sou­ gne » car « seule une montagne a vécu as­ à une entreprise ambitieuse, dont Ethi­ soit on est du côté d’un soin et d’un souci,
vent pionnière, ne s’arrête pas là. En pa­ sez longtemps pour écouter objective­ que de la terre (Wildproject, 2010) donne soit on est du côté d’un maintien en
rallèle émerge une autre approche, plus ment le hurlement du loup ». un aperçu : la refonte intégrale de l’idée l’état. » A cette deuxième définition, ré­
morale, fondée sur le respect que nous Dans la dernière partie de son Alma­ de nature. pondent les tentatives actuelles pour
devons à la planète. Une démarche por­ nach, le forestier défend ainsi une sauvegarder le vivant de la disparition
UNE VALEUR INTRINSÈQUE pure et simple – réserves naturelles, zoos
Pour Callicott, la terre n’a pas une sim­ dans lesquels sont reproduites les espè­

« LES SOURCES DU RÉENSAUVAGEMENT DU MONDE »


ple valeur instrumentale, mais une va­ ces menacées d’extinction, biobanques
leur intrinsèque. Cela n’interdit pas d’en telle la Réserve mondiale de semences
tirer profit, mais pas dans n’importe du Svalbard, en Norvège.
quelles conditions. « Les êtres humains, A la première, qui a sa préférence, re­
EXTRAIT Nous nous sommes habitués à la
nature contrainte et affaiblie que
nous, mais aussi pour les autres
entités qui peuplent nos villes, nos
auxquels nous conférons une valeur in­
trinsèque, n’en sont pas moins appelés,
vient la mission de préserver la nature
« comme énergie, comme puissance tem­

L e modèle de développement
extractiviste et productiviste
est en train de s’autodétruire
tant il a ignoré le tissu vivant (…). In­
venter des façons plus douces de co­
l’on côtoie dans les villes et dans les
campagnes. Nous trouvons nor­
mal de voir dans certains quartiers
autant de chats que de maisons –
et d’autant moins d’oiseaux et de
champs et nos forêts. Mais la na­
ture ne peut s’exprimer pleinement
nulle part mieux que dans les terri­
toires que l’humain n’a pas aliénés
à ses propres besoins. C’est cette
dans le contexte professionnel, “ressour­
ces humaines” », observe­t­il. Mais dans
les sociétés qui reconnaissent les droits
de l’homme, l’utilisation de ces « res­
sources » est limitée par des contraintes
porelle ». C’est pourquoi Anne Simon
plaide pour qu’on laisse les toiles d’arai­
gnée dans certains coins de la maison.
Pour qu’on se préoccupe de nos sous­
sols urbains (« où les racines des arbres
habiter avec le vivant non humain petits mammifères –, mais nous part sauvage du monde qui per­ éthiques et légales. « Si la valeur intrinsè­ sont probablement isolées les unes des
est donc un enjeu essentiel pour la voulons pouvoir rouler à grande met à la vie non humaine de suivre que de la nature était officiellement re­ autres, alors qu’on sait désormais qu’elles
protection de la nature autant que vitesse sur des routes forestières son propre cours. connue, on continuerait d’exploiter la constituent pour eux un moyen de com­
pour le bien­être humain. Néan­ sans risque de collision avec des Aujourd’hui, les aires protégées nature, mais de semblables contraintes munication »). Pour qu’on laisse dans les
moins, ceux qui défendent une éco­ ongulés. Sans référence à une na­ sont des refuges, mais si nous rele­ seraient mises en œuvre pour limiter villes, grandes et petites, « de la place aux
logie de la reconnexion le font sou­ ture non contrainte par les influen­ vons le défi de la reconnexion et cette exploitation. » interstices et aux friches ». Des gestes en
vent en prenant d’abord appui sur ces humaines, il est impossible de que nous réussissons à penser Nous voici loin de la wilderness. Il ne apparence dérisoires, dont la multiplica­
une critique de la préservation de la se donner une idée du niveau de di­ autrement nos villes et nos cam­ s’agit plus de « protéger » à distance, tion pourrait toutefois ouvrir la voie à
nature sauvage (…) [Or], pour “faire versité et de densité que les milieux pagnes, elles deviendront les sour­ mais d’être responsable dans nos actions une autre manière de partager le monde
avec” la nature, encore faut­il con­ naturels peuvent contenir. (…) ces du réensauvagement du les plus quotidiennes. D’agir non pas sur, avec les non­humains. 
naître son partenaire, et pour le Là où nous vivons, il faut appren­ monde.  mais avec la nature. Comme l’ont prati­ catherine vincent
connaître lui donner une chance dre à “faire avec” la nature plutôt qué depuis l’Antiquité les peuples
d’exister selon les modalités qui lui qu’à faire contre, naviguer sur ses La Part sauvage du monde, autochtones de l’immense Amazonie, Prochain article : Cohabiter avec tous
sont propres, sans entraves. eaux d’une façon acceptable pour de Virginie Maris (Seuil, 2018) aujourd’hui dévastée par les intérêts in­ les vivants
24 | carnet 0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020

Hélène Delanoë, Marie-Thérèse Geoffroy-Pinon, Il y a trois ans, dans la nuit du

Enrico Navarra Le Carnet


son épouse,
Laurent Delanoë,
Carine Delanoë-Vieux,
ses enfants,
Lisa et Léonard Delanoë, Maïlys
son épouse,
Bernard Pinon,
son frère,
Ses enfants,
Ses petits-enfants,
24 au 25 juillet 2017,

Olivier GOURMELEN,
disparaissait à l’âge de quarante-huit

Galeriste Merci de nous adresser


vos demandes par mail
et Victor Audouze, Margot Delanoë-
Vieux,
ses petits-enfants,
Nelcya, Christian et Daniel Delanoë,
Son arrière-petit-fils,

ont la tristesse de faire part du décès


ans, emporté par une maladie brutale.

Il est avec nous chaque jour.


de
en précisant impérativement ses sœur et frères « Quand nous nous séparons,
Et tous ses proches, François PINON, nous restons l’un à l’autre. »
votre numéro
docteur en médecine, M.Werner
de téléphone personnel, ont la douleur d’annoncer le décès praticien honoraire
votre nom et prénom, de des Hôpitaux de Paris,
adresse postale et votre fondateur et directeur
Jean-Yves DELANOË, du Centre d’hémobiologie Philippe OGOUZ.ø
éventuelle référence ancien directeur d’hôpital, périnatale,
d’abonnement. responsable du poste Déjà un an sans toi.
survenu le 21 juillet 2020, d’Hémobiologie-Transfusion
à l’âge de soixante-dix-neuf ans. de l’hôpital Cochin, Tu nous manques tellement.
L’équipe du Carnet
directeur
reviendra vers vous Les obsèques civiles auront lieu du Centre de secteur Agnès et Emmanuelle.
dans les meilleurs délais. le lundi 27 juillet, à 14 h 15, au
de transfusion sanguine Paris-Sud,
cimetière du Montparnasse, Paris 14e.
survenu dans sa quatre-vingt- Remerciements
Nous nous réunirons après
carnet@mpublicite.fr l’inhumation. douzième année, le 19 juillet 2020,
à Paris.
helene.delanoe@free.fr
La cérémonie des obsèques se
AU CARNET DU «MONDE» déroulera en l’église Saint-Antoine
Les familles de des Quinze-Vingts, à Paris 12e,
le mardi 28 juillet, à 10 heures.
Décès M. Basile Juléat FOUDA,
14, rue Audubon,
La Dhrupad Society Paris ont la douleur d’annoncer son décès, 75012 Paris.
survenu à Verrières-le-Buisson, La Fédération des Aveugles
a la tristesse de faire part du décès, le 18 juillet 2020, de France
à l’âge de quatre-vingt-six ans. Cristina, Virginia et Paul Popper,
survenu à New Delhi (Inde), ses nièces et neveu, rend hommage
le 14 juillet 2020, Les obsèques ont eu lieu le Tous ses amis artistes et critiques à ses généreux bienfaiteurs.
de sa créatrice et présidente, vendredi 24 juillet, à 10 heures, d’art,
en l’église Sainte-Marie-Madeleine Les membres de l’université Paris 8, En désignant notre association
de Massy. Franz Spath et Georges Silva, comme bénéficiaire
Laurence BASTIT, de leur patrimoine,
fondateurs du Centre d’Art
interprète de conférence Contemporain Frank Popper à ils contribuent à améliorer
et professeure Mme Jocelyne Lacomme, Marcigny (Saône-et-Loire), la vie quotidienne
à l’Université Jawaharlal Nehru son épouse, Françoise Py, des personnes aveugles
En 2007. FREDERIC SOULOY/GAMMA- Mme Aurélie Lacomme,
de New Delhi. et malvoyantes.
RAPHO VIA GETTY IMAGES sa fille, ont la tristesse d’annoncer la Leur mémoire restera à jamais
Diane et Tristan,
disparition, le 12 juillet 2020, à l’âge ancrée dans nos souvenirs.
La Dhrupad Society Paris s’associe ses petits-enfants,
de cent deux ans, de Nous ne les oublierons jamais.
à la douleur de sa famille, ses Ses frères, sœurs, beaux-frères et
belles-sœurs,
collègues et ses amis. Ses neveux et nièces Frank POPPER, Fédération des Aveugles
Ainsi que toute la famille, né le 17 avril 1918, à Prague, de France,
Dhrupad Society Paris, professeur émérite des Universités, 6, rue Gager Gabillot,

I
l avait inventé une nouvelle 6 FÉVRIER 1953 Naissance ont la douleur de faire part du décès esthéticien, historien, 75015 Paris.
dsparis@gmx.fr critique d’art membre de l’AICA,
façon de concevoir le mar­ à Paris de Tél. : 01 44 42 91 91.
cofondateur en 1968
ché de l’art, originale mais 1989 Ouvre sa galerie Étienne et Marianne Brun-Rovet, du département d’arts plastiques
M. Michel LACOMME,
peu reproductible, tant elle 1996 Sort son livre ses enfants, à l’université Paris 8
tenait à sa personnalité chaleu­ sur Jean-Michel Basquiat survenu le 20 juillet 2020, Vincennes-Saint-Denis,
Marie-Andrée Diaz et Pascale
reuse, comme à un sens de la 21 JUILLET 2020 Mort à l’âge de soixante-treize ans. ancien engagé volontaire
Tabarin, dans la Royal Air Force en 1939,
prise de risque qui fut souvent au Muy (Var) ses sœurs, La cérémonie sera célébrée le jeudi British War Medal 1939-1945,
couronné de succès. On lui doit le Edouard Jacquot, 30 juillet, à 14 h 15, en l’église Saint- chevalier de la Légion d’honneur,
premier ouvrage d’importance, son neveu Clodoald de Saint-Cloud. chevalier
publié en 1996, consacré à Jean­ Ainsi que sa famille, dans l’ordre national du Mérite,
commandeur
Michel Basquiat. Il a fait aussi Paris, rue du Faubourg­Saint­Ho­ Ses anciens collègues du CNRS Jean Matouk, dans l’ordre des Arts et des Lettres. La Fondation AGES
beaucoup pour Keith Haring, Zao noré. Il publie ensuite son livre Et ses amis, son mari, rend hommage
Pierre Henri et Romain Nadal, à ses généreux donateurs.
Wou­ki, Yue Minjun ou Bernar Ve­ sur Basquiat, aidé par le père du Les obsèques auront lieu le mardi
ses fils,
net. Le galeriste et éditeur Enrico peintre : « Nous avions convenu de ont la tristesse de faire part du décès, Corinne et Delphine Matouk, 28 juillet, au cimetière du Père-
Lachaise, 71, rue des Rondeaux, En désignant notre fondation,
Navarra est mort mardi 21 juillet, faire une monographie de 200 pa­ survenu le 12 juillet 2020, de ses belles-filles, reconnue d’utilité publique,
Dario et Pablo Nadal, Paris 20e (métro Gambetta), dans les
au Muy (Var), à l’âge de 67 ans. ges, puis 300… On a dû finir à salles du crématorium : hommages comme bénéficiaire
Bernard BRUN, Rebecca, Bethsabée et Perla Msika, de leur patrimoine,
Né le 6 février 1953 à Paris, En­ 600… » Car, quand il s’agissait de Yentl Amar, à 13 heures, salle Mauméjean,
ancien élève puis salle Landowski. Inhumation ils contribuent à améliorer
rico Navarra débute en 1975 dans livres (du reste aussi d’ailleurs), Justine et Gabin Laurens,
de l’Ecole normale supérieure ses petits-enfants, à 15 h 30. la vie quotidienne des personnes
la vente d’estampes. Un collec­ Enrico Navarra ne comptait pas, il âgées dépendantes, souvent isolées
de la rue d’Ulm,
tionneur du sud de la France le re­ visait la perfection. Il les vendait ont l’immense douleur de faire part Les cendres de son épouse, et vulnérables, et à soutenir
chercheur au CNRS, leurs aidants à domicile et en ehpad.
çoit, regarde le contenu, plutôt rarement : il les offrait plutôt. du décès de
cofondateur Aline DALLIER Leur mémoire restera à jamais
décevant, du carton à dessins, et Il s’agit là d’un des éléments de de l’équipe Proust de l’ITEM. († 5 février 2020), ancrée dans nos souvenirs.
Marie Françoise MATOUK,
lui demande s’il n’a rien de Cha­ la petite révolution qu’il a menée chevalier de la Légion d’honneur, Nous ne les oublierons jamais.
gall. « De qui ? demande Navarra, dans le marché de l’art. Ses livres L’inhumation a eu lieu dans seront jointes au cercueil de Frank Fondation AGES
qui adorait raconter cette histoire. l’aidaient à prospecter de nou­ survenu en sa quatre-vingt-unième dans le caveau. 75, allée Gluck - BP 2147
l’intimité familiale, le samedi
année, à la suite de la récidive d’une 68060 Mulhouse Cedex.
– Chagall enfin, un des grands de veaux marchés. Il en a ainsi con­ 18 juillet, à Valenciennes (Nord). longue maladie. cristinapopper@gmail.com www.fondation-ages.org/
l’art moderne ! Vous ne connaissez sacré un aux artistes (et un autre francoise.py@univ-paris8.fr
pas ? – On ne peut pas connaître aux architectes) chinois, aux In­ La cérémonie religieuse a lieu La messe d’enterrement a été
tout le monde ! » La réplique fit la diens, aux Brésiliens et aux Thaïs, ce samedi 25 juillet, à 10 heures, célébrée, en l’église Sainte-Perpétue, Formation
à Nîmes, ce vendredi 24 juillet, à 9 h 30 Eric et Marie-Hélène Sinnassamy,
joie du collectionneur, qui s’éver­ et d’autres sont en préparation en l’église du Saint-Nom-de-Jésus, et sera suivie de l’inhumation, au Marc et Teresa Sinnassamy,
tua à lui présenter la veuve du sur l’Afrique, Israël, le Japon et la 91, rue Tête-d’Or, Lyon 6e. cimetière Sainte-Baudile dans la Christine Sinnassamy et Xavier
peintre. Elle lui confia des Corée du Sud. même ville. Lefebvre,
Les fleurs peuvent être envoyées Patrick et Pascale Sinnassamy,
œuvres, et il sut les vendre. Il fut Cette vision originale, on la re­ ses enfants,
un des premiers Français, dès trouve en 2006 lors de la Foire de à cette adresse. Aurélia et Paul Proffit,
Doriano et Chiara Navarra, Ses petits-enfants
1979, à aller sur les marchés japo­ Bâle à Miami : au lieu de s’y agglu­ ses enfants et son gendre,
nais, coréen, indien, et chinois, tiner avec ses confrères, il loue le « La vraie vie, la vie enfin découverte Et ses arrière-petits-enfants,
Andréa,
et éclaircie, la seule vie sa petite-fille,
qu’il cultiva en profondeur. dernier étage d’un grand hôtel, ont la tristesse de faire part du décès
par conséquent pleinement vécue, Laurence Poggi, L’Inalco
Sa première incursion dans un penthouse d’un millier de mè­ de
c’est la littérature. » sa compagne, lance un DU d’ethnomédecine
l’art contemporain a lié pour tou­ tres carrés (« pour le prix d’un Christine Schreyer, Sophie Guillet,
Marcel Proust. Mme Monique SINNASSAMY, en septembre 2020
jours son nom à celui de Jean­Mi­ stand à la foire », s’amusait­il Emmanuel Barth et Marielle Digard, D’une durée de deux ans,
José Milton et Michelle Da Silva, née SÉJOURNÉ,
chel Basquiat (1960­1988). Il ne l’a dans Le Monde), y accroche quel­ mbrunrovet@gmail.com ce nouveau DU comprend 12 UE
Carmine et Giovanna Alfano
pas connu, mais l’a découvert par ques tableaux, plus une surprise, brunrove@gmail.com survenu le 19 juillet 2020, de langues
Et l’ensemble de sa famille de Siano
l’entremise de l’avocat Pierre He­ et tient table ouverte. Tous les à Belo Horizonte, dans sa centième année. (initiation chinois ou hindi),
de sciences humaines et sociales
bey : « En 1988, je lui ai racheté un collectionneurs passent voir. La Françoise, (droit de la santé, anthropologie
tableau qui ne rentrait pas chez surprise, c’est l’architecte Rudy ont l’immense tristesse de faire part L’inhumation aura lieu dans
son épouse, du décès de l’intimité familiale. et géographie de la santé),
lui », se souvenait­il dans le cata­ Ricciotti. Navarra (qui a aussi con­ Mathieu, Nicolas et Sophie, d’ethnobotanique,
logue de l’exposition qu’il avait sacré un – gros – livre à Tadao ses enfants M. Enrico NAVARRA, chris.sinnas@gmail.com d’ethnopharmacologie,
consacrée aux dessins de l’artiste Ando et un autre à Jean Nouvel) de médecine chinoise
et leurs époux, Muriel, Maya et Yves, et ayurvédique.
survenu le 21 juillet 2020,
au château La Coste (Bouches­du­ lui a demandé de concevoir une Marine, Élise, Thomas, Nathalie, à l’âge de soixante-sept ans. Anniversaires de décès Ce diplôme est ouvert
Rhône) en 2019. « Un mois plus maison, qui s’ajoutera aux deux Eva, Pierre, Adèle, Hélène, Nils, à tous les professionnels de santé,
tard, à New York, j’en achète en­ qu’il possède déjà sur une colline Pauline, Une bénédiction sera donnée le 25 juillet 2018 - 25 juillet 2020. médecins, pharmaciens,
core deux. A l’époque, c’était du Muy, près de Saint­Tropez. Un ses petits-enfants, samedi 25 juillet, à 10 h 30, en l’église infirmiers, sages-femmes,
Saint-Thomas-d’Aquin, 1, place Saint- Il y a deux ans, disparaissait kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
150 000, 200 000 francs, un ta­ écran géant montre ce que sera Armel et Valentin, Thomas-d’Aquin, Paris 7e. ainsi qu’aux autres professionnels
bleau… » l’édifice : un mur unique, soute­ ses arrière-petits-enfants, Claude GOFSTEIN. à partir du niveau L2-L3
nant une toiture gigantesque, Le présent avis tient lieu de faire- (sélection sur dossier).
ont la tristesse d’annoncer le décès part. Nous ne l’oublions pas. INALCO,
Petite révolution grâce à un nouveau béton, le duc­
En octobre 1988, après la mort de tal. Une performance, les visi­ de 65, rue des Grands Moulins,
Michèle, Anne, Christel et Thierry, Pascale 75013 Paris.
Jean­Michel Basquiat, il visite la teurs sont bluffés. Jeanne, Mathilde, Antoine, Jean- et Pierre-Antoine, Robin, Lucas, Renseignements :
FIAC avec Jean­Louis Prat, qui diri­ Au point de vouloir venir voir Jean-Noël
Loup, Aubry, Thomas, Nicolas et Quentin. www.inalco.fr/formations/ecoles
de BOUILLANE de LACOSTE, Elsa, Sebastian,
geait la Fondation Maeght, à l’original. C’est le troisième étage
ambassadeur de France, Raphaël, Basile,
Saint­Paul­de­Vence (Alpes­Mari­ de la fusée Navarra : plutôt que de
ancien ambassadeur Société éditrice du « Monde » SA
times). Navarra voit Prat acheter tenir boutique à Paris, il reçoit à Vientiane, Tunis et Tel-Aviv, ont la tristesse de faire part du décès Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
un Basquiat et lui dit : « J’en ai moi­ chez lui, l’été. Des collection­ de
Directeur de la rédaction Luc Bronner
même, on peut peut­être faire un neurs, certes, mais aussi des survenu le 21 juillet 2020, Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo
Louis OLLIVIER, Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre,
accrochage d’artistes américains amis, voire de simples curieux. à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, directeur de recherche honoraire Benoît Hopquin, Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
contemporains avec quelques ta­ L’ambiance est bon enfant, sou­ à l’hôpital Bicêtre, du Kremlin-Bicêtre. de l’Inra, Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
membre Rédaction en chef numérique Hélène Bekmezian
bleaux de lui. Il me répond : “Ce vent rieuse, jamais guindée, et à Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws, Franck Nouchi (Débats et Idées)
de l’Académie d’agriculture,
qu’il faut faire, c’est une expo Bas­ la fin de la saison estivale, outre Une cérémonie aura lieu Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
quiat !” Pour lui, c’était un des quelques nouveaux amis, Enrico ultérieurement au temple protestant survenu le 22 juillet 2020. Chef d’édition Sabine Ledoux
meilleurs artistes du XXe siècle. » Navarra a recueilli grâce aux con­ du Kremlin-Bicêtre. Directrice du design Mélina Zerbib
Ecoutant l’oracle, il en achète une versations de table de très pré­ La cérémonie aura lieu le 27 juillet, Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
à 15 heures, en l’église de Jouy-en- Photographie Nicolas Jimenez
quinzaine, et expose l’artiste cieuses informations sur l’évolu­ Cet avis tient lieu de faire-part. Josas (Yvelines).
Infographie Delphine Papin
Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
en 1989 dans sa première galerie, tion du marché…  Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
qu’il inaugure la même année à harry bellet f.delacoste@orange.fr michob@free.fr Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
0123
SAMEDI 25 JUILLET 2020 0123 | 25

Yoko Tawada IMPASSE


AU MALI
Le coronavirus,
Seront­ils pour autant en mesure de ré­ pagne dans cette région que le principal
pondre à la colère qui agite le Mali depuis opposant malien, Soumaïla Cissé, a été en­
les dernières élections législatives ? Celle­ci levé le 25 mars.

presque symbole
se trouve portée par une coalition qui réu­ Entre une communauté internationale
nit des personnalités que tout devrait op­ qui l’incite à faire des concessions impopu­
poser. Mais ses ressorts profonds sont à laires aux ennemis d’hier et un clan, accusé
chercher dans l’incapacité des dirigeants à d’accaparer les leviers du pouvoir, qui l’en­

du citoyen idéal
rendre au pays sa dignité et à offrir des courage à ne pas céder, le président « IBK »
perspectives économiques à sa population. n’arrive pas à conserver de cap.
En 2013, IBK avait été largement élu sur la Face à la contestation, il a trop tardé à faire
promesse d’une restauration, autant terri­ des concessions. La répression, qui a fait en­
toriale que morale, de la nation malienne. tre 11 et 23 morts, a fait monter les exigences

La romancière japonaise raconte, avec douceur


et ironie, ses déambulations sur une planète
bouleversée par un virus qui, transcendant
S i le feu de la contestation s’est éteint à
Bamako, la situation politique reste
tendue. Les cinq chefs d’Etat d’Afrique
de l’Ouest qui se sont rendus, jeudi 23 juillet,
dans la capitale malienne n’ont pas trouvé à
L’armée française, épaulée par les soldats
tchadiens, venait de déloger les djihadistes
qui avaient accaparé le nord du pays. Les
soutiens du nouveau président allaient du
président français François Hollande au ri­
des opposants. Alors que la plupart de ses
partenaires étrangers confient leur fatigue
de voir « IBK » détenir « tous les instruments
de sortie de crise sans jamais les utiliser », se­
lon la formule d’un décideur français, ces
ce stade de solution à la crise qui secoue leur goriste imam Dicko, aujourd’hui figure de soutiens internationaux sont aujourd’hui
les frontières nationales et religieuses, appelle voisin. Après plus d’un mois de lutte, les pro­ proue de la contestation. son meilleur filet de sécurité. La peur du
les pires réponses comme les meilleures testataires, emmenés par l’imam Mahmoud Sept ans plus tard, le Mali est toujours en vide institutionnel est plus forte que l’exas­
Dicko, pourraient obtenir la tête du premier guerre avec lui­même, les blessures ne pération parmi les partenaires du Mali.
ministre, la formation d’un gouvernement sont pas pansées et le quotidien est sou­ La France, contestée par des manifesta­

D
d’union nationale, une dissolution de l’As­ vent miséreux. Dans le nord, les islamistes tions en 2019, n’est plus la première cible
epuis des mois, alors semblée nationale, mais les présidents de la armés ont regagné du terrain – jeudi, un des opposants. Elle ne peut cependant se
même que j’ai perdu la région leur ont rappelé qu’ils ne leur offri­ militaire de l’opération « Barkhane » a été réjouir de voir le pouvoir malien, qu’elle
sensation d’être une ci­ ront pas la démission du président Ibrahim tué, le dix­huitième depuis le début de l’an­ continue de soutenir malgré son irritation,
toyenne, je passe un Boubacar Keita (IBK). Alors que le Mali conti­ née 2020. Les ex­rebelles qui se battaient être ainsi mis en cause. Un mouvement
temps inhabituel à marcher dans
les rues. Toujours continuer son
CE VIRUS nue d’exporter hors de ses frontières la me­
nace djihadiste, il n’est pas question pour
pour l’indépendance ont conservé leurs ar­
mes et le redéploiement de l’Etat est resté
d’opposition dont la principale figure mo­
bilisatrice est un imam aux valeurs particu­
chemin, ne jamais entrer dans un SE MAINTIENT eux de prendre le risque d’une contagion au stade de symbole. lièrement conservatrices ne peut que l’inci­
bâtiment. On pourrait appeler des esprits au moment où se profilent plu­ Les violences se sont depuis étendues au ter à s’interroger sur la perception de son
« promenade » cette manière d’al­ EN VIE GRÂCE sieurs scrutins à risque en Côte d’Ivoire, en centre, l’un des bassins agricoles du pays. action par ceux qui devraient en être les
ler sans but, sans porte­monnaie Guinée et au Burkina Faso. Signe de l’insécurité, c’est en faisant cam­ premiers bénéficiaires. 
ni invitation. Or le mot « prome­
AUX DISCUSSIONS,
nade » a désormais des allures de AUX CONCERTS,
thérapie occupationnelle, il n’a
plus rien à voir avec la flânerie. AUX LECTURES
L’expression « prendre l’air » me
OU AU THÉÂTRE.

Dilnur Reyhan J’attends toujours la solidarité


fait penser aux carpes apprivoi­
sées qui remontent désespéré­ À CÔTÉ DE TANT
ment à la surface et ouvrent la
bouche comme si elles n’arri­ DE QUALITÉS,

des féministes envers les femmes ouïgoures


vaient plus à respirer sous l’eau.
J’évite aussi l’expression « pren­ UN SEUL HIC :
dre du mouvement », parce que je
ne veux plus prendre quoi que ce
IL NOUS NUIT
soit à quiconque.
Il y a longtemps que plus per­
sonne ne m’a souhaité le bonjour car ce n’était jamais une sensa­ La politique de répression massive des autorités chinoises contre la minorité ouïgoure vise
d’un baiser sur la joue. Non que tion qui me permettait de saisir
cela me manque. Mais la ques­ le temps. « L’atemporalité », elle, en particulier les femmes, dénonce l’intellectuelle réfugiée en France
tion ne me sort pas de la tête. Le était une émotion. Elle se nichait
dernier baiser ne remonte sûre­ dans mes poumons, le siège

C
ment pas à janvier à l’aéroport de mon âme. On éprouvait
Narita de Tokyo. Presque tous les l’atemporalité comme une chose hez les Ouïgours, nous avons un autorités sont arrêtées pour les leurs nes et internationales en solidarité avec
touristes portaient déjà un mas­ aussi concrète que le deuil ou proverbe : « La femme est le soleil couper en pleine rue et, paroxysme de les femmes ouïgoures, sauf une : la
que à l’intérieur du bâtiment et, qu’une joie intense. de la femme. » Ici, le mot « so­ l’horreur, pendant que leurs maris sont chercheuse et féministe américaine
même si ça n’avait pas été le cas, leil » signifie « solidarité ». En enfermés, les femmes ouïgoures sont d’origine hongkongaise Leta Hong
ils ne m’auraient pas donné un Cocon de pensée tant que femme ouïgoure, j’ai expéri­ obligées de partager leur foyer, voire Fincher qui a travaillé sur la politique
baiser sur la joue. Mon vol a at­ La seule chose qui me rappelait menté les discriminations à la fois leur lit, avec les fonctionnaires chinois chinoise d’encouragement des maria­
terri à Paris­Charles­de­Gaulle, le passage du temps était l’écri­ raciales et sexistes du régime chinois. envoyés par milliers par Pékin. ges sino­ouïgours.
tout comme ces trente dernières ture d’un nouveau récit. Je cra­ J’ai vécu dans ce pays jusqu’en 2004 et Les images et vidéos d’hommes Toute une population est en train
années, et je me suis rendue au chais de ma bouche un cha­ j’ai subi les pressions sociales, économi­ chinois installés dans des maisons d’être éradiquée par la stérilisation
centre­ville dans l’atmosphère toyant fil de soie et formais un ques et politiques qui pèsent sur les ouïgoures et les témoignages de viols massive de ses femmes mais cela n’a pas
confinée d’un RER hivernal. cocon de pensée où il y avait plus femmes ouïgoures alors que le système de jeunes filles dans ces familles par ces suffi pour attirer l’attention des
d’oxygène à respirer qu’en fai­ colonial a mis en position supérieure fonctionnaires chinois font régulière­ féministes de France et du monde. Les
« Atemporalité » sant de la marche en plein air. Le les colons chinois et en position ment le tour de la Toile. institutions publiques pour les droits
L’amie avec laquelle j’avais ren­ soir, j’ouvrais la petite fenêtre du inférieure les colonisés ouïgours. Une partie importante des millions des femmes au sein des Nations unies
dez­vous dans le café bondé Les cocon et je visitais l’exposition Actuellement 1,8 à 3 millions de de Ouïgours mais aussi de Kazakhs en­ ou celles des Etats européens sont tout
Deux Magots était de mère co­ temporaire de la politique mon­ Ouïgours sont enfermés et torturés fermés dans des camps de concentra­ aussi discrètes, apparemment indiffé­
réenne, et ses lèvres sont restées diale. Là, aucune œuvre d’art ne dans des camps. Non pour ce qu’ils et tion ethniques et religieux par la Chine rentes aux droits des femmes ouïgoures.
à distance de ma joue lorsqu’elle me causait de surprise. Ceux qui elles font, mais pour ce qu’ils et elles sont des femmes. Nombre d’entre elles En raison de la discrimination
m’a saluée. Je suis allée ensuite à avaient toujours penché vers sont. Depuis fin 2016, la Chine mène ont témoigné des conditions de vie in­ flagrante et réelle dont souffrent les
la librairie polonaise, située elle l’autocratie faisaient quelques une véritable guerre d’éradication des humaines et dégradantes dans les Ouïgours, notamment sur le marché de
aussi sur le boulevard Saint­Ger­ pas de plus dans cette direction. Ouïgours et d’effacement d’un peuple camps, de la torture infligée, des viols travail, et après maintes claques reçues
main, grouillant de monde. Ceux qui s’étaient toujours sou­ avec le plus grand internement de en réunion, des injections qui ont causé du fait de mon appartenance ethnique
L’organisatrice de la lecture ve­ ciés de démocratie la défendaient masse du XXIe siècle. En plus de cette l’arrêt de leurs menstruations… et de genre, j’ai quitté la Chine après mes
nait d’une île de la mer du Nord avec d’autant plus d’ardeur. Ceux politique concentrationnaire, les L’une de ces rescapées, Sayragul Saut­ études supérieures pour rejoindre la
et, sans doute pour cette raison, qui voulaient se séparer de Ouïgours subissent une répression bay, une Kazakhe qui était enseignante France, cette patrie qui a un jour fait
elle non plus ne m’a pas donné l’Union européenne s’éloignaient d’une violence inouïe : enfants séparés de chinois dans un camp et qui a sienne la devise « liberté, égalité, frater­
un baiser sur la joue. Deux heu­ davantage de l’Europe. Les habi­ des parents, destruction des cimetières aujourd’hui trouvé refuge en Suède, a nité ». C’est en raison de cet amour pour
res durant, le public est resté as­ tants des pays ayant une femme à et des mosquées, travail forcé au profit révélé une scène terrible où une jeune la France dont je suis devenue par la
sis à l’étroit, au milieu de rayon­ leur tête, comme Taïwan, la Nou­ de grandes marques internationales, détenue était déshabillée sur une place suite citoyenne et fière de l’être, que ce
nages de livres, échangeant le velle­Zélande ou l’Allemagne, prélèvements forcés d’organes, du camp devant tous les autres déte­ silence – et plus particulièrement le
souffle de l’esprit. semblaient plus satisfaits de la surveillance de masse, etc. nus puis violée par les gardes un par silence des féministes françaises – m’est
Début mars, je me suis envolée politique que ceux des pays gui­ Les femmes sont particulièrement un, pendant que les autres sur­ insupportable.
pour New York. Le président amé­ dés par la testostérone. exposées à cette politique génocidaire. veillaient les expressions sur le visage Les minorités de genre en Occident
ricain affirmait encore que la Si personne ne mourait du co­ Avec la « campagne pour la beauté », les des prisonniers. sont trop occupées par leur propre
pandémie n’atteindrait jamais ronavirus, j’irais jusqu’à faire son autorités obligent ainsi les femmes Ces terribles révélations et témoigna­ activisme. Lorsque des minorités
son pays. J’ai serré dans mes bras éloge comme métaphore du ci­ ouïgoures à couper leurs longs cheveux ges sont diffusés dans les médias du ethnico­religieuses étrangères sont
des Américaines chinoises, juives toyen idéal du monde, qui fran­ pour devenir « des femmes modernes » monde entier, notamment depuis 2018. l’objet de discriminations voire de viola­
et néerlandaises, j’ai pris place chit sans effort les frontières na­ selon la norme du gouvernement Au début de cette année, une ONG aus­ tions graves de leur dignité humaine et
dans un restaurant vietnamien tionales et religieuses, qui sans chinois ; les femmes portant des robes tralienne – ASPI – a également révélé, de leur existence, elles ne montrent
exigu et j’ai inhalé l’art mexicain cesse se métamorphose pour ou des jupes « trop longues » au goût des preuves à l’appui, l’exploitation forcée guère de solidarité. Or ces minorités de
au Whitney Museum. Lorsque je s’adapter à un nouvel environne­ d’ouvriers et d’ouvrières ouïgours, dont genre des pays occidentaux devraient
suis rentrée à Berlin, toutes les ment et se maintient en vie une partie importante vient des camps, être le soleil des autres minorités.
lectures prévues d’ici à l’été ont grâce aux contacts humains, aux dans des usines liées à 83 grandes J’attends toujours le soleil de solidarité
été reportées ou annulées. discussions intenses, aux con­ marques internationales. des féministes de tous les pays envers les
Il m’arrive souvent de rayer des certs, aux lectures ou au théâtre. femmes ouïgoures. « Ce qu’il y a de plus
mots de mes manuscrits, mais Qui aime rendre visite à des Stérilisation massive scandaleux dans le scandale, c’est qu’on
biffer des noms de lieux dans grands­parents et à des amis ma­ Il y a deux semaines, enfin, le rapport s’y habitue » : ces mots de Simone de
mon agenda était nouveau pour lades. Qui ne nuit pas aux plan­ LES FEMMES SONT accablant du chercheur allemand Beauvoir devraient hanter les féministes
moi. L’expression « sensation du tes, ne tue pas d’animaux, ne Adrian Zenz sur les avortements forcés du monde entier. 
temps » me paraissait fallacieuse, contamine ni l’air ni l’eau. OBLIGÉES DE et la stérilisation massive des femmes
A côté de tant de qualités positi­ ouïgoures dans le but de faire chuter la
ves, il n’y a qu’un seul hic : il nous
PARTAGER LEUR natalité de toute la population a provo­
nuit. Si l’idée me prenait de pro­ FOYER, VOIRE LEUR qué un scandale international. Mais
pager moi aussi une théorie du cette répression massive des femmes
complot, je dirais que le coronavi­ LIT, AVEC LES ouïgoures se déroule dans l’indiffé­ Dilnur Reyhan est enseignante
Yoko Tawada est romancière. rus, en meilleur citoyen du rence du monde. Et l’indifférence de à l’Institut national des langues
Son dernier ouvrage paru en monde, a le projet de s’emparer FONCTIONNAIRES celles et ceux qui se prétendent « fémi­ et civilisations orientales (Inalco),
français s’intitule « Le Sommeil de notre planète.  CHINOIS ENVOYÉS nistes » est pire encore. Pas un mot – ou présidente de l’Institut ouïghour
d’Europe » (éditions La Contre Traduit de l’allemand par quasiment aucun – n’a été prononcé d’Europe (IODE), chercheuse
Allée, 2018) Bernard Banoun PAR PÉKIN par les féministes françaises, européen­ à l’Université libre de Bruxelles

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