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Parfois, l’absence de viabilité de l’opération est invoquée en combinaison avec le caractère ruineux du
cautionnement Com., 15 novembre 2017, n° 16-16.790
On pourra éventuellement noter que le caractère « averti » d’une caution pourrait être apprécié différemment
selon le degré de connaissance que celle-ci avait du débiteur, par analogie avec l’obligation de mise en garde
du prêteur qui aura considéré notamment l’épouse du coemprunteur, investie dans la vie de l’entreprise,
« avertie » Com., 17 septembre 2013, n° 12-21.871.
Concernant l’applicabilité de ce devoir de mise en garde au cautionnement réel, une interrogation peut
survenir. Dans une optique d’application distributive1 des règles des sûretés réelles et personnelles au
cautionnement réel selon le pan de régime concerné, l’on pourrait estimer que le garant pour autrui, en tant
justement qu’il s’engage pour un autre, pourrait profiter des modalités protectrices du patrimoine de la
caution. Cependant, la jurisprudence a préféré écarter le devoir de mise en garde concernant la caution réelle,
1
J.-J. ANSAULT, Le cautionnement réel, dir. P. CROCQ, Defrénois, 2009, n° 545.
en estimant que celui-ci était toujours proportionné aux capacités de la caution puisque limité à la valeur du
bien2 (Com., 24 mars 2009, n° 08-13.034).
Mais attendu que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement
personnel à satisfaire l'obligation d'autrui n'est pas un cautionnement et que, s'agissant d'une hypothèque sur un
bien, elle est limitée à ce bien et nécessairement adaptée aux capacités financières du constituant et aux
risques de l'endettement né de l'octroi du crédit ; que la banque qui fait souscrire une telle sûreté n'est dès
lors pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard du constituant, que celui-ci soit ou non averti
2
J.-J. ANSAULT, Le cautionnement réel, dir. P. CROCQ, Defrénois, 2009, n° 547.
demandé l’octroi de deux cautionnements, un par les enfants du débiteur, ainsi qu’un cautionnement
hypothécaire ce qui peut sembler excessif, notamment eu égard à l’opération qui est de moyenne importance
; son débiteur a été depuis mis en liquidation judiciaire.
=> Caution pourrait éventuellement engager elle-même la responsabilité du créancier pour soutien abusif,
et à tout le moins se prévaloir de la responsabilité du créancier envers le débiteur, pour obtenir via
compensation réduction partielle voire totale de sa garantie.
EN L’ESPECE, l’opération de crédit avait pour but d’acquérir un fonds de commerce, sur lequel le créancier
n’a apparemment pas constitué de sûreté, alors qu’il était le seul à pouvoir le faire
=> Cautions pourraient éventuellement ici lui opposer le bénéfice de subrogation à hauteur de ce qu’un tel
nantissement aurait pu servir au remboursement du crédit, si le fonds de commerce n’a pas perdu de
valeur (60.000 euros initialement), ce dont on peut néanmoins fortement douter.
D. Vices du consentement ?
i. Contrat de cautionnement
SELON 1135 CC, l’erreur sur de simples motifs ne saurait être une cause de nullité, sauf à ce qu’un tel motif
soit rentré dans le champ contractuel par la volonté des parties ; ainsi la solvabilité du débiteur au moment
de la conclusion du cautionnement n’est en principe pas retenue, sauf si elle a fait l’objet d’une stipulation
l’exigeant. Néanmoins, SELON 1137 CC, le dol sanctionne par la nullité le fait d’obtenir le consentement
du cocontractant par des manœuvres et tromperies, voire des dissimulations ; or le dol a parfois été utilisé,
en cautionnement, en combinaison avec l’exigence de bonne foi dans la conclusion 1104 CC, pour
sanctionner l’attitude du prêteur qui aurait accepté l’engagement de la caution lors même qu’il connaissait la
situation « lourdement obérée », déjà irrémédiablement compromise, du débiteur, n’ayant ainsi cherché qu’à
s’ajouter un débiteur par le cautionnement Civ. 1ère, 26 novembre 1991, n° 90-14.978 ; une telle solution
est toutefois assez rarement retenue
EN L’ESPECE, si le prêteur n’a pas effectué l’étude promise, on ne nous dit pas que les époux étaient
insolvables lors de l’acquisition du fonds, mais que l’exploitation a rapidement périclité (« d’emblée ») ; il est
vrai que l’EC aurait pu dès le départ prévoir une telle évolution, mais il semble assez audacieux d’estimer
que la situation des débiteurs était déjà « irrémédiablement compromise »
=> En tout cas, on préférera plutôt sanctionner ici un manquement à une obligation de conseil / mise en
garde, cf I. A.
ii. Contrat de prêt ?
Toujours SELON 1137 CC, le dol sanctionne par la nullité le fait d’obtenir le consentement du cocontractant
par manœuvre et tromperie. Néanmoins, la nullité pour dol portant sur le contrat donnant naissance à
l’obligation garantie constitue selon la Cour de cassation une exception personnelle au débiteur qui n’est pas
invocable par la caution (Mixte, 3 juin 2007, n° 03-15.602, F2 ; D 6)
EN L’ESPECE, même si l’on retenait comme tromperie les agissements du créancier-prêteur ayant prétendu
qu’il avait effectué l’étude du dossier,
=> pas opposable au créancier
iii. Contrat de vente ?
La nullité du contrat de vente du fonds de commerce ou de prêt ne saurait réellement prospérer :
_ Quant à sa possibilité :
SELON 1132 CC, l’erreur est une cause de nullité lorsqu’elle est excusable et porte sur les qualités
essentielles de la prestation (+ déterminante du consentement bien entendu 1130 CC) ; elle ne peut
concerner la valeur de la prestation 1136 CC.
EN L’ESPECE, l’erreur sur la rentabilité du fonds de commerce pourrait être invoquée, néanmoins celle-ci
parait fort peu excusable, étant donné que les pièces comptables révélaient déjà la faible rentabilité du fonds
SELON 1137 al. 3 CC, la réticence dolosive ne peut être sanctionnée par la nullité lorsqu’elle porte sur la
valeur ;
EN L’ESPECE, le fonds a été vendu pour un prix bien supérieur à sa valeur lors de la vente, potentiellement
grâce à des dissimulations du vendeur, mais dans le cas présent aucune manœuvre « active » n’est évoquée ;
au maximum peut-on imaginer une réticence dolosive (totalement hypothétique) sur la valeur ; concernant
la rentabilité, on peut difficilement arguer de manœuvres ou de réticence, les documents ayant été fournis à
l’acheteur
=> Les causes de nullité du contrat de vente fondées sur le consentement auront beaucoup de difficulté à
prospérer.
PAR AILLEURS : attention, ici est évoquée la nullité éventuelle du contrat de principal (de vente), afin
d’anticiper les effets possibles d’une telle nullité sur l’opération toute entière (cf. pragraphe suivant) mais il
faut se garder de penser qu’une caution pourrait invoquer une telle nullité : la solution pointée en (ii)
concernant le contrat de prêt, (qui de toute manière ne saurait prospérer, on l’a vu), n’est valable que parce
qu’est évoquée le contrat donnant naissance à l’obligation que la caution garantit. Elle n’est pas per se
transposable au contrat de vente auquel la caution est a priori réellement étrangère.
_ Quant à ses effets, quand bien même obtiendrait-on la nullité de l’opération financée, si celle-ci entraîne
caducité du prêt, elle emporte également report de l’obligation sur l’obligation de restitution, censée avoir
toujours été la même que l’obligation de remboursement (prétendument « transformée ») Civ. 1ère, 1er juillet
1997, n° 95-15.642 (F 2 ; D 5)
=> obtenir la nullité de la vente ne confèrera aucun avantage aux cautions.
II. Moyens tirés de l’ouverture de la procédure de liquidation
A. Déclaration des créances
(ici la déclaration a été faite, il n’y a pas de problème particulier : on rappellera juste la règle)
SELON 2314 CC, la caution est déchargée à hauteur des droits préférentiels perdus par la faute du
créancier ; puisqu’aujourd’hui, l’absence de déclaration des créances empêche simplement le créancier de
participer à la répartition des dividendes L622-26 Com plutôt que l’extinction de la créance, la caution ne
peut plus comme avant opposer tout simplement l’absence de déclaration Com., 17 juillet 1990 (F 2 ; D
11), mais simplement la perte du bénéfice du droit à participer aux répartitions Com., 3 juillet 2013 (F 2 ;
D 13)
EN L’ESPECE, le débiteur a été mis en liquidation, et la déclaration a bien été faite par le créancier
=> RAS
B. Action immédiate contre les garants : déchéances des termes et cautionnement
SELON L643-1 Com, le jugement qui prononce l’ouverture de la liquidation rend toutes les créances
exigibles ; néanmoins selon 1305-5 CC, cette déchéance des termes est inopposable à la caution ; la
jurisprudence a ainsi précisé que seule la renonciation conventionnelle permettait d’étendre la déchéance du
terme à la caution Com., 8 mars 1994, n° 92-11.854 (F 2 ; D 10)
EN L’ESPECE, le débiteur a été mis en liquidation judiciaire ; nous n’avons pas d’indication sur une
éventuelle renonciation par les enfants caution du couple d’une quelconque renonciation au maintien du
terme.
=> le créancier ne pourra dès lors pas agir directement en paiement contre eux en se prévalant de la
déchéance du terme.
C. Effets de la liquidation
On rappellera ici simplement que SELON L631-20 Com les cautions ne peuvent se prévaloir des effets du
plan, notamment des remises accordées par celui-ci ; dans le prolongement de cette idée et considérant que
le cautionnement a pour but même de garantir le créancier contre la défaillance du débiteur, la caution ne
peut invoquer la clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif Com., 8 juin 1993, n° 91-13.295 (F2 ;
D 20)
ATTENTION : le maintien de la jurisprudence civile en la matière, coexistant ainsi avec le système mis en
place par le droit de la consommation (et ayant un champ d’application similaire malgré sa qualité de droit
« spécial »), a pu faire débat. On peut néanmoins relever certaines décisions qui semblent autoriser en la
matière un cumul des deux approches Com., 17 septembre 2013, n° 12-11.657 et Com., 8 avril 2015, n°
13-26. 734).
On notera en revanche que, l’hypothèque constituée pour autrui étant par nature limitée à la valeur du bien,
elle ne saurait être reconnue disproportionnée par la jurisprudence comme toutes les sûretés réelles pour
autrui Civ., 1ère, 7 mai 2008, n° 07-11.692 et Com., 24 mars 2009, n° 08-13.034
EN L’ESPECE, les enfants du couple Dupont sont sans doute des cautions non-averties et sont des
personnes physiques concluant un cautionnement avec un professionnel, mais l’on ne sait rien de leur
patrimoine ; on peut supposer qu’ils sont jeunes, tout au plus (voir Com., 3 mai 2006, n° 04-19.315, (F 4 ;
D 11)).
En revanche, les parents du mari, bien qu’ils soient des personnes physiques ayant conclu un contrat avec
un créancier professionnel, ont consenti une sûreté réelle pour autrui
=> ainsi les premiers pourraient théoriquement se prévaloir de la protection contre le cautionnement
disproportionné, à rebours des seconds.
C. Consommation (remarque)
Ici, on notera simplement que les faits du cas peuvent faire écho à certaines exigences en matière de crédit
à la consommation et immobilier de consommation. On pensera notamment à l’exigence pesant sur EC de
faire procéder à l’évaluation du bien L313-20 Conso°
Lorsque le prêteur procède ou fait procéder à l'évaluation du bien immobilier à usage d'habitation financé à l'aide d'un prêt
mentionné à l'article L. 313-1, il veille à ce que :
1° Celle-ci soit réalisée par un expert en évaluation immobilière justifiant de sa compétence professionnelle et indépendant
du processus de décision d'octroi du prêt afin de fournir une évaluation impartiale et objective ;
=> mais ici, de telles dispositions sont inapplicables, puisqu’elles ne concernent que les crédits consentis
pour financier une activité non-professionnelle L311-1, 2° Conso°, c’est une simple analogie