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XXX
ÉLIANE POIROT
Umschlaggestaltung:
© Olaf Gloeckler, Atelier Platen, Friedberg
Cover Design:
© Olaf Gloeckler, Atelier Platen, Friedberg
www.peterlang.com
Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
PATROLOGIA
BEITRÄGE ZUM STUDIUM DER KIRCHENVÄTER
Herausgegeben von
Andreas Spira†, Hubertus R. Drobner, Christoph Klock
Band XXX
ELIANE POIROT
Umschlaggestaltung:
© Olaf Glöckler, Atelier Platen, Friedberg
ISSN 0940-4015
ISBN 978-3-631-64822-3 (Print)
E-ISBN 978-3-653-05089-9 (E-Book)
DOI 10.3726/978-3-653-05089-9
© Peter Lang GmbH
Internationaler Verlag der Wissenschaften
Frankfurt am Main 2014
Alle Rechte vorbehalten.
Peter Lang Edition ist ein Imprint der Peter Lang GmbH.
Peter Lang – Frankfurt am Main · Bern · Bruxelles · New York ·
Oxford · Warszawa · Wien
1 ATHANASE, VA 7, 12-13.
2 A. de VOGÜÉ, Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’antiquité. t. 1, Paris
1991, p. 20.
6 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
VOLUME I
Introduction ......................................................................................................... 15
VOLUME II
Chapitre V. Le culte de saint Antoine dans l’Orient chrétien
Acathistes
1. Acathiste roumain composé par l’archimandrite Mélèce (Neamţ 1928) ...... 639
2. Acathiste roumain composé par le moine Petru Pavlov (Ploieşti 1933)....... 648
3. Acathiste grec composé par l’archimandrite L. Chatzicostas
(Chypre 2002)................................................................................................ 656
4. Acathiste grec composé par C. M. Bousias (inédit, Athènes 2009) ............. 665
1 Mt 19, 21.
2 G. BARDY, Antoine (saint), dans Catholicisme, t. 1, Paris 1948, col. 666. Cette apprécia-
tion est reprise par les éditeurs de La légende dorée, coll. Bibliothèque de la Pléiade,
Paris 2004, p. 1124.
3 MATTA EL-MASKÎNE, Saint Antoine, ascète selon l’Évangile, SO 57, 1993, p. 9.
4 ATHANASE, VA 10, 3.
16 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
5 La traduction de G. BARTELINK parue dans SC 400 est reprise dans C. BOUREUX, Com-
mencer dans la vie religieuse avec saint Antoine, Paris 2003, p. 209-260. La traduction
de B. LAVAUD, publiée dans Antoine le Grand, Père des moines, Fribourg/Lyon 1943,
puis dans Vies des Pères du désert, coll. Lettres chrétiennes 4, Paris 1961, a été reprise
dans SAINT ATHANASE, Vie et conduite de notre père Antoine, SO 28, Bellefontaine
1979, avec une introduction de G. COUILLEAU, et quelques corrections signalées p. 17-
18 ; puis dans Antoine le Grand père des moines, coll. Foi vivante 240, Paris 1989, avec
une présentation et quelques corrections de A. DE VOGÜÉ, p. XXIV-XXV ; réédité en 2007
[2009, 2011], coll. Trésors du christianisme. La traduction de R. ARNAUD D’ANDILLY,
reproduite dans R. DRAGUET, Les Pères du désert, Paris 1949, p. 1-74, est disponible sur
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/peres/antoine/viedesaintantoine.htm#_ftn1.
6 ANTOINE, Lettres, trad. par les MOINES DU MONT DES CATS, SO 19, 1976 ; MATTA EL-
MASKÎNE, Saint Antoine, ascète selon l’Évangile, suivi de Les vingt Lettres de saint An-
toine selon la tradition arabe, trad. par P. WADID et J. CHOLLET, SO 57, 1993.
7 M. HALBWACHS, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris 1925.
Chapitre I
VIES DE SAINT ANTOINE
Après l’essentielle biographie écrite par saint Athanase, nous présenterons des
textes issus d’autres sources qui mettent en relief certains aspects de la vie et de
la personnalité d’Antoine.
1. ATHANASE D’ALEXANDRIE, Vie d’Antoine (BHG 140-CPG 2101)
2. Vies arabes de saint Antoine
2.1. Vie du très saint abba Antoine traduite de l’arabe en latin par A. Ecchellensis
2.2. Légendes de saint Antoine traduites de l’arabe en latin par A. Bonhome
(BHLS 610bcdefg)
3. Les historiens ecclésiastiques : RUFIN, SOCRATE (CPG 6028), SOZOMÈNE
(CPG 6030), THÉODORET DE CYR (CPG 6222), GEORGES LE MOINE
4. Les biographes des moines : PALLADE, Histoire lausiaque 21-22 (BHG 140s-
CPG 6036) ; l’Historia monachorum in Aegypto (CPG 5620) ; Vie de saint
Paul l’ermite à Thèbes (BHG 1466-CPG 3636, BHG 1466a, 1467, 1467b,
1468, 1468b, 1468c, 1469, 1470) ; JÉRÔME, Vie de saint Hilarion (BHG
751z-CPG 3630, BHG 752, 753)
5. Les Synaxaires : byzantin, géorgien, arménien, copte, arabe-jacobite et éthio-
pien, et les Prologues d’Ohrid et roumains
Nous insérons dans ce dossier antonin oriental les Vies de Paul et d’Hilarion qui
présentent quelques éléments de la biographie d’Antoine, l’une, à propos de son
prédécesseur, l’autre, au sujet de l’un de ses disciples ; écrites par saint Jérôme,
elles ont été traduites et bien diffusées en grec et en langues orientales.
Il existe d’autres biographies orientales de saint Antoine que nous n’avons
pu prendre en considération. Une biographie, répertoriée dans la Bibliotheca
Hagiographica Graeca de F. Halkin : Manuscrit Vatopedi 86, fol. 1-45r (BHG
141a), XVIe s., est inédite.
De nombreux manuscrits arabes contiennent des Vies de saint Athanase, mais
la nature exacte de ces textes est encore inconnue ; « Mgr Graf énumère une série
de manuscrits contenant des Vies anonymes et en signale six autres qui
contiendraient la VA ; ces textes sont encore tous inédits, et les descriptions des
catalogues ne fournissent guère de renseignements permettant de les identifier1 ».
G. Garitte ajoute à cette liste une Vie arabe contenue dans deux manuscrits du
Sinaï (Sin. ar. 356, fol. 179r-214r et Sin. ar. 438, fol. 364v-433r).
1 G. GARITTE, « Le texte grec et les versions anciennes de la Vie de saint Antoine », dans
Antonius Magnus Eremita 356-1956, Rome 1956, p. 8.
18 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
2 Cf. H. DELEHAYE, Les origines du culte des martyrs, SH 20, 2e édition, 1933 (réimpri-
mé en 2004); ID., Sanctus. Essai sur le culte des saints dans l’Antiquité, SH 17, 1927
(réimprimé en 1970). R. AIGRAIN, L’hagiographie. Ses sources – Ses méthodes – Son
histoire, SH 80. Reproduction inchangée de l’édition originale de 1953, avec un Com-
plément de bibliographie par R. GODDING, 2000.
3 L’authenticité de cette Vie d’Antoine comme œuvre de saint Athanase a été contestée
par H. WEINGARTEN (Der Ursprung des Mönchtums im nachconstantinischen Zeitalter,
Gotha 1877, p. 10-22), puis par R. DRAGUET, éditeur de la version syriaque en 1980
(CSCO 417-418) et T. D. BARNES, « Angel of light or Mystic initiate ? The problem of
the Life of Antony », JThSt 37, 1986, p. 353-368, mais elle semble bien établie.
4 Pour l’authenticité de l’œuvre, cf. A. DE VOGÜÉ, Histoire littéraire du mouvement mo-
nastique dans l’Antiquité. t. 1, Paris 1991, p. 17, note 1 ; G. M. J. BARTELINK, Athanase
d’Alexandrie. Vie d’Antoine, SC 400, 1994, 20042, p. 27-42.
5 Dans les œuvres d’Athanase, il n’y a qu’une seule autre référence à Antoine : Histoire
des ariens 14 (PG 25,708). Dans l’index de la 10e lettre festale d’Athanase (337-338)
est mentionnée la venue d’Antoine à Alexandrie (R. LORENZ, Der Zehnte Osterfestbrief
des Athanasius von Alexandrien, Berlin 1986, repr. 2011, p. 3).
Chapitre I. Vies de saint Antoine 19
6 Cf. pour les différentes versions CPG 2101 et CPGS 2101. On peut ajouter pour la ver-
sion copte : T. VIVIAN, Coptic Life of Antony, San Francisco 1995.
7 G. GARITTE, Un témoin important du texte de la Vie de S. Antoine par S. Athanase,
Rome 1939 ; C. MOHRMANN, « Note sur la version latine la plus ancienne de la vie de
saint Antoine par saint Athanase », dans Antonius Magnus Eremita, Rome 1956, p. 35-
44 ; H. HOPPENBROUWERS, La plus ancienne version latine de la Vie de saint Antoine de
saint Athanase. Étude de critique textuelle, Nimègue 1960 ; G. J. M. BARTELINK, Vita di
Antonio, Rome 1974.
8 Pour la datation, cf. P. COURCELLE, Recherches sur « Les Confessions » de saint Augus-
tin, Paris 19682, p. 186, note 1.
9 PG 26, 835-976 et PL 72, 125-170.
10 AUGUSTIN, Confessions 8, 14-15.
11 Cf. G. GARITTE, « Le texte grec et les versions anciennes de la Vie de saint Antoine »
dans Antonius Magnus Eremita 356-1956, Rome 1956, p. 1-12.
12 Cf. A. EHRHARD, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homelitischen
Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16.
Jahrhunderts, TU 50-52, Leipzig 1937-1952.
13 G. GARITTE, S. Antonii Vitae versio sahidica, CSCO 117-118/Copt 13-14, 1949.
14 ATHANASIUS OF ALEXANDRIA, The Life of Antony. The Greek Life of Antony, The Coptic
Life of Antony and An Encomium on Saint Antony by JOHN OF SHŪM and A Letter to the
20 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Plusieurs manuscrits contiennent une version syriaque de la VA. Elle fut édi-
tée dans les Acta martyrum et sanctorum de P. Bedjan en 1895, ainsi qu’en tête
de l’édition du Paradis des Pères d’`Enānīšō` par E. A. W. Budge en 1904. En
1980, R. Draguet édite La Vie primitive de S. Antoine conservée en syriaque15.
Une étude sur la traduction syriaque des termes monacov" et a[skhsi" montre que
cette version reflète la théologie monastique du traducteur : elle intègre les tradi-
tions du monachisme égyptien et de l’ascétisme syriaque16.
Dès l’invention de l’alphabet arménien par Mesrop Maštoc`, vers 405-406,
de nombreuses œuvres patristiques furent traduites dont celles d’Athanase
d’Alexandrie († 373). Une version arménienne de la VA a été publiée en 1855
dans les Vitae Patrum de Venise, sans indication sur la source manuscrite. Elle a
été réimprimée en 1899 dans l’édition arménienne des oeuvres d’Athanase avec
l’addition du prologue et du premier chapitre de la traduction d’un autre manus-
crit, qui indique que la VA aurait été traduite en arménien en 45017.
En Géorgie aussi, dès le Ve siècle, un important travail de traduction fleurit.
Plusieurs recensions de la VA sont signalées18. Une édition est parue en 1970 à
Tbilissi19. D’après la Vie des fondateurs du monastère athonite d’Iviron, les
saints Jean l’Ibère et son fils Euthyme, écrite en 1045 par le hiéromoine
Georges, Euthyme « s’adonna à la traduction des livres, s’attirant une admira-
tion unanime. (…) le Bienheureux traduisait sans relâche, ne s’accordant aucun
repos ». La longue liste de ses traductions s’achève par « la Vie de saint Antoine
le Grand20 ». Notons que les autres Histoires monastiques géorgiennes traduites
en latin par P. Peeters évoquent elles aussi saint Antoine21.
22 G. GARITTE, « Le texte grec et les versions anciennes de la Vie de saint Antoine », op.
cit., p. 8-9.
23 L. LELOIR, « Premiers renseignements sur la Vie d’Antoine en éthiopien », dans Antidô-
ron. Hommage à M. Geerard pour célébrer l’achèvement de la CPG, Wetteren 1984,
p. 9-11.
24 L. LELOIR, « Le prophétisme ecclésial d’Antoine », dans After Chalcedon, Leuven
1985, p. 217-231.
25 Correspondance particulière du 15/12/2011.
26 SC 400, p. 12-13 et 427.
27 ATANASIE CEL MARE, Viaţa Sfântului Antonie cel Mare, trad. Ş. BEZDECHI, coll.
Comorile Pustiei 37, Anastasia, Bucarest 2000.
28 ATANASIE CEL MARE, Viaţa cuviosului Pǎrintelui nostru Antonie, trad. D. STǍNILOAE,
PSB 16, Bucarest 1988, p. 191-245. Cf. ibid., note 16, p. 17.
22 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
40 VA 54, 4.
41 VA 61.
42 VA 84, 1 ; cf. aussi VA 71, 2, la guérison d’une jeune fille tourmentée par le démon.
43 VA 19, 1-5.
44 VA 89, 4 : « il les exhortait (…) à vivre comme s’ils devaient mourir chaque jour » ; VA
91, 3 : « Vivez comme si vous deviez mourir chaque jour ».
45 1 Co 15, 31. Cf. VA 19, 2 ; 89, 4 ; 91, 3.
46 Cf. 1 Co 12, 10 ; VA 22, 3 ; 38, 5 ; 44, 1 ; 88, 1.
47 VA 87, 3. La tradition chrétienne, de l’Évangile à Vatican II, présente le Christ comme
médecin de nos âmes et de nos corps (cf. G. DUMEIGE, « Médecin (le Christ) », DS 10,
1980, p. 891-901). Les Constitutions apostoliques attribuent à l’évêque la fonction de
médecin (II,20, 72.75 ; II, 41, 34, SC 320, p. 203-205 ; 273), JEAN CLIMAQUE, au supé-
rieur du monastère (L’échelle sainte 4, 77.83.103 ; Lettre au Pasteur 4).
48 VA 36, 3-5.
49 VA 35, 4-5 ; cf. aussi VA 43, 2.
50 VA 67, 6.
51 VA 44, 1 ; 54, 7 ; 73, 4 ; 81, 6 ; 87, 3 ; 89, 4 ; 92, 3.
52 VA 42, 3-8.
24 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
viteur du Christ », d’« ami de Dieu », d’« homme de Dieu53 ». Cette dernière
expression associe Antoine à Moïse, Samuel, Élie, Élisée54.
Saint Antoine se retira du monde dans la solitude « pour y être martyr chaque
jour par le témoignage de sa conscience55 ». Cette substitution de la vie ascétique
au martyre du sang apparaît avant même la fin du régime de persécution. À ceux
qui craignent de mourir par la peste et non par le martyre qu’ils souhaitaient, saint
Cyprien répond : « Que l’âme ne participe pas au martyre, c’est une chose, mais
que le martyre ait fait défaut à l’âme, c’est un autre problème. (…) Ce n’est pas
notre sang que Dieu requiert, mais notre foi56 ». Pour Clément d’Alexandrie,
l’observation des commandements équivaut au martyre : « Si la confession de
Dieu est un témoignage, toute âme qui a vécu pure dans la connaissance de Dieu,
qui a écouté ses commandements, est un témoin à la fois par sa vie et par sa pa-
role ; de quelque façon que l’âme ait été délivrée du corps, car elle versait sa foi
comme du sang durant toute sa vie, et particulièrement à son départ57. Bien des
apophtegmes présentent la vie des Pères du désert comme un martyre. Par
exemple : « Abba Théodore de Canope d’Alexandrie disait : L’homme qui volon-
tairement se donne à l’affliction, je crois que Dieu le compte parmi les martyrs :
car les larmes lui sont comptées pour du sang58 ». Un apophtegme grec, Nau 600,
place sous le nom d’Athanase la parole suivante : « On dit souvent parmi vous :
Où est la persécution pour devenir martyr ? Sois martyr par la conscience, meurs
au péché, mortifie les membres terrestres et tu seras martyr d’intention ».
Les démons tiennent une grande place dans la biographie d’Antoine. Dans
son discours aux moines, Antoine insiste sur la lutte que les ascètes doivent me-
ner contre les démons, mais il ne faut pas les craindre :
S’ils nous trouvent joyeux dans le Seigneur, pensant aux biens futurs, méditant les
choses du Seigneur et réfléchissant que tout est dans la main du Seigneur, qu’un
démon ne peut rien contre un chrétien et n’a absolument aucun pouvoir contre per-
sonne, voyant l’âme en sécurité au milieu de telles réflexions, ils s’en retournent
honteusement59.
On peut noter que les versions éthiopiennes de la VA omettent les chapitres 12,
25 à 33 qui concernent les démons. « Le traducteur a probablement estimé que
ces longueurs étaient inutiles ; ce qu’Antoine disait avant et après sur la tactique
des démons et la manière d’y riposter lui est apparu amplement suffisant ; il n’y
avait pas motif d’insister davantage60… ».
Athanase donne en exemple plusieurs grandes figures bibliques : Moïse, Sa-
muel, Job, Élie et Élisée, pour montrer qu’Antoine possède leurs charismes61.
Quoiqu’elle ne comporte qu’une seule référence explicite au prophète Élie, plu-
sieurs passages de cette biographie montrent que le « Père des moines » chrétiens
entendait vivre dans le sillage du prophète vétérotestamentaire62. Dès le prologue,
les figures d’Élie et d’Élisée sont évoquées : « Je me suis hâté d’écrire à Votre Piété
ce que je sais moi-même – car je l’ai vu souvent – et ce que j’ai pu apprendre de
celui qui fut longtemps son compagnon et qui versait l’eau sur ses mains63 ».
En renforçant son ascèse, Antoine « se souvenait de la parole du prophète
Élie : Le Seigneur est vivant devant lequel je me tiens aujourd’hui64 ». Il faisait
remarquer qu’en disant „aujourd’hui”, Élie ne mesurait pas le temps passé, mais,
comme s’il débutait constamment, s’efforçait chaque jour de se montrer à Dieu
tel qu’il faut paraître devant Dieu : pur de coeur et prêt à obéir à sa volonté, et à
nulle autre. Il se disait : „L’ascète doit apprendre toujours de la conduite du
grand Élie, comme dans un miroir, la vie qu’il doit mener sans cesse65” ».
L’amour du désert leur est commun. Tous deux ont affaire au roi de leur
temps.
Élie est un modèle d’effort permanent pour vivre en présence de Dieu66,
dans la pureté de coeur et l’obéissance au Seigneur. Mais plus encore, il est le
prototype de la vie ascétique et érémitique. C’est dans le miroir de la vie d’Élie
59 VA 42, 7.
60 L. LELOIR, « Premiers renseignements sur la Vie d’Antoine en éthiopien », dans Antidôron.
Hommage à M. Geerard pour célébrer l’achèvement de la CPG, Wetteren 1984, p. 9-10.
61 Cf. G. J. M. BARTELINK, VA introduction, p. 49-53.
62 Cf. A. DE VOGÜÉ, Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’Antiquité chré-
tienne. Première partie : Le monachisme latin, Paris 1991, p. 49-55, 73-75, 78-79.
63 ATHANASE, VA Pr. 5 ; cf. 4 R 3, 11.
64 3 R 18, 15.
65 ATHANASE, VA 7, 12-13. Le passage « Élie ne comptait pas … obéir à sa volonté » est
repris par PROCOPE DE GAZA dans son Commentaire sur les livres des Règnes (cf. Le saint
prophète Élie d’après les Pères de l’Église, SO 53, 1992, p. 191 et 194), ce qui en accroît
la portée ; SÉVÈRE D’ANTIOCHE s’y réfère aussi (Hom 11, 11).
66 Cf. Apophtegmes, Antoine 28.
26 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
67 ATHANASE, VA 8, 1.
68 ID., VA 49, 2-5.
69 ID., VA 91, 8-9.
70 Cf. 4 R 1, 9 ; ATHANASE, VA 59, 2; 60, 1; 66, 1; 84, 2; 93, 5.
71 ID., VA 34, 2-3. Cf. A. DE VOGÜÉ, « La geste d’Élisée chez les premiers moines
d’Occident », Carmel, n° 71, 1994/1, p. 28-29.
72 VA 93, 3-6.
73 PG 25, 708-709.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 27
74 Pie XI, lors de l’inauguration d’une statue de sainte Thérèse dans les jardins du Vatican
(cf. B. BRO, Le murmure et l’ouragan. Une femme de génie, Paris 1999, p. 167).
75 Cf. M. ALEXANDRE, « La construction d’un modèle de sainteté dans la Vie d’Antoine
par Athanase d’Alexandrie », dans Saint Antoine entre mythe et légende, Grenoble
1996, p. 63-93.
76 G. J. M. BARTELINK, introduction à VA, SC 400, 2004, p. 47. Cf. B. BRENNAN, « Atha-
nasius Vita Antonii. A sociological interpretation », VC 39, 1985, p. 209 : « La Vita An-
tonii, comme pièce de littérature, est devenue le modèle hagiographique définitif ».
77 Cf. G. J. M. BARTELINK, ibid., p. 68-69.
78 P. LECLERC, dans JÉRÔME, Trois vies de moines, SC 508, 2007, p. 50.
79 SULPICE SÉVÈRE, Vie de saint Martin, éd., trad. et commentaire J. FONTAINE, SC
133-135, Paris 1967-1969 ; C. TORNAU, « Intertextuality in Early Latin Hagiography :
Sulpicius Severus and the Vita Antonii », Studia Patristica 35, Papers presented in Ox-
ford 1999, Leuven 2001, p. 158-166.
80 J.-M. BAGUENARD, dans Les Moines acémètes, Vie de saint Alexandre, SO 47, 1988,
note 2, p. 79.
81 G. GARITTE, Réminiscences de la Vie d’Antoine dans Cyrille de Scythopolis, dans Sil-
loge Bizantina in onore di Silvio Giuseppe Mercati, Rome 1957, p. 117-122.
82 B. FLUSIN, Miracle et histoire dans l’œuvre de Cyrille de Scythopolis, Paris 1983, p. 45.
83 G. J. M. BARTELINK, introduction à VA, SC 400, 2004, p. 100.
28 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
tique de Joseph Hazzaya est redevable à la VA84. Les deux Vies de saint Athanase
l’Athonite éditées par J. Noret se réfèrent à VA 10, 385.
La démonologie de la VA a joué une influence certaine dans l’hagiographie an-
tique, comme P. Boulhol a pu le montrer dans trois antiques Passions grecques86.
84 JOSEPH HAZZAYA, Lettre sur les trois étapes de la vie monastique, éd. et trad. par P.
HARB et F. GRAFFIN, PO 45/2, 1992, p. 274.
85 Vitae duae antiquae sancti Athanasii athonitae, CCSG 9, 1982, p. 109 et 199.
86 P. BOULHOL, Hagiographie antique et démonologie. Notes sur quelques Passions grecques
(BHG 962z, 964 et 1165-66), AB 112, 1994, p. 255-303.
87 G. J. M. BARTELINK, introduction à VA, SC 400, p. 37-42 et note p. 430.
88 Pour la date du discours 21, cf. J. MOSSAY, Grégoire de Nazianze, Discours 20-23, SC
270, 1980, p. 99-103.
89 GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours 21, 5, dans Discours 20-23, SC 270, 1980, p. 118-119.
90 PG 57, 89.
91 L. BROTTIER, L’appel des « demi-chrétiens » à la « vie angélique ». Jean Chrysostome
prédicateur : entre idéal monastique et réalité mondaine, Paris 2005, p. 62.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 29
92 Vita Pacomii prima, éd. F. HALKIN, SH 19, 1932, p. 77 ; trad. A.-J. FESTUGIÈRE, dans
Les moines d’Orient IV, 2, Paris 1965, p. 225.
93 Vita Pacomii altera 4, éd. F. HALKIN, SH 19, 1932, p. 169.
94 Cet apophtegme ne se trouve que dans la collection alphabétique.
95 Paroles et exemples des anciens. Recueil ascétique de Paul Evergetinos, II, 35, 1, 4,
t. 2, p. 257.
96 C. STEWART, Cassian the Monk, Oxford 1998 ; trad. roumaine, Cassian monahul, Sibiu
2000, p. 77 ; G. BUNGE, « In Geist und Wahrheit », Bonn 2010, p. 316-326.
30 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Cassien est un pont entre l’Orient et l’Occident, qui a transmis aux moines
occidentaux l’enseignement du « bienheureux (beatus97) Antoine », gardé à Scété,
tant à travers la VA et les Lettres, que par la tradition vivante. Cassien a été traduit
en grec. Vingt-six passages de ses écrits sont transcrits dans l’Evergetinos.
1.3.5. Evergetinos
Vers 1050, un nommé Paul fonde le monastère de l’Évergétis dans la banlieue
de Constantinople et compose un florilège spirituel, recueil de paroles et
d’enseignement des Pères, appelé habituellement « Evergetinos » (PE). Il a cir-
culé pendant plus de 700 ans dans de nombreux manuscrits et il fut édité pour la
première fois à Venise en 1783 par saint Nicodème l’Hagiorite, puis à Constan-
tinople en 1861, à Athènes en 1900, 1901, 1957-1958, 1983-1985, 1993. Il fut
traduit en roumain au monastère de Neamţ en 1797. Une nouvelle édition rou-
maine, en quatre volumes, a vu le jour avec la bénédiction de l’évêque Galac-
tion100. Une autre est en cours, bilingue (grec-roumain), en huit volumes par les
soins du monastère de Vatopedi101. Une traduction française vient de paraître102.
Une traduction anglaise en quatorze volumes est en préparation. Parmi les nom-
breux textes hagiographiques présentés dans ce florilège, se trouvent plusieurs
extraits de la VA, en particulier l’enseignement d’Antoine sur les démons.
97 Qualificatif souvent donné par Cassien à Antoine : cf. Inst 5, 4 ; Conf 2, 2.6 ; 8, 18-19 ;
14, 4 ; 4, 11-12.
98 Cf. A. EHRHARD, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen
Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16. Jahrhunderts,
TU 50-52, Leipzig 1937-1952. TU 50 : p. 247, 343, 423, 425, 533, 536, 540, 541, 543.
99 Proloagele, vol. 1, éd. N. VORNICESCU, révision B. GHIUŞ, Bacău 1999, p. 428 et 431.
Les Proloagele sont des livres qui contiennent les vies des saints avec des récits illus-
trant leurs vertus.
100 Everghetinosul, vol. 1-4, éd. Ş. VORONCA, Bucarest 2007-2009.
101 Everghetinos, vol. 1. Cartea 1 (Temele 1-25), Vatopedi 2007 ; vol. 2, Cartea 1 (Temele
26-50), Vatopedi 2010.
102 Paroles et exemples des Anciens. Recueil ascétique de Paul surnommé Evergetinos, trad.
N. MOLINIER, 4 vol., Monastère St-Antoine le Grand et Monastère de Solan 2009-2010.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 31
Notons que quelques paragraphes sur les rêves (PE IV, 20, 2, 10-16), indiqués
comme tirés de la VA, ne sont pas dans l’ouvrage d’Athanase. Le thème des dé-
mons qui se métamorphosent (PE IV, 20, 2, 11) est bien présent dans la VA (9, 5 ;
23, 3), mais les chapitres de PE IV, 20, 2, 10-16 ne sont pas une citation de la VA.
C’est un extrait des chapitres gnostiques de Diadoque de Photicé (chap. 37-39)103.
103 DIADOQUE DE PHOTICE, Œuvres spirituelles, éd. et trad. É. DES PLACES, SC 5ter, 1997,
p. 106-108. Je remercie Danièle AUGER qui a aimablement identifié ces chapitres.
32 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
107 Cette Vie arabe d’Antoine est donnée en latin par A. ECCHELLENSIS, Sapientissimi Pa-
tris nostri Antonii Magni abbatis Regulae, Sermones, Documenta, Admonitiones, Res-
ponsiones et Vita duplex, Paris 1646, p. 108-118. Sur A. Ecchellensis, cf. Annexe 1.2.
34 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
entendu cette remarque, Antoine ne répondit rien mais il fut profondément sur-
pris de n’avoir jusqu’à présent vu de moines ici ni d’avoir entendu quelque
chose de pareil. Alors, il se dit à lui-même : « Assurément, ce n’est pas en vain
que cette femme aura tenu ce propos ; en fait, c’est la voix de l’Ange de Dieu,
qui me fait des reproches. » Aussitôt il quitta ce lieu et, dans sa fuite, il se porta
dans la solitude intérieure ; c’est là qu’il passa sa vie solitaire ; en effet personne
d’autre jusqu’à présent n’avait encore pénétré dans cette solitude, sauf lui-
même. C’est pourquoi il se montra le premier de tous à avoir institué l’état mo-
nastique et à avoir appris à habiter la solitude et, de même, il fut le premier à
recevoir de la main même du Christ, notre Seigneur, la règle monastique, et il
fut équipé de l’habit monastique, vêtement des Anges humains, par lequel les
ennemis sont soumis. Or la solitude où habitait l’homme de Dieu était à trois
jours de marche de la ville d’Atpégia de la province d’Égypte, c’était là qu’il
s’était construit une petite cellule près d’un oued et où il passait sa vie ascétique.
À cette époque, il y avait dans cette ville d’Atpégia un homme du siècle,
noble et riche mais avancé en âge, dont l’épouse était décédée et qui s’était rema-
rié avec une jeune. Alors un jour, en rentrant chez lui, il la découvrit couchée avec
l’un de ses serviteurs et il lui dit : « Heureux celui qui te cède, femme, comme toi
à lui, puisque tu l’as choisi de préférence à moi. » Il prit alors son manteau et il
partit à l’aventure à travers le désert intérieur ; il erra longtemps jusqu’à ce que
par hasard il aborde à la cellule de saint Antoine. Or, quand il eut poussé la porte
et vu l’homme de Dieu, il fut profondément surpris car il n’avait pas jusqu’à pré-
sent vu quelqu’un avec cette sorte d’habit. Le saint, prosterné sur le sol, était en
prières ; il le salua puis il se releva, le réconforta et il eut une grande joie de sa
venue. Celui-là passa auprès de lui quarante jours à consacrer son soin à la reli-
gion parfaite et à la solitude exigeante. Quand ces jours furent passés, abba An-
toine lui dit : « Paul, rends-toi au sommet de la montagne, et demeure là-bas seul ;
commence à y sentir le goût de la solitude. » Paul exécuta aussitôt ce qu’Antoine
lui avait conseillé et il se fit un logement un peu comme une bergerie. Or, le jour
suivant, fut amené à saint Antoine un homme possédé par le démon ; quand il
l’eut examiné, il dit à ceux qui l’avaient amené : « Conduisez-le auprès de Paul,
homme de Dieu, pour qu’il le soigne, car, moi, je ne peux lui rendre ce service. »
Ceci fut le premier exemple d’obéissance. Ceux-ci agirent selon le conseil du
saint et amenèrent le possédé à Paul et lui dirent : « Ton maître, abba Antoine, te
demande de chasser ce démon de cet homme. » Or Paul était un homme très
simple ; c’est pourquoi il fit emmener le possédé en dehors de la montagne – le
temps était très chaud et le soleil brûlait fortement comme du feu – ; et il dit :
« Diable, je t’adjure de sortir de cet homme, comme me l’a appris Antoine, mon
maître. » Le diable, cet ennemi, se mit à parler par la bouche de cet homme, et à
se moquer et à blasphémer en ces termes : « Qui es-tu ? Qui est ton maître, cet
Chapitre I. Vies de saint Antoine 35
par le pouvoir de notre Seigneur Jésus-Christ. Alors quand il fut entré dans la
ville du roi, il s’assit devant la porte du vice-roi, comme un moine de passage.
Or la nuit approchait déjà quand le vice-roi rentra chez lui et, voyant l’homme
de Dieu, il lui accorda l’hospitalité avec humanité. Mais quand ils se furent mis
à table, voici qu’une truie, qui était élevée dans la maison du vice-roi, et qui
avait mis au monde des porcelets aveugles et un boiteux prit ses petits pour se
précipiter vers le saint et les mettre devant lui, qui parlant en langue lombarde
avec le vice-roi disait : « Penses-tu que le roi seul puisse procurer la guérison à
son fils ? » Alors il fit le signe de croix sur les petits cochons ; il cracha dans les
yeux des aveugles et ainsi leur rendit la santé. À voir cela, ceux qui étaient pré-
sents devinrent comme morts et sa renommée s’accroissant parvint jusqu’au roi.
Quand on lui eut humblement demandé de venir chez le roi, il rendit la santé au
fils de celui-ci et lui dit : « Sire, j’ai entendu dire que tu avais envoyé des mes-
sagers auprès d’Antoine, l’Égyptien, un imposteur ; c’est bien inutilement que tu
as engagé tes ressources et que tu as infligé à tes messagers la fatigue d’un long
voyage ; c’est pour cela que Dieu m’a envoyé auprès de toi. » Après cela, il fit
ses adieux au roi et retourna dans son monastère. Or le lendemain, les messagers
l’abordèrent pour lui dire : « Viens avec nous. » Il leur répondit : « Partez
d’abord, je vous suivrai. » Confiant dans ses paroles, ils rentrèrent chez eux,
après avoir enduré les grandes épreuves d’un si long voyage par terre et par mer.
En débarquant, ils apprennent que le fils du roi avait été guéri par un autre saint.
C’était bien l’intention d’Antoine pour écarter loin de lui tout orgueil et toute
gloire. Cependant Dieu ne voulut pas que ses mérites restent longtemps cachés
et la renommée de ses actes fut répandue par tout le territoire des Francs. Les
messagers furent émerveillés d’apprendre comment il fut transporté en une nuit,
comment il parla en langue lombarde et comment il put leur répondre le lende-
main ; ils louèrent Dieu.
Ce texte traduit par A. Bonhome112 a inspiré plus du quart des peintures que
Jean Macellard, sacristain de l’abbaye Saint-Antoine en Viennois de 1410 à
1417, a réalisées, illustrant les épisodes de la vie de saint Antoine sur un im-
mense panneau de lin offert à la vénération des fidèles les jours de fête. Ce pan-
neau fut copié dans deux manuscrits conservés l’un à la Bibliothèque de Malte,
l’autre à la Bibliothèque Laurentienne de Florence.
Le récit comporte deux épisodes qui ne dépendent pas de la VA d’Athanase :
la rencontre avec une reine démoniaque et tentatrice, le séjour d’Antoine à Bar-
celone pour guérir la famille royale et convertir le pays.
Cette légende s’ouvre par le récit d’une tentation, développement original
d’épisodes de la VA (§ 50 : culture d’un jardin endommagé par les bêtes sau-
vages ; § 10 : le Seigneur vient à son aide). La rencontre d’Antoine avec une
reine sortant du bain, entourée de ses suivantes : tel est le piège du diable tendu
au pauvre Antoine qui a quitté son petit paradis, l’ermitage et le jardin attenant,
pour aller vendre les paniers, travail de ses mains. Ce texte emprunte certains
traits de la « maqama113 » ou « séance », sorte de roman picaresque typiquement
arabe, qui apparaît dans la deuxième moitié du Xe siècle et qui culmine avec al-
Harīrī, au XIe siècle. Ce type de récit, où le héros, sage ou brigand, ascète ou bon
vivant, se tire des situations les plus scabreuses par la virtuosité de ses réparties
et par sa culture, n’est pas sans rappeler l’épisode d’Antoine aux prises avec la
Tentatrice. Le récit fournit à l’auteur l’occasion de décrire des scènes de la vie
quotidienne114, de présenter des exposés littéraires, théologiques, des sermons,
des harangues, etc. Les scènes de la ville et du palais évoquent les enluminures
réalisées en 1237 à Bagdad par Yahiā ibn Mahmūd al-Wāsitī. C’est un genre
protéiforme qui a beaucoup évolué jusqu’au XIIe siècle115.
La façon d’argumenter est médiévale ; c’est la disputatio scolastique sur le
mariage et le célibat. L’analyse du texte permet d’en retrouver les compo-
santes116. Cela concerne les § 12, 16, surtout 18, 19 avec l’exordium sermonis et
Ordre du récit
Le projet d’A. Bonhome, tel qu’il le présente dans son Prologue au cardinal Pierre
de Sotomayor, n’est pas sans ambiguïté ; en effet il lui écrit : « il (il s’agit de lui-
même) a traduit en latin un opuscule, qui contient l’histoire du combat merveil-
leux et extraordinaire que livra victorieusement saint Antoine contre le diable. Le
présent opuscule contient en outre les discussions et les arguments du diable pour
préférer le mariage à la virginité, dans le but d’inciter saint Antoine au mariage.
Tout cela le frère (toujours lui-même) l’envoie pour le réconfort de votre Sainte-
té117 ». À quoi renvoie « tout cela » ? À l’histoire du combat et aux discussions ou
aux discussions seules, on peut hésiter118. Voici trois arguments pour apporter une
réponse ; d’abord le critère d’A. Bonhome pour choisir ses extraits est que le con-
tenu n’en soit pas encore connu en Occident, ce qui n’est pas le cas du combat
d’Antoine contre le diable, connu par la Vie d’Athanase ; ensuite le texte qui suit
contient les discussions et non pas le combat. Et surtout l’affirmation d’A. Bon-
117 et transtulit in latinum libellum qui continet hystoriam de pugna mirabili et inusitata,
qualiter beatus Anthonius contra diabolum pugnavit ipsum vincendo. Continentur
eciam in presenti libello disputaciones et argumenta dyaboli matrimonium virginitati
preferentis, ut ad matrimonium beatum Anthonium inclinaret. Que omnia vobis ad sola-
cium mittit, ...
118 F. HALKIN, p. 162, note 1, après avoir éliminé que le combat livré par Antoine à une
armée de diables soit celui qui ait eu lieu en présence du roi de Barcelone, pense que
« la „bataille admirable et inusitée” dans laquelle Antoine remporta la victoire sur le
démon, c’est précisément la longue tentation dont on va lire le récit. » Son interprétation
paraît fondée sur le sens qu’il donne à transtulit in latinum libellum, « il a traduit dans
un opuscule en latin » au lieu de « il a traduit en latin un opuscule (en arabe) ». De plus,
il n’a pas perçu le sens technique de disputatio, cf. note 120.
40 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
home lui-même (§ 47) : « mon projet initial n’était que de traduire le dialogue ou
la discussion que le diable soutint contre lui. » Donc son projet initial était seule-
ment de traduire les discussions, sans le combat contre le diable.
À ce texte § 1-26, à l’origine du projet, est venu s’ajouter l’épisode du
Voyage à Barcelone (§ 28 - 46), qui se trouve à la suite et qui est inédit en Occi-
dent (Préface au § 29).
Puis, comme il lui reste du temps, A. Bonhome décide de traduire ce qu’il
n’a pas encore traduit, c’est-à-dire le début de l’ouvrage en arabe : « je voudrais,
(...) commencer au début la légende qu’on vient de lire, et faire quelques ajouts à
la traduction à son propos ; et ce qui se trouve après dans l’ordre de cet opus-
cule, est cependant avant dans l’ordre de la légende en arabe. »
Donc il est clair que les § 1 à 46 (en excluant les commentaires d’A. Bon-
home) constituent la fin de l’ouvrage en arabe et que les § 48 à 61 se situent
dans la première partie de l’ouvrage.
Si l’on tente de reconstituer l’ordre de l’ouvrage en arabe, il devait com-
mencer par l’Enfance d’Antoine § 48 à 54, et se terminer par l’épisode de la bai-
gneuse et le départ d’Antoine pour le désert intérieur. A. Bonhome précise § 54,
in fine, qu’à partir de là et avant de retrouver la suite des faits déjà traduits, il ne
va donner que des extraits pour rendre plus intelligibles ces premiers passages :
combat contre le diable et remise de la cuculle par le Christ (§ 55 et 56), un pas-
sage non traduit sur les combats contre les démons (§ 57 in initio), qui devait se
terminer par Les artifices des démons (§ 57 à 59), puis de nouveau, des passages
non traduits (§ 60 in initio) et enfin peut-être le récit intitulé « Comment An-
toine, lui-même, a agi contre sa réputation. »
Cet ordre de la narration correspond à celui de la Vita traduite par A. Ec-
chellensis. Dans cette dernière, le récit de la vie d’Antoine ne commence qu’à la
mort de son père, mais on retrouve l’épisode essentiel de la baigneuse, qui le
décide à aller dans le désert intérieur. L’épisode sur Paul, disciple d’Antoine, a
dû être omis par Bonhome. L’assaut du diable et des démons contre Antoine est
présenté dans les deux versions comme la continuation de la lutte contre
Adam119. Puis également, il y a la remise de la cuculle par le Christ. La discus-
sion sur la préférence à accorder au mariage ou à la virginité est totalement ab-
sente dans cette Vita. Pareillement, Antoine part guérir le fils d’un roi non pas à
Barcelone mais en Lombardie et son refus de la renommée clôt l’épisode ;
c’était peut-être aussi le cas dans le texte traduit par A. Bonhome.
Ce qui ressort de cette comparaison entre ces deux textes construits sur le
même schéma, c’est que l’épisode qui a retenu d’abord l’attention d’A. Bonhome,
***
120 Le mot disputatio est à comprendre avec le sens qu’il a dans la scolastique médiévale :
« discussion organisée selon un schéma dialectique sous la forme d’un débat oral entre
plusieurs interlocuteurs, en général devant un auditoire. »
42 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
concernant saint Antoine, sont parvenus si tard à l’oreille des Latins, je pense
pouvoir répondre que c’est parce qu’il y a eu très peu d’érudits qui soient en
plus123 des traducteurs de l’arabe en latin, en particulier, des gens qui, comme
moi, se sont rendus en Orient, où furent florissants les saints susnommés et où
leurs actes sont conservés par le renouvellement de la tradition et par les livres ;
c’est la même chose124 chez nous pour les actes merveilleux de saint François et
de saint Dominique : pour la même raison, c’est-à-dire le manque de traducteurs,
les Orientaux n’ont rien d’eux. Même saint Jérôme, qui connaissait le grec, le
chaldéen, l’hébreu et les écrits dans ces langues, alors qu’il était expert en latin,
a complètement ignoré la langue et les écrits arabes - or l’Égypte est en Arabie,
où saint Antoine et d’autres anachorètes furent florissants -, et ce qu’il nous livre
dans les Vies des Pères, il l’a recueilli pour l’avoir entendu des traducteurs mais
pas pour l’avoir lu125.
Pour ma part, au terme de cette lettre je fais humblement deux demandes de
tout mon cœur : premièrement, je prie Dieu d’exaucer les prières de ceux qui
vous aiment dans l’amour de charité et qui adressent à notre Seigneur leurs
prières pour la vigueur de votre esprit et le salut de votre âme ; secondement, je
supplie d’avoir la bienveillance d’excuser ma grande prolixité, alors que je suis
Galicien, surtout parce qu’après avoir étudié l’arabe, j’ai une double compétence
linguistique : c’est en effet une langue très agréable et plaisante qui apporte
beaucoup aussi bien pour la doctrine que pour parler à des savants. Et j’ajoute en
troisième lieu ceci, à savoir que Votre Grandeur ne refuse pas de recevoir cet
opuscule, présent très présentable126 en accord avec votre dévotion, en considé-
rant davantage l’expression de ma reconnaissance et de mon affection plutôt que
sa réalisation.
Fait à Famagouste le quinze février de l’année mil trois cent quarante et un
de notre Seigneur.
maintenant en ce lieu des moines qui vivent selon la règle d’Antoine ou de Ma-
caire, ce dont témoigne la multitude de moines dans de nombreux monastères.
Chez ces moines le dit frère a trouvé des légendes sur les saints Pères dans des
ouvrages nombreux et variés, fort importants ; ces livres contiennent de nom-
breux faits miraculeux sur la vie et la doctrine des saints de ces régions ; ils
n’ont pas été jusqu’à ce jour traduits en latin. Ce frère en a transcrit une grande
partie et il a traduit en latin un opuscule, qui contient l’histoire du combat mer-
veilleux et extraordinaire que livra victorieusement saint Antoine contre le
diable. Le présent opuscule contient en outre les discussions et les arguments du
diable pour préférer le mariage à la virginité, dans le but d’inciter saint Antoine
au mariage. Tout cela le frère l’envoie pour le réconfort de votre Sainteté, priant
humblement Dieu de lui venir en aide dans l’accomplissement de ses tâches et
de lui donner force et santé encore longtemps pour son Église et ses amis.
En l’honneur de notre Seigneur Jésus-Christ commence la légende merveil-
leuse que frère Alphonse, de l’ordre des prêcheurs, a traduite de l’arabe en latin
en l’an du Seigneur 1341, extraite de son importante et longue légende.
127 2 Th 3, 10.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 45
des bêtes sauvages : il travaillait en effet à ses rets et préparait ses lacs ; il avait
tout l’air d’avoir l’habitude de capturer des bêtes sauvages et de poser des
pièges. Antoine lui dit alors : « Fais-moi, je te prie, un piège pour attraper les
daims et les bêtes sauvages qui ont ruiné mon jardin. » Le diable lui répondit en
ces termes : « Volontiers, je vais te préparer un piège. Va où tu vas et n’aie pas
de crainte, car je vais faire mon possible pour toi et je vais te faire un piège qui
ira bien et j’espère qu’il te conviendra bien. » Et de là saint Antoine continua son
chemin, marchant dans le désert. Mais le diable, comme il le lui avait promis,
avait imaginé depuis longtemps de préparer pour saint Antoine des lacs et des rets
pour sa capture ; et il lui fit des lacs et des rets comme jamais aucun homme, de-
puis l’aube des temps jusqu’à cette heure, n’en a vus ou entendu parler.
3. Comme Antoine marchait ainsi, il trouva devant lui sur la rive d’un cours
d’eau, une dame, qui, selon l’apparence, jouissait d’une grande considération et
d’une grande estime. En effet elle était charmante à voir et elle avait avec elle
dix jeunes servantes et suivantes qui se baignaient dans le fleuve. La dame elle-
même semblait être sortie du fleuve après s’être baignée ; elle était à moitié vê-
tue et apparut en partie nue. Sitôt qu’il l’eut vue, Antoine détourna son regard et
se mit à fuir en rebroussant le chemin par lequel il était venu. Mais cette dame
cria après lui, en ces termes : « Homme de solitude, habitant de ce désert, au
nom de l’Homme-Dieu dont tu es le serviteur, arrête, ne fuis pas parce que cela
fait longtemps que je t’ai cherché et j’espère que tu vas m’enseigner la voie du
salut et que tu gagneras à la foi mon âme. Ne sais-tu pas combien est agréable à
Dieu la conduite des âmes vers le salut ? » À ces mots, saint Antoine revint vers
elle pour entendre ce que voulait dire cette femme. Et elle lui dit : « Tu as bien
agi selon ton devoir en revenant vers nous, père béni. Parce que l’homme bon
expose son âme pour son frère128. Ce degré de perfection convient à ta sainteté.
En effet, j’ai entendu dire de toi plein de hauts faits et je sais comment tu as
vaincu les démons orgueilleux. C’est pourquoi je te prie, père saint, de mettre
tout ton soin à sauver mon âme avant qu’elle n’aille à sa perte. »
4. Tandis qu’elle parlait, ses servantes se tenaient nues dans le fleuve,
comme si elles voulaient prêter attention à ce qu’allait dire leur maîtresse. Après
qu’elle se fut mise à crier contre elles, celle-ci leur fit des remontrances en ces
termes : « N’avez-vous pas honte ? Couvrez-vous ! Vous devriez rougir de vous
tenir ainsi nues devant cet homme saint que le Seigneur nous envoie pour que,
grâce à lui, nos âmes soient sauvées. » Et au commandement de leur maîtresse,
les jeunes filles sortirent du fleuve et se revêtirent de leurs habits. Alors saint
Antoine dit à la dame : « Toi, femme, couvre-toi, toi aussi. » Elle eut l’air de
rougir, puis se tournant vers saint Antoine, elle lui dit : « Saint et ami de Dieu, tu
je soigne toute sorte de maladie et d’infirmité, à l’exception d’un seul don qui ne
m’a pas été accordé : à savoir, je ne peux ressusciter les morts. » L’audition de
ces paroles suscita chez saint Antoine un grand émerveillement et il ne savait
que dire. Elle dit alors : « Tu t’étonnes de ce que je viens de te dire. Tu verras
tout de tes yeux avant de me quitter. Lève-toi et reste debout. » Saint Antoine se
leva et resta debout. La dame, elle aussi, et les jeunes filles se prirent par la main
et traversèrent avec lui le fleuve, marchant à pied sec sur les eaux. Le saint resta
interdit devant l’ampleur et la puissance du miracle, prenant surtout en compte
la condition de cette illustre dame et de ses servantes. Elles étaient en effet d’une
infinie beauté et pompeusement parées.
9. Or il y avait des guetteurs sur des tours à proximité de la ville : ayant vu
que leur dame avait traversé le fleuve, ils firent sonner trompettes et cornes en
direction de la ville. À ce signal, tous sortirent aussitôt de la ville, en courant à la
rencontre de leur dame, princes, dignitaires et plusieurs demoiselles en merveil-
leux apparat, et, en outre, une grande troupe de soldats en armes, dont les cui-
rasses et les armes brillaient d’un éclat étonnant, précédés de jeunes gens qui
caracolaient en tête sur des chevaux très rapides. Vint de partout une foule im-
mense qui louait sa dame et se réjouissait de façon variée au son d’instruments
de musique. Tous témoignèrent du respect à leur dame. En outre, on mit à sa
disposition un char merveilleusement équipé, dans lequel elle-même et les
jeunes filles montèrent : elles y firent avec grand respect monter saint Antoine
avec elles. C’est ainsi que tous, parvinrent à la ville parmi les manifestations de
splendeur et de joie. À l’entrée de la ville, ils trouvèrent des changeurs, devant
lesquels se trouvaient des anneaux d’or, d’argent, de tout130 ce qui est précieux,
et divers bijoux. Et continuant, ils trouvèrent des apothicaires, dont le quartier
était rempli : ils avaient divers aromates précieux et odoriférants, etc. Ils arrivè-
rent ensuite dans un quartier de marchands, où se trouvaient des étoffes pré-
cieuses de toutes les couleurs. Puis dans le quartier des armes où se trouvaient
une multitude infinie de fabricants et fourbisseurs d’armes.
10. Et lorsqu’on eut ainsi montré à Antoine toutes les richesses et les
marques de la puissance de la ville, il se dit en son cœur qu’il n’y avait pas de
ville aussi belle et aussi bien pourvue que celle-ci sur la face de la terre. En effet,
sans parler de ses richesses et de sa population considérable, toute la ville était
irriguée par des cours d’eau particulièrement limpides, et de merveilleuses fon-
taines étaient établies en divers endroits de la ville. Un aqueduc en marbre de
diverses couleurs se divisait par tous les quartiers et les places pour l’agrément
130 F. HALKIN a athétisé omnis dans le syntagme omnis preciosi, car il n’a pas vu que omnis
construit avec le génitif était le calque de la construction de l’ar. kull, « tout », qui se
construit en annexion avec un nom au singulier déterminé.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 49
tailleurs de pierre, des tailleurs, des cordonniers, de ceux qui travaillent l’argent,
le fer, etc., celui de la musique133 ; ces arts, nous ou ceux qui sont à notre ser-
vice, nous les possédons d’une façon ou d’une autre. Il y a aussi d’autres arts
qu’il serait trop long d’énumérer134. Mais outre ceux-là, il y en a qui ne viennent
pas de l’homme et qui n’existent que par le pouvoir de Dieu, comme guérir sur
le champ une fièvre et guérir des maladies naturellement incurables (même si
parfois des affections se guérissent naturellement, cependant ce n’est pas sur-le-
champ). Mais il y a d’autres œuvres qui sont toujours hors d’atteinte de la na-
ture, comme ressusciter les morts, inverser le cours d’un fleuve135, bloquer le
soleil136 et le faire reculer137, changer une espèce en une autre nature, comme
l’eau en vin138, les verges en or139 : car faire cela, Dieu en donne le pouvoir à ses
élus. C’est de ces œuvres que nous nous glorifions mais pas de la puissance dans
le monde, ni des réalités passagères de ce monde. »
13. Saint Antoine lui dit : « Tu as parlé avec grâce et beauté. » Elle répon-
dit : « Je suis sans grâce, mais je rends grâce au Seigneur Jésus-Christ de
m’avoir donné ma part avec les parfaits, et comme il a fait pour les autres saints,
il m’a donné le pouvoir de son art divin pour faire les œuvres susdites qui dépas-
sent ce que la nature peut faire. » Saint Antoine lui dit : « Tout à l’heure tu as
mentionné ce don que Dieu t’avait accordé, c’était quand nous étions de l’autre
côté du cours d’eau. » Elle répondit : « Qu’est-ce que pour moi de traverser un
fleuve à pied sec ? Aie confiance, sois ferme et constant : je vais te montrer mon
don tout de suite. Considère la beauté de l’art divin et le pouvoir énorme qu’il a
sur ses élus. » Elle donna alors instruction à ses serviteurs, par ces mots : « Dé-
pêchez-vous, courez et tout infirme ou malade que vous trouverez dans la ville,
amenez-le. » Ils partirent en courant et ramenèrent boiteux, aveugles, lépreux,
133 F. HALKIN athétise aussi musice, mais la construction syntaxique est ainsi : artes me-
chanice quarum (corr. pour quorum) ... musice, « les arts mécaniques, dont celui de la
musique ».
134 Cette classification des arts par la reine fait écho aux classifications médiévales qui ré-
partissent les artes en artes liberales, ceux du trivium et du quadrivium, et les artes me-
chanicae, dont le nombre et la liste varie selon les auteurs ; on trouve, par exemple, la
sculpture et l’orfèvrerie chez Alcuin.
135 Ps 113, 3.
136 Jos 10, 12-13.
137 Is 38, 8.
138 Jn 2, 7-10.
139 F. HALKIN p. 171, note 4 : « Alphonse doit avoir confondu les deux mots arabes qui
signifient l’un „or”, l’autre „fleur”. Son modèle faisait sans doute allusion à la verge
d’Aaron qui fleurit par miracle, Nb 17, 8 » [Nb 17, 8 selon Vulgate, Nb 17, 23 selon hé-
breu et LXX]. Effectivement, les deux mots arabes ont une ressemblance graphique sur-
tout si l’on compare le collectif de « fleurs » زھرau mot « ذھبor ».
Chapitre I. Vies de saint Antoine 51
140 Mt 9, 8.
52 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
et j’ai à cœur que n’importe lequel ait sa résidence dans sa localité. Je vais te
parler de mon abstinence : on apporte à ma table de magnifiques plats préparés
avec beaucoup de raffinement, selon le protocole royal, mais moi, je ne connais
rien de ces plats, mais je fais abstinence à cause de Dieu et je les fais distribuer
aux pauvres, comme il convient ; je ne prends rien sinon tous les trois jours et je
mange alors en une seule fois du pain avec seulement de l’eau. Et dans tout mon
royaume je fais régner la justice. » Antoine lui répondit en ces termes : « Ces
œuvres sont justes. » Et elle dit : « Je te prie, mon saint père, de me dire si, dans
ce que je t’ai dit tu reconnais un péché. » Le saint répondit en disant : « Les
œuvres que tu m’as énumérées sont bonnes et conformes à la raison, si tu persé-
vères jusqu’à leur accomplissement. »
15. Elle dit : « Maintenant je vais oser te parler de sujets plus intimes. Père
saint, prête attention à moi : je suis une femme d’une beauté exceptionnelle141 et
d’une parfaite tenue. En effet, il n’y a pas une seule tache à l’intérieur de tout
mon cœur142, et mes dehors ne dépassent pas ce que la beauté permet aux
femmes. Et il faut que tu saches, père saint, que moi et ce royaume, que tu vois
si riche et si glorieux, et qui a sous son autorité de nombreuses et grandes villes
que tu n’as pas vues, nous sommes prêts tous, dis-je, unanimement du même
avis, à t’obéir en tout et pour tout. » Saint Antoine lui dit : « Quel besoin avez-
vous de m’obéir et en quoi voulez-vous m’obéir ? » Elle répondit : « En raison
de ta sagesse et pour que tu nous gouvernes par ton avis : en effet, il y a près de
nous un roi qui m’est hostile à moi et à mon royaume, et cependant je ne vais
pas te cacher comment se manifeste son hostilité. Sache, père saint, que lorsque
mon mari est mort, de nombreux rois ont envoyé des messagers officiels pour
me demander en mariage, qu’ils promettaient une dot et offraient des présents
très importants et très précieux. Mais moi, j’ai méprisé tout cela et à tous j’ai
opposé mon refus. Au nombre des rois qui me firent demander, celui qui nous
agresse a fait plus de dépenses et s’est démené plus que les autres pour
m’obtenir. Et je dois te dire, père, mon péché : j’ai été fortement encline à plu-
sieurs reprises à leur donner mon accord, parce que je ne pouvais me passer d’un
homme pendant un temps aussi long, mais je me suis cependant fait violence à
moi-même et faisant retour sur moi-même, j’ai considéré alors les grâces que
j’avais reçues de Dieu et que tu as vues de tes yeux ; j’ai rappelé à ma mémoire
la sainteté de mon défunt mari et j’ai jugé totalement inconvenant que, pour des
réalités temporelles, qui sont passagères, j’accepte comme mari un pécheur. Et
avec désormais le soutien de Dieu, j’ai confirmé ma résolution de ne jamais ac-
cepter un mari s’il n’est pas un homme saint et parfait comme le fut le mien, lui
141 Ez 27, 3.
142 2 R 14, 25 ; Ct 4, 7 ; Dn 1, 4.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 53
qui faisait des miracles et des merveilles sur terre, qui soignait toute infirmité et
toute affliction143, et qui en plus ressuscitait les morts. Et j’ai vérifié moi-même
que tous les rois sont des pécheurs et qu’aucun d’eux n’a la grâce de soigner des
infirmes ou de ressusciter des morts, comme l’avait mon mari. C’est pourquoi je
me suis éloignée d’eux et bien qu’il me soit difficile d’observer la chasteté et la
privation, parce que, père, ma chair a de nombreuses tentations, je n’ai cepen-
dant pas voulu donner mon accord. Mais je vois que Dieu a eu pitié de moi
parce qu’il t’a envoyé à moi. Mais aussi Dieu t’a envoyé ici pour que tu reçoives
la grâce, le rang et l’héritage de mon mari ; et Dieu a même compassion de toi et
veut que ton corps, que tu as affligé par tant d’épreuves, se repose dorénavant
dans cet état de consolation après un si long état de misère. Dieu veut même
d’ailleurs que ton cœur trouve la paix loin de la lutte contre les démons que tu as
combattus si longtemps dans tant de dangers et de persécutions et que tu re-
çoives délices et gloire dans ce royaume-ci, avec moi et moi aussi avec toi. »
16. Et le diable mesurant que saint Antoine n’était pas touché, changea de
sujet avant que le saint ne répondît quelque chose. Et elle dit : « Je te demande
quelle utilité, dis-moi, il y a à habiter seul au désert, où tu ne trouveras pas
d’affligé pour avoir pitié de lui, ni d’affamé pour le nourrir, ni de prisonnier à
qui rendre visite et à délivrer, ni personne qui est dans la peine pour le consoler,
ni de victime d’injustice à défendre contre les torts et les procès qu’on lui fait ;
tu n’y verras pas non plus celui qui commet l’injustice pour te porter garant de
lui, ni l’attristé pour t’attrister avec lui ; tu n’y trouveras pas d’église à fréquen-
ter et tu n’y auras pas de quoi faire du bien aux cloîtres et aux monastères et
subvenir aux besoins d’autres pauvres. Pour tous ces cas, le Seigneur, dans
l’Évangile, a blâmé ceux qui n’agissent pas144. » Saint Antoine dit en réponse :
« Quelle conclusion veux-tu que je tire de ces paroles ? » Elle répondit : « Je
veux que tu acceptes ce royaume, que tu m’épouses et me prennes comme
épouse légitime. Tu vois que j’ai refusé les rois et les puissants qui m’ont de-
mandée, mais ils étaient pécheurs et n’étaient pas dignes de moi. Mais moi, je
viens à toi et je te demande, en raison de ta sainteté, parce que mon mari doit
être saint, comme l’était celui qui est mort ; et c’est pourquoi je veux que tu sois
mon mari et que je sois ta femme légitime, comme je te l’ai déclaré. Mais tu ne
veux pas comprendre ce qu’on te dit clairement et ouvertement. » Saint Antoine
dit en réponse : « Moi, je suis un vieil homme tout brisé et je n’ai ni les disposi-
tions physiques ni de cœur pour des choses comme celles que tu me mentionnes
et je ne puis en aucune façon avoir quelque inclination pour elles. En effet je te
dis que ces réalités magnifiques et précieuses sont pour moi choses viles et je
143 Mt 10, 1.
144 Mt 25, 42-43.
54 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
145 Lm 1, 14.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 55
un homme de Dieu. Mais il n’est pas vrai que de chastes et saintes femmes, qui
sont saintement unies par les liens du mariage, éloignent de Dieu un homme,
comme tu l’as dit par erreur. En effet, à la différence d’un sage, tu n’as pas fait
attention à ce que tu as dit. Tu veux en effet exclure les époux de la grâce du
Christ et de la gloire céleste. C’est inadmissible pour ta sainteté de continuer à
parler ainsi ! Et cependant, il n’y a rien d’étonnant à ce que tu parles ainsi. En
effet, vous, solitaires, vous perdez votre temps au désert, et vous n’étudiez pas
les divines Écritures, ni n’écoutez l’enseignement des sages. Je ne vais pas jus-
qu’à dire que tu ne sais pas, mais cependant ne tiens pas pour mauvais et ne
prends pour une impudence si je dis la vérité. En effet, je connais les livres de la
Sainte Écriture et j’en ai appris toute la science, et je vais réciter l’Ancien Tes-
tament, par cœur, mot à mot. Je vais commencer en effet, père saint, par la sainte
et merveilleuse loi de Moïse, à qui Dieu a conféré une autorité immense, pour
lui avoir parlé face à face. »
19. Tout en prononçant ces paroles, elle s’assit devant le saint et commença
ainsi l’exorde de son sermon146 : « Comme le dit l’Écriture : un frère aidé par
son frère est comme un bonheur solide147 ; et c’est pourquoi le péché est grand
pour celui qui connaît l’enseignement de ne pas en instruire son prochain. Et
c’est pourquoi dans le saint Évangile, quand le Christ parle du don de science, il
dit : „Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement148”, c’est comme s’il
disait : „Instruisez vos frères gratuitement, comme je vous ai instruits, moi-
même.” Néanmoins, père saint, je te parle avec un total respect et je vais te don-
ner des explications sur des éléments qui font partie de l’enseignement non pas
sur le mode de l’apprentissage mais du rappel. » Le saint répondit : « Quelle né-
cessité y a-t-il à ce que tu me dises cela gratuitement ? » Elle répondit, toute de
fausseté subtile : « Veille, père, à ce que tu pourrais dire, pour qu’il ne t’arrive
pas d’être du nombre de ceux qui ont repoussé la divine connaissance et ont dit à
Dieu : „Éloigne-toi de nous ; nous ne voulons pas de la connaissance de tes
chemins149”. Loin de toi, tout cela ! » Et elle ne permit plus au saint de répondre,
mais elle continua en ses termes : « Le Seigneur Dieu, quand il créa Adam du
limon de la terre, ne créa-t-il pas aussitôt, sur cette même terre, Ève ? Il est en
effet écrit : « Dieu envoya un sommeil à Adam et prit une de ses côtes et créa
Ève, et Adam dit : « Celle-ci est chair de ma chair et os de mes os150. Voilà le
témoignage de mon père Adam. Et si Dieu avait su que la femme aurait éloigné
Adam de Dieu, il n’aurait pas créé Ève, ni même la femme, mais il aurait créé
Adam tout seul ; ou du moins s’il avait voulu créer Ève, il aurait aussi prescrit
qu’elle devrait se tenir loin de lui ; s’il est vrai que Dieu a bonté et providence, il
aurait mis en garde Adam en ces termes : « Fais attention, et méfie-toi de la
femme »; et de même la femme : « Méfie-toi de l’homme. » Et nous savons bien
que Dieu est bon et qu’il n’a de haine pour aucune de ses œuvres, mais les aime
toutes. Il ne faut donc pas dire que la femme éloigne l’homme de Dieu. »
20. « Je vais te donner davantage d’explications à ce sujet. Pour qui connaît
les Écritures151 il est clairement dit qu’Adam ne fut pas éloigné de Dieu à cause
de l’acte conjugal, mais à cause de sa désobéissance, parce que tous deux man-
gèrent à l’arbre défendu152. Et Dieu prescrivit à Noé de faire une arche ; Dieu
l’aima, mit sa joie en lui, veilla sur lui, et enjoignit aux bêtes, aux oiseaux, aux
reptiles et à tous les animaux d’entrer avec lui dans l’arche ; et il bénit de sa
main sainte Noé, qui était accompagné de sa femme et des femmes de ses fils153.
Si donc les femmes éloignaient l’homme de Dieu, Dieu ne les aurait pas intro-
duites dans l’arche avec eux. Encore un autre argument à propos de David le
grand prophète : Dieu lui donna un renom plus grand qu’aux autres prophètes, et
il en témoigne lui-même quand il dit : « J’ai trouvé un homme selon mon cœur,
David, fils de Jessé154. » Et pourtant David n’eut pas assez d’une ou deux
femmes, mais il en eut plusieurs. Et il prit même la femme de son fidèle soldat
dont il provoqua la mort ; et il agit non seulement contre Dieu, mais bien contre
les hommes et les lois des hommes. Et cependant Dieu fut en colère contre lui,
non à cause de la femme, mais parce qu’il a fait tuer son mari. Pour le signaler
particulièrement, Dieu n’effaça pas son nom de la liste de ses saints ; au con-
traire, Dieu, après cela, l’aima tant qu’il l’appela son fils : et cette femme lui en-
fanta Salomon155. Et ce même Salomon ne se contenta pas d’une seule femme,
mais en eut mille156 ; et, en plus, il employa toute la subtilité de la ruse pour sé-
duire une reine du Sud157 ; l’Évangile, qui est juste, témoigne pour lui et dit qu’il
150 Gn 2, 21.23.
151 Sg 11, 25.
152 Gn 3, 17.
153 Gn 6, 14-20 ; 7, 7.
154 Ac 13, 22.
155 Ps 2, 7 ; 2 R 12, 24.
156 3 R 11, 3.
157 3 R 10, 1-13.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 57
se lèvera lors du jugement et viendra juger les hommes158. Et Dieu n’a pas tenu
compte à Salomon de tout cela ; au contraire, il l’aima tant qu’il le rendit digne
de commencer et d’achever le temple de Dieu, et, en plus, il lui donna une telle
sagesse que grâce à lui se construit aujourd’hui l’Église de Dieu tout entière. »
21. « Et que dis-tu de Moïse, le premier des prophètes, à qui Dieu a parlé
soixante-douze fois159, comme un homme parle avec son ami160 ou avec son
frère, lui a aussi eu une femme et des fils161 ? Et que dis-tu de Melchisédech,
devant qui le feu descendit du ciel et féconda l’eau en sa présence162 ? Et que
dis-tu du père des pères, Abraham, qui eut trois femmes163, qui est appelé ami de
Dieu164, qui a invité Dieu ? Car il y avait avec Dieu à table, Abraham, Michel et
Gabriel ; Abraham leur servit un veau que l’on avait fait cuire et pareillement un
boisseau de farine165. Après qu’ils eurent mangé, ils lui déclarèrent qu’ils con-
naissaient ses souhaits inouïs : avoir un fils, Isaac. Et cet Isaac, annoncé et pro-
mis par Dieu, eut trois femmes, et ce même Isaac fut celui que Dieu délivra de la
mort en pourvoyant au sacrifice par un bélier pour le remplacer166. Et que dis-tu
de Jacob, qui mérita de lutter avec Dieu et l’emporta dans la lutte contre Dieu
qui le bénit en disant : « On ne t’appellera plus désormais Jacob, mais Israël sera
ton nom » ? Et il eut quatre femmes167. Et si les femmes séparaient les hommes
de Dieu, Dieu ne leur aurait pas parlé avec tant de proximité ni ne se serait lui-
même montré à eux. Joseph aussi eut des fils et des filles ; Dieu fit de lui un po-
tentat en Égypte et c’est grâce à celui-ci que son père et ses frères survécurent
quand sévit une famine sur toute la terre et que seule l’Égypte en échappa en
raison de la prévoyance de Joseph168. Et que dis-tu du chef des apôtres qui fut
marié et que le Seigneur appela Cephas ? C’est à lui que le Seigneur donna les
clefs du royaume des cieux, confia le soin de ses brebis et dit : « Tu es Pierre et
sur cette pierre169, etc. » Et encore, en plus de ceux qu’on vient d’énumérer, bien
d’autres furent mariés qu’il serait trop long de passer en revue. »
22. « Mais voyons nos autorités. N’as-tu pas entendu dire dans le saint
Évangile, qui est fleuve de vie, que l’homme quittera son père et sa mère et
s’attachera à sa femme170 ? Si la femme éloignait l’homme de Dieu, Dieu ne les
auraient pas unis, mais séparés. Et n’as-tu pas, père saint, entendu l’Évangile
dire ailleurs : « Des fils viendront de l’Orient et de l’Occident, et prendront part
au festin avec Abraham, Isaac et Jacob171 ? Il n’a pas dit : « Dans le sein
d’Antoine, maître du désert » ; il n’a pas dit : « Dans le sein de ses fils, habitants
du désert et de la solitude, les moines bien sûr, qui supportent sans défense
l’ardeur de l’été et les rigueurs de la solitude ». Mais il a dit : « Dans le sein
d’Abraham172, qui a bien eu femme et fils. Comprends-tu, père saint, mes pa-
roles ? Pourquoi t’affliger toi-même ? Approche-toi de moi sans tarder, montre-
toi viril et goûte mes charmes pour lesquels je suis sans pareilles et le serai à ja-
mais. Prends courage, sois vigoureux173, réveille ton ardeur et vivifie ton âme :
la jeunesse que tu as détruite par les épreuves et les afflictions, reviendra, et tu
auras une seconde vie dans ce monde. »
23. Saint Antoine sous l’effet de son regard et la persuasion de ses paroles
commença à mollir. En effet, en plus des paroles ici rapportées, elle en avait dit
de telles et de telle manière que les montagnes seraient tombées et se seraient
liquéfiées si elles l’avaient comprise et l’avaient entendu discourir. Comme
celle-ci avait vu le saint vaciller dans sa position et pas loin de fléchir, elle fit en
sorte de s’approcher de lui, et impudemment elle lui envoya ses parfums au vi-
sage ; et l’estimant près de tomber, elle tendit la main et saisit sa cuculle174 : en
d’autres termes, elle tirait sur son scapulaire pour le dévêtir. Le saint retint son
habit vivement de ses deux mains et dit à cette femme : « Lâche-moi parce que
je te dis que je ne lâcherais pas cet habit même si tu me donnais avec cette ville,
ton royaume et tous les royaumes du monde. En effet je trouve plus de consola-
tion dans cet habit et de réconfort par lui que ni le ciel ni la terre n’auraient pas
plus de valeur pour moi que cet habit dont me revêtit notre Seigneur Jésus-
Christ de sa propre main, après que les démons m’eurent frappé ; et quand il
m’en revêtit, il me dit : « Cet habit brisera toutes les forces de l’ennemi et sa vo-
lonté de mal faire, il dissipera les os du démon et réduira son armée tout entière
en poudre. Si je déposais cet habit, quelles armes me resterait-il contre le
diable ? Cela ne sera jamais. »
24. Saint Antoine se signa alors du signe de la sainte croix et la femme se
mit à trembler. Elle recommença cependant à le tenter et à attraper le scapulaire
pour le lui enlever : elle ne pouvait plus, à cause des tremblements de sa main,
s’en emparer comme auparavant. Saint Antoine comprit alors qu’elle était le
diable et fut vraiment glacé d’épouvante. Il lui dit : « Maintenant je comprends
que tu es l’ennemi. » Et il cria en hurlant de toute la force qu’il pouvait, ces pa-
roles : « Ô Seigneur Jésus-Christ, aide-moi, viens vite à mon secours, ne
m’abandonne pas. » À ces mots, la femme fut transformée sous ses yeux en une
grande montagne noire et des feux jaillirent de ses flancs et d’effroyables fu-
mées s’en échappèrent. Et se rassemblèrent contre le saint pour lui faire la
guerre tous les démons qui auparavant avaient été vus dans la ville sous
l’apparence d’hommes et de femmes, et ils crièrent tous ensemble d’une manière
effroyable : « Méchant vieillard, vile poussière, terre de rien, voici que par ta
puissance, tu as bouleversé de fond en comble nos projets, tu as détruit nos lacs
et nos rets, tu as jeté à terre notre piège. » Et aussitôt, en poussant des violents
hurlements, ils firent une charge furieuse, se jetèrent sur lui, le frappèrent dure-
ment, et le tirèrent sans respect par les pieds à travers le désert, ne cessant de le
tourmenter de la neuvième heure de ce jour jusqu’à la neuvième du lendemain.
25. Le surlendemain, au lever du soleil, le saint gisait renversé et ne pouvait
se relever de terre. Il invoqua le Seigneur en ces termes : « Ô Seigneur Jésus-
Christ, secours-moi, aide-moi parce que la force a quitté mon cœur, et je ne peux
me tenir sur mes pieds. » Alors le Seigneur Jésus lui apparut et lui dit : « Que tu
sois sauvé, Antoine, courageux athlète175, à la réputation hors du commun ! Tu
as triomphé des artifices de la force ennemie ; tu as broyé toutes les armes dans
lesquelles elle avait mis son entière confiance. Tu es bienheureux, et nombreux
seront ceux qui seront bien grâce à toi. En effet dès maintenant tu es digne d’être
l’intendant de la grâce de mon trésor et d’avoir la révélation des mystères. De
même que tu m’as toujours eu à l’esprit lors des tentations du démon, de même
j’aurai à l’esprit le bien et la paix à ton égard. Sache, Antoine, que je t’ai cou-
ronné de la couronne des anges et t’ai ceint de la ceinture de lumière ; je t’ai
donné le pouvoir sur tous les habitants de la terre, sur toutes les bêtes de la terre,
sur tout ce qui vole dans le ciel ou qui se déplace en rampant sur terre. Et tous
connaîtront que ta force est grande. Qui aura invoqué ton nom et qui aura eu
175 De nombreuses réalités païennes ont été converties très tôt au christianisme ; pour le
vocabulaire du cirque, on trouve agon, athleta, corona, diadema, etc.
60 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
confiance en toi dans ses propres tribulations, moi, je les délivrerai à cause de
toi. Dès maintenant, j’ai enjoint au feu d’être le serviteur et le gardien de ton
église, et j’ai même placé comme gardiennes des légions d’anges qui consume-
ront par le feu ceux qui se moquent de toi et te causent des dommages. » Saint
Antoine répondit en ces termes : « Que ta miséricorde soit avec moi et que tu ne
t’éloignes pas de moi ; Seigneur mon Dieu. » Et le Seigneur Jésus-Christ de sa
main saisit la main de saint Antoine, qui se trouva aussitôt guéri de toute bles-
sure que lui avait infligée l’ennemi ; et il se leva de terre, fortifié et rempli du
saint Esprit, et dit : « Que le nom du Seigneur soit béni pour l’éternité176. »
26. Et recouvrant la vue, il ne trouva personne près de lui dans la solitude du
désert, rien, non plus, si ce n’est le panier auquel il travaillait auparavant ; il le
trouva traînant par terre. Il le ramassa et se mit à retourner à son monastère. En
chemin, il rencontra un de ses disciples, qui d’ordinaire vendait les corbeilles et
les paniers des moines. Il lui donna ce panier pour aller le vendre : il allait en
effet vers une oasis, autrement dit, une zone habitée177. Il le chargea des com-
missions dont il avait besoin et il partit. Et tout en marchant, le saint rencontra le
chasseur de daims. Le saint lui dit : « Homme, m’as-tu fait le piège pour lequel
je t’ai fait venir ? » Et il lui dit : « Oui, je te l’ai fait, pour toi qui bouleverses et
crucifies les démons, ce fameux piège ; mais il est clair que et les rets et les lacs
que j’avais placés pour te tendre un guet-apens, tu les as complètement brisés et
rompus. Écarte-toi de moi, dit le tentateur, ne me crucifie pas. » Et à ces mots,
celui qui semblait être un homme, fut transformé en sa présence en colonne ou
en statue grossière et énorme. Comprenant que c’était le diable, le saint cracha à
la figure de Satan et se signa du signe de la sainte croix ; et cette colonne devint
comme ardente, le désert apparaissant tout entier plein et embrasé du feu de la
géhenne. Après qu’elle se fut dissipée, le saint resta tout seul, sain et sauf, sans
aucune lésion ; et il loua Dieu et magnifia son saint nom. Puis de retour, après
cela, dans sa cellule, il continua de rester constant dans le service de Dieu ; et il
réconforta de sa parole et de ses actes tous les frères et les autres hommes qui lui
rendaient visite, et il leur enseigna d’être en permanence au service du Christ et
d’avoir une confiance constante au milieu de toutes leurs tribulations, parce que
jamais il ne laisse ceux qui espèrent en lui sans l’espoir de sa miséricorde. Mais
toi, Seigneur, aie pitié de nous.
176 Ps 112, 2.
177 Le commentaire qu’A. BONHOME ajoute à sa traduction de populatum, « oasis » peut
sembler inutile. En fait, il se sent obligé d’expliciter le sens qu’il entend donner au mot
latin populatum, qu’il utilise pour traduire littéralement l’arabe wāḥa, emprunté au
copte ouch, sur une racine signifiant « habiter ».
Chapitre I. Vies de saint Antoine 61
181 PS.-BOÈCE, Elench. 2, 9 : Nam eorum quae inueniuntur omnium, quae quidem ab aliis
sumpta sunt prius, elaborata paulatim incrementum sumunt ab aliis qui postmodum ac-
cipiunt ; ... « En effet de toutes les découvertes, les unes, entreprises d’abord par les
uns, peu à peu reçoivent, après avoir été retravaillées, un apport d’autres qui les recueil-
lent par la suite ... »
182 Ac 5, 55.
183 Tb 8, 3.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 63
184 Aucun patriarche d’Alexandrie n’a porté ce nom. Est-ce une faute de lecture d’A. Bon-
home ?
64 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
propos des malades que comptait la maison du roi, parce que s’il venait à
l’apprendre, jamais il ne consentirait à leurs requêtes ; en effet il fuyait la gloire
autant que cela lui était possible. Le saint leur répondit avec beaucoup de bien-
veillance en ces termes : « Je ferai volontiers ce que demande votre maître le roi.
Allez en paix et faites-lui savoir que je vais venir à lui. » Et avant de le quitter,
ils virent des bêtes sauvages venir du désert et entrer dans son ermitage avec
leurs petits, comme si elles étaient apprivoisées. Car il lui était ordinaire et fami-
lier que même les bêtes indomptées de la forêt, comme les lions, les loups et les
autres bêtes viennent à sa cellule avec la même sécurité qu’à leur propre repaire
et cela non plus en raison d’un miracle, mais par habitude ; et lui-même, il gué-
rissait leurs maladies quand elles en avaient besoin.
33. Et en dehors de ce miracle, ces ambassadeurs ne virent rien d’autre
quoiqu’ils aient fortement désiré voir qu’il fasse quelque prodige185 ; mais le
saint fuyait les regards des hommes quand il faisait des prodiges, et il veillait
surtout à ne rien faire devant des étrangers, de peur qu’ils ne le divulguent. Et
bien qu’ils aient entendu parler de cela à son propos, ils n’osèrent pas lui poser
de questions, mais ils lui demandèrent humblement sa bénédiction, qu’il leur
donna. Et ils prirent le chemin du retour, certains qu’il tiendrait sa promesse.
Quant à lui, il entra dans sa cellule. Les ambassadeurs arrivèrent à Alexandrie et
racontèrent au maître patriarche comment s’était passée leur rencontre avec le
saint. Celui-ci se réjouit vivement et leur dit : « Tout ce qu’il vous a dit, le saint
l’accomplira. En effet son dire est son faire. » Et ayant reçu congé du maître pa-
triarche, ils prirent la mer. Et ils abordèrent en Sicile avec grande difficulté ; ils
ne purent quitter l’île durant de nombreux jours en raison d’un temps contraire.
34. Quant au bienheureux Antoine, il rassembla ce même jour autour de lui
tous ses disciples dispersés à travers l’ermitage et leur dit comment étaient venus
à lui des ambassadeurs du roi de Barcelone et comment il leur avait promis qu’il
irait le voir dès qu’il le pourrait. Ses disciples répondirent : « Tu sais, père, ce
que tu dois et peux faire, quoique cela ne nous semble pas bon et ne nous plaise
pas. Et sache, père, qu’ici on t’appelle Antoine et que là-bas on t’appellera
Anton »,
parce qu'Antoine est le nom d'un garçonnet ou d'un enfant, mais cependant c'est un
grand nom186.
185 Lc 23, 8.
186 L’explication du nom est donnée comme un commentaire d’A. BONHOME. C’est la
forme du nom d’Antoine en arabe qui permet cette interprétation, cf. la note sur le nom
d’Antoine, Annexe 1.1. Voir aussi Apophtegmes, Antoine 31 pour ce même type
d’argument.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 65
35. Et quand il fut assez loin d’eux pour qu’ils ne le voient plus, Dieu lui
envoya une nuée lumineuse sur laquelle il monta. Elle l’emporta et le déposa à
la troisième heure de cette même nuit dans le parc de la maison du roi de Barce-
lone, (il était pourtant tard quand il quitta ses disciples). Il approcha et frappa à
la porte du château du roi. Quelques-uns des gardes sortirent et dirent : « Que
veux-tu, homme ? » Il leur répondit en ces termes : « Je veux dire à votre roi
quelques mots secourables et de grande utilité pour lui. » Et eux, tout en
l’écoutant, annoncèrent cela au roi. Mais le roi, ne pensant nullement à saint An-
toine parce que ses ambassadeurs n’étaient pas revenus, répondit aux gardes :
« Dites courtoisement à cet homme qu’il prenne patience jusqu’à demain matin,
parce que, pour l’heure, je ne puis le recevoir, étant trop occupé. »
36. Saint Antoine, quant à lui, alla chez l’un des personnages de la cour, qui
était haut placé au service du roi, et frappa à sa porte ; aussitôt on lui ouvrit et il
demanda à parler au maître de la maison ; il fut aussitôt introduit. Comme ils
commençaient à parler tous les deux, voici que vint une truie qui, cette même
nuit, avait mis bas des petits aveugles et sans pattes antérieures ; et elle portait
dans sa gueule un de ses petits et, en poussant un cri strident, elle arriva jusque
devant saint Antoine. En effet lorsqu’elle avait entendu le saint parler, elle avait
couru à lui, faisant entendre comme une plainte. Le maître de l’hôtel s’appelait
André. En pleine fureur, il tenta de chasser la truie, qui ne voulait reculer ni de-
vant les coups ni devant les injonctions. Et le saint lui dit : « Laisse-la ; ce
qu’elle veut et ce qu’elle désire, c’est que je fasse quelque chose pour sauver son
petit ; c’est aussi le désir du roi, ton maître. » Le saint prit alors la main du gou-
verneur, lui fit faire le signe de la croix et il la posa sur les yeux du porcelet qui
aussitôt trouva la vue et il reposa sa main à l’endroit de la malformation, et les
pattes de devant lui poussèrent.
37. Et le gouverneur André fut totalement stupéfait et commença à considé-
rer le saint. Et le saint, instruit de la langue franque sous l’effet de l’Esprit-Saint,
lui dit : « Qu’as-tu, André, pour t’étonner autant de la magnificence de notre
Seigneur Jésus qui a manifesté sa miséricorde dans cette bête faible et infirme,
qui n’avait pas de langue pour parler ? » André dit : « Mon Seigneur, qui es-tu
que je t’annonce à mon roi ? » Et saint Antoine lui dit : « Le roi m’a fait appeler
par ses ambassadeurs. » Le gouverneur lui dit : « Mon Seigneur le saint, à quel
propos t’a-t-il fait venir ? » Le saint lui dit : « Pour son salut personnel et celui
de sa maison. » Quand il entendit ces paroles, le gouverneur lui dit : « Serais-tu
le grand Anton, étoile du désert ? » Le saint lui dit : « C’est pour cela que les
mots que je viens de dire étaient pour que tu te rappelles et que tu comprennes
que c’est pour moi que les ambassadeurs ont été envoyés. Je suis un Égyptien
qui aime le monde plus qu’il ne le doit ; et là-bas je m’employais à construire un
monastère pour mes fils, à qui je désirais donner l’exemple. Mais il me semble
qu’il serait inconvenant que tu entres chez le roi, qui est certainement à cette
heure dans son lit. » Le gouverneur lui dit : « Ne dis pas cela, mon Seigneur,
parce que mon maître a envoyé vers toi comme ambassadeurs défrayés de leur
traversée, des hommes importants et vénérables et il les a chargés très exacte-
ment de te solliciter : et tout de suite ce ne sera pas un problème pour lui
d’apprendre que tu es ici ; bien mieux, je pourrais être accusé de négligence si je
ne le prévenais pas aussitôt. » Le saint lui dit : « Fais comme il te semble, va lui
parler. Et fais, toi-même, une prière pour le fils du roi en invoquant le Seigneur
Jésus-Christ, et le démon sortira de lui. »
38. Le gouverneur sortit, obtint aussitôt d’entrer chez le roi et lui fit part de
tout ce qui avait été dit. Il fit une prière pour le fils du roi, qui fut guéri. Et cela
eut lieu avant minuit. Le roi se leva aussitôt pour venir saluer le saint respec-
tueusement, et le saint le bénit. Et au même moment, le saint vint avec le roi
dans son palais prier pour sa femme et sa fille, et aussitôt les démons sortirent
d’elles en criant : « Malheur à nous à cause de toi, Anton. » Avant qu’ils aient
pu achever de prononcer le nom du saint, celui-ci leur dit : « Taisez-vous au
Chapitre I. Vies de saint Antoine 67
188 Jn 8, 44.
68 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Attaque-le, parce que je t’ai donné pouvoir sur lui. » Et le Seigneur Jésus-Christ
disparut. Cela, le diable l’ignorait. Alors saint Antoine n’hésita pas à
s’approcher de ce moine et lui dit : « Toi qui fais ces miracles et ces exploits en
nombre, guérir les infirmes, rendre la vue aux aveugles, ressusciter les morts, à
la vue de toute la foule de cette cité, viens vers moi, touche-moi la tête parce
qu’un mal de tête s’est emparé de moi ; prie et je suis guéri. » Le diable n’osa
pas s’approcher de lui. Le saint lui dit : « En vérité, je sais que tu es l’Ennemi. »
Et s’armant du signe de la croix, il posa ses mains sur le moine et le tint en di-
sant : « Je t’adjure au nom du Seigneur Jésus-Christ de ne pouvoir changer ton
apparence tant que je ne te laisse pas partir. » Alors le saint souffla sur sa face,
et le feu brûla son front, ses sourcils, sa barbe et le calecuec (c’est-à-dire le sca-
pulaire) du moine (autrement dit le diable) et le feu brûla en outre tout ce qui
était sur sa tête ainsi que tous ses vêtements. Le saint souffla encore une fois sur
lui et le rendit aveugle. Alors le diable poussa le cri le plus affreux. Tous les sol-
dats infernaux arrivèrent avec leurs armes sous l’apparence d’une forme hu-
maine, debout pour le combat contre le saint, et ils faisaient des charges contre
lui. Et lui, il leur opposait le signe de la croix et disait : « Je l’emporterai sur
vous au nom du Seigneur Jésus-Christ, peuple hostile et barbare. » Et ils
s’efforçaient de le blesser mais ils n’avaient pas le dessus. Et l’affrontement
entre eux dura trois jours et trois nuits, sous le regard de tous. Les démons pous-
saient des cris terribles et disaient : « Va-t-en et éloigne-toi de nous, ce lieu n’est
pas le tien, Anton de rien ! Va-t-en, vieillard impie ! » Mais le vieillard s’épuisa
et se fatigua beaucoup dans cet affrontement, en se défendant par le signe de la
croix et en criant contre eux.
41. Alors descendit vers lui l’archange Michel, pour lequel le saint avait une
dévotion particulière. Et il lui dit : « Veille à ton salut, homme plein de grâce !
Aie confiance : le Seigneur Jésus va venir à toi à cette heure et te réconfortera. »
Alors l’archange lui donna une épée de feu et lui dit : « Antoine, homme sans
tache, reçois ce glaive de feu parce que le feu t’est donné par le Seigneur pour
brûler tes ennemis189. » Et sitôt que le saint eut reçu le glaive, les démons
s’enfuirent loin de lui, en criant : « Vieillard impie, tu as ruiné notre édifice, tu
as affaibli notre force. Nous avons quitté l’Égypte à cause de toi et tu viens ici
nous inquiéter. Si nous retournons en Égypte, nous trouverons Paul190, ton dis-
ciple, homme de rien comme toi ; car tous tes disciples nous sont hostiles. Et
nous te retrouvons ici pour nous accabler, vieux fourvoyé ! » Le roi et toute la
foule entendaient cela et regardaient pleins de terreur et d’étonnement.
42. Alors apparut au saint le Seigneur Jésus, debout sur une nuée si brillante
et si lumineuse qu’elle éclairait la ville tout entière. Et tous furent complètement
terrifiés et commencèrent à fuir. Certains disaient : « C’est la foudre. » D’autres
disaient : « C’est le feu qui descend du ciel.191 » Car c’était la saison du ton-
nerre, des éclairs et des pluies. Le Seigneur Jésus lui donna la paix en disant :
« Tu es bienheureux, courageux athlète, pour confesser mon nom, dans chaque
épreuve et dans chaque lieu. Sache que tu as été sanctifié par l’Esprit saint de-
puis le sein de ta mère192. Et la troisième année après ta naissance s’est révélée à
tous ta puissance. Parce que grâce à toi ces gentils sont sauvés, ton nom ne sera
jamais effacé dans les pays des Latins, et tu auras ici d’innombrables fils, et ces
gens te donneront une part de leur gros et menu bétail. L’Ennemi n’aura pas de
prise sur les biens de ceux qui auront fait la paix avec toi, et l’Ennemi ne
s’approchera pas du lieu où aura été ton nom. Et quiconque aura emporté
quelque chose des dons que l’on t’aura offerts, le feu le détruira lui et ses
moyens de subsistance. Et, mon bien-aimé, quiconque aura dérobé ne fût-ce
qu’un rien de ce qui t’appartient, j’enverrai le feu descendre sur lui. » Et après
ces paroles et d’autres encore, le Seigneur Jésus-Christ monta au ciel. Et le saint
reçut alors une puissance et une force très grandes. Il revint à la maison de son
hôte, le seigneur André, le gouverneur, [qui avait donné au roi le conseil
d’envoyer en son nom une ambassade en Égypte]193.
43. Et tandis que saint Antoine séjournait à Barcelone, son renom parvint
jusqu’en Sicile. Et tous se tenaient de l’un à l’autre des propos de ce genre :
« Un saint est apparu dans la ville de Barcelone, d’où il est originaire ; il a guéri
et libéré du démon les enfants du roi ainsi que tous les infirmes de sa maison, et
il a soigné toute affection, au point même de rendre à la vie le fils de Lucius, qui
était mort ; ce ne fut pas le saint personnellement, mais son hôte André qui posa
le bâton du saint sur le fils de Lucius et celui-ci se leva vivant, lui qui était
mort. » Comme ils avaient entendu parler de ces nouvelles, les ambassadeurs,
que le roi avait envoyés en Égypte vers le bienheureux Antoine, furent fortement
affligés. Ils disaient l’un l’autre : « Qu’allons-nous faire ? Qu’allons-nous dire à
notre maître le roi qui pour nous a engagé de grandes dépenses pour que nous lui
ramenions saint Antoine, et nous allons rentrer les mains vides ? Et on nous dira
que nous avons gaspillé l’argent du roi inutilement. Si au moins le saint avait été
avec nous, tout aurait été bien ; mais le fils du roi vient d’être guéri sans saint
Antoine. Et nous n’avons pas d’autre excuse valable si ce n’est qu’il a dit qu’il
viendrait. Affirmer qu’il viendra, quel intérêt pour nous de le faire ? En effet cet
191 2 M 2, 10.
192 Lc 1, 15.
193 Interpolation de copiste.
70 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
autre saint apparu à Barcelone a guéri tout le monde. » Et c’est ainsi avec une
grande tristesse qu’ils s’embarquèrent.
44. Et ils arrivèrent à Barcelone et furent introduits en présence du roi mais
celui-ci ne soucia pas beaucoup d’eux et ne leur manifesta sa considération ni
par des présents et ni par des promesses ; et ils furent fortement affligés. Alors
les gens de l’entourage du roi l’abordèrent pour lui dire qu’il n’avait pas fait ce
qu’il aurait dû envers les ambassadeurs, qu’il ne les avait pas reçus selon la cou-
tume et qu’ils ne leur avait pas témoigné sa reconnaissance, et qu’ils s’étaient
retirés, tristes et troublés, ce à juste titre, étant donné les grandes peines endu-
rées. Après les avoir écoutés, le roi donna son accord et fit chercher ceux-là pour
qu’ils reviennent auprès de lui, et il les reçut avec joie et honneur, et s’excusa de
n’avoir pas été disponible la première fois. Et pendant qu’ils étaient assis à par-
ler en présence du roi, voici que le diable au vu de tous saisit un homme de
guerre noble, ami du roi, homme de grand conseil et de grande prévoyance, qui
mettait son savoir-faire au service de tout le royaume et qui gardait très fidèle-
ment les secrets du roi. Et le diable commença à le tourmenter violemment et
presque à l’étrangler. Le roi fut fortement affligé et il dit : « Dépêchez-vous
d’aller auprès du saint et demandez-lui de venir. » Et pendant que des messagers
étaient partis chercher le saint, les ambassadeurs qui étaient venus d’Égypte di-
rent : « Sire, si tu avais vu saint Antoine, le faiseur de miracles ! Il a une telle
force que les démons fuient sa présence. Nous avons entendu dire là-bas qu’il
soigne toute infirmité et qu’il ressuscite les morts. Et si l’épreuve de cet homme
de guerre n’était pas venue nous interrompre, nous t’aurions raconté les faits
merveilleux dont nous avons entendu parler et ceux que nous avons vus au sujet
de saint Antoine. »
Deuxième rubrique : Il est à noter que les ambassadeurs du roi étaient trompés à
propos du nom du saint ; en effet en Égypte, il était appelé Antoine, la dernière syl-
labe de son nom étant allongée par un suffixe, mais les Francs l’appelaient Anton,
sans suffixe.
45. Comme les ambassadeurs étaient en train de parler, le bienheureux Antoine
entra. Et sitôt que ces ambassadeurs l’eurent vu, eux qui l’avaient vu dans le dé-
sert d’Égypte, ils le reconnurent aussitôt et s’exclamèrent très fort : « Oh ! Sire,
oh, sire, c’est saint Antoine, le faiseur de miracles, qui de l’autre côté de la mer
est appelé lumière du désert, et il est vraiment l’étoile du matin et la couronne
des moines. » Les ambassadeurs furent remplis d’une joie indicible, et ils se pré-
cipitèrent pour se jeter à ses pieds, qu’ils embrassaient : mais le saint les en em-
pêchait. Debout devant lui, ils disaient : « Sire, c’est celui pour lequel tu nous as
envoyés, mais nous étions trompés par le nom Anton par lequel on l’appelle
chez vous. Mais en fait son nom est Antoine. » Et tandis qu’ils parlaient et se
Chapitre I. Vies de saint Antoine 71
194 D’après la Vita traduite par A. ECCHELLENSIS, Paul a bien eu à faire au démon.
195 Jn 21, 25.
72 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
saint, qui jouit d’un tel mérite auprès de Dieu, et encore pour éclaircir certains
points abordés dans les récits précédents, commencer au début la légende qu’on
vient de lire, et faire quelques ajouts à la traduction à son propos ; et ce qui se
trouve après dans l’ordre de cet opuscule, est cependant avant dans l’ordre de la
légende en arabe. Mais mon projet initial n’était que de traduire le dialogue ou la
discussion que le diable soutint contre lui. Mais j’ai après coup ajouté le récit de
la ville de Barcelone, puis j’ai traduit dans ce même livre le peu qui va suivre.
48. Le bienheureux Antoine, étoile du matin et lumière du désert, a ouvert la
porte de l’érémitisme et a fait du désert la demeure des moines, parce qu’il fut lui-
même à l’origine de ce type de demeure, avant qu’il n’y ait au désert des monas-
tères et des églises comme maintenant. Il a offert un exemple de constance et de
patience à tous, persévérant dans la solitude sous l’ardeur du soleil en été et dans
le froid en hiver. Et comme une infinité de gens, suivant son exemple, l’a suivi196
dans le désert de Titi197 (qui en arabe est appelé « balance des cœurs », parce que
les cœurs y sont éprouvés), c’est à juste titre que l’on appelle le bienheureux An-
toine la clef qui ouvre la porte de la grâce198, parce que le plus grand nombre pos-
sible dans ce désert a pénétré grâce à lui dans le trésor de grâce.
49. Son père s’appelait Behabex et on appelait sa mère Giux. Tous les deux
étaient justes devant Dieu199 et avaient une grande fortune en argent et en bétail.
Tous deux avaient une grande dévotion pour l’archange saint Michel. Et ils don-
naient le tiers de leurs biens, plutôt de leurs revenus, en aumône annuelle. Ils
étaient originaires d’Egypte, de la région qui s’appelle Zaïde, d’une propriété
qui s’appelle Zaïtouna en arabe, ce qui signifie « oliva » en latin200. Ses parents,
alors qu’ils étaient stériles, obtinrent par leurs prières ce fils de la souveraine
Mère de Dieu. Et alors qu’il était âgé de trois ans, il commença d’aller à l’église
tout seul, sa marche étant sûre et droite ; et il ne se mêlait pas aux jeux des en-
fants, mais toute son occupation gravitait autour de l’église, ce qui étonnait for-
tement ses parents. À l’âge de cinq ans, ce qu’il entendait de l’Évangile à
l’église, il le retenait et l’exposait aux autres enfants, ce qui faisait que tout le
monde était dans l’admiration. Et un jour un prêtre de l’église vint pour entendre
Antoine, et admirant ses paroles, il dit en mettant ses mains sur sa tête : « Cet
enfant sera grand au royaume des cieux201. »
50. Et la renommée de cet enfant ainsi que celle de ses paroles arrivèrent
jusqu’à saint Théophile, patriarche d’Alexandrie ; mais il ne crut pas ceux qui
lui en firent le récit. On mena celui-là auprès du patriarche, alors qu’il n’était
qu’un enfant de six ans. À le voir et à écouter l’expression admirable de cet en-
fant, celui-ci fut stupéfait par une telle éloquence et une telle intelligence chez
un enfant. Il dit aux évêques et aux prélats qui étaient avec lui : « Cet enfant sera
grand au royaume des cieux. » Et s’étant tourné vers l’enfant, il posa ses mains
sur sa tête, le bénit et dit : « Sois béni, Antoine ; pour l’éternité, ton nom sera
connu dans toutes les communautés de la terre, dépassant par ton degré et par ta
renommée absolument tous les patriarches ; et tu seras plus proche du Christ que
tu l’es de moi maintenant. Et je te demande de me bénir, Antoine, parce que
d’avoir vu ta personne, j’ai ressenti en moi la force et la grâce de Dieu dans leur
grandeur. » L’enfant Antoine répondit : « Je suis, révérend père, infirme et faible
et j’ai besoin de la bénédiction de tes disciples. » Et disant cela, il embrassa les
mains du révérend patriarche ainsi que ses pieds. Et tous les évêques donnèrent
leur bénédiction à l’enfant. Il revint à la maison de ses parents. Quand il atteignit
l’âge de ses dix ans, il possédait toute la connaissance. Et à onze ans il interpré-
tait et expliquait tous les livres qu’on lisait à l’église.
Et ses parents moururent, etc. comme les Vies des Pères202 en conservent le récit.
51. C’était un enfant qui priait beaucoup, et en secret dans le silence de la nuit il
faisait dans sa prière mille cinq cents mocamet203, c’est-à-dire des prostrations. Il
fit don d’une partie de son patrimoine dont le montant atteignait jusqu’à cin-
quante mille pièces d’or, par amour de Dieu. Il multiplia les jeûnes et les prières
au point qu’il n’y avait pas de saint en vie qui l’égalât dans la vénération de
Dieu. Il brûlait de quitter le siècle et il disait : « Soit je quitterai volontairement
le siècle, soit je le quitterai de force comme mon père. » Il confia alors sa sœur à
quelqu’un de ses parents et s’éloigna d’eux ; il ne se soucia pas de fermer la
porte de sa maison, mais la laissa ouverte. Il s’en alla, traversa le Nil et trouva
202 VA 2. Il s’agit des Vitae Patrum ou Historiae eremeticae libri decem éditées en 1615
par H. ROSWEYDE, dont le premier livre contient la VA d’Athanase traduite par ÉVAGRE
e
D’ANTIOCHE (PL 73). Dès le XIII siècle, une version des Vitae patrum avait été traduite
en latin.
203 Mocamet, transcription de l’ar moqāmāt, pluriel de maqāma (le timbre [o] est dû dans la
prononciation courante au contact avec la vélaire [q]). Le verbe qāma signifie « être,
exister » mais aussi « se relever » et « se lever en l’honneur de quelqu’un » ; le substan-
tif maqāma signifie « séance, session » ; dans le Coran il désigne la station d’Abraham à
la Mecque ; il désigne aussi un genre littéraire la « maqāma », « la séance », sorte de
roman picaresque typiquement arabe (voir introduction, p. 38). Le manuscrit de Bey-
routh, selon F. HALKIN, en présentant à cet endroit mantanijet, transcription du grec
μετάνοια, « métanie, prostration » efface toute référence à la littérature arabe.
74 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
un tombeau ouvert dont il fit sa demeure. Il vivait dans ce tombeau204 avec l’aide
de quelqu’un qui lui portait le nécessaire, et il distribuait le reste. Et cela faisait
alors quatorze années qu’il avait commencé à habiter dans le tombeau.
52. Il déplut au diable, ennemi de tout le bien et prince de tout le mal, qui lui
apparut sous forme d’un noble homme de guerre accompagné de ses gens autour
de lui. Le diable lui dit : « Eh ! toi, le vivant qui habite avec les morts, qui es-
tu ? etc. » Saint Antoine répondit : « Je suis, homme, un faible serviteur de Jé-
sus-Christ. » Pour avoir entendu cela, le diable s’emporta gravement et dit :
« C’est le comble, tu as osé devant moi nommer ce magicien ? » Le diable avec
ses acolytes commença à frapper durement et cruellement le saint jusqu’à ce
qu’il soit à bout de souffle. Comme ils l’avaient laissé à demi-mort, arriva le laïc
qui lui rendait service et il le trouva maltraité comme il a été dit ; il le transporta
dans sa propriété, qui était proche. Les paysans se rassemblèrent autour de lui,
lui témoignant leur compassion parce qu’il ne pouvait se mouvoir d’aucune fa-
çon. Quand il put parler, il appela celui qui lui rendait service et lui dit : « Je t’en
prie, conduis-moi là où j’ai été maltraité. En effet mon espérance dans le Sei-
gneur Jésus-Christ est que là-bas j’ai la grâce et que là-bas je serai guéri. » Le
paysan le conduisit là et le laissa.
53. Le diable fut étonné de voir cela et il dit à ses amis, en entendant le
saint : « Venez voir quelque chose d’inouï et de merveilleux qui vient
d’apparaître et qui n’a pas eu son pareil depuis le jour où fut créé Adam. Vous
savez comment nous avons épouvanté cet homme et avec quelle dureté nous
avons torturé son corps : cependant il n’a pas craint de revenir en ce lieu. Moi je
redoute le sens de cela. » Et le diable et les siens commencèrent à se déchaîner
contre le saint ; et depuis le coucher du soleil les démons n’eurent de cesse de le
frapper, de l’affliger et de l’épouvanter. Le bienheureux Antoine disait : « Je te
rends grâces, Seigneur Jésus-Christ, de m’avoir rendu digne de souffrir pour ton
nom205 et par amour pour toi. » Et il criait contre les démons en ces termes :
« Vous, vous me faites volontairement du tort mais moi, je ne suis ni un brigand,
ni un homicide, ni un débauché ; vous n’avez contre moi aucun grief, si ce n’est
que j’aime le Seigneur Jésus-Christ, et à cause de cela, vous me maltraitez. » Ce
fut le second martyre qu’eut à soutenir dans son corps le bienheureux Antoine,
avant de quitter les régions habitées, c’est-à-dire avant d’aller au désert, quand il
habita au milieu des tombeaux des morts.
54. Après cela, il quitta ce lieu et habita à côté du Nil, à proximité d’une
propriété, en bordure du désert. Il resta à cet endroit un an et demi, et il fit de
nombreux progrès et il se fortifia au service de Dieu. Or un jour, une femme sor-
avec toi, mais cependant sache que la grandeur de ta récompense sera en fonction
de celle de ta peine. » Le Seigneur le bénit et lui donna sa paix, puis monta au
ciel, sous le regard du bienheureux Antoine. Et c’est à partir de ce moment-là que
le bienheureux Antoine fut conforté dans l’étendue de sa grâce.
frère Abel, et qu’il haïsse à cause d’elle son frère et le tue208. C’est moi qui ai
fait qu’Abraham, qui est appelé ami de Dieu, reçoive une seconde femme. Et j’ai
fait qu’Isaac, que Dieu libère en donnant à sa place un bélier en sacrifice, re-
çoive une troisième femme. C’est moi qui ai fait que Jacob, qui lutta avec Dieu
qui lui attribua le nom d’Israël209, eut quatre femmes et en reçut une cin-
quième210. C’est moi qui ai fait tomber par amour des femmes de nombreux
grands, comme David, à propos de qui Dieu dit : « J’ai trouvé un homme selon
mon cœur » ; et pourtant il a fait tuer Urie à cause de sa femme, qui lui a donné
Salomon211. Et ce même Salomon, grâce à mes soins, est ensuite tombé à cause
de l’amour pour une femme, et sa faute fut si grave que son nom fut rayé de la
liste des prophètes212. C’est moi qui ai fait qu’il s’enflamme de convoitise pour
les femmes et que sa sagesse reste sans effet pour lui. C’est moi qui ai corrompu
dans les nations de si grands personnages et en tel nombre qu’il serait long d’en
faire le récit. Et j’ai fait une ultime tentative contre toi, mais je n’arriverai à
rien. » Le diable continua : « Écoute ma confession, Antoine. Moi, je suis celui
qui envoie la haine entre les frères pour faire naître la discorde entre eux. J’attise
les disputes. Je pousse les peuples à la guerre et les incite au combat. J’avive les
ardeurs de l’avarice et je trouve les expédients de la ruse pour amasser des ri-
chesses. Je fais trouver du plaisir à la beauté des femmes et j’attise la concupis-
cence. Je suis l’agent des mauvais désirs et j’augmente le plaisir des hommes
dans les péchés. Je répands l’envie dans les cœurs des hommes. Je suis celui qui
pervertit les honneurs de bien des gens. Je suis celui qui remplit l’enfer et em-
pêche que le paradis se remplisse. Je suis celui qui hait tout bien ainsi que ses
voies et aime tout mal ainsi que ses chemins. Je suis celui qui fait paraître diffi-
cile à l’homme de marcher sur la voie de la grâce et qui lui élargit la voie de
perdition. Je suis celui qui a précipité Salomon de sa gloire et qui a renversé les
trônes des grands rois. Et toi, Antoine, vile poussière, tu m’as vaincu. »
59. Alors le saint se récria contre lui en ces termes : « Éloigne-toi de moi,
maudit. » Le diable sortit de son antre, comme un fou furieux, et chargea le saint,
le blessa avec une lance qu’il portait dans la main et poussa un cri terrible. Et des
démons sous diverses apparences effrayantes, apparurent à ses côtés, tenant des
poignards acérés, des épées, des bâtons, des masses et autres armes de guerre ; et
ils ne cessèrent de frapper le saint que le lendemain au lever du soleil. Et ce n’est
pas pour autant qu’ils l’abandonnèrent ainsi frappé, mais ils le traînèrent, comme
208 Sur ce sujet, cf. L. GINZBERG, Les légendes des juifs, t. 1, Paris 1997, note 17, p. 255-256.
209 Gn 24, 32-38.
210 Gn 29, 16 - 30, 9. Note de F. HALKIN : « La cinquième femme de Jacob a sans doute été
inventée par un apocryphe copte ou arabe ».
211 2 R 12, 24.
212 Si 49, 4.
78 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
mort, étendu à la renverse sur le sol, depuis la cime de la montagne jusqu’à la val-
lée, puis en le remontant de la vallée. Son sang coulait sur les rochers du désert
comme de l’eau ; et les démons recueillaient son sang et rendaient son visage mé-
connaissable par leurs blessures, et ils disaient : « Va-t-en et sors de notre terre,
poussière, sans quoi nous allons te détruire et t’arracher l’âme. » Le saint tenait
son calauet de ses deux mains et disait : « Qu’on ne m’enlève pas, Seigneur,
l’habit que tu m’as donné, parce que j’ai mis mon espoir en toi, et aie pitié de
moi. » Et comme il avait ainsi parlé, le diable s’approcha de lui pour lui donner un
coup de sa main sur la joue. Le saint tourna son visage et lui présenta l’autre joue
et dit : « Exécute le commandement du Christ213, misérable, dans ta volonté de
faire le mal. » Et comme le diable avait constaté sa grande capacité à souffrir, et
que le saint lui-même répétait sans cesse : « Aide-moi, Seigneur, et donne-moi la
force de tenir bon par amour pour toi. Je sais que je n’ai rien fait de digne devant
toi, mais j’ai confiance dans ta miséricorde que tu me donneras la grâce et la force
de faire ta volonté. » Alors le diable ne put attendre davantage ni rester devant le
saint, mais il se transforma en une apparence qui comportait comme la flamme
d’un feu qui brûlait ardemment, et il s’enfuit à grands cris. Il disait aux autres dé-
mons : « Fuyons-le, en effet cette poussière a détruit notre force. » Et le diable
s’en alla dépité. Et la force de Dieu guérit le saint. Mais saint Antoine fut plongé
dans des guerres très acharnées contre les démons jusqu’à sa quarante-septième
année, et jusqu’à cet âge, il ne vit pas un mortel, mais de nuit comme de jour, ses
ennemis l’attaquaient.
213 Mt 5, 39.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 79
3.1. Rufin
L’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée ne relate pas le mouvement mo-
nastique, qui commençait seulement à se développer et le nom d’Antoine n’y
apparaît pas. En 402-403, elle fut traduite en latin par Rufin, qui ajouta deux
livres, qui prolongent le récit de 325 à 395. À l’époque où Rufin écrit, « les
moines ont désormais droit à prendre place dans le récit historique, car ils inter-
viennent dans la vie de l’Église ou constituent des exemples, qu’il est bon de
faire connaître aux destinataires de l’œuvre215 ».
Ainsi dans ce supplément, Rufin se réfère-t-il quatre fois à Antoine. Il men-
tionne qu’il est le premier ermite en renvoyant à la VA qu’il résume ainsi :
Puisque nous avons fait mention de ce si grand homme, Antoine, j’aurai voulu dire
quelque chose de ses charismes et de sa manière de vivre ainsi que de sa maîtrise
d’esprit : comment, passant sa vie dans la solitude, il n’eut d’autre compagnie que
celle des bêtes sauvages et plut à Dieu davantage que tous les autres mortels en rem-
portant de fréquents triomphes sur les démons, et telle qu’il laissât aux moines des
exemples célèbres jusqu’à nos jours de la manière de vivre qu’il a instituée216.
Rufin relate une série de miracles accomplis par cinq disciples d’Antoine : Ma-
caire l’Égyptien, Isidore, l’autre Macaire, Heraclides et Pambo217. Il signale la
descente d’Antoine à Alexandrie pour conforter la foi d’Athanase contre les
ariens ; Antoine console alors Didyme de la perte de ses yeux218. Nous verrons
que cette histoire se retrouve chez Socrate et Sozomène. Rufin tient sans doute
cette histoire de Didyme lui-même, dont il a suivi l’enseignement en 372. Il ren-
contre Poemen et Joseph à Pispir, « qui s’appelle la montagne d’Antoine219 ».
C’est par Antoine que Rufin a commencé à parler des moines, puis il a nommé
cinq de ses disciples et pour finir il mentionne son habitation où deux solitaires
illustres suivent son exemple. Aussi A. de Vogüé conclut-il : « On ne peut sug-
214 A. MARTIN, « D’Eusèbe à Sozomène : la place du monachisme dans les nouvelles His-
toires ecclésiastiques », Adamantius 17, 2011, p. 94.
215 F. THELAMON, « Présence du monachisme dans l’Histoire ecclésiastique de Rufin
d’Aquilée », Adamantius 17, 2011, p. 24.
216 RUFIN, Historia ecclesiastica I, 8, éd. T. MOMMSEN, Eusebius Werke II, GCS 24, Leipzig
1908 (trad. F. THELAMON, art. cit., p. 32).
217 RUFIN, Historia ecclesiastica II, 4.
218 RUFIN, Historia ecclesiastica II, 7.
219 RUFIN, Historia ecclesiastica II, 8.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 81
3.2. Socrate
Vers 440, au livre I de son Histoire ecclésiastique, Socrate mentionne Antoine
en renvoyant tout simplement à la VA d’Athanase :
Quel fut en ces mêmes temps le moine Antoine, qui vivait dans le désert d’Égypte,
comment il luttait ouvertement contre les démons, en découvrant leurs machinations
et leurs ruses, et comment il faisait de nombreux prodiges, il est superflu pour nous
de le dire. Athanase, l’évêque d’Alexandrie, nous a devancé en écrivant un livre par-
ticulier sur sa vie221 ».
Il relate aussi la vision qu’a eue Antoine de l’âme d’Amoun enlevée par les
anges après sa mort222 et sa rencontre avec Didyme l’Aveugle223, ainsi que
l’apophtegme d’Antoine rapporté par Évagre224. Pour Antoine, les sources de
Socrate sont donc la VA, Évagre et Rufin.
Il est intéressant de noter les qualificatifs que Socrate donne à Antoine en
ces différents passages : « moine (monacov") », « juste (dίkaio")225 », « aimé de
Dieu (qeόfilo")226 ».
3.3. Sozomène
L’Histoire ecclésiastique de Sozomène est écrite à la même époque que l’œuvre
de Socrate et il est établi et unanimement admis qu’elle en dépend227. Nous pou-
vons donc voir ce qu’apporte d’original le texte de Sozomène par rapport à An-
toine.
Athanase ne dit pas d’où était originaire Antoine, alors que Sozomène, sans
doute par une tradition orale, affirme qu’il est né à Koma228.
Puisque le lieu qu’il indique n’était qu’un village banal, dont le nom ne di-
sait certainement rien au public, il nous faut accepter son information avec con-
fiance229.
Sozomène présente « le grand moine Antoine » et son disciple Paul le simple
I, 13, ainsi que la vision qu’a eue Antoine lors de la mort d’Amoun I, 14, 7-8.
Dans le chapitre consacré à Athanase, il relève l’affection que lui portait Antoine
tout dévoué pour le soutenir face à ceux qui s’opposaient à lui (II, 17, 11). Il men-
tionne les lettres qu’Antoine a écrites à l’empereur pour qu’il ne suive pas les mé-
léciens (II, 31, 2-3). Il fait un éloge du monachisme en mettant en tête « le grand
Antoine » (III, 13), auprès duquel Hilarion, moine de Palestine, vint se mettre à
son école, mais celui-ci resta peu de temps, « à cause du grand nombre de gens
qui sans cesse venaient visiter Antoine » (III, 14, 22). À propos de Didyme
l’aveugle, il relate sa rencontre avec Antoine venu du désert à Alexandrie pour
témoigner en faveur de la foi d’Athanase. Antoine le loue ainsi :
Il n’y a rien de pénible, Didyme, rien qui mérite du chagrin, dans le fait que tu sois
privé de la vue, dont jouissent les lézards, les mouches et les vils animaux ; mais
c’est félicité et grâce que, comme les anges, tu aies les yeux par lesquels tu saisis
clairement la Divinité et vois exactement la connaissance vraie » (III, 15, 4-5).
Il décrit le songe d’Antoine, qui voit des mulets donner des coups de pied dans
l’autel et renverser la sainte table et qui prédit le trouble qui sévirait dans
l’Église (VI, 5, 6). Le moine Étienne était en familiarité avec Antoine (VI, 29,
23). Dans la plupart des cas, Sozomène joint au nom d’Antoine le qualificatif de
« grand » ou de « grand moine ».
230 THÉODORET DE CYR, Histoire ecclésiastique. Livres III-IV, IV, 21, 1-3, SC 530, 2009,
p. 263-265.
231 THÉODORET DE CYR, Histoire ecclésiastique. Livres III-IV, IV, 28, 1-2, ibid., p. 307-309.
232 K. KRUMBACHER, Geschichte des byzantinischen Literatur, München 18972, p. 355.
84 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
4. Les biographes
4.1. PALLADE, Histoire lausiaque § 21-22
(BHG 140s-CPG 6036)
Pallade (364-† avant 431), qui fut disciple et biographe d’Évagre, note vers 420
dans l’Histoire lausiaque237 plusieurs anecdotes qui concernent la vie d’Antoine.
Il se réfère à la biographie de saint Athanase :
Le bienheureux évêque Athanase, dans la Vie d’Antoine, raconte à son sujet (= au
238
sujet d'Amoun) un miracle .
233 GEORGES LE MOINE, Chronicon, éd. C. DE BOOR, Leipzig 1904, t. 2, p. 523-525 (VA
81), 685-686 (VA 65) ; 686-687 (VA 18-19) ; 687-688 (VA 66).
234 GEORGES LE MOINE, Chronicon, op. cit., p. 523-524 (PG 110,641).
235 GEORGES LE MOINE, Chronicon, éd. C. DE BOOR, Leipzig 1904, t. 1, p. 349.
236 R. M. PARRINELLO, « L’autocoscienza delle origini nella tradizione monastica bizanti-
na », Adamantius 17, 2011, p. 133-153.
237 Pour l’histoire de ce texte et des différentes recensions, cf. B. FLUSIN, « Pallade
d’Hélénopolis », DS 12, 1984, col. 116-121.
238 PALLADE, Histoire lausiaque 8,6, SO 75, 1999, p. 84.
239 Cf. PALLADE, Histoire lausiaque 3, 1 ; 4, 3 ; 7, 6 ; 8, 6 ; 22, 2-11 (SO 75, 1999) ; 47, 2 ;
Dialogue sur la vie de Jean Chrysostome 17, 17 (SC 341, 1988, p. 333).
240 PALLADE, Histoire lausiaque 21, 7 ; cf. aussi 10, 7.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 85
***
Histoire Lausiaque
Chapitre 21. Euloge et l’infirme
1. Cronios, le prêtre de Nitrie, me raconta ceci : « Lorsque j’étais plus jeune,
l’acédie m’avait fait fuir le monastère de mon archimandrite. Dans mon errance,
je parvins jusqu’à la montagne de saint Antoine. Elle se trouve entre Babylone et
Héraclée, à environ trente milles du fleuve, du côté du grand désert qui conduit à
la Mer Rouge. J’arrivai donc à ce monastère qui dépend de lui et qui est situé
près du fleuve en un lieu appelé Pispir. Là, résidaient ses deux disciples Macaire
et Amatas qui, d’ailleurs, l’enterrèrent après sa mort. Pour pouvoir m’entretenir
avec saint Antoine, j’attendis cinq jours.
2. On savait en effet qu’il se rendait à ce monastère au bout de cinq, dix ou
vingt jours, selon l’inspiration divine, pour le bienfait des hôtes de passage. Dif-
férents frères s’y étaient donc rassemblés, ayant chacun des besoins divers. Un
certain Euloge se trouvait aussi parmi eux. C’était un moine alexandrin accom-
pagné d’un infirme. Et voici pourquoi ils se présentaient.
3. Cet Euloge, un homme cultivé que les cycles des études avaient formé et
qui avait été blessé par un désir d’immortalité, renonça aux agitations et distri-
bua tous ses biens, à l’exception d’une petite quantité de pièces d’or parce qu’il
était incapable de travailler de ses mains. Or il fut la proie d’une profonde acé-
die : il ne pouvait pas plus se décider à entrer dans une communauté qu’il ne
trouvait de satisfaction à l’idée de demeurer seul. C’est alors qu’il découvrit, gi-
sant sur la place publique, un infirme qui n’avait ni pieds ni mains. Seule sa
langue était inusable, pour le malheur de ceux qui le trouvaient sur leur chemin.
4. Euloge s’arrêta, fixa sur lui son regard et pria Dieu, avec qui il fit ce
pacte : « Seigneur, en ton Nom, je prends cet invalide et lui procure du réconfort
jusqu’à la mort, afin d’être de mon côté sauvé grâce à lui. Mais fais-moi la grâce
d’une persévérante patience pour le servir. » Puis il s’approcha de l’infirme et
lui dit : « Veux-tu que je te prenne chez moi et que je te procure du réconfort ? »
L’autre répondit : « Oui, certes ! » Euloge reprit : « Je vais chercher un âne et
t’emmener, n’est-ce pas ? » L’infirme y consentit. Ayant donc amené un âne,
Euloge y fit monter l’infirme, qu’il emmena chez lui et il s’appliqua à le servir.
5. L’invalide demeura donc dans cette situation durant quinze ans. Euloge se
fit son infirmier : il le lavait, lui prodiguait des soins de ses propres mains, et le
nourrissait comme le réclamait son infirmité. Cependant après ces quinze an-
nées, un démon fondit sur l’infirme : il se révolta contre Euloge et commença à
l’abreuver de reproches et d’injures, disant : « Escroc, fuyard ! Tu as volé le
bien d’autrui et tu te sers de moi pour être sauvé ! Ramène-moi sur la place pu-
blique ! Je veux de la viande ! » Et Euloge lui en apporta.
6. Mais il se mit de nouveau à crier : « Cela ne me suffit pas ! Je veux des
foules, je veux être sur la place publique ! Ô violence ! Jette-moi là où tu m’as
trouvé ! » Le démon l’avait à ce point rendu sauvage que s’il avait eu des mains,
peut-être même se serait-il étranglé. Euloge alla donc voir les ascètes qui habi-
taient dans le voisinage et leur dit : « Que faire, puisque cet infirme me conduit
au désespoir ? Le rejeter ? Je me suis engagé envers Dieu et je crains. Mais le
garder ? Il rend mes nuits et mes jours insupportables. Quel parti prendre à son
sujet ? Je ne sais. »
7. Ils lui répondirent : « Puisque le Grand vit encore – c’est ainsi qu’ils ap-
pelaient Antoine – va vers lui. Mets l’infirme dans une barque et emmène-le
jusqu’au monastère. Là, attends qu’Antoine sorte de sa grotte et remets-lui la
décision. Et s’il te dit quelque chose, conforme-toi à son arrêt, car c’est Dieu qui
te parle par lui. » La parole des pères affermit Euloge. Ayant mis l’infirme dans
une petite barque semblable à celles dont se servent les bergers, il quitta la ville
au cours de la nuit et l’emmena au monastère des disciples de saint Antoine.
8. Cronios racontait que celui-ci, enveloppé d’un manteau de peau, arriva le
lendemain, tard dans la soirée. Lorsqu’il venait au monastère de ses disciples, il
avait coutume d’appeler Macaire et de lui demander : « Frère Macaire, des frères
sont-ils venus ici ? » Il répondait : « Oui », Antoine poursuivait : « Sont-ils
d’Égypte ou de Jérusalem ? » Il lui avait en en effet enseigné cette convention :
« Si tu les vois plutôt négligents, dis qu’ils sont d’Égypte. Mais si tu les vois
plus pieux et plus accordés à la raison, dis qu’ils sont de Jérusalem. »
Chapitre I. Vies de saint Antoine 87
15. Cronios, après avoir quelque temps séjourné dans les parages de la Thé-
baïde, descendit dans les monastères d’Alexandrie. La communauté des frères
célébrait le service du quarantième jour de l’un et du troisième jour de l’autre.
Lorsque Cronios l’apprit, il fut comme hors de lui-même : prenant un évangile, il
le dressa au milieu de l’assemblée des frères et raconta par le détail les événe-
ments auxquels il avait été mêlé, ajoutant : « J’ai été l’interprète de tous ces dis-
cours, car le bienheureux Antoine ne savait pas le grec. Ainsi, moi qui comprenais
les deux langues, j’ai fait l’interprète, aux uns en grec et à l’autre en égyptien. »
16. Cronios racontait encore ceci : « Cette nuit-là, le bienheureux Antoine
nous fit le récit suivant : Durant toute une année, j’ai demandé dans la prière que
me soient dévoilés le lieu des justes et celui des pécheurs. Et j’ai contemplé un
géant noir dont la tête atteignait les nuages. Ses mains étaient tendues vers le
ciel, et sous ses pieds se trouvait un lac aussi grand qu’une mer. J’ai vu aussi des
âmes prendre leur vol comme des oiseaux.
17. Toutes celles qui parvenaient à voler au-dessus des mains et de la tête du
géant étaient sauvées, mais toutes celles que ses mains frappaient tombaient
dans le lac. Alors j’entendis une voix me dire : „ces âmes que tu vois s’envoler
vers les hauteurs sont les âmes des justes qui sont sauvés en paradis. Mais les
autres sont entraînées au fond, en enfer, pour avoir consenti aux volontés de la
chair et du ressentiment243”. »
devenir moine ici. Pars plutôt dans un village et travaille, mène une vie
laborieuse en rendant grâce à Dieu, car tu n’es pas capable de supporter les
tribulations du désert. » Le vieillard reprit la parole pour dire : « Tout ce qu’il
pourrait te plaire de m’enseigner, je m’engage à le faire. »
3. Antoine répliqua : « Je t’ai dit que tu es vieux et que tu n’en es pas ca-
pable. Si donc tu veux devenir moine, va dans une communauté où vivent de
nombreux frères qui pourront soutenir ta faiblesse. Moi, je réside seul ici, je
mange tous les cinq jours, uniquement, pour ne pas tomber d’inanition. » Par ces
paroles et d’autres semblables il tentait d’écarter Paul. Mais comme celui-ci ré-
sistait, Antoine ferma sa porte et, à cause du vieillard, ne sortit pas de trois jours,
pas même lorsqu’il en avait besoin. Paul, cependant ne s’éloigna pas.
4. Le quatrième jour, comme le besoin l’y contraignait, Antoine ouvrit la
porte, sortit et tint le même langage : « Va-t-en d’ici, vieillard ; pourquoi me
harceler ? Tu ne peux rester ici. » Paul lui répondit : « Il est au-delà de mes
forces d’aller mourir ailleurs qu’ici. » Ceci détermina Antoine à l’examiner : il
observa qu’il n’avait aucune provision, ni pain, ni eau, et que depuis quatre
jours, il supportait avec constance le jeûne. Il l’admit alors chez lui, craignant de
souiller son âme si Paul venait à mourir. Et Antoine adopta en ces jours-là un
régime de vie plus strict qu’il n’en avait jamais suivi dans sa jeunesse
5. Après avoir fait tremper des feuilles de palmiers, il lui dit : « Prends et
tresse de la corde comme je le fais. » Jusqu’à la neuvième heure, se donnant
beaucoup de peine, le vieillard tressa quinze brasses. Antoine examina le travail
et n’en fut pas satisfait. « Tu as mal tressé, dit-il, défais tout et recommence. » Il
imposa cette tâche répugnante à ce vieillard qui était à jeun pour que celui-ci,
cédant à l’impatience, s’enfuie loin de lui. Mais Paul défit son ouvrage et tressa
à nouveau les mêmes feuilles bien que ce soit beaucoup plus pénible parce
qu’elles étaient froissées. Antoine, observant qu’il ne murmurait, ni ne se décou-
rageait, ni ne s’irritait, fut touché de componction.
6. Au coucher du soleil, il lui dit : « Veux-tu que nous mangions un morceau
de pain ? » Paul lui répondit : « À ton idée, abba. » Et le fait qu’il ne se soit pas
empressé d’accourir à l’annonce d’un possible repas, mais qu’il lui ait laissé la
faculté d’en décider, fléchit à nouveau Antoine. Il dressa donc la table et apporta
des pains, des galettes de six onces chacune. Il en fit tremper une pour lui et trois
pour Paul car elles étaient sèches. Ensuite, il entonna un psaume qu’il connais-
sait et, pour éprouver Paul, le psalmodia douze fois et douze fois fit la prière.
7. Mais celui-ci, à nouveau, s’unissait avec ardeur à la prière. Mon opinion
est qu’il aurait choisi de paître des scorpions plutôt que de vivre avec une femme
adultère. Après les douze prières, la soirée étant avancée, ils s’assirent pour
manger. Antoine mangea un pain et n’en prit pas d’autre. Le vieillard cependant
consommait le sien plus lentement et en avait encore un morceau. Antoine at-
90 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
tendit qu’il eût fini et lui dit : « Mange une autre galette, petit père. » Paul lui
répondit : « Si tu manges, je mange, mais si tu ne manges pas, je ne mange
pas. » Antoine lui dit : « Cela me suffit, car je suis moine. »
8. Paul réplique : « Cela me suffit également, car je veux devenir moine. »
Alors Antoine se releva, fit douze prières et psalmodia douze psaumes. Puis il
dormit un peu du premier sommeil et se leva de nouveau pour psalmodier depuis
le milieu de la nuit jusqu’au jour. Voyant que le vieillard avait suivi avec ardeur
sa conduite, il lui dit : « Si tu peux agir ainsi chaque jour, reste avec moi. » Paul
lui répondit : « Pour ce qui est d’observances supplémentaires, je ne sais pas.
Mais ce que j’ai vu, je le fais aisément. » Le jour suivant Antoine lui dit :
« Voici que tu es devenu moine. »
9. Après les mois de règle, Antoine en fut convaincu : Paul avait une âme
accomplie car, étant d’une totale simplicité, la grâce collaborait avec lui. Il lui fit
donc une cellule à une distance de trois ou quatre milles et lui dit : « Voici que
tu es devenu moine. Demeure en solitude pour faire aussi l’expérience des dé-
mons. » Après avoir habité un an cette cellule, Paul fut jugé digne du charisme
de chasser les démons et les maladies. C’est ainsi qu’un jour, on conduisit à An-
toine un possédé effrayant à l’extrême – un esprit d’ordre supérieur le tenait
sous son emprise – qui injuriait le Ciel lui-même.
10. S’approchant donc, Antoine a dit à ceux qui l’avaient amené : « Ce travail
n’est pas pour moi, car je n’ai pas été jugé digne du charisme de chasser les dé-
mons de l’ordre supérieur, mais c’est à Paul que cela revient. » Antoine partit
donc et les conduisit auprès de Paul à qui il dit : « Abba Paul, chasse ce démon de
cet homme pour que, recouvrant la santé, il puisse retourner à ses affaires. » Paul
lui répondit : « Mais pourquoi pas toi ? » Antoine lui déclara : « Je n’en ai pas le
temps, j’ai un autre travail ». Et il le laissa pour revenir dans sa propre cellule.
11. Le vieillard se leva donc, et après avoir prié avec ferveur, s’adressa au
possédé : « Abba Antoine a dit : sors de cet homme ! » Mais le démon lui cria
avec des injures : « Je ne sors pas, vilain vieillard ! » Paul, prenant alors sa mé-
lote, le frappa sur le dos en disant : « Sors, a dit abba Antoine ! » Le vieillard
l’injuria plus violemment encore et Antoine avec lui. Finalement Paul lui dit :
« Tu sors, ou je vais le dire au Christ ! Par Jésus, si tu ne sors pas à l’instant
même, je vais le dire au Christ et il t’arrivera malheur ! »
12. Le démon reprit ses injures et s’écria : « Je ne sors pas ! » Paul, irrité
contre le démon, quitta la cellule réservée aux hôtes. C’était le plein midi et la
chaleur en Égypte s’apparente à celle de la fournaise de Babylone245. Il alla se
placer contre un rocher de la montagne et pria ainsi : « Toi, Jésus Christ, crucifié
sous Ponce Pilate, tu vois que je suis déterminé à ne pas descendre de ce rocher,
tenté de démontrer, mais ses arguments ont été réfutés258. La question n’est pas
encore tranchée259. Sans s’égarer sur la question de la « vérité historique » de
Paul, remarquons que cette Vie de Paul « enrichit la geste antonienne d’un nouvel
épisode sensationnel260 ». Elle existe dans les différentes langues orientales. « Les
faits sont présentés avec rhétorique et embellis par des ajouts fictifs, mais fonda-
mentalement ils représentent la vérité historique261 ».
Elle témoigne de la prééminence d’Antoine, puisque Jérôme cherche à mon-
trer à travers cette biographie que ce n’est pas Antoine, mais Paul qui est
l’initiateur de la vie monastique262.
Dans la BHG, F. Halkin en recense neuf formes différentes (1466, 1466a,
1467, 1467b, 1468, 1468b, 1468c, 1469, 1470). Lui-même a édité et traduit celle
du Ménologe impérial du manuscrit Baltimore Walters 521 (1468c). K. T. Corey
a réédité BHG 1466, 1467, 1468, 1469 et donné l’édition princeps de BHG
1470263. Celles des manuscrits Oxford, Novi Coll. D 82, fol. 236-242 (1466a),
Patmos 273, fol 51v-57 (1467b) et Berlin Fol. 43.II, fol. 85v-89 (1468b) ne sont
pas éditées.
La BHO indique les versions orientales :
• copte (BHO 909). Ce texte est traduit en français par E. Amélineau.
• arméniennes (BHO 910-912)
• syriaques (BHO 913-914)
• éthiopiennes (BHO 915-916)
• K. Tubbs Corey, éditeur des versions grecques, signale aussi les versions
arabes264.
Ces Vies, qui mettent en scène la rencontre d’Antoine et de Paul et
l’ensevelissement de ce dernier par Antoine, ont contribué indirectement au dé-
veloppement du culte d’Antoine en Orient. Voici les chapitres qui concernent
258 K. TUBBS COREY, Studies in the Text Tradition of St. Jerome’s Vitae Patrum, éd. W. A.
OLDFATHER, Urbana 1943 (repr. 2007), p. 144.
259 Cf. JÉRÔME, Trois vies de moines (Paul, Malchus, Hilarion), SC 508, 2007, intr. P. LE-
CLERC, p. 70 ; P. LECLERC, « Antoine et Paul, métamorphose d’un héros », dans Jérôme
entre l’Occident et l’Orient, Paris 1988, p. 257-265.
260 A. DE VOGÜÉ, Histoire littéraire du mouvement monastique dans l’Antiquité, t. 1, Paris
1991, p. 182.
261 E. COLEIRO, « St. Jerome’s Lives of the Hermits », VC 11, 1957, p. 178.
262 JÉRÔME, Trois vies de moines (Paul, Malchus, Hilarion), SC 508, Paris 2007, Vie de
Paul, Prol., p. 145.
263 K. TUBBS COREY, Studies in the Text Tradition of St. Jerome’s Vitae Patrum, éd. W. A.
OLDFATHER, Urbana 1943 (repr. 2007), p. 158-172 (BHG 1466) ; p. 187-196 (BHG
1467) ; p. 217-233 (BHG 1468) ; p. 235-238 (BHG 1469) ; p. 240-245 (BHG 1470).
264 K. TUBBS COREY, op. cit., p. 143-250.
94 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
saint Antoine dans l’une d’elles (BHG 1468c) contenue dans le Ménologe impé-
rial ; elle suit de près la recension métaphrastique BHG 1468265. Comme toutes
les Vies de ce Ménologe, elle se termine par une prière pour le succès temporel
et le salut de l’empereur ; celle-ci associe Antoine à Paul.
Selon le synaxaire arabe-jacobite, Athanase aurait écrit la vie de saint Paul266.
***
Vie et conduite de notre saint père Paul de Thèbes (BHG 1468c)
2. On pense généralement qu’Antoine fut l’initiateur du monachisme. C’est une
erreur. Même les disciples d’Antoine, ceux qui l’ont enterré et vivent encore,
affirment que Paul de Thèbes commença avant lui. Nous sommes du même avis.
10. Le divin Paul avait atteint l’âge de cent trente ans et vivait vraiment
comme un ange sur terre, quand Antoine dans l’autre désert, atteignait sa quatre-
vingt-dixième année. Celui-ci se demandait souvent s’il y avait un autre moine
dans le désert intérieur. Une nuit donc, tandis qu’il était embarrassé par cette
question, une vision divine lui montra qu’un autre moine vivait plus avant dans
le désert et qu’il le dépassait fort en vertu ; il s’agissait du divin Paul. La voix
ajouta : « Tu dois aller le trouver sans retard. Car tu tireras profit de ta visite. »
Après cette vision, dès le lendemain matin, il se mit en route. Son entrain aidait
le vieillard à surmonter la fatigue, bien qu’il ignorât le chemin à suivre.
11. Il marchait donc, s’appuyant sur un bâton pour atténuer la fatigue. Il était
fortifié par l’espérance et se répétait à lui-même : « J’ai confiance en Dieu ;
bientôt je verrai le trésor promis. » En route, il rencontra une bête sauvage qui
tenait à la fois de l’homme et du cheval, ce que les poètes appellent un hippo-
centaure. Sans se troubler, il lui demanda : « En quel endroit habite Paul le ser-
viteur de Dieu ? » Le fauve, ne pouvant lui répondre par des paroles, lui indiqua
de la patte antérieure la direction à prendre et disparut. Le diable avait-il voulu
l’effrayer ? Ou bien le désert était-il habitué à faire voir pareil monstre ? Ou en-
fin Dieu guidait-il ainsi son serviteur ? Je ne puis le dire.
12. Étonné, Antoine continua sa route. Un second prodige, aussi grand que
le précédent, se montra à lui. Dans le fond d’une vallée, il vit un satyre, person-
nage vanté par les poètes, moitié singe, moitié homme, avec des cornes sur le
front et des pieds de chèvre. Effrayé et apeuré, Antoine reprit courage et lui de-
manda qui il était. Il répondit : « Je suis un mortel et j’habite ce désert. Le popu-
laire m’appelle satyre et m’honore stupidement comme un dieu. Je suis venu te
trouver, ô homme de Dieu, pour te présenter une demande au nom de notre trou-
265 Éd. et trad. par F. HALKIN, Le ménologe impérial de Baltimore, SH 69, 1985, p. 46-68.
266 Le Synaxaire arabe jacobite, III. Les mois de Toubeh et d’Amchir, PO 11/5, 1916, p. 780.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 95
peau : supplie notre maître commun en notre faveur, car nous ne sommes pas
coupables. Nous avons appris, nous aussi, que le monde a été sauvé et nous re-
connaissons le Christ comme seul vrai maître. » Cette réponse étonna Antoine et
lui fit plaisir pour la gloire du Christ. Il reprit sa route. Pleurant et frappant la
terre de son bâton, comme font souvent les gens inquiets, il se lamentait sur le
sort réservé à l’Égypte et à Alexandrie : « Hélas, disait-il, ville d’Alexandrie, toi
qui adores des créatures plutôt que le Dieu vivant. Malheur à toi, la prostituée,
comme t’a appelée le prophète267. Que pourras-tu dire pour ta défense ? Les
bêtes et les démons que vous honorez confessent eux-mêmes la divinité du
Christ, et vous, stupidement, vous adorez les créatures. » Antoine n’eut pas le
temps de finir ces reproches que la bête, s’envolant, disparut.
13. Se servant des traces du passage des fauves comme d’indication sur la
route à suivre, Antoine marcha encore un jour entier. Il était embarrassé parce
qu’il ignorait l’endroit, dont il s’approchait pourtant. Mais il avait confiance que
Dieu ne l’avait pas entièrement abandonné. Il vit une hyène qui montait vers le
sommet de la montagne en courant vite et en haletant. Il la suivit et arriva sans le
savoir près de la grotte. Elle y pénétra et lui derrière elle, car l’amour parfait
chasse la crainte, comme dit l’Écriture268. L’antre était obscur, Antoine y voyait à
peine ; en se pressant, il fit une chute et heurta une pierre. Paul entendit le bruit et
ferma la porte à Antoine. Celui-ci, fatigué par la marche et incapable de se tenir
debout, se laissa tomber par terre près de l’entrée ; il resta là couché jusqu’au soir,
suppliant modestement qu’on voulût bien lui ouvrir la porte. De l’intérieur, Paul
demanda qui il était, d’où il était venu et pourquoi. Antoine expliqua tout et ajou-
ta : « Je sais bien, ô homme de Dieu, que je suis indigne de te voir et de te parler.
Mais sache que je ne m’en irai pas d’ici avant d’avoir pu jouir de ta conversation
et de ta vue que je désire tant. C’est pour cela que je suis venu sans tenir compte
ni des fatigues du voyage ni de la peur des fauves. Comment peux-tu recevoir
dans ta compagnie des bêtes sauvages et me repousser, moi qui suis un homme
comme toi et, bien que pécheur, ai été fait à l’image de Dieu269 ? La promesse de
l’Évangile ne se vérifie vraiment pas pour moi, car je cherche et ne trouve pas, je
frappe et on ne m’ouvre pas270. Mais je continuerai à poursuivre mon but, et si je
ne l’obtiens pas, je mourrai devant tes portes. Alors peut-être voyant mon ca-
davre, tu l’enterreras et tu auras un mort pour t’accuser d’insensibilité (à mon
égard). » Paul répondit : « Quand on mendie, on ne menace pas. Quand on pleure,
on n’accuse pas. » Il dit cela avec douceur et gentillesse et ouvrit sa porte. Ils
tombèrent dans les bras l’un de l’autre, c’étaient deux âmes pures et prophétiques.
S’appelant l’un l’autre par leur nom, ils s’embrassèrent et conversèrent amicale-
ment. Ensuite, ils s’assirent pour un entretien.
14. Paul prit la parole le premier : « Pourquoi, demanda-t-il, frère Antoine,
as-tu entrepris ce voyage si fatigant ? Il est à peine croyable que tu aies supporté
tout cela pour voir un malheureux vieillard, usé par l’âge et par son genre de vie
et que tu verras bientôt réduit en poussière. Mais puisque c’est l’amour de Dieu
qui t’a conduit jusqu’ici, dis-moi, je t’en prie, comment va le genre humain,
comment le monde entier est gouverné et administré et avant tout si les maîtres
de ce siècle sont encore en proie à la même rage que précédemment et toujours
prisonniers des démons. » Antoine lui répondit en détail sur tous ces points.
Pendant leur conversation, tandis qu’ils admiraient et glorifiaient le Sei-
gneur, un corbeau leur apparut, perché sur un arbre et tenant dans son bec un
pain tout entier. Descendu de son arbre, il vint en volant déposer le pain sous les
yeux des bienheureux. Antoine s’étonna de ce spectacle imprévu. Mais Paul lui
dit : « Vraiment, frère Antoine, le bon Dieu est miséricordieux, il ouvre la main
et remplit tout être vivant de sa bénédiction271. Ce corbeau depuis soixante ans
m’apporte ce repas, mais jusqu’à présent il ne me donnait qu’un demi-pain
chaque jour, tandis qu’aujourd’hui le bon maître et nourricier nous a fourni une
double ration ; car il se soucie de nous deux. Au début quand j’ai quitté le
monde, pendant trente ans je me nourrissais de dattes. Depuis lors et jusqu’à
maintenant cet oiseau m’apporte la nourriture envoyée par Dieu ». Paul parlait,
Antoine écoutait, et tous les deux remerciaient Dieu.
Ils s’approchèrent de la source pour prendre leur repas. Une grande discus-
sion s’éleva entre eux : lequel des deux romprait le pain, le bénirait et le partage-
rait avec l’autre. Chacun des deux voulait l’emporter par la modestie et céder le
pas. Comme ils rivalisaient ainsi, le soir les surprit. Finalement ils prirent en-
semble le pain au nom du Seigneur, le rompirent et se le partagèrent. Ayant en-
suite rendu grâce, ils passèrent toute la nuit à prier et à glorifier Dieu. Le jour
venu, Paul reprit la conversation : « Il y a longtemps, admirable Antoine, que tu
aurais dû venir habiter ici. Il y a longtemps que le Christ m’avait promis que je
verrais avant de mourir mon compagnon dans le service (de Dieu). Maintenant
donc que je vais partir272, toi qui m’as été envoyé par le Christ mets mon corps
en terre ou plutôt rends à la terre ce qui n’est que terre. »
Antoine gardait le silence. À travers un flot de larmes, il déplora leur sépara-
tion. Puis il demanda fort chaleureusement que par sa prière il lui obtînt de faire
en sa compagnie le grand voyage. Mais Paul l’interrompit doucement et lui dit
sans élever la voix : « Il n’est pas expédient, frère Antoine, que tu quittes mainte-
nant la vie. Tu dois fortifier les frères pour qu’ils deviennent tes égaux en vertu.
Pour l’instant, va chercher le vêtement que t’a donné l’évêque Athanase, apporte-
le ici pour qu’il serve de linceul à mon pauvre corps. » En réalité, il n’avait pas
besoin de ce vêtement, mais prit ce prétexte pour qu’Antoine n’assistât pas à sa
mort et ne fût pas trop atteint par le spectacle de la séparation. Étonné de cette
remarquable perspicacité, mais décidé à lui obéir comme à un ange, Antoine ne
répondit rien. Il lui baisa les mains et les yeux et retourna à son monastère.
15. Quand il arriva, les deux frères qui étaient à son service lui demandèrent
où il était resté si longtemps et quelle était la cause de son absence. Il leur ré-
pondit : « Frères bien-aimés, malheur à moi qui ne suis moine que par feinte et
ne me comporte pas comme un vrai moine ! J’ai vu le prophète Élie, j’ai vu
Jean-Baptiste, j’ai vu un autre Paul, qui vit dans le désert vraiment comme au
paradis. »
Après cela il ferma la bouche, comme un homme rendu muet par la stupeur.
Il fit signe pour qu’on lui apportât le vêtement (d’Athanase). Il le prit et s’en al-
la. Les disciples auraient voulu en savoir davantage. Il se borna à leur dire en
partant : « Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire273. » Ayant pris
un tout petit peu de nourriture, il s’empressa d’aller rejoindre celui dont il était
épris. Il avait soif de Paul, il voyait Paul, il pensait que Paul était sa nourriture et
sa respiration ; il ne pensait qu’à lui et son souvenir était pour lui comme une
réalité. Quand l’amour selon Dieu éclate dans une âme, il se révèle plus ardent et
plus violent que l’amour naturel et que tout autre sentiment274.
16. Il redoutait comme probable ce qui en effet allait se passer : qu’en son
absence Paul ne payât sa dette à la nature et ne rendit son esprit au Seigneur, lui
infligeant à lui, Antoine, la peine de n’être pas là quand il partirait vers Dieu et
exhalerait le dernier soupir, de ne pas entendre ses paroles d’adieu, de ne pas
recevoir sa dernière bénédiction. Le lendemain, vers la troisième heure, pendant
sa marche, il voit avec les yeux de l’âme des bataillons d’anges, des groupes
d’apôtres, des chœurs de prophètes, des rangs de martyrs et au milieu d’eux tous
l’âme de Paul, plus brillante et plus éclatante que la neige, montant au ciel avec
beaucoup de joie. Il tomba la face contre terre, se mit du sable sur la tête, et
commença d’un cœur contrit (comme dit l’Écriture) à gémir275, à déplorer ce qui
se passait et à se lamenter : « Malheur à moi, disait-il, car comme Job je vois ma
273 Qo 3, 7.
274 Un scribe du XVIe siècle a complété le texte du codex original conservé partiellement
par ce paragraphe qui provient du ménologe de Syméon Métaphraste (cf. F. HALKIN, Le
ménologe impérial de Baltimore, p. 13).
275 Is 65, 14.
98 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
propre crainte tomber sur moi et ce que je redoutais m’arrive276. Pourquoi, bien-
heureux Paul, m’as-tu privé de tes dernières prières ? Pourquoi es-tu parti sans
recevoir mon dernier adieu ? Pourquoi ne suis-je point parti avec toi ou même
avant toi ? Ton départ me livre à un découragement mortel. » Et il ajouta les
mots de Job : « Pourquoi donne-t-on la lumière aux âmes malheureuses, pour-
quoi la vie aux âmes qui sont dans l’amertume 277 ? »
Il souffrait beaucoup, mais un élan de jeunesse s’empara de lui et il put ter-
miner sa route avec tant de vigueur et de rapidité, comme il le raconta lui-même,
qu’un jeune homme, pourvu de bonnes jambes, n’aurait pu le suivre. Quand il
arriva et fut entré dans la grotte, il vit le bienheureux Paul agenouillé, le cou
droit et les mains tendues vers le ciel, dans l’attitude de la prière. Il crut qu’il
était encore en vie – on croit facilement ce qu’on souhaite – et se mit à prier
avec lui, tout en regardant attentivement sa bouche et ses mains pour voir si elles
bougeaient et prouvaient ainsi qu’il vivait.
17. Le cadavre restait immobile, mais le corps semblait offrir à Dieu le culte
habituel, même après le départ de l’âme, ou plutôt ce que le juste faisait quand il
mourut, il continuait à le faire après sa mort. Antoine, l’ayant compris,
s’approcha de Paul, l’embrassa, l’étendit avec respect, répandit des larmes,
preuve de sa vénération et de son affection, le roula suivant l’habitude dans le
vêtement et récita les psaumes prescrits. Ensuite il voulut l’enterrer, mais il
n’avait apporté ni bêche ni autre instrument pour creuser le sol. Il hésitait à re-
tourner à son monastère (ce qui aurait pris quatre jours à un homme dans la
force de l’âge). Il craignait qu’en son absence on emporte le corps ou bien qu’en
le croyant encore en vie, on le laisse privé des prières pour les morts et de la sé-
pulture. Il soupirait donc devant Dieu et son cœur souffrait amèrement. Il aurait
préféré mourir lui aussi avec Paul plutôt que de partir en le laissant là.
Tandis qu’il réfléchissait ainsi, des fauves, deux lions, venus du désert inté-
rieur en bondissant et en courant, se présentèrent à lui avec vivacité. Il eut
d’abord un réflexe de frayeur, puis affermit son cœur par la crainte de Dieu. Il
resta intrépide, montrant à la fois sa fragilité d’homme et sa force surhumaine
par la grâce qui le protégeait. Il restait donc sans peur en regardant ce que les
lions faisaient. Ceux-ci entourèrent d’abord le cadavre, le caressèrent de leur
queue, le pourléchèrent comme s’ils le croyaient vivant et comme s’ils hono-
raient un vrai serviteur du commun maître. Quand ils eurent reconnu à sa totale
immobilité qu’il était mort, ils rugirent de douleur et se jetèrent avec tristesse
aux pieds du saint. Antoine comprit alors quel malheur constituait même pour
les fauves le départ de Paul pour l’au-delà. Ensuite, comme s’ils étaient intelli-
gents et surmontaient leur peine, ils firent ce qui s’imposait, creusèrent le sol de
leurs pattes, rejetèrent la terre et firent une fosse suffisante pour contenir le ca-
davre. Ayant ainsi préparé la tombe, ils s’approchèrent d’Antoine, lui deman-
dant comme récompense de leur travail sa bénédiction, non par des paroles mais
par leurs regards et leurs gestes. Lui tout de suite leva les mains au ciel et dit :
« Seigneur Dieu, tout est soumis à ta volonté. Accorde à ces fauves la récom-
pense que tu juges convenable. » De la main, il leur fit signe de partir et ils obéi-
rent, exactement comme aurait fait l’homme au début du monde avant la chute ;
cette docilité, Antoine l’avait acquise par vertu. Après le départ des fauves, il
transporta respectueusement le saint corps dans la fosse creusée par les lions et
décida d’attendre un jour pour voir se renouveler le miracle du corbeau. Mais
l’oiseau ne vint pas apporter la nourriture habituelle ; il était dispensé de ce ser-
vice par la mort de Paul. Antoine, héritier légitime des vêtements et de la vertu
de Paul, prit sa tunique tressée de feuilles de palmier, retourna à son monastère,
raconta tout aux moines et leur montra la tunique. Il avait tant d’estime pour
Paul qu’il portait les vêtements de celui-ci aux fêtes principales.
18. Que Dieu, après avoir accueilli les deux saints Paul et Antoine, accorde à
notre pieux empereur tout ce qu’il demande.
formes et des versions orientales : une version grecque, connue par un manuscrit
du monastère de la Sainte Croix sur l’île grecque de Samos (BHG 751z), et six
autres versions plus libres (BHG 752, 753, 754, 755, 756, 756e)278. La BHO in-
dique les versions orientales : copte (BHO 382) et arméniennes (BHO 380-381).
Hilarion fut un disciple d’Antoine. Ce fait attesté par Sozomène est relaté
dans un apophtegme ; la liturgie byzantine le chante. Relevons en particulier le
parallèle établi entre la relation père-disciple d’Élie et Élisée et celle d’Antoine-
Hilarion.
Jérôme nous fournit un premier témoignage de l’antiquité du culte de saint
Antoine, du vivant même de saint Hilarion, mort vers 371 : « [Hilarion] déclara
aux frères qu’approchait le jour où le bienheureux Antoine s’était endormi et
qu’il devait célébrer pour lui une nuit de veille sur le lieu de sa mort279 ».
Voici les extraits de la Vie d’Hilarion qui concernent saint Antoine280.
***
2.1. Hilarion naquit dans le bourg de Tabatha situé à quinze milles environ de la
ville de Gaza, au sud de la Palestine ; ses parents étaient attachés au culte des
idoles et il était, comme on dit, une rose épanouie sur des ronces. 2. Il fut envoyé
par eux à Alexandrie et confié à l’enseignement d’un grammairien : il y fit, à la
mesure de son âge, grandement preuve d’intelligence et de bonne conduite ; en
peu de temps il conquit l’affection de tous et l’habileté dans l’art de la parole. 3.
Et, ce qui est plus important que tout cela, animé de la foi dans le Seigneur Jé-
sus, il n’était attiré ni par la frénésie du cirque, ni par la violence sanguinaire des
jeux de l’arène, ni par la lascivité des spectacles du théâtre ; mais il mettait toute
sa joie dans l’assemblée de l’Église. 4. C’est alors qu’il entendit parler
d’Antoine dont le nom célèbre retentissait chez tous les peuples de l’Égypte :
brûlant du désir d’aller le voir, il prit le chemin du désert. 5. Aussitôt qu’il l’eut
vu, il abandonna son ancienne conduite et resta près de deux mois avec lui, con-
templant sa règle de vie et la gravité de ses mœurs : quelle continuité dans la
prière, quelle humilité dans l’accueil de ses frères, quelle sévérité à les corriger,
quelle ardeur à les exhorter ! Jamais aucune faiblesse ne vint briser sa conti-
nence et l’austérité de sa nourriture. 6. Mais ne supportant pas la fréquentation
278 R. F. STROUT, Studies in the Text Tradition of St. Jerome’s Vitae Patrum, éd. W. A.
OLDFATHER, Urbana 1943 (repr. 2007), p. 312-332 (BHG 751x) ; 337-339 (BHG 752) ;
347-394 (BHG 753) ; 396-398 (BHG 754) ; 402-405 (BHG 755) ; 407-408 (BHG 756) ;
411-416 (BHG 756e).
279 Vie d’Hilarion 20, dans JÉRÔME, Trois Vies de moines (Paul, Malchus, Hilarion), SC
508, 2007, p. 271.
280 Trad. P. LECLERC, dans JÉRÔME, Trois Vies de moines, SC 508, 2007.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 101
de ceux qui affluaient auprès de lui pour chercher remède aux passions diverses
et aux assauts des démons, Hilarion dit qu’il ne convenait pas de souffrir au dé-
sert la cohue des villes et qu’il lui fallait plutôt commencer comme avait com-
mencé Antoine : celui-ci, comme un vaillant héros, recevait la récompense de la
victoire, alors que lui n’avait pas encore commencé le combat spirituel. (…)
3.1. Or donc, les membres uniquement couverts d’un sac, muni d’une tu-
nique de peau que lui avait donnée à son départ le bienheureux Antoine et d’un
manteau grossier, il jouissait entre mer et marais, de cette terrible et vaste soli-
tude, vivant uniquement de quinze figues sèches qu’il mangeait après le coucher
du soleil.
8.1. Ce fut le premier de ses miracles, mais un autre plus grand encore le ren-
dit célèbre. Aristénète, épouse d’Helpidius, qui par la suite fut préfet du prétoire,
très considérée dans son entourage et plus considérée encore parmi les chrétiens,
de retour avec son mari et ses trois enfants d’une visite au bienheureux Antoine,
fut retardée à Gaza en raison d’une maladie de ses enfants. 2. Soit, en effet, sous
l’action de l’air vicié, soit, comme la suite le montra clairement, pour servir à la
glorification du serviteur de Dieu, Hilarion, ils y furent tous trois saisis
d’hémitritée et les médecins désespéraient de les sauver. 3. La mère, terrassée de
douleur, poussant des cris de détresse, courait de l’un à l’autre de ses fils comme
s’ils étaient morts, ne sachant lequel d’entre eux pleurer le premier. 4. Mais, ayant
appris qu’un moine vivait dans le désert voisin, sans songer à sa suite de matrone
– elle ne connaissait en elle que la mère –, elle part, accompagnée de jeunes ser-
vantes et d’eunuques : c’est à peine si son mari la persuada de poursuivre sa route
à dos d’âne. 5. Étant parvenu chez ce moine : « Je te conjure, dit-elle, par la clé-
mence infinie de Jésus notre Dieu, par sa croix et son sang, de me redonner mes
trois fils ; et que gloire soit rendue dans la ville des Gentils au nom du Seigneur
notre Sauveur, que son serviteur entre à Gaza et que l’idole de Marnas
s’écroule. » 6. Comme il refusait en ajoutant qu’il ne sortirait jamais de sa cellule
et qu’il n’avait pas l’habitude de pénétrer non seulement dans une cité, mais pas
même dans une maison de campagne, elle se prosterna face contre terre en criant
sans cesse : « Hilarion, serviteur du Christ, rends-moi mes enfants. Que ceux
qu’Antoine a reçus en Égypte soient sauvés par toi en Syrie. » 7. Tous ceux qui
étaient là pleuraient ; et lui-même aussi, tout en refusant, pleurait. Que dire de
plus ? La femme ne se retira pas avant qu’il lui eût promis qu’après le coucher du
soleil, il entrerait à Gaza. 8. Après y être arrivé, en regardant attentivement sur
chacun des petits lits les corps brûlants de fièvre, il invoqua Jésus. Et, ô miracle
étonnant ! Comme de trois sources à la fois la sueur jaillit aussitôt ; sur l’heure, ils
prirent de la nourriture ; reconnaissant leur mère en larmes, et bénissant Dieu, ils
baisèrent avec effusion les mains du saint. 9. À l’annonce de cet événement et
après que la nouvelle s’en fut répandue de toutes parts, on accourait vers lui à
102 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
5. Synaxaires
La vie d’Antoine est résumée plus ou moins longuement dans les synaxaires,
recueils hagiographiques formés de récits relatifs aux saints fêtés chaque jour et
disposés selon l’ordre du calendrier. Il ne faut pas perdre de vue que dans un sy-
naxaire, « une Vie de saint n’est ni une notice d’un dictionnaire biographique, ni
un chapitre d’un manuel d’histoire de l’Église, c’est une icône verbale du saint,
qui doit certes rapporter fidèlement son histoire réelle, tout en laissant transpa-
raître la dimension cachée de l’œuvre opérée en lui par la grâce de Dieu281 ».
281 MACAIRE DE SIMONOS PÉTRA, Le Synaxaire. Vie des saints de l’Église Orthodoxe, 2e
éd., t. 1, Athènes 2008, p. xxiii-xxiv.
104 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
***
282 MACAIRE DE SIMONOS PÉTRA, ibid., p. xxii. Sur le Synaxaire de Constantinople, cf. R.
AIGRAIN, L’hagiographie, SH 80, 20002, p. 72-83.
283 Cf. A. TIMOTIN, Visions, prophéties et pouvoir à Byzance. Étude sur l’hagiographie
méso-byzantine (IX-XI siècles), coll. Dossiers byzantins 10, Paris 2010.
284 ATHANASE, VA 60, 1-2 et 66, 3-5.
285 ATHANASE, VA 89, 3.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 105
parents et grands-parents. Il a vécu sous les par ses parents et ses grands- parents. Or il
empereurs Dioclétien et Maximien, attei- vécut jusqu’à Constantin le Grand et ses fils.
gnant les jours du pieux empereur Constan- Ce trois fois bienheureux se consacra dès sa
tin. Se consacrant au combat de l’ascèse, il jeunesse à une vie d’ascèse et progressa tel-
dépassa tellement tous les ermites qu’il fut lement qu’il devint une règle pour tous les
un exemple pour les suivants. Ce qui est ex- saints apparus après lui jusqu’aujourd’hui.
traordinaire, c’est qu’il est devenu le premier Ceci est étonnant, qu’il était presque le pre-
ou parfait maître de la manière de vivre avec mier de tous et par sa manière de vivre au-
quelques uns au-dessus de la nature humaine, dessus de la nature humaine, sa conduite ap-
et lui seul en est venu à se rapprocher du parut guide et chef de tous et sa vie devint
point le plus haut. Mais les faits connus le colonne et fondement du monachisme, et de-
concernant seraient à expliquer longuement meurant dans un corps mortel, il atteignit la
en détail à tous. Nous dirons seulement le mesure des incorporels et apparut plus haut
strict nécessaire, à savoir que, se trouvant que le corps, et grâce aux visions et manifes-
dans un corps mortel, il émigrait du corps et tations divines, il brilla comme l’étoile du
voyait les âmes s’élever et les démons les matin et les divers combats des ennemis invi-
diriger, ce qui était le propre des créatures sibles, il les déchira comme des toiles
incorporelles et spirituelles. Ayant vécu en d’araignée, et il dispersa leur armée innom-
dépassant cent cinq ans, il partit vers le Sei- brable comme de la poussière méprisable, et il
gneur. Sa synaxe a lieu dans la très sainte dévoila à tous les croyants leurs ruses très
Grande Église286. reconnaissables et les moqua, comme nous
l’apprend la vie écrite à son sujet, qu’écrivit le
saint et bienheureux Athanase d’Alexandrie et
qu’il dressa comme une icône raisonnable et
maîtresse de vie pour les troupeaux du Christ.
Et pour le dire brièvement: la vie du bienheu-
reux Antoine suffit comme icône de vie pour
les moines. Mais une langue humaine ne peut
suffire pour exprimer sa pitié, son amour et sa
douceur. Ainsi il vivait dans la montagne re-
doutable de la vie élevée et sublime et il partit
vers Dieu à cent cinq ans
SYNAXAIRE DE CONSTANTINOPLE SYNAXAIRE GÉORGIEN
[Extrait de la notice pour saint Paul] Le Père Antoine alla auprès de lui pendant
Antoine le Grand, dit-on, ayant trouvé celui- qu’il était encore dans ce monde et il admira
ci [Paul] admira le lieu, le genre de vie et la grandement la conduite et la vie et le lieu et
durée de l’anachorèse, car il fut le premier la durée de l’anachorèse, car il fut le premier
des hommes à oser s’avancer à l’intérieur du à oser pénétrer dans le désert intérieur et
désert et à prolonger la tension de l’ascèse accomplir la course de l’ascèse et il partit
jusqu’à l’âge de cent treize ans. vers le Seigneur à cent treize ans.
***
SYNAXAIRE ARMÉNIEN
10 Aratz, 17 janvier, Fête d’Antoine, l’anachorète et grand ascète
Le grand Antoine était égyptien, fils de parents riches et chrétiens. Il ne voulut ja-
mais apprendre les lettres. Lorsque ses parents moururent, il restait une sœur à An-
toine. Il avait à ce moment dix-huit ans. Un jour, ayant entendu à l’église les paroles
de l’Évangile : « Si tu veux être parfait, va, vends tes biens et donne-les aux
pauvres289 », il vendit aussitôt ses biens et distribua (le prix) aux pauvres. Il fit entrer
sa sœur dans un couvent de vierges. Il y avait près de là un vieillard ; (Antoine) en-
via sa conduite et se mit à se mortifier.
Or les méchants démons le jetaient dans de grandes tribulations ; ils lui rappe-
laient les délices de la vie, et réveillaient en son esprit le prurit des passions, mais ils
ne purent ébranler le bienheureux. Toute sa nourriture consistait en pain et sel au
coucher du soleil, encore n’était-ce que tous les deux ou trois ou quatre jours qu’il
en prenait ; son lit était une natte étendue sur le sol.
Étant allé, il entra dans un tombeau vide et se mit à y accomplir ses prières. Les
démons s’assemblèrent et le blessèrent de leurs coups à tel point qu’il perdit l’usage
de la parole ; puis, l’ayant laissé à demi-mort, ils s’en allèrent. Son domestique, étant
venu, le chargea sur ses épaules et l’emmena au village ; il y resta étendu, jusqu’à ce
287 G. BAYAN, Le synaxaire arménien de Ter Israel, VI. Mois de Aratz, PO 19, 1925, 20032,
p. 46-53. R. AIGRAIN montre que le texte publié par G. BAYAN « n’a aucun droit à figu-
rer sous le nom de Ter Israël » (L’hagiographie, SH 80, 2000, p. 88).
288 Pour une critique de cette édition, cf. U. ZANETTI, « Apophtegmes et histoires édifiantes
dans le synaxaire arménien », AB 105, 1987, p. 167-191.
289 Mt 19, 21.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 107
qu’il fût un peu rétabli, puis se leva et partit de nouveau vers le tombeau. Or il criait
à haute voix : « Je vous dis, moi, Antoine, que je n’ai pas peur de vous et ne crains
pas les coups. » Le démon, étant venu, secoua fortement le tombeau, lui fit appa-
raître de nombreux reptiles et bêtes sauvages, qui se jetèrent sur lui, mais Antoine fit
disparaître ces apparitions par ses prières et le signe de la croix. Puis, ayant levé les
yeux, il aperçut le plafond entr’ouvert et un rayon lumineux brilla sur lui ; au même
instant les douleurs de ses blessures diminuèrent et il s’écria avec des larmes aux
yeux : « Seigneur, où étais-tu jusqu’à présent, pourquoi ne m’es-tu pas apparu la
première fois pour atténuer mes douleurs ? » Une voix se fit entendre à lui, qui dit :
« Ô Antoine, j’étais ici, mais j’ai voulu voir ton courage, et comme tu as vaincu
maintenant et n’as pas été vaincu, je serai continuellement ton aide et je te rendrai
célèbre sur toute la terre. »
Le bienheureux avait alors trente-cinq ans. Un jour qu’il se rendait au désert, le
démon lui fit voir un plateau d’or tombé à terre il n’y regarda même pas et dit :
« D’où vient ce plateau ici au désert ? » Étant allé plus loin, il aperçut des pièces de
monnaie dispersées par terre, il passa à côté comme une ombre.
S’étant rendu dans un couvent du désert, il se cloîtra dans une cellule pendant
de longs jours, et ceux qui allaient pour voir Antoine entendaient des voix qui discu-
taient entre elles, et, pris de peur s’en retournaient, puis étant revenus, lorsqu’ils en-
traient chez lui, ils le trouvaient seul et calme dans le silence, et il leur enseignait et
leur recommandait à tous de ne pas craindre les ruses du démon. Beaucoup, à cause
de son enseignement, abandonnèrent cette vie, prirent leur croix et suivirent reli-
gieusement le Christ, construisirent des couvents dans le désert et allaient à Antoine
comme à leur père et à leur supérieur pour en recevoir des conseils.
En ces jours-là, il y eut une persécution du juge Maximien290, et on amenait les
chrétiens chargés de fers à la ville d’Alexandrie. Antoine quitta sa cellule pour aller
voir les confesseurs enchaînés, martyrs du Christ ; il s’introduisait dans les prisons,
leur rendait service et les encourageait à demeurer fermes dans la foi et accepter le
martyre avec joie. Le juge donna l’ordre à ce qu’aucun moine n’apparût à la ville.
Antoine lava sa tunique et le lendemain matin alla au-devant du juge, mais celui-ci
ne le regarda aucunement, car Dieu n’avait pas ordonné le martyre d’Antoine ; et
bien que celui-ci se fit voir aux idolâtres, Dieu le laissa sur terre pour diriger et or-
ganiser l’ordre de la vie monacale.
Il retourna donc aux couvents et y guérit tous les malades, les infirmes et les
possédés. Mais comme beaucoup allaient le voir et le dérangeaient, il songea à se
rendre au mont Thébaïde, une voix du ciel se fit entendre qui lui dit : « Même si tu
allais dans la Thébaïde, tu y trouverais plus de dérangement, mais si tu veux te tenir
dans le silence, voilà que des sarrasins passent ; marche à leur suite et entre dans le
désert plus intérieur. » Il se leva, les suivit pendant trois jours et trois nuits, et arriva
290 Gaatawor a le sens propre de « juge ». Néanmoins, par calque sémantique, il peut dési-
gner un représentant du pouvoir exécutif : ainsi en Mt 10, 18, il rend hJghmwvn. Le latin
emploie iudices pour désigner de hauts responsables ; de là, des textes qui réfèrent à des
réalités romaines calquent le vocabulaire latin.
108 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
291 R.-G. COQUIN, « Langue et littérature copte », dans Christianismes orientaux, Paris
1993, p. 207.
292 Synaxarium Alexandrinum. Pars prior, éd. et trad. J. FORGET., CSCO 78/Ar 12, 1921,
trad. latine p. 387-390. Le Synaxaire arabe jacobite (rédaction copte), III. Les mois de
Toubeh et d’Amchir, éd. et trad. R. BASSET, PO 11/5, 1916, 20032, p. 661-666. Cf. R.-
G. COQUIN, « Le synaxaire des coptes : un nouveau témoin de la recension de Haute-
Égypte », AB 96, 1975, p. 351-365.
293 Le synaxaire arabe-jacobite. III. Les mois de Toubeh et D’Amchir, PO 11/5, p. 661.
110 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Cette rédaction copte donne quelques précisions qui ne se trouvent pas dans
la VA :
1. Il fut baptisé à l’âge de vingt ans.
2. Lors de sa réclusion, qui dura près de vingt ans, il cuisait du pain deux fois
par an, alors que, selon Athanase, il recevait du pain deux fois par an.
3. Antoine revêtit Macaire de l’habit religieux et sa mort approchant, il recom-
manda à ses disciples de lui donner son bâton295.
Les synaxaires coptes comportent plusieurs références à Antoine en dehors de la
notice qui lui est propre et de celle de saint Paul l’ermite.
• Le 20 Babeh (17 octobre), mémoire de l’higoumène Jean le Petit, qui « habita
dans la montagne d’Antoine ».
Quand le Seigneur voulut le délivrer de la prison de ce monde, il lui envoya ses deux
saints, les justes Macaire et Antoine pour le fortifier et lui annoncer son départ. Il
tomba légèrement malade et envoya son serviteur pour lui apporter quelque chose de
la ville. Quand arriva la nuit du dimanche, les anges et une troupe de saints furent
présents, reçurent l’âme du bienheureux et la portèrent aux cieux. À son arrivée, le
serviteur vit l’âme du saint entourée par tous les saints tandis que les anges chan-
taient des hymnes devant elle. En avant de tous était quelqu’un pareil au soleil, qui
chantait des hymnes. Après un moment de stupéfaction du serviteur, un ange vint à
lui et lui fit connaître, un par un, les noms de tous les saints ; il lui disait : « Voici
abbâ Pachôme ; voici Macaire ; voici un tel » ; et il lui indiquait du doigt chacun
d’eux. – Quel est celui qui est en avant et qui brille comme le soleil ? demanda le
serviteur. – C’est Antoine, le père des moines296 ».
294 Le synaxaire arabe jacobite (rédaction copte), t. IV, PO 16/2, 1922, repr. 1985, p. 258.
295 A. GUILLAUMONT, « Macaire l’Égyptien », DS 10, 1980, col. 11-12 : « Les sources coptes
ont tendance à exagérer l’importance des rapports de Macaire avec saint Antoine ».
296 Synaxarium Alexandrinum. Pars prior, trad. J. FORGET, CSCO 78/Ar 12, 1921, p. 78.
Synaxaire arabe-jacobite, trad. R. BASSET, PO 1, 1904, repr. 1993, p. 354-355.
297 Synaxarium Alexandrinum. Pars prior, op. cit., p. 213. Synaxaire arabe-jacobite, trad.
R. BASSET, PO 3, 1907, repr. 2003, p. 356.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 111
Mon âme, tu n’es pas plus forte que les saints qui ont fui ce monde et ont habité les
déserts, comme saint Macaire, Antoine, Pachôme et d’autres. Obéis-moi si tu veux
ton salut ; fuis ce monde, tu seras sauvée298.
Quand il fut grand, il s’éprit de la vie angélique et ascétique. Il sortit du monde, alla
trouver Antoine et resta dans son obéissance et à son service pendant des années305.
Le Synaxaire éthiopien provient du synaxaire copte traduit en ge’ez.
Le noyau primitif du Synaxaire éthiopien306 a été traduit de l’arabe à la fin
du XIVe siècle. Entre 1563 et 1581, ce fonds premier a été remanié et considéra-
blement augmenté307. Ceci est très marqué pour la notice concernant saint An-
toine. Il y est commémoré le 22 Terr (= 17 janvier308). Il reçoit les mêmes quali-
ficatifs que dans le synaxaire arabe jacobite : « En ce jour mourut le père saint
(et) grand, l’étoile du désert et le père de tous les moines, abba Antoine309 ». Le
récit de sa vie comporte bien des détails propres à ce synaxaire : à sept ans, il
apprit tous les livres de l’Église. Le patriarche d’Alexandrie le bénit et prophéti-
sa à son sujet « cet enfant sera grand devant Dieu et sa renommée s’élèvera dans
tous les pays310 ». Il lui imposa les mains et l’ordonna diacre (sic !). C’est « sept
mois » après la mort de ses parents, qu’il entendit à l’église les paroles bibliques
qui le déterminèrent à tout quitter pour le Christ. Une anecdote est propre à ce sy-
naxaire : son voyage auprès du roi des Francs sur un nuage311. Ce récit provien-
drait de sources hispano-arabes312. Une phrase d’Athanase peut être à l’origine de
cette légende : « Comment, en effet, aurait-on entendu parler jusqu’en Espagne et
en Gaule, jusqu’à Rome et en Afrique, de cet homme caché et assis sur la mon-
tagne, si ce n’est par l’intervention de Dieu, qui fait connaître partout ceux qui
sont à lui et avait fait cette promesse à Antoine dès le début313 ? » Un tel voyage
sur un nuage n’est pas un fait isolé dans les récits éthiopiens, où la légende se
mêle facilement à l’histoire. C’est ainsi que la Vierge a transporté à Aksum deux
personnages non contemporains Abba Labhâwi et Cyriaque de Behnesâ pour
qu’ils donnent au prêtre Yared, l’un, son office, et l’autre, sa liturgie314. C’est
305 Synaxarium Alexandrinum, CSCO 90/Ar 13, p. 277 ; Synaxaire arabe-jacobite, PO 17,
1924, 19942, p. 749-750.
306 G. COLIN, Le synaxaire éthiopien. État actuel de la question, AB 106, 1988, p. 273-317.
307 G. COLIN, Le synaxaire éthiopien. Index généraux, PO 48/3, 1999, p. 261.
308 17 janvier, selon le calendrier julien, ce qui correspond au 30 janvier selon le calendrier
grégorien. Pour la correspondance entre les mois éthiopiens, juliens et grégoriens, cf. E.
FRITSCH, The Liturgical Year of the Ethiopian Church, Ethiopian Review of Cultures,
Special issue, vol. IX-X, 2001, p. 24.
309 G. COLIN, Le synaxaire éthiopien. Mois de Terr, PO 45/1, 1990, p. 165.
310 Cf. Lc 1, 32-33.
311 G. COLIN, Le synaxaire éthiopien. Mois de Terr, PO 45/1, 1990, p. 171-173.
312 D. H. FARMER, The Oxford Dictionary of Saints, 19923; trad. roumaine, Bucarest 1999, p. 53.
313 Cf. VA 93.
314 Cf. C. CONTI ROSSINI, Liber Aksumae, CSCO 58/Aeth 27, 1910, p. 5.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 113
aussi un mode de voyage connu dans le synaxaire arabe jacobite. Par exemple
Jean le Petit est transporté par un nuage d’Alexandrie à Babylone315.
Dans ce synaxaire, la vie d’Antoine fut de cent vingt ans, et non de cent cinq
ans, selon le récit d’Athanase suivi par les synaxaires byzantin et arménien. Cent
vingt ans, c’est la durée maximale à laquelle Dieu réduisit la vie humaine selon
Gn 6,3 ; c’est l’âge auquel Moïse mourut (Dt 31, 2 ; 34, 7), ainsi que le maître
de l’école pharisienne, Hillel, le fondateur de l’École de Yavné, Yohanan ben
Zakkaï, et Rabbi Aquiba. Ce nombre a valeur symbolique316. Cela signifie que la
vie d’Antoine a atteint la plénitude possible sur cette terre et que son esprit peut
se transmettre à ses disciples. On remarquera l’importance du chiffre sept qui
revient quatre fois dans cette notice : à sept ans, il apprend à lire, sept mois après
la mort de ses parents, il entend à l’église des paroles ; le temps de voyage pour
aller de l’Égypte à Barkinon est de sept mois ; Antoine reste sept mois auprès du
roi des Francs. Ce chiffre sept revient souvent dans le synaxaire éthiopien317.
« Sept a un caractère sacré qu’on retrouve dans la liturgie (Lv 4, 6.17 ; Nb 28,
11) et dans les visions prophétiques (Ez 40, 22 ; Is 30, 26 ; Za 4, 2.10)318 ». Il
symbolise la perfection en rapport avec la création, après laquelle Dieu se reposa
le septième jour. Dans la littérature patristique, on trouve de nombreuses spécu-
lations sur ce nombre saint319. Dans la notice d’Antoine, la répétition de ce
chiffre confère à sa biographie une certaine perfection.
Le nom d’Antoine est mentionné à bien des reprises tout au long du synaxaire
éthiopien, soit lorsqu’il s’agit de ses disciples Macaire, Hilarion, Paul le Simple,
Ammonius, Bessarion, soit tout simplement pour des saints qui ont fréquenté « la
montagne d’Antoine320 ». Plusieurs saints ont la vision d’Antoine, qui vient les
chercher avec d’autres abbas (Macaire, Pachôme et d’autres). Dans ces visions,
Antoine se trouve en tête de ces Pères saints qui appellent le mourant « aux noces
de l’Époux », à « se réjouir avec eux dans le royaume des cieux321 ». Il est « celui
qui brille comme le soleil devant les autres saints, le père de tous les moines322 »,
« le chef des moines323 ». Abba Samuel reçoit l’habit monastique d’abba Agathon
avec cette prière : « Que le Dieu de nos Pères saints Abba Antoine et Abba Ma-
caire soit avec toi, ô mon fils Samuel324 ».
On remarque que, dans le synaxaire copte et éthiopien, la rencontre de Paul
et Antoine est détaillée. Cela se retrouve dans la liturgie copte, qui les associe
largement, ainsi que dans l’iconographie copte. Paul et Antoine sont peints côte
à côte tant dans le monastère de Saint-Antoine que dans le monastère de Saint-
Paul (hors-texte 3 à 8).
Pour pouvoir plus aisément comparer la notice de saint Antoine dans le sy-
naxaire copte325 et celle du synaxaire éthiopien326, nous les disposons sur deux
colonnes.
***
SYNAXAIRE ARABE-JACOBITE SYNAXAIRE ÉTHIOPIEN
En ce jour mourut le grand saint, l’étoile du En ce jour mourut le père saint grand, l’étoile du
désert, le père de tous les moines, Antoine. désert et le père de tous les moines, abba An-
Ce saint était de Qiman, dans le sud de toine. Ce saint était des gens de la ville de Qi-
l’Égypte, et ses parents étaient chrétiens. man dans le pays d’Égypte au sud de Mesr (=
Quand il eut atteint sa vingtième année, il Le Caire). Ses parents étaient chrétiens, lui aussi
reçut le saint baptême. était chrétien depuis sa jeunesse et il n’y avait
pas d’impiété en lui. Quand il allait avec ses
parents à l’église et que (le prêtre ?) offrait le
sacrifice, il ne s’amusait pas avec les enfants et
ne s’agitait jamais. Quand il eut un peu grandi, il
resta soumis à ses parents et leur obéissait.
Quand il eut sept ans, il apprit tous les livres de
l’Église ; c’était au temps d’abba Théonas, pa-
triarche de la ville d’Alexandrie. Quand celui-ci
eut appris l’histoire d’abba Antoine depuis son
enfance, il dépêcha (un messager) et on le fit
venir auprès de lui ; il le bénit, prophétisa à son
sujet et dit : « Cet enfant sera grand devant Dieu
et sa renommée s’élèvera dans tous les pays. » Il
lui imposa les mains et l’ordonna diacre.
322 PO 44/1, 1987, p. 117 (même donnée dans le synaxaire arabe-jacobite, PO 1/3, 1904,
1993, p. 354-355).
323 PO 43/3, 1986, p. 115.
324 Le 8 du mois de Tahschach, PO 15/5, 1926, p. 116.
325 Le synaxaire arabe-jacobite. III. Les mois de Toubeh et D’Amchir, éd. et trad. R. BASSET,
PO 11/5, p. 661-666.
326 Le synaxaire éthiopien. Mois de Terr, éd. et trad. G. COLIN, PO 45/1, p. 165-175.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 115
Après la mort de ses parents, il partagea tout Après cela, ses parents moururent et lui laissè-
son bien entre les pauvres et les malheureux. rent une sœur toute petite. Sept mois après la
Il avait une sœur unique qu’il remit aux mort de ses parents, il alla à l’église selon sa
vierges. coutume ; (la pensée) suivante entra dans son
cœur : « Comment les apôtres ont-ils aban-
donné toute chose et ont-ils suivi notre Sei-
gneur et notre Sauveur ? Ceux qui ont vendu
leurs biens, comme il est écrit dans les Actes
des apôtres, en apportaient le prix de la vente
et le mettaient aux pieds des apôtres pour
qu’ils le donnassent à qui en avaient besoin327.
Quelle part peuvent-ils espérer que (Dieu) leur
a préparée dans les cieux ? » Il pensait à tout
cela en son cœur à chaque instant. Après cela,
il alla à l’église et entendit notre Seigneur
disant au riche dans l’Évangile saint : Si tu
veux être parfait, va, vends tous tes biens,
donne (-les) aux pauvres, fais-en pour toi un
trésor qui (sera) dans les cieux et viens, suis-
moi328. Antoine reçut la pensée des saints (ve-
nant) de Dieu et pensa dans son cœur que
cette parole avait été prononcée pour lui ; à ce
moment il sortit de l’église. Ses parents
avaient eu une grande terre, étendue (et) belle,
il la donna aux gens de sa ville ; tous les nom-
breux biens qu’avaient laissés ses parents, il
les donna tous aux pauvres et aux indigents ; il
prit sa sœur et la remit aux vierges.
Ainsi fit le grand Antoine. Satan l’attaqua par Le grand saint abba Antoine fit de même ;
l’ennui, la paresse et les mauvaises actions : Satan l’attaquait par la paresse et (en lui fai-
il lui faisait apparaître l’image d’une femme sant) faire des péchés ; il lui amenait un simu-
dormant avec lui. Mais il résistait à tout cela lacre de femme en rêve en sorte qu’elle (était)
avec l’aide de Notre Seigneur le Messie qui comme si elle dormait avec lui. Il résistait à
était avec lui tout cela avec l’aide de notre Seigneur Jésus-
Christ – gloire à lui ! – qui était avec lui.
sur lui la porte de cet endroit : ses connais- tombeau ; il y menait un grand combat. Sa
sances allaient le visiter et lui apportaient de famille et ceux qui le connaissaient le visi-
la nourriture. À cette vue les démons le taient et lui apportaient sa nourriture. Quand
haïrent, le frappèrent de nombreux coups les démons virent Antoine combattre ainsi,
douloureux et le laissèrent gisant. ils s’enflammèrent contre lui, vinrent auprès
de lui, le frappèrent de grands coups doulou-
reux et le laissèrent gisant.
Quand ses connaissances vinrent le visiter, Quand ses parents vinrent le visiter, ils le trou-
elles le trouvèrent en cet état ; elles le trans- vèrent gisant comme mort ; ils l’emportèrent et
portèrent à l’église et le Seigneur lui donna la l’amenèrent à l’église, et Dieu le guérit de ses
guérison. souffrances.
Lorsqu’il revint à lui, il leur ordonna de Quand il reprit connaissance, il leur ordonna de
l’emporter et de la ramener à son habitation. l’emporter et de le ramener à sa demeure, et ils
Les démons, ayant été ainsi vaincus, vinrent firent ainsi. Quand Antoine eut vaincu les dé-
sous de nombreuses formes, avec l’apparence mons, ils vinrent auprès de lui sous de nom-
de bêtes sauvages, de loups, de lions, de dra- breuses apparences, à la ressemblance des
gons et de scorpions ; chacun d’eux bêtes sauvages, des lions, des loups, des ser-
s’efforçait de le faire périr, mais il les raillait pents et des scorpions ; chacun d’entre eux se
et leur disait : « Si vous aviez du pouvoir sur dressait contre lui pour le faire périr. Antoine
moi, un seul d’entre vous suffirait. » Alors ils se moquait d’eux et leur disait : « Si vous aviez
s’évanouirent devant lui comme de la fumée, du pouvoir sur moi, un seul d’entre vous suffi-
et il fut délivré de la douleur et des tenta- rait pour moi ». Aussitôt ils s’évanouissaient
tions : le Seigneur lui donna la victoire sur devant lui comme de la fumée. Dieu lui donna
les démons. de vaincre les démons et il fut délivré des maux
et des tentations des démons.
Il cuisait du pain deux fois par an et le faisait Il faisait cuire le pain de sa nourriture deux
sécher ; il ne laissait personne entrer chez lui, fois par an et le faisait sécher au soleil. Il ne
mais les gens se tenaient dehors et écoutaient permettait à personne d’entrer auprès de lui
ses paroles. Il resta vingt ans à adorer Dieu dans sa cellule, mais (les gens) se tenaient à
avec une grande ferveur. l’extérieur et écoutaient sa parole. Il demeura
ainsi, en s’adonnant à la dévotion et en me-
nant un grand combat pendant vingt ans.
Puis le Seigneur lui ordonna d’être utile aux Ensuite, Dieu lui ordonna de consoler le genre
hommes et de leur apprendre à craindre Dieu humain et de lui enseigner à craindre Dieu et à
et à le servir. Il alla dans le Fayoum et fortifia l’adorer. Il alla dans la région de Fayoum, y fit
des frères qui s’y trouvaient, puis il revint à moines de nombreux frères et les fortifia dans
son couvent. la grâce de Dieu. Il y eut beaucoup de monas-
tères et les moines combattants se multipliè-
rent ; il retourna à sa montagne.
gneur le Messie et les consolait. Quand le l’appréhenda jamais. Il visitait les croyants et
gouverneur vit son peu de crainte, il défendit ceux qui étaient emprisonnés à cause du nom
qu’aucun moine ne se montrât ; mais Antoine du Christ et les consolait. Quand le gouver-
se présentait à lui en public et l’interpellait neur vit qu’Antoine n’avait pas peur, il ordon-
dans l’espoir qu’il se fâcherait contre lui et le na qu’aucun moine ne se présentât au tribu-
torturerait, le frapperait et qu’ainsi il serait nal ; mais Antoine se présentait devant lui
martyr, mais le gouverneur ne lui parlait pas, ouvertement à tout moment et lui adressait la
et cela parce que Dieu conservait le saint parole espérant qu’il s’irriterait contre lui, le
pour le bien de beaucoup d’hommes. (ferait) torturer et flageller, et qu’il deviendrait
martyr. Mais il ne lui adressa pas la parole et
ne lui fit rien de mal, car Dieu le protégeait à
cause de son utilité pour beaucoup.
Par un dessein de Dieu, il revint à son cou- Quand le temps de la persécution fut achevé
vent. Il était vêtu d’un cilice et pendant sa vie et qu’eut été martyr le saint et bienheureux
ne se baigna jamais. Pierre, le patriarche de la ville d’Alexandrie,
dernier des martyrs, Antoine retourna à sa
montagne ; cela eut lieu par la volonté de
Dieu. Il était vêtu d’un cilice et de toute sa
vie ne se lava pas avec de l’eau.
Ceux qui venaient à lui et écoutaient son en- Beaucoup de gens souffrant de toute sorte de
seignement se multiplièrent et il en fut trou- maladies venaient auprès de lui, il priait pour
blé : Dieu lui ordonna d’aller dans le désert eux et ils étaient guéris. Quand il vit la foule
intérieur. nombreuse venir auprès de lui et écouter son
enseignement, et qu’elle ne le laissait pas res-
ter seul comme il (le) voulait, il craignit de
s’enorgueillir dans son cœur à cause de ce que
faisait Dieu avec lui. Il pensa dans son cœur à
aller en Haute-Égypte dans un lieu où on ne le
connaîtrait pas. Il reçut de frères (moines) un
peu de pain et s’assit près du fleuve à attendre
un bateau pour y monter et s’en aller. Quand il
eut réfléchi à cela, une voix lui arriva du ciel
disant : « Antoine, où cherches-tu (à aller) et
que veux-tu ici ? ». Il répondit et dit : « Beau-
coup de gens viennent auprès de moi et
m’empêchent de rester seul. À cause de cela,
je veux aller en Haute-Égypte. » La voix ré-
pondit et lui dit : « Si tu veux aller en Haute-
Égypte, ton tourment sera redoublé ; mais si tu
veux rester seul véritablement, va à l’intérieur
du désert à une distance de trois jours. »
Il partit avec une troupe d’Arabes jusqu’au Alors Antoine vit des Arabes, ceux-ci vou-
milieu de ces solitudes à une distance de trois laient suivre cette route ; Antoine alla vers
jours : il trouva une source, quelques roseaux eux et leur demanda à aller avec eux dans le
et un petit nombre de palmiers. Cet endroit désert. Ils l’accueillirent avec joie et marcha
lui plut et il s’y établit. avec eux pendant trois jours jusqu’à ce qu’il
118 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Les Arabes lui apportaient du pain : il y avait Antoine aima cet endroit, car Dieu qui l’avait
dans le désert beaucoup d’animaux sauvages appelé au bord du fleuve l’avait préparé pour
dangereux : à sa prière, le Seigneur les chassa lui. Il s’installa en ce lieu ; les Arabes lui
de là et ils ne revinrent plus. À divers inter- apportaient du pain. Il y avait dans ce désert
valles, il retournait à son couvent extérieur, de nombreuses bêtes sauvages malfaisantes ;
visitait les frères qui s’y trouvaient et les con- à sa prière, Dieu les chassa de là et elles ne
solait, puis il revenait à son couvent intérieur. revinrent jamais. À tout moment, il partait
vers son monastère extérieur au désert au
bord du fleuve, visitait les frères qui étaient
là, les réconfortait, et retournait à son monas-
tère qui était à l’intérieur du désert.
Il était en proie à l’ennui et il entendit une Un jour, la paresse s’abattit sur lui et il enten-
voix qui lui dit : « Sors et regarde ». Il sortit dit une voix qui lui disait : « Sors à l’extérieur
et trouva un ange avec un long manteau, pour voir. » Il sortit à l’extérieur et trouva un
ceint d’une ceinture chrétienne, comme le ange, (celui-ci avait) sur lui les vêtements
vêtement monastique, et ayant sur la tête un monastiques, la ceinture et la cuculle qui (est)
bonnet pareil à un casque. Il était assis, les une croix à la ressemblance du froc et, sur sa
yeux baissés, puis se levait pour prier et tête, la mitre à la ressemblance d’un casque. Il
s’asseyait en baissant les yeux. Une voix lui était assis et tressait des feuilles de palmier,
parvint disant ces mots : « Antoine, agis ainsi puis il se levait et priait, puis il s’asseyait et
et tu seras en repos. » À partir de ce jour, il tressait. Une voix lui parvint disant : « An-
prit le vêtement qui est celui des moines, et toine, fais ainsi et tu seras délivré des attaques
baissa les yeux : l’ange ne revint plus. des démons. » Il prit cette forme d’habit qui
est le vêtement monastique. De ce jour, il tres-
sa des feuilles de palmier de ses mains et, de
ce moment, la paresse ne s’abattit plus sur lui,
ni les attaques des démons
Notre Seigneur le Christ lui apparut de nom-
breuses fois, le réconforta, le fortifia et lui
dit : « En vérité, je te le dis, mon élu An-
toine : à cause de ton labeur, de ton ascèse et
de tes dévotions solitaires dans ce désert pour
l’amour de moi, j’exalterai ta puissance, je
grandirai ton nom jusqu’aux confins de la
terre et je ferai des déserts et des montagnes
des emplacements pour les monastères rem-
plis de moines – et ceux-ci seront comme des
anges –, particulièrement tes monastères, car
ils subsisteront jusqu’à la fin du monde. Qui-
conque fera ta commémoration ou donnera
une aumône ou de l’encens ou une offrande
en ton nom, (de celui-là) j’effacerai tous les
120 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Il annonça que les moines se multiplieraient, Il prophétisa au sujet des moines : ils se mul-
qu’ils habiteraient les villes et laisseraient le tiplieraient et augmenteraient beaucoup ; après
désert. cela, ils quitteraient les déserts et les mon-
tagnes, (en) descendraient et habiteraient dans
les villes et les villages au milieu du profane.
Il prophétisa sur la fin du monde. C’est lui Il prophétisa au sujet de la fin de ce monde.
qui revêtit Macaire de l’habit religieux ; il le C’est lui qui revêtit le saint abba Macaire du
consola et lui apprit ce qui arriverait de lui. froc monastique, car c’était son fils spirituel
et son disciple ; il l’encouragea et lui apprit
ce qu’il adviendrait de lui.
Il alla trouver abba Paul le Grand ; il prit soin Il alla auprès d’abba Paul le Grand, le chef des
de son corps et l’ensevelit dans le manteau solitaires ; c’est lui qui prit soin de son corps
d’Athanase l’apostolique. et l’ensevelit dans les vêtements d’Athanase
l’apostolique.
Lorsque saint Antoine sentit sa mort appro- Quand le saint abba Antoine sut que le mo-
cher, il ordonna à ses fils de cacher son corps ment de sa mort était proche, il ordonna à ses
et leur recommanda de donner à Macaire le fils spirituels de cacher son corps ; il leur
bâton qu’il avait, son vêtement en poil de ordonna de donner son bâton au saint Ma-
chameau à Athanase, son manteau à Sérapion. caire, son fils spirituel, sa natte à abba Atha-
nase, et de donner ses vêtements en peau de
chèvre à Sérapion l’évêque, son fils spirituel.
Il s’étendit sur la terre et rendit l’âme. Des Et il se coucha par terre et remit son âme
troupes d’anges et de saints sortirent à sa dans la main de notre Seigneur. Toutes les
rencontre et le conduisirent au lieu du repos. assemblées des saints anges vinrent auprès de
lui, le reçurent avec grande joie et le firent
monter aux cieux dans le repos éternel.
Chapitre I. Vies de saint Antoine 121
Ses fils cachèrent son corps comme il le leur Quant à son corps, ses fils spirituels le cachè-
avait recommandé, car il blâmait ceux qui rent comme il le leur avait ordonné, car il blâ-
exhibent les corps des martyrs et des saints mait ceux qui exhibaient le corps des martyrs et
pour en retirer de l’argent et en faire du gain des saints pour recevoir grâce à eux de l’argent
pour eux. et des biens et qui s’attribuaient ce gain.
Il vécut jusqu’à la limite de l’extrême vieil- Ce saint abba Antoine vécut jusqu’à une
lesse, sans que son corps ni sa force chan- belle vieillesse et devint très vieux. Son corps
geassent, sans perdre une dent : il alla retrou- ne changea pas ni sa force et sa vigueur, au-
ver le Messie qui l’aimait. cune de ses dents ne tomba et il ne se lava
pas avec de l’eau durant toute sa vie. Il alla
auprès du Christ, qui l’aimait ; tous les jours
de sa vie furent de cent vingt ans.
Que sa prière et son intercession soient avec Que sa prière et sa bénédiction soient avec
nous tous ! Amen. nous et nous délivrent de nos ennemis, amen.
329 Le synaxaire arabe-jacobite. III. Les mois de Toubeh et D’Amchir, éd. et trad. R. BASSET
PO 11/5, 1916, repr. 2003, p. 772-781.
330 Le synaxaire éthiopien, Mois de Yakkatit, éd. et trad. G. COLIN, PO 45, 1992, p. 461-471
(trad. légèrement modifiée).
122 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
té le désert, de beaucoup le meilleur, et ce dont le monde n'est pas digne d'une seule des
monde n’est pas digne d’être foulé par ses empreintes de pieds : grâce à lui, la terre (qui
pieds. C’est grâce à lui que la terre est affer- est) juste donne ses fruits ; grâce à lui, la
mie et produit ses fruits ; c’est grâce à sa vertu rosée tombe sur la terre et le soleil se lève
et à sa prière que la rosée descend sur le sol. » sur tous les pécheurs ; lui-même, en échange
En entendant cela, Antoine dit : « Par le nom de sa perfection, porte tout le genre hu-
du Seigneur, je ne reviendrai pas derrière moi main. » Quand abba Antoine entendit ces
et je ne rentrerai pas dans ma maison jusqu’à paroles, il se leva et alla dans l’intérieur du
ce que j’aie vu ce serviteur de Dieu. » Comme désert en croyant que Dieu était avec lui et
il n’était pas faux, mais croyant, il partit qu’il lui frayait le chemin.
l’esprit joyeux dans l’intérieur de la montagne
vers l’Orient jusqu’à ce qu’il arriva dans une
vallée profonde. Quand il y entra, il vit devant
lui un être enveloppé d’un linceul, debout sur
un pied, ayant dans sa main gauche un grand
harpon : c’est celui que les savants appellent
Dairas. Quand Antoine fut arrivé jusqu’à lui,
il lui demanda : « Qui es-tu ? » – L’être enve-
loppé d’un linceul lui répondit : « Je suis le
chef des deux villes de l’injustice ; c’est nous
que les hommes adorent ; notre temps est ex-
piré ; Dieu nous a bannis et nous a laissés
dans ce désert abandonné jusqu’au jour du
jugement suprême pour que nous soyons ju-
gés avec ceux qui ont pratiqué l’injustice. » –
Antoine demanda alors : « Il faut absolument
que tu ailles à ce jugement? Pourquoi ? –
Parce qu’ils nous ont donné des noms que
nous ne méritons pas : ce sont les divinités :
c’est pourquoi on nous amènera au jugement ;
nous citerons ceux qui ont commis
l’injustice. » Alors le vieillard leva la main
vers le ciel et poussa un cri : « Malheur à toi,
ville de sang, Tyr qui es Alexandrie, car tu as
enseigné l’idolâtrie à tous les peuples. » Le
vieillard lui demanda encore : « Où est le ser-
viteur de Dieu qui est dans ce désert ? » –
L’autre répondit : « N’interroge pas les morts
sur les vivants ; celui au nom duquel tu
marches te fera arriver à lui. » – Le vieillard
s’avança d’environ une demi-journée : alors
lui apparut dans la montagne un être sauvage :
la moitié supérieure de son corps était un
homme ; la moitié inférieure ressemblait à un
cheval ; son aspect était très redoutable :
c’était celui que les savants du monde appel-
lent Centaure. Quand le vieillard fut près de
lui, il lui demanda : « Où habite le serviteur
Chapitre I. Vies de saint Antoine 123
331 Ps 9, 1.
332 Mt 7, 7.
124 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
« Oui. » – « L’injustice existe-t-elle encore Puis ils s’assirent et mangèrent ; après qu’ils
sur la terre ? » – « Oui. » – « Les magistrats eurent mangé, ils se levèrent, se tinrent de-
gouvernent-ils avec l’erreur de Satan dans bout, prièrent et glorifièrent Dieu jusqu’au
l’esprit, en tyrannisant les faibles ? » – moment du matin.
L’autre répondit : « Il en est ainsi. » Ensuite
ils se levèrent, prièrent, puis s’assirent tous
deux. – Antoine demanda : « Mon père, fais-
moi connaître si cet habit monastique se mul-
tipliera sur la terre ou non ? » Le bienheureux
abba Paul sourit, puis il soupira. – Antoine
reprit : « Mon père, je t’ai vu sourire de con-
tentement et soupirer par trouble. »
Abba Paul lui répondit : « Ces déserts seront Quand ils virent que la lumière du matin
remplis comme les tours du prince ; Dieu s’était levée, ils s’embrassèrent et Antoine
rassemblera de toute part ses élus : ce nom lui dit : « Mon père, d’où reçois-tu les saints
qui est „élu” passera et deviendra le nom des Mystères pendant tous ces jours alors que tu
moines ; ils se réjouiront longtemps comme demeures dans le désert ? » Le saint abba
il est écrit : Ceux qui habitent dans les ro- Paul lui répondit et lui dit : « Dieu m’envoie
chers se réjouiront et Dieu les transportera son ange et celui-ci me donne les saints Mys-
avant sa colère ; puis après eux se lèvera une tères tous les samedis et les dimanches, après
génération de gens indociles et désobéis- cela il monte au ciel ; ainsi agit-il avec moi
sants, qui ne veilleront pas la nuit pour leurs pendant toute ma vie. »
âmes ; alors Dieu s’irritera contre les mon- Antoine lui dit : « Je veux que tu me fasses
tagnes, les dépeuplera et leur <…> durera savoir si ce froc monastique se multipliera
longtemps. Toutefois la commémoration des sur la terre ou non. » Le bienheureux Paul
saints ne sera pas interrompue ; bien plus, il sourit puis gémit. Antoine lui dit : « Je t’ai
y aura un autre peuple dans le cœur de qui vu : tu as souri et je me suis réjoui, et quand
Dieu mettra la douceur ; il ira une autre fois tu as gémi, je me suis attristé. » Abba Paul
dans les montagnes et Satan l’ennemi mar- répondit et lui dit : « Ces montagnes et ces
chera dans les montagnes désertes où les déserts deviendront comme les demeures des
lions se font la guerre, où les lutteurs pour la colombes ; Dieu y rassemblera ses élus de
foi reçoivent leurs couronnes. toute part. Ce nom – c’est-à-dire „élu” – pas-
Leurs cœurs seront remplis l’un contre l’autre, sera et leur nom deviendra „moines” ; ils se
au point qu’ils fondront et diront : Il n’y a pas réjouiront de nombreux jours, Dieu les trans-
de bien en cela. Ils abandonneront loin d’eux férera avant sa colère et ils se réjouiront.
le vêtement monastique et la dévotion parce Après eux se lèveront des générations qui
qu’ils (ne) trouveront (pas) la douceur de n’écouteront pas ni n’obéiront à leurs maîtres
l’amour de Dieu : ils ne l’attendront pas, car il qui veillent la nuit pour leurs âmes. Puis
est écrit : Par votre patience, vous gagnerez Dieu s’irritera contre les montagnes et les
vos âmes333. D’autres abandonneront leurs déserts et il les dépouillera des gens impies
demeures et prendront pour habitation les rues qui n’ont pas de loi. Les montagnes et les
de la ville ; ils sortiront du milieu du troupeau déserts demeureront vides de nombreux
des agneaux ; ils se remettront eux-mêmes jours, mais la commémoration des saints ne
seuls aux loups ; ils habiteront les demeures cessera pas. Dieu mettra la douceur dans le
des morts et les lieux désolés, hors des villes cœur d’autres hommes, ils iront dans les
et des pays ; ils abandonneront les endroits où montagnes et les déserts et ils y demeureront
on loue Dieu ; ils passeront la nuit dans des une deuxième fois. Mais Satan, l’Ennemi, ira
endroits qu’il ne convient pas de mentionner, dans les montagnes et établira la guerre entre
où on ne s’inquiète pas de l’éternité ; ils les eux, ils abandonneront le froc monastique et
aimeront et les habiteront pour n’avoir reçu descendront dans le siècle, car ils ne trouve-
les enseignements de leurs pères : tels sont ront pas la douceur de l’amour de Dieu et ne
ceux qui vivront en ces jours ; le peuple sera l’attendront pas avec constance, car ceci est
faible et entièrement haï ; les uns auront con- écrit : Par votre patience, vous posséderez
fiance en eux, et les autres s’attaqueront à eux vos âmes. » Antoine lui dit : « Bénie soit
à cause de leur peu de sagesse et de leur dure- cette heure au cours de laquelle j’ai mérité de
té ; ils n’hériteront pas de la vie à cause de voir ta face, mon père saint abba Paul ! »
leur négligence en ce qui concerne la sa-
gesse. » Tandis que nous conversions, voici
que vint un corbeau tenant en son bec un pain
qu’il jeta à la porte de la caverne. Le bienheu-
reux Paul lui dit : « À présent, je reconnais
que tu es de l’armée du Christ, car voilà
quatre-vingts ans que ce corbeau m’apporte
chaque jour la moitié d’un pain et quand tu es
venu, le Seigneur Jésus notre Dieu a envoyé
ta nourriture à cause des besoins du corps. »
Quand il eut ainsi parlé, nous nous levâmes et
nous nous mîmes à louer Dieu et à le bénir
jusqu’à l’apparition de l’étoile du soir.
Lorsque nous nous assîmes, nous restâmes Le saint abba Paul lui dit : « Lève-toi main-
longtemps, chacun de nous adjurant l’autre tenant, va dans ta demeure et rapporte avec
de partager le pain. Après cela, nous éten- toi pour moi le vêtement dont t’a revêtu abba
dîmes les mains et nous le partageâmes en Athanase le patriarche, pour en ensevelir
deux parties ; il semblait qu’elles eussent été mon corps. » Antoine s’étonna de son dis-
pesées à la balance. Lorsque nous eûmes cours et au sujet du patriarche, et il crut en
mangé, nous demeurâmes à louer Dieu jus- toutes les prophéties qu’il lui avait faites. Le
qu’à ce que la lumière se levât. Quand elle saint abba Paul lui dit : « Hâte-toi et ne
brilla, chacun de nous salua l’autre. Pour t’arrête pas, car le moment de ma mort est
moi, Antoine, je lui dis : « Mon père, com- proche, moment qui est assigné à tous les
ment communies-tu pendant tout ce temps, hommes. » Quand Antoine entendit cela, il
alors que tu es dans le désert ? » – Le bien- fut fort bouleversé et pleura ; il quitta Paul et
heureux abba Paul me répondit : « Le samedi marcha deux jours et deux nuits jusqu’à ce
et le dimanche, un ange vient d’auprès de qu’il fût arrivé à sa demeure. Antoine prit le
Dieu et me donne la communion le samedi et vêtement et s’en retourna ; alors qu’il mar-
le dimanche. » –Je lui dis : « Heureuse est chait, il vit l’assemblée des anges glorifiant
l’heure où j’ai été jugé digne de voir ton vi- Paul dans les airs et disant : « Salut à toi,
sage, mon père ! » – « Lève-toi, me dit-il, va l’élu du Christ abba Paul, homme de Dieu ;
dans ta demeure, prends le manteau que t’a les anges se réjouissent avec toi, car tu as été
donné Athanase et viens rapidement pour glorifié dans les cieux. Tu as rejeté loin de
ensevelir mon corps. » Je m’étonnai de ces toi l’obscurité et les anges t’ont reçu dans le
paroles, mais le saint me fit ces recomman- pays de la lumière ; tu as rejeté loin de toi
dations : « Hâte-toi d’être ici, car mon temps l’affliction et ils te conduiront vers la joie
126 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
est proche. » Je pleurai et je lui dis : « Sei- éternelle, car toi, tu as été bienheureux dans
gneur, je ne suis pas rassasié de ta vue. » – ta génération, toi, Paul homme de Dieu, toi
« Hâte-toi, dit-il, arrive avant qu’on ne deuxième Paul. » Quand ils eurent dit ces
vienne à ma recherche. » – Je le quittai et je glorifications, ils disparurent. Antoine dit :
marchai avec empressement deux jours et « C’est l’âme de mon père Paul que l’on fait
deux nuits jusqu’à ce que j’arrivai dans ma monter aux cieux. »
maison. Il y avait chez moi un vieillard
nommé Abraham qui me dit : « Mon père, où
étais-tu depuis six jours que je ne t’ai pas
vu ? – « Je pris le manteau et je sortis. Il
ajouta : « Veux-tu que j’aille avec toi ? » –
« Non, » répondis-je. Tandis que j’étais en
chemin, je levai les yeux et je vis les anges
qui louaient Dieu sous la voûte des cieux. Je
m’arrêtai et je louai le Seigneur avec eux. Ils
disaient : « Voici une âme pure que nous
présentons au roi de justice : salut à toi, Paul,
homme de Dieu ; les anges se réjouissent
avec toi ; voici ta demeure qu’ils t’ont prépa-
rée dans les siècles de lumière, car tu as été
bienheureux dans ta génération. »
Lorsqu’ils eurent disparu à mes yeux, je mar- Ensuite Antoine entra dans la grotte et trouva
chai vers sa caverne, quand j’y entrai, je le le saint abba Paul prosterné sur les genoux et
trouvai prosterné sur les genoux, le visage le visage, les bras étendus comme une croix.
contre terre et les bras étendus en croix : je Il le prit, l’étendit – il était comme vivant –,
m’approchai et je n’entendis pas de respira- le couvrit et pleura sur lui en disant : « Sou-
tion en lui ; je reconnus que son corps seul viens-toi de moi, mon père, dans la demeure
était là. Je l’étendis en pleurant et je dis : lumineuse où tu demeures. » Ensuite le saint
« Mon père, souviens-toi de moi dans la de- Antoine se leva, ensevelit le corps dans le
meure où tu es allé. Je déployai le manteau et vêtement, prit un livre liturgique et accom-
je tirai le livre des règles de l’Église : je lus plit sur le corps les rites de l’Église : il pria
trois chapitres des Évangiles en trois fois, je sur lui trois fois et lut sur lui trois chapitres
fis trois prières et je m’assis en réfléchissant des Évangiles en trois fois. Il prit le vêtement
au moyen de l’emporter et de l’enterrer, car, de fibres de palmier et réfléchit à ce qu’il
quand j’étais allé dans ma maison, je n’avais ferait du corps, car il n’avait pas avec lui de
pas songé à prendre avec moi une pioche pour pioche.
creuser une fosse.
Tandis que je réfléchissais, voici que deux Alors deux lions vinrent après de lui, se
lions vinrent et entrèrent dans la caverne ; ils prosternèrent devant le corps du saint abba
se prosternèrent devant le corps d’abba Paul Paul et l’embrassèrent.
et l’embrassèrent. En les voyant, je fus ef- Antoine trembla et prit peur quand il vit les
frayé, mais quand ils me virent ils se proster- lions. Quant aux lions, ils inclinèrent la tête
nèrent devant moi et me demandèrent par devant Antoine comme s’ils l’interrogeaient,
signes : « Où veux-tu que nous creusions pour ils lui léchaient les pieds comme s’ils le con-
toi ? » – Je mesurai la longueur du corps et je naissaient d’avant et lui faisaient des signes
la leur traçai à l’intérieur de la caverne. Ils comme s’ils disaient : « Où allons-nous
creusèrent, l’un à la tête, l’autre aux pieds creuser pour lui ? » Antoine comprit leurs
Chapitre I. Vies de saint Antoine 127
jusqu’à ce qu’ils fussent descendus à la hau- signes, il mesura pour eux la longueur du
teur d’un homme. Je leur fis signe que ce tra- corps et délimita pour eux la fosse ; ils creu-
vail était suffisant. Aussitôt, ils sortirent de la sèrent, l’un à la tête, l’autre aux pieds, jus-
fosse, inclinèrent leurs têtes vers la terre qu’à atteindre quatre coudées de long. Abba
comme pour dire : « Pardonne-nous. » – Pour Antoine leur fit signe et leur dit : « Cela suf-
moi, j’enveloppai le corps dans le manteau et fit. » Les lions remontèrent de la tombe et se
je l’enterrai dans la fosse ; je me dirigeai vers prosternèrent devant abba Antoine comme
son lit et son vêtement de fibres de palmier s’ils lui disaient : « Pardonne-nous, sou-
qui était là, comme un enfant qui hérite de ses viens-toi de nous et bénis-nous », et ils le
parents. Je marquai l’endroit où le corps était quittèrent. Quant à saint Antoine, il ensevelit
enterré, je sortis et je partis. Le Seigneur – le corps du saint abba Paul et l’enterra.
qu’il soit loué ! – me guida par une route fa- Après cela, il prit le lit d’abba Paul et son
cile et me fit arriver dans la ville vêtement de fibres de palmier, comme un
d’Alexandrie. J’entrai dans la cellule de notre fils qui hérite de son père. Il marqua
père abba Athanase et je lui racontai tout ce l’emplacement de sa tombe, se mit en route
qui était arrivé. Le patriarche prit le vêtement et chemina à pied depuis l’est jusqu’à ce
de saint abba Paul : il le revêtait trois fois par qu’il parvint à Alexandrie à l’ouest. Il entra
an : le jour de la fête du saint Baptême, celui auprès d’abba Athanase, le patriarche, et lui
de la fête de la pure Résurrection et celui de raconta l’histoire du saint. Le patriarche prit
l’Ascension de Notre Seigneur le Messie. le vêtement du bienheureux abba Paul et le
Puis il m’adjoignit des hommes et un chariot plaça auprès de lui ; il le revêtait trois fois
et me dit : « Va et apporte-moi saint abba par an : lors de la fête du saint baptême, lors
Paul pour que je le place avec le corps de de la fête de la Résurrection du Sauveur et
Marc l’évangéliste. » Je pris les hommes, je lors de la fête de la grande Ascension. Le
marchai dans la montagne ; j’y restai beau- patriarche envoya des prêtres et des
coup de jours ; nous marchions sans trouver hommes avec abba Antoine – et avec eux un
l’endroit. Je rencontrai les traces et les signes chariot – pour transporter le corps du saint
que j’avais faits ; quant à la caverne, je ne la abba Paul. Ils restèrent de nombreux jours à
trouvai pas. parcourir le désert, mais ne trouvèrent pas la
Tandis que nous étions dans la montagne, tombe du saint, car elle leur était cachée.
saint abba Paul apparut à notre père le pa- Le saint abba Paul apparut au patriarche ab-
triarche et lui dit : « Envoie après ces hommes ba Athanase et lui dit : « Fais revenir tes
et fais-les revenir près de toi, car ce n’est pas hommes et qu’ils ne se fatiguent pas, car
la volonté de Dieu que quelqu’un voie mon Dieu ne veut pas qu’aucun d’entre les
corps. « Au matin, le patriarche envoya Eulo- hommes me voie jusqu’à la deuxième mani-
gios en lui disant : « Quand tu seras arrivé à la festation de Notre Seigneur Jésus-Christ. »
montagne, tu trouveras les traces du chariot ; Le patriarche dépêcha quelqu'un et fit revenir
appelle Antoine et tous ceux qui sont avec les hommes.
lui ; car il ne convient pas que le corps de
saint abba Paul soit vu par quelqu’un jusqu’au
jour de l’apparition de notre Sauveur Jésus le
Messie. » Eulogios partit, s’avança dans le
désert, trouva la trace de la voiture, vint à
nous et nous ramena dans la ville.
Notre père le patriarche écrivit la vie du
grand abba Paul et la plaça dans l’église de la
ville d’Alexandrie. On la lisait sur quiconque
demandait à embrasser la vie monastique.
128 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
œcuménique Dimitrios Ier. Une réédition revue et augmentée est en cours depuis
2008. Cette œuvre remarquable « respecte les principes de l’hagiographie tradi-
tionnelle, tout en tenant compte des sources historiques et des recherches de
l’hagiographie scientifique336 ».
La notice sur saint Antoine le Grand (p. 419-427), illustrée d’une fresque du
monastère de la Transfiguration des Météores (XVIe s.), suit la VA d’Athanase,
en mettant en valeur les passages bibliques qui ont inspiré la vie de la « première
fleur du désert » : Mt 19, 21 ; Mt 6, 34 ; Ps 117, 7 ; 1 Co 15, 10 ; Ph 3, 14 ; 3 R
18, 5… On y trouve aussi deux apophtegmes d’Antoine (Antoine 32 et Antoine
9) qui illustrent le grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. En
finale, quelques lignes présentent la découverte du corps d’Antoine et le trans-
port de ses reliques à Constantinople, puis en France.
Ce Synaxaire est maintenant traduit ou en cours de traduction en plusieurs
langues.
5.7. Conclusion
À côté de la Vie d’Antoine par saint Athanase d’Alexandrie, les Vies d’autres
saints qui ont été en relation avec Antoine (Paul l’ermite, Paul le simple, Hila-
rion) apportent quelques éléments supplémentaires. La précision sur le lieu de
naissance d’Antoine nous est donnée par l’historien Sozomène. Les apoph-
tegmes nous font connaître ses disciples : Pityrion, Paul le simple, Bessarion et
d’autres. Sa rencontre avec Paul l’ermite est narrée par les Vies de Paul et les
synaxaires. L’Histoire lausiaque met en relation Antoine avec Paul le Simple,
Didyme l’Aveugle, Isidore, prêtre d’Alexandrie, qui fut moine à Nitrie, Étienne
le Lybien, Cronios et Jacob le boîteux.
Mais c’est surtout les Vies et les synaxaires coptes, arabes et éthiopiens qui
relatent des faits extraordinaires, qui soulignent la valeur de l’habit monastique
et donnent une grande place à l’archange Michel. Les points de convergence
entre le texte traduit par A. Bonhome en 1341 et celui traduit par A. Ecchellensis
trois siècles plus tard337 montrent un fond commun arabe.
336 Le Synaxaire. Vies des saints de l’Église orthodoxe, adaptation française par MACAIRE,
moine de Simonos Pétras, t. 2, Décembre, Janvier, Thessalonique 1988, avant-propos,
p. 8.
337 La tentation d’une belle femme se baignant avec ses servantes, l’habit qui lui est donné
par le Seigneur, la guérison du fils du roi de Barcelone (A. BONHOME) ou de Lombardie
(A. ECCHELLENSIS) ou des Francs (synaxaire éthiopien), après avoir été transporté sur
une nuée.
130 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Tunique de Paul
Tunique de Paul léguée à Antoine à l’image de la mélote d’Élie léguée à Élisée
(3 R 19, 19 et 4 R 2, 13), transmission de père à disciple.
• Jérôme, Vie de Paul : Antoine hérite de la tunique de Paul et la porte à Pâques
et à Pentecôte. Il enterre Paul dans la tunique qu’il a reçue d’Athanase.
• Ménologe impérial, Éloge de Paul : Antoine hérite de la tunique de Paul et la
porte aux fêtes principales. Il enterre Paul dans la tunique qu’il a reçue
d’Athanase.
• Synaxaire arménien pour Antoine : Antoine a reçu la tunique de Paul et à sa
mort Antoine l’a léguée à ses disciples.
Vêtements d’Antoine
VA 91 : le manteau d’Antoine reçu d’Athanase est rendu à Athanase ainsi
qu’une de ses mélotes.
L’autre mélote est donnée à l’évêque Sérapion.
Le vêtement de crin (vêtement d’ascèse) est donné à ses deux disciples qui
vivent avec lui au moment de sa mort.
Légende arabe traduite par A. Bonhome : le Christ revêt Antoine d’un habit
qui s’appelle calezeut en arabe, avec une bande de tissu (exequin § 27) et une
ceinture que l’on appelle esary (§ 56).
1 Cf. VA 1, 2.
2 G. GARITTE, « À propos des lettres de S. Antoine l’ermite », Le Muséon 52, 1939, p. 11-31.
3 ATHANASE, VA 81 ; 86. Dans l’apophtegme 31, Antoine reçoit une lettre de l’empereur
Constance.
4 SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique. Livres I-II, SC 306, 1983, II, 31, 2-3, p. 369-371.
5 P. MARAVAL, dans CONSTANTIN, Lettres et discours, Paris 2010, p. 167, note 4.
6 Cf. PG 40,1092D et la traduction infra p. 233.
7 JÉRÔME, Vie d’Hilarion 15, 2, SC 508, Paris 2007, p. 255.
8 La Vie de saint Pachôme selon la tradition copte § 134, SO 38, 1984, p. 186.
9 ABŪ’L BARAKĀT, La lampe des ténèbres 7, 15.
134 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
10 Trad. latine du manuscrit arabe Vat. ar 398 par A. ECCHELLENSIS en 1641, PG 40, 999-
1066 ; le texte arabe a été édité au Caire en 1899 à partir d’un des deux manuscrits du Pa-
triarcat copte, soit le mss. 221, soit le mss. 289 ; trad. française par le P. WADID à partir du
ms Hom. 23, de l’édition du Caire et de la trad. d’A. ECCHELLENSIS par J. CHOLLET, dans
MATTA EL-MASKÎNE, Saint Antoine, ascète selon l’Évangile, SO 57, 1993, p. 81-119.
11 JÉRÔME, Les Hommes illustres 88, trad. française D. VIELLARD, PDF 100, 2010, p. 149.
12 Antoine 22.
13 C’est la position de S. RUBENSON (The Letters of St. Antony. Origenist Theology, Mo-
nastic Tradition and the Making of a Saint, Lund 1990), de U. ZANETTI (« Les Lettres
de saint Antoine et la naissance du monachisme », NRT 113, 1991, p. 87-93). Mais
d’autres comme P. LUISIER (« Autour d’un livre récent et des Lettres de saint Antoine »,
OCP 61, 1995, p. 201-213) et A. KHOSROYEV (Die Bibliothek von Nag Hammadi, Al-
tenberge 1995) cherchent à montrer que l’original des Lettres fut rédigé en grec.
14 E. O. WINSTEDT, « The Original Text of One of St Antony’s Letters », Journal of Theo-
logical Studies, VII, 1906, p. 540-545.
15 J. DAVID, DHGE 3, 1922, col.732. Cette date, qui n’est pas précisée dans l’édition de
1516, ni dans O. BARDENHEWER, Geschichte altkirchlichen Literatur, t. 3, 1912, 19232,
p. 81, est reprise ensuite par G. GARITTE, « À propos des lettres de S. Antoine
l’Ermite », Le Muséon 52, 1939, p. 17 ; S. RUBENSON, op. cit., p. 19, fait de même ; par
un courriel du 18/01/2013, il m’a confirmé que cette date lui vient des articles mention-
nés de ces deux chercheurs.
16 Epistolae Sanctissimorum sequenti codice contentae. Divi patris Antonii magni Episto-
lae VII...cum explanationibus...Symphoriani Champerii appositis, 1516 ; repr. dans PG
40, 977-1000. On trouvera les informations sur cette édition et le manuscrit sur lequel
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 135
Version arabe 1 2 3 4 5 6 7
Version latine 1 4 6 7 5 2 3
Version géorgienne 1 2 6 7 3 4 5
Version syriaque 1
Il n’y a pas de version éthiopienne connue des Lettres d’Antoine, sauf un fragment
de la première Lettre qui se trouve dans la version éthiopienne des apophtegmes.
21 Texte grec dans F. HALKIN, Sancti Pachomii vitae graecae, SH 19, 1932, p. 116,
l. 19-33 ; trad. des moines du Mont-des-Cats, dans Saint Antoine. Lettres, SO 19, 1976,
p. 111-112.
22 Saint Antoine. Lettres, SO 19, p. 9-10.
23 D’après G. MATHIOPOULOU, « Ammon », EPLBHC 1, Turnhout 2007, p. 194 se basant
sur S. PAPADOPOULOS, QHE 2, Athènes 1963, col. 369-370, cet Ammon serait un saint
commémoré le 4 décembre, mais selon la notice de F. CARAFFA, mieux informé, dans la
Bibliotheca sanctorum, t. 1, Rome 1961, p. 1013, l’auteur du récit sur Pachôme et
Théodore n’a pas été vénéré comme saint ; c’est pourquoi le hiéromoine MACAIRE de
Simonos Pétra ne l’a pas mentionné dans son édition du Synaxaire (correspondance par-
ticulière du 8/12/2011). Cf. E. WIPSZYCKA et B. BRAVO, « L’Epistula Ammonis et le
monachisme pachômien », dans Bibliotheca orientalis, 1989, p. 5-18. Trad. française,
J. FESTUGIÈRE, dans F. HALKIN, Le Corpus athénien de saint Pachôme, coll. Cahiers
d’Orientalisme 2, Genève 1982, p.147-165.
24 Am 3, 7.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 137
Théodore dit : « (…) Notre père Antoine a écrit dans la même ligne que ce que
je vous avais dit25 ».
Il n’est pas nécessaire de t’écrire au sujet des frères qui sont avec toi, les fils de Pa-
chôme de la sainte Koinonia, puisque Dieu a donné le repos aussi bien à leur père
qu’à celui qu’il avait établi pour lui succéder, les ayant reçus dans sa glorieuse de-
meure. Cependant, nous étions très inquiet que la Koinonia en vienne à se disperser,
ou que les saints frères deviennent orphelins. Mais grâce à l’élévation de tes saintes
mains, il n’a guère tardé avant que nous apprenions aussi que le bienheureux Apa
Pétronios, le successeur du saint et bienheureux Apa Pachôme, avait installé un autre
à sa place, Apa Horsièse. Nous croyons qu’il deviendra une grande lumière dans la
Koinonia et que plusieurs recevront réconfort, force et édification lorsqu’il pronon-
cera les mots qui lui seront inspirés par la grâce que Dieu lui accordera. Nous
sommes convaincu, donc, que cet homme devra être appelé Israélite31. Nous te
prions maintenant en ta dignité de grand prêtre d’encourager ceux qui sont avec toi,
de leur inspirer loyauté et de prendre soin de tous leurs besoins. Prie pour nous, lu-
mière inextinguible, source d’intelligence, orgueil des saints. Salut !
31 Jn 1, 47.
32 Introduction dans Saint Antoine. Lettres, SO 19, 1976, p. 21.
33 Cf. Gn 32, 24-28.
34 IRÉNÉE, Adversus haereses III, 4, 1, SC 34, 1952, p. 115.
35 Cf. oraison après la troisième lecture de la Veillée Pascale, dans la liturgie romaine.
36 Cf. H. DE LUBAC, Méditations sur l’Église, 19852, p. 47-56.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 139
La Lettre IV, destinée aux frères de la région d’Arsinoé37, donne l’une des
plus anciennes descriptions de la prière dans la tradition monastique, inspirée de
la prière du prophète Élie au moment du sacrifice au Mont Carmel, en présence
des prophètes de Baal, avant la venue de la pluie qui mettait fin à la sécheresse
(cf. 3 R 18, 30-44). Voici ce texte selon la version géorgienne : « Prenez ce
corps, dont vous êtes revêtus, faites-en un autel, sur cet autel déposez vos
pensées et, sous les yeux du Seigneur, abandonnez tout dessein mauvais, levez
les mains de votre cœur vers Dieu – c’est ce que fait l’Esprit quand il est à
l’œuvre – et priez-le de vous accorder ce beau feu invisible qui sur vous
descendra du ciel et consumera l’autel et ses offrandes. Que les prêtres de Baal,
l’ennemi et leurs œuvres contraires, prennent peur et s’enfuient devant vous
comme devant le prophète Élie. Alors, au-dessus des eaux, vous verrez comme
la trace d’un homme qui vous apportera l’ondée spirituelle, la consolation de
l’Esprit Paraclet38 ».
Le Père Matta El-Maskîne résume ainsi les lettres d’Antoine : « Quiconque
lit les lettres de saint Antoine en retire une impression spirituelle qui ne le quitte-
ra plus durant toute sa vie : Feu, Feu, Feu ! Le pilier essentiel de tout
l’enseignement de saint Antoine est bien le Feu divin qui habite l’âme et la fait
s’envoler dans les hauteurs. Ce feu est pour saint Antoine le secret de toute la
vie spirituelle : si l’âme perd ce feu, elle devient comme un oiseau privé de ses
ailes (cf. lettre 18, 2) 39 ».
37 Cette lettre a retenu tout particulièrement l’attention de saint JÉRÔME (Les hommes il-
lustres 88 : « Antoine (…) envoya à différents monastères sept Lettres en égyptien,
pleines d’une profondeur et d’un style apostoliques, qui furent traduites en grec et dont
la plus importante est adressée Aux Arsénoïtes »).
38 ANTOINE, Lettre 4, 8, SO 19, 1976, p. 75.
39 MATTA EL-MASKÎNE, L’Esprit Saint et son œuvre dans l’âme : textes des premiers as-
cètes, présentés et commentés (en arabe), 1974, p. 10 (cité dans P. WADID du monastère
de Saint-Macaire, « L’essentiel de la vie monastique d’après les lettres de saint Antoine »,
Irénikon, t. 70, 1997/3, p. 369).
140 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Traduction
Du grand Antoine, tiré de ses exhortations aux moines. Il dit en effet : « Qui
veut être sauvé ne doit aucunement s’abstenir de prier et de louer Dieu à une
fête, aux cinquante jours après Pâques et le dimanche. Il convient, certes, que
l’abstinence des quarante jours suivie du repos de la cinquantaine régisse les
mondains et ceux qui en ont l’esprit. De même, pour ce qui est de faire des mo-
dulations sur les tropaires et les tons, cela convient aux prêtres et aux laïcs ; ils
contribuent en effet aussi à rassembler le peuple dans les églises. Mais pour les
moines, c’est inconvenant et malséant. De même que le pêcheur cache dans le
ver l’hameçon pour pêcher le poisson, de même, le diable, par une gloutonnerie
et une ivresse subites, pêche l’âme en tout tempérante49. Il faut donc que le
moine se tienne éloigné de tout ce qui est du monde, je parle de la psalmodie qui
intègre du chant50, de la gloutonnerie ainsi que des festins, et qu’il n’entrave pas,
par une conduite relâchée et molle, la grâce des jours saints de grande fête que
nos saints et divins maîtres ont publiés pour faire mémoire de l’Incarnation du
Seigneur.
Et cela, je l’ai trouvé dans les exhortations du saint. Je dis, quant à moi, que
ce n’est pas le propre d’une attitude chrétienne que de s’amollir et se dissiper
dans les fêtes. Écoute cet extrait de Grégoire le théologien qui dit à propos des
Grecs que, pensant servir leurs Dieux, ils rendent un culte à leur ventre51. Le
propre des chrétiens est au contraire de consacrer du temps, le jour des fêtes, à
célébrer, à louer Dieu et à prier.
Traduction59
À mon fils d'éternelle mémoire, Am[mon], de la part d’Antoine salut en Dieu.
Grâce soit rendue au Maître de tout60 de nous avoir donné l’occasion d’évoquer
comme il convient ta piété incomparable, mon bien-aimé fils, car, en vérité, je
fais sans cesse mémoire de toi, même si tu es loin. En effet, qui donc parmi les
hommes n’aurait le désir de s’entretenir avec toi, dont je loue la piété même par
une lettre…
52 Éd. H. I. BELL, Greek Papyri of the British Museum V, Londres 1917, n° 1658, p. 18-
19. Texte disponible sur http://papyri.info/ddbdp/p.lond;5;1658.
53 G. GHEDINI, Lettere cristiane dai papiri greci del III e IV secolo, Milan 1923, p. 150-153.
54 M. NALDINI, II Cristianesimo in Egitto : Lettere private nei papiri dei secoli II-IV,
Florence, 1968, p. 195-197.
55 R. BURNET, L’Égypte ancienne à travers les papyrus. Vie quotidienne, Paris 2003,
n° 32, p. 85.
56 E. WIPSZYCKA, « Remarques sur les lettres privées chrétiennes des IIe-IVe siècles (à
propos d’un livre de M. Naldini) », Journal of Juristic Papyrology 18, 1974, p. 203-221,
spéc. p. 211.
57 N. GONIS, « Anthony and his letter to a dead man », Archiv für Papyrusforschung, 43,
1997, p. 364-367.
58 G. FARAG, Les Lettres attribuées à Antoine dans la deuxième collection arabe (lettres 8
à 20), Strasbourg 2012, p. 185-190 (manuscrit).
59 Trad. par R. BURNET, L’Égypte ancienne à travers les papyrus. Vie quotidienne, Paris
2003, n° 32, p. 85 ; autre trad. par A. LOUF dans SO 19, 1976, p. 10, note 13.
60 Cf. Job 5, 8 ; Sg 6,7 ; 8, 3.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 143
3. Écrits inauthentiques
Un certain nombre de textes mis sous le nom d’Antoine sont généralement re-
connus comme inauthentiques (CPG 2346-2350).
61 G. GARITTE, « Une lettre grecque attribuée à S. Antoine », Le Muséon 55, 1942, p. 97-123.
62 Traduction de M. Federspiel.
63 G. GARITTE, loc. cit., p. 110, signale que la maladresse de l’expression témoigne d’une
réécriture du passage.
64 Ep 2, 5.8.
65 1 Co 1, 24.
66 Cf. 1 Th 5, 21.
67 Lc 10, 27.
144 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
68 Mt 19, 18-19.
69 Le texte est sans doute corrompu ou lacuneux à cet endroit ; déjà signalé comme in-
compréhensible par G. GARITTE, n. 49.
70 Cf. Ac 15, 21.
71 Cf. Ac 15, 20.
72 Cf. Didachè 6, 1.
73 Mt 5, 39-40 ; Lc 6, 30.27-29.
74 Sur la présence et la rédaction de ce commandement, voir G. GARITTE, p. 114.
75 Mt 10, 10.
76 Mt 6, 34.
77 Mt 7, 1-2.
78 Mt 19, 21.
79 Mt 8, 20 ; Lc 9, 58.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 145
mander ce que vous mangerez, ce que vous boirez ou ce que vous aurez pour
vous vêtir80. »
Le Christ nous a appris la frivolité de ces préoccupations. En effet, ce sont
les païens, qui ne connaissent pas Dieu, qui ont le souci du monde81 ; nous, en
revanche, qui, grâce au Christ, vivons dans la solitude et l’abstinence, il nous a
fait mourir au monde et vivre pour lui82, non seulement dans ce siècle, mais dans
le siècle à venir83.
Gardez-vous donc de balancer entre le oui et le non, de mentir, de vous livrer
à la médisance, d’être indécis, de manquer à la pudeur, d’être arrogants, de faire
sortir de votre bouche la moindre parole mauvaise84, insolente ou insultante, mais
une parole humble et douce, sans jamais faire de serments. Comme l’a dit le Sei-
gneur, que votre parole soit « oui, oui ; non, non85 » ; et si, d’aventure, il vous faut
parler dans un entretien, dites : « Je dis la vérité » ; ou bien : « En vérité, je ne
mens pas86. » En outre, gardez-vous de ne jamais dévoiler votre nudité à autrui, de
participer aux fêtes des païens, d’observer le sabbat comme les Juifs, de rompre le
jeûne de votre propre initiative. Lorsque vous jeûnez et que vous vivez dans le
Christ, veillez à ne pas vous enfler d’orgueil, car l’orgueil est le piège du diable.
Ne négligez pas les célébrations liturgiques (synaxes) ; préparez-vous à être
dignes des mystères divins. Ne négligez pas de laver les pieds des frères en visite,
car une injonction de ce genre sera réclamée à ceux qui la méprisent. Les évêques,
les clercs ou ceux qui sont placés n’importe où dans la hiérarchie cléricale, et qui,
pour la gloire de Dieu, se présentent à lui sans cesse dans les assemblées, mais
n’observent pas les commandements du Christ, ceux-là ne seront pas agréables à
Dieu. Car il est impartial87, le juste juge, celui qui rétribuera chacun selon sa con-
duite88. Ne soyez donc pas orgueilleux, frères bien-aimés, mais revêtez-vous
d’humilité89. Car le Seigneur en personne, le seul riche, le seul qui ne manque de
rien, le seul maître de toutes choses, devenu homme par notre entremise, a lavé
les pieds de ses disciples ; il nous a appris, à nous aussi, qui sommes des misé-
80 Mt 6, 31.
81 Mt 6, 32.
82 1 P 3, 18.
83 Ep 1, 21.
84 Cf. Ep 4, 29.
85 Mt 5, 37.
86 Cf. Rm 4, 1 ; 1 Tm 2, 7.
87 Cf. Ac 10, 34.
88 Cf. Mt 16, 27.
89 Cf. 1 P 5, 5.
146 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
reux, à nous rendre mutuellement ce service90, afin que nous ne soyons pas rem-
plis d’orgueil l’un vis-à-vis de l’autre91.
Fuyez toujours l’avarice ; le Christ lui-même nous l’a prescrit : « Ne vous
souciez pas du lendemain92 ; ceux qui aiment Mamon ne peuvent pas plaire à
Dieu93. » Aimez donc tout homme et vivez en paix envers tout le monde ; que
ceux qui possèdent donnent en cas de nécessité à ceux qui ne possèdent rien ;
lorsqu’on vous rend ce que vous avez prêté, ne prenez que le capital, sans exiger
d’intérêt, selon le précepte du Seigneur94. Soyez humbles et pacifiques, craignez
les paroles du Seigneur95.
Que vos vêtements soient sans apprêt ; refusez de vous promener avec des
sandales de luxe à la mode des courtisanes, comme ceux qui appartiennent au
monde. Le Seigneur Jésus-Christ, devenu homme par notre entremise, qui s’est
contenté des vêtements qu’il portait, a défendu ce faste, car il enseignait la pau-
vreté.
Ne négligez jamais de donner du temps aux travaux manuels et vivez de
votre travail, afin que, le pain que vous mangez, ce soit de vos propres labeurs
que vous le teniez et que vous pourvoyiez aux besoins de ceux qui en manquent.
Car celui qui agit ainsi le fait pour le Christ, qui a dit : « Celui qui fera cela à
l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi qu’il l’aura fait96. » Car
c’est lui qui a dit auparavant par le Prophète : « Mange les fruits de tes la-
beurs97 », et encore : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage98 », et en-
core ailleurs : « Vieillis dans ton travail99. »
Par l’Apôtre, il a dit aussi ceci : « [Efforcez-vous] de vivre dans la tranquil-
lité, de vous occuper de ce qui vous regarde et de travailler de vos propres
mains100. » Car pleine de sens est la parole de l’Apôtre qui a dit : « Celui qui ne
veut pas travailler, qu’il ne mange pas101 ! » En vivant dans la demeure faite de
vos mains, ayez toujours devant les yeux la maison des demeures du ciel que les
90 Jn 13, 4-16.
91 Cf. 1 Co 4, 6.
92 Mt 6, 34.
93 Mt 6, 24.
94 Ex 22, 24 ; Lv 25, 36 ; Dt 23, 20.
95 Is 66, 2.
96 Mt 25, 40.
97 Ps 127, 2.
98 Gn 3, 19.
99 Eccl 11, 20.
100 1 Th 4, 11.
101 2 Th 3, 10.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 147
hommes n’ont pas façonnées102. Plongez les jeunes gens dans un bain de paroles
inspirées de l’Esprit ; veillez avec eux dans l’amour fraternel pendant les psal-
modies, les prières et les jeûnes, afin que, d’un cœur unanime, nous recevions
tous du Seigneur la récompense de nos peines.
Très chers frères bien-aimés, je prie sans cesse pour que nous soyons forts
dans le Seigneur.
102 G. GARITTE remarque (p. 119) que cette opposition entre la demeure terrestre et les de-
meures célestes se trouve aussi dans VA 45, 1.
103 Cf. D. FECIORU, « Manuscrisele din Biblioteca Patriarhiei Române », Studii teologice,
1965, n° 3-4, p. 257.
104 D. FECIORU, « Manuscrisele de la Neamţu. Traduceri din Sfinţii Părinţi şi din Scriitorii
bisericeşti », Studii Teologice IV, 1952, p. 462.
105 Philocalie des Pères neptiques, notices et trad. J. TOURAILLE, Paris 1995, t. 1, p. 42.
106 Philocalie, Paris 1995, t. 1, p. 42-43 ; La Filocalia, t. 1, Turin 1982 ; The Philocalia,
t. 1, Londres – Boston 1979.
107 Filocalia, t. 1-2, éd. D. URICARIU – V. CÂNDEA, Bucarest 2001.
148 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
serait en effet déplacé de remercier pour la santé du corps les médecins qui nous
prescrivent des remèdes amers et désagréables, alors que nous refuserions à
Dieu la gratitude pour des choses qui nous paraissent pénibles, et que nous ne
saurions pas que tout arrive comme il se doit, et pour son avantage, par les soins
de sa Providence. Car la connaissance de Dieu et la foi en lui sont le salut et la
perfection de l’âme.
3. La tempérance, la résignation, la chasteté, l’endurance, la patience et leurs
pareilles sont autant de facultés vertueuses considérables que nous avons reçues
de Dieu pour résister aux difficultés d’ici-bas, leur faire face et nous secourir. Si
nous exerçons et gardons à notre disposition ces facultés, nous nous apercevrons
qu’il ne nous arrive désormais rien de difficile, de douloureux et d’intolérable, à
la pensée que tout est humain et peut être maîtrisé par les vertus qui sont en
nous. Ceux qui n’ont pas l’intelligence de l’âme ne pensent pas à cela. Car ils ne
comprennent pas que tout arrive en bien et comme il se doit, pour notre avan-
tage, afin que brillent les vertus, et que nous soyons couronnés par Dieu.
4. Si tu penses que l’acquisition des biens matériels et la vie dans l’opulence
ne sont qu’une représentation passagère, si tu sais que la vie vertueuse qui plaît à
Dieu l’emporte sur la richesse, et si tu réfléchis sérieusement à cela et le gardes
en mémoire, alors tu ne gémiras plus, tu ne te lamenteras plus, tu n’accuseras
plus personne, mais en tout tu rendras grâce à Dieu, en voyant ceux qui sont
pires que toi s’appuyer sur les beaux discours et sur l’argent. Car la pire des pas-
sions de l’âme est la convoitise, le goût de la gloire ou l’ignorance.
5. C’est en s’examinant lui-même que l’homme doué de raison fait l’épreuve
de ce qui lui convient et lui est utile, de ce qui est approprié à l’âme et lui est
avantageux, et de ce qui lui est étranger. Et c’est ainsi qu’il évite le mal qui nuit
à l’âme, dès lors que celui-ci lui est étranger et le sépare de l’immortalité.
6. Plus on vit modestement, plus on est heureux. Car on a peu de soucis, on
n’a pas à s’inquiéter de serviteurs et de laboureurs, ni de bêtes à acheter. Car ceux
qui se laissent clouer par les soucis et tombent sur les difficultés qu’ils leur occa-
sionnent, s’en prennent à Dieu. Mais la mort est irriguée par le désir qui vient de
nous, et nous restons à errer dans les ténèbres d’une vie de péché, sans nous con-
naître nous-mêmes.
7. On ne doit pas dire qu’il n’est pas possible à l’homme de parvenir à une
vie vertueuse, mais que ce n’est pas facile. Une telle vie n’est pas non plus à la
portée des premiers venus. Mais ont en partage la vie vertueuse les hommes qui
se consacrent à la piété et dont l’intelligence est aimée de Dieu. Car
l’intelligence commune est tournée vers le monde, elle est changeante, elle nour-
rit de bonnes comme de mauvaises pensées, elle s’altère par nature et se porte
vers la matière. Mais l’intelligence aimée de Dieu préserve du mal que la négli-
gence suscite de son propre chef chez l’homme.
150 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
formation des membres et par la voix que nous différons des animaux sans rai-
son. Que l’homme intelligent reconnaisse donc qu’il est immortel, et il aura en
aversion toute convoitise déréglée, qui est pour les hommes la cause de la mort.
15. Chacun des arts, en organisant la matière qui lui est propre, révèle sa
vertu. L’un travaille le bois, un autre le bronze, un autre l’or et l’argent. De
même, nous qui entendons parler de la conduite heureuse et vertueuse qui plaît à
Dieu, nous devons montrer qu’en vérité nous sommes des hommes doués de rai-
son par notre âme, et pas seulement par la conformation du corps. Or l’âme
vraiment douée de raison et aimée de Dieu connaît sur-le-champ toutes les
choses de la vie. Elle prie Dieu de tout son amour et elle lui rend véritablement
grâce, en portant vers lui tout son désir et toutes ses pensées.
16. De même que les pilotes ont une vigie pour diriger le navire et ne pas je-
ter celui-ci contre un banc sous-marin ou sur un écueil, de même ceux qui aspi-
rent à la vie vertueuse doivent examiner soigneusement ce qu’il leur faut faire, et
qu’il leur faut éviter. Qu’ils considèrent que leur bien est dans les vraies lois, les
lois divines, en coupant court aux mauvaises convoitises de l’âme.
17. De même que les pilotes et les conducteurs de chars, à force d’attention
et de soin, parviennent à ce qu’ils cherchent, de même ceux qui cultivent la vie
droite et vertueuse doivent avoir soin et souci de mener une vie qui convienne et
plaise à Dieu. Car celui qui le veut, et qui comprend qu’il le peut, s’il a la foi,
prend le chemin de l’immortalité.
18. Considère que sont libres, non pas ceux que le sort a faits libres, mais
ceux qui le sont par leur vie et leur comportement. Car il ne convient pas
d’appeler vraiment libres les princes qui vivent dans le mal et la débauche : ils
sont des esclaves des passions de la matière. La liberté et le bonheur de l’âme,
c’est la pureté sincère et le mépris de ce qui passe.
19. Rappelle-toi qu’il te faut sans cesse faire tes preuves aux yeux des
autres, mais par ta conduite vertueuse et par tes œuvres elles-mêmes. C’est ainsi,
non à leur paroles mais à leurs actes, que les malades découvrent et reconnais-
sent dans leurs médecins des bienfaiteurs et des sauveurs.
20. La marque de l’âme douée de raison et vertueuse est dans le regard, la
démarche, la voix, le rire, les occupations et les entretiens. Car tout s’est trans-
formé et réadapté pour parvenir au plus noble. L’intelligence aimée de Dieu, en
vigilante gardienne des portes, interdit alors l’entrée à l’infamie des mauvaises
pensées.
21. Examine ce qui t’est propre, et reconnais que les magistrats et les autori-
tés ont pouvoir sur les corps seulement, pas sur l’âme. Garde toujours en toi
cette conviction. C’est pourquoi, s’ils commandent un meurtre, ou une absurdité,
ou une injustice qui nuit à l’âme, il ne faut pas obéir, même s’ils maltraitent le
152 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
corps, car Dieu a créé l’âme libre et capable de décider par elle-même si elle fait
le bien et le mal.
22. L’âme douée de raison s’applique à se délivrer de l’ambition, de
l’orgueil, de l’arrogance, de la fausseté, de la jalousie, de la rapacité, et des vices
qui leur ressemblent. Tous ces vices sont l’œuvre des démons et d’une volonté
mauvaise. Mais un effort et un soin persévérants corrigent tout cela dans
l’homme dont le désir ne se porte pas vers les plaisirs grossiers.
23. Ceux qui vivent de peu et ne cherchent pas à tout avoir, échappent aux
périls et n’ont pas besoin de protection. Quant à ceux qui en tout maîtrisent la
convoitise, ils trouvent aisément le chemin qui mène à Dieu.
24. Il n’est pas nécessaire que les hommes doués de raison fréquentent
beaucoup de monde. Ils ont seulement besoin de fréquentations utiles, que dirige
la volonté de Dieu. Car c’est ainsi que les hommes font retour à la vie et à la lu-
mière éternelles.
25. Ceux qui aspirent à la vie vertueuse aimée de Dieu doivent s’éloigner de
l’orgueil et de toute vaine et fausse gloire, et s’efforcent de bien redresser leur
vie et leur pensée. Car l’intelligence aimée de Dieu et toujours égale est le che-
min qui nous mène à Dieu.
26. Il ne sert à rien de devenir savant si manque la conduite de l’âme qui est
agréable à Dieu et lui plaît. Mais la source de tous les maux est l’erreur,
l’aveuglement et l’ignorance de Dieu.
27. C’est le souci de la vie la plus belle et le soin de l’âme qui font les hommes
bons et aimés de Dieu. Car celui qui cherche Dieu le trouve en maîtrisant en tout la
convoitise et en ne se détachant pas de la prière. Un tel homme ne craint pas les
démons.
28. Ceux qui sont égarés par les espoirs de cette vie et ne savent qu’en pa-
roles comment mener la vie la plus belle, sont un peu comme des patients qui se
sont procuré des remèdes et des instruments de médecine, mais qui ne savent pas
s’en servir et ne s’en inquiètent pas. C’est pourquoi, quand nous sommes en
faute, n’accusons jamais nos parents ou quelqu'un d’autre, mais nous-mêmes.
Car si l’âme s’abandonne à la négligence, il lui devient impossible de vaincre.
29. A celui qui ne sait pas discerner ce qui est bien et ce qu’est le mal, il est
impossible de juger qui est bon et qui est mauvais. Car l’homme est bon s’il
connaît Dieu. Mais s’il n’est pas bon, il ne sait rien et n’aura jamais la connais-
sance. Car le bien est le mode de la connaissance de Dieu.
30. Les hommes bons et aimés de Dieu ne dénoncent le mal chez autrui
qu’en sa présence, et en face. Ils ne font jamais de reproches aux absents. Et ils
n’acceptent pas d’écouter ceux qui blâment ainsi les autres.
31. Que dans les entretiens soit bannie toute dureté. Car la modestie et la ré-
serve savent parer l’homme doué de raison, plus encore que les vierges.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 153
L’intelligence aimée de Dieu est la lumière qui éclaire l’âme, comme le soleil
éclaire le corps.
32. En toute passion qui touche ton âme, souviens-toi qu’aux yeux de ceux
qui ont un jugement droit et la volonté de garder en ordre et en sécurité ce qui
leur est propre, ce n’est pas la possession périssable des richesses qui est tenue
pour agréable, mais les doctrines droites et vraies : ce sont elles qui les rendent
heureux. Car le riche est dépouillé et pillé par ceux qui sont plus puissants que
lui. Mais la vertu de l’âme est le seul bien sûr et inviolable, le seul aussi qui,
après la mort, sauve celui qui le possède. Ceux qui pensent ainsi ne seront pas
emportés par les représentations de la richesse et des autres plaisirs.
33. Il ne convient pas que les hommes à l’esprit inconstant et incultes dispu-
tent avec les hommes éminents. L’homme éminent est celui qui plaît à Dieu, qui
se tait le plus souvent, ou qui parle peu et ne dit que ce qui est nécessaire et ce
qui plaît à Dieu.
34. Ceux qui aspirent à vivre dans la vertu et l’amour de Dieu ont souci des
vertus de l’âme comme de leur bien propre et de leurs délices éternelles. Quant
aux choses qui passent, ils en jouissent autant qu’il est permis, et selon ce que
Dieu accorde et veut. Ils en usent en toute joie et en toute gratitude, même si ces
choses leur sont très mesurées. Car manger bien et beaucoup nourrit les corps en
tant que choses matérielles. Mais la connaissance de Dieu, la tempérance, la
bonté, la bienfaisance, la piété et la douceur déifient l’âme.
35. Les puissants qui obligent à faire des actions déplacées et nuisibles, ne
sont pas pour autant les maîtres, parce que l’âme a été créée libre. Ils peuvent
enchaîner le corps, mais pas la volonté, car l’homme doué de raison en est le
maître de par Dieu son Créateur, qui est plus fort que tout pouvoir, que toute
contrainte et que toute puissance.
36. Ceux qui considèrent comme un malheur la perte d’argent, d’enfants, de
serviteurs ou de tout autre bien, qu’ils sachent qu’il faut avant tout se contenter
de ce que Dieu donne, et le rendre avec empressement et gratitude, quand on
doit le faire, sans être affecté par cette privation, ou plutôt par cette restitution,
car ceux qui se sont servis de ce qui n’était pas à eux ne font jamais que le
rendre.
37. C’est l’œuvre de l’homme vertueux que de ne pas vendre sa liberté
contre les biens qu’on lui offre, même si on lui offre beaucoup. Car les choses
de cette vie sont comme un songe, et la richesse n’est qu’une illusion incertaine
et éphémère.
38. Ceux qui sont vraiment dignes du nom d’homme, qu’ils s’appliquent à
mener leur vie dans l’amour de Dieu et la vertu, afin que leur vie vertueuse brille
parmi les autres hommes. De même que la pourpre appliquée en bandes étroites
154 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
113 Allusion à l’angusticlave, étroite bande de pourpre portée sur la tunique par les
membres de l’ordre équestre et de certains tribuns militaires sous l’Empire romain.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 155
voit ni ne comprend où est son bien, mais il pense que le mal le pare de beauté, et
il s’en réjouit.
52. L’âme pure, qui est bonne, reçoit de Dieu la lumière et la splendeur.
Alors l’intellect comprend ce qui est bon et suscite des paroles aimées de Dieu.
Mais, quand l’âme est souillée par la fange du mal, Dieu l’écarte de lui, ou plu-
tôt c’est elle qui se sépare de Dieu. Les démons du mal entrent alors dans sa
pensée, et inspirent à son âme les actions impies, les adultères, les meurtres, les
vols, les sacrilèges et d’autres méfaits, qui sont tous l’œuvre des démons.
53. Ceux qui connaissent Dieu sont remplis de toutes sortes de nobles aspi-
rations. Pleins du désir des choses du ciel, ils méprisent les choses de cette vie.
De tels hommes ne plaisent pas à la plupart, ni ne cherchent à leur plaire. Aussi
beaucoup, parmi ceux qui ne comprennent rien, non seulement les détestent,
mais les tournent en dérision. Eux, dans leur pauvreté, acceptent de supporter
tout cela, sachant que ce qui apparaît à la plupart comme un mal, est à leurs
propres yeux le bien. Car celui dont l’intellect s’ouvre aux réalités célestes croit
en Dieu et comprend que toutes les choses sont des créations de sa volonté, tan-
dis que celui dont l’intellect ne s’ouvre pas, ne croira jamais que ce monde soit
l’œuvre de Dieu et qu’il ait été fait pour le salut de l’homme.
54. Ceux qui sont remplis de mal et ivres d’ignorance ne connaissent pas
Dieu, car leur âme n’est pas vigilante. Or Dieu est intelligible. Il n’est pas vi-
sible lui-même, mais il est tout à fait manifeste dans le visible, comme l’âme
dans le corps. Et s’il est impossible que le corps tienne sans l’âme, de même il
est impossible que tout le visible, tout ce qui est, tienne sans Dieu.
55. Pourquoi l’homme est-il venu à l’existence ? Pour que, méditant les
œuvres de Dieu, il le contemple et glorifie Celui qui les a faites pour le bien de
l’homme. L’intelligence aimée de Dieu est le bien invisible, Dieu la donnant à
ceux qui en sont dignes, pour leur conduite vertueuse.
56. Est libre celui qui n’est pas asservi aux plaisirs, mais qui maîtrise le
corps par la sagesse et la chasteté, et se contente, avec beaucoup de gratitude,
des biens qui lui sont donnés par Dieu, fussent-ils fort mesurés. Car
l’intelligence aimée de Dieu et l’âme, si elles s’accordent, pacifient le corps tout
entier, même malgré lui. Si l’âme le veut, en effet, tout mouvement du corps
s’apaise.
57. Ceux qui ne se satisfont pas de ce qu’ils ont présentement pour vivre,
mais désirent davantage, s’asservissent aux passions qui troublent l’âme et lui
imposent pensées et représentations ; car ces choses sont mauvaises. De même
qu’une tunique trop grande gêne ceux qui s’affrontent à la course, de même le
désir d’un surcroît de richesse empêche les âmes de combattre ou d’être sauvées.
58. Les conditions dans lesquelles on se trouve malgré soi et sans le vouloir
sont une prison et un châtiment. Aime donc ce que tu as présentement. Car, si tu
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 157
de ce qui est à toi ne plaît à Dieu. Sache, en effet, qu’il n’est pas facile à
l’homme de se garder jusqu’à la fin pur de toute faute.
65. Rien chez les hommes n’est plus précieux que la parole. Ainsi la parole
peut nous donner de servir Dieu en lui rendant grâce. Mais si nous nous servons
d’elle pour dire du mal ou blasphémer, nous condamnons notre âme. Invoquer sa
naissance ou toute autre raison, quand il est en faute, est donc l’œuvre d’un
homme stupide. C’est librement et de lui-même qu’il a suscité une parole ou une
action mauvaise.
66. Si nous nous efforçons de soigner les passions du corps pour éviter les
moqueries de ceux que nous rencontrons, combien plus nous devons tout à fait
nous efforcer de soigner les passions de l’âme, dès lors que nous serons jugés en
présence de Dieu, afin de ne pas nous trouver soumis au déshonneur et à la déri-
sion. Car nous sommes libres. Si, alors même que nous sentons en nous le désir
des actions mauvaises, nous voulons ne pas les faire, il nous est possible, il est
en notre pouvoir, de mener une vie qui plaise à Dieu. Jamais personne ne pourra
nous forcer à faire quelque chose de mal, si nous ne le voulons pas. En combat-
tant ainsi, nous serons en effet des hommes dignes de Dieu, nous vivrons
comme des anges dans le ciel.
67. Si tu le veux, tu es l’esclave des passions. Et si tu le veux, tu es libre, tu
n’es pas asservi aux passions. Car Dieu t’a créé libre. Et celui qui surmonte les
passions de la chair reçoit la couronne de l’incorruptibilité. Car, s’il n’y avait
pas les passions, il n’y aurait pas non plus les vertus, ni les couronnes données
par Dieu à ceux des hommes qui en sont dignes.
68. Ceux qui ne voient pas où est leur avantage alors qu’ils savent où est le
bien, sont aveugles en leur âme. Leur discernement s’est éteint. Il ne faut donc
pas nous attacher à eux, pour ne pas tomber fatalement dans les mêmes erreurs,
nous aussi, imprudemment et en aveugles.
69. Il ne faut pas nous irriter contre ceux qui sont en faute, même si ce qu’ils
ont fait est blâmable et mérite un châtiment. Mais nous devons ramener ceux qui
tombent, au nom même de la justice. Il arrive qu’il faille les châtier, soit par
nous-mêmes, soit par d’autres personnes. Mais il ne faut ni s’irriter, ni
s’emporter, car la colère agit uniquement par passion, et non de manière judi-
cieuse et juste. Il ne faut donc pas approuver ceux qui se laissent aller indûment
à la pitié. Mais c’est à cause du bien même et de la justice même qu’il faut châ-
tier ceux qui font le mal, non sous le coup de la passion de sa propre colère.
70. Seuls les biens de l’âme sont sûrs et inviolables. Ce sont la conduite et la
connaissance vertueuses, et l’exercice des œuvres bonnes, qui plaisent à Dieu.
Car la richesse est un guide aveugle et un conseiller sans intelligence. Celui qui
use mal de la richesse, en s’en servant pour son plaisir, perd son âme stupide.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 159
71. Les hommes ne doivent rien acquérir de superflu. Ou s’ils ont du super-
flu, il leur faut bien savoir que tout en cette vie est par nature corruptible, dispa-
raît facilement, se dégrade et se détruit. Ils ne doivent donc pas s’inquiéter de ce
qui arrive.
72. Sache que les douleurs physiques sont naturelles au corps, dès lors que
celui-ci est corruptible et matériel. Devant de telles affections, l’âme instruite
doit donc s’armer d’endurance et de patience, et ne pas reprocher à Dieu d’avoir
créé le corps.
73. Ceux qui participent aux Jeux Olympiques ne reçoivent pas la couronne
pour avoir vaincu un, deux ou trois adversaires, mais quand ils ont vaincu tous
ceux qui les affrontent. Il en va de même pour tout homme qui veut être couron-
né par Dieu. Son âme doit donc s’exercer à la sagesse, non seulement dans les
choses du corps, mais en tout ce qui regarde les gains et les pertes, les jalousies,
les nourritures, la vaine gloire, les injures, la mort, et les affections analogues.
74. Ne recherchons pas pour la louange des hommes la bonne conduite ai-
mée de Dieu. Mais choisissons la vie vertueuse pour le salut de l’âme. Car sous
nos yeux, chaque jour, la mort est là, et les choses humaines sont pleines
d’incertitudes.
75. Il est en notre pouvoir de vivre sagement. Mais il n’est pas en notre pou-
voir de nous enrichir. Pourquoi faut-il donc condamner notre âme pour la repré-
sentation éphémère d’une richesse que nous n’avons pas les moyens d’acquérir ?
Mais si nous ne désirons que la richesse, pourquoi courons-nous sans intelli-
gence, ignorant que l’humilité précède toutes les vertus, comme la gloutonnerie
et la convoitise des choses de cette vie précèdent toutes les passions.
76. Les sages doivent continuellement s’en souvenir : si nous supportons en
cette vie les petites peines passagères, nous les hommes jouirons après la mort
d’un immense plaisir et de délices éternelles. Dès lors, celui qui combat les pas-
sions et veut être couronné par Dieu, s’il tombe, ne doit pas se décourager, ni
demeurer dans sa chute en désespérant de lui-même. Mais il lui faut se redresser,
reprendre le combat, et songer de nouveau à la couronne. Il lui faut jusqu’à son
dernier souffle se relever de sa chute qui lui arrive. Car les coups que reçoit le
corps sont l’armure des vertus et assurent le salut de l’âme.
77. Les difficultés de la vie donnent aux hommes dignes, à ceux qui mènent
le combat, d’être couronnés par Dieu. Il leur faut donc, au cours de leur vie,
faire mourir leurs membres à toutes les choses du monde. Car le mort ne se sou-
cie plus jamais de ces choses.
78. Il ne convient pas que l’âme qui est douée de raison et mène le combat,
se laisse aller trop vite à l’appréhension et à la peur devant les passions qui lui
arrivent, si elle ne veut pas être tournée en dérision pour sa lâcheté. Car l’âme
troublée par la représentation des choses du monde oublie ce qu’elle se doit à
160 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
elle-même. Ce sont les vertus de l’âme en nous qui ouvrent le chemin des biens
éternels. Et c’est le mal que font d’eux-mêmes les hommes qui est la cause des
châtiments.
79. L’homme doué de raison est combattu par les sens raisonnables114 qui
sont en lui, à travers les passions de l’âme. Or il y a cinq sens du corps : la vue,
l’odorat, l’ouïe, le goût et le toucher. L’âme malheureuse est captivée par
l’intermédiaire de ces cinq sens quand elle se soumet aux quatre passions qui lui
sont propres. Ces quatre passions de l’âme sont la vaine gloire, la joie, la colère
et la lâcheté. Donc lorsque, grâce à la prudence et à la réflexion, il a bien mené
la lutte et a maîtrisé et vaincu les passions, l’homme n’est plus combattu. Son
âme est en paix, et pour sa victoire il reçoit de Dieu la couronne.
80. Parmi ceux qui se trouvent à l’auberge, certains reçoivent un lit, d’autres
n’en ont pas et couchent par terre, où ils ronflent tout autant que ceux qui dor-
ment dans leur lit. Après avoir passé la nuit et abandonné à l’aube les lits de
l’auberge, ils partent tous ensemble, n’emportant chacun que leurs affaires per-
sonnelles. Il en va de même pour tous ceux qui viennent en ce monde. Ceux qui
ont vécu pauvrement, et ceux qui ont passé leur vie dans la gloire et la richesse,
tous sortent de la vie comme de l’auberge. Ils n’emportent avec eux rien de ce
qui faisait les délices et la richesse du monde. Ils n’emportent que leurs propres
œuvres, bonnes ou mauvaises ; ce qu’ils ont fait durant leur vie.
81. Parce que tu as un plus grand pouvoir, ne va pas trop facilement menacer
quelqu’un de mort. Sache que, par nature, toi aussi tu es soumis à la mort, et que
l’âme se dévêt du corps comme de sa dernière tunique. Reconnais cela claire-
ment. Sois doux, fais le bien, et rends grâce continuellement à Dieu. Car celui
qui n’est pas compatissant n’a pas en lui la vertu.
82. Il est impossible et inconcevable d’échapper à la mort. C’est ce que savent
les hommes vraiment doués de raison, exercés aux vertus et aux pensées aimées
de Dieu. Ils accueillent la mort sans gémissements, sans crainte et sans deuil, en
se souvenant qu’elle est inexorable et qu’elle délivre des maux de cette vie.
83. Ceux qui négligent la conduite vertueuse qui plaît à Dieu et ne se sou-
cient pas des principes droits et aimés de lui, il ne faut pas les haïr, mais bien
plutôt les plaindre, car ils sont privés de jugement, aveugles de cœur et de ré-
flexion. Ils prennent le mal pour le bien, et cette ignorance les perd. Les malheu-
reux, l’âme sans intelligence, ne connaissent pas Dieu.
114 Au lieu de l’adjectif transmis logikôn « raisonnables », ne faut-il pas lire hulikôn « ma-
tériels », ou même sômatikôn « corporels » ? D. Stăniloae, traducteur roumain de la Phi-
localie, a fait la même hypothèse et traduit « simturile trupului (les sens du corps) ».
Les auteurs de la version anglaise (The Philokalia, etc. Volume One, etc. London 1979,
p. 327-353) négligent de traduire l’adjectif.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 161
90. L’homme qui fait de la piété la compagne de sa vie ne permet pas au mal
d’entrer dans son âme. Et si le mal n’est pas en elle, l’âme est à l’abri du danger
et du malheur. Ni la fourberie du démon, ni les coups du sort n’ont raison de tels
hommes. Car Dieu les délivre du mal. Ils vivent sous sa garde, loin de tout mal-
heur, pareils à lui. Si l’on fait l’éloge d’un tel homme, il rit en lui-même de ceux
qui le louent. Et si on le blâme, il ne répond pas à ceux qui l’insultent. Car il ne
s’émeut pas de ce qu’on peut dire de lui.
91. Le mal va de pair avec la nature, comme la corrosion avec le bronze ou
la saleté avec le corps. Mais ce n’est pas le forgeron qui a fait la corrosion, ni les
parents qui ont fait la saleté. De même, Dieu n’a pas créé le mal. Il a au contraire
donné à l’homme la connaissance et le discernement, pour qu’il puisse fuir le
mal, dès qu’il sait que celui-ci lui est nuisible et dommageable. Quand tu vois
quelqu'un heureux d’être puissant et riche, garde-toi donc soigneusement de
l’envier. C’est le démon qui te porte à cette représentation. Mais aie sur le
champ la mort devant les yeux, et tu ne convoiteras jamais ni le mal, ni les
choses de ce monde.
92. Notre Dieu a donné aux choses du ciel l’immortalité et il a fait chan-
geantes les choses de la terre. Il a mis dans l’univers la vie et le mouvement. Il a
tout créé pour l’homme. Ne te laisse donc pas captiver par les représentations de
ce monde qui te viennent du démon, quand il glisse dans ton âme les pensées
mauvaises. Mais songe tout de suite aux biens célestes, et dis-toi : « Si je veux,
j’ai en moi le pouvoir de repousser aussi cette attaque de la passion. Mais je ne
la repousserai pas si je veux satisfaire mon désir. » Mène donc ce combat qui
peut sauver ton âme.
93. La vie est l’union et la connexion de l’intellect, de l’âme et du corps. La
mort ne détruit pas ce qui était uni, mais dissout la relation qui les unit115. Car
tout est sauvé par Dieu, même après la dissolution.
94. L’intellect n’est pas l’âme, mais un don de Dieu qui sauve l’âme.
L’intelligence qui plaît à Dieu devance et conseille l’âme. Elle l’engage à mépri-
ser tout ce qui est éphémère, matériel et corruptible, à s’éprendre des biens éter-
nels, incorruptibles et immatériels, à marcher comme un homme dans un corps,
en observant et contemplant par elle les choses célestes, les choses de Dieu, et
toutes choses pareillement. L’intelligence aimée de Dieu est ainsi le bienfaiteur
et le salut de l’âme humaine.
115 Certes, le mot gnôsis peut avoir le sens (rare) de « relation entre des personnes », mais je
me demande si, au lieu de gnôseôs, on ne doit pas lire henôseôs „union”, mot qu’on
trouve au début de ce même chapitre. En grec, la différence ne porte que sur la lettre ini-
tiale.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 163
95. Par la douleur et le plaisir, l’âme dans le corps est immédiatement expo-
sée aux ténèbres et à la perdition. La douleur et le plaisir sont comme les hu-
meurs du corps. Pour les affronter, l’intelligence aimée de Dieu afflige le corps
et sauve l’âme, comme un médecin qui incise et cautérise les corps.
96. Les âmes qui ne sont pas menées par les rênes de la raison et gouvernées
par l’intellect capable de presser, d’attaquer et de vaincre leurs passions,
c’est-à-dire la douleur et le plaisir, de telles âmes, comme des animaux sans rai-
son, vont à leur perte, dès lors que la raison est entraînée par les affections,
comme le conducteur de char est débordé par les chevaux.
97. La plus grave maladie de l’âme, sa ruine et sa perdition, est de ne pas
connaître Dieu, qui a créé l’univers pour l’homme et qui lui a fait don de
l’intellect et de la raison, par lesquelles l’homme s’envole pour s’unir à Dieu, le
concevoir et le glorifier.
98. L’âme est dans le corps. L’intellect est dans l’âme. Et la raison est dans
l’intelligence. Quand il est conçu et glorifié par elles, Dieu immortalise l’âme en
lui accordant l’incorruptibilité et les délices éternelles, lui qui par sa seule bonté
a donné l’être à toutes les créatures.
99. Dans sa bienfaisance et sa bonté, Dieu a créé l’homme libre et lui a don-
né le pouvoir de lui plaire, s’il le veut. Or l’homme plaît à Dieu quand il n’y a
pas de mal en lui. Mais si les hommes louent les belles œuvres et les vertus
d’une âme sainte et aimée de Dieu, et s’ils blâment les infamies et les actions
mauvaises, combien plus Dieu, qui veut que l’homme soit sauvé.
100. Les biens, l’homme les reçoit de la bonté de Dieu. C’est pour cela qu’il
a été créé par Dieu. Mais les maux, l’homme se les attire. C’est de lui que vien-
nent la malice qui est en lui, la convoitise et la stupidité.
101. L’âme dépourvue de raison, bien qu’immortelle et maîtresse du corps,
s’asservit au corps par les plaisirs, sans comprendre que les délices du corps lui
sont nuisibles. Mais, dans sa stupidité et sa folie, elle ne pense qu’à ces délices.
102. Dieu est bon, l’homme est mauvais. Rien n’est mauvais dans le ciel,
rien n’est bon sur la terre. Mais l’homme doué de raison choisit le meilleur. Il
reconnaît le Dieu de l’univers. Il lui rend grâce et le célèbre. Devant la mort, il a
son corps en aversion, et il ne laisse pas faire les sens mauvais, sachant qu’ils ne
travaillent qu’à sa perdition.
103. L’homme mauvais aime avoir toujours plus, et il méprise la justice. Il
ne considère pas que la vie est incertaine, instable et passagère, et que la mort
est inflexible et inexorable. Mais s’il est frappé de laideur morale et
d’inintelligence, le vieillard, comme du bois pourri, n’est plus bon à rien.
104. C’est en éprouvant ce qui nous attriste que nous sommes sensibles aux
plaisirs et à la joie. Celui qui n’a pas soif n’a pas de plaisir à boire. Celui qui n’a
pas faim n’a pas de plaisir à manger. Celui qui n’a pas sommeil n’a pas de plai-
164 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
sir à dormir. Celui qui n’a pas été d’abord triste ne ressent pas la joie. De même
nous ne jouirons des biens éternels que si nous méprisons les biens passagers.
105. La parole est la servante de l’intellect. Ce que veut l’intellect, la parole
l’interprète.
106. L’intellect voit tout, même ce qui est dans les cieux. Rien ne
l’enténèbre, que le péché. Mais, s’il est pur, rien ne lui est inaccessible. Il en va
de même pour la parole : rien ne lui est indicible.
107. Par le corps, l’homme est mortel. Mais par l’intellect et la parole, il est
immortel. Même si tu te tais, tu penses. Et si tu penses, tu parles. Car dans le
silence l’intellect engendre la parole. Et la parole de reconnaissance adressée à
Dieu se trouve être le salut de l’homme.
108. Celui qui dit des paroles dénuées de raison n’a pas l’intelligence. Car il
parle sans réfléchir à rien. Mais considère ce qu’il t’importe de faire pour sauver
ton âme.
109. La parole qui a l’intelligence et seconde l’âme est un don de Dieu. De
même, la parole pleine de bavardages, qui cherche les dimensions et les dis-
tances du ciel et de la terre, ou les grandeurs du soleil et des étoiles, est une in-
vention de l’homme qui perd sa peine. Il cherche là ce qui ne sert à rien, et il se
vante inutilement. Autant vouloir puiser de l’eau avec un crible. Car les hommes
ne sauraient trouver ces choses dont nous parlons.
110. Nul ne sait voir le ciel et ne peut comprendre ce qui est en lui, si ce
n’est l’homme qui a le souci de la vie vertueuse, qui connaît et glorifie Celui qui
a créé ce ciel pour notre salut et notre vie. Car un tel homme aimé de Dieu sait
de source sûre que rien n’existe sans Dieu. Dieu est partout et en tout, dès lors
qu’il est infini.
111. De même que l’homme sort nu du sein maternel, de même l’âme quitte
nue le corps. L’une le quitte pure et lumineuse. Une autre le quitte marquée de
taches par ses fautes. Une autre le quitte noire de ses nombreuses chutes. Aussi
l’âme douée de raison et aimée de Dieu, au souvenir et à la pensée des maux qui
suivent la mort, mène une vie de piété, afin de ne pas tomber, condamnée par
ces fautes. Quant à ceux qui ne croient pas, ils vivent dans l’impiété et le péché,
et méprisent les choses de l’au-delà : leur âme est sans intelligence.
112. De même que, sorti du sein maternel, tu ne te souviens plus de ce
qu’était le sein, de même, sorti du corps, tu ne te souviens plus de ce qu’était le
corps.
113. De même que, sorti du sein maternel, ton corps est devenu plus fort et
plus grand, de même si, en sortant du corps, tu es pur et sans souillure, tu seras
plus fort, tu seras incorruptible, car tu vivras dans les cieux.
114. De même qu’il est nécessaire que naisse le corps, quand sa gestation est
achevée dans le sein maternel, de même il est nécessaire que l’âme sorte du
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 165
corps, quand elle est parvenue à la limite qui, dans le corps, lui a été assignée
par Dieu.
115. Ce que tu as fait de ton âme quand elle était dans le corps, elle-même le
fait de toi quand elle sort du corps. Car celui qui a fait ici-bas le bonheur et les
délices du corps fait son propre malheur après la mort. Il a condamné son âme
par manque d’intelligence.
116. De même que le corps, s’il sort imparfait du sein maternel, ne peut pas
se développer, de même l’âme, si elle sort du corps sans être parvenue à la con-
naissance de Dieu par une conduite vertueuse, ne peut être sauvée ou unie à
Dieu.
117. Le corps uni à l’âme passe de la ténèbre du sein maternel à la lumière.
Mais l’âme unie au corps est attachée à la ténèbre du corps. Dès lors, il convient
d’avoir en aversion et de dresser le corps, dans la mesure où il est l’adversaire et
l’ennemi de l’âme. L’abondance et le plaisir des nourritures éveillent dans les
hommes les passions du mal. Mais la tempérance diminue les passions et sauve
l’âme.
118. Pour le corps, la vision, ce sont les yeux. Pour l’âme, la vision, c’est
l’intellect. De même que le corps sans yeux est aveugle, ne voit pas le soleil
éclairant la terre et la mer et ne peut pas jouir de la lumière, de même l’âme qui
n’a pas une bonne intelligence et une conduite vertueuse, est aveugle : elle ne
connaît ni ne glorifie Dieu créateur et bienfaiteur de l’univers, et elle ne saurait
entrer en jouissance de son incorruptibilité et des biens éternels.
119. L’ignorance de Dieu est la marque d’une âme stupide et folle. Car le
mal naît de l’ignorance. Mais le bien vient dans les hommes de la connaissance
de Dieu et sauve l’âme. Donc si tu t’appliques à ne pas faire tes volontés, si tu es
vigilant et si tu connais Dieu, tu portes aux vertus ton intellect. Mais, si tu mets
tous tes soins à n’appliquer tes volontés mauvaises qu’au plaisir, alors, ivre de
l’ignorance de Dieu, tu vas te perdre comme les animaux sans raison, car tu ne
penses pas aux maux qui t’attendent après la mort.
120. La Providence est ce qui arrive par nécessité divine, comme le fait que
le soleil se lève et se couche tous les jours, ou que la terre porte des fruits. De
même, on appelle loi ce qui arrive par nécessité humaine. Mais tout est fait pour
l’homme.
121. Tout ce que Dieu fait dans sa bonté, il le fait pour l’homme. Mais tout
ce que fait l’homme, il le fait pour lui-même, le bien comme le mal. Pour ne pas
t’étonner devant le bonheur des méchants, sache que les cités nourrissent les
bourreaux sans pour autant louer leur exécrable profession, mais elles se servent
d’eux pour châtier ceux qui le méritent. De la même manière, Dieu permet que
les méchants oppriment le monde, afin de corriger par eux les impies. Mais en-
suite, eux aussi, il les livre au Jugement, dès lors que ce n’était pas pour servir
166 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dieu, mais parce qu’ils ne se pliaient qu’à leur propre malice qu’ils ont fait du
mal aux hommes.
122. Ceux qui vénèrent les idoles, s’ils savaient et voyaient par le cœur ce
qu’ils vénèrent, n’iraient pas, les malheureux, s’égarer loin de la piété. Mais,
contemplant l’harmonie, l’ordre et la Providence qui président à ce que Dieu a
fait et fait toujours, ils connaîtraient Celui qui a fait tout cela pour l’homme.
123. Dans sa méchanceté et son injustice, l’homme peut tuer. Mais Dieu ne
cesse de donner la vie, même à ceux qui en sont indignes. Bon et dénué d’envie
par nature, il a voulu que le monde fût, et le monde a existé. Et il continue à
exister pour l’homme et son salut.
124. C’est le propre de l’homme de comprendre ce qu’est le corps, à savoir
qu’il est corruptible et éphémère. Car le même homme comprend aussi ce qu’est
l’âme, à savoir qu’elle est divine et immortelle, créée par le souffle de Dieu, et
unie au corps pour son épreuve et sa déification. Or celui qui a compris ce qu’est
l’âme mène la vie droite qui plaît à Dieu. Il n’obéit pas au corps. Mais il voit
Dieu par son intellect, et il contemple en elle les biens éternels que Dieu a don-
nés à l’âme.
125. Dieu qui est bon et dénué d’envie a donné à l’homme le pouvoir de
faire le bien et le mal en lui accordant la connaissance afin que, contemplant le
monde et ce qui est dans le monde, il puisse connaître Celui qui a tout fait pour
l’homme. Mais l’impie peut vouloir connaître, et ne pas comprendre. Car il lui
est loisible de ne pas croire, de ne rien trouver, et de concevoir le contraire de la
vérité, tant l’homme a le pouvoir de choisir le bien et le mal.
126. Tel est l’ordre de Dieu : quand croît la chair, l’âme se remplit
d’intelligence, afin qu’entre le bien et le mal l’homme puisse choisir ce qui plaît
à Dieu. Mais l’âme qui ne choisit pas le bien est dénuée d’intelligence. Ainsi
tous les corps ont une âme, mais on ne peut pas dire que toute âme ait une intel-
ligence. Car l’intelligence aimée de Dieu échoit aux hommes sages, saints,
justes, purs, bons, miséricordieux, et aux hommes de piété. Et la présence de
l’intelligence leur est un secours pour aller à Dieu.
127. Une seule chose n’est pas possible à l’homme : être immortel. Ce qui
lui est possible, c’est de s’unir à Dieu, s’il comprend qu’il le peut. S’il le veut,
en effet, s’il le conçoit, s’il croit, s’il aime, l’homme, par une conduite ver-
tueuse, devient le compagnon de Dieu.
128. L’œil contemple le visible, et l’intellect conçoit l’invisible. Car
l’intelligence aimée de Dieu est la lumière de l’âme. Celui dont l’intelligence est
aimée de Dieu a son cœur dans la lumière et voit Dieu par son intellect.
129. Nul n’est mauvais, s’il est bon. Mais celui qui n’est pas bon est assuré-
ment livré au mal et il aime le corps. Or la première vertu de l’homme est le mé-
pris de la chair. Se détacher de l’éphémère, du corruptible et du matériel, si c’est
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 167
par libre volonté et non par nécessité, fait de nous les héritiers des biens éternels
et incorruptibles.
130. Celui qui a l’intellect sait ce qu’il est, à savoir que l’homme est corrup-
tible. Or celui qui se connaît lui-même sait que toutes choses sont les créatures
de Dieu et ont été créées pour le salut de l’homme. Car avoir de toutes choses
une juste conception et sur toutes choses une foi droite est au pouvoir de
l’homme. Un tel homme sait alors en toute certitude que ceux qui méprisent les
choses de ce monde n’ont pas beaucoup d’efforts à faire, mais reçoivent de Dieu
après la mort les délices et le repos éternels.
131. De même que le corps sans l’âme est mort, de même l’âme qui n’est
pas douée d’intelligence est stérile et ne peut hériter de Dieu.
132. C’est l’homme seul que Dieu écoute. C’est à l’homme seul que Dieu se
révèle. Dieu aime l’homme ; où est l’homme, Dieu est aussi. Seul l’homme est
le digne adorateur de Dieu. C’est pour l’homme que Dieu se transfigure.
133. C’est pour l’homme que Dieu a fait le ciel entier paré d’étoiles. C’est
pour l’homme qu’il a fait la terre. Et c’est pour eux-mêmes que les hommes la
cultivent. Ceux qui ne sentent pas une telle Providence de Dieu ont l’âme dé-
nuée d’intelligence.
134. Le bien ne se voit pas, comme les choses du ciel. Mais le mal se voit,
comme les choses de la terre. Le bien est ce qui ne saurait se comparer. Mais
l’homme qui a l’intelligence choisit le meilleur. Car c’est à l’homme seul que
Dieu et ses créations sont intelligibles.
135. L’intellect se manifeste dans l’âme, et la nature dans le corps.
L’intellect est la déification de l’âme, mais la nature du corps est sa dissolution.
En tout corps il y a une nature. Mais il n’y a pas d’intellect en toute âme. C’est
pourquoi toute âme n’est pas sauvée.
136. L’âme est dans le monde, car elle est engendrée. Mais l’intellect est au-
dessus du monde, car il n’est pas engendré. L’âme qui connaît le monde et qui
veut être sauvée porte en elle à tout moment une loi inviolable. Elle prend cons-
cience que le combat et l’épreuve ont lieu maintenant, qu’il ne lui est pas permis
de se concilier le Juge, et qu’elle se perd ou se sauve pour le moindre plaisir
mauvais.
137. Dieu a créé sur la terre la naissance et la mort. Et il a créé dans le ciel la
Providence et la destinée. Il a tout fait pour l’homme et son salut. Disposant de
tous les biens, Dieu a créé pour les hommes le ciel, la terre et leurs éléments,
pour lesquels il leur a donné toute jouissance de ces biens.
138. Ce qui est mortel est subordonné à ce qui est immortel. Mais ce qui est
immortel est au service de ce qui est mortel, c’est-à-dire que les éléments du
monde sont au service de l’homme grâce à l’amour que dans sa bonté naturelle
porte à l’homme le Dieu créateur.
168 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
139. Celui qui est né pauvre et n’a pas le pouvoir de nuire ne saurait être
compté par sa conduite parmi les hommes pieux en action. Mais celui qui a le
pouvoir de nuire et qui se refuse de lui-même à l’utiliser pour faire le mal, qui,
au contraire, use avec modération des biens les plus modestes pour l’amour de
Dieu, celui-là reçoit les biens promis en retour, même après la mort.
140. Grâce à l’amour que porte à l’homme le Dieu qui nous a créés, très
nombreuses sont les voies qui mènent l’homme au salut, tournent les âmes et les
élèvent vers les cieux. Car les âmes humaines reçoivent les récompenses pour la
vertu, et les châtiments pour les fautes.
141. Le Fils est dans le Père, l’Esprit est dans le Fils, et le Père est en l’un et
l’autre. C’est par la foi que l’homme connaît tout ce qui est invisible et intelli-
gible. La foi est l’assentiment volontaire de l’âme.
142. Ceux qu’une nécessité ou les circonstances ont obligé à se jeter à la
nage dans un grand fleuve sont sauvés, s’ils sont sobres et vigilants. Car se-
raient-ils un peu perdus, ils se sauvent, même si les courants sont violents, en
saisissant quelque chose qui pousse sur la rive. Mais ceux qui se trouvent ivres,
quand bien même ils sauraient nager à la perfection, vaincus par le vin,
s’enfoncent dans le courant et se retrouvent loin du monde des vivants. De la
même manière, si l’âme jetée dans les remous et les tourbillons des courants de
la vie, ne se connaît pas elle-même en émergeant du mal de la matière, si elle ne
sait pas, elle qui est divine et immortelle, qu’elle n’a été liée à la matière éphé-
mère, sujette à des affections sans nombre et mortelle que pour y subir une
épreuve, et qu’elle se laisse, pour sa perte, entraîner par les plaisirs du corps,
alors, se méprisant elle-même, ivre d’ignorance, incapable de s’assumer, elle se
perd et se retrouve loin des sauvés. Comme le fleuve, en effet, le corps nous en-
traîne souvent vers des plaisirs honteux.
143. L’âme douée de raison, qui maintient fermement sa belle résolution,
conduit comme un cheval l’ardeur et le désir, ses affections privées de raison. Si
elle les domine, si elle les presse, si elle les maîtrise, elle est couronnée, et elle
est jugée digne de la vie dans le ciel. Elle reçoit là de Dieu qui l’a créée la ré-
compense de sa victoire et de ses peines.
144. L’âme véritablement douée de raison, quand elle voit le bonheur des
méchants et la prospérité des indignes, ne se trouble pas en imaginant leurs
jouissances en cette vie, comme le font les hommes dénués de raison. Car elle
sait clairement l’instabilité de la fortune, l’incertitude de la vie, la brièveté de
l’existence et l’incorruptibilité du Jugement. Une telle âme croit que Dieu ne
l’oubliera pas et lui donnera la nourriture dont elle a besoin.
145. La vie du corps et la jouissance terrestre que donnent la grande richesse
et le pouvoir, c’est la mort de l’âme. Mais la souffrance, la patience, la privation
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 169
assumée avec reconnaissance et la mort du corps, c’est la vie et les délices éter-
nelles de l’âme.
146. L’âme douée de raison ne conçoit que mépris pour la création maté-
rielle et pour cette vie éphémère. Elle choisit les délices du ciel et la vie éter-
nelle, qu’elle reçoit de Dieu pour sa conduite vertueuse.
147. Ceux qui portent un habit souillé de fange salissent le vêtement de ceux
qui se frottent à eux. De la même manière, les méchants dont l’intention et la con-
duite ne sont pas droites, quand ils se frottent aux êtres simples et leur disent ce
qu’il ne faut pas, souillent leurs âmes comme la fange par ce qu’ils font entendre.
148. Le commencement du péché, c’est la convoitise par laquelle se perd
l’âme douée de raison. Mais le commencement du salut et du Royaume des
cieux, c’est l’amour qui le devient pour l’âme.
149. Le bronze, s’il est négligé et n’est pas entretenu comme il faut, à force
de rester toujours attaché sans servir à rien, est rongé par la corrosion et n’a plus
ni utilité ni beauté. Il en va de même pour l’âme. Si elle demeure inerte, si elle
ne s’applique pas à vivre dans la vertu et à se tourner vers Dieu, si elle se sépare
de la protection divine par ses actions mauvaises, elle se détruit, dans sa négli-
gence, sous l’effet du mal qui s’attaque à la matière du corps, comme le bronze
se détruit sous l’effet de la corrosion, et elle se retrouve sans beauté ni utilité en
vue du salut.
150. Dieu est bon, impassible, immuable. Mais si l’on tient pour raisonnable
et vrai que Dieu ne change pas, on se demande cependant comment il se réjouit
des bons mais se détourne des méchants, s’irrite des pécheurs mais est bienveil-
lant s’il est honoré. Il faut répondre que Dieu ni ne se réjouit ni ne s’irrite. Car se
réjouir et s’attrister sont des affections. On ne saurait non plus l’honorer avec
des présents. Il serait alors dominé par le plaisir. Or il n’est pas permis, à partir
des choses humaines, de voir dans le divin le bien et le mal. Dieu est bon, il ne
nous fait que du bien, jamais du mal, car il reste le même et identique à
lui-même116. Nous-mêmes, si, par la ressemblance, nous persévérons dans le
bien, nous nous unissons à Dieu. Mais si, par la dissemblance, nous nous livrons
au mal, nous nous séparons de Dieu. Vivant dans la vertu, nous sommes reliés à
Dieu. Mais portés au mal, nous faisons de lui pour nous un ennemi dont
l’irritation n’est pas fortuite, dès lors que les péchés empêchent Dieu de briller
en nous et nous livrent aux démons qui nous châtient. Si, par les prières et le
bien que nous faisons, nous trouvons l’absolution des fautes, ce n’est pas pour
116 Au lieu de tauta transmis avec un accent circonflexe sur l’upsilon, je lis tauta avec une
corônis, signe d’une crase, et un accent grave sur la voyelle finale. Cette expression phi-
losophique classique est déjà platonicienne (avec ou sans l’adverbe aei « toujours »),
par exemple en Timée, 29a.
170 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
honorer ou changer Dieu, c’est parce que, soignant notre mal par nos actions et
notre retour au divin, nous jouissons à nouveau de sa bonté. Cela revient donc au
même de dire que Dieu se détourne des méchants, et que le soleil est caché à
ceux qui sont privés de la vue.
151. L’âme pieuse connaît le Dieu de l’univers. Car la piété n’est rien
d’autre que d’accomplir la volonté de Dieu, c’est-à-dire de le connaître en étant
généreux, sage, doux, bienfaisant autant qu’il est possible, affable, paisible, et de
faire tout ce qui plaît à sa volonté.
152. La connaissance de Dieu et la crainte de Dieu sont le remède des affec-
tions de la matière. En effet, quand l’âme est habitée par l’ignorance de Dieu, les
affections ne guérissent pas : elles s’y maintiennent et la corrompent. C’est
comme une plaie invétérée rongée par le mal. Mais Dieu n’en est pas la cause,
lui qui a transmis aux hommes la science et la connaissance.
153. Dieu a comblé l’homme de science et de connaissance. Car il
s’applique à le purifier des passions et du mal volontaire, et il veut, dans sa bon-
té, faire accéder le mortel à l’immortalité.
154. Dans une âme pure éprise de Dieu, l’intellect voit en vérité le Dieu
inengendré, invisible et ineffable, le seul qui soit pur pour les cœurs purs.
155. La couronne d’incorruptibilité, la vertu, le salut de l’homme, c’est de
supporter les adversités avec courage et gratitude. Maîtriser la colère, la langue,
le ventre117 et les plaisirs, c’est pour l’âme un très grand secours.
156. C’est la Providence de Dieu qui dirige le monde. Aucun lieu n’est privé
d’elle. La Providence est le Logos souverain de Dieu, qui a modelé la matière
qui entre dans le monde. Elle est le créateur et l’artisan de tout ce qui est. Car il
n’est pas possible que la matière soit ordonnée sans la faculté de discernement
du Logos, qui est l’image, l’intellect, la sagesse et la Providence de Dieu.
157. La convoitise consciente est la racine des passions apparentées aux té-
nèbres. L’âme qui a cette conscience de la convoitise ne se connaît pas
elle-même. Elle ignore qu’elle est créée par le souffle de Dieu et qu’elle est ainsi
entraînée dans le péché, sans considérer, par manque d’intelligence, les maux
qui suivent la mort.
158. Le refus de Dieu et l’amour de la vaine gloire sont la plus grave et la
plus incurable maladie de l’âme, et sa perdition. Car le désir du mal est la priva-
tion du bien. Or le bien, c’est de faire sans réserve tout ce qui est bon et plaît au
Dieu de l’univers.
159. L’homme est le seul être capable de recevoir Dieu. Il est le seul, parmi
les êtres vivants, avec lequel Dieu s’entretient, la nuit par les songes, le jour par
role de Dieu qui est son œuvre ; et son dessein est sa parole, évidemment comme
il l’a voulu, Il a parlé et cela fut127, comme il est écrit : Lui qui appelle ce qui
n’est pas comme ce qui est128. Car de même que la force et le pouvoir de Dieu
sont incompréhensibles, de même il en est ainsi de ses opérations. Et de même
que sa sagesse est immense, de même ses voies sont impénétrables129.
Ne soyons donc pas incrédules, pour éviter que nous soyons condamnés da-
vantage pour incrédulité que pour de mauvaises œuvres, parce que Dieu a le
pouvoir de faire ce qu’il a promis. Car pécher dans les œuvres est une marque de
faiblesse mais être incrédule est le signe d’une témérité hardie. En effet celui qui
est téméraire et hardi a bien du mal à accomplir une bonne œuvre. Donc tant que
nous en avons le temps, préservons-nous nous-mêmes et rendons Dieu propice
envers nos péchés pour éviter qu’on ordonne de nous jeter un jour, pieds et
poings liés, dans les ténèbres du dehors, où il y a pleurs et grincements de
dents130. Or de quoi les pleurs et les grincements de dents sont-ils la marque, si-
non de l’immensité des supplices cruels et horribles ? Et que signifient les grin-
cements de dents sinon que pour les mêmes péchés le repentir des fautes sera
plus grand ?
Alors, sans aucun doute, alors commençons, en nous indignant contre nous-
mêmes, à nous repentir avec des grincements de dents, puisqu’il n’y aura plus
ensuite ni lieu ni moment utiles pour le repentir. Donc comme nous pouvons
dans ce bref laps de temps servir Dieu et être libérés de la géhenne et des tour-
ments éternels, pourquoi être négligents et, méprisant les préceptes de Dieu, être
les esclaves de nos propres plaisirs pour être condamnés à une peine irrémé-
diable ? Or notre Dieu, qui est grand, qui aime les hommes, qui est riche en mi-
séricorde131, et puissant dans ses œuvres, que lui-même apporte son aide à notre
faiblesse, écrasant vite Satan sous nos pieds132, qu’il nous donne la force et qu’il
nous accorde l’intelligence de l’Esprit pour que dans le temps qui reste, en le
servant fidèlement dans la vérité, nous trouvions grâce devant Dieu au jour ter-
rible de son jugement. Amen.
127 Ps 32, 9.
128 Rm 4, 17.
129 Rm 11, 33.
130 Mt 22, 13.
131 Ep 2, 4.
132 Rm 16, 20.
176 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
139 Ceci est à comprendre comme une mise en garde contre les thèses des ariens, qu’Antoine
a vigoureusement combattues, cf. VA 69.
140 Jc 2, 20 et 26.
141 Ps 115, 10.
142 Ph 2, 12.
178 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
des péchés, des supplices prévus et du diable qui ne vaut rien. La crainte du Sei-
gneur, tant qu’elle existe en l’homme, le garde et le préserve jusqu’à ce qu’il
rejette ce corps lourd à porter et qu’il devienne l’héritier des biens avec les saints
avec lesquels il se réjouira d’une joie éternelle, comme il est écrit : à cause de la
crainte que nous avons de toi, Seigneur, nous avons conçu, nous avons supporté
la douleur de l’enfantement et nous avons enfanté l’esprit du salut143.
148 Si 7, 18.
149 Ps 40, 13.
150 Is 66, 2.
151 Mt 11, 29.
152 Mc 9, 45.
180 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
l’orgueil dans le cœur tout a été bouleversé et est entré en même temps dans un
conflit d’où est sortie la tyrannie. Tout cela a été créé à cause de l’orgueil dans
le cœur. L’orgueil dans le cœur des hommes en présence de Dieu est impur ;
mais les cœurs qui s’humilient et qui se repentent ne sont pas détestés par Dieu.
Or, fils et frères bien-aimés, la clémence de Dieu, venant vers nous du plus haut
des cieux, s’est faite humble jusqu’au dernier souffle. Aussi glorifions-la avec
celui qui dit : Regarde mon humilité et ma peine, et remets-moi mes péchés153.
dressons-nous par la pénitence et rendons-nous vers celui qui est venu chercher
la brebis qui a erré à travers le péché158, c’est assurément vers Dieu, qui remet
les péchés à tous ceux qui le lui demandent de tout leur cœur, pour que nous en-
tendions, nous aussi, cette voix agréable qui dit : Il en coûte à Dieu de voir mou-
rir ses élus159, sans compter la disparition pour le siècle.
158 Lc 15, 4.
159 Ps 115, 15.
160 Ps 15, 15-16.
161 Jn 14, 27.
162 Jc 1, 17.
163 Rm 12, 20.
182 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
prompt aux œuvres de perdition et s’adonne à une très mauvaise vie : il apprécie
et honore les violences et se glorifie de ses bêtises dans ses propos. Aussi mainte-
nant, mes fils, pour ceux d’entre vous qui choisissent de passer leur vie sur terre à
cultiver les fruits des champs et de la vigne, ne mangez et ne buvez pas avec ex-
cès, n’oubliez pas votre Seigneur Dieu, suivant les paroles du saint Évangile164,
mais peinons au travail de nos mains pour offrir à Dieu des sacrifices et des holo-
caustes de paix, afin que le Dieu très bon exauce notre prière et que nous enten-
dions sa douce voix : Heureux ceux qui ramènent la paix entre les hommes car ils
seront appelés fils de Dieu165, qui est Dieu de paix pour l’éternité. Amen.
172 Ps 2, 11.
173 Ex 20, 3.
174 Ps 117, 8.
175 Ps 115, 16.
176 Mt 7, 13.
177 Ac 14, 22.
178 Qo 5, 5.
179 Pr 18, 7.
184 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
discordes et les malheurs entre les gens de paix et détruit de très nombreuses
communautés. Si tu le laisses entrer en toi, il te dépouillera de toutes tes digni-
tés. Quiconque entre en société avec lui est déjà associé aux homicides et aux
tueurs par le glaive, parce que l’homicide et le médisant sournois procréent le
même petit ; car s’ils ne te tuent pas par le glaive, ils te mèneront à cela par la
même blessure. La langue du médisant sournois n’est pas différente de la mor-
sure de la couleuvre ; bien mieux, il est préférable d’habiter avec une couleuvre
et un scorpion que de partager son habitation avec le médisant sournois. Le
blasphème et le tyran valent mieux que le médisant sournois. Tous les péchés
sont moindres que les médisances sournoises. Le médisant sournois et celui qui
le rétribue à prix d’or méritent la même condamnation. Il est plus avantageux
d’aller te jeter dans le feu plutôt que d’aller auprès du médisant sournois. Si tu
marches sur de la poix bouillante et que tu fasses attention à toi, il est facile de
t’en sortir indemne ; mais si par hasard tu passes près d’un médisant sournois,
éloigne-toi de lui pour éviter qu’il ne te trahisse par ses attaques irrémédiables,
parce que sa bouche est à chaque instant pleine d’homicides et de fourberies.
C’est pourquoi je vous prescris strictement de vous mettre à l’abri du médisant
sournois par le plus grand éloignement que vous pouvez ; qu’il soit moine ou
anachorète, profès ou novice, pourvu qu’il soit un médisant sournois, quel qu’il
soit, éloigne-toi de lui, même s’il est ton père ou ton frère ; il est un médisant
sournois, mets-toi à l’abri loin de lui. Il est préférable de demeurer avec un lion
et une lionne qu’avec un médisant sournois. Et n’aie pas honte de partir pour
t’éloigner de lui et pour éviter qu’il ne t’infecte avec le poison du péché. Allez
donc, mes fils, fuyez le médisant sournois et donnez tout votre soin au silence ;
parce que celui qui est adonné au silence est près de Dieu et de ses anges et pla-
cé très haut dans les cieux. Or le Seigneur dit qu’il gardera tes chemins quand
toi, tu garderas ses paroles180. C’est pour cela qu’il nous dira au jour de notre
visite : « Heureux Israël, qui gardes ta bouche. Qui est semblable à toi? » Que
Dieu vous conserve par sa paix et sa grâce. Amen.
cette raison, dit-on, que le sot et l’insensé vont à leur perte ensemble et qu’ils
n’ont aucune considération. Salomon ajoute : La colère du sot est bien pire183. Et
aussi : Celui qui a le cœur dur tombera dans de nombreux malheurs184, et ses os
n’ont pas la santé ; son âme n’obtiendra pas la paix ; et à sa mort il n’y a ni paix
ni considération. L’homme au cœur orgueilleux est haï de tous, parce que ses
œuvres sont trop hautaines ; et pour cela il tombe dans de nombreux péchés.
Tous les péchés sont mal vus devant Dieu mais l’orgueil dans le cœur est le plus
mal vu de tous. Quiconque demande ou donne un conseil avec un cœur orgueil-
leux est pareil à celui qui verse de l’eau dans un récipient percé ou encore est
pareil à celui qui s’adresse à un oiseau qui passe. Il est préférable d’entrer en
société avec le démon et avec le pire serpent qu’avec celui qui a l’orgueil dans le
cœur : c’est pourquoi celui qui instruit l’insensé, fait des reproches à la loi185.
S’il voit un homme simple, le démon part en arrière, tête basse ; mais un homme
qui est orgueilleux dans son cœur n’est pris d’aucune honte à cause de l’orgueil
exécrable de son cœur. Le diable, aussi à cause de l’orgueil de son cœur, a été
jeté à bas du ciel. Vous aussi, corrigez-vous et confessez vos péchés devant Dieu
et vos supérieurs, pour que Dieu vous exalte parce qu’il est le plus haut dans les
cieux et qu’il regarde les humbles de loin. Allez donc maintenant, mes fils, en-
gageons la lutte selon la meilleure connaissance véritable, pour que ne
s’accomplisse pas à notre propos cette parole de l’Écriture : Le cœur du sot est à
sa gauche186, mais pour que l’on dise de nous : la raison du sage est à sa droite.
Et de même cette parole du Psalmiste : Ta main me conduira et ta droite m’a
soutenu187. Que Dieu soit avec vous tous ! Amen.
183 Pr 27, 3.
184 Pr 28, 14.
185 Pr 9, 7.
186 Qo 10, 2.
187 Ps 138, 10.
188 Si 4, 25.
186 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
qui accepte les faveurs et celui qui pratique l’usure pour ne pas être pris par
l’amour de l’argent, comme eux : car l’amour de l’argent apporte beaucoup de
malheurs à ceux qui l’aiment. Gardez-vous à cause de la honte de donner votre
consentement et de vous joindre au plus grand nombre pour tromper et frauder.
Gardez-vous encore à cause de la honte de convoiter ce qui n’est pas à vous.
N’ayez pas d’aversion pour les personnes âgées, les veuves et aussi les pauvres
qui ont perdu leurs parents ; tiens-toi cependant à l’écart de la veuve délurée189
et des pupilles sans éducation. Garde-toi tout à fait d’être pris dans des procès
mais tiens-toi bien éloigné des conflits. Garde-toi de parler avec une femme dé-
lurée et surtout avec une réprouvée, dont la mauvaise réputation atteint les
hommes, comme il est écrit à son sujet. N’aie pas honte de t’éloigner de ceux
qui traînent sur les places et qui errent dans les villes et les lieux isolés parce
qu’ils sont nombreux à être tombés dans ce panneau. Mais revenons maintenant
à la honte qui est pleine de gloire et de grâce. N’aie donc pas honte de faire tout
ce qui est conforme à la volonté de Dieu et ne te cache pas dans l’œuvre de véri-
té ; ne crains pas d’apprendre l’enseignement du Seigneur et les paroles de la
sagesse ; n’aie pas honte de découvrir tes péchés à ton prêtre. Ne redoute pas le
prince ou le riche sans pitié ; ne crains pas le puissant ou le tyran, le pécheur ou
celui qui commet des iniquités. Que tu ne sois pas séduit ou poussé par la honte
à commettre quelque péché, pour éviter qu’elle ne te conduise au pire supplice :
car à cause du péché l’homme a été dépouillé de son vêtement de gloire. Que
Dieu donc vous accorde la connaissance et vous revête de la sagesse de la gloire
et de l’entendement, pour que, nous aussi, nous nous exclamions en disant : À
cause de mon innocence tu m’as soutenu et tu m’as réconforté sous ton regard
pour l’éternité190. Amen.
189 Ce précepte semble bien renvoyer à 1 Tm 5,11 ; viduam fatuam correspond pour le sens
à la version grecque, « les jeunes veuves, quand elles n’ont pas de honte devant le
Christ... » (La Vulgate porte luxuriatae). Fatuus, qui en latin classique a le sens de
« fou, insensé », a vu son sens évoluer vers « sottement fier de soi », de là « effronté,
déluré » comme l’attestent l’italien fatuo et le provençal fat, emprunté par le français.
Les Anciens rapprochaient fatuus de fator « bavarder » et Paul décrit ces veuves comme
« non seulement oisives, mais encore bavardes, indiscrètes et disant ce qu’il ne faut pas
dire. » Elles sont peut-être bien « délurées dans leurs bavardages ».
190 Ps 40, 13.
191 Dn 10, 3.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 187
commisération pour nos âmes, dit dans le saint Évangile : Malheur à vous si on
vous tient de bonnes paroles et qu’on vous glorifie, vous ne chercherez pas la
gloire de Dieu193. Nous, engageons donc la lutte jusqu’à la mort pour résister à
la vaine gloire et retranchons ses pires rameaux pour éviter d’être conduits au
supplice. La vaine gloire est habituellement maîtresse de nos cœurs ; or celui
dont la vaine gloire est la maîtresse est promis à être condamné aux supplices et
il s’offre en sacrifice aux chefs des abîmes infernaux ; il est pareil à celui qui
verse de l’eau dans un récipient percé pour soulager sa soif. Fuis la vaine gloire ;
nombreux ont péri à cause d’elle ; elle a contraint l’homme à de multiples
épreuves, à des jeûnes, à des prières, à de nombreuses veilles de nuit, à beau-
coup de distribution d’aumônes publiques et à d’autres choses de ce genre ; tout
ceci n’aura simplement rien d’autre comme conséquence que la confusion et le
déshonneur. Fuyons donc cette gloire sans valeur parce qu’elle est pire que tous
les diables. Mais si la vaine gloire n’existe pas en nous, ne nous précipitons pas
pour faire de grandes démonstrations pour éviter d’aller à notre perte pour cette
raison et de nous emmêler dans ces multiples rameaux, puisque les diables de la
vaine gloire sont excessivement nombreux. Mais efforçons-nous, sans compter,
de rechercher la gloire et la pauvreté des saints pour bien comprendre cette pa-
role de Dieu : Heureux les pauvres d’esprit puisqu’ils ont le royaume des
cieux194.
tement ; nous avons vaincu l’aversion, le bavardage et la haine envers notre pro-
chain. Quand on a accompli tout cela, alors qu’on se glorifie, comme celui qui a
œuvré tout le jour, d’après le témoignage de l’Évangile197, et qui vient en con-
fiance demander son salaire. Car notre Dieu n’est pas injuste mais il accorde à
chacun selon ses mérites. On doit dire bienheureux celui qui a obtenu la victoire
par son humilité et quand ce sera son temps, il sera glorifié dans les cieux, comme
Lazare. Nous devons nous exclamer et dire : Puisque je me suis humilié, tu m’as
libéré, Seigneur ; reviens, mon âme, au lieu de ton repos pour l’éternité198. Amen.
restera à sa place pour l’éternité, celui qui est à Jérusalem202 : car le fondement
solide de tous les saints, c’est la foi, qui ferme la gueule des lions et éteint la
flamme du feu, à cause de la foi toujours allumée pour Dieu.
et ne la laissez pas pour éviter d’être soumis au pouvoir de l’ennemi. Tant qu’il
existe en l’homme la meilleure application et la meilleure sollicitude, elles le
relèvent de tous les accidents et de toutes les catastrophes et l’en protègent de
sorte que cet homme est le lieu où repose l’Esprit-Saint, qu’il accomplit son
chemin heureusement et qu’il mérite d’aller en paix au lieu où reposent les
saints et d’entendre cette belle voix douce dire : Dieu ne dédaignera pas un
cœur contrit et humilié206.
désordre dans toutes tes œuvres. Si tu ne surveilles pas ta langue, tu n’auras au-
cun profit de tout le cours de ta vie et s’accomplira à ton propos cette parole de
l’Écriture : Tu as enduré de grandes épreuves pour rien210. Donc ne laissez pas
faire, frères, non, ne laissez pas faire que cela vous arrive ; mais appliquons-
nous à la patience la meilleure au comble de la perfection, pour que, nous aussi,
nous puissions dire : Je n’ai pas de crainte parce que le Seigneur est mon se-
cours211. Et aussi comme il est dit : Le Seigneur aime ceux qui le craignent dans
tous les gens de bien.
217 Ps 108, 7.
218 Mt 25, 21.23.
219 Ps 42, 1.
220 Ps 7, 17.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 193
paroles de paix mais si son cœur vient une fois à s’indisposer, aussitôt il vomit
sa tromperie cachée et t’égorge, alors que tu ne t’y attends pas. Aussi, que Dieu,
qui était avec nos pères Abraham, Isaac et Jacob, soit avec vous, pour qu’il vous
arrache de lui, dont la force est dans ses reins221, en fait dans le diable, lui qui
regarde à chaque instant avec envie les religieux et s’efforce de les prendre avec
son crochet pour les avaler. Mais nous avons, qui prie pour nous222, notre Sei-
gneur Jésus-Christ, qui nous a donné le pouvoir de fouler aux pieds la force de
celui-là223. L’œil qui ne se fatigue pas de voir et l’oreille qui ne manque pas
d’entendre224, assurent que l’accomplissement de la loi doit être la charité225. Et
ils disent encore que leur accomplissement est que vous soyez tous un cœur
unique en Jésus-Christ, en vous portant une aide les uns aux autres et en vous
manifestant une charité fraternelle, en étant miséricordieux, pour que le Seigneur
aussi prépare notre cœur à exécuter ses ordres jusqu’au jour où se manifestera sa
pleine gloire par Jésus-Christ pour toutes les générations sans interruption, frères
que j’aime par Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’honneur dès maintenant et à
chaque instant et pour les siècles. Amen.
ceinture de cuir pour se souvenir qu’il était un homme pauvre, et pour qu’en ayant
présent à l’esprit sa ceinture de cuir, il n’oublie pas sa pauvreté d’autrefois.
Dans la Lettre XVII, l’exhortation à la vigilance et la fermeté, à l’amour de la
solitude, est illustrée par l’épisode d’Élie conforté par un ange sur son chemin
vers l’Horeb :
Et ne vous étonnez pas, mes chers fils, de ce que notre route soit très éloignée,
puisque nous nous trouvons encore dans l’enfance de l’esprit. Nous voyons en effet
que l’on a dit au grand prophète Élie : « Lève-toi, mange et bois, réconforte-toi ; car
ta route est encore longue.» (XVII, 5).
Le prophète Élie qui a mérité la nourriture spirituelle dont il fut nourri par
l’ange du Seigneur, n’a pas reçu ce privilège au milieu des foules, ni dans une ville,
ni dans un village, mais seulement au désert (XVII, 11).
L’écoute de l’enseignement des Pères est illustrée par l’obéissance d’Élisée à
Élie (XVIII, 7).
Cette insistance à se référer au prophète Élie correspond à ce qu’Antoine di-
sait selon la VA : « L’ascète doit apprendre toujours de la conduite du grand
Élie, comme dans un miroir, la vie qu’il doit mener sans cesse » (7, 13), et peut
être un argument en faveur de l’authenticité antonine des Lettres XVI, XVII et XVIII
qui n’ont pas de correspondant dans les différentes versions des Lettres
d’Ammonas.
Une traduction de ces vingt Lettres étant disponible dans l’ouvrage, MATTA
EL-MASKÎNE, Saint Antoine, ascète selon l’Évangile, suivi de Les vingt Lettres
de saint Antoine selon la tradition arabe, SO 57, 1993, p. 81-119, nous ne don-
nons ici que la traduction de la Lettre VIII, dont le sous-titre dans la version arabe
prescrit la lecture le jour de la fête de saint Antoine et de la Lettre XVIII, qui
chante avec le même enthousiasme que la Lettre VIII le Feu de Dieu.
LETTRE VIII227
Aux moines, ses fils, les incitant à lutter pour obtenir ici-bas le feu de l’Esprit-
Saint et pour se retrouver ensemble là-bas. Et il leur rappelle aussi ses luttes,
leur expliquant ce qu’il va obtenir, pour les y inciter. Il faut lire cette lettre le
jour anniversaire de sa mort. Il dit :
1. Bien-aimés dans le Seigneur, je vous écris comme à des fils très chers à leurs pa-
rents. Car si les fils selon la chair se trouvent imiter leurs parents et leur obéir, les pa-
rents les aiment de tout leur cœur et de ce fait, ils les tiennent dans la plus haute es-
time, plus que des fils qui leur désobéissent. S’ils sont arrivés à obtenir quelque chose
de bel et bon, ils le réservent pour leurs enfants qui leur obéissent et qui les imitent. Si
227 Trad. de la version latine d’A. ECCHELLENSIS (PG 40,1019-1021) par J. CHOLLET.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 195
donc les parents selon la chair accordent tout cela, nos pères selon l’esprit souhaitent
d’autant plus accorder leur estime à ceux qui leur obéissent et qui les imitent.
C’est pourquoi, bien-aimés dans le Seigneur, vous que j’aime de tout mon
cœur, je souhaite être auprès de vous à chaque instant pour vous voir et vous bénir.
Car je constate que l’attachement que vous me manifestez, l’imitation que vous
faites de moi, votre retour à Dieu sont assurément sincères ; vous habitez même dans
mon cœur228 de toutes les manières. Aussi je prie mon Dieu pour vous, nuit et jour,
afin qu’il vous accorde les dons qu’il m’a octroyés par sa grâce seulement et non pas
pour mes mérites. Car ce sont là les grandes richesses que m’a concédées notre Sei-
gneur et je le supplie de vous les concéder à vous aussi ; et ce sont tous mes souhaits
et ma prière, nuit et jour, que vous soyez avec moi là où je serai quand j’aurai quitté
ce corps. Assurément notre Seigneur m’a toujours exaucé depuis mon enfance jus-
qu’à aujourd’hui et je sais aussi qu’il m’accordera ceci en plus dans sa miséricorde.
Je vous ai vraiment écrit cela, mes chers fils, à cause de l’amour immense que mon
cœur a pour vous ; car dans vos combats pour le Seigneur vous vous êtes trouvé
m’imiter en tout.
Sachez donc que le Christ notre Seigneur (dont nous adorons la mémoire) a agi
de même à cause de son amour immense envers ses disciples, quand il leur a dit :
« Vraiment, je ne vous appelle plus serviteurs mais frères, amis et fils229. » Comme
ceux-ci lui étaient devenus des fils, il fit une prière au Père en ces termes : « Père, je
veux que ceux-ci soient là où moi aussi je serai, puisque je suis en toi et qu’eux sont
en moi, afin que nous soyons tous parfaits dans l’unité230. » Que l’on considère donc
et que l’on comprenne231 pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ a prié son Père afin
que ses disciples, du fait qu’ils étaient devenus ses fils, soient bien évidemment avec
lui où qu’il soit. De la même façon, mes bien-aimés, c’est là ma prière que nous
soyons tous ensemble dans ce lieu où il n’y a ni tristesse, ni maladie, ni ténèbres, ni
esprits du mal, mais qui est rempli de toute joie, de lumière, de vie éternelle, de cou-
ronnes impérissables et de bien d’autres choses qui existent là-bas mais qu’aucune
langue humaine ne peut décrire, car elles doivent durer dans les siècles des siècles.
2. C’est pourquoi, mes chers fils, priez le Seigneur de faciliter mon voyage pour
revenir vous voir afin de me permettre de rester quelque temps près de vous. En effet
il ne m’échappe pas que ce sera pour votre édification et votre joie dans la foi. Moi
aussi, je me réjouirai quand je serai venu auprès de vous pour que, vous aussi, vous
vous réjouissiez et que vous grandissiez considérablement dans la foi ; et je vous ferai
découvrir bien des mystères que je ne peux vous écrire dans cette lettre. Se réjouira
aussi en vous votre mère Sara, elle qui est mon âme, elle qui est parfaite dans son
amour, elle qui a enfanté en vous l’Esprit divin et qui désire vous parfaire, comme j’en
ai fait la prière pour vous, afin que vous receviez, vous aussi, l’Esprit de feu, que j’ai
reçu ; et si vous voulez le recevoir si bien qu’il reste en vous, offrez d’abord les ac-
tions du corps, l’humilité du cœur ; élevez vos pensées vers le ciel, nuit et jour et cher-
chez avec la droiture de votre cœur cet Esprit de feu ; alors il vous sera donné. En effet
c’est de cette façon que l’ont obtenu Élie le Thesbite et Élisée ainsi que tous les autres
prophètes. Ne soyez plus indécis dans votre cœur, n’ayez plus le cœur hésitant pour
dire : « Qui peut le recevoir ? » Ne laissez plus, mes chers fils, non, ne laissez plus ces
pensées venir dans votre cœur, mais cherchez-le avec la droiture du cœur et vous le
recevrez pour de bon. Quant à moi, votre père, je m’associe aussi à vous pour lutter,
priant pour vous afin que vous le receviez ; car je sais que vous êtes parfaits et que
vous pouvez le recevoir. En effet à quiconque se cultive lui-même de cette culture,
l’Esprit sera toujours donné, et pour l’éternité. Mais j’en connais certains chez qui,
après l’avoir reçu sans avoir parfait cette culture, il n’est pas demeuré232. Quant à
vous, mes frères bien-aimés, que je souhaite voir à cause de la droiture de votre état
d’esprit, persistez avec soin dans vos prières, de tout votre cœur, et il vous sera donné.
Car cet Esprit habite dans les cœurs droits. Une fois reçu, il vous révèlera les mystères
d’en-haut et bien d’autres, que je ne peux pas exposer sur le papier avec un calame et
de l’encre ; il éloignera de vous la crainte des hommes, des bêtes sauvages, de deman-
der l’aumône233 et d’autres pratiques de ce genre ; vous aurez une joie céleste, nuit et
jour ; et vous serez dans ce corps comme ceux qui sont déjà dans le Royaume. Vous
ne prierez pas uniquement pour votre âme mais aussi pour celle des autres ; quand
quelqu’un a reçu cet Esprit, il n’a plus besoin de prier pour lui mais pour les autres.
Comme le fit Moïse qui, quand il eut reçu cet Esprit, pria pour son peuple, en disant à
Dieu : « Si tu les fais périr, efface mon nom du livre de vie234. » C’est ainsi qu’est la
prière de tous les saints et des autres qui sont arrivés à ce dernier degré et que je ne
peux passer en revue, en les nommant un par un ; mais vous, comme vous êtes sa-
vants, vous les connaissez. Ma prière, nuit et jour, est que soit en vous la grandeur de
cet Esprit, qu’ont reçu tous les saints.
Quant à moi, mes chers fils très aimés, après avoir écrit cette lettre, j’ai été
poussé par l’esprit de Dieu à vous écrire, à la fin de cette lettre, sur l’Esprit de feu et
sur l’amour divin. Mais quand je serai venu auprès de vous avec l’aide du Seigneur,
je vous donnerai bien d’autres connaissances sur cet Esprit, pour que vous les acqué-
riez toutes. De même que je vous ai communiqué mon salut au début de cette lettre,
pareillement, à son terme, je vous donne mon salut dans l’amour du Seigneur, par
cet Esprit de feu, que nous avons reçu, vous et moi, par la grâce du Seigneur. Je
vous prie seulement d’abandonner la volonté de vos sens et de vous adonner à la
paix de toute façon, pour qu’habitent en vous, grâce au souffle de cet Esprit-Saint,
232 A. Ecchellensis écrit : scio autem quosdam, qui cum illum suscepissent et hanc non per-
fecissent culturam, in illis minime permansisse, ceci est syntaxiquement inacceptable en
latin mais pourrait bien être le reflet de la construction de la relative arabe après un an-
técédent défini, où le relatif, d’ordinaire non fléchi, s’accorde avec l’antécédent,
d’ordinaire sans flexion ; la fonction étant marquée par un pronom de rappel, ici qui
rappelé par in illis, ce qui aurait dû donner quosdam in quibus ... permansit. Perman-
sisse est dû à la confusion avec la construction scio suivi d’une proposition infinitive.
233 Même expression dans la Lettre XVIII, p. 199.
234 Ex 32, 32.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 197
les puissances d’en-haut, qui vous apportent leur aide pour œuvrer selon la volonté
de la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, à qui est toujours la louange
pour l’éternité.
LETTRE XVIII235
Selon la récente thèse de G. Farag, cette Lettre est la plus importante de la tradi-
tion arabe et n’a pas de correspondant dans les Lettres d’Ammonas236. G. Garitte
a démontré qu’un passage de la Lettre XVIII est cité par Chenouté et Besa comme
étant d’Antoine237. Cette Lettre XVIII pourrait bien être authentique.
Sachez, mes chers fils bien-aimés, que la désobéissance est apparue dès l’origine, quand
l’âme s’est détournée du commandement ; et par cette désobéissance, les âmes se mirent
à aller aux enfers, comme le dit l’Apôtre : « Parce que la mort est venue par le premier
Adam238 ». Aussi le Verbe Dieu239 fut-il ému de compassion : il prit chair de nous par
un mystère incompréhensible et il accomplit toute l’Économie de notre salut ; il descen-
dit aux enfers et fit prisonniers ceux qui étaient là240 ; il en ramena toutes les âmes qui y
étaient retenues, les arrachant au pouvoir du diable jusqu’au jour effroyable du juge-
ment. Comme elles s’étaient soumises et qu’elles avaient obéi de leur plein gré, qu’elles
avaient accompli les commandements divins, il les fit monter au ciel, là où est le para-
dis. Or, la raison de leur montée au ciel, ce fut le feu invisible, – il est la chaleur des
bonnes œuvres – qui a été allumé dans leur cœur.
Je ne veux pas me contenter de vous expliquer cela mais je veux vous dire à
quoi ressemble l’âme habitée par le Feu de Dieu. Elle ressemble à un oiseau, qui
avec ses deux ailes peut voler et monter dans les airs au ciel. En effet les ailes sont le
propre de l’oiseau par rapport à toutes les autres créatures. Or, la puissance du Feu
de Dieu, ce sont les ailes de l’âme soumise au Seigneur, qui font qu’elle peut monter
au ciel en volant. Mais si elle est privée de ces ailes, elle ne pourra pas monter bien
235 Trad. de la version latine d’A. ECCHELLENSIS (PG 40,1047-1051) par J. CHOLLET.
236 G. FARAG, Les Lettres attribuées à Antoine dans la deuxième collection arabe (lettres 8
à 20), Strasbourg 2012 (thèse), p. 126-127 ; 290-300.
237 GARITTE, G., « À propos des lettres de S. Antoine l’ermite », Le Muséon 52, 1939,
p. 11-31 (cf. CPG 2331).
238 1 Co 15, 21.
239 Deus Verbum, le Verbe Dieu ; le latin place la qualité inhérente avant le nom auquel elle
se rapporte : Deus est bien ici grammaticalement attribut, cf. Jn. 1,1 : qeo;" h\jn oJ lovgo",
Deus est verbum.
240 Dans la traduction ad infernos et captivos illos fecit, illos est à comprendre comme
l’équivalent du pronom démonstratif d’éloignement de l’arabe et non comme
l’anaphorique complément, qui est, en arabe, un pronom affixe, rendu régulièrement en
latin par is placé après le verbe, comme dans la phrase suivante : Reduxit inde omnes
animas, … et ascendere fecit eas. Cf. Ep 4, 8.
198 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
haut dans les airs, puisqu’elle est dépourvue de ce Feu et elle ressemblera à l’oiseau
privé de ses ailes et qui ne peut voler241.
L’âme est en outre comparable à l’oiseau en ce que la chaleur est la raison de
son existence au monde. En effet, si l’oiseau ne tient pas continuellement ses œufs
au chaud, des petits vivants n’écloront pas, puisqu’il n’est pas possible que leur vie
existe sans chaleur. C’est pour cette raison que le saint Évangile dit : « Jérusalem,
toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-
je voulu rassembler tes fils, comme l’oiseau rassemble ses petits sous ses ailes242 ? »
Or, mes chers fils, puisque vous avez compris que l’âme soumise et obéissante à
Dieu est semblable à l’oiseau, dont l’existence tire son origine de la chaleur, ne vous
laissez pas dépouillez de la puissance de ce Feu. En effet de nombreux combats vous
attendent de la part du diable243 à cause de ce Feu que Dieu vous a accordé, pour
vous en dépouiller. Car celui-là sait parfaitement qu’il ne peut rien contre vous aussi
longtemps que ce Feu est avec vous.
Aussi résistez-lui et apprenez à connaître ses manifestations, puisqu’il cache
sous la douceur son amertume pour éviter qu’elle ne se voie et qu’il imagine à votre
intention diverses belles apparences, qui réellement ne sont pas ainsi, pour attirer à
lui votre cœur, poussant la ruse à imiter le vrai. Et c’est toujours sa technique de
s’opposer, cela va de soi, de toute sa force à toutes les âmes qui servent bien Dieu.
En plus, il introduit dans l’âme des passions nombreuses et variées pour éteindre ce
Feu qui fait exister la puissance, en particulier, par la paix du corps et ce qui lui est
lié244. Mais s’il remarque qu’on ne se soumet pas à lui et que son manège ne trouve
aucun accueil, il recourt à d’autres ruses ayant l’apparence de la loi – il apparaît
semblable à un ange de lumière, comme le dit l’apôtre Paul245 – et à bien d’autres
encore, plus importantes, pour que notre cœur penche vers lui. Mais s’il voit que des
gens sont en garde contre elles, qu’ils n’entrent pas dans son jeu et qu’ils ne lui
obéissent pas du tout, vraiment pas du tout, alors, confus, il s’éloigne d’eux, et alors
l’Esprit de Dieu vient habiter en eux.
241 Sur l’image des ailes pour figurer l’ascèse, cf. la Règle 54 (selon la trad. d’A. ECCHEL-
LENSIS), p. 205.
242 Mt 23, 37.
243 Parata sunt vobis certamina multa a diabolo : la syntaxe latine nous inviterait à com-
prendre a diabolo comme le complément d’agent de parata sunt, mais l’ordre des mots,
verbe avec pronom complément affixe en début de phrase, dénonce un arabisme ; le
verbe arabe n’admet pas de complément d’agent, l’agent restant inconnu, majhūl ; de là,
a diabolo est à comprendre comme un complément de provenance : le diable est à
l’origine des combats mais il ne les mène pas lui-même.
244 Praecipue quidem corporis requie eique annexis, cf Avertissements, p. 217 : « Qui ha-
bite la solitude atteint la paix par trois luttes ; ce sont celle dans ce que l’on entend, celle
dans les actions de discernement et celle dans ce qu’on voit et qui inflige des coups à
notre cœur ».
245 2 Co 11, 14.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 199
Quand l’Esprit de Dieu habitera en eux, il leur donnera la paix dans toutes leurs
œuvres et leur rendra246 doux le port du joug de Dieu, comme il est écrit dans
l’Évangile : « Portez mon joug247 ». Ils deviennent absolument infatigables tant dans
la pratique des vertus que dans le service et les veilles nocturnes. Ils ne s’irriteront
pas des injures des hommes ; ils n’auront vraiment aucune crainte de l’homme, de la
bête sauvage, de demander l’aumône248 ni des démons, puisque la joie de Dieu est
avec eux nuit et jour, qu’elle accroît et nourrit leur réflexion. Car c’est la joie de
Dieu qui fait grandir continuellement l’âme et assure sa préparation, ce qui fait
qu’elle monte au ciel. Le pain et l’eau ou d’autres aliments semblables assurent au
corps sa substance dans la durée depuis son commencement jusqu’à sa fin. En effet,
nous voyons l’enfant se développer grâce au lait de sa mère, puis grâce à de la nour-
riture liquide et enfin grâce à ce que chaque jour lui apporte. Il prend force et son
cœur devient plus courageux face aux ennemis qui l’assaillent. Mais s’il est atteint
d’une maladie qui l’empêche de se nourrir, alors ses ennemis prennent le dessus de
tous côtés et le vainquent ; il ne pourra guérir de sa maladie et recouvrer la santé, au-
trement dit vaincre ses ennemis, qu’en consultant un médecin pour se faire soigner.
Il en est de même pour l’âme de l’homme, qui, si elle n’a pas en elle la joie de Dieu,
tombera malade et recevra249 des blessures malignes. Mais si elle fait l’effort de re-
chercher un homme, serviteur de Dieu et expert en médecine de l’esprit et qu’elle
s’attache à lui, celui-ci la guérira d’abord de ses passions, la rétablira et la formera à
la connaissance de Dieu ; elle obtiendra cette joie, qui est son aliment. Alors elle se-
ra en mesure de résister aux ennemis, qui sont les esprits du mal ; elle les dominera,
elle écrasera leurs desseins et s’accomplira par la joie.
C’est pourquoi maintenant, mes biens-aimés, puisque vous savez cela, méfiez-
vous des desseins du malin, le diable ; car il vient sous l’aspect de Celui qui dit vrai250
pour tromper et séduire. Quand il vient, sous l’apparence de l’ange de lumière, ne lui
faites pas confiance ni ne lui obéissez pas ; car il prend au piège les fidèles par de
faux-semblants. Or ceux qui ne sont pas encore parfaits, ignorent ces ruses du diable
et ce qu’il leur suggère continuellement ; mais les parfaits apprennent à les connaître,
comme le dit l’Apôtre : « La nourriture solide est pour les parfaits qui ont réglé leurs
sens et leurs aptitudes, et qui savent distinguer le bien du mal251. » Ceuxci, l’ennemi
246 La traduction latine a ici un présent redditur coordonné à un futur, qui le précède, re-
quiescere faciet ; il s’agit d’un arabisme : en arabe, le futur est marqué par la particule
sawfa suivie de l’inaccompli indicatif, placée seulement une fois devant le premier
verbe mais valant pour les deux.
247 Mt 11, 29.
248 Même expression dans la Lettre VIII.
249 Arabisme : coordination du futur infirmabitur et du présent incidit, cf. supra.
250 Veridicus substantif désignant Dieu.
251 He 5, 14 (Vulg.) : perfectorum autem est solidus cibus, eorum qui pro consuetudine exer-
citatos habent sensus ad discretionem boni ac mali, « la nourriture solide est celle des
parfaits, qui en raison de l’habitude ont les sens entraînés à discerner le bien du mal. » Ici
à sensus est coordonné vires suas, que Migne glose par proposita sua, « leurs projets » ;
mais vires signifie « la force, l’aptitude physique ». Or, on lit dans une version différente
200 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ne peut les séduire. Mais les fidèles, qui ne sont pas encore parfaits et qui ne se mé-
fient pas, il les trompera par une nourriture agréable, bien qu’elle ne le soit pas, et il
les attrapera comme le pêcheur attrape le poisson après avoir caché la pointe de
l’hameçon dans l’appât ; ce qui fait que le poisson ignore que l’hameçon est caché
par l’appât ; aussi s’approche-t-il pour avaler l’appât252 et il ne tarde pas à se faire
prendre facilement. Comprenez donc bien ceci : si le poisson avait su qu’il risquait
de se faire prendre avec cet appât, il est hors de doute qu’il l’aurait fui et qu’il ne
s’en serait aucunement approché. En fait, c’est de la même façon que l’ennemi
prend au piège, comme je l’ai dit, les fidèles imparfaits, pour des raisons pas vrai-
ment différentes, comme l’affirme le sage Salomon : « on trouve une route que l’on
pense droite mais son bout arrive aux enfers253. » Il est aussi écrit chez le prophète
Amos : « Amos, que fais-tu ici ? » Et il répondit : « Je vois un filet tendu pour
prendre les oiseaux254. » Or il est bien connu que l’oiseau de peur d’être pris au sol
s’élève dans les airs et qu’il se construit un logis dans des endroits très élevés pour
se reposer et dormir ; ainsi il restera à dormir255 sans inquiétude, puisque personne
ne peut aller jusqu’à lui et le capturer. Mais nous voyons le chasseur agir avec ruse
et tramer un plan contre lui ; il vient sous le refuge de l’oiseau, il tend un filet et
montre un appât ; ainsi il le fait descendre de là-haut et le prend au piège. C’est pa-
reillement qu’agit le diable, prenant au piège les fidèles imparfaits avec ses ruses,
qui ne sont pas vraiment différentes, bien qu’elles ne se présentent pas cependant de
la même façon ; et il les précipite de leur hauteur. C’est exactement ainsi qu’il a agi
quand il s’est caché sous la forme d’un serpent et qu’il a dit à Ève : « Si vous man-
gez du fruit de cet arbre, vous deviendrez des dieux et vos yeux s’ouvriront256. »
Après avoir entendu ces paroles, le cœur d’Ève pencha pour lui et elle pensa que ce-
la était vrai, parce qu’elle ne l’examina pas avec soin. Mais comme elle avait mangé
et donné à manger à Adam ; il leur arriva ce grand malheur : ils tombèrent tous les
deux de leur hauteur. C’est pareillement qu’agit le diable avec les fidèles imparfaits,
tant qu’ils ne savent pas distinguer le bien du mal mais suivent leurs penchants, se
satisfont de leur propre opinion et de leur propre jugement, sans se soucier de se
former auprès de leurs pères, qui sont déjà parfaits et qui distinguent le bien du mal.
Mais ceux-ci ont suivi les désirs de leur cœur, estimant avoir déjà obtenu, seuls, la
perfection et la bénédiction de leurs pères. Or ces gens-là, mes fils, sont pareils aux
oiseaux qui ont construit leur nid dans les airs mais qui sont descendus au sol et qui
se sont fait prendre par les chasseurs dans leurs pièges visibles.
de la Vulgate : eorum qui (pro) possibilitate sumendi... « qui en raison de ce qu’ils peu-
vent prendre... » ; nous avons ici un texte qui reçoit les deux traditions (cf. H. F. FREDE,
Ein neuer Paulustext und Commentar, Band 1, Untersuchungen, Freiburg 1973, p. 140).
252 Accedit et deglutit : arabisme pour l’expression du but après un verbe de mouvement.
253 Pr 16, 25.
254 Cf. Am 8, 2 et 3, 5.
255 Dormiens erit est un calque syntaxique de l’arabe pour exprimer un procès dans sa durée.
256 Gn 3, 5.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 201
C’est bien ce qui leur arrivera257 pour avoir adopté une telle confiance en soi et
pour œuvrer selon la volonté de leur cœur, accomplissant leurs désirs, sans se sou-
mettre ni obéir à leurs pères. Alors le diable leur fait voir ses apparitions et ses mani-
festations et il met en œuvre l’orgueil de leur cœur, en leur suggérant, la nuit, des
songes, dont il leur montre la véracité, le jour, pour les tromper. Et ce n’est pas tout.
Il leur fait voir des lumières, la nuit, si bien que l’endroit où ils se trouvent est illu-
miné ; et il fait bien d’autres choses de ce genre et aussi des prodiges, que nous ne
pouvons pas rapporter ici ni énumérer un à un. Il met assurément en œuvre tout cela
pour qu’ils aient l’esprit tranquille, en estimant qu’il est l’ange de Dieu et pour
qu’ils s’attachent à lui. Mais bien qu’ils l’aient accueilli de cette façon, celui-ci les
précipite de leur hauteur, comme nous l’avons dit à propos de la chute des oiseaux, à
cause de l’esprit d’orgueil qui s’est emparé d’eux. Et il prend soin qu’ils se persua-
dent qu’ils sont devenus grands et vénérables en esprit par rapport à beaucoup
d’autres ; alors ils ne cherchent plus à obéir à leurs pères. Ainsi s’accomplit à leur
sujet l’Écriture, à savoir qu’ils sont de belles grappes acides258 ; et ils le sont effecti-
vement : car l’enseignement des pères leur est devenu dur parce qu’ils ont pensé
qu’ils savaient déjà tout.
C’est pourquoi, mes chers fils bénis, comprenez bien ce que je viens de vous
dire : vous ne pourrez pas progresser, ni connaître un développement suffisant, ni
devenir parfaits, voire savoir distinguer le bien du mal, si vous ne vous soumettez
pas à vos pères parfaits. En effet nos pères ont agi ainsi, en obéissant à leurs pères et
en écoutant leurs enseignements ; c’est pour cela qu’ils ont progressé, qu’ils ont
grandi et qu’ils sont devenus savants, comme il est écrit dans le Livre de la Sagesse
du fils de Sirah : « Apprenez de vos pères, qui ont appris des leurs259. » C’est pour-
quoi, il faut que vous, mes chers fils, vous les imitiez, eux qui ont obéi et se sont
soumis totalement à leurs pères, à qui leurs propres pères ont enseigné, avec l’aide
de Dieu, ce qu’ils avaient appris de leurs pères, eux qui ont aussi enseigné cela à
leurs fils obéissants. Car Isaac s’est soumis à Abraham ; quant à Jacob, il obéit à
Isaac ; Joseph obéit à Jacob ; Élisée obéit à Élie ; Paul obéit à Ananie et Timothée
obéit à Paul ; eux et leurs semblables ont obéi à leurs pères, accomplissant leurs vo-
lontés dans une obéissance totale. Ils ont connu la vérité, ils ont appris la loi, et fina-
lement ils ont mérité l’Esprit-Saint. Alors ils ont révélé la vérité à tous, comme il est
écrit chez le prophète Ézéchiel : « Je t’ai établi pour diriger la maison d’Israël260. »
C’est pourquoi, mes biens aimés dans le Seigneur, vous qui êtes droits dans votre
cœur, si vous souhaitez progresser, connaître un développement suffisant, devenir
inébranlables dans vos cœurs et n’être en rien le jouet des diables, obéissez et sou-
mettez-vous à vos pères et ainsi vous ne tomberez pas pour l’éternité.
Mais moi, je vais vous apprendre d’autres œuvres qui affermissent l’homme du
début jusqu’à la fin ; ce sont celles qui visent à ce que l’homme aime Dieu de toute
257 Le texte de Migne porte : simile sane evenient ; est-ce une faute d’impression ou une
faute du traducteur pour simile sane eveniet ?
258 Dt 32, 32.
259 Si 8, 9.
260 Ez 3, 17.
202 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
son âme, de tout son cœur et de toute sa pensée et qu’il s’abandonne à lui. Alors
Dieu lui donnera beaucoup de force et de joie ; toutes les œuvres de Dieu lui seront
rendues douces comme un rayon de miel261 et aussi toutes les épreuves physiques,
les méditations, les veilles et le port du joug de Dieu lui deviendront262 légers et
doux. Mais à cause de l’amour qu’il porte aux hommes, le Seigneur leur suscite des
obstacles dans tout cela, pour qu’ils ne se magnifient pas mais pour qu’ils persistent
dans le combat et qu’ils en retirent un bénéfice, des obstacles comme la force phy-
sique qui laisse la place aux ennuis de santé et à la maladie, la joie à la tristesse, la
paix et la sérénité au trouble, la douceur à l’amertume ; bien d’autres choses de ce
genre arrivent à celui qui aime Dieu. Ainsi lutter contre ces difficultés et les vaincre
continuera de le fortifier ; quand il les aura surmontées, l’Esprit-Saint sera totale-
ment avec lui, si bien qu’il n’aura absolument plus rien à craindre de mal.
Je prie mon Seigneur de vous accorder pour votre obéissance la grâce de vous
la conserver ; à mon Seigneur, à qui ainsi qu’à son Père, qui est bon, et à l’Esprit-
Saint seront louange et hommage de la part de tous les êtres doués de raison pour
l’éternité. Amen.
prière continuelle, jeûne, travail des mains, humilité, charité. En outre elle con-
tient un élément des règles de Pachôme et d’autres inauthentiques. Elle a dû être
compilée à une date ancienne et a eu un grand impact en Égypte. Aujourd’hui
cette Règle est suivie par les moines coptes, les moines catholiques de Syrie et
d’Arménie, et les maronites275. Elle est incluse non dans la Philocalie slavonne
traduite par Païssy Velitchkovsky, mais dans la Philocalie russe (1877-1889)
due à Théophane le Reclus, sans doute empruntée à la traduction latine d’A. Ec-
chellensis.
Voici, d’après la version latine du manuscrit Vat. syr. 424 faite par Abraham
Ecchellensis, une traduction française de J. Chollet, qui, en annexe, fait une mise
au point sur l’origine des deux versions latines de la Règle de saint Antoine.
autres (7, 14, 15, 18, 25, 26, 27, 30, 35, 62, 75, 78, 79), on ne peut avoir de preuves di-
rectes de la dépendance du saint. Mais les 4 derniers (62, 75, 78, 79) dépendent d’abba
Isaïe qui a pu être influencé par Antoine. B. Contzen indique une autre source pour les
chapitres 7, 15, 25, 27, 35), mais reconnaît que pour les chapitres 14, 18, 26 et 30 nous
restons sans preuve de leur origine.
275 Le plus ancien monastère de l’Ordre Maronite Libanais porte le nom de Saint-Antoine :
monastère de Qozhaya. Une tradition orale affirme que des disciples de saint Antoine y
ont vécu dans une grotte.
276 Mt 5, 19.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 205
6. Observe les heures fixées pour les prières et n’en manque aucune pour ne
pas avoir à en rendre compte.
7. Ne force pas trop un malade à prendre de la nourriture mais ne l’en prive
pas pour que ses facultés ne soient pas troublées par l’accablement de son affec-
tion.
8. Si un frère vient te voir après un certain temps, reçois-le avec joie pour
qu’il rende grâce à Dieu et qu’il t’en félicite.
9. Ne te mêle en aucun cas aux gens du monde mais n’imite pas non plus le
Pharisien qui fait tout pour se montrer.
10. Ne permets pas qu’une femme t’approche et ne tolère pas qu’elle entre
dans ton logement puisque la colère de Dieu marche après elle.
11. Ne revois pas les membres de ta famille et ne permets pas qu’ils cher-
chent à te voir et ne va pas vers eux.
12. Ne garde pas pour toi plus qu’il t’est nécessaire et ne distribue pas plus
que tu peux mais distribue ce que tu peux aux plus pauvres du monastère.
13. Acquitte-toi de ta prière de nuit avant d’aller à l’église.
14. Ne mange pas avec celui qui fait beaucoup de dépenses pour toi.
15. Si un scandale survient à cause d’un jeune qui n’a pas encore revêtu
l’habit monastique, ne le lui fais pas revêtir mais chasse-le du monastère.
16. Ne parle jamais avec un enfant, car ce sera pour toi un risque de scan-
dale.
17. Si la nécessité exige que tu partes en ville, ne t’y rends pas seul.
18. N’ensemence pas une terre soumise à des loyers et ne fais pas de con-
trats de société avec les propriétaires.
19. Ne va pas dans le local où l’on extrait le vin.
20. Ne mange absolument pas de viande.
21. Ne romps pas le jeûne le mercredi et le vendredi sauf en cas de maladie
très grave.
22. Ne rechigne pas à ton travail manuel.
23. Ne fais reproche à quiconque de ses fautes pour quelque raison.
24. Si tu rends visite à un frère, ne t’attarde pas longtemps dans sa cellule.
25. Prends garde absolument de parler à l’église.
26. Ne t’assieds pas dans les exèdres du monastère.
27. Ne jure absolument pas ni sur le vrai ni sur l’incertain.
28. Ne va pas à l’église où la foule se presse.
29. N’ensevelis pas de mort277 dans l’église.
30. Ne te précipite pas aux repas par écot278 et aux banquets.
277 L’édition de 1646, ainsi que Migne, donne : mortuum tuum avec une réduplication fau-
tive de la dernière syllabe ; rien ne correspond au possessif dans les autres versions.
206 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
281 Le Vat. ar. 398 se termine ici et conclut avec une formule presque identique à celle de
notre texte, à laquelle la version éthiopienne ajoute d’autres préceptes différents de ceux
du « Codex de Benoît », qui lui aussi continue avec des préceptes tirés d’un autre ma-
nuscrit, comme il le précise, et qui correspondent à ceux de notre traduction.
282 1 Jn 5, 16.
283 Ce précepte se trouve dans le Logos 9,19 d’abba Isaïe. D’après le commentaire de DA-
DISO QATRAYA (Commentaire du livre d’abba Isaïe (CSCO 327/Syr 145, 1972, p. 76-
77), il provient d’Antoine. Il en donne pour preuve la fin de l’apophtegme 2 de Macaire,
disciple d’Antoine. Cf. Théodore de Phermé 6 : « Les moines ont perdu leur noblesse,
qui est de dire : Pardon ».
284 Vt fortè misereatur tui Deus : il s’agit de forte, « vraiment, tout à fait, assurément » et
non de forte, « par hasard, peut-être » ; cf. J. CHOLLET et G. SONDAG, « Sur la significa-
tion du terme forte dans le latin de Jean Duns Scot », Duns Scot à Paris 1302-2002,
208 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Actes du colloque de Paris, 2-4 septembre 2002, édités par O. BOULNOIS, E. KARGER,
J.-L. SOLÈRE, G. SONDAG, Turhnout 2005, p. 151-175.
285 Col 3, 9.
286 A. Ecchellensis traduit : nec bucellam alterius ingeras ori. Conformément à son habitude
pour la fin de la phrase, il dissocie le nom de son complément par le verbe ; il faut donc
bien comprendre « la bouche d’un autre », conforté en cela par le « Codex de Benoît » : nec
ingeras quidquam ciborum in os alterius et le Vat. ar. 398, Règle d’Isaïe, 17 : في فم اخر.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 209
***
1. Avant tout, mon fils, ne va pas t’estimer toi-même quelque chose ; cette atti-
tude fait naître l’humilité ; l’humilité fait naître la connaissance ; la connaissance
fait naître la foi ; la foi fait naître l’espérance ; l’espérance fait naître la charité ;
la charité fait naître l’obéissance ; l’obéissance fait naître la constance sans agi-
tation292.
Mon fils, dépouille-toi du mal et revêts la mansuétude ; rejette le regard
mauvais et adopte le regard franc.
N’imite pas plus faible que toi mais celui qui est supérieur à toi.
Ne crains pas les outrages des gens.
Garde-toi de te faire connaître dans chacune de tes œuvres. Aie en aversion
tout ce qui comporte un dommage pour ton âme.
N’abandonne pas la volonté de Dieu pour faire la volonté des hommes.
Ne dénigre personne et ne couvre pas quelqu’un d’injures.
N’envie pas celui qui réussit injustement mais fais que tous les hommes
soient au-dessus de toi pour que Dieu soit avec toi.
Ne reviens pas en arrière à partir des bonnes œuvres que tu as entreprises.
Garde-toi d’avoir de la répugnance pour l’amour de Dieu.
Quelles que soient les œuvres que tu veux pratiquer, continue avec pa-
tience ; car si tu persévères avec patience, Dieu te portera assistance dans tout ce
que tu feras et dans tout ce qui risque de t’arriver.
Ne rebrousse pas chemin de ton désert.
Aie en aversion le discours oiseux sur tout ce qui est de ce monde.
Sois attentif aux mérites que tu dois te ménager pour éviter de contracter la
négligence. Or toi, mon fils, si tu fais cela, tu obtiendras l’héritage que l’œil ne
voit pas ni que l’oreille n’entend ni que le cœur de l’homme ne conçoit293.
Estime que celui qui est inférieur à toi dans ses mérites t’est supérieur ainsi
que celui qui est ton égal précisément dans ces mérites ; or celui qui est ton égal
en mérites est supérieur s’il l’emporte sur toi par son progrès.
Mon fils, n’aie pas de répugnance pour les pensées qui t’assaillent dans ta
cellule ; sache que le Seigneur ne confiera à l’oubli rien de tes épreuves qui te
feront advenir un progrès et il te secourra de la grâce de Dieu.
Mon fils, que ceux qui sont parvenus à l’amour294 de Dieu de tout leur cœur
et qui s’adonnent continuellement aux bonnes œuvres, soient pour toi un modèle
et un exemple ; n’aie pas honte de leur demander comment tu dois vivre, puis-
qu’ils sont parfaits dans les mérites.
N’imite pas ceux qui s’appliquent au repos dans ce monde, puisqu’ils ne fe-
ront jamais de progrès ; mais rivalise avec ceux qui errent dans les montagnes et
les déserts295 à cause de Dieu, pour que te vienne la force d’en haut.
Sois confiant dans tout ce que tu feras suivant la volonté de Dieu.
Ne fais pas marche arrière sur aucun de ces préceptes et le Seigneur Jésus-
Christ t’accordera le repos et accomplira dans la paix toutes les œuvres que tu
auras entreprises ; puisque nos pères sont parfaits, tous ceux qui les ont imités,
sont aussi parfaits à leur suite.
Mon fils, ne multiplie pas tes paroles ; car l’Esprit de Dieu s’éloignera de toi.
Ne favorise aucun mal et ne condamne personne.
2. Mon fils, ne marche pas avec les orgueilleux mais marche avec les humbles.
Mon fils, ne sois pas hypocrite ou dissimulateur et encore moins menteur.
Ne parle pas avec irritation mais que tes mots soient empreints de connais-
sance et de sagesse, de même que ton silence aussi, puisque les mots de nos
Pères très sages étaient remplis de sagesse et de prudence, comme aussi leur si-
lence.
Mon fils, ne te justifie pas toi-même en face des hommes mais, en ton for in-
térieur, sois sage, doux, longanime, patient, attentif et aimant les hommes.
Afflige-toi avec ton frère et aie la bonté de partager avec lui.
Mon fils, sois humble tous les jours de ta vie et tiens-toi auprès de tous les
meilleurs.
Ne pose pas de questions sur de méchantes affaires mais passe ton chemin
loin d’elles.
Que tes mots soient empreints de douceur et ne causent pas de préjudice,
puisque la gloire ou le mépris en découlent.
Chéris la miséricorde.
Revêts la foi.
294 La traduction littérale de la version latine serait : « Ceux qui ont aimé (dilexerunt)
Dieu... et qui s’adonnent (incumbunt)... ». Il est fort probable que le parfait latin dilexe-
runt calque un accompli arabe, avec la valeur d’état présent acquis.
295 He 11, 38.
212 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Mon fils, ne laisse pas ton cœur s’avilir au point de penser même le mal
mais efforce-toi de l’améliorer ; recherche la bonté et la paix et cherche à égaler
toutes les meilleures œuvres.
Mon fils, n’élève pas la voix.
Quand tu rends visite à quelqu’un, aie la crainte de Dieu en ton cœur, sur-
veille ta bouche pour rentrer chez toi en paix.
Auprès d’un supérieur plus âgé, ne multiplie pas tes paroles.
Mon fils, aime plus tes pères spirituels que tes pères charnels, car ceux-là
s’inquiètent de toi au sujet de Dieu.
Mon fils, si tu es assis parmi tes frères, ne parle pas trop ; si tu as à leur de-
mander quelque chose, fais-le brièvement et avec humilité.
Mon fils, si on t’inflige un dommage, n’aie pas en aversion son auteur mais
dis : « Je mérite de recevoir un dommage de tous mes frères. »
Si un des frères vient te voir pour quelque chose, conviens de tout et tombe
d’accord avec lui pour Dieu ; garde-toi d’en tirer de l’orgueil.
Si ton Père te désigne pour être au service des infirmes, fais-le de tout ton
cœur, pour en retirer une double rétribution, celle de l’obéissance, bien évidem-
ment, et celle du service que tu as rendu.
Si quelqu’un te charge d’un péché, alors que tu en es innocent, humilie-toi,
toi même, pour obtenir la couronne296.
Ne prête pas l’oreille pour écouter le mal ; mais aime les hommes et tu vi-
vras.
Ne rends pas le mal pour le mal, pas plus que le dommage pour le dom-
mage, puisqu’il est écrit : Si tu ne t’humilies pas toi-même, je t’humilierai, dit le
Seigneur297.
Mon fils, n’en tire pas d’orgueil, ni ne t’en glorifie pas, ni ne va pas pousser
des cris et parler plus fort et vite ; car il est écrit : Celui qui multiplie les paroles
n’est pas exempt du péché298.
Mon fils, n’aie en aversion aucun des mortels mais aime-les tous comme toi-
même, puisqu’il est écrit : Aime ton prochain comme toi-même299.
Mon fils, souviens-toi toujours de celui qui t’a formé par un bon enseigne-
ment et efforce-toi d’apprendre de lui des règles pour la vraie vie ; tu dérouleras
une longue vie suivant la volonté du Seigneur, comme il est écrit par le divin
apôtre Paul : Voici ce que tu dois méditer ; concentre-toi dessus, pour que ton
engagement soit manifeste pour tous300.
3. Mon fils, la pauvreté n’est rien d’autre que la continence et d’en être content ;
vouloir s’exiler301 et vivre dans la solitude te soustrait à la foule ; or si vouloir
s’exiler est d’un précepte de la religion, le religieux a à résider dans sa cellule.
Mon fils, fixe-toi quelque travail modeste à effectuer dans ta cellule et que
ton cœur soit humble ; que ta bouche dise toujours la vérité.
Mon fils, aime les outrages plus que les honneurs ; aime les travaux phy-
siques plus que le repos ; aime le déclin des affaires du monde plus que le profit.
Ô fidèle aimé, du moment que tu es soumis à l’obéissance, sois attentif et ré-
ceptif à ce que l’on te dit et fais-le consciencieusement comme cela doit être fait.
Quand tu te réunis avec des fidèles, tes semblables, choisis plutôt d’écouter et
d’obéir et aussi de comprendre ce qu’on te dit ; c’est bien mieux que de parler.
L’homme amateur de séductions n’est bon ni propre à aucun ouvrage.
Si tu es exempt de la tache du péché, parle au nom du Seigneur et instruis
ceux qui font que le nom du Seigneur est blasphémé ; et vu qu’ils sont comme
morts et séparés du Seigneur, veille à ce qu’ils fassent marche arrière dans leurs
œuvres et qu’ils obtiennent la gloire et la vraie vie.
Mon fils, la gloire est immense à t’adonner au silence et à imiter notre Sei-
gneur, qui étonna Hérode302.
Mon fils, si tu veux entreprendre quelque chose en quoi tu ne reconnais pas
Dieu, garde-toi de le faire.
Mon fils, que ton âme soit avec le Seigneur à chaque instant mais que ton
corps soit sur terre le modèle de sa représentation et de son image.
Mon fils, il n’y a pas d’impiété plus grande que d’apporter de l’affliction à
quelqu’un et de se mettre au-dessus des autres.
Mon fils, que ta langue suive ta pensée, puisque les mots dépourvus de rai-
son sont des épines et des piquants.
Mon fils, ne propose ou n’enseigne rien à quelqu’un avant de l’avoir toi-
même accompli par ton œuvre.
Évalue bien les œuvres pour Dieu et qu’il ne t’en coûte pas de le prier, parce
que la prière du paresseux n’est que vaine parole.
Efforce-toi de te tenir à l’écart des hommes dénués de raison et de jugement.
300 1 Tm 4, 15.
301 Il s’agit du thème monastique de la peregrinatio, en grec xeniteia. Cf. É. POIROT, « La
xeniteia ou peregrinatio monastique : exil volontaire vers la Patrie », dans Anuarul Insti-
tului de cercetări socio-umane « Gheorghe Şincai », t. X, 2007, p. 22-33.
302 Cf. Mt 2, 3.
214 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Si tu produis quelques œuvres de ton mérite, ne t’en vante pas mais dis :
« J’ai travaillé à telle ou telle œuvre et je l’ai réalisée », puisque si tu te vantes
de les avoir réalisées, tu ne seras d’aucune sagesse.
C’est aussi le déshonneur le plus grand de tous que commander à d’autres ce
que toi-même tu n’as pas exécuté ; car tu ne tireras aucun avantage de l’œuvre
d’autrui.
L’homme sage connaît parfaitement le tracé de son parcours, c’est pourquoi il
ne se hâte pas de parler mais il soupèse ce qu’il doit dire et ce qu’il doit écouter ; au
contraire, l’homme sans règle ne conserve pas les secrets qui lui sont confiés303.
4. Mon fils, à celui qui ne veut pas accueillir tes paroles, ne lui en adresse pas.
Mon fils, fais-toi de tous les hommes des amis mais non des conseillers.
Avant tout, mets à l’épreuve tes amis et ne fais pas de tous des intimes ; et si tu
le fais pour tous, ne te fie pas à tous, puisque le monde est endurci dans la trom-
perie ; mais choisis-toi un frère qui craint le Seigneur et attache-toi à Dieu tout
autant qu’un fils à son père, puisque tous les hommes sont partis dans la trompe-
rie à l’exception de quelques-uns ; la terre est déjà remplie de vanité, de peines
et de chagrins.
Mon fils, si tu choisis une vie tranquille, ne te mêle pas à ceux dont la
préoccupation est portée sur les vanités et si, par hasard, tu te trouves mêlé à
eux, fais comme si tu n’y étais pas.
Mon fils, si tu désires plaire à Dieu, honore le Christ ; il te libérera et te dé-
fendra304.
303 La fides païenne est déjà, depuis les plus anciens textes latins, garante de la conservation
des secrets.
304 Le passage « L’homme sage … défendra » correspond aux Enseignements de Silvanos 97,
9-98, 22. Cf. trad. J.-P. MAHÉ, Paris 2007, p. 1198-1199 : « Un sage connaît sa voie.
Alors qu’un insensé ne s’abstient pas de répéter (les) secrets, un sage ne divulgue pas
toute parole, mais il observera ceux qui écoutent. Ne divulgue pas toute parole en pré-
sence de gens que tu ne connais pas ! Fais-toi une foule d’amis mais non de conseillers !
Examine d’abord ton conseiller. N’estime pas, en effet, tous les flatteurs : leur parole, il
est vrai, est douce comme le miel, mais leur cœur est plein d’ellébore. Car chaque fois
qu’ils penseront qu’ils sont devenus (pour toi) un ami solide, alors, avec ruse, ils se re-
tourneront contre toi et te précipiteront dans le Bourbier. Ne te fie à aucun ami ! Car le
monde entier, c’est dans la ruse qu’il a versé, et tous les [homm]es s’agi[tent] [en vain].
Les choses [du] monde sont toutes inutiles, et c’est en vain qu’elles se produisent. Il n’y a
pas d’ami ni même de frère, car chacun (ne) cherche (que) son profit. Mon fils, ne prends
pas n’importe qui pour ami ; et si tu t’en fais un, ne te livre pas à lui : livre-toi à Dieu seul
comme père et comme ami, car tous les hommes cheminent dans la ruse. La terre entière
est pleine de peine et de souffrance qui ne servent à rien. Si tu veux passer ta vie tranquil-
lement, ne chemine avec personne ; et si tu chemines avec eux, sois comme ne cheminant
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 215
Ne parle pas du tout d’une bonne œuvre que tu comptes entreprendre, fais-la
tout simplement.
N’aime pas les plaisirs, parce que Dieu n’exauce pas ceux qui aiment les
plaisirs.
Garde en mémoire le nombre croissant de tes infirmités, que ta jeunesse est
déjà passée et qu’arrive le moment du départ, où tu auras à rendre compte de tes
œuvres ; sache que là ce ne sera pas un frère qui viendra racheter un frère ni un
père qui viendra délivrer un fils.
Mon fils, fais de ta cellule une prison pour toi305, parce que ton dedans et ton
dehors sont désormais achevés ; et ta séparation de ce monde est déjà là.
Sois humble en tout, dans ta façon de te tenir, dans tes vêtements, dans ta fa-
çon de t’asseoir, de te tenir debout, de marcher, dans ton lit, dans ta cellule et
son mobilier.
Dans toutes tes relations, prends le maintien du pauvre et ne te glorifie pas
dans tes propos ni dans les cantiques ni dans les hymnes.
Quand tu rencontres ton prochain, que tes paroles soient sans artifice.
Mon fils, si on te loue pour tes œuvres, ne t’en réjouis pas et ne t’en délecte
pas, mais cache cela autant que tu peux et ne laisse personne faire de rappel de
tes œuvres et efforce-toi de ne pas être loué des hommes.
5. Mon fils, ne te presse pas de reprendre quelqu’un ; car cela comporte ta
chute ; mais avant souviens-toi de ta sortie de ce corps et n’oublie pas de te re-
mémorer la damnation éternelle ; car si tu agis ainsi, tu ne pécheras pas pour
l’éternité.
Or nos pères spirituels assurent que la solitude est un lieu bien approprié à la
méditation pour se remémorer la mort et qu’elle est un refuge loin des réalités
corporelles.
Mon fils, consomme de la nourriture à bon marché.
Si tu es secoué par la colère, aussitôt retire-toi loin d’elle pour finir dans la
joie ; prie avec instance les jeunes comme les vieux de ne pas se laisser dominer
par la colère.
Mon fils, la force n’est rien d’autre que de persister dans la vérité et de résis-
ter aux ennemis, puisque, quand tu ne leur auras pas cédé, ils s’en iront et on ne
les retrouvera plus du tout.
Mon fils, l’homme sage manifeste sa sagesse par son visage : sois donc sage
et ferme la bouche de ceux qui parlent contre toi par ton silence ; ne sois pas
surpris si quelqu’un parle mal de toi, parce que cela provient de l’œuvre des
pas. Sois agréable à Dieu et tu n’auras besoin de rien. Conduis-toi avec le Christ et il te
sauvera. »
305 Apophtegmes, Am 17, 4.
216 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
306 1 Jn 2, 16.
307 adjutor animarum, quae sustinent propter illum ac ipsum quaerunt ; corroborabit enim
eos donec in quiete confirmabuntur. On attendrait eas au lieu de eos, renvoyant à ani-
marum ; eos est un arabisme car nafs, pluriel nufūs, « âme » est masculin en arabe.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 217
Mon fils, meurs chaque jour pour la vraie vie car quiconque craint le Sei-
gneur vivra pour l’éternité.
Mon fils, n’oublie pas les épreuves que tu n’as pas cessé d’endurer pour ton
mérite ; ne sois pas paresseux et négligent ; ne t’égare pas à la dernière heure
mais aime le Seigneur jusqu’à la fin et tu obtiendras la miséricorde.
Mon fils, ne t’éloigne pas de Dieu pour des réalités passagères, mais sou-
viens-toi de ce que tu as promis à l’époque de l’ardeur de ton zèle.
Efforce-toi de ne pas oublier la marque, c’est-à-dire ton habit, qui te fait puri-
fier en premier mais souviens-toi des larmes de repentir versées pour toi et hâte-toi
de t’éloigner308 des pensées secrètes pour éviter d’être après séduit ouvertement.
Mon fils, chaque nuit baigne ton lit et mouille la couverture de tes larmes 309
et humilie-toi devant le Christ, notre Seigneur, pour qu’il efface tes péchés, qu’il
fasse derechef de toi un homme nouveau, qu’il t’apporte son aide pour achever
tes bonnes œuvres et qu’il t’attribue alors seulement son royaume en héritage,
lui à qui reviennent louange, honneur, gloire, sanctification et adoration en
même temps qu’au Père et à l’Esprit-Saint depuis l’éternité, maintenant, et tou-
jours, et pour les siècles des siècles. Amen.
308 Migne corrige l’arabisme probable d’A. Ecchellensis (1646) festina recede par festinus
recede.
309 Cf. Ps 6, 7.
218 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
4. Du même312.
Quiconque veut être sauvé, qu’il n’entre pas dans la maison du corps, ni
qu’il n’habite dans la ville où il a péché, ni qu’il n’aille rendre visite à ses pa-
rents ou à ses proches par la chair ; car de là naît la corruption pour l’âme et les
fruits de la vie sont perdus.
Si tu te livres à Dieu, observe tous ses ordres ; et ce qui t’est prescrit, fais-le
et ne le rejette pas, parce que si tu le rejettes, tes anciens péchés ne te sont aucu-
nement remis ; mais si tu montres de bonnes dispositions, sois assuré que tous
tes anciens péchés te sont déjà remis.
Ne mange pas avec une femme, ne contracte absolument pas de relation fa-
milière avec un jeune garçon.
Ne dormez pas deux ensemble sur la même natte à moins d’une nécessité
absolue ; et que celui qui dort avec toi soit ou ton père ou un frère et dans ce cas,
fais-le avec beaucoup de crainte.
Quand tu dors, ne mets pas ta main à l’intérieur du lit, pour ne pas pécher
sans en avoir conscience. Quand tu es en bonne santé, ne délie pas ta ceinture.
Ne prends pas la main d’un proche ; ne lui touche pas les joues, qu’il soit
plus jeune ou plus âgé que toi.
Après trois verres de vin, n’en ajoute pas un quatrième, à moins d’une mala-
die grave.
N’enfreins pas un précepte divin pour une amitié humaine.
Ne retourne pas à la ville où tu as péché contre Dieu, une fois ou l’autre.
cœur. » On retrouve cette tradition dans les Quelques pensées de l’abba saint Antoine le
Grand, traduites, elles aussi, par l’Ecchellensis (PG 40, 1086B) : Qui solitudinem incolit,
a tribus liberatur certaminibus, scilicet verbis, visu, auditu ; restatque illi duntaxat cer-
tamen cordis, « celui qui habite la solitude est exempt de trois luttes, à savoir celle des
mots, celle des yeux et celle des oreilles ; il lui reste juste celle du cœur ». Ici, nous avons
trois luttes et la lutte du cœur est liée à celle de la vue ; ailleurs il y a trois luttes déjà dé-
passées et il reste celle du cœur. Cf. Question 4, p. 226.
Pour le contenu, la tradition la plus largement représentée par les versions conservées
offre une interpretatio facilior : il est bien évident, de prime abord, que qui se retire au
désert est privé de ce qu’il entend, de la conversation et de la vue d’autres personnes.
Antoine ne nous a pas habitués à de pareilles banalités. Sa vie et ses enseignements
montrent que, même au désert, il lui faut encore lutter contre ce qu’il voit et ce qu’il en-
tend, par exemple les démons sous différents formes, et contre les controverses, entre
les frères et aussi contre l’arianisme.
Pour la transmission de la pensée d’Antoine il est intéressant de noter que la tradition
suivie par l’Ecchellensis en conserve très probablement un état plus fidèle.
312 Ce chapitre correspond au Logos 9 de l’abba Isaïe de Scété (Logos 5 de l’édition sy-
riaque) : Abbé Isaïe, Recueil ascétique, SO 7, Bellefontaine 1970, p. 105-107.
220 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ne remets pas à plus tard la pratique religieuse, pour éviter que cela ne
tourne pour toi en objet de scandale et en piège.
Consacre-toi avec soin à la lecture des Écritures, qui du moins te soustrai-
ront de l’impureté.
Assis dans ta cellule, adonne-toi au travail manuel ; cependant ne quitte pas
le nom du Seigneur Jésus313 mais que ton esprit revienne constamment à lui, que
ton cœur le médite et que ta langue le loue en disant : « Mon Seigneur Jésus-
Christ, aie pitié de moi. » De même que : « Seigneur Jésus-Christ, envoie-moi
ton aide. » Et aussi : « Je te loue, mon Seigneur Jésus-Christ. »
Choisis-toi une épreuve et lui-même, par le jeûne, la prière et les veilles, te
libérera de toutes les turpitudes, parce que l’épreuve physique apporte la pureté
au cœur ; or la pureté du cœur fait que l’âme porte des fruits.
Ne va du tout te considérer comme quelque chose mais passe ton temps à
pleurer pour tes péchés.
Garde-toi de t’emporter contre quelqu’un et accorde ton pardon à tous.
Fuis le mensonge, qui chasse loin de toi la crainte de Dieu.
Repousse loin de toi les mauvaises pensées et livre-toi à Dieu, qui te protè-
gera de sa main droite.
Ne t’ouvre pas à tous de tes pensées pour ne pas être un objet de scandale
pour ton frère.
Livre-toi au travail manuel et la crainte de Dieu te viendra de surcroît.
Aime l’humilité ; elle te protégera de tous tes péchés.
Ne sois pas désobéissant, parce que tu seras l’instrument et le réceptacle de
tous les maux et de toutes les injustices.
Aie toujours enfoncé dans ton cœur d’obéir à ton Père et la crainte de Dieu
habitera en toi.
Ne fais pas de reproches à ton frère même si tu le crois responsable de tous
les ordres, parce que tu tomberas, toi-même, entre les mains de tes ennemis.
Les péchés que tu as commis autrefois, ne les ressasse pas dans ton esprit
pour qu’ils ne se renouvellent pas en toi.
Sois certain qu’ils te sont vraiment remis quand tu t’es livré à Dieu et à la
pénitence et ne reste pas fixé à cela.
Ne te considère pas savant ou sage car tout ton travail se perd et ton embar-
cation aurait fait une course vaine.
Habitue ta langue à dire dans tous les cas, toujours et à chaque instant, à tous
tes frères et à Dieu, lui-même, le Très-Haut : « Pardonne-moi », parce que si tu
dis toujours, « Pardonne-moi », tu obtiendras l’humilité314.
Ne condamne personne pour éviter que la crainte de Dieu se retire de toi et
que tu ne tombes entre les mains de tes ennemis.
Ne te rappelle pas les plaisirs et les jeux auxquels tu t’es adonné au temps de
ta paresse et ne fais pas de phrases à leur sujet et ne va pas dire : « Oui, je l’ai
fait » ou « C’est du passé » ; car ce sera pour toi un objet de scandale.
Quand tu es assis dans ta cellule, voici à quoi t’occuper : la lecture des Écri-
tures, les supplications à Dieu et le travail manuel.
Des passions auxquelles tu as succombé dans ce monde, n’en fais aucune-
ment le rappel et ne va pas retomber dans leur filet en les désirant à nouveau,
pour éviter qu’elles ne soient un objet de scandale pour ton cœur.
Passe franchement tout ton temps à la pénitence et ne paresse à aucun mo-
ment.
Demande humblement à ton Père qu’il t’instruise en ce que tu ignores, joins-
y tes larmes et n’en aie pas honte.
Chaque jour, dis-toi que ce jour est le dernier pour toi en ce monde et tu te
préserveras des péchés.
Sache que l’humilité n’est rien d’autre que de considérer que tous les
hommes sont bien au-dessus de toi et tiens pour certain dans ton esprit que tu es
davantage exposé aux péchés ; garde la tête basse et la langue prête à dire à celui
qui t’inflige un dommage : « Mon Seigneur, pardonne-moi » ; que ta méditation
soit continuellement la mort.
Garde-toi absolument de parler des choses du monde.
N’assouvis pas tes concupiscences et tes désirs.
Aie en aversion le corps et ses attraits, qui sont remplis de malheurs.
Que tes désirs et tes passions n’importunent ni n’assaillent personne et si
quelqu’un te reprend à tort, ne va pas t’échauffer.
Repousse au loin l’orgueil et considère ton prochain et tous les hommes
comme meilleurs que toi.
Le péché que tu as commis, ne le cache pas à ton père spirituel.
Renonce à l’attitude qui te fait perdre la maîtrise de ta réponse et ne médite
pas le mal, même dans ton cœur, contre celui qui t’incite à la colère et que toi, tu
ne te précipites pas vers la colère.
Ne te répands pas en bavardages sans intérêt et ne prête pas l’oreille à ceux
qui le font, pour que ton esprit ne les absorbe pas.
Que tes paroles soient le rappel des bienfaits de Dieu, le Très-Haut et toi,
demande-lui continuellement sa clémence.
Fuis loin du désir de richesses et de la désobéissance et beaucoup plus loin
de la gourmandise pour ne pas tomber dans les filets de tes concupiscences,
parce que celles-ci chassent du cœur la crainte de Dieu et du visage la honte ;
elles soumettent celui qui ne s’intéresse qu’à lui-même aux désirs bas et sales et
rendent son esprit étranger à Dieu.
Ne te glorifie pas par ces paroles, soit en les ressassant en ton cœur, soit par
ta jactance : « J’ai fait ceci ; j’ai accompli cela ; je n’ai causé de préjudice ni de
désagrément à personne » ; car toutes ces paroles apportent une vaine gloire par
rapport à elles et celui qui est infecté par cela se voit affecté à être le domicile
des diables et des esprits impurs315.
Fixe une heure dans la journée pour la restauration et la nourriture de ton
corps mais pas pour son plaisir ; soumets-le et épuise-le par beaucoup de travail.
Fais de fréquentes génuflexions et ne sois pas paresseux à faire cela, afin
d’éviter de mourir de la pire des morts.
Affaiblis ton corps de sorte qu’il soit pareil à celui de quelqu’un alité à cause
d’une maladie.
Que tes pensées tournent toujours sur les ordres divins ; applique-toi à les
exécuter de toutes tes forces et n’en laisse aucun de côté pour que ton âme ne
soit pas la demeure de toutes les impuretés.
Ne fais de reproches à aucun mortel, pour que Dieu ne maudisse pas tes
prières.
Tiens-toi fortement en garde contre le jeu et l’amusement.
Si tu appliques continuellement et franchement ton soin à la lecture des Écri-
tures et que tu accomplisses leurs préceptes, tu disposeras de la miséricorde de
Dieu.
Le moine qui est assis dans sa cellule, bouche close et oublieux de Dieu, est
pareil à une maison en ruines, située hors de la ville, toujours pleine d’ordures,
parce que quiconque veut évacuer les ordures de chez lui, les apporte là.
Avant et après avoir prié avec tes frères, acquitte-toi toujours de tes prières
dans ta cellule et ne sois pas paresseux à faire cela.
Adonne-toi sans arrêt aux larmes car Dieu aura pitié de toi et te soulagera
dans tous tes chagrins.
Aie en aversion toutes les choses du monde et tiens-t-en à l’écart ; sois assu-
ré qu’elles nous repoussent vraiment très loin de Dieu.
Garde-toi d’être pusillanime.
315 Par infecté et affecté, on essaie de rendre la paronomase, sûrement voulue, infectus et
effectus.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 223
5. Du même.
Il faut qu’un jeune moine consulte les plus anciens sur chacun des pas qu’il
fait, même dans sa cellule et sur chaque goutte d’eau qu’il boit317. Car il est vrai
que je connais des moines qui sont tombés parce qu’ils estimaient qu’ils plai-
saient à Dieu. C’est pourquoi si on t’ordonne quelque chose qui est conforme
aux ordres de notre Seigneur Dieu, empresse-toi de l’observer et de le retenir,
pour que s’accomplisse en vous la parole de l’Apôtre : Obéissez-vous mutuelle-
ment dans l’amour du Christ318. Autrement, si on nous ordonne quelque chose
qui est contraire aux commandements divins, alors il faut que nous disions à ce-
lui qui nous donne l’ordre : Qu’est ce qui est plus acceptable pour nous, obéir à
319
Dieu ou aux hommes ? Ayons en mémoire cette parole du Seigneur : Mes
brebis ne suivront pas un étranger mais elles le fuiront parce qu’elles ne con-
naissent pas sa voix320. Pareillement le divin Paul nous avertit en disant : Si nous
ou des anges ou quelqu’un d’autre vous apporte une nouvelle autre que celle
que je vous ai apportée, que nous soyons anathèmes et ne nous acceptez pas321.
Grand est le mérite de celui qui tout au long de sa vie, œuvre et se retourne
chaque jour jusqu’à son dernier souffle contre le tentateur qui le poursuit. J’ai
supplié Dieu de me montrer une protection pour entourer et défendre le moine ;
Il finira assurément par arriver le temps où les hommes auront perdu la rai-
son ; et si alors on voit quelqu’un qui ne perd pas la raison, on se dressera contre
lui en disant : « De tout façon, toi aussi, tu perds la raison », parce qu’il n’est pas
semblable aux autres327.
8. Du même.
a. L’origine de tous les mérites et celle de la sagesse sont la crainte de
Dieu328.
b. De même que la lumière qui pénètre dans une maison obscure, en chasse
les ténèbres et l’éclaire, de même si la crainte de Dieu pénètre dans le cœur de
l’homme, elle en chasse les ténèbres et l’imprègne de tous les mérites et de la
sagesse329.
c. De même que l’orgueil et l’arrogance ont précipité le diable des hauteurs
dans les profondeurs, de même l’humilité et la mansuétude élèvent l’homme de
la terre jusqu’au ciel.
d. De même, mes fils, que le poisson sorti de l’eau périt, de même la crainte de
Dieu périt hors du cœur du moine, s’il quitte sa cellule pour aller n’importe où330.
e. La tâche la plus importante que l’homme peut fournir est de confesser ses
péchés en face de Dieu et de ses aînés et de se faire à soi-même des reproches
ainsi que d’être prêt à faire face à chaque tribulation jusqu’au dernier souffle331.
Question des moines [1]. Comment faut-il comprendre cette remarque de saint
Antoine à son disciple Paul le Simple332 quand il voulut quitter le monde : « Si
tu veux être moine, rends-toi à un monastère où les frères sont nombreux pour
qu’ils puissent soutenir ta faiblesse333 » ?
Réponse de l’ancien. De ceci nous tirons l’enseignement qu’il nous faut ac-
cueillir les vieillards faibles, infirmes, aveugles et paralytiques et qu’il nous faut
les aimer ; car ceux-ci se sont adonnés à se constituer des mérites avec joie et
bonne volonté, même si à cause de leurs infirmités ils ne peuvent pas supporter
les épreuves. Ce qui fait que ce n’est pas un léger blâme que méritent les direc-
teurs et les supérieurs de monastères qui n’accueillent pas les vieillards et les
infirmes, même ceux particulièrement réputés pour leurs mérites ; mais ils ac-
cueillent bien volontiers des jeunes plutôt robustes pour administrer la conduite
de leurs affaires, pour faire des voyages, pour rentrer et sortir, bien qu’ils soient
insolents et effrontés. Le bienheureux traducteur les blâme vivement dans le
livre Sur la direction parfaite334 : Ceux-ci leur permettent d’être paresseux dans
les œuvres du mérite et les engagent fortement aux œuvres du corps et du
monde ; mais à ceux qui ont embrassé la vie religieuse pour s’appliquer aux mé-
rites, ils n’accordent aucun répit ni temps libre en dehors des œuvres du monde
mais ils les pressent, les font se hâter, se moquent d’eux, leur font des reproches
et leur rétorquent qu’ils n’accomplissent pas avec un grand empressement la
tâche qui leur a été confiée, soit que cela se produise à cause de leur incapacité
soit parfois à cause de leur négligence, bien qu’ils aient été attentifs et scrupu-
leux mille fois par ailleurs. Au contraire, ils couvrent de compliments ceux qui
s’empressent aux affaires du monde, bien qu’ils soient très paresseux dans
l’acquisition des mérites. Ce n’est vraiment pas sur ce qui découle du mérite
mais sur ce qui provient des intérêts pour le monde, ce qui est vraiment le pire
de tout, qu’ils les traitent comme leurs serviteurs, que ceux-ci soient paresseux
ou scrupuleux. Or l’abba Poemen335 dit : « Si de trois cénobites, l’un est dans
une paix totale, le deuxième infirme rend grâces à Dieu, mais que le troisième
est au service avec bonne volonté, tous les trois font la même tâche336 ». Par là,
ce saint voulait montrer que dans un monastère, où il y a beaucoup de membres
de la communauté et de cénobites, il est nécessaire que ce ne soient pas seule-
ment les robustes qui pourvoient aux besoins du service mais aussi les frères
faibles et les vieillards infirmes tout comme les frères qui gardent le silence per-
pétuel ; autrement tout leur travail est vain.
Question [2]. Pourquoi abba Antoine a-t-il dit à son disciple Paul : « Va, établis-
toi dans la solitude pour apprendre les luttes contre les démons337 ? »
Réponse. Parce que la perfection du moine vient de la direction spirituelle ;
or la direction spirituelle est préparée par la pureté du cœur ; or la pureté du
cœur vient de la direction de l’esprit ; quant à la direction de l’esprit, elle est la
prière sans interruption. La lutte contre les démons est le fait des vaines pensées
et des chimères ; or celles-ci sont plus vivement excitées dans la solitude et le
repos.
Question [3]. Qu’est-ce qui a fait dire à abba Antoine : « De même que les pois-
sons sortis de l’eau meurent, de même cela arrive également au moine, s’il reste
longtemps hors de sa cellule338 ? » Comment le moine peut-il mourir, comme les
poissons ?
Réponse. Parce que la vie de l’âme est la méditation continuelle de Dieu et
son amour, lui qui est principalement ce qu’on doit appeler la vie de l’âme, bien
évidemment, ainsi que de l’esprit. Si le moine s’attarde dans les villes, il meurt de
ce qu’il voit et des conversations qu’il a, privé de vie spirituelle, ce qui l’éloigne
de Dieu ; il l’oublie et il chasse de son cœur l’amour du Christ, qu’il s’était acquis
par tant d’épreuves pendant qu’il profitait de la paix dans sa cellule. En outre, son
amour pour la mortification diminue et il s’accordera un répit et s’adonnera aux
concupiscences ; et la pureté de son cœur est troublée par les émotions désordon-
nées des sensations, qui entrent et qui sortent par les sens : la vue, l’ouïe, la pa-
role, le toucher, le goût, l’odorat ; ce qui le conduit à coup sûr à la débauche et
aux autres passions, qui sont vraiment la mort et la perte du moine. Donc saint
Antoine a bien fait de dire : « De même que les poissons sortis sur le sol meurent,
de même meurt le moine qui séjourne dans les villes hors de sa cellule. »
Question [4]. Le saint abba Antoine a dit : « Celui qui habite la solitude est
exempt de trois luttes, à savoir celle des mots, celle des yeux et celle des
oreilles ; il lui reste juste celle du cœur339. » Explique-nous, s’il te plait, ces pa-
roles du bienheureux.
Réponse. L’explication n’est pas que le combat qui a lieu dans la retraite et
la solitude est inférieur à la lutte qui s’engage contre des frères dont l’esprit est
dispersé à cause de ce qu’ils voient, entendent ou disent. Mais par ses mots, An-
toine veut montrer que ceux qui habitent la solitude évitent les luttes des sens
qui tourmentent les autres, en plus des luttes du cœur que les démons portent
contre eux. C’est pour cela que les pères choisissaient la retraite pour éviter qu’à
la lutte du cœur ne viennent s’ajouter les luttes de la vue, de la parole et de
l’ouïe. De même que tombent aussitôt les frères qui font des sorties et des re-
tours, si au combat du cœur vient s’ajouter le combat des sens corporels, de
même tomberont facilement les moines qui vivent dans la retraite et qui sont
seulement tourmentés par la lutte du cœur, si vient s’ajouter pour eux la lutte des
sens corporels. Ceci est suffisamment attesté par le cas de ces frères, vivant dans
la retraite, chez qui des femmes sont entrées et pour lesquels à la lutte du cœur
sont venues s’ajouter la vue de leur corps et la beauté de leur visage ; instanta-
nément ils furent vaincus dans la difficile lutte du cœur et ils tombèrent. Elle est
vraiment plus dure, plus difficile et plus violente contre ceux qui vivent dans la
retraite, la lutte des sens de l’âme que la lutte des sens du corps. C’est ce que
l’on connaît bien à partir des paroles du bienheureux Évagre ; à savoir que les
démons luttent par eux-mêmes, sans intermédiaire, contre les moines qui vivent
dans la retraite ; mais contre ceux qui sont dans des communautés et qui
s’appliquent à parfaire des mérites, les frères corrompus sont excités et stimulés
par les démons, qui n’ont pas leur pareil en dureté, en âpreté et en fourberie340.
Question [5]. Que signifie cette affirmation du saint abba Antoine : « La cellule
du moine est la fournaise de Babylone, l’endroit où il y eut les trois jeunes gens,
parmi lesquels il y avait le Fils de Dieu341 ; elle est aussi la colonne de feu,
quand Dieu parla à Moïse342 ? »
Réponse. De même que le feu a deux propriétés, la première, la chaleur pour
brûler, la seconde, la lumière pour apporter la joie, de même la persévérance a
deux inconvénients, le premier, c’est d’angoisser et de tourmenter les novices
dans la retraite par les excès d’inertie ou de lutte mais le second, c’est d’apporter
l’accomplissement et la joie ainsi que de donner la paix à ceux qui sont accom-
plis dans la pureté de leur cœur, qui ont dépassé les passions et qui sont parve-
nus aux visions de lumière. Quant à ce qu’il dit des trois jeunes gens qui trouvè-
rent le Fils de Dieu, voici l’explication : de même que quand à Babylone ils fu-
rent jetés dans le foyer, Ananias, Azarias et Misaël ne furent ni brûlés ni consu-
més mais qu’un ange a été envoyé, qui a dénoué leurs liens et les a libérés du feu
(cet ange que Nabuchodonosor a appelé le Fils de Dieu), de même pour les
frères novices, qui vivent dans la solitude, le combat des passions qui est mené
contre eux par les diables est difficile au début ; mais le secours de la grâce de
notre Seigneur le Fils de Dieu ne les abandonne pas mais vient leur rendre visite
en cachette, les soutient et habite avec eux selon l’arrangement et l’ordonnance
providentielle, une fois les passions et les diables vaincus et elle fait en sorte
qu’ils méritent la grâce de la charité parfaite et la lumière de sa gloire.
Question [6]. Que veut dire abba Antoine quand il dit : « Il ne faut pas rendre le
mal pour le mal ; et si le moine n’est pas encore parvenu à ce degré, qu’il con-
serve le silence et reste dans sa retraite ? » Comment parvient-on à ce degré à
partir de la retraite ?
Réponse. Un frère, dont la foi est faible et la langue coupable de tort envers
son frère et qui couve sa haine contre lui en son cœur, s’il se maintient dans sa
cellule, qu’il s’abstienne de converser avec les gens, qu’il calme ses mauvaises
pensées et qu’il se consacre continuellement aux prières et à la lecture des
saintes Écritures, la grâce de la sérénité lui rendra visite, son cœur s’éclairera, il
se libérera par l’esprit et trouvera sa joie en Dieu. Car un homme de cette sorte,
après avoir vu la croix du Seigneur, est enflammé par son amour et après avoir
baisé la croix, il méditera cette parole de l’Écriture : Dieu a tant aimé le monde
qu’il a livré à la mort son Fils unique pour lui343. À cette occasion assurément
Dieu a manifesté son amour à notre égard, parce que, comme nous étions pé-
cheurs, le Christ est mort pour nous344. Si donc Dieu n’a pas épargné son Fils
mais l’a livré pour nous à la mort, et de plus, à la mort honteuse de la croix,
comment avec son Fils ne nous accorderait-il pas tout345, ou nous refuserait-il
quelque chose d’autre ? L’amour et la charité du Christ nous entraînent à penser
que nous ne devons pas vivre pour nos désirs mais pour lui, qui est mort pour
nous346 ; tournons nos regards vers Jésus, qui est devenu pour nous le début et le
modèle de la souffrance, qui a enduré pour nous la mort sur la croix, supporté
l’infamie et, alors seulement, est revenu s’asseoir à la droite de Dieu au plus
haut des cieux. Par conséquent, si nous avons part à ses souffrances et à sa
gloire347, si nous l’attendons fermement, nous régnerons avec lui348. Aussi le
bienheureux Paul nous exhorte en ces termes : Regardez, frères, la croix de
notre Seigneur349. Aussi vois combien il a supporté pour les pécheurs, qui se
sont faits les ennemis de leur âme. C’est pourquoi ne soyez pas en peine, que
votre âme ne soit pas abattue à cause de la souffrance, des restrictions, des torts,
des injures et de la mort, qu’elle supporte par amour de lui. Implorez dans vos
prières le pardon pour ceux qui vous persécutent, comme le Seigneur le faisait
343 Jn 3, 16.
344 Rm 5, 8.
345 Rm 8, 32.
346 2 Co 5, 14-15.
347 Rm 8, 17.
348 2 Tm 2, 12.
349 He 12, 2.
230 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Question [8]. Le saint abba Antoine dit : « J’ai vu tous les pièges du diable dis-
posés par terre, j’en ai gémi et j’ai dit : „Malheur au genre humain ! Qui pourra
s’en sortir ?” Et ils me dirent : „L’humilité est une protection contre eux et ils ne
peuvent pas l’atteindre354”. » Comment notre saint a-t-il vu les pièges du
diable ? Par les sens ou par l’esprit ? Et qui sont-ils, ceux qui dirent :
« L’humilité est une protection contre eux et ils ne peuvent pas l’atteindre » ?
Réponse. L’abba égyptien Macaire l’Ancien, disciple de l’abba Antoine, a
vu lui aussi, dans le désert intérieur de Scété355, tous les pièges des passions,
comme les avait vus en son temps le saint abba Antoine. En effet Macaire vit
des diables sous l’apparence de deux hommes, dont l’un était habillé d’un vête-
ment avec des trous sur lesquels on avait mis des pièces de couleurs diverses ;
l’autre avait le corps complètement enveloppé d’un vêtement usé et il tenait un
filet plein de fioles ; vers eux s’avançait un autre homme qui était recouvert par
des ailes comme d’une couverture. Certes l’abba Macaire les a vus corporelle-
ment avec les yeux du corps ; mais le saint abba Antoine a vu par l’œil de
l’esprit, au moyen d’une vision, tous les pièges que le diable dispose toujours
pour les moines et par lesquels il s’efforce de les capturer, de les prendre dans
ses filets et de les empêcher de poursuivre leur chemin dans la voie du mérite,
comme il est écrit : Ils ont dissimulé des pièges sur ma route et tendu des cordes
en travers de mon chemin356. C’est pourquoi il a vu tous les pièges disposés par
terre de la même façon dont les chasseurs tendent les leurs aux bêtes. Certes, il
fut étonné en les voyant et resta stupéfait devant le nombre de rets et de filets et,
si une bête s’y fait prendre une fois, il lui sera très difficile de s’en échapper à
cause des diverses entraves et du très grand nombre de liens. À l’abba Antoine
se présentèrent sur le sol les espèces de toutes les passions du corps et de l’âme,
par lesquelles les diables assaillent les moines ; et il vit les anges saints qui lui
désignaient par leur nom chacun des pièges des passions, à savoir le piège de
l’amour du ventre ou de la gourmandise, celui de l’amour de l’argent, celui de
l’amour de la fornication, celui de la vaine gloire, celui de l’orgueil et celui de
toutes les autres passions. Ils lui montrèrent en outre toutes les techniques, toutes
les astuces et toutes les machinations dont les ennemis se servent pour disposer
leurs pièges et leurs guets-apens par lesquels ils font obstacle aux frères, les
prennent dans leurs filets, les ralentissent dans leur grand chemin pour l’amour
de Dieu. Comme il s’était étonné de cela et qu’il était frappé de stupeur, il se mit
à gémir et à pleurer en disant : « Malheur à nous moines ! Comment pouvons-
nous nous en sortir pour être sauvés, sans nous faire prendre ? » Les anges lui
dirent : « L’humilité sauve de tout cela et celui qui en est pourvu ne tombera pas
et ne sera pas pris dans les pièges. » Mais l’humilité seule ne vainc pas les pas-
sions et les démons, dirent-ils, mais aussi d’autres œuvres et des combats sont
requis en même temps que l’humilité. Si l’humilité est seule et par elle-même,
elle n’est d’aucun profit mais les œuvres sans l’humilité ne servent à rien ; car
loin de l’humilité, les œuvres ne sont qu’une chair salée avec de la terre et non
avec du sel ; de ce fait, elle prend facilement une mauvaise odeur et elle se cor-
rompt. C’est pourquoi les œuvres du corps, le combat intérieur de l’esprit, la re-
traite, l’oraison sans interruption jointe à l’humilité parfaite vainquent toutes les
passions et tous les démons et ceux-ci ne peuvent pas atteindre le moine qui
s’est pourvu de tout cela, comme les anges l’ont dit au saint abba Antoine.
Question [9]. Le saint abba Antoine a dit : « Si la lutte vient à nous manquer,
nous devons avoir beaucoup de craintes ; il nous faut nous humilier vraiment
devant Dieu, parce que comme lui-même connaît bien notre faiblesse, il nous
protégera et nous défendra de sa main droite ; mais si nous nous laissons empor-
ter par l’orgueil, il nous retirera sa protection et nous périrons. » Quel est exac-
tement le sens de cette pensée du bienheureux ?
Réponse. Il faut que nous nous humiliions toujours, en temps d’angoisses, de
tribulation et de luttes comme en temps de paix et de retraite loin des luttes, car
nous avons besoin de l’humilité en tout temps. Puisqu’elle nous apporte son aide
en temps de lutte et qu’elle nous y ajoute la force pour supporter le poids de la
souffrance, au contraire en temps de paix et de retraite loin des luttes, elle nous
préserve de l’orgueil et nous soutient pour nous éviter de tomber. À cause de
notre relâchement et de l’oubli de Dieu, qui nous prend, nous avons toujours be-
soin de l’humilité, pour que, une fois notre faiblesse reconnue, nous nous appli-
quions à l’humilité et que nous éloignions de nous l’orgueil. Car Dieu ne veut
pas que nous soyons en tout temps écrasés par l’angoisse mais par intervalles il
nous protège de sa bonté et de sa clémence et fait cesser pour nous les luttes des
passions et la cruauté des diables. C’est pourquoi, si en temps de combat et de
lutte nous avons recours à l’humilité à cause des dangers et des difficultés, au
contraire en temps de calme et de sérénité, loin des luttes, nous oublions Dieu et
nous nous laissons emporter par l’orgueil ; Dieu nous réduira, à n’en pas douter,
sa protection et nous périrons pour être tombés et avoir perdu l’espérance. Donc
il n’est aucun temps où l’humilité ne nous soit pas nécessaire, de même qu’elle
nous est absolument indispensable en tout lieu et dans toutes nos actions.
Question [10]. Un ancien demanda à Dieu de lui montrer tous les Pères ; il les
vit tous sauf le saint abba Antoine ; alors, celui qui les lui avait montrés dit :
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 233
« Où est Dieu, là est l’abba Antoine357. » Comment vit-il tous les Pères et pour-
quoi ne vit-il pas Antoine ?
Réponse. Soit l’esprit de l’ancien est emporté au paradis et il y voit les
Pères, soit les Pères eux-mêmes sont venus jusqu’à lui, soit les anges les lui ont
montrés selon l’ordre des visions. Mais l’abba Antoine ne fut pas vu de lui pour
deux raisons, d’une part à cause de l’immense honneur dû au saint abba An-
toine, d’autre part pour que cet ancien s’humilie et ne se laisse pas emporter par
l’orgueil d’avoir vu tous les Pères. Car, par cette vision des Pères, Dieu le forme
pour les imiter, tout en satisfaisant sa demande. Mais s’il n’a pas mérité la vision
d’Antoine, la raison a dû être que serait apparue une défaillance de l’ancien, et
donc pour qu’il échappe à l’orgueil et qu’il s’humilie.
Question [11]. Un jour, l’abba vierge Amoun est parti dire à l’abba Antoine :
« Je vois que j’ai plus d’œuvres que toi ; comment donc se fait-il que ton nom
soit plus répandu que le mien parmi les hommes ? » Antoine lui répondit :
« Parce que j’aime Dieu plus que toi358. » Que vise exactement ce propos ?
Réponse. Ni l’abba Amoun n’a véritablement tiré gloire des ses œuvres, ni
l’abba Antoine de son amour pour Dieu, mais leur propos vise ceci. Quand ils
instituèrent la direction du monachisme et l’installation dans le désert, les pre-
miers saints avaient tendance à s’informer les uns les autres et à faire partager à
tous les moines cet enseignement pour que la direction de l’esprit l’emporte sur
les œuvres du corps. Car la direction de l’esprit oriente et élève la pensée jus-
qu’au plus haut de l’amour de Dieu ; ne devient-il pas digne d’avoir une vision
de l’apparition de Dieu dans la lumière ? Mais les œuvres du corps dégagent le
moine des passions du corps, le confortent dans ses mérites, lui apportent de la
force pour chasser les concupiscences et donner en plus de la pureté au corps.
Quant à la lutte de l’esprit, elle renforce la pensée contre les diables et contre les
illusions qu’ils insinuent en elle, elle rétablit la pureté du cœur, qui acquiert de la
force provenant de l’amour et devient digne d’une direction spirituelle. Mais il
n’est pas nécessaire que la réputation de celui qui est pourvu de tous ces mérites
et qui aime Dieu soit propagée parmi les hommes ; en effet Paul, l’instigateur
des ermites et le premier des moines (celui que l’abba Antoine appelle parfois le
prophète Élie, parfois Jean-Baptiste, ou parfois l’apôtre Paul359), tant qu’il vécut,
ne fut pas du tout connu des hommes. Mais, comme je l’ai déjà dit, nos deux
Pères voulurent s’informer l’un auprès de l’autre et nous apprendre quelle direc-
tion était supérieure à l’autre, celle du corps ou celle de l’esprit, qui est une lutte
interne et cachée de la pensée ainsi qu’une prière continuelle jointe à une médi-
tation sur Dieu. Et quand cela est accompli, les moines élèvent leur esprit à la
direction spirituelle, qui est la prière spirituelle, l’adoration de Dieu, sa vision,
l’apparition de la gloire de notre Seigneur Dieu, à qui on doit la louange pour les
siècles des siècles. Amen.
Question [12]. Le saint abba Antoine a dit que Dieu ne permet pas au diable
d’engager de rudes batailles contre notre humanité à cause de sa faiblesse360.
Réponse. Certes Dieu a pitié de l’humanité : aussi il n’a pas permis du tout
qu’elle soit trop accablée par les diables, parce que nous font défaut l’ardeur de
la charité et l’amour ardent des bonnes œuvres ; c’est pourquoi les diables nous
attaquent plus mollement à cause de notre impuissance et de notre relâchement.
Question [13]. Que signifie ce qu’a dit l’abba Antoine : « Si le meunier ne met-
tait pas un voile sur les yeux de sa bête, celle-ci se retournerait et mangerait sa
rétribution. Pareillement une disposition divine nous met à nous aussi un voile,
parce qu’au début nous œuvrons pour un bien que nous ne voyons pas pour évi-
ter que, nous-mêmes, nous nous prenions pour bienheureux et que pour cela nos
œuvres ne se perdent ; ce qui fait que parfois nous tombons dans de basses pen-
sées, seulement pour que nous nous fassions des reproches à nous-mêmes, rien
qu’en les voyant. Or ces basses pensées sont le voile qui couvre le modeste bien
de nos œuvres. Car si on se fait des reproches à soi-même, on ne voit pas sa ré-
tribution partir en pure perte361. » Explique-nous ce qu’il y a de profitable dans
cette affirmation.
Réponse. C’est pour cela que tous les saints ne méritent pas d’avoir des vi-
sions ; ce n’est pas non plus parce qu’ils ont de bonnes œuvres qu’ils voient spi-
rituellement les promesses qui leur sont réservées, bien qu’ils soient au comble
des œuvres et des mérites. Et vraiment, ce n’est pas parce que Dieu ne se réjouit
pas de leurs mérites et qu’il n’agrée pas leurs œuvres – loin de nous la pensée
que celui qui est le meilleur retranche quelque chose de la rétribution des bons !
– mais Dieu le fait pour éviter qu’ils ne se laissent emporter par l’orgueil, que
leur mérite ne se perde totalement, qu’ils ne soient privés des biens réservés et
conservés pour eux et qu’ils ne deviennent étrangers à la grâce de Dieu. Aussi,
bien qu’ils accomplissent des œuvres, qu’ils s’appliquent aux mérites et que
Dieu les garde, cependant Dieu permet parfois que les démons les saisissent,
leur insinuent de basses pensées ou de la crainte, ou encore les fouettent pour
qu’ils reconnaissent leur impuissance et qu’ils se méfient toujours d’eux-
mêmes ; car tant qu’ils demeurent en ce monde, leur vie peut connaître des revi-
rements. De même que le but de leurs œuvres est la méditation du bien qui est
conservé pour eux en fonction de leurs œuvres ainsi que la méditation continue
de l’œuvre qui permet d’acquérir ce bien, de même la méditation de leurs défail-
lances et de leur incapacité les écarte de l’orgueil et fait qu’ils méditent
l’humilité sous toutes ses formes, qu’ils se méfient d’eux-mêmes pour éviter de
perdre leur mérite au moment où ils vont obtenir la double joie de la part de
notre Seigneur Jésus-Christ au royaume des cieux, qui n’a pas de fin.
Question [14]. Abba Hellénius est venu de Syrie voir abba Antoine ; abba An-
toine dit à son visiteur : « Bienvenue, étoile du matin, qui se lève le matin ! »
Abba Hellénius lui répondit : « Salut, toi aussi, colonne de lumière, qui embellit
le monde362 ! »
Réponse. Hellénius était de l’époque du saint abba Antoine et son égal par le
degré et par les œuvres. L’empereur Constantin, victorieux, lui adressa sa
louange par ses mots : « Je rends grâces au Seigneur le Christ d’avoir eu trois
flambeaux de mon temps, à savoir le bienheureux abba Antoine, abba Hellénius
et abba Euchinus. » Car ces trois dépassaient de loin tous les moines connus qui
vivaient à cette époque. Abba Antoine l’appela « étoile du matin » à cause de la
grandeur de sa direction, parce que, de même que l’étoile du matin dépasse par
sa taille et sa lumière tous les autres astres, de même abba Hellénius dépassait
par la lumière de sa grâce tous les autres moines de son temps. Voulant, lui aus-
si, faire connaître à abba Antoine qu’il était loin d’ignorer la grandeur de sa di-
rection et la gloire de sa lumière, il l’appela « colonne de lumière, qui embellit le
monde. »
Question [15]. Abba Antoine dit : « Aussi nous ne faisons pas de progrès, parce
que nous ne connaissons pas notre degré et notre ordre et nous ne comprenons
pas les œuvres que nous entreprenons mais nous voulons obtenir le mérite sans
épreuve. Car chaque fois que nous voyons le risque de la lutte dans un lieu où
nous sommes appelés, nous passons dans un autre avec l’idée qu’il y a un lieu
où le diable ne serait pas. Qui connaît le combat, engage avec constance la lutte
en Dieu, puisque notre Seigneur a dit : De toute façon, le royaume de Dieu est
en vous363. » Que veut-il signifier par ces paroles ?
Réponse. Le sens de ses paroles, c’est évidemment que nous passons d’un
lieu à un autre pour en chercher un où il n’y aurait pas le diable ; précisément
quand nous voyons qu’il y a un risque de lutte dans le lieu vers lequel nous nous
portons, nous nous rendons ailleurs. Mais celui qui connaît le combat engage sur
place la lutte en Dieu et ne cherche pas un autre lieu. Le sens de cette affirma-
tion de notre Seigneur : De toute façon, le royaume de Dieu est en vous, est qu’il
nous faut, bien sûr, à nous les moines, qui avons quitté le monde, qui avons por-
té notre croix suivant le commandement de notre Seigneur et qui avons suivi ses
pas, demeurer dans un seul lieu, nous inquiéter du salut de notre âme et soutenir
toutes les luttes. Pour l’amour de Dieu et pour l’accomplissement de sa volonté,
qui se manifeste dans l’observance de ses commandements, nous devons sup-
porter tous les combats et toutes les tentations, que cela provienne des passions,
ou des démons ou des hommes mauvais. Gardons donc bien présent à l’esprit
que ces inexpérimentés au combat ruent comme des poulains pas encore dressés
au transport des charges, qu’ils se dirigent vers d’autres lieux avec l’idée qu’ils y
trouveront une retraite loin des luttes et un soulagement loin des vaines pensées,
en passant d’un lieu dans un autre, d’une région dans une autre. C’est pourquoi
restons fixés dans le lieu où nous sommes ; et si une lutte ou une tentation nous
attaque, jeûnons, prions, faisons des génuflexions, prosternons-nous, frappons-
nous la poitrine devant la croix de notre Seigneur et demandons-lui son aide et
notre salut par nos larmes et la contrition de notre cœur, puisqu’à chaque instant
il est présent en nous et qu’il habite en nous. En effet il est écrit : Le Seigneur est
près de ceux qui ont le cœur contrit et il libère ceux qui ont l’esprit humble364.
Notre Seigneur dit aussi : Le royaume de Dieu est en vous365. C’est-à-dire
j’habite en vous. Car le royaume de Dieu, c’est le Christ (comme l’affirme saint
Macaire), qui toujours habite en nous. Le bienheureux Paul dit aussi : Ne sa-
vez-vous pas que le Christ habite en vous366 ? Et ce n’est pas seulement lui qui
habite en nous, mais nous aussi qui demeurons en lui, comme il le dit : Demeu-
rez en moi, comme moi je demeure en vous367. Pareillement le bienheureux Da-
vid dit : Sois ma demeure dans laquelle je pénètre à tout moment et règle mon
salut368. Si donc nous habitons en Dieu et que nous, nous soyons sa demeure, ne
l’abandonnons pas au moment des tentations, des tribulations et des luttes, en
quittant notre région et notre séjour pour aller chercher ailleurs du soulagement
et de l’aide, mais restons là où nous sommes et demandons à Dieu, qui habite en
nous, de nous défendre et de nous porter secours. Pour cela, ouvrons nos pensées
à nos Pères et implorons l’aide de leurs prières. Tenant bon là où nous sommes,
réfugions-nous toujours sous la protection de notre Sauveur ; et assurément il
nous fera sortir victorieux de toutes nos luttes.
leurs maîtres et comme le Seigneur a servi Pierre, le premier des apôtres ; et bien
qu’il soit son maître et son créateur, le Seigneur lui a fourni un humble service.
Par là, le Seigneur nous a montré que n’étaient pas moins grossiers ceux qui re-
poussent le service qu’on leur propose et qui ne laissent personne les servir,
comme le faisait Pierre par sa retenue, que ceux qui dédaignent de servir leurs
frères ; c’est pourquoi ceux-ci n’auront pas part avec le Seigneur, comme le Sei-
gneur le dit à Pierre374, parce que le Seigneur nous a enseigné de nous rendre
service réciproquement et mutuellement. »
6. À la question : Quelle est exactement la joie près de Dieu et que faut-il
faire exactement pour obtenir la vie éternelle ? Il répondit : « Tout commande-
ment accompli par notre œuvre dans la joie pour la gloire de Dieu, c’est la joie
près du Seigneur. Car en exécutant et en accomplissant ses commandements, il
faut nous réjouir ; au contraire, tant que nous ne les avons pas achevés, nous de-
vons nous affliger. Aussi efforçons-nous d’exécuter les commandements, la
liesse au cœur, pour que nous nous félicitions mutuellement dans le Seigneur ;
mais prenons bien garde que pendant que nous nous réjouissons, nous ne soyons
emportés par l’orgueil, mais ayons confiance dans le Seigneur. »
7. À la question : « Ne doit-on jamais rire ? » il répondit : « Le Seigneur
condamne ceux qui rient quand il dit : Vous vous lamenterez et vous pleurerez
mais le monde se réjouira375 ; donc un moine fidèle ne doit pas rire. Car il faut
que nous nous lamentions sur ceux qui blasphèment contre Dieu, en transgres-
sant sa loi et sur ceux qui passent toute leur vie à accomplir des péchés ; pleu-
rons et lamentons-nous ; implorons continuellement Dieu pour qu’ils ne persé-
vèrent pas dans les péchés et que la mort ne les prenne pas avant leur péni-
tence. »
8. Un jour, comme ils voyaient dans des solitudes un très grand nombre de
moines dans une grande ferveur rivaliser avec zèle par tous les mérites et par
toutes les œuvres de sainteté, des disciples posèrent à M. l’abba Antoine la ques-
tion en ces termes : « Père, est-ce que vont durer longtemps cette ferveur et ce
zèle pour la solitude, la pauvreté, l’humilité, l’amour, la frugalité et tous les
autres mérites auxquels ce nombre infini, ou presque, de moines s’emploie sans
compter ? L’homme de Dieu, non sans force soupirs et larmes, leur répondit ain-
si : « Un jour le temps viendra, mes fils bien-aimés, où les moines abandonne-
ront les solitudes et, pour les remplacer gagneront des villes relativement opu-
lentes et là, à la place des cavernes et des cellules du désert, les bâtiments or-
gueilleux et les palais rivaux des grands les attireront à l’envi ; à la place de la
pauvreté croîtra le zèle pour accumuler les richesses, l’humilité se tournera en
374 Jn 13, 8.
375 Jn 16, 20.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 239
376 1 Co 1, 12.
377 Si 31, 10.
378 Ce développement sur la discretio, « le discernement » se retrouve dans le même ordre
et avec les mêmes citations scripturaires chez Jean CASSIEN, Conf 2, 2-4, (SC 42).
379 Mt 25, 34. Le texte de Matthieu porte « dès la fondation du monde ».
240 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
leurs besoins quotidiens mais encore tout ce qu’ils possédaient, ils l’avaient dis-
tribué aux pauvres ; cependant, après tout cela, ils se sont écartés de la route et
sont tombés et, privés de tous ces mérites, ils sont devenus réprouvés. Or il n’y a
assurément aucune autre raison à cela si ce n’est qu’ils ont manqué du mérite du
discernement et de la prévoyance et qu’ils ne s’en sont pas servi380. Car ce mé-
rite est celui qui instruit et éduque l’homme à s’avancer sur une route droite et à
ne pas s’en écarter. En effet si nous avançons sur la voie royale381, nous ne se-
rons pas pris par ceux qui sont embusqués à droite, par suite d’un excès
d’abstinence, ni par ceux embusqués à gauche, par suite de négligence,
d’insouciance et de relâchement. Car le discernement est l’œil et la lampe de
l’âme, comme le Seigneur l’a dit dans le saint Évangile : L’œil est la lampe du
corps ; or si l’œil est plein de lumière, le corps aussi sera totalement plein de
lumière ; mais s’il est plein de ténèbres, le corps aussi sera totalement plein de
ténèbres382. Par le discernement, l’homme scrute ses volontés, ses paroles et ses
actes et se sépare de tous ceux qui l’éloignent de Dieu. Par le discernement, il
repousse et détourne chaque tromperie de l’ennemi dirigée contre lui et il dis-
tingue ce qui est bien de ce qui est mal. Ceci apparaît avec évidence dans la
sainte Bible. Saül, roi d’Israël, comme cette lampe lui faisait défaut, avait
l’esprit plein de ténèbres et ne comprit pas, de ce fait, comment il pourrait ob-
server ce que Dieu lui avait dit par la langue du prophète Samuel et que c’était
plus important que l’offrande de victimes ; ce qui fit qu’il mit Dieu en colère en
croyant lui plaire ; aussi fut-il chassé de la royauté383. L’Apôtre appelle le dis-
cernement le maître et le directeur de notre vie, suivant en cela l’Écriture : Sans
directeur ils tombent comme la feuille384. L’Écriture encore appelle aussi le dis-
cernement la réflexion et recommande de ne rien réaliser sans réflexion au point
même de ne pas nous permettre de boire le breuvage spirituel385 qui met la joie
dans le cœur de l’homme386 sans réflexion, puisqu’elle dit : Tout ce que tu réa-
lises, fais-le avec réflexion387. Et : Bois du vin avec réflexion388. Pareillement
l’Écriture nous dit : Une ville sans défense où peut entrer qui veut pour piller ses
trésors, tel est l’homme qui gère ses affaires sans réflexion389. »
389 Ps 25, 28 (LXX). Nous rétablissons dans notre traduction la comparaison entre la ville
mal défendue et l’homme irréfléchi. La traduction littérale est : « De même qu’entre
dans une ville sans défense quelqu’un qui veut piller ses trésors, de même est l’homme
qui gère ses affaires sans réflexion. » La Septante ne fait pas mention du pillard : « Une
ville aux murs abattus, sans défense, tel est l’homme qui agit sans réflexion. » Sur le
discernement, cf. Apophtegmes, Antoine 8.
390 Cf. Apophtegmes, Antoine 14.
391 Apophtegmes, Antoine 12.
392 Apophtegmes, Antoine 13.
242 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
violents plus que de juste, en disant : « Tu as commis tels et tels actes » ; mais lui
répondait avec constance qu’il n’avait rien commis de cela. Pendant que ces évé-
nements se produisaient, le hasard fit qu’abba Bebnud393 se trouvait là, qui leur
raconta un cas du même genre : « J’ai vu sur le rivage de la mer un homme en-
foncé dans la boue jusqu’aux genoux ; ceux qui sont venus à son secours se sont
enfoncés jusqu’aux épaules. » Quant à abba Antoine qui écoutait le propos d’abba
Bebnud, il dit : « Cet homme a le pouvoir de guérir et de sauver les âmes. » Aussi,
les frères eurent honte des mots qu’ils avaient dits et après avoir demandé pardon
à leur frère, ils retournèrent dans leur monastère394.
5. Un jour, il arriva qu’un frère dans un monastère ait eu une tentation, qui
l’en fit expulser. Il se dirigea dans la montagne auprès de l’abba Antoine et habi-
ta là quelque temps ; après quoi, le bienheureux le renvoya à son monastère ; on
refusa de l’y accueillir et on le chassa de nouveau. Il retourna auprès de l’abba
Antoine et lui dit : « On refuse de m’accueillir, mon Père. » Mais celui-ci le ren-
voya de nouveau, en disant aux frères : « Un navire a subi un naufrage et une
perte de sa cargaison et il a réussi à grand peine à rejoindre le port ; et mainte-
nant qu’il est sauvé, vous voulez le couler ? » Donc quand ils apprirent qu’il
avait été renvoyé par l’abba Antoine, ils l’accueillirent avec joie395.
6. Trois anciens avaient l’habitude de faire une visite annelle au bienheureux
abba Antoine ; deux d’entre eux le consultaient sur leurs méditations et sur le
salut de leur âme mais le troisième restait continuellement silencieux et ne
s’enquérait de rien. Mais après pas mal de temps, abba Antoine lui dit : « Cela
fait déjà longtemps que tu viens et tu ne me poses de questions sur rien. » Il lui
répondit : « Il me suffit, mon Père, de te voir396. »
7. Des frères partis du désert de Scété allèrent rendre visite au saint abba
Antoine, et une fois embarqués, ils trouvèrent parmi les Pères un vieux, qu’ils ne
connaissaient pas et qui entreprenait le même voyage. Donc, quand ils furent
installés dans le bateau, ils se mirent à parler des actes des Pères et ils
s’entretenaient des Écritures et de leurs travaux manuels. Le vieillard, lui, écou-
tait tout cela en gardant le silence. En débarquant, ils comprirent que le vieillard
poursuivait le même voyage vers le saint abba Antoine. Aussi, quand ils furent
arrivés et que saint Antoine les eut aperçus, il dit à ces frères : « Vous êtes tom-
bés sur le meilleur compagnon en la personne de ce vieillard. » Et il dit au vieil-
lard : « Toi aussi, Père, tu es tombé sur les meilleurs compagnons. » Le vieillard
393 La forme Bebnud est probablement la transcription arabe du nom d’abba Paphnuce,
comme le pense S. L. LE NAIN DE TILLEMONT, Mémoires pour servir à l’histoire ecclé-
siastique des six premiers siècles, 10, Paris 1705, p. 19.
394 Apophtegmes, Antoine 29.
395 Apophtegmes, Antoine 21.
396 Apophtegmes, Antoine 27.
Chapitre II. Les écrits de saint Antoine 243
lui répondit : « Ils sont bien les meilleurs, mais leur maison n’a pas de porte :
c’est pourquoi peut entrer qui veut dans leur écurie, détacher leur âne et
l’emmener, il n’y aura personne pour les en empêcher. » Le vieillard signalait
par là qu’ils avaient par leur conversation tout exposé au grand jour397.
8. On raconte qu’un frère, dans son mépris du monde avait distribué aux
pauvres tout ce qu’il possédait, ne gardant qu’un bien modique pour subvenir à
ses propres besoins et qu’il s’était retiré auprès de saint Antoine. Quand il l’eut
considéré et qu’il l’eut mieux connu, le vieillard lui dit : « Si tu veux devenir
moine, va dans tel bourg ; achète de la viande ; découpe-la en petits morceaux ;
déshabille-toi et suspends ces petits morceaux à tes bras et à tes mains et reviens
ici. » Le frère exécuta ce que le vieillard lui avait prescrit ; mais voici que les
chiens, les oiseaux et les frelons l’entourent et lui infligent des blessures aux
mains. Or quand il fut de retour près du vieillard, il lui demanda s’il avait bien
fait ce qu’il lui avait prescrit et commença à se plaindre en montrant ses bles-
sures. L’abba Antoine lui répondit : « Voilà ce qui arrive à celui qui a méprisé le
monde tout en gardant pour lui un bien modique ; il sera blessé par les diables et
succombera sous le harcèlement des luttes398. »
9. On raconte à propos du saint abba Antoine qu’après s’être établi dans une
solitude, un jour qu’il était atteint par le découragement et la lassitude et que ses
méditations l’avaient recouvert de ténèbres, il commença à se répandre en plaintes
auprès de Dieu en disant : « Je veux être sauvé mais mes méditations ne me le
permettent pas. Que dois-je faire de mes passions ? Et comment serai-je sauvé ? »
Et il s’éloigna un peu d’où il était pour s’installer ailleurs ; et voici qu’il voit un
homme tout occupé au travail de ses mains, qui par moment se levait pour prier,
en laissant son travail, puis revenait à son travail, qui consistait à tresser des
feuilles de palmier ; de nouveau il se levait pour prier, puis se remettait au travail.
Celui qui faisait cela était un ange envoyé par Dieu pour lui donner du courage et
pour réveiller sa force. Alors l’ange lui dit : « Agis ainsi, Antoine, et tu seras sau-
vé. » Ces paroles le réjouirent ; il imita le travail de l’ange et il fut sauvé399.
10. On raconte qu’un jeune moine fit un miracle sur une route à la vue
d’anciens qui étaient en voyage. Le miracle fut ainsi. Comme des anciens étaient
assis sur la route par suite d’une fatigue excessive, le jeune ordonna à des onagres,
qui paissaient près de là de venir transporter les anciens là où ils devaient aller ; ce
que les onagres accomplirent. Les anciens, dès leur arrivée, en firent part au saint
abba Antoine. Il leur dit : « En tout cas, on peut, à mes yeux, comparer ce moine à
un bateau avec sa cargaison de marchandises mais arrivera-t-il sain et sauf au
port ? Je ne sais. » Or quelque temps plus tard, alors que les disciples du Père
étaient restés dans l’ignorance du fait, voici qu’un vieillard se met à pleurer, à
s’arracher les cheveux et à se plaindre violemment. Les disciples lui disent :
« Père, qu’as-tu ? » Le vieillard répondit : « Un grand pilier de l’Église vient de
tomber à cette heure, je veux dire le jeune à qui les onagres obéirent ; dépêchez-
vous donc d’aller vers lui et de voir ce qu’il lui est arrivé. » Les disciples partirent
et trouvèrent le moine assis sur sa natte, qui pleurait et se lamentait pour le péché
qu’il avait commis. Quand il vit les disciples du vieillard, il leur dit : « Demandez
au vieillard qu’il supplie Dieu de m’accorder encore dix jours de vie pour que je
fasse pénitence. » Mais il mourut dans les cinq jours400.
11. On raconte que saint Antoine, frappé un jour par la profondeur des ju-
gements et des dispositions de Dieu, fit une prière en ces termes : « Seigneur,
comment se fait-il que des hommes parviennent jusqu’à la vieillesse et un âge
décrépit et que des enfants meurent et vivent peu ? Comment se fait-il que cer-
tains soient pauvres alors que d’autres sont riches ? Et comment se fait-il que les
tyrans et les oppresseurs prospèrent et s’enrichissent mais que les justes soient
aux prises avec les tribulations et le besoin ? Or comme il s’épuisait à retourner
longuement ces questions, une voix vint lui dire : « Antoine, vois pour toi et ne
scrute pas les jugements de Dieu401. »
12. On raconte que le saint abba Antoine a dit : « J’ai vu le Saint-Esprit des-
cendre sur trois personnes : sur abba Athanase, et on lui a donné le patriarcat ;
sur abba Pachôme, et on lui a donné le primat des cénobites ; sur abba Macaire,
et lui a été donnée la grâce des guérisons402. »
vaines paroles. » Le jeune moine, étonné de ces propos, dit : « Comment cela,
mon Père ? » « Parce que, répondit l’ancien, je m’écarte des commandements de
Dieu, cependant en psalmodiant, je dis : Maudit, celui qui s’écarte de tes com-
mandements403. Je commets des injustices, alors je chante : N’aie pas de pitié
pour tous ceux qui œuvrent dans l’injustice404. Je débite des mensonges et je prie
Dieu : Tu perdras tous ceux qui disent des mensonges405. Je suis totalement ac-
caparé par la préparation de la nourriture, par la gourmandise et la boisson et
avec impudence je profère devant Dieu : J’ai oublié de manger mon pain406. Je
me laisse volontiers aller à la paresse et au sommeil et à midi je chante sans hé-
siter : À minuit je me levais pour te reconnaître407. Je m’adonne avec empresse-
ment au repos et aux divertissements de la vie et je fuis l’épreuve et je récite
alors le psaume : J’ai connu l’épreuve dans le gémissement408. Je me consacre
sans compter au rire, aux divertissements et aux charmes du monde, cependant
j’entonne à pleine voix : Mes larmes furent mon pain, jour et nuit409. Mon cœur
est totalement accaparé pour capter honneurs et dignités du monde et je médite
les moyens en fonction du but ; néanmoins je claironne : Mon cœur médite tou-
jours sous ton regard410. Je ne jeûne presque jamais ou rarement et j’ai beau-
coup grossi et je suis bien portant ; je débite : Mes genoux sont affaiblis par le
jeûne411. Je me laisse emporter par l’orgueil, je suis totalement bouffi de con-
naissances comme une outre en peau d’âne, je ne m’applique aucunement aux
bonnes œuvres véritables ; je fuis les épreuves ; j’adresse cependant ma sup-
plique à Dieu : Vois mon humilité et mon épreuve ; remets-moi tous mes pé-
chés412. Mon cœur n’est pas prêt à se charger des choses divines ni à exécuter les
commandements de Dieu ; je récite cependant le psaume : Mon cœur est prêt,
Dieu, mon cœur est prêt413. Puisque donc les choses sont ainsi, ne me faut-il pas
craindre que j’aie fait la course pour rien414, que je me sois joué de la vérité et
que j’aie mérité le supplice à la place de la récompense ? »
À cela le jeune moine répondit : « Mon Père, tout cela David l’a énoncé à
son propos, mais non pas précisément pour nous, les moines. » L’ancien lui ré-
pondit, non sans force soupirs et larmes : « Mon fils, il est sûr que, si on laisse
de côté ce que David a chanté autrefois pour lui-même, maintenant ce que nous
chantons encore, nous le faisons vraiment pour nous, puisque nous le chantons
personnellement et que nous nous adressons à Dieu avec les mêmes mots ; nous
répandons des mensonges parce que la vérité voudrait que les paroles répondent
aux actes ; ainsi nos prières seront des paroles sans effet. Pire que cela, nos pa-
roles ne seront pas sans effet mais elles agiront contre nous. Et ce même David
aura fait cette prédiction très vraie à notre sujet : Et que sa prière tourne au pé-
ché415. De même celle du sage Salomon : Sa prière sera exécrable416 ».
415 Ps 108, 7.
416 Pr 28, 9.
Chapitre III
LES PAROLES DE SAINT ANTOINE
CPG 5558-5615
Pour certains, la figure d’Antoine qui se dégage des apophtegmes est plus au-
thentique que celle de la VA marquée par la théologie d’Athanase1.
Les réflexions et les anecdotes des Pères du désert ont été très vite consi-
gnées par écrit et ont formé des recueils d’apophtegmes, Geronticon2. Ceux-ci
ont connu une rapide diffusion à partir du IVe siècle et furent traduits en latin, en
copte, en syriaque, puis en arménien, en géorgien, en arabe, en éthiopien, en
slave et même en sogdien, une langue iranienne. L’enseignement des moines
d’Égypte a connu ainsi une large diffusion et une grande influence dans
l’histoire de la spiritualité chrétienne3. De nos jours le grand nombre de traduc-
tions dans les langues modernes témoigne de l’intérêt porté aujourd’hui encore à
ces brèves sentences4. L’éditeur de la Vie d’Antoine dans la collection Sources
chrétiennes écrit que : « les apophtegmes se composent de matériaux très dispa-
rates, élaborés au fil du temps, ce qui rend presque impossible d’en découvrir le
noyau primitif5 ». Cependant cela est somme toute assez secondaire, de peu
d’importance. L’attribution d’un texte à un Père montre tout d’abord l’estime
qui lui est portée, et d’autre part la vertu pour laquelle il est estimé. Elle tient
ainsi un rôle important pour cerner le culte dont ce Père a pu faire l’objet.
Les trente-huit apophtegmes de la collection alphabétique grecque mis sous
le nom d’Antoine sont bien connus, mais il y en a une centaine d’autres dans
diverses collections. Après un inventaire de ces apophtegmes attribués à saint
Antoine, nous en donnons le texte en français, avant d’en tirer leur apport pour
cerner le culte de saint Antoine.
1 H. DÖRRIES, « Die Vita Antonii als Geschichtsquelle », Wort und Stunde, vol. 1,
Göttingen 1966.
2 Le premier à avoir employé ce terme semble être DOROTHÉE DE GAZA, SC 92, 20012,
Lettre d’envoi 2 ; Instructions 17, 18, 37, 60, 71, 125, 151, 174.
3 A. GUILLAUMONT, « L’enseignement spirituel des moines d’Égypte : la formation d’une
tradition », dans Maître et disciples dans les traditions religieuses, éd. M. MESLIN, Paris
1990, p. 143-154 ; repris dans Études sur la spiritualité de l’Orient chrétien, SO 66,
1996, p. 81-104.
4 Cf. G. J. M. BARTELINK, « Les apophtegmes des Pères. À propos de deux études ré-
centes », VC 47, 1993, note 5, p. 396.
5 G. J. M. BARTELINK, VA, introduction, p. 44.
248 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
1. Inventaire
Pour apprécier la place que saint Antoine tient dans l’enseignement monastique
du IVe siècle à nos jours, nous avons relevé les apophtegmes qui le concernent
dans les versions grecques, latines, syriaques, arméniennes, coptes, géorgiennes,
arabes et éthiopiennes. Après abba Poemen, Antoine tient la seconde place des
noms mentionnés dans les collections d’apophtegmes.
Notons qu’un apophtegme peut être mis sous le nom d’Antoine dans une
collection et non dans une autre. Ainsi l’apophtegme de Poemen 168 est-il mis
sous le nom d’Antoine dans la collection traduite du copte par Amélineau (Am
37, 12) ; de même Poemen 119 est attribué à Antoine dans la recension brève de
Paschase de Dumio (Pa 38, 1a) et dans la collection arménienne. L’anonyme N
370 est sous le nom d’Antoine dans la recension de Paschase de Dumio (PA
73, 2) ainsi que dans la collection de type sabaïte6, dans le manuscrit géorgien
Sinaï 35 ; dans le manuscrit du Xe-XIe siècle, Paris, Coislin 126, il prolonge
l’apophtegme Antoine 387. N 321 est attribué à Antoine dans la recension brève
de Paschase de Dumio (Pa 32, 1).
De ce vaste ensemble, voici un inventaire des apophtegmes de saint An-
toine.
6 Cf. J.-C. GUY, Recherches sur la tradition grecque des Apophtegmata Patrum, SH 36,
19842, p. 229.
7 Ibid., p. 19.
8 Cf. W. BOUSSET, Apophthegmata, Tübingen 1923, p. 75-76.
9 ÉVAGRE, Sur les pensées 35, SC 438, 1998, p. 277 (ce texte se trouve dans la Philocalie
roumaine, t. 1, 1999, p. 81, mais non dans l’original grec de la Philocalie, ni dans la tra-
duction française).
10 ÉVAGRE, Traité pratique, SC 171, 1971, § 92, p. 695 ; Verba seniorum, recension de
Jean, IV, 16 (PL 73,1018 B-C) ; SOCRATE, Histoire ecclésiastique IV, 23, 43-44, SC
505, 2006, p. 93. Le texte est donné avec la référence à Socrate dans les Proloagele
roumains, au 17 janvier.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 249
arabe et géorgienne11. Mais il est à noter que tous les manuscrits du Traité pra-
tique ne possèdent pas la section des apophtegmes.
Nous mentionnons aussi deux paroles de saint Antoine données dans la
première Conférence de l’abba Isaac sur la prière, transmise par Jean Cassien et
une dans les Institutions cénobitiques12, bien que son œuvre ait été écrite en la-
tin ; mais elle a été très tôt traduite en grec13, c’est pourquoi nous l’incluons dans
notre dossier oriental d’Antoine. Dans la correspondance de Barsanuphe et Jean
de Gaza, les lettres 140 et 143 semblent faire écho à cette Conférence14.
Dès le Ve siècle, deux collections d’apophtegmes circulent ; alphabéti-
co-anonyme et systématique.
Dans la collection alphabético-anonyme, les sentences sont classées selon
l’ordre alphabétique de leur auteur suivies des textes anonymes. La série alpha-
bétique (Alph)15 s’ouvre par trente-huit paroles d’Antoine. Le n° 10 provient de
la Vie d’Antoine écrite par saint Athanase16, les n° 8 et 22 des lettres
d’Antoine17. Dix-neuf autres apophtegmes placés sous le nom d’un autre moine
ont trait aussi à Antoine. La collection anonyme (Anon) compte dix-sept textes
attribués à Antoine18.
La collection dite systématique normale classe les apophtegmes à l’intérieur
de chapitres thématiques. Elle vient d’être éditée en grec avec traduction fran-
çaise dans la collection Sources chrétiennes (Sys-gr)19. À l’exception de huit
d’entre eux (5, 25-26, 28-31, 34), les apophtegmes d’Antoine de la collection
alphabétique appartiennent aussi à cette collection systématique grecque, qui
commence elle-même par deux de ses apophtegmes (Antoine 3 et 6). La plupart
20 L. REGNAULT, Les sentences des Pères du désert. Troisième recueil et tables, Solesmes
1976, p. 109-119.
21 Ce manuscrit est décrit dans C. VAN DE VORST et H. DELEHAYE, Catalogus codicum ha-
giographicorum graecorum Germaniae Belgii Angliae, SH 13, Bruxelles 1913, p. 297.
22 CPG 5570 : PL 73, 855-1022 ; 1060-1062. Trad. française J. DION, G. OURY, Les Sentences
des Pères. Les apophtegmes des Pères (recension de Pélage et Jean), Solesmes 1966.
23 CPG 5571 : J. GERALDES FREIRE, A versao latina por Pascasio de Dume dos Apoph-
thegmata patrum, Coimbra 1971. Trad. française, L. REGNAULT, Livre des anciens, coll.
Foi vivante 365, Solesmes 1995.
24 PL 73, 1025-1062.
25 CPG 5572 : trad. française P. DESEILLE, dans L’Évangile au désert, Paris 1964, p. 111-
128 ; 19852, p. 161-187.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 251
commence pas par un apophtegme d’Antoine, mais d’Arsène, alors que la ver-
sion géorgienne donne Antoine 26. Elle indique aussi Antoine 31 qui ne se
trouve pas dans la collection systématique grecque.
• A-95 : Apophtegmes. La série de 31 textes est plus complète que celle du Sinaï
35: 1-4, 6-13, 15-19, 21, 23, 25-27, 29, 32, 37-38 ; les 4 anonymes plus J 760.
• A-19 : Vie d’Antoine
Antoine 33 n’est conservé que dans Iviron 17. Suit la Vie (toujours anonyme)37.
37 Nous remercions vivement B. OUTTIER qui nous a communiqué ces renseignements sur
le second volume de M. DVALI et sur les homéliaires. Il a édité ces textes dans « La plus
ancienne traduction géorgienne des apophtegmes : son étendue et son origine », Mraval-
tavi VII, Tbilisi 1980, p. 7-17.
38 Cf. R. BEYLOT, Langue et littérature éthiopiennes, dans Christianismes orientaux, Paris
1993, n° 429.
39 L. REGNAULT, Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, Solesmes 19772, p. 287.
40 V. ARRAS, Patericon aethiopice, CSCO 277-278/Aeth 53-54, 1967, p. 95.
41 V. ARRAS, Geronticon, CSCO 476-477/Aeth 79-80, 1986. Cf. R. BEYLOT, op. cit.,
n° 437, p. 250.
42 Il correspond à Am 31, 11. On pourra corriger la référence donnée par V. Arras : la tra-
duction française se trouve dans Les sentences des Pères du désert. Troisième recueil,
144-145 et non 151.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 255
l’histoire du roi des Francs dont Antoine guérit le fils. Le Geronticon contient
aussi l’extrait de Jean Sabas cité plus haut. Ger. 412 offre trois exhortations at-
tribuées à Antoine. La seconde correspond à l’anonyme de la collection systé-
matique grecque XI, 51.
Au XVIIe siècle, fut traduit de l’arabe en ge’ez un traité ascétique tiré des ou-
vrages et des apophtegmes de plusieurs Pères, édité et traduit en latin par V. Ar-
ras, sous le titre Collectia monastica (abr. Col.)43. En plus d’Antoine 3, 23 et 32,
il contient cinq apophtegmes d’Antoine qui lui sont propres (Col. 13, 73 ; 14,
278 ; 14, 37 ; 14, 55 ; 14, 64).
Un manuscrit éthiopien du début du XVIIIe siècle, Oriental 768 de la Biblio-
thèque de Grande Bretagne, contient deux collections de textes monastiques. La
seconde est éditée et traduite par V. Arras sous le nom Asceticon (abr. Asc.)44. Il
contient Antoine 32 (Asc. 61, 1), N 520 (Asc. 18), Am 44, 3-10 (Asc. 61, 2), ain-
si que les canons et les préceptes attribués à Antoine (Asc. 62).
rente : Antoine 20, 22, 10, 11. La dernière est encore un extrait de la VA : la
mort du persécuteur Balakios, VA 8651.
66 2e éd. à Iaşi en 1913, par les soins de A. PETRESCU, puis 3e éd. à Râmnicu-Vâlcea en
1933 ; elle est reproduite en 1990, 1993, 1997 et 2003 à Alba Iulia. L’édition de 2003
contient quelques commentaires de I. NISTEA pour les apophtegmes de saint Antoine.
La présente étude permet de modifier la note 8, p. 2. L’apophtegme 2 de la version
roumaine n’est pas dû au traducteur puisque nous l’avons trouvé dans le recueil
d’apophtegmes coptes d’Amélineau (Am 31, 11).
67 Nous remercions le monastère Stavropoleos de Bucarest qui a vérifié sur le Patericon
de 1828 de leur bibliothèque la présence de ces quarante apophtegmes. Ce Patericon
vient d’être réédité à Bucarest en 2011 sous le titre Pateric egyptean, corrigé, complété
et annoté par le moine Filotheu BĂLAN.
68 Dans le catalogue de S. LAMPROS, Greek Manuscripts on Mount Athos, Cambridge
1900, t. 2, p. 477, il porte le n° 251. Ce manuscrit est décrit dans Pateric egyptean, Bu-
carest 2011, p. 525-526.
69 Communication particulière. Il se trouve p. 38 sous le numéro A3 dans le t. 1 du Grand
Patericon (éd. de 2007). Ce Patericon compilé à partir des manuscrits Coislin gr. 108,
Coislin gr. 127 et Sinaiticus gr. 454 a été éditée par les moniales de l’hésychastère « La
Nativité de la Mère de Dieu » de Panorama, Thessalonique, en 4 volumes (t. 1, 1994,
20072, t. 2 ; 1995, 20062, t. 3 ; 1997, 20092, t. 4, 1999). Il est traduit en allemand par la
moniale Irène (La Canée, Crète) et édité en 2009, à Nauen, par Verlag Prodromos.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 261
Au nombre des apophtegmes d’Antoine, nous n’avons pas retenu ceux qui par-
lent de la « montagne d’Antoine », de « disciple », d’« ami » d’Antoine, ou de la
Vie d’Antoine70.
Dans un tableau, nous avons indiqué les concordances entre les diverses ver-
sions et dans la dernière colonne quelques occurrences de ces apophtegmes dans
la littérature patristique71. Pour certaines, il s’agit de l’origine de ces apoph-
tegmes. Ainsi en est-il pour les Lettres d’Antoine, d’où sont tirés quelques
apophtegmes. Nous indiquons entre crochets ceux qui ne sont pas attribués à
Antoine dans toutes les recensions, en mettant en gras le lieu où cette attribution
existe.
– 38 apophtegmes de la collection alphabétique sous le nom d’Antoine
– 1 apophtegme dans le Traité pratique d’Évagre
– 3 apophtegmes rapportés par Jean Cassien
– 19 apophtegmes de la collection alphabétique concernant Antoine, sous un
autre nom
– 17 apophtegmes de la série anonyme
– 2 apophtegmes tirés de la VA dans trois manuscrits du XIIe s.
– 1 apophtegme propre au recueil de Paul Evergetinos
– 2 apophtegmes propres à la recension brève de Paschase de Dumio
– 2 apophtegmes propres aux Commonitiones Sanctorum Patrum
– 5 apophtegmes propres à la collection syriaque traduite en anglais par Budge
– 1 apophtegme propre à la collection arménienne systématique.
– 33 apophtegmes propres à la collection Amélineau
– 12 apophtegmes propres aux collections éthiopiennes
– 1 apophtegme arabe
– 1 apophtegme arabe dans le Supplément antonien de Paris ar. 253, Sinaï ar.
444 et 565
Ceci constitue un ensemble de 138 apophtegmes72.
70 Ce sont les apophtegmes Sisoès 7, 8, 15, 18, 25, 28 et Bu I 258, Eth. Coll. 13, 73, 14,
28, 14, 37, 14, 55, 14, 64 concernant Sisoès qui habitait la montagne d’Antoine (cf. Si-
soès 28) ; N 277, au sujet de sept moines qui y demeuraient, Nisterôs 2 (ami d’Antoine),
Paul le simple et Pythirion (disciples d’Antoine) ; Pierre de Dios (VA).
71 Pour des tableaux de concordance des apophtegmes, cf. W. BOUSSET, Apophthegmata,
Tübingen 1923 ; J.-M. SAUGET, « La version sahidique des Apophtegmata Patrum et
son modèle grec », OCP 39, 1973, p. 445-453 ; L. REGNAULT, Les sentences des Pères
du désert. Troisième recueil et tables, Solesmes 1976, p. 201-308 ; Y. NESSIM YOUSSEF,
« Concordance des Apophtegmata Patrum », VC 52, 1998, p. 319-322.
72 Notre liste, faite indépendamment de celle de S. Rubenson (The Letters, 1995, p.
193-195), en diffère. Celui-ci a relevé les apophtegmes qui mentionnaient simplement « la
montagne d’Antoine » ou un « disciple d’Antoine » sans donner une parole d’Antoine,
262 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
D’autres paroles d’abba Antoine nous sont conservées dans divers écrits.
Ainsi le Commentaire du livre d’abba Isaïe par Dadiso Qatraya (milieu du VIIe
siècle), au sujet du logos 5,19 d’abba Isaïe, donne un précepte attribué à abba
Antoine : « Habitue-toi à dire „pardonne-moi” et l’humilité viendra sur toi73. »
De fait ce texte est le chapitre 64 de la Règle dite de saint Antoine. Il se trouve
mis en pratique à la fin du second apophtegme de son disciple Macaire. Ce pas-
sage est repris par un commentateur anonyme du livre d’abba Isaïe édité par R.
Draguet74.
mais non tous les apophtegmes qui ne sont attribués à Antoine que dans certaines collec-
tions. Ainsi sur les 18 apophtegmes de la collection alphabétique donnés sous un autre
nom qu’il présente, nous n’avons pas retenu Nisterôs 2, Pityrion, Paul, Sisoès 7 et Sisoès
28, qui ne donnent pas une parole d’Antoine, mais par contre nous avons donné Poemen
125, qui cite une parole d’Antoine ainsi que Évagre 1a, Joseph le Thébain, Poemen 1, 19,
et 168, qui sont sous le nom d’Antoine dans certaines collections, ce qui donne un total de
19 apophtegmes de la collection alphabétique concernant Antoine, sous un autre nom. Sur
les 16 de la collection anonyme relevés par S. Rubenson, nous n’avons pas indiqué N
592/1-2, qui comporte une simple indication géographique « sur le golfe du bienheureux
Antoine », mais nous avons ajouté N 353 attribué à Antoine dans la collection arabe et N
370 attribué à Antoine dans la collection de Paschase de Dumio, soit 17 apophtegmes.
Dans la collection syriaque, nous avons relevé 5 apophtegmes et S. Rubenson, 2 seule-
ment. Dans la collection Amélineau, S. Rubenson compte 32 apophtegmes au lieu de 33,
car il unit Am 44, 2 et 44,10 (n° 52+53). Dans la collection brève de Paschase de Dumio,
S. Rubenson mentionne 19, 3, qui est en fait tiré du chapitre 21 de Pallade et 19, 4, qui
correspond à Am 31, 11. 19, 5 ne semble pas pouvoir être rapporté à Antoine. D’autre
part, il n’a pas relevé les apophtegmes propres aux collections éthiopiennes. Ce qui lui
donne un total de 119 apophtegmes.
73 DADISO QATRAYA, Commentaire du livre d’abba Isaïe, CSCO 327/Syr 145, 1972, p. 76.
Cf. note 314, p. 221.
74 Commentaire anonyme du livre d’abba Isaïe, CSCO 337/Syr 151, 1973, p. 15.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 263
264 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 265
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Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 273
pas, il lui dit : « Tu es comme un édifice dont les devants sont magnifiques, mais
dont le derrière est pillé par les voleurs. »
80 Mt 5, 39.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 277
rendez pas le mal que vous avez reçu. » Ils lui dirent encore : « Cela non plus,
nous ne le pouvons. » Le vieillard dit alors à son disciple : « Fais-leur une petite
bouillie, car ils sont malades. » Puis il dit aux frères : « Si vous ne pouvez ceci
ni ne voulez pas même cela, que ferai-je pour vous ? Il faut des prières. »
81 Ep 5, 18.
82 Lc 21, 34.
278 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
phalas, était là et il leur dit cette parabole : « J’ai vu, sur la rive du fleuve, un
homme enfoncé dans la vase jusqu’aux genoux ; puis arriver certaines gens qui,
lui donnant la main, l’enfoncèrent jusqu’au cou. » Et l’abba Antoine dit aux
frères au sujet de l’abba Paphnuce : « Voilà un homme véridique, apte à soigner
et sauver les âmes ! » Pénétrés alors de componction à cette parole des vieil-
lards, les frères firent une métanie au frère ; et, encouragés par les Pères, ils re-
prirent le frère au monastère.
Synaxaire arménien
Les empereurs, le grand Constantin et ses fils Constant et Constance écrivirent à
Antoine, demandant ses prières et l’invitant à venir auprès d’eux. Il dit à ses dis-
ciples : « Si j’y vais, je deviens le Seigneur Antoine, et si je n’y vais point, je
reste le moine Antoine. Malheur à l’homme dont la renommée est plus grande
que son œuvre. » Aussi Antoine, par ordre de tous les anachorètes, écrivit cette
réponse : « Toutes mes prières iront à toi, mais mes pieds n’iront point. »
Geronticon éthiopien
On dit de lui : « Le roi de Rome eut un fils qui hérita du règne après lui. Et il se
fit qu’il tomba dans les griffes du démon. Son père rassembla tous les savants et
tous les médecins et personne ne put le guérir. Il eut vent de la renommée du
saint et il fit envoyer auprès de lui une ambassade avec des cadeaux de prix,
pour le prier de venir à lui. Et lui n’accepta rien de ces présents mais éprouva de
la joie d’entendre parler de lui et dit à son disciple : „Que me conseilles-tu, de
partir ou de rester ?” Et il lui dit : „Ô notre père, si tu pars, tu es Antoine et si tu
restes tu es vraiment toi-même.” Car le disciple aimait son maître et ne pouvait
pas se séparer de lui. Le saint se mit alors à prier et le résultat fut en faveur du
280 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
roi et une nuée le porta jusqu’à la terre du roi et il s’assit à la porte de l’entrée du
gouverneur. Et quand le gouverneur vint et le vit ainsi à sa porte, il l’invita à en-
trer : il entra et on dressa la table. Et il y avait dans la maison du gouverneur une
truie qui avait mis bas des pourceaux, les uns aveugles, les autres boiteux ; et
elle de saisir ses petits et de les amener au saint. Et il s'adressa au gouverneur
dans la langue des Francs pour lui dire : « Ne penses-tu pas qu’elle demande le
salut de son fils, à moins qu’il ne s’agisse du roi ? Et puis il cracha, fit le signe
sur leurs yeux : ils virent et furent guéris. Et voyant ce signe ils sont recréés
comme s’ils avaient été morts.
Et la nouvelle parvint aux oreilles du roi qui le fit venir immédiatement à
lui : et il guérit son fils. Et il dit au roi : « J’ai ouï dire que tu as envoyé, et c’est
pour toi perte d’argent, à cet imposteur d’Antoine l’Égyptien, tes messagers qui
pour toi ont peiné, et c’est en raison de ta foi que le Seigneur m’a envoyé vers
toi. » Il salua le roi et s’en retourna. Et le lendemain vinrent à lui les ambassa-
deurs qui lui dirent : « Lève-toi et viens avec nous. » Et il dit : « Précédez-moi et
moi j’irai sur vos pas. » Et ils ne purent lui résister : ils crurent donc à sa parole
et retournèrent dans leur pays. Et quand ils arrivèrent, ils apprirent qu’un autre
saint était venu et avait procédé aux guérisons car cela fut la volonté de saint
Antoine d’écarter de lui la vaine gloire et l’orgueil. Mais notre Seigneur Jésus-
Christ ne laissa pas cachées ses perfections et sa renommée fut proclamée dans
les pays des Francs. Et les messagers admirèrent comment il était venu en un
seul jour et s’en était retourné en un second et comment il avait parlé avec eux
leur propre langue et ils louèrent le Seigneur83.
dénuement, les veilles, les pleurs et les larmes, gémissez dans votre cœur. Exa-
minez si vous êtes dignes de Dieu ; méprisez la chair pour sauver vos âmes. »
86 Dt 32, 7. Lorsque Théognoste cite cet apophtegme, il donne la fin de Dt 32, 7 « tes an-
ciens, et ils te diront » (cf. p. 317).
282 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
répondit : « Mon livre, ô philosophe, c’est la nature des êtres, et il est là quand je
veux lire les paroles de Dieu87. »
41. Cassien, Conf IX, 31a (trad. E. PICHERY, SC 54, 1958, p. 66)
Afin de vous donner l’impression de ce qu’est la vraie prière, ce n’est pas
mon sentiment que je vous dirai, mais celui du bienheureux Antoine. Je l’ai vu
demeurer si longtemps en oraison, que souvent les premières heures du soleil
levant le surprenait dans son extase ; et je l’ai entendu qui s’écriait alors, dans la
ferveur de son âme : « Ô soleil, pourquoi me troubler ? Tu ne te lèves si tôt, que
pour m’arracher aux clartés de la „vraie lumière88 !” »
42. Cassien, Conf IX, 31b (trad. E. PICHERY, SC 54, 1958, p. 66)
C’est de lui encore qu’est cette parole céleste et plus qu’humaine, sur le de-
gré le plus élevé de la prière : « La prière n’est point parfaite où le moine a
conscience de soi et connaît qu’il prie. »
87 Pour un commentaire de cet apophtegme, cf. G. BUNGE, Évagre le Pontique. Traité pra-
tique ou le moine, SO 67, 1996, p. 264-266.
88 Jn 1, 9 ; 1 Jn 2, 8.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 283
apparut comme une main d’homme suspendue en l’air et lui indiquant la route,
jusqu’à ce qu’il fût parvenu devant la grotte de l’abba Antoine.
89 Dans la collection systématique grecque, cet apophtegme III, 2 est mis sous le nom
d’Antoine. Selon J.-C. GUY (SC 387, p. 149, note 1), il se poursuit avec le n° 5 et il serait
284 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
d’Évagre (ÉVAGRE, Rerum monachalium rationes 9, PG 40, 1261 ; ce texte est donné
dans la Philocalie, Paris 1995, t. 1, p. 82). Mais on le trouve sous le nom d’Ammonas,
disciple d’Antoine, dans les manuscrits Coislin 108 et Coislin 127 (cf. F. NAU, Ammonas,
successeur de saint Antoine, PO 11, 1914, 19942, p. 486-487), ainsi que dans la collection
arménienne (III 1R, CSCO 353, p. 156-157). Dans le recueil de Paul Evergetinos, il est
anonyme (PE I, 5, 6, 2).
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 285
Antoine trempa pour lui-même des rameaux de palmier. Et l’abba Macaire lui
dit : « Permets que j’en trempe pour moi aussi. » Il répondit : « Trempe. » Et, en
ayant fait une grosse botte, il la trempa. Et assis depuis le soir et parlant du salut
de l’âme, ils tressèrent. Et la corde descendait par la fenêtre dans la grotte. En y
entrant à l’aube, le bienheureux Antoine vit toute la longueur de la corde de
l’abba Macaire et dit : « Une grande puissance sort de ces mains. »
53. [Poemen 1] (Arm, CSCO 371/Subs 47, XI, 9A, p. 120 [trad. latine]).
Amon s’était mis dans l’esprit d’aller recevoir l’enseignement d’Antoine sur
trois paroles. Et quand il fut presque arrivé chez Antoine, il avait oublié toutes
les paroles et retourna dans son ermitage et posa la clef sur la serrure, se souvint
de la parole, laissa la clef dans la serrure et retourna d’où il était venu une se-
conde fois vers Antoine et il y avait une montagne à mi-chemin. Et quand An-
toine eut saisi ce qu’il avait fait, il dit : « Ô Amon, de ton nom l’Égypte tout en-
tière sera remplie. »
90 1 Co 3, 16.
286 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
59. [Poemen 168] (Am 37, 12 : Les sentences des Pères du désert. 3e recueil,
p. 148).
Un frère interrogea abba Antoine en disant : « Comment rester assis dans la
cellule, mon père ? » Le vieillard lui dit : « Ce qui paraît aux hommes, c’est
ceci : le jeûne jusqu’au soir, chaque jour, la veille et la méditation ; mais ce qui
est caché aux hommes, c’est le manque d’estime pour toi, la lutte contre les
pensées mauvaises, la douceur, la considération de la mort et l’humilité du cœur,
fondement de tous les biens. »
91 Is 40, 1.
92 Is 38, 5.
93 Is 37, 36.
94 Cet apophtegme est un doublet d’Antoine 4.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 287
95 Ac 9, 15.
96 Dn 3, 49.92.
97 Ex 33, 9.
288 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
mourut le jour même. Le frère fit comme il le lui avait recommandé et jeta son
corps nu dans le désert : ils habitaient en effet à une distance de vingt milles du
camp au lieu-dit Metemer. Or le troisième jour, celui qui était parti vers le Sei-
gneur, lui apparut en songe et lui dit : « Frère, Dieu m’a fait grande miséricorde
parce que mon corps est resté sans sépulture. Il m’a dit : « Voici, à cause de ta
grande humilité, j’ai ordonné que tu sois avec Antoine. » Et alors j’ai prié aussi
pour toi ; mais va-t-en, abandonne le jardin et prends soin d’un autre jardin. En
effet, à l’heure où mon âme s’en est allée, j’ai vu que mes larmes avaient éteint
le feu où j’allais partir. »
81. PE III 16, 7 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 184-185).
Nos saints pères Antoine et Pachôme, Amoun et Sérapion, ainsi que les
autres pères théophores ont prescrit qu’aucun moine, sauf le cas d’une grande
faiblesse ou de maladie, ne se mette tout nu. Et eux-mêmes, quand ils voulaient
traverser les fleuves pour des raisons sérieuses sans qu’il y ait de bateau pour
passer, ne consentaient pas à se dévêtir par respect pour le saint ange qui les ac-
compagnait et pour le soleil qui les éclairait et pourtant ils n’étaient pas regardés
par les hommes. Mais ils priaient Dieu et traversaient dans les airs ; et le Dieu
bienveillant et tout-puissant acceptait volontiers leur prière également vraie et
pleine de pitié, il l’accomplissait d’une manière merveilleuse et leur donnait du
secours dans le travail. » Après m’avoir dit cela, l’ancien se tut.
82. Pa 26, 4 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 210).
Le bienheureux Antoine donnait ce conseil à son disciple : « Déteste ton
ventre et les besoins du siècle, les mauvais désirs et les honneurs, comme si tu
n’étais plus de ce monde, et tu auras la paix. »
83. Pa 40, 1 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 212-213).
Un frère posa cette question à saint Antoine : « Dieu promet le bonheur à
l’âme moyennant la fréquentation assidue des Écritures. Pourquoi l’âme ne veut-
elle pas rester dans le bonheur, mais tombe-t-elle dans les plaisirs éphémères,
fragiles et impurs ? » Il répondit : « C’est ce qu’explique la parole du psalmiste :
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 293
104 Ph 3, 13.
105 3 R 17, 1 ; 18, 5.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 295
87. Bu I 607 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 228).
L’abba Antoine disait : « Il y en a beaucoup qui tombent, se relèvent et vi-
vent avec droiture ; il y en a qui tombent des bonnes actions dans l’inconduite.
Mieux vaut celui qui tombe et se relève que celui qui était debout et tombe. »
88. Bu II, 103 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 230).
L’abba Sisoès nous indiqua la direction de l’abba Antoine et dit ceci :
« Dans la grotte d’un lion demeure un renard. »
89. Bu II, 471
Abba Antoine disait : « Lorsque nous nous levons le matin chaque jour, pen-
sons que nous ne parviendrons pas jusqu’au soir et quand nous nous couchons
pensons que nous ne pourrons pas vivre jusqu’au matin ; car nous ne connais-
sons pas les jours de notre vie, mais ils sont connus de Dieu. Si nous faisons cela
chaque jour, nous ne pècherons pas, nous ne ferons rien de mauvais devant
Dieu, et nous ne désirerons pas des choses de ce monde, nous ne serons en co-
lère contre personne, mais en toutes choses, nous considérerons notre âme,
comme des hommes qui attendent la mort. »
90. Bu II, 474
Un des frères l’interrogea au sujet des pensées et l’ancien [Antoine, dans la
pièce précédente] répondit en lui disant : « Ne t’en préoccupe pas, mais laisse-
les tomber jusqu’à ce qu’elles engendrent des vers et périssent. »
91. Arm II 430 (77) A (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil,
p. 271).
Un frère du nom de Simon alla chez Antoine et lui dit : « Abba, j’ai fait un
rêve qui me disait : Demeure avec un homme deux fois plus laborieux que toi. »
Antoine lui dit : « C’est le démon qui t’est apparu, car il t’a loué et t’a dit labo-
rieux. » Le frère lui dit : « Il était revêtu de lumière. » Antoine dit : « Il peut se
transformer en ange de lumière106. » Le frère se dit en lui-même : « Antoine
ignore les choses cachées. » Mais Antoine le sut et lui dit : « Insensé, j’ai su
quand le Mauvais est venu à toi ; il ne t’a pas dit : „Salut”. Tu ne l’as pas recon-
nu à cela du moins que le salut n’était pas dans sa bouche ? »
92. Am 15, 7 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 139).
Abba Antoine a dit : « Quelqu’un a coutume d’engendrer la mort, mais s’il
fait ce qui est bon pour lui, il engendrera la vie. »
93. Am 17, 4 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 140).
Abba Antoine a dit : « Si tu vis avec le Christ, que ta cellule soit pour toi
une prison ; fais souvenir en tout temps de ta sortie du corps ; n’oublie pas le
jugement éternel qui doit venir, et aucun péché ne surviendra plus du tout à ton
âme. Sois participant du Saint-Esprit, afin que tu vives avec le Seigneur à ja-
mais. Si tu persévères auprès de Dieu, tu obtiendras la vie éternelle et Dieu effa-
cera tes péchés, afin de t’établir de nouveau dans son royaume. »
94. Am 21, 3 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 141).
On a dit d’un frère qu’il avait vaincu la colère. Une fois, il alla visiter abba
Antoine. Quand on eut fini la synaxe, abba Antoine, voulant l’éprouver pour
voir s’il avait vaincu la passion, lui dit : « Lève-toi, récite quelque chose par
cœur. » Lorsque le frère fut debout, il dit au vieillard : « Sur quoi veux-tu que je
médite ? Dans l’Ancien ou le Nouveau Testament ? » Lorsque abba Antoine eut
entendu ces paroles, il lui dit : Assieds-toi, orgueilleux qu’on ne peut guérir. »
Lorsque le frère se fut assis, le vieillard lui dit : « Je viens de te dire : Lève-toi ;
fais un peu de méditation par cœur. » Lorsque le frère se fut levé, il dit au vieil-
lard ; « Veux-tu que je le fasse dans le Nouveau ou dans l’Ancien Testament ? »
Le vieillard lui dit : « Assieds-toi grand orgueilleux. » De nouveau, le frère
s’assit. Le vieillard lui dit : « Lève-toi, fais un peu de méditation par cœur. » Le
frère lui dit de nouveau : « Le ferai-je dans le Nouveau Testament ? » Le vieil-
lard lui dit : « En vérité mon fils, tu as accompli tout l’Ancien et le Nouveau
Testament ; dis ce que tu voudras. »
95. Am 22, 5 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 139).
On a dit de deux frères qu’ils se rencontrèrent dans un couvent : l’un était un
ascète accompli, l’autre un obéissant plein d’humilité. Ils s’interrogèrent l’un
l’autre, en disant : « Quelle œuvre est la plus grande ? » Et, lorsqu’ils furent ar-
rivés au fleuve, il y avait là une foule de crocodiles, et l’obéissant passa au mi-
lieu d’eux vers l’autre rive ; ils l’adorèrent. Et il dit à l’ascète : « Viens aussi, toi
sur l’autre rive. » L’ascète lui dit : « Pardonne-moi, mon frère, je ne suis pas
parvenu à cette mesure. » Et quand ils furent revenus au couvent, une voix se fit
entendre à abba Antoine, à la montagne, disant : « L’obéissant a surpassé
l’ascète. »
96. Am 22, 14 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 141-142).
Un frère qui était pressé par ses pensées de sortir de son habitation, le dit à
abba Antoine. Le vieillard lui dit : « Va, assieds-toi dans ta cellule ; donne ton
corps en gage aux murs de ta cellule, et ne sors pas ; laisse la pensée aller au lieu
où il lui plaira, seulement, ne laisse pas sortir ton corps hors de la cellule. Il
souffrira, il ne pourra faire aucun travail. Alors il aura faim et il viendra à
l’heure du repas, tournant auprès de toi pour manger. S’il te dit, près de l’heure :
« Mange un peu de pain pour toi », dis-lui toi aussi en veillant : „L’homme ne
vivra pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 297
107 Dt 8, 3 ; Mt 4, 4.
108 1 Tm 5, 23.
109 Jr 35, 6.
110 Mt 26, 41.
111 Ps 75, 6.
112 Dn 2, 34.45.
113 Ac 4, 11 ; Ps 117, 22.
298 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
tent la joie spirituelle afin que la joie spirituelle enfante la vie angélique ; la vie
angélique enfante la vertu qui console ; l’âme reçoit la justification afin de pro-
duire des fruits exquis. Si le Christ, celui qui la fortifie, voit son courage et sa
patience en toute chose, il l’accueille avec joie : ainsi elle est dans l’exultation
céleste dans les lieux de repos qui ne finiront jamais. »
100. Am 27, 14 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 143).
Abba Antoine a dit : « J’ai vu l’Esprit de Dieu descendre sur ces trois
hommes en ce monde : il est venu sur abba Athanase et on lui a donné
l’archiépiscopat ; il est venu sur abba Macaire on lui a donné la grâce de guérir
les malades, et sur abba Pambo, on lui a donné le diaconat. »
101. Am 28, 3 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 143).
On rapporte d’un vieillard qui était un cultivateur, qu’il se rendit un jour chez
abba Antoine. On informa le vieillard à son sujet ; il sortit au devant de lui. Lors-
qu’ils furent entrés dans la cellule, ils prièrent, et s’assirent. Abba Antoine lui dit :
« Apprends-moi une parole, mon frère. » Le fidèle vieillard qui était un cultiva-
teur lui dit : « Il y a trois tribus qui appartiennent à ce peuple que sont les moines :
la première sortira étant de feu ; la seconde sortira semblable aux lions ; la troi-
sième sortira semblable aux renards. » Abba Antoine lui dit : « De quelle manière
te vois-tu, mon père ? » Le vieillard lui dit : « Je me vois comme Adam, avant
qu’il eut transgressé. » Abba Antoine lui dit : « Tu es une promesse, toi aussi,
mon père. » Le vieillard lui dit : « Non, mais mon grand amour est pour Dieu. »
102. Am 28, 13 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 143-144).
Les frères interrogèrent abba Antoine, qui était près de mourir, sur la fin du
monde. Le saint leur dit : « Les prophètes ont déjà prophétisé et le Christ a parlé
de sa bouche ; ensuite les apôtres ont prêché sur la fin : moi, qui suis-je pour en
parler ? » Les frères lui dirent : « Tu es toi aussi un prophète, un apôtre et un
père de ce temps ; fais-nous charité, enseigne-nous. » Il leur dit : « Vous voyez
le premier monde, que Dieu détruisit à cause des fornications et des violences où
l’on en était venu ; de même aussi, Sodome et Gomorrhe, à cause des fornica-
tions et des cruautés, Dieu les détruisit en ce temps-là114. Ainsi la fin du monde
arrivera par suite de ces trois choses : si les violences se multiplient parmi les
hommes et si les fornications se multiplient parmi les moines, c’est
l’accomplissement de la fin ; si vous voyez de vieux moines quittant le désert et
les monastères, prenant un prétexte quelconque pour aller dans les villes et les
villages, contrefaisant l’anachorèse, habitant dans les maisons des séculiers avec
leurs femmes, si vous voyez de jeunes moines dans les monastères des vierges,
leurs cellules étant contiguës, leurs fenêtres étant accessibles ; et aussi les
115 Mt 6, 34.
116 Ps 129, 3-4.
117 Ps 26, 9.
118 1 P 3, 7.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 301
119 Lc 7, 37-50.
302 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
son compagnon ; celui qui se tait ne court aucun danger, car Marie en fit d’abord
la pratique avant d’arriver à la vraie connaissance de Dieu120. »
114. Am 39, 1 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 148).
Abba Antoine a dit : « Ne marche pas avec un orgueilleux, ni avec quel-
qu’un qui soit coléreux, mais marche avec ceux qui sont humbles en tout temps ;
que tes paroles soient pesées dans une balance, afin qu’elles soient un profit
pour ceux qui les entendront. Sois zélé, affligé par ton frère, sois compatissant
pour lui. Que ta parole soit douce à toute heure ; aime beaucoup la pauvreté,
aime la souffrance, cours à elle, reçois la douleur dans ta chair afin de vaincre
dans les guerres qu’on te fait ; car le sage connaît sa route, afin de rencontrer les
flambeaux célestes des cieux. »
115. Am 39, 10 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 148-149).
Abba Antoine a dit encore : « Au chameau il ne faut que peu de nourriture ;
il la conserve en lui-même jusqu’à ce qu’il entre en son étable, il la fait remon-
ter, il la rumine jusqu’à ce qu’elle entre dans ses os et dans sa chair. Mais au
cheval, il faut beaucoup de nourriture, il mange à toute heure et perd aussitôt
tout ce qu’il a mangé. Maintenant donc ne soyons pas comme le cheval, c’est-à-
dire nous récitons les paroles de Dieu à toute heure et nous n’en faisons aucune ;
mais prenons la ressemblance du chameau, récitant chacune des paroles de
l’Écriture Sainte, la gardant en nous jusqu’à ce que nous l’ayons accomplie, car
ceux qui ont accompli ces paroles étaient des hommes comme nous : les pas-
sions les combattaient. »
116. Am 40, 6 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 149).
Abba Antoine a dit, comme les frères étaient assis autour de lui : « Luttons,
car en vérité l’habit des moines est digne d’être détesté par les démons ; en ef-
fet, une fois, je voulus les éprouver sur ce sujet. Je pris la tunique sans
manches, le scapulaire, la cuculle et je les jetai sur un mannequin ; je l’habillai,
je le mis debout et je vis les démons se tenant au loin et lui lançant des flèches.
Je leur dis : „Ô esprits mauvais, qu’est-ce que vous faites ? Ce n’est pas un
homme, mais un mannequin.” Ils me dirent : „Nous le savons aussi ; mais ce
n’est pas lui que nous frappons, nous frappons les habits qu’il porte et le vête-
ment.” Je leur dis : „Quel mal vous font-ils ?” Ils me dirent : „Ce sont les
armes de guerre de ceux qui nous font souffrir et qui nous frappent à toute
heure ; c’est pourquoi leur vêtement même nous fait souffrir.” Lorsque je les
eus entendus, je rendis gloire à Dieu qui sauve ceux qui espèrent en lui de la
main des esprits mauvais du diable, lesquels combattent les saints le jour et la
nuit, en dissipant leur conseil. »
120 Lc 1, 28-29.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 303
121 Lc 11, 5.
304 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Esprit a dit : „Ils se sont endormis dans leur sommeil, ils n’ont profité en rien122”
et „Celui qui veille et celui qui est sobre, c’est celui qui se réjouit et qui est plein
d’allégresse dans la vie éternelle ; car certes la joie de ce lieu n’est pas la joie, et
la douceur de ce monde n’est pas la douceur.” Lorsqu’il m’eut dit ces paroles, je
me prosternai, je l’adorai, je retournai à mon endroit en louant Dieu. »
120. Am 43, 14 (Amélineau, p. 43-44).
Abba Antoine dit lorsqu’il fut allé vers les frères et que les moines le priè-
rent pour entendre une parole de lui : « Les Écritures sont capables de nous ins-
truire ; mais nous, c’est aussi une bonne chose pour nous de nous encourager les
uns les autres dans la foi droite de nos pères. »
121. Am 44, 3 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 151).
Abba Antoine a dit : « Je priai Dieu, une fois, de m’indiquer le secours qui
entoure les moines et, comme je priais encore, je vis des lampes de feu et un
chœur d’anges qui entourait les moines, les gardant comme la pupille de l’œil ;
et une voix vint du ciel, disant : „Ne le quittez pas, tant qu’il est dans le corps.”
Et lorsque j’eus vu un tel secours qui entourait l’homme, je soupirai en disant :
„Malheur à toi, Antoine, car ce grand secours, Dieu te l’a octroyé, et toi, tu es
négligent en tout temps.” »
122. Am 44, 10 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 151).
Abba Antoine dit : « Je priai Dieu en disant : „Mon Seigneur, comment,
avec un pareil secours que tu as octroyé à un moine, Satan le foule-t-il aux pieds
ainsi ?” J’entendis une voix qui me disait : „Il n’a pas de force contre celui qui
se violente ; car il est sans force. C’est moi qui l’ai châtié avec toute sa troupe et
je l’ai brisé ; mais chacun est tenté par ses propres désirs123 et sa nonchalance,
car certes c’est l’homme qui est nonchalant pour son propre salut et l’obstruction
de son cœur ; car certes il ne recherche pas le salut.” Et je lui dis : „Seigneur, tu
as octroyé un pareil secours à chacun des moines ?” et l’on a montré des foules
de moines que ce secours entourait tous, selon ce que j’ai vu d’abord, et j’ai dit :
„Ô bienheureuse la race des hommes, car ils ont ce Seigneur bon et qui aime les
hommes.” »
123. Am 120, 14 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 152-153).
Abba Macaire dit : « Comme je passais un jour dans le désert, le diable
m’aborda d’un air misérable et grandement craintif, il me dit : „Ô violence ! Toi,
Macaire, ta voix résonne à l’Orient et à l’Occident comme celle du grand An-
toine, le capitaine des moines apotactiques et tu as pris sa ressemblance comme
122 Ps 75, 6.
123 Jc 1, 14.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 305
Élisée prit la ressemblance d’Élie124. Car certes pour toi aussi Antoine a été un
maître : c’est lui qui t’a donné l’habit ; et tu m’as combattu par ton humilité, en
prenant conseil humblement d’abba Antoine, et tu l’as considéré comme s’il eût
été un dieu par l’amour de ton humilité véritable. Et lorsque je te vise avec les
traits de mes passions, aussitôt tu dis au fond de ton cœur avec une foi ferme :
Voici mon médecin et mon docteur sur la montagne et sur le fleuve.” Je lui dis
aussi : „Je suis bienheureux, car le Seigneur Jésus, malgré toi, t’a rendu ou-
blieux, fortifiant mon cœur et ma confiance en mon maître ; car les remèdes de
mon Seigneur père abba Antoine ne sont pas charnels, mais la puissance du Pa-
raclet opère en ses prières ; les remèdes spirituels sont agréables à Dieu comme
un parfum.” Et lorsqu’il eut entendu cela, il devint comme une fumée, il
s’évanouit, et je marchais rendant gloire à Notre-Seigneur Jésus-Christ. »
124. Am 147, 6 (Les sentences des Pères du désert. 3e recueil, p. 163-164).
Un frère demanda à abba Macaire : « Mes pensées m’admonestent, disant :
„Sois le premier à l’église” ». Abba Macaire lui dit : « Tu parles de la porte du
ciel125 et de la mère de tous les vivants126. Je te le dis, ô mon fils, voici le temps
favorable, voici le jour d’aller au salut127, de laisser derrière nous les œuvres
diaboliques ; car vient le temps où une foule de gens seront empêchés d’aller à
l’église et deviendront étrangers aux mystères par crainte du pouvoir de ce
temps-là qui prévaudra : ceux dont la bouche est ouverte comme la sardine qui
est dans la mer, ceux qui ramassent beaucoup d’argent, comme la fourmi qui
ramasse aux jours de l’été. Je te le dis, ô mon fils, la fornication, l’avarice, toute
œuvre mauvaise est dans ces deux choses ; quoique la fornication soit plus mau-
vaise, du moins elle est pour un temps et l’homme détourne son nez d’elle,
crache sur elle à cause de sa mauvaise odeur ; mais l’avarice, venant pour amas-
ser, elle vient étant douce pour toi, car elle est insatiable. C’est pourquoi il faut
qu’on scelle les portes de l’église du désert et les portes des morts, par crainte
des puissances de ce temps-là ; car, en vérité, il s’en lèvera certains qui cherche-
ront et scruteront les héritages de ceux qui se seront endormis, oubliant ce qui
est écrit : „La richesse, si elle vient, n’y appliquez pas votre cœur128”. C’est
d’elle que parle l’Apôtre en disant : „L’avarice est la racine de tout mal129”.
Maintenant donc, mon fils, combats en toute chose ; car abba Antoine a dit : „Il
faut que chacun se fasse église en ce temps, c’est-à-dire que l’homme mette
124 4 R 2, 13.
125 Gn 28, 17.
126 Gn 3, 20.
127 2 Co 6, 2.
128 Ps 61, 11.
129 1 Tm 6, 10.
306 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
toute sa force à purifier son âme, église de Dieu, afin que, d’une voix calme,
nous fassions monter une hymne triadique à Notre-Seigneur Dieu par la confes-
sion ferme de la foi orthodoxe.” »
125. Aeth. Pat. 176 (CSCO 278/Aeth. 54, p. 95 [trad. latine]).
Sois attentif à ce qu’a dit saint Antoine : « Beaucoup ont réalisé des prodiges
et pour n’avoir point persévéré en cela [la garde des sens], ils n’ont pas trouvé la
voie du Seigneur et n’ont pas atteint ce port sans tache. »
126. Aeth. Ger. 1a (CSCO 477/Aeth. 80, p. 2 [trad. latine]).
Saint Antoine le Grand, initiateur des moines, a dit : « Le principe de la sa-
gesse est la crainte de Dieu130. »
127. Aeth. Ger. 1b (CSCO 477/Aeth. 80, p. 2 [trad. latine]).
Il dit encore : « Comme la lumière quand elle entre dans les ténèbres re-
pousse les ténèbres, ainsi la crainte de Dieu, si elle entre dans le cœur de
l’homme, rejette ses ténèbres et lui apprend toutes les vertus et la sagesse. »
128. Aeth. Ger. 5 (CSCO 477/Aeth. 80, p. 5 [trad. latine]).
Et il dit : « De même que la vaine gloire et l’orgueil précipitèrent Satan du
ciel, de même l’humilité et la paix élèvent l’homme au ciel. »
129. Aeth. Ger. 6 (CSCO 477/Aeth. 80, p. 5-6 [trad. latine]).
Et celui-ci dit que quand il quitta le monde pour le fuir au désert intérieur,
les démons considérèrent son propos et dirent : « Voilà que le propos de cet
homme nous préoccupe et nous craignons qu’il ne nous arrive de lui quelque
chose de semblable à ce qui nous est arrivé de son père Adam ». Et ils se ras-
semblèrent pour aller le voir et dirent : « Ô minus en jours de vie et en intelli-
gence, comment as-tu osé avancer sur ces terres qui sont nôtres, car nous
n’avons pas vu avant toi d’homme capable d’oser jusqu’à ce point, excepté toi. »
Et ils terminèrent en se mettant à lui faire la guerre de toutes leurs forces. Et il
disait : « Violents, que voulez-vous de moi qui suis pauvre et faible, pour tous
vous rassembler contre moi ? Il est bien vrai que je ne suis qu’infâme poussière
et pour ainsi dire rien, et je suis sans force à la perspective d’un combat pour
quelqu’un qui vous est bien inférieur. » Et il se prosternait de tout son corps à
terre : « Ô Seigneur, aide-moi, moi qui suis sans force et donne-moi vigueur et
vaillance contre ces ennemis ; aie pitié de moi, ô Seigneur, en m’accordant ce
don, parce que c’est vers toi que je me suis enfui et tu ne m’as pas confondu ; en
effet tu connais mon incapacité à résister au premier venu d’entre eux. » Et après
avoir entendu cette prière pleine d’humilité, les démons le fuyaient et ne pou-
vaient plus l’approcher.
l’heure du combat, qu’il n’ait pas peur, ne soit pas inactif, ne s’effraie pas, ne
soit pas abattu, mais place son espoir dans le Seigneur et se fie en lui de tout son
cœur et de toute sa foi, parce que le Seigneur est uni à nous à proportion de notre
confiance en nous. »
131. Aeth. Ger. 412b (CSCO 477/Aeth. 80, p. 184-185 [trad. latine]).
2. Et il dit aussi : « Mes enfants, il convient que chacun d’entre nous dise de
tout son cœur : „ Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur131. ” Nous disons
ces versets à proportion de sa bienfaisance à notre égard et de sa clémence pour
nous. Perpétuons-les avec une permanente action de grâces qui s’est accrue pour
nous envers lui. Et si nous oublions, je crains que ne s’applique à nous ce qui est
dit : « Que gagnes-tu à mon sang, à ma descente en la tombe132 ? » Et apprenez,
mes enfants bien-aimés, cette parole, connaissez-là, comprenez-là afin de
l’apprendre et de vous y adonner et de ne pas la rejeter. Et si l’un d’entre nous
ne rejette pas les délices de ce siècle, et n’a pas en haine les créatures ration-
nelles, bien sûr, en ce qui concerne le siècle, ni n’étend ses mains ni ne lève ses
yeux ou son cœur vers le Seigneur pour qu’il lui donne les biens de sa grâce et
confirme sur lui sa clémence et sa miséricorde et lui fasse don des réalités invi-
sibles qu’on ne peut ni inventer ni imaginer, pour effacer les souillures, brûler
les impuretés, purifier le cœur et que l’Esprit saint puisse y habiter et qu’il adore
la sainte Trinité, comme il convient . Mais si nous pactisons avec les gens du
siècle et sommes complaisants avec eux, nous n’atteindrons aucune des réalités
rationnelles que nous avons mentionnées ni la grâce céleste. Mais nous serons
même ennemis du Seigneur et de ses anges et serons loin de la demeure de ses
saints, des justes et de ses élus qui ont fait sa volonté et son bon plaisir.
3. Et moi, à nouveau je vous demande, par amour du Christ, d’éradiquer la
négligence et l’oubli, et d’abandonner la paresse et la mollesse et de vous éloi-
gner des œuvres présentes ici-bas et éphémères et de ne pas laisser le petit
nombre de jours vous ôter la joie de ce monde qui dure, ni ne laisser les per-
verses ténèbres faire que cette lumière, cette paix et cette grâce passent devant
vous sans se tourner en consolation dans ce siècle matériel et corruptible. Et
vous serez loin de ce nouveau siècle spirituel et de l’union avec les anges spiri-
tuels et de la joie avec les pères, apôtres, martyrs et saints.
4. Vraiment je vous dis, mes bien-aimés, parce que mon âme est remuée et
mon cœur agité, parce que notre esprit erre et nos cœurs vaguent comme celui
qui est plein de vin, qui ni ne comprend, ni n’est stable, ni de distingue, ni ne
produit du fruit. Mais chacun d’entre nous œuvre avec sa volonté : il est celui
qui n’entend pas ni ne retourne à ce qui lui est étranger. Et nous ne voulons pas
lever nos yeux vers le ciel et rechercher la gloire de Dieu et être aidés par un
louable conseil qui est clair et consiste à s’en tenir à cela et à espérer en lui. »
5. Et il dit : « Ne soyons pas négligents à rechercher ce qui est du côté de la
bonté du Père saint qui ne veut pas la perdition des âmes et s’approche de nous
par son secours pour que nous trouvions ses commandements et ses volontés,
non selon notre bon plaisir, mais selon son bon plaisir. Vraiment, mes bien-
aimés, la demeure dans laquelle nous sommes est passagère et dure peu dans ce
siècle qui est court. Ayons en haine les désirs de ce siècle et ne revenons pas
vers eux, mais renions-les ainsi que les délices du siècle, car il fait tomber celui
qui se laisse aller au désir avec lui qui en devient son esclave et son jouet. Et ils
sont semblables, ceux qui se fient à leur âme, à une cithare sur laquelle jouent
les esprits du mal et leurs corps sont les réceptacles des ténébreuses pensées. Et
maintenant soyez vigilants et sachez que nous ne permettons pas de leur être une
demeure, ni à leurs pensées d’élire domicile dans nos cœurs ; sinon nous ferions
tomber sur nous la colère du Seigneur. Et ils nous détournent de son secours et
de son bon plaisir, ils nous dominent de leurs mauvais conseils, rendent nos
cœurs durs, nous conduisent aux passions et nous agitent ; et ils font que nous
ayons comme compensation le rire à la place des pleurs pour nous faire pleurer
au temps de la joie. Et nous demandons à notre Seigneur Jésus-Christ de nous
être clément et de nous sauver d’eux, de nous aider, de consolider notre bon
plaisir et notre faiblesse. Amen.
132. Aeth. Col. 13, 73 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 305).
Moi, j’ai interrogé mon père l’abba Sisoès, celui de Petra, qui avait été disciple
de l’abba Antoine, et je lui ai dit : « Mon Père, qu’est ce qui convient au moine ? »
Il posa ses doigts sur sa bouche et me dit : « Garder sa bouche, mon fils. »
133. Aeth. Col. 14, 28 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 320).
L’abba Sisoès de Petra, le disciple de l’abba Antoine, a dit : « Si l’homme
fait le bien, il fera accoster sa barque à bon port. »
134. Aeth. Col. 14, 37 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 323).
Un frère interrogea l’abba Sisoès de Petra, le disciple de l’abba Antoine, et
lui dit : « Mon Père, que veux-tu que je fasse ? Les frères se moquent de moi en
disant : „Tu te promènes, tu circules et tu as l’art de courir d’un lieu à un autre,
sans désirer te fixer ni travailler de tes mains”. » L’abba Sisoès lui dit : « Les
frères de ces jours-là, s’ils nous avaient trouvés, nous les anciens, de notre temps
portant nos mélotes et courant çà et là, ils se seraient moqués de nous en disant :
„Ces hommes ont un démon”. »
310 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
135. Aeth. Col. 14, 55 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil,
p. 328-329).
L’abba Sisoès de Petra, le disciple de l’abba Antoine, a dit : « Le jeûne est la
mère de toutes les vertus ; en effet c’est lui qui les engendre et il conduit
l’homme à toutes les vertus ; mais l’humilité d’esprit est elle-même plus grande
que toutes les vertus. »
136. Aeth. Col. 14, 64 (Les sentences des Pères du désert. Nouveau recueil, p. 330).
Un frère m’a dit : « L’abba Isaac de Harahu m’a dit : „J’ai visité l’abba Si-
soès de Petra, le disciple de l’abba Antoine, et l’ai prié disant : Dis-moi une pa-
role pour que j’en vive. Il m’a dit : Va, garde les trois oeuvres que voici et tu
vivras : supporte l’injure comme la louange, la misère comme les richesses,
aime ton prochain comme toi-même133, et le Seigneur sera avec toi, il te rendra
fort contre les ennemis”. »
137. Arabe 6 (Bedjan I, 224 ; Bu I, 230)
Un frère demanda à abba Antoine : « Que dois-je faire ? » Et il lui répondit :
« Va et apprends à aimer à te restreindre en tout134 ».
138. Arabe Supplément 2 (CSCO 495/Subs 78, p. 163)
Des moines voyaient des songes (qui leur venaient) des démons et ils y ajou-
taient finalement foi. Finalement Dieu, à Lui la gloire, eut à cœur de ne pas leur
faire abandonner la vie monastique. Il les gratifia de cette pensée, de se rendre
auprès de « l’Étoile du monde », Antoine, et de l’interroger si l’acceptation des
rêves était bonne ou non. Ils se rendirent auprès de lui et lui racontèrent (leur
cas). Il leur commanda de ne rien accueillir des songes, pas même une lettre.
135 J.-C. GUY, Les apophtegmes des Pères. Collection systématique, SC 387, 1993, p. 80.
136 VA 82, 3 (Antoine raconte ses visions à Sérapion), VA 91, 9 (il lui lègue une de ses mélotes).
137 Histoire lausiaque 21.
138 Antoine 34.
312 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
139 SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique, Livre III, 14, 21, SC 418, 1996, p. 125.
140 H. DÖRRIES, Die Vita Antonii als Geschichtsquelle, Wort und Stunde, vol. 1, Göttingen
1966, p. 145-224.
141 L. BROTTIER, « La figure d’Antoine dans les Apophtegmes », Connaissance des Pères
de l’Église 64, 1996/4, p. 9-11.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 313
• La vie ascétique
Le travail manuel Antoine 1
Le silence, la solitude Antoine 6 ; 11 ; 18 ; 31
La garde de la cellule Antoine 3 ; 10 ; N 202 ; 203 ; Am 17, 4 ; 22, 14 ; 35, 13 ; 36, 16
Le combat spirituel Antoine 4 ; 5 ; 11 ; Poemen 125 ; N 444 ; Am 39,1
Le jeûne Poemen 168 ; Aeth. Ger. 412a ; Aeth. Col. 14,55
La pauvreté Antoine 20
• Vertus du moine
La charité fraternelle Antoine 9 ; Jean l’eunuque 2
Le support des injures Antoine 15 ; 19 ; N 518 ; J 760
L’humilité Antoine 7 ; 31 ; 37 ; N 603 ; Am 32, 9 ; 37, 12
L’obéissance Antoine 36 ; Am 21, 3 ; 22, 5
L’ouverture du cœur Antoine 37 ; 38
Les larmes Antoine 14
La componction Antoine 13 ; 29
• Fruits de la vie monastique
L’hésychia (recueillement) Antoine 10 ; 11 ; 34
Le discernement Antoine 8 ; 13 ; N 490 ; Arm II 430 (77) A
La prophétie Antoine 23 ; 30
La joie Antoine 1 ; Am 25, 7 ; Am 42, 14 ; Aeth. Ger. 412b2-3
147 Lettres des Pères du désert. Ammonas, Macaire, Arsène, Sérapion de Thmuis, Lettre 9,3
(version syriaque = 4 version grecque), SO 42, 1985, p. 32.
148 E. PICHERY, dans Jean CASSIEN, Conf I-VII, SC 42, 1955, p. 60.
149 JEAN CASSIEN, Conf 2, 2.
150 SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique. I, 13, 1, SC 306, 1983, p. 169 ; II, 17, 11, ibid.,
p. 303 ; II, 31, 2, ibid., p. 369 ; III, 14, 22, SC 418, 1996, p. 127.
151 SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique, III, 13, 6, SC 418, 1996, p. 115 ; III, 15, 4, ibid.,
p. 143 ; VI, 29, 23, SC 495, 2005, p. 405 ; VI, 30, 1, ibid., p. 409.
152 SOCRATE, Histoire ecclésiastique IV, 23, 43-44, SC 505, 2006, p. 93.
Chapitre III. Les paroles de saint Antoine 315
Antoine n’y occupe pas une place privilégiée au milieu d’une vingtaine d’autres
moines. Voici une traduction du quatrain qui lui est consacré :
Que la vie ascétique reçoit son enseignement de Dieu.
« Comment puissé-je être sauvé ? », demande Antoine en s’affligeant.
Il lui est alors montré un homme paisible, qui a un travail.
Il alternait entre prier debout, et se remettre au travail.
Et il lui dit : « Vis ainsi et tu trouveras grâce168. »
Dès l’exorde de son œuvre transmise par l’Anthologie de Nicodème
l’Hagiorite169 Pierre Damascène (XIe s. ?) indique qu’il a lu tous les écrits, tous
les enseignements des Pères et des grands Docteurs ; suit une liste d’une ving-
taine de noms, dont celui d’Antoine. Il se réfère plusieurs fois aux apophtegmes
d’Antoine : Antoine 2 (p. 97) ; 3 (p. 63 et 112), 4 (p. 122), 8 (p. 69), 37 (p. 129),
N 518 (p. 132).
L’Éthique de Grégoire Abou’l-Farag, dit Bar Hebraeus († 1286), évêque de
Mélitène, composée en 1279, traite de la science pratique qui a pour terme la
connaissance et l’action et qui a pour objet de discerner le bien du mal170. La
première partie traite de l’ordonnance de ce qui concourt à l’éducation et à la
discipline du corps. Pour les travaux de l’ascèse (I, 2), il cite Antoine 1 (I, 2, 1),
Antoine 4 (I, 2, 7), Antoine 8 (I, 2, 9) et l’apophtegme rapporté par Évagre (I, 2,
6) ; pour la solitude (I, 7), il se réfère à Antoine 11 (I, 7, 1)171.
Dans le Trésor du hiéromoine Théognoste, compilation écrite entre 1204 et
1252, les apophtegmes d’Antoine 5a et 37 sont cités172. Les apophtegmes 3 et 6
sont associés pour former un apophtegme original :
« [Antoine 3bc] Abba Antoine a dit : « Où que tu ailles, aie toujours Dieu devant les
yeux ; quoi que tu fasses ou dises, aie le témoignage des saintes Écritures ; [Antoine
6c] et sois maître de ta langue et de ton ventre. [Antoine 3e] Garde ces trois choses et tu
es sauvé173. »
En 1321-1322, dans une lettre à la princesse Irène devenue la moniale Eulogia et
sa fille spirituelle, Théolepte, évêque de Philadelphie, rappelle la parole
d’Antoine : « Du prochain, la vie et la mort ! Si tu as gagné ton frère, tu as ga-
pas ce texte dans sa liste des œuvres de Jean Géomètre (JEAN GÉOMÈTRE, Poèmes en hexa-
mètres et en distiques élégiaques, éd., trad. et commentaires E. M. VAN OPSTALL,
Leyde/Boston 2008, p. 15, note 35).
168 Cette 57e épigramme (PG 106,880) a pour source le premier apophtegme d’Antoine.
169 PIERRE DAMASCÈNE, dans Philocalie des Pères neptiques, t. 2, Paris 1995, p. 11-163.
170 F. NAU, « Bar Hebraeus », DTC 2, 1910, col. 401-406, spéc. 404.
171 GREGORY BARHEBRAEUS, Ethicon, Memra I, trad. H. G. B. TEULE, CSCO 535/Syr 219, 1993.
172 Theognosti Thesaurus, éd. J. A. MUNITIZ, CCSG 5, Turnhout-Leuven 1979.
173 Theognosti Thesaurus, 17, 3, p. 163.
318 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Cette lettre, dont l’original, qui devait être grec, est perdu, est connue par
une version syriaque, transmise dans deux manuscrits de Vies des Pères (Sinaï
syr. 46 et Londres, B.M. Add. 17177), tous deux du VIe siècle, et une version ar-
ménienne, comme lecture pour la fête de saint Antoine.
Le contexte est celui de la Basse-Égypte en 356, lorsque les ariens sont les
maîtres à Alexandrie. Le 8 février 356, le duc Syrianus envahit l’église où célé-
brait Athanase, qui fut obligé de fuir. Cette lettre confirme la date de 356 pour la
mort d’Antoine.
Elle atteste la haute estime dans laquelle était tenu Antoine, que l’évêque
qualifie de « saint », de « bienheureux ». Sérapion exhorte les disciples à mettre
ensemble leur puissance d’intercession pour remplacer celui qui était un si
« grand intercesseur ». Ce thème montre la puissance de la prière des moines
pour le salut du monde.
3 Cf. 1 Tm 2, 8.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 321
4 Nb 17, 13.
322 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dans sa Lettre aux moines qui est postérieure (361)7, Sérapion mentionne la VA :
« Abba Antoine fut l’un de vous par sa vie suréminente et vous en conservez la
relation écrite » (§ 13).
1.2. Ammonas
Ammonas, disciple d’Antoine, a été son successeur à la tête de ses moines avant
de laisser la place à Pityrion8. Nous avons déjà noté que, dans la lettre 9 (selon la
version syriaque), il cite l’apophtegme 5 d’Antoine9 :
Antoine nous a dit en effet que personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu
sans avoir été tenté.
D’autre part un apophtegme connu par sa version copte (Am 25, 7) sous le nom
d’Antoine est en fait un extrait de sa lettre 210.
1.5. Schénouti
Au moment de sa mort (466 ?), Schénouti, archimandrite du monastère d’Atripé
en Haute-Égypte, appelé plus tard Monastère Blanc, invoque les patriarches, les
prophètes, les apôtres, les archevêques, les archimandrites et tous les saints et en
particulier Pšoi, Antoine et Pachôme afin qu’ils le prennent pour aller adorer
Celui qu’il a aimé et qui vient à lui avec ses anges16. Dans ses écrits, Schénouti
reconnaît explicitement l’autorité d’Antoine17.
Dans un discours pour faire que chacun garde sa vie sans tâche, surtout ceux
qui sont dans la prêtrise et le monachisme, Schénouti cite Antoine :
Quant à ceux qui enseignent bellement, comme notre Père Antoine, le grand anacho-
rète, que Dieu a rendu célèbre dans toute la terre, ainsi qu’il est écrit dans sa vie, ils
n’ont point dit parole de cette sorte, à savoir « Il y a des justes dans l’Amenti18 »,
mais [Antoine] a écrit ainsi : « Vous savez que depuis qu’il y a eu transgression et
que les âmes ont incliné vers le péché, certes, les âmes par suite de leurs penchants
sont allées dans l’Amenti ; mais, Notre Seigneur Jésus-Christ étant venu dans ce
monde, les âmes qui ont voulu lui obéir, il les a retirées de l’Amenti, c’est-à-dire des
impiétés du diable, et les a introduites dans les cieux ». Écoutez, il a dit : « Celles
qui ont voulu » ; il ne les a pas forcées, car il sait que le feu de la géhenne suffira à
celles qui n’ont pas voulu obéir ; le royaume des cieux est seulement pour ceux qui
en sont dignes et qui obéissent. Il a dit encore, le vieillard bon, à la science pleine de
profit pour toute âme qui écoute ses paroles ou qui les lit, à savoir : « Les Chérubins,
les Séraphins, tous les Anges et toutes les Vertus et tous les saints se sont réunis ; ils
ont supplié la bonté du Père du Fils bon d’envoyer son Fils unique, capable de toute
chose, afin qu’il allât dans le chaos de l’Amenti, qu’il en tirât les âmes qui avaient
été saisies par l’oubli et la mort de l’ignorance » ; car c’est lui qui peut aller dans
l’Amenti afin d’en faire retourner tous ceux qui avaient erré dans les ténèbres des
œuvres de Satan, le démon19.
1.6. Besa
Besa a succédé à Schénouti comme supérieur du Monastère Blanc. Une lettre de
Besa adressée à Herai cite sous le nom d’Antoine plusieurs passages de ses
lettres20 :
1.3. Notre saint père abba Antoine lui qui connaît les méchancetés de l’ennemi qui
hait ceux qui aiment Dieu et se rendent à lui de tout leur cœur, a dit ceci : « Vrai-
ment, mes bien-aimés, notre négligence, notre humiliation, notre déviation ne font
pas tort à nous seuls, mais elles sont une peine également pour les anges et tous les
16 Sinuthii vita bohairice 185, texte copte dans CSCO 41/Copt 1, 1906, p. 75; trad. latine,
dans CSCO 129/Copt 16, 1951, p. 44.
17 T. ORLANDI, « Shenoute d’Atripé », DS 14, 1990, col. 798.
18 Terme pour désigner l’enfer dans la traduction ancienne de la Bible en copte.
19 Œuvres de Schenoudi, t. 1, éd. E. AMÉLINEAU, Paris 1907, p. 192-193.
20 Trad. G. GARITTE, « À propos des lettres de S. Antoine l’ermite », Le Muséon 52, 1939,
p. 23-28.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 325
saints dans le Christ Jésus. Vraiment aussi, mes enfants, notre humiliation leur cause
à tous de la peine ; en outre aussi notre salut et notre renommée leur procurent plai-
sir et repos. C’est pourquoi en tout temps ils nous recherchent, comme il est écrit :
„L’ange du Seigneur cherche ceux qui le craignent et les sauve21”. »
Il disait encore : « Je vais vous apprendre d’autres choses qui atteignent
l’homme à ses débuts : Si l’homme se dirige vers Dieu pour le servir de tout son
cœur, Dieu lui donne une grande force et une grande joie si bien que toute l’œuvre
de Dieu lui devient plus douce que le miel et le rayon de miel22, que lui sont douces
toutes les douleurs corporelles, les récitations, les veilles et que tout le joug de la di-
vinité lui est doux. Et ensuite on l’éprouve en cela, si bien qu’au lieu de ferveur, de
la froideur, au lieu de légèreté, de la lourdeur, au lieu de joie, de la douleur et de
l’angoisse, au lieu d’amour, de la haine, au lieu de douceur, de l’amertume ; tout ce-
la atteint l’homme qui cherche Dieu jusqu’à ce que celui-ci l’aide à les vaincre. Et
lorsqu’il les vainc, l’esprit divin demeure toujours avec lui, lui donnant la force de
ne craindre aucune œuvre mauvaise, aucune injure humaine, aucune terreur du dé-
mon. On a dit en effet ceci : „Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le diable,
comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer23”. »
Le bon vieillard Antoine a encore dit comme ceci : « Vraiment, mes enfants, ils
(les démons) vous portent envie toujours en leur mauvais conseil, leur persécution
cachée, leur méchanceté subtile, leur esprit qui égare, leurs pensées blasphématoires,
leurs incrédulités qu’ils lancent en notre cœur chaque jour, leur aveuglement de
cœur, leur égarement, les nombreuses douleurs qu’ils amènent chaque jour sur nous,
les angoisses par lesquelles ils étreignent chaque jour notre coeur, toutes les colères
et les médisances qu’ils nous apprennent les uns contre les autres, la propre justifica-
tion de ce que l’on fait, le jugement qu’ils jettent en notre cœur – alors que nous
sommes aussi seuls ils nous font juger nos compagnons bien qu’ils ne soient pas
près de nous – les injures qu’ils introduisent en notre cœur ; avec orgueil nous
sommes durs de cœur, insolents pour nos compagnons, débitant des sottises à nos
compagnons en un langage dur, nous montrant continuellement difficiles, faisant des
reproches à nos compagnons et pas à nous-mêmes, pensant que la peine nous vient
de nos compagnons, portant jugement sur ce qui est tout entier à l’intérieur de la
maison, avec des disputes et des différends, combattant nos compagnons jusqu’à ce
que nous fassions prévaloir notre sentence afin d’apparaître justifiés devant la face
de nos compagnons ; ils nous excitent à des œuvres que nous ne sommes pas ca-
pables de réaliser et c’est hors de propos qu’ils nous plongent dans l’angoisse pour
ce en quoi nous sommes et en quoi nous avons profit. C’est pourquoi donc ils nous
font rire au moment de pleurer, et nous font pleurer au moment de rire. En un mot ils
nous font continuellement dévier du droit chemin avec quantité d’autres strata-
gèmes, avec lesquels ils nous asservissent à eux et qu’il est superflu de manifester
maintenant au complet. Quand ils ont rempli de tout cela notre cœur et nous en ont
nourris, alors Dieu s’irrite contre nous. C’est pourquoi donc ne vous découragez pas
de prier la bonté du Père ; peut-être que de Lui vous viendra une aide pour apprendre
à connaître ce qui importe vraiment24. »
De même dans une lettre à Antinoé, il cite un même passage de la lettre donnée
ci-dessus, de « Alors que nous sommes seuls (…) » jusqu’à « afin d’apparaître
justifiés devant la face de nos compagnons25. »
Ce panégyrique est fondé sur la VA, mais il ne manque pas d’originalité. Pé-
tri de la Bible, il rappelle la place de l’Égypte dans la Bible (§ 7-8) ; il compare
Antoine à Moïse (§ 17), à Élie (§ 17), aux neuf chœurs des anges (§ 20-29), il-
lustrant ainsi la « vie angélique » qu’il a menée.
Par ailleurs son style est concret, agrémenté de nombreuses comparaisons
empruntées à la vie quotidienne, d’allusions à ses contemporains.
Il a été prononcé dans l’église d’un monastère (§ 39), dédiée à saint Antoine,
construite par l’évêque Nicolas (§ 36), probablement lors de la fête du saint à
laquelle sont venus participer les habitants de la ville voisine (§ 38).
Dans l’énumération de ceux qui ont fait l’éloge d’Antoine (§ 34), les très
brèves citations d’Athanase32, de Jean Chrysostome33, et celle de Grégoire de
Nazianze34 et de Chenoute35 ont pu être identifiées, mais non celles de Basile le
Grand36, de Cyrille (d’Alexandrie ?) et de Sévère d’Antioche.
L’auteur commence cette énumération et la termine avec un personnage
égyptien (respectivement, Athanase et Schénouti), dans un but nationaliste, con-
formément à son profil et à l’esprit de l’époque : « De ses œuvres, la caractéris-
tique la plus marquante est un ardent nationalisme qui est naturellement la raison
fondamentale du sujet choisi pour ces deux homélies. À l’époque de Damian, en
fait, l’Église copte tendait à être fermée sur elle-même et à voir l’Égypte comme
une région privilégiée qui était seule capable de préserver l’orthodoxie contre
presque tout le reste du monde chrétien 37. » G. Garitte ainsi que l’historienne
polonaise E. Wipszycka considèrent ce texte comme « particulièrement révéla-
teur de ce chauvinisme national et religieux38. »
Édition et traduction française par G. GARITTE, dans OCP 9, 1943, p. 100-
134 et 330-365.
39 Jn 2, 10.
40 Jn 15, 1.
41 Ps 103, 15.
42 Jn 6, 32.41.
43 1 Co 12, 24.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 329
Athanase également avec lui : Antoine, je vais l’honorer par mes paroles et
Athanase par la faiblesse de mes paroles ; et il est nécessaire que je sois abaissé
et que lui soit élevé, comme l’a dit le grand Jean44.
4. Il vaut mieux, d’ailleurs, faire une chose selon tes forces, que de ne pas
l’entreprendre du tout sous prétexte que nous ne la faisons pas comme elle le
mérite.
Peut-être aussi les invités condescendants qui sont parmi vous compareront-
ils nos paroles à quelques dattes sèches, ou à des noix et à des pois chiches, et à
d’autres denrées de cette espèce que l’on sert à table en dernier lieu : c’est bien
peu de chose en comparaison de ces mets de haut prix qu’on a servis d’abord, et
pourtant cela est reçu avec plaisir par les convives.
Et comment sais-tu donc si les cruches d’eau que nous avons remplies hier
sur l’ordre de la Mère de Dieu, son Fils ne va pas nous les changer aujourd’hui en
un vin qui réjouit le coeur45 des auditeurs, et transformer la fadeur des discours en
une saveur piquante et forte ? Car nous semons dans l’espérance ainsi qu’il est
écrit46, nous avons marché dans la foi47, et tout est possible à celui qui croit48.
5. De plus, il vaut mieux que nous honorions le saint selon nos forces, plutôt
que de le passer sous silence, et de laisser se réaliser sur nous la parole qui est
écrite : Aucun prophète n’est honoré en son propre village49. Car vraiment, ce
serait une chose étrange : que les autres saints originaires d’autres pays très éloi-
gnés, nous les honorions de tous les honneurs, et que le nôtre, qui est tout proche
de nous, nous nous taisions sur lui, imitant en cela la maladie des yeux qui
voient très bien ce qui est loin d’eux, mais qui ne reconnaissent pas avec certi-
tude ce qui est tout près d’eux et qui s’approche d’eux.
6. Et si tu n’as pas su jusqu’à présent qu’il est ton compatriote, je vais te le
faire savoir par Athanase. Il est bon, en effet, que je commence par ses paroles,
afin que si quelqu’un voulait diffamer mes dires, la honte le retienne, comme
quelqu’un qu’on a voulu attaquer et que l’on épargne parce qu’on le voit porteur
d’insignes royaux. Antoine, dit-il, était égyptien d’origine. Et où donc le soleil
se lèvera-t-il, sinon à l’Orient ? Et où veux-tu qu’Antoine paraisse sinon en
Égypte, pays où le péché a abondé et la grâce surabondé50, lieu où croissent les
indigènes et où se rassemblent les étrangers ? Car la plupart des saints qui ont
existé sont originaires d’Égypte, vallée au fond de laquelle sont attirées les eaux
44 Jn 3, 30.
45 Jn 2, 5-10 ; Ps 103, 15.
46 1 Co 9, 10.
47 2 Co 5, 7.
48 Mc 9, 23.
49 Lc 4, 24.
50 Rm 5, 20.
330 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
coulant de part et d’autre sur ses versants, ou comme la mer qui a ses eaux
propres et dans laquelle les fleuves se jettent continuellement de toutes parts.
7. Abraham ne descendit-il pas en Égypte pour y trouver un soulagement à
la famine qui lui était arrivée51 ? N’est-ce pas en Égypte que fut nourrie la vieil-
lesse de Jacob52 ? N’est-ce pas pour l’Égypte que Joseph fut vendu53, n’est-ce
pas là que sa vertu fut éprouvée54, n’est-ce pas là aussi qu’il devint roi55 ? C’est
en Égypte encore que Moïse vint au monde, qu’il fut élevé56, et qu’on lui offrit
un royaume, quoiqu’il l’ait refusé à cause du Royaume qui ne passe pas57, et
c’est l’Égypte qui fut la cause de ces miracles et de ces prodiges (qu’il accom-
plit)58. C’est l’Égypte aussi qui fut le lieu d’exil de Jérémie de son vivant et
après sa mort59.
8. Et pour ne pas citer le nom de chacun des prophètes, qui est le plus grand
parmi ceux qui sont nés de la femme60 ? Tu vas dire que c’est Jean-Baptiste : eh
bien, c’est l’Égypte qui a été son lieu de repos, et si la folie d’Hérode ne lui a
pas permis de venir chez nous vivant, la fureur de Julien nous l’a confié mort, et
c’est Athanase, dont nous avons parlé, qui l’a reçu. Et qui est inférieur à Jean
selon l’âge de la chair, et supérieur à lui dans le royaume des cieux61, sinon le
Christ Jésus (quoiqu’il soit téméraire de comparer Dieu à un homme) ? Eh bien,
à ce si grand personnage, c’est l’Égypte qui a servi de refuge quand ce même
Hérode cherchait la vie de l’enfant pour la détruire62.
9. De même tous les chefs des moines ont pratiqué l’ascèse en Égypte, car
comme des voyageurs intelligents qui choisissent de marcher sur la route où on
a déjà marché et qui est frayée, ainsi aussi ceux qui veulent marcher sur cette
route qui conduit au ciel affectionnent ces lieux où leurs prédécesseurs ont déjà
51 Gn 12, 10.
52 Gn 47, 12.
53 Gn 37, 36.
54 Gn 39.
55 Gn 41, 41-44.
56 Ex 2, 2.9.
57 Ex 2, 10 ; He 11, 24.
58 Ex 5-11 ; Dt 34, 11.
59 Jr 43, 6-7. G. GARITTE, note 6, p. 132 : « Une tradition conservée par le Ps.-Épiphane
rapporte que Jérémie fut lapidé par le peuple à Taphnès en Égypte, et que ses restes fu-
rent ensevelis „près du palais de Pharaon”, où ils étaient invoqués par les Égyptiens
contre les serpents et les animaux aquatiques ; Alexandre le Grand aurait fait transporter
les reliques à Alexandrie ». La ville de Taphnès, à l’est du Delta égyptien, est nommée
en Jr 2, 16 ; TM 43, 7-9 (LXX 50, 7-9) ; TM 44, 1 (LXX 51, 1) ; TM 46, 14.
60 Mt 11, 11.
61 Mt 11, 11.
62 Mt 2, 13.20.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 331
été en renom. Et la terre d’Égypte n’est pas seulement fertile pour la croissance
des fruits périssables, mais aussi pour les hommes qui portent des fruits selon
Dieu. Or, les autres fruits, les pays étrangers nous les procurent, et nous jouis-
sons de leur réconfort ; mais notre gloire est en ce qui nous est propre, oui, en ce
qui nous est propre, qui a été produit ici et dont on ne trouve pas le pareil ail-
leurs. Car on dit du papyrus ou papier qu’on le fabrique en Égypte seulement et
qu’il ne pousse en aucun autre pays ; eh bien, Antoine a vécu dans ce pays, et il
n’y a pas eu d’autre Antoine pareil à lui, je ne dis pas dans un autre pays, mais
même dans sa propre patrie. Car l’arbre d’Antoine ne nous a produit qu’un seul
Antoine, de même que le palmier appelé nkinon ne produit qu’un seul régime de
fruits une seule fois.
10. Ce n’est pas seulement la patrie d’Antoine qui est digne d’admiration :
sa famille l’est également. Ses parents, en effet, dit (Athanase), étaient nobles et
possédaient beaucoup de richesses, et cela, afin qu’il apparût par la suite
qu’Antoine renonçait aux biens du monde non pas seulement en intention, mais
en fait et véritablement. Car celui qui a méprisé des richesses modestes, il n’est
pas du tout sûr qu’il en oubliera aussi de grandes ; mais celui qui a abandonné
des biens considérables, la chose est évidente : il ne prêtera aucune attention à
des richesses moins importantes.
11. Ainsi donc, allant à l’église dans son jeune âge et entendant le Seigneur
dire au jeune homme : Va, vends tes biens, donne-les aux pauvres, réserve-toi un
trésor dans les cieux, viens et suis-moi63, il ne négligera rien et ne fut pas attristé
comme celui-là64 ; au contraire, il sortit immédiatement et fit tout cela avec joie,
se dépouillant de ses richesses comme d’un vêtement usé qui est un fardeau pour
celui qui le porte, ou (comme fait) quelqu’un que la fatigue ou la sueur de l’été
forcerait à se dépouiller d’un habit épais ; et il dit, parlant non seulement de
l’intention, mais de ce qu’il avait fait réellement : Voici que j’ai tout abandonné
et que je t’ai suivi ; qu’est-ce donc qui m’arrivera65 ? Et il continua à entendre :
Tu recevras le centuple dans ce monde et tu hériteras de la vie éternelle66.
12. Maintenant que j’ai ainsi parlé, admire en toi-même, ô toi qui m’écoutes,
quel homme plein de zèle il était avant (de faire preuve) de zèle, et quel moine
avant (de prendre) l’habit monastique, allant à l’église selon son habitude et
écoutant la lecture des Écritures selon sa coutume, n’écoutant pas simplement
d’une façon quelconque, mais avec attention, n’étant pas seulement attentif,
63 Mt 19, 21.
64 Mt 19, 22.
65 Mt 19, 27.
66 Mt 19, 29 ; Mc 10, 30. Dans la VA 17, 3, ce verset évangélique fait partie de son ensei-
gnement.
332 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
67 Dt 5, 27.
68 Lc 2, 47.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 333
69 Ps 118, 32.
70 Lc 16, 10.
71 1 Co 3, 2.
72 Ex 1, 14.
73 Ex 13, 18.
74 Ex 14, 22.
75 Nb 32, 13.
76 1 R 17, 6.
77 Mt 10, 16.
334 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
domptât lui-même par la faim et la soif, et pour qu’il serrât par là les joues du
78
corps indiscipliné comme par un frein et un mors .
18. Ses vêtements ne s’usèrent pas, et ses chaussures ne devinrent pas trop pe-
tites pendant ce temps si long ; au contraire, ils devenaient de plus en plus neufs.
Tel est en effet le vêtement des vertus qu’il portait, et l’équipement de l’évangile
qu’il s’était mis aux pieds79. Et si tu veux entendre par là les vêtements visibles, je
dirai que, peut-être ceux-là non plus ne s’usèrent pas, soit par miracle, soit grâce à
leur solidité et à leur rudesse ; quand, en effet, un vêtement de cuir et un habit de
poil seront-ils usés ? Ils useront plutôt le corps de celui qui les porte avant que
celui qui les revêt ne les ait usés. Car l’habit qu’il portait était fait, à l’intérieur
d’un vêtement de poil, et à l’extérieur d’un vêtement de cuir, ce dernier à cause de
celui que la transgression fit porter à Adam80, et l’autre à cause des douleurs des
épines et des ronces auxquelles fut condamné notre premier père81. Au sujet de
ces mêmes vêtements, il donna des instructions quand il était sur le point de mou-
rir, et les laissa en héritage à ses pères et à ses fils.
19. De celui donc qui fut tel et qui vécut ainsi, ne diras-tu pas : « Jusqu’à
quelle hauteur son âme ne s’est-elle pas élevée, et combien son corps aussi
n’est-il pas devenu léger ? » Car ce ne sont pas seulement les âmes des saints qui
diffèrent de celles des pécheurs, mais aussi leurs corps. De même, en effet, que
parmi les vases du potier il y a une différence entre ceux qui sont mous et qui
sont encore argile, et ceux qui ont séché au soleil et qui ont été cuits au feu, ceux
qui sont cuits étant plus brillants que les autres, ainsi aussi les corps des saints
qui se réchauffent au soleil de justice82, le Christ, sont plus légers que les corps
des pécheurs, amollis et affaiblis par les plaisirs et les passions, comme de
l’argile ; de même encore, les saints qui ont été cuits dans le four des épreuves
sont plus brillants que les autres, par le fait que toute l’humidité de la passion
s’est desséchée en eux, qu’ils se sont séchés de toute la mollesse du plaisir et des
excès dans le manger et le boire, et se sont purifiés comme de l’argent éprouvé,
selon ce qui a été dit : Tu nous as éprouvés comme on éprouve l’argent83. Ils se-
ront également légers et plus brillants encore lors de la résurrection, lorsque la
chair pétrie avec le sang constituera un corps spirituel84, subtil et resplendissant,
78 Ps 31 ,9.
79 Ep 6, 15.
80 Gn 3, 21.
81 Gn 3, 18.
82 Ml 4, 2.
83 Ps 65, 10.
84 1 Co 15, 44.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 335
et qu’ils seront pareils à un miroir tourné vers le soleil et qui brille comme le
soleil dans le royaume de leur Père85.
20. Oh ! mon esprit ne trouve pas d’exemple à quoi je puisse comparer An-
toine ; oh ! mon discours ne m’aide pas à faire comprendre ce que je dis. Veux-tu
que nous le comparions à tout ce que nous voyons ? Mais nous trouverons qu’il
est bien au dessus de tout cela. Les sages ont coutume de dire que l’homme est un
petit monde86, parce que l’énergie des êtres du monde tout entier est en lui. Eh
bien, quelle est la supériorité d’Antoine à cet égard ? S’il est vrai que chacun des
autres hommes ressemble au monde tout entier, dépassons-les donc tous tant
qu’ils sont, et montons en esprit jusqu’au ciel, qui était d’ailleurs le lieu où se
trouvait sa patrie87. Quels sont donc ceux qui sont en cet endroit-là ? Il s’y trouve
de nombreux ordres, dont les noms ne nous ont pas été indiqués jusqu’ici88, mais
que nous connaîtrons dans peu de temps. Ceux qui nous ont été indiqués jusqu’ici
sont les Anges, les Archanges, les Principautés, les Puissances, les Trônes, les
Dominations et les Vertus89 ; et entre ceux que nous avons cités et ceux que nous
n’avons pas cités, ce sont les Chérubins et les Séraphins, qui sont de beaucoup
supérieurs aux autres et plus proches (de Dieu), mais cependant bien inférieurs à
la Divinité et bien éloignés d’Elle qui est au-dessus de tout.
21. Nous nous sommes élevés bien haut en esprit, mais, allons, comparons
depuis le bas, puisque celui qui s’est élevé, s’est élevé par degrés et par échelons
et qu’il a commencé par le degré du bas. Eh bien, celui qui s’est révélé parfait
dans le spirituel, qui connaissant la gloire de l’humanité n’a pas été comme un
homme dans la gloire mais l’a ignorée, celui en qui l’action de l’esprit a été su-
rabondante, et qui, pour mieux dire, est devenu tout esprit, celui qui s’est fait le
ministre et le serviteur de ceux qui ont hérité d’un salut90 éternel, comment
l’appelleras-tu donc sinon Ange et Archange et esprit serviteur, selon ce qu’a dit
Isaïe au sujet des Saints : Celui qui rend vraie la parole de ses anges91.
22. En effet, on ne dénomme pas seulement chaque être d’après la disposi-
tion de sa nature, mais aussi d’après l’activité qu’il exerce : on appelle quel-
qu’un « homme » à cause de la nature humaine qu’il porte, et on lui donne le
nom de « commandant » parce que sa profession est de commander à d’autres.
Celui donc qui a commandé à toute la création inférieure à l’humanité selon le
85 Mt 13, 43.
86 Conception néoplatonicienne. Par exemple PLOTIN, Ennéades IV, 3, 10.
87 Ph 3, 20.
88 Cette idée est familière aux Pères (cf. G. BAREILLE, « Angélologie d’après les Pères »,
DTC 1, 1909, col. 1192).
89 Ep 1, 21 ; Col 1, 16.
90 He 1, 14.
91 Is 44, 26.
336 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
rang qui a été donné à l’homme dès les débuts92, qui s’est commandé à lui-même
et qui d’autre part a été également le pouvoir de Dieu en lui convertissant des
âmes par sa parole, en les faisant se soumettre à son pouvoir et s’écrier avec le
Prophète : Le Seigneur est notre maître93, qui refusera de dire qu’il est une Prin-
cipauté ?
23. Celui qui a reçu la puissance de marcher sur les serpents, les scorpions et
les basilics, et sur tout le pouvoir de l’ennemi94 et dont la parole a été douée de
puissance, selon ce qui a été dit de notre (Seigneur) Jésus95 – car le pouvoir de la
justice donne de la puissance dans les paroles, ainsi que l’a dit Salomon96 –, celui
que la sagesse a aidé plus que dix (hommes) puissants se trouvant dans la ville97
et qui n’a pas permis à l’esprit de celui qui est puissance de trouver place en
lui98, comment hésiterons-nous à dire qu’il est une Puissance ?
24. Nous avons cité aussi des Trônes. Sont-ce des trônes tombant sous les
sens, fabriqués avec du bois ou d’autres matériaux de ce genre ? Il serait incon-
venant de parler de la sorte. Peut-être alors sont-ce des esprits de sens, servant
de lieu de repos pour Dieu et de siège pour les saints selon l’ordre de Dieu99 ?
Ou plutôt sont-ce des tribunaux, selon ce qui est écrit : Là ont siégé des trônes
pour un jugement100 ? Mais je conjecture, je ne prouve pas. Or, Antoine n’était-il
pas, lui aussi, un trône ? Il ne fut pas un trône de mépris, ainsi qu’il a été dit de
la femme mauvaise : C’est un trône de mépris qu’une femme haïssant des
choses justes101 ; au contraire, il fut secrètement un homme tellement avisé, il fut
un trône d’intelligence et il fut le trône du Très-Haut par sa pureté selon qu’il est
écrit : Notre pureté est le trône du Très-Haut102.
Veux-tu que nous restions indifférents103 au milieu des honneurs, que nous
nous attristions selon Dieu104 au milieu de la joie, et que nous fassions comme
ceux qui pleurent en éprouvant une joie excessive ? Nous avons fait allusion tan-
tôt à ceux qui siègeront sur douze trônes et qui jugeront les douze tribus
92 Gn 1, 28.
93 Is 32, 22.
94 Lc 10, 19.
95 Lc 4, 32.
96 Pr 17, 14.
97 Si 7, 20.
98 Si 10, 4.
99 Mt 19, 28.
100 Ps 121, 5.
101 Pr 11, 16.
102 Référence non identifiée.
103 G. GARITTE a traduit « nous pratiquions la supplication » pour filosofei'n. Nous sui-
vons plutôt le choix de T. VIVIAN, d’après le sens donné par LAMPE 1481C.
104 2 Co 7, 9.11.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 337
d’Israël105. Si donc ceux-là vont juger les Juifs parce qu’ils sont eux-mêmes
juifs, peut-être alors Antoine lui aussi et tous les autres saints qui furent en
Égypte vont-ils juger les Égyptiens ; car l’agriculteur cherchera la récolte là où il
a semé ses graines, et chacun des saints cherchera le fruit de ses labeurs là où il a
planté la parole de son enseignement. Ou bien ne savez-vous pas, dit (l’Apôtre),
que ce sont les saints qui jugeront le monde106 ?
25. Une domination, d’autre part, Antoine ne le fut pas pour s’être beaucoup
multiplié, pour avoir crû, avoir rempli toute la terre et l’avoir dominée107 – car
le monde entier et ses richesses appartiennent au fidèle108 –, mais parce qu’il fut
aussi une domination de Dieu par le fait que beaucoup ont connu grâce à lui Sa
domination et ont dit : Le Seigneur est Jésus le Christ pour la gloire de Dieu le
Père109.
26. Antoine fut aussi une Vertu parce que la force de Dieu fut manifestée
par sa faiblesse, et qu’il fut une force pour d’autres. Car parmi ceux qui se sont
affaiblis dans leurs pensées, quel est celui qui pensera à Antoine sans reprendre
aussitôt, vigueur et dire : « Moi, je suis fort 110 ? » Et je ne crois pas que la nour-
riture fortifiera l’homme affamé de la même manière que la vie d’Antoine ne
donne de la vigueur à l’âme épuisée d’un moine.
27. On traduit « Chérubin » par « la science abondante », et on interprète
« Séraphin » par « la brûlure du feu »111. Or la science d’Antoine ne fut-elle pas
abondante ? En quel homme fut-elle plus abondante qu’en lui ? Et qui a brûlé
comme lui du feu qui consume, c’est-à-dire Dieu112, lui qui brûla de ce feu
comme des charbons, selon ce qui est écrit : Des charbons se sont allumés à
lui113 ? Et la science du Christ ne l’illumina-t-elle pas ?
28. Vous entendez dire, d’autre part, qu’ils ont des ailes et de nombreux
yeux114. Sont-ce donc des plumes disposées à l’extrémité de la chair, et des yeux
disposés sur des vêtements d’une blancheur éclatante, avec la pupille brillant au
milieu et le rayon de lumière dans la pupille comme une mèche brûlant dans une
lampe, avec des revêtements de peau les entourant comme une muraille, avec des
paupières pratiquées dans les revêtements comme un ? [mot dont la signification
est inconnue] d’épines dans un champ, chassent les êtres nuisibles comme des
éventails, et avec des sourcils leur servant d’ornement ? Ou bien veut-on signifier
leur légèreté et leur élévation par les ailes, et par le grand nombre d’yeux le fait
qu’ils se complaisent plus que les autres dans la contemplation de la Trinité ?
29. Interroge donc Athanase, et il t’apprendra qu’Antoine était devenu léger,
qu’il s’était élevé, qu’il était devenu tout yeux, et qu’il fit en sorte que son être
pétri des quatre éléments devînt élevé comme par quatre ailes, si bien qu’une
fois il fut ravi dans les airs et que d’autres fois il s’éleva dans la contemplation ;
une fois il voit l’âme d’Amoum enlevée vers le ciel – chose qui se passa en un
endroit éloigné de lui de nombreuses journées de marche –, et d’autres fois en-
core, assis dans le désert, il voit ce qui se passe en Égypte ; car il connut le pas-
sé, il vit le présent, et prévoyant l’avenir il prophétisa la ruine de Balacios, il
prédit la domination des Ariens et annonça à l’avance la destruction de leur do-
mination, il vit de loin avant (qu’on ne les trouvât) celui qui était mort et celui
qui était à demi-mort sur le chemin, et il atteignit par son esprit et par sa prière la
jeune fille de Laodicée. Il luttait avec les démons dépourvus de sang par un es-
prit dépouillé, et il expulsait celui en qui a été trouvée l’injustice115, Satan.
Comme le Chérubin, il se complaisait dans la contemplation de la divinité à la
manière d’un être incorporel.
30. Peut-être murmures-tu parce que je l’ai comparé à ces saints chœurs ; si
oui, je vais faire preuve d’une bonne émulation116 et dire qu’Antoine fut un dieu.
Je ne l’égale pas cependant à Dieu – une pareille passion est celle de l’Étoile du
matin qui a été obscurcie117 –, mais je le compare à Dieu, car j’entends Paul dire
lui aussi : Imitez-moi comme j’ai imité le Christ118, et : Imitez Dieu comme des
fils bien-aimés119, et aussi à cause de ce qui est écrit : J’ai dit que vous êtes des
dieux, que vous êtes tous les fils du Très-Haut120, et parce qu’il a été parfait
comme son Père qui est dans les cieux, qui est parfait121, puisqu’il est demeuré
ainsi dans le désert122 sans murmurer et que sans pusillanimité il a battu Ama-
115 Ps 16, 3.
116 1 Tm 6, 12 ?
117 Comme dans Is 14,12, l’Étoile du matin désigne ici Lucifer (Vulgate), alors qu’en 2 P 1, 19
et Ap 22, 16 elle désigne le Christ.
118 1 Co 11, 1.
119 Ep 5, 1.
120 Ps 81, 6.
121 Mt 5, 48.
122 Jos 5, 6.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 339
lec123 ou le peuple qui a dévié, c’est-à-dire les démons ; il a tué Séhon, le roi des
Amorrhéens124, la tentation ou le maudit, le roi de ceux qui sont âpres, selon
l’explication (de ce nom), et il a mis à mort Og, le roi de Basan125, ou
l’obstruction, le roi de la honte selon l’interprétation (de ce mot), c’est-à-dire le
diable et ceux à qui il commande. Et il n’alla pas dans une région de la Phéni-
cie126, mais à l’accomplissement de la vertu selon la mesure de l’humanité ; il
était donc appelé vers la terre de la promesse127, la terre où se trouvent ces biens
que Dieu a promis à ceux qui l’aiment128, terre qui ruisselle de lait et de miel129,
endroit où sont nourris ceux qui ont été petits dans la méchanceté130 et lieu où
habitent ceux qui se sont convertis et qui sont devenus comme ces petits en-
fants131.
31. Son chemin donc ne consistait pas dans la traversée d’un Jourdain132 –
car il avait déjà fait cette traversée et avait été baptisé dès son enfance –, ni dans
la douleur que donne la circoncision de la chair au moyen d’un couteau de
pierre133 – car il avait déjà circoncis le revêtement de graisse de son cœur par la
parole de Dieu, qui taille mieux que tout couteau à deux tranchants134, et par la
pierre de vérité, le Christ, car la pierre, dit (l’Apôtre), était le Christ135 – ; au
contraire, son chemin consistait dans la douleur de la séparation de l’âme d’avec
le corps. Et les affres de la mort s’emparent également des saints, selon ce qu’a
dit David : Les affres de la mort se sont emparés de moi136, quoique la cons-
cience pure, la joie du visage de ceux qui sont venus à leur rencontre, la splen-
deur des lieux où ils vont et la beauté des biens qui leur sont préparés leur appor-
tent soulagement et consolation, et, pour ainsi m’exprimer, les soustraient aux
douleurs au milieu des douleurs. Le vieillard, en effet, vit ceux qui étaient venus
123 Ex 17, 13. ORIGÈNE, Homélies sur les Nombres XIX,1,3, éd. L. DOUTRELEAU, SC 442,
1999, p. 349 : « Amalec signifie celui qui dévore ou qui détourne le peuple ».
124 Nb 21, 23-24. Cf. P. DE LAGARDE, Onomastica sacra, t. 1, Göttingen 1870, p. 198 :
« Shw;n peirasmo;" qermov" ».
125 Ps 134, 10-11.
126 Ex 16, 35.
127 He 11, 9.
128 Jc 1, 12.
129 Ex 3, 8 ; Nb 13, 23.
130 1 Co 14, 20.
131 Mt 18, 3.
132 Jos 3, 17 ; 2 R 2, 8.14.
133 Jos 5, 2.
134 He 4, 12.
135 1 Co 10, 4.
136 Ps 17, 4.
340 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
à sa rencontre, se réjouissant avec lui comme des amis, et lui aussi il se réjouit
avec eux, car il apparaissait tout joyeux sur sa couche.
32. Car de nouveau je vais orner mes paroles avec (celles d’) Athanase, je
vais les broder par endroits comme un vêtement avec de la pourpre et je vais les
terminer avec elles comme j’ai commencé avec elles, à la manière d’un bâton
orné d’or à ses deux bouts. Et ce que nous avons dit de bien appartient à Atha-
nase, ou plutôt au Saint-Esprit, car il est dit : Personne ne peut dire : Jésus est le
Seigneur, sinon par l’Esprit Saint137. Quant à ce en quoi nous avons erré, im-
pute-le nous.
33. Et je sais que tu vas me blâmer pour ma témérité, mais ma bonne volon-
té te plaît ; et même si je ne me suis pas élevé à la mesure qui conviendrait à
notre entreprise, ne t’en étonne pas. Car Athanase lui-même reconnaît ma dé-
faite, et chacun de tous les saints qui ont parlé d’Antoine a pu à peine exposer
une partie de ses mérites ; l’un a souvent rassemblé de l’or en parlant de sa foi
excellente, un autre de l’argent en exprimant son enseignement vénéré, un autre
encore des pierres précieuses en manifestant sa vertu, un autre du cuivre en in-
terprétant ses paroles sonores, un autre enfin du fer en nous faisant connaître sa
force et son (courage) infrangible dans les persécutions, et ainsi, chacun appor-
tant ce qu’il a trouvé, ils ont pu à peine dresser une seule tente à la gloire
d’Antoine. Quant à mes (paroles), considère-les comme le poil de chèvre que la
construction de la tente ne rejette pas, et compte que j’ai parlé seulement de son
humilité et que j’ai voulu ajouter mon nom à d’autres.
34. Car quel est celui des historiens qui n’a pas parlé d’Antoine ? Quel est
l’écrivain à qui Antoine n’a pas donné matière (à écrire) ? Quel est celui des
Pères qui n’a pas loué ce vieillard béni ? En effet, Athanase a dit : « Pour moi,
c’est déjà une grande utilité que de me souvenir simplement d’Antoine138 ». Si
Basile veut légiférer pour les moines, il leur rappelle Antoine139. Si Grégoire
veut nommer Athanase, il introduit (dans son discours) Antoine140. Si Jean veut
caractériser celui qui a renoncé au monde, il dit : « Comme Antoine le
Grand141 ». Si Cyrille veut faire l’éloge des moines d’Égypte, il dit : « Puisque
vous imitez Antoine142 ». Si Sévère veut donner un exemple de celui qui s’est
137 1 Co 12, 3.
138 VA, Prologue 3.
139 Le TLG n’indique aucune occurrence du nom d’Antoine dans les œuvres de Basile.
140 GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours 20-23, SC 270, 1980, Discours 21, 5, p. 118-119.
141 JEAN CHRYSOSTOME, Homélie VIII sur Matthieu (PG 57, 89).
142 Le TLG n’indique aucune occurrence du nom d’Antoine dans les œuvres de Cyrille
d’Alexandrie. S’agirait-il de Cyrille de Scythopolis ? Dans sa Vie de saint Sabas 27, il
écrit : « Celui qui jadis était apparu au vénérable Antoine se montra à lui aussi, lui or-
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 341
bien conduit au milieu des sens, il dit : « Comme Antoine le Grand143 ». Et par-
dessus tous ceux-ci, apa Chenoute à la bouche véridique a dit : « Si tu
rassemblais tous les moines du monde, ils ne feraient pas (à eux tous) un seul
Antoine144. »
35. Est-ce que donc, tandis que ceux qui ont cessé de vivre et qui s’en sont
allés ont fait son éloge, ceux qui vivent actuellement ne le vanteraient pas ? Oui,
certes, ils l’honorent. Qui est le plus grand des prêtres, le grand prêtre et le pas-
teur suprême parmi les pasteurs ? Tu vas dire avec moi que c’est Damien. Eh
bien, il loue Antoine. Il ne peut, en effet, en être autrement pour lui, car il serait
étrange qu’il ait hérité du trône d’Athanase et repris ses opinions et qu’il n’ait
pas acquis (en même temps) le zèle d’Athanase envers Antoine, et qu’il soit par-
fait en toutes choses mais déficient de ce côté.
36. Quel est celui qui chez nous vient après lui ? C’est Nicolas. Eh bien, il a
honoré Antoine, non pas ainsi simplement, mais au début de son sacerdoce, le
premier endroit qu’il a consacré et qu’il a sanctifié après être devenu évêque,
c’est ce temple sacré qui fut construit au nom d’Antoine. Et voici qu’il l’a hono-
ré encore par ses promesses, en consacrant après dix années d’épiscopat cet
autre saint topos145 qui est au nord d’ici.
37. Et d’autre part, Antoine lui-même les a honorés le premier, aussi bien
Damien que Nicolas, parce qu’ils portent tous deux son saint schéma, et c’est le
genre de vie d’Antoine qui les a conduits sur les marches du trône de la prêtrise
et sur la chaire de l’enseignement. Si vous ne croyez pas en moi et en mes pa-
roles, croyez aux œuvres146, dit le Seigneur.
38. Je voudrais en dire plus long, car c’est un riche qui (me) donne
(l’inspiration), mais le temps nous retient et l’endroit nous arrête, car nous par-
lons de jour devant un topos qui est loin de la ville et devant des gens qui sont
venus de la ville et qui doivent encore rentrer dans la ville, qui ont passé toute
une nuit dehors à veiller et qui se sont fort fatigués, quoique leur fatigue ne soit
pas vaine147, ainsi qu’il est écrit.
donnant de prendre courage par le pouvoir de la croix » (trad. A.-J. FESTUGIÈRE, Les
moines d’Orient, p. 37).
143 Passage non identifié.
144 Sinuthii vita bohairice 69, texte copte dans CSCO 41/Copt 1, 1906, p. 35 ; trad. latine,
dans CSCO 129/Copt 16, 1951, p. 19.
145 Ce terme peut désigner aussi bien un monastère qu’une église ou une chapelle (cf. A.
PAPACONSTANTINOU, Le culte des saints en Égypte des Byzantins aux Abbasides.
L’apport des inscriptions et des papyrus grecs et coptes, Paris 2001, p. 269-278).
146 Jn 10, 38.
147 1 Co 15, 58.
342 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
39. Et toi, saint vieillard, vieillard bien-aimé, père aimant ses fils, fils des
apôtres et père des évêques – ceci à cause du trône et cela à cause de la vertu –
fils des pères et père des fils, et par conséquent notre père et notre grand-père
tout à la fois, père de terre entière et père de l’Égypte plus que de la terre entière,
car je suis convaincu et je sais que tu aimes notre misère, et je suis sûr que tu
restes avec nous en cette sainte assemblée sans en sortir jamais ; et je ne pense
pas qu’on ait bâti un autre topos à ton nom dans cette éparchie ; aussi es-tu pour
nous comme un père qui, n’ayant qu’un seul fils, ne partage pas son amour sur
plusieurs enfants, mais dont l’amour est concentré sur son fils unique. Et même
s’il devait arriver qu’on bâtit d’autres topos à ton nom, j’ai confiance que tu res-
pecterais le droit d’aînesse et que tu ne permettrais pas à Jacob de l’enlever pour
un peu de lentilles noires148 ou pour une gourmandise à laquelle est attachée
l’impureté. Je ne parle pas ici de Jacob Israël149, mais je dis ceci au sujet de Ja-
cob le supplanteur, celui à qui il a été permis d’observer notre talon et dont nous
avons reçu le pouvoir d’observer la tête150.
40. Reste-nous attaché en cet endroit, ô vieillard ! Et puisse ta sœur qui a
vieilli dans la virginité veiller sur ces vierges qui sont là-bas. Ou plutôt, rendez-
nous visite en cet endroit tous les deux, et allez aussi là-bas chez elles tous deux
ensemble. Car il n’y a ni homme ni femme distincts en vous jusqu’à présent,
puisque vous n’avez pas encore repris vos corps jusqu’à présent, ces corps qui
comportent les membres de cette nature. Et même quand vous les aurez repris
par la résurrection, même alors il n’y a pas d’homme ni de femme dans le
Christ151 ; en effet, s’il y en a selon les membres, il n’y en a pas selon les pas-
sions des membres. Car vous n’avez pas eu la honte d’avoir été dévêtus en ce
lieu par un péché comme Adam et Ève après la transgression ; et vous vous
trouverez nus aussi en cet endroit-là et en ce jour-là sans ressentir de honte, pa-
reils à Adam et Ève dans le paradis avant la transgression ; l’Écriture dit en effet
en un passage : Ils étaient tous deux nus, Adam et sa femme, et ils n’en ressen-
taient aucune honte152, et en un autre : Leurs yeux s’ouvrirent et ils eurent
honte153. Ainsi donc, c’est le péché qui provoque la honte, ce ne sont pas ces
membres par eux-mêmes qui amènent la honte, mais le fait de savoir quelle est
la fonction de ces membres. Ainsi par exemple, vous voyez ces petits enfants
rester nus sans en avoir honte, parce qu’ils ne savent pas à quoi se rapportent ces
membres qui sont dénudés.
phiques grecs édités ou inédits concernant saint Antoine (BHG 140-141). Nous
les présentons dans l’ordre donné dans la BHG et nous les ferons suivre d’autres
textes.
162 R. CRISCUOLO : « L’Epitome inedita, fatta da Melezio monaco, della Vita S. Antonii
Eremitae scritta da Atanasio », Bollettino della Badia Greca di Grottaferrata, vol.
XXV, 1971, p. 81-98.
163 H. DELEHAYE, Les saints stylites, SH 14, Bruxelles 1923, ch. I, p. V.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 345
les traits d’un enfant noir. Mélèce ne s’écarte de la VA que sur la question du
pain reçu par Antoine (2 fois par an selon la VA, un petit peu durant 40 jours se-
lon Mélèce).
Nous indiquons en italique les passages identiques à la VA afin de faire res-
sortir ce qui est propre à Mélèce.
***
164 Ep 5, 17.
165 1 P 4, 6.
166 VA 1, 1.
167 VA 2, 1.
168 Mt 19, 21 ; VA 2, 3.
169 VA 2, 4. L’aroure est le nom grec d’une ancienne mesure égyptienne qui représente un
carré de cent coudées royales de côté, environ 52,5 cm soit 2756,25 m2 (cf. HÉRODOTE
2, 168).
170 VA 2, 5.
171 VA 3, 1.
346 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
et là, à proximité, un vieillard qui menait la vie solitaire depuis son plus jeune
âge172. Antoine l’ayant ainsi imité, ayant reçu de lui la voie qui mène à la vertu,
menait la garde des pensées et avait un grand zèle qui était total pour l’ascèse et
il persévérait à veiller, à jeûner, à coucher sur la dure, à cultiver la bonté, à rester
ferme, il s’appliquait en somme à rendre en lui-même les combats de tous les
saints173.
4. Mais le diable, ennemi du bien et jaloux ne supporta pas de voir en ce
tout jeune homme174 une telle vertu, et l’ayant souvent tenté par le raisonnement,
lui remettant en mémoire ses propres biens, le soin de sa sœur, les liens de fa-
mille, il réveilla aussi toutes les autres tentations en son esprit. Et tandis que
l’ennemi restait inopérant, Antoine, lui, le grand, avançait davantage sur la voie
de la vertu. Ainsi, ce grand, ce père, apprenant que les méthodes du diable
étaient nombreuses, renforçait l’ascèse, pensant à la parole de l’apôtre, selon
laquelle, « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort175 ». Ainsi il ne se
rappelait pas du temps écoulé, mais jour après jour, comme s’il commençait
l’ascèse176, il peinait le plus qu’il pouvait. Et l’ennemi cherchait à nouveau à le
troubler en profondeur, mais lui disait nettement au Seigneur : « Qu’une armée
campe contre moi, mon cœur est sans crainte, qu’une guerre éclate contre moi,
en toi, mon Seigneur, j’ai mon espérance177 ».
5. Et le Seigneur n’oublia pas le cri d’Antoine, mais lui porta secours. Ayant
donc encore une fois levé les yeux vers le ciel, il vit le toit comme s’il avait été
entrouvert et un rai de lumière tomber sur lui178 et les démons qui lui faisaient la
guerre avaient disparu et une voix parvint jusqu’à lui « Aie confiance, Antoine
et sois fort. Je serai en effet toujours un secours pour toi 179 ». À ces mots, An-
toine se leva et priait180 ; il inclinait intérieurement à vivre un combat plus pé-
nible, et, s’éloignant de là, il monta sur une montagne supérieure, s’imposant à
lui-même une extrême discipline, à ce qu’on dit, consistant à ne recevoir pen-
dant quarante jours qu’un tout petit rien de pain181. Et de nombreuses personnes
172 VA 3, 3.
173 Cf. VA 4.
174 VA 5, 1.
175 2 Co 12, 10 ; VA 7, 8.
176 VA 7, 11.
177 Ps 26, 3 ; VA 9, 3.
178 VA 10, 1.
179 VA 10, 3.
180 VA 10, 4.
181 Cf. VA 12, 3-5. Dans la VA, Antoine ne reçoit du pain que deux fois par an.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 347
193 VA 40, 1.
194 VA 40, 2.
195 VA 42, 7.
196 VA 42, 8.
197 VA 44, 2.
198 Nb 24, 5-6 ; VA 44, 4.
199 VA 46, 1.
200 VA 46, 2
201 VA 48, 1.
202 VA 49, 1.
203 VA 49, 4.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 349
effet un peu d’eau et des palmiers, éléments que le grand Antoine reçut aussi
comme consolation ; et il était ainsi seul à habiter la partie plus intérieure de la
montagne, vaquant à la prière continuelle et à une stricte ascèse, et les autres
frères qui venaient auprès de lui tous les trois mois lui apportaient des olives et
quelques légumes204. Là certes, secoué par les ennemis il endurait à nouveau de
nombreuses oppressions, mais il était un acier très dur qui ne tenait pas compte
de leurs machinations.
10. Et un jour donc il fut sollicité par les moines de descendre chez un vieil-
lard malade. Et alors qu’ils faisaient route, ils furent affaiblis à cause de la soif,
ce désert-ci en effet n’avait pas d’eau et tous, sous l’effet de la soif et de la cha-
leur ardente survenue, ils s’étendirent à terre, au bord du danger. Et ce grand
[Antoine], le fleuron des moines, voyant qu’ils étaient tous en danger, éprouva
du chagrin à leur propos et s’étant un peu éloigné d’eux, se mit à genoux, étendit
les mains, et pria, et aussitôt là même où il était placé, le Seigneur fit jaillir de
l’eau à cet endroit, que l’on a vue jusqu’à maintenant, et les moines ayant bu
furent sauvés de ce péril205. Et il devenait un tel homme ayant la pureté de
l’intellect et d’une vie authentique, capable de dire ce qui allait arriver.
11. Ainsi donc, deux philosophes grecs se rendirent auprès de lui pensant le
mettre à l’épreuve. Il était alors dans la montagne extérieure, et les ayant regar-
dés il fut au fait de leurs intentions, alla vers eux et dit : « Pourquoi vous êtes-
vous tant fatigués, philosophes, pour venir chez un homme inculte ? » Et eux de
répondre qu’il n’était pas inculte, mais fort sage et intelligent. Et il dit : « Si
vous allez vers un sot, vaine est votre peine, mais si vous pensez que je suis sen-
sé, devenez comme moi206, il faut en effet que soient imitées les belles actions207,
et si c’était moi qui étais allé vers vous, je vous aurais imités, mais puisque c’est
vous qui venez à moi, devenez comme moi. » Et ils s’en retournèrent pleins
d’admiration. Ils savaient en effet que les démons le craignaient208.
12. Et sa réputation parvint même jusqu’à l’empereur. Les augustes Cons-
tance et Constant souhaitaient recevoir des réponses de sa part. Ils lui écrivaient
en effet des lettres comme à un père mais il n’était nullement réjoui de ces
lettres. Mais ayant été alors exhorté par les moines : « Puisqu’ils sont chrétiens
et afin de ne pas les scandaliser, écris-leur quelque chose. » Et il leur écrivit à
propos des moyens de salut de ne surtout pas préférer les réalités d’ici-bas à
celles d’en haut, mais de toujours avoir en mémoire le jugement à venir209. Et un
15. Et quelle fut la fin de sa vie, il est juste que ceux qui le désirent en en-
tendent le récit214. Selon l’habitude, il rendait visite aux moines dans la mon-
tagne, et ayant appris d’en haut sa propre fin, il parlait aux frères : « Enfants, il
est temps et l’heure de mon passage est proche, car j’ai maintenant atteint cent
cinq ans et assurément je désire m’endormir. » Et tous pleuraient et embras-
saient le vieillard215, mais lui leur donnait une admonestation utile à l’âme de
tous. Et le saint dit plus tard à ce propos216 : « Enfants, nombreux sont en effet
ceux qui ne cachent pas les corps des saints dans la terre, mais ont coutume de
ces pratiques : ils entourent de bandelettes les restes des saints, pensant les hono-
rer par cette pratique, et ce faisant, eux-mêmes les outragent. Cette pratique
n’est en rien conforme à la loi ou à la religion, car en effet, les corps des pro-
phètes, des apôtres et du Seigneur lui-même ont été posés dans un tombeau. » Et
par ces paroles, il montrait qu’il contrevient à la loi, celui qui ne cache pas, après
la mort, les corps des défunts, fussent-ils saints. Qu’y a-t-il de plus grand ou de
plus saint que le corps du Seigneur ? Beaucoup donc, l’ayant entendu, rendaient
grâce au Seigneur d’avoir reçu de lui un si bel enseignement217. Ayant ensuite
quitté cet endroit pour la montagne intérieure218, il était accompagné de deux
moines depuis quinze ans, et là étant tombé malade peu de temps après, il leur
dit : « Moi, frères, je m’en vais par la voie de mes pères, je vois en effet que le
Seigneur m’appelle. Vous, veillez, vous connaissez les démons et leurs pièges,
mais ne les craignez pas, mais respirez toujours plutôt le Christ. Ensevelissez-
moi donc dans un lieu connu de vous seuls, partagez mes vêtements et donnez à
l’évêque Athanase celui qu’il m’a donné neuf et que j’ai usé, et l’autre à
l’évêque Sérapion, et maintenant, enfants, vivez : Antoine s’en va219. » Sur ce,
après que tous deux l’eurent embrassé, il étendit paisiblement les mains et rendit
l’esprit au Seigneur. Et ceux-ci donc firent selon le commandement qu’il leur
donna220.
16. Telle fut la fin de la vie d’Antoine dans son corps et tel fut le commen-
cement de son ascèse221. Il faut admirer ceci que depuis sa prime jeunesse jus-
qu’à sa vieillesse comprise, il vieillit dans une égale ardeur. Et le fait que par-
tout il soit admiré, même si on ne l’avait pas vu, révélait sa vertu et l’amitié de
214 VA 89, 1.
215 VA 89, 2-3.
216 VA 90, 2-4.
217 VA 90, 5-6.
218 VA 91.
219 Jn 13, 1.
220 VA 92.
221 VA 93, 1.
352 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
son âme avec Dieu222 ; que cela soit un don de Dieu, il ne se trouverait personne
pour le nier. Comment aurait-il été connu jusqu’à Rome et en Afrique, assis
qu’il était sur la montagne223 ? Et caché, révélé par le Seigneur ; le Seigneur l’a
montré au monde entier comme un flambeau224. C’est bien ainsi que Dieu glori-
fie en retour ceux qui le glorifient225 et ceux qui le servent jusqu’à la fin226, il
veille sur eux pour qu’ils restent indemnes des suites des ruses de l’ennemi et il
dispose pour lui le royaume des cieux dans le Christ Jésus notre Seigneur, à qui
est la gloire pour les siècles des siècles. Amen227.
222 VA 93, 3.
223 4 R 1, 9 ; VA 93, 5.
224 VA 93, 6.
225 1 R 2, 30; VA 94, 1.
226 VA 94, 1.
227 Rm 16, 27 ; VA 94, 2.
228 F. HALKIN, Le ménologe impérial de Baltimore, SH 69, 1985, p. 227-248.
229 Sur l’anachronisme d’un couvent au IIIe siècle, cf. G. J. M. BARTELINK, VA, introduc-
tion, p. 81-82.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 353
Dieu » (§ 11, 13), « ami de Dieu » (§ 13-14). Son charisme propre est d’avoir
été initié aux mystères qui ne sont révélés ordinairement qu’après la mort (§ 12).
Il exhorte à la vigilance (nepsis, § 9), au souvenir de la mort (§ 16). L’humilité
et la joie sont ses caractéristiques (§ 13).
Le discours a un style recherché, avec des antithèses (particulièrement dans
le § 15), des jeux de mots, des images qui nous étonnent et quelques allusions
discrètes à des auteurs et à des thèmes profanes de l’Antiquité. Outre la louange
d’Antoine, il ne manque pas d’éloges pour l’apôtre Paul (§ 3, 12, 14, 16, 20),
Athanase (§ 1, 8, 10, 12), Élie et Jean-Baptiste (§ 18), Paul de Thèbes (§ 19).
***
3. L’enfance d’Antoine
Antoine, l’initiateur du désert et le maître de la vie solitaire, le guide d’une vie
en union avec Dieu et le noble modèle de nobles actions, est né dans cette
Égypte arrosée par le Nil, le plus beau des fleuves, pays que Dieu fait regorger
de toutes sortes de biens, dont même les plus modestes s’avèrent très désirables
dans le monde entier aux yeux de ceux qui n’ont eu en partage que des préoccu-
pations terre-à-terre et qui désirent les choses éphémères comme si elles étaient
durables. Mais ce grand homme ne visait véritablement que les hauteurs, refusait
de se préoccuper des choses terrestres et, désireux d’avoir droit de cité dans les
cieux236, ne s’est pas intéressé aux choses médiocres et corruptibles en général.
Épris des biens authentiquement nobles et incorruptibles, il a laissé les autres se
plaire aux beautés de l’Égypte, qu’il tenait pour des songes.
Il se réjouissait d’accompagner ses parents là où son âme se plaisait,
j’entends les divines assemblées et les rassemblements dominicaux. En effet, s’il
y eut des gens pieux et amis de Dieu en Égypte, c’étaient bien ses parents. Les
soins du corps le laissaient tous ou à peu près ou complètement indifférent. Il ne
se souciait pas d’une nourriture variée ; il était absolument dépourvu de la pas-
sion des vêtements soyeux, dont l’opulence plaît à la foule et qui sont tenus plus
en honneur peut-être que le soin de l’âme. En fait de nourriture ou de vêtements,
il se contentait de l’indispensable et rejetait tout superflu, absolument inutile,
pensait-il, à ceux qui veulent mener une vie parfaitement pieuse.
Il s’adonna à l’étude et à l’apprentissage du savoir, et n’y consacra pas peu
de temps. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient dire, il n’éprouvait pas
d’aversion pour la connaissance elle-même, il n’était pas rebelle aux efforts que
réclame l’instruction, mais il refusait de troubler, si peu que ce fût, la pureté de
son esprit par la fréquentation et la compagnie de jeunes gens grossiers. Il pen-
sait, selon l’expression de Paul, le divin héraut, que son instruction devait lui
venir de Dieu237, Dieu qui rend la vue même aux aveugles238, comme nous l’a
enseigné David, divin en esprit. Dès sa première touffe de cheveux, pour ainsi
dire, il s’était révélé très ardent à s’unir à Dieu dans la pratique de ses devoirs,
et, en réalité comme en apparence, il était le plus prompt de tous, ou peu s’en
faut, à embrasser cette voie.
239 Jeu sur un mot qui veut dire « frère/sœur » et, dans un sens dérivé, « analogue ».
240 Cf. Mt 19, 21.
241 Cf. note 169, p. 345.
242 Ps 101, 8.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 357
portait ces souffrances n’abandonna pas son soldat sans consolation : se mon-
trant tout à coup à lui, l’Ami des hommes apaisa ses souffrances et ses peines et
le rendit plus fort dans la lutte contre ses ennemis invisibles. Fortifié par Dieu et
protégé par son aide comme par une solide armure, cet homme admirable, fort
de la résolution intrépide de son âme, conviait les scélérats à venir à lui ; mais ils
étaient parfaitement incapables de s’approcher de lui, tout amis de la guerre et
du péché qu’ils étaient.
Il s’attachait avec plus de confiance à l’inclination qui le portait vers Celui
qu’il avait désiré depuis l’enfance ; il était suspendu à cette seule inclination en-
vers Lui, seul capable de le sauver. Le sage savait que, s’il était dans cette dispo-
sition, jamais les forces du mal ne pourraient arriver jusqu’à lui. En effet, le
fouet des ennemis malfaisants qui s’était approché de sa demeure avait disparu
en un instant par la manifestation et la grâce de Dieu.
243 J’ai conservé partout la traduction littérale de ce verbe qui revient quatre fois dans le
discours.
244 Cf. HÉSIODE, Travaux, 289.
245 Jeu de mots sur oros « montagne » et horos « limite, règle ».
358 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
âme. Comme l’ascète achevait sa route vers la montagne, il lui fit voir un objet
d’une taille considérable, un disque d’or. Antoine, sachant parfaitement qui était
celui qui avait ces tortueux desseins et que l’objet qui lui apparaissait était un
moyen d’éprouver et de tenter sa vertu, se moqua des tentatives du démon pour
le détourner par de telles entreprises de la route conduisant à Dieu, et il poursui-
vit son chemin sans s’écarter de son dessein. Ensuite, pendant qu’il avançait, il
vit de l’or véritable sur la route devant lui. On ne sait pas qui avait voulu laisser
là cet or. Était-ce la Puissance divine qui voulait montrer au Maître maléfique du
monde246 le mépris du grand homme envers lui ? Était-ce le Malin lui-même qui,
auparavant, par ce disque imaginaire dont j’ai parlé, avait essayé de troubler ce-
lui qui l’avait maintes fois terrassé ? L’homme qui avait reçu dans son cœur – de
la part de Celui qui est venu jeter le feu sur la terre247 et qui était pressé de le
voir s’allumer – un feu qui dévore la méchanceté, passa outre cet or comme si
c’était un feu capable de consumer son âme. Et il gagna la montagne, où il
s’entretenait seul à seul avec Dieu ; sa joie était dans ses ascensions vers Dieu248,
et il vivait avec son corps d’une vie véritablement incorporelle.
Sa seule nourriture était du pain, et en petites quantités ; la boisson, ce sont
les sources qui nous la fournissent sans que nous ayons prendre de la peine. Il
avait abandonné l’usage du feu et de l’huile dès avant sa fuite du monde. Quant
à la viande des sacrifices249, qu’en dire encore, puisque, alors même qu’il vivait
dans sa patrie, il n’avait eu aucune difficulté à la mépriser ? Il exténuait son
corps par les fatigues qu’exige l’ascèse et, comme s’il dissipait un nuage, il of-
frait à son esprit la liberté de pouvoir saisir Celui qui est véritablement désirable.
Mortifiant la chair par l’abstinence, il travaillait à la rendre vigoureuse, comme
s’il aiguisait une arme pour terrasser ses ennemis.
250 Le substantif que l’on traduit généralement par « assaisonnement » ou « ingrédient » est
de la même racine que le verbe « amadouer » ; ces ingrédients comportaient du miel.
251 Sans doute allusion au fait que la VA d’Athanase est la plus ancienne Vie de moine.
252 Contrairement au discours orné de l’Anonyme.
253 Cf. Am 7, 14.
360 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
9. Exhortations spirituelles
Un jour qu’il s’était abandonné à prier Dieu, ceux qui étaient présents – sa prière
s’était prolongée longtemps – s’étonnèrent à part soi de la durée de l’extase du
bienheureux et du temps qu’il avait mis à revenir à lui (car il était sorti de son
corps). Interrogé par les frères sur la raison de la durée de sa prière, il leur tint
ces propos.
« Mes enfants, désirer obtenir son salut réclame beaucoup de vigilance.
Nous devons être rigoureusement sur nos gardes durant toute la durée de notre
vie ici-bas. Tous les péchés, toutes les sortes de péchés que nous avons commis
par la faute des esprits du mal qui habitent les cieux254, et dont notre âme, après
la séparation d’avec le corps, est obligée de rendre compte, m’ont été révélés
maintenant et dans le passé par le Maître Ami des hommes. Prenons donc garde
de ne pas être souillés par des pensées impures et veillons à ne pas les traduire
en actes. Chaque fois que la passion du désir surgit dans la partie imaginative de
notre intellect, faisons tous nos efforts pour nous y refuser dès le commence-
ment même. Mais, si, par la faute d’une totale négligence, nous lui donnons
notre assentiment, gardons-nous, autant que possible, de passer aux actes. En
effet, la réalisation du désir charnel se révèle sans contredit un péché grave et
difficile à effacer. Il ne faut donc pas ouvrir la porte aux mauvaises pensées
comme à des voleurs, ni les accueillir dans notre âme comme des loups dans la
bergerie. Mais, s’il devait nous arriver de laisser entrer le désir et les passions, il
nous faut les bannir de notre pensée, brandir contre nous-mêmes la menace de la
géhenne promise aux pécheurs et être assez avisés pour manier comme un fouet
la peur qu’elle nous inspire. C’est ainsi seulement que nous fuirons les œuvres
du péché et que nous obtiendrons les récompenses promises aux saints de tous
les temps. Si nous ne les obtenons pas, il vaudrait mieux que nous ne fussions
absolument pas nés et que nous n’eussions jamais vécu dans le monde. Pourquoi
vivons-nous, pourquoi respirons-nous, que sommes-nous, si nous sommes chas-
sés de cette gloire éternelle et incorruptible ? Nous n’avons pas été menés dans
ce monde-ci pour accomplir le dessein de la seule chair, mais au contraire pour
prendre soin de notre âme immortelle, qui rendra immortelle notre chair elle-
même, si elle vit d’une vie qui agrée au Dieu de l’univers. La nourriture et la vie
de l’âme, oui, consistent dans le difficile exercice des vertus.
Pour notre salut, il ne suffit nullement de rechercher la vertu durant un bref
laps de temps, quelques mois ou quelques jours, et ensuite de revenir aux pra-
tiques les plus honteuses et les plus déshonorantes. Car nous méritons un châti-
ment plus sévère, lorsque, après nous être adonnés au doux exercice des vertus,
nous consentons de notre propre chef à nous en éloigner ! Dieu, lui, l’Ami des
hommes, a consenti à habiter et à vivre parmi nous, et à faire de nous des fils
adoptifs, comme cela a été promis par le prophète ; il est donc normal et dans
l’ordre des choses que nous périssions255. „ Voici, dit le psalmiste, que ceux qui
s’éloignent de toi périront loin de toi256. ” Et, dans le même psaume : „ Notre
bonheur, c’est d’être attachés à Dieu257. ” Nous ne saurions être attachés à Dieu
autrement que par l’exercice incessant des vertus, par des fatigues et des sueurs
sans nombre. Il nous a été enseigné, et nous mettons là notre foi, qu’étroite est la
voie qui mène à l’immensité de la vie éternelle258. Cheminons donc fermement
sur cette voie pendant toute la durée de notre vie mortelle pour être riches de
l’héritage immortel. Donnons-nous des peines en petit nombre pour avoir des
jouissances en grand nombre. Fuyons le monde trompeur et le Maître du
monde259 pour nous rapprocher de Dieu. Que peut-il y avoir de plus avisé et de
plus avantageux que cette application qui nous permet, en ne prenant qu’un peu
de peine, d’obtenir de grands biens et d’acheter la joie de l’éternité sans fin au
prix de fatigues infimes ? »
limpide. En effet, que pourrons-nous imaginer qui soit comparable à ces mi-
racles ? Davantage encore, comment pourrions nous disposer avec art notre pré-
sent discours si nous ne dirigions pas nos regards vers Athanase et si nous ne
gouvernions pas la matière que nous traitons en suivant une règle bien droite ?
Un jour, des bêtes sauvages s’amusèrent à se précipiter sur les légumes du
bienheureux. Sans se fâcher, il en attrapa une et, par son intermédiaire, enjoignit
à toutes de ne pas toucher aux fruits de son travail. A partir de ce moment et jus-
qu’à la fin, les bêtes respectèrent l’injonction du grand homme et s’abstinrent
absolument de ravager ses légumes. C’étaient non seulement les bêtes qui
s’offraient à sa vue qu’il gourmandait, mais aussi à celles qu’il voyait en esprit,
ces bêtes que l’Écriture appelle les « bêtes des roseaux260 » ; il les faisait fuir
parce qu’il était proche et ami de Dieu. Les démons ennemis du genre humain,
brûlés comme par un feu par les invocations et les prières qu’il adressait au
Christ et qui leur faisaient peur, étaient mis en fuite et détalaient à toutes jambes.
site à ses frères. Un bateau le conduisait donc avec d’autres pour traverser le
fleuve. Il sentit une odeur désagréable qu’il signala à ses compagnons. Les
autres lui répondirent que c’était du poisson qui était cause de cette pestilence ;
mais il maintenait qu’il sentait une autre odeur. Tout à coup, un jeune homme,
possédé par un esprit mauvais et caché dans la cale, se mit, à l’instigation du
démon, à apostropher violemment tout le monde. Le Père théophore se mit en
prière et, à l’instant, le possédé fut délivré du démon265. Un autre jeune homme,
d’une famille illustre, lui aussi affligé d’un mal – on le voyait manger ses
propres excréments, poussé à cela par les machinations du démon –, fut délivré
de ce grave fléau ; cela se produisit au moment où le démon bouscula le saint
homme, action qui était un signe très clair qu’il s’était enfui, comme le dit le di-
vin Antoine266. Quant au miracle de l’eau accompli par lui, comment la terre
desséchée et dépourvue d’humidité fit jaillir, pour lui et pour les frères présents,
grâce aux requêtes adressées au Maître, une eau très limpide et très bonne à
boire, inutile d’y insister267. En revanche, le prodige des deux frères, où il fit un
miracle propre à inspirer une terreur sacrée et montra sa prescience, avec quel
don de prophétie et quel amour des hommes il fut accompli ! Ces frères vou-
laient lui rendre visite ; l’un mourut de soif ; l’autre fut sauvé grâce à Antoine. Il
avait envoyé, en effet, des frères avec de l’eau et, grâce à eux, il ranima celui qui
était près de mourir et donna une sépulture à celui qui était déjà mort268.
Autre miracle : il annonça aux frères présents la sortie de vie d’Ammoun le
Grand, alors qu’il en était éloigné de plusieurs jours de marche269 ; annonce
grandiose, admirable et qu’on attend des seuls prophètes inspirés par Dieu et qui
annoncent Dieu.
265 VA 63.
266 VA 64.
267 VA 54.
268 VA 59.
269 VA 60.
270 C’est-à-dire « absorba ».
364 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
En effet, le Seigneur qui glorifie ceux qui le glorifient271 et qui, comme le seul
juge juste, méprise ceux qui le méprisent, avait dévoilé à notre Père, ce grand
homme, l’hérésie et la fureur impies des Ariens avant leur déclenchement ; cela
se passa au moment où apparurent à Antoine des bêtes lançant des ruades et
poussant des hurlements de rage, ah ! contre la sainte et divine table du sacrifice.
Sur quoi, les yeux pleins de larmes, il proféra cet oracle devant ceux qui étaient
présents : « Il vaudrait mieux mourir, mes enfants, plutôt que se réalise ce que je
viens de voir. Mais les œuvres de cette fureur ne se prolongeront pas long-
temps ; sur un signe de Dieu, elles s’achèveront complètement et seront réduites
à néant. » C’est ce qui se produisit plus tard, selon ses prédictions ; l’impiété des
hérétiques parut au grand jour et, plus tard, fut détruite par la puissance du
Verbe et de l’Esprit de Dieu.
Mais, si quelqu’un tentait de faire un exposé détaillé des attaques dirigées
contre Antoine le Grand, il serait impossible, à mon avis, qu’il puisse atteindre
son but. C’est pourquoi, nous non plus, notre zèle n’est pas allé jusqu’à cou-
cher par écrit chacun des hauts faits d’Antoine le Grand, mais nous avons déci-
dé de proposer le présent discours comme un témoignage de notre foi en Atha-
nase qui – j’ignore comment il a pu faire – a mis toute son ardeur et toute sa
joie à narrer les succès d’Antoine, alors même que ce dernier paraît en quelque
sorte sauter par-dessus les limites272. Car les faits que l'on a déjà rapportés sont
exposés avec d'autres dont on n'a pas encore parlé ; bien que les premiers
soient très grands, cependant ceux que l'on a laissés de côté jusque là paraîtront
assurément bien plus importants. En effet, mener une vie immatérielle dans un
corps matériel, invectiver à l’occasion les démons mauvais et préférer la piété à
tout, tous ces comportements ont été adoptés avec succès par d’autres Pères
aussi comme quelque chose qui va de soi. En revanche, avoir son corps sus-
pendu en-dehors du corps, voir par les yeux de l’esprit, sans aucun empêche-
ment, des choses qui s’accomplissent dans les airs, c’est à Antoine seul que
cette grâce a été accordée par la Providence. Personne, parmi tous les Pères,
n’a été jugé digne d’une telle grâce après Paul, le Héraut de Dieu ; Antoine a
été initié avant sa mort aux mystères révélés à tout le monde après la mort, et
on l’a vu souvent en état de lévitation.
était d’avis que le pouvoir impérial était réellement peu de chose, au-dessous du
premier discours venu traitant de l’acquisition de la vertu, indigne aussi des mé-
rites d’Antoine le Grand. Mais les lettres de l’empereur étaient désagréables à
Antoine et ne lui faisaient pas plaisir, à cause de son humilité extrême. Parfois il
adressait aux frères ces paroles imprégnées de l’Esprit et disait : « Ne soyez pas
étonnés que l’empereur veuille s’entretenir avec nous par lettres, mais étonnez-
vous plutôt que Dieu ait donné aux hommes de converser avec son Fils et leur
ait donné la Loi, et qu’il ait mis à leur disposition des moyens de sauver leur
vie. » Mais, sur les instances des frères, il répondait aux empereurs, non pas,
comme on pourrait le croire, pour en recevoir des marques d’honneur, mais pour
les exhorter à se soucier des pauvres et à avoir soin de leurs sujets, pour leur re-
commander de ne pas les mépriser du haut de leur titre d’empereur et pour leur
enseigner à vivre en totale amitié avec Dieu.
15. Bonté d’Antoine pour les confesseurs et les martyrs. Le duc Balacius
Ce n’étaient pas seulement les empereurs, mais aussi les gouverneurs de
l’Égypte qu’il exhortait à se faire les porte-parole de la justice et à ne pas rendre
des jugements corrompus ni à porter un masque283 ; il leur enseignait qu’ils se-
raient jugés comme ils auraient jugé284. Qui sera capable d’exposer en détail sa
sollicitude, mêlée de respect, pour les confesseurs et les témoins du Christ, com-
prise comme une obligation envers lui ? Lorsque l’impie Maximin eut repris la
persécution contre les croyants, Antoine délaissa sa montagne et sa solitude pour
gagner les villes, où il assistait les athlètes de la foi emprisonnés et les rendait
plus ardents dans le combat et les dangers qu’ils couraient pour leur vie ; par ses
paroles divines, il les soutenait et les ranimait devant les tortures et les coups de
fouet, et leur dispensait sans compter des paroles †…†285. Et, si le Seigneur qui
veut que tous soient sauvés n’avait pas veillé sur lui pour le bien de la multitude,
Antoine aurait ajouté les souffrances des athlètes de la foi aux sueurs de l’ascète.
En effet, il n’avait pas caché qu’il était disciple du Christ ; les adorateurs des
idoles connaissaient sa présence et savaient qu’il frottait d’huile les athlètes qui,
je viens de le dire, effectuaient la course du martyre.
Notre discours a peut-être dépassé la mesure ; il faut absolument lui ajouter
une fin, la fin286 de ce Père théophore. Mais pas avant d’avoir parlé du duc Bala-
cius, qui n’avait pas la grandeur d’âme d’un duc. Balacius était très favorable
283 S’agit-il d’une allusion au masque porté par les acteurs tragiques de l’Antiquité clas-
sique, qui reflète l’impassibilité ?
284 Cf. Mt 7, 2.
285 Le manuscrit est gâté à cet endroit.
286 Jeu de mots sur les deux sens du mot « fin ».
368 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
aux hommes pieux, mais c’est aux Ariens impies qu’il accordait sa faveur,
comme s’ils étaient de la même fabrique, comme on dit. Il fit dévêtir les
hommes pieux et consacrés à Dieu et les soumit à de multiples châtiments. Cet
homme sans pudeur ne rougissait pas d’outrager la pudeur des vierges ; dépouil-
lant de leurs vêtements celles qui portaient véritablement le Christ comme un
vêtement287, ce scélérat les soumettait à des traitements très inhumains et très
cruels. Instruit par une lettre de notre Père Antoine le Grand de la colère qui al-
lait fondre sur lui et averti de cesser de maltraiter les adeptes de la vraie foi, cet
homme qui méritait les crachats cracha sur la lettre, jeta sur le sol de manière
déshonorante cette lettre digne de tous les honneurs et menaça, oui ! d’aller châ-
tier Antoine le Grand en personne, parce qu’il prenait la défense des moines.
Mais la justice divine ne tarda pas et, peu de temps après, en fit la juste victime
d’un cheval, preuve que la scélératesse n’est pas armée contre la vertu et va à la
catastrophe en tremblant devant le châtiment. Eh bien ! Balacius, dont l’âme
était déjà morte, périt d’une mort affreuse des suites des morsures horribles d’un
cheval, comme Antoine le Grand le lui avait prédit.
leur vie une préparation à la mort291. Il disait que c’était là la marque de la vraie
philosophie et de l’inclination vers Dieu, attitude qui permet à tous de se tenir
éloignés du péché. En effet, c’est le souvenir des derniers moments qui nous
empêchera de jamais pécher292.
La recommandation la plus instante et la plus absolue qu’il leur faisait était de
rivaliser avec les saints de tous les temps, de revêtir leur force d’âme contre les
démons qui nous assaillent, de se tenir à l’écart de tous les hérétiques, d’éviter
d’avoir des relations avec eux, de garder l’enseignement des divins Pères et de se
signaler par-dessus tout par la foi et la piété « dont, dit-il, je vous ai souvent ins-
truits et que, avant moi, vous avez apprises des divines Écritures. » Ce sont ces
recommandations et bien d’autres encore de la même inspiration que ce noble mi-
nistre de l’intérêt des âmes confia pour finir à ses frères. Puis il prit congé d’eux et
gagna la montagne intérieure ; et, peu de temps après, il tomba malade. Lorsqu’il
comprit que la fin était proche ou presque, il manda les deux frères qui, depuis
longtemps déjà, le servaient à cause de son grand âge, et leur recommanda de
faire ce qu’il avait aussi prescrit instamment aux frères de la montagne extérieure.
pur et vénérable fut enveloppé par les mains saintes des frères et fut mis dans la
tombe, tout préparé, complet, intact, et reçu en dépôt à sa mort par le seul tom-
beau. Ce corps, grâce au genre de vie de ce Père supérieurement grand, avait
toujours été à la hauteur de la tension réclamée par l’ascèse et n’avait jamais rien
perdu de son énergie, quoique le bienheureux se fût soumis à une discipline si
dure qu’il ne s’était jamais lavé avec de l’eau, même les pieds.
Certes, nous souhaitons vivement et voulons en même temps borner notre
discours à ce qui a été déjà dit, conformément à ce que nous vous avons promis
un peu plus haut. Mais la loi des éloges nous force à comparer et à mettre en pa-
rallèle Antoine avec les amants de la vertu, et à composer l’éloge de ces derniers
du mieux possible (vous avez souhaité vivement nous accorder la faveur de vos
oreilles pour le faire) ; car je sais que le temps que vous consacrerez à l’écouter
ne vous fera pas de mal, mais sera au contraire un secours pour vous.
295 Cf. Vies des prophètes, trad. française É. POIROT dans Le saint prophète Élisée d’après
les Pères de l’Église, SO 59, Bellefontaine 1993, p. 34-35.
296 Cf. CLÉMENT D’ALEXANDRIE, Stromates VI, 12, 97, 1, SC 446, 1999, p. 254.
297 Cf. 4 R 1, 10.12.
298 Cf. 4 R 2, 11.
299 C’est une référence à GRÉGOIRE DE NAZIANZE, surnommé le Théologien. Discours 21,
1, SC 270, 1980, p. 111 : « Ils restent toujours vivants pour Dieu, tous ceux qui ont vécu
selon Dieu, même s’ils ne sont plus de ce monde ». Cf. Ga 2, 19.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 371
309 Cf. VA 50, 3 : « Les Sarrasins eux-mêmes, voyant l’ardeur d’Antoine, empruntaient
exprès cette route et lui portaient des pains avec joie » ; cf. aussi VA 51, 1.
310 Les Ismaélites.
311 Cf. 1 Co 9, 22.
312 Le texte grec présente en acrostiche le nom de l’empereur de ce temps, Michel IV le
Paphlagonien (MICHELP), que je ne suis pas parvenu à garder dans la traduction. Je
l’ai remplacé par un acrostiche renversé (PLEHCIM).
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 373
Haute que toute intelligence313, une vie qui ne vieillit pas et la jouissance,
Celle des délices divines que le Maître a préparée pour ses saints,
Illuminations pour ceux qui ornent leur âme de
Mille vertus, lesquelles leur font comme un vêtement de noce314 dans les
cieux, noce dont nous puissions jouir, s’il te plaît, par la grâce et l’amour pour
les hommes de notre Seigneur Jésus-Christ315 ; car c’est à lui qu’appartiennent la
puissance et la gloire pour tous les siècles. Amen.
313 Ph 4, 7.
314 Cf. Mt 22, 11.
315 Tt 3, 4.
316 Éd. et trad. par M. AUBINEAU, Les homélies festales d’Hésychius de Jérusalem, SH 59,
t. I : Les Homélies I-XV, Bruxelles 1978, p. 262-288.
317 Vie de saint Euthyme 16 (éd. SCHWARTZ, TU 49; trad. A.-J. FESTUGIÈRE, Moines
d’Orient, III/1).
318 Ibid. 26, 19-20.
319 Ibid. 27, 1.
320 Ibid. 15.
321 M. AUBINEAU, Les homélies festales d’Hésychius de Jérusalem, t. I, p. 263.
322 Ibid., p. 277.
323 A. RENOUX, Le codex arménien Jérusalem 121, vol. II, PO 36/2, 1971, p. 227.
324 Il s’agit surtout des points communs avec le système de lectures bibliques en usage dans
l’église hiérosolymitaine, telles que le Lectionnaire arménien de Jérusalem, n° 11, les
donne ; cf. M. AUBINEAU, Les homélies festales d’Hésychius de Jérusalem, t. I, p. 276.
374 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Cet éloge est indiqué pour la fête de saint Antoine dans deux manuscrits
grecs post métaphrastiques : Vatican, Ottoboni gr. 411, de 1445, et Athènes,
Bibl. Spyros Loberdos, manuscrit 28, de 1474, ainsi que dans un recueil de six
Vies ou Éloges, Athos, Panteleimon 887, du XIXe siècle325.
Il dépend de la VA, mais il ne s’attache pas aux détails biographiques.
Hésychius interprète le personnage d’Antoine à la lumière de la Bible. Antoine
possède toutes les vertus incarnées par les saints de l’Ancien Testament dont
certains textes peuvent lui être appliqués, comme ils le sont au Christ. Ainsi
applique-t-il à saint Antoine He 11, 32-38.
Dans son édition des Homélies sur Job d’Hésychius de Jérusalem, C.
Renoux remarque qu’Hésychius fait plusieurs fois appel à des citations bibliques
utilisées dans la VA et relève une dizaine de passages de ces homélies qui
pourraient ainsi dépendre de la VA326.
être un temple plus noble, comme Daniel il commandait aux lions331, comme le
Baptiste il convoquait (à sa prédiction) le désert332, comme le théologien il était
couché333 sur la poitrine de Jésus334, méditant l’évangile, chaque jour comme
Paul il mourait335.
3. Mais en effet nous puisons nous aussi, et le pressoir déborde, les jarres re-
gorgent, les cuves déversent leur trop-plein336 ; plus nous courons, plus le stade
s’allonge ; plus la navigation avance, plus l’immensité de la mer se révèle. Allons,
disons nous aussi les paroles de Paul : Le temps me manquerait si je voulais parler
en détail de Gédéon, Barac, Samson, Jephté, de David et de Samuel, et des pro-
phètes337, car tous ceux-là le père des communautés ainsi constituées les a assumés
en lui. Il faudrait en effet beaucoup de mots, alors que je suis un guide par mes
actes, car le discours peine à vouloir commenter l’action. Une chose est le caractère
de l’ombre, autre chose la force de la vérité. Une chose est l’image et autre chose ce
dont l’image se trouve être l’illustration : les discours rendent l’action en image,
mais la langue ne l’exprime pas de la manière dont la main bienfaisante l’exécute.
Une chose est le son des mots, autre chose le parfum des bonnes actions : (le son)
est retenu dans l’air par son poids ; (le parfum) atteint le ciel et comble ceux d’en
haut, il demeure en présence de ceux d’en haut.
4. Le temps me manquerait, dit-il, si je voulais parler en détail338. Si le temps a
manqué à Paul pour dire les bonnes actions des saints, Paul en qui le Christ parlait,
en qui la plénitude de l’Église a été atteinte et caché339 le trésor inépuisable de la
science – il était une mine de connaissance, il scrutait d’en haut la Loi et les pro-
phètes, il avait une langue qui sonnait de la trompette dans le monde entier comme
sur un seul théâtre –, que faire, nous qui sommes pauvres et indigents ? Que faire,
nous dont la parole est inculte, la langue sans force, l’intelligence lente et le cœur
sans éducation, puisque nous ne sommes ni instruits dans la science du dehors, ni
exercés le moins du monde dans celle du dedans ?
5. Il n’y a pas de mode de vie qui (de soi) entraîne la liberté, ni de compor-
tement qui parle en tenant lieu de discours. Comment tisser à Antoine sa tunique
de louanges ? Que la cithare de David le couronne maintenant : c’est de lui en
331 Dn 6, 1-29.
332 Mt 3, 1.
333 Jn 13, 23.
334 Jn 13, 25.
335 1 Co 15, 31.
336 Cf. Jl 3, 13.
337 He 11, 32.
338 He 11, 32.
339 Cf. Col 2, 3.
376 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
effet et de ses actions saintes que, dans le rouleau du livre340, il est écrit : Bien-
heureux l’homme qui craint le Seigneur : dans ses commandements, il mettra,
tout son vouloir ; puissante sur la terre sera sa postérité341 : la postérité de cet
homme illustre, ce sont ces établissements de saints partout en Égypte, ou plutôt
ceux de toute la terre. Cet homme, ils le considèrent comme leur père et leur cul-
tivateur ; selon ses règles, ils rythment leur vie et, bien qu’il soit absent, ils le
considèrent comme présent, du fait qu’ils gardent ses lois. Une seule sentence
conservée de ceux qui ont été formés successivement (à partir de lui) suffit à
rendre stable ce mode de vie fondé sur la philosophie. Que parle à son sujet le
prophète Isaïe lui aussi : Bienheureux celui qui a une postérité dans Sion et des
parents dans Jérusalem342.
6. Qu’on dise au sujet d’Antoine ces mots de la prophétie de Jérémie : Avant
de te former dans le sein maternel, je t’ai connu et, avant que tu sois sorti du
sein, je t’ai sanctifié343. La sainteté en effet, il s’en occupait comme d’une sœur
de lait. Sitôt sorti du sein maternel, il s’est acquis pour part d’héritage la sainte
humilité et il a posé comme principe de philosophie la tempérance (soutenue)
par le Christ. Allons, en partant de l’histoire de Job, ceignons encore de cette
couronne344 la tête du juste : Il y avait en effet un homme, dans la région345
d’Égypte, dont le nom était Antoine, un homme irréprochable, véridique, pieux,
juste, s’abstenant de toute œuvre mauvaise et cet homme était noble, au nombre
de ceux qui viennent du soleil levant346. De quel soleil ? – Du soleil de jus-
tice347 : de celui-là en effet les Apôtres étaient les rayons naissants, eux auxquels
Antoine était apparenté. On doit invoquer aussi le vêtement de noblesse qu’il
tient de l’Esprit.
7. Salomon lui aussi peut avoir parlé de ce juste dans ses Proverbes : C’est
une grande chose que l’homme et un bien précieux que l’homme miséricordieux,
mais un homme de foi est difficile à trouver348. Eh bien, nous avons trouvé, c’est
nous qui avons trouvé celui que cherchait le Sage, mais ce dernier disait avoir
trouvé un homme de foi, tandis que Paul ne parlait pas de la sorte. Mais que dit
(Paul) ? – Ceux qui, par la foi, ont conquis des royaumes, désignant Antoine et
ses émules : en méprisant les royaumes du monde, gloire, honneur et richesse,
***
367 Cf. A. MISCHLEWSKI, « Falco ou Falcoz (Aymard) », DHGE 16, 1967, col 424-425.
368 Cf. P. PARAVY, « La mémoire de saint Antoine à la veille de la Réforme. Témoignage
d’Aymar Falco (1534) », dans Écrire son histoire. Les communautés régulières face à
leur passé, coll. C.E.R.C.O.R. Travaux et recherches 18, Saint-Étienne 2005, p. 593,
note 34 : « Miracles du saint „tabou” à Césène au XIVe siècle ; à Saint-Antoine même,
Jacques de Seyssel frappé de paralysie en 1457 au moment où il mettait la main sur le
Saint Bras pour le voler ; miracle de Méthoné, en 1500, où les Turcs vainqueurs durent
renoncer à marteler l’image du saint et dans la région de Plaisance où le soldat qui la
frappait fut consumé sur place par le feu sacré ». L. MEIFFRET, Saint Antoine ermite en
Italie (1340-1540), Coll. de l’École française de Rome 329, Rome 2004, p. 38-39.
369 E. LE GRAND, L’Histoire saincte de la ville de Châtillon-sur-Seine au duché de Bour-
gogne, Autun 1651, p. 231-258 ; G. LAPEROUSSE, L’histoire de Châtillon, Châtillon-
sur-Seine 1837, p. 308-325.
380 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ne sera pas vu devant moi les mains vides376 : parce que le fait d’être vu les
mains vides est une preuve d’indifférence tandis que le fait de donner ce que
l’on a est une marque de zèle et de bonne volonté.
Et, pour cette raison, de même que du fait de son immense amour des
hommes, il s’est offert pour devenir homme, et se charger de notre dette, la
peine que nous devions payer, il ne refusera pas même le don que chacun fait
selon ses moyens. Il accepte donc totalement ce don, et nous donnera en ran-
çon377 le pardon de nos péchés. Eh bien, le divin Antoine aussi, devenu son imi-
tateur, en ce qu’il a porté sa propre croix et l’a suivi ensuite378, reçoit absolu-
ment lui aussi tout ce que je peux lui offrir en fonction de mes moyens, et il
complètera lui-même, par ses prières, ce qui, du fait de ma faiblesse, se sera
trouvé omis.
Le divin et grand Antoine, était originaire d’Égypte par sa famille, mais il a
renversé les forteresses de la faute, érigées par l’homme, et, tel un autre Moïse,
conduisant le peuple de Dieu dans le désert, le conduisant hors de la faute
d’Égypte vers la Terre promise, il a fait advenir la Jérusalem d’en haut. Mais si
nous affirmions que celui-ci est supérieur à Moïse, nous ne nous tromperions
pas.
Moïse a seulement conduit le peuple d’Israël en Égypte, tandis que lui, il a
obtenu que tous les habitants de la terre habitée de l’univers échappent à la faute
d’Égypte et que les déserts et les grottes soient des lieux saints, par la grâce in-
signe qui lui a été donnée.
Moïse, ayant frappé le rocher, en a fait jaillir de l’eau379 ; lui, il fait jaillir des
fleuves de ses propres entrailles, il abreuve tous les croyants et les fait vivre par
la vivifiante parole qui sort de la bouche de Dieu380.
Moïse conduit Israël dans la colonne de feu et dans la nuée381, mais jadis, à
ce moment-là382 ; lui, encore maintenant, en faisant jaillir du feu de son icône, en
tuant et en séparant celui qui n’a pas la foi, il conduit le Nouvel Israël383 à le
in ss. Patres et prophetas, PG 28, 1064), à deux reprises dans une homélie de Théodore
Stoudite sur la Nativité de la Mère de Dieu (PG 96, 696A3 et 696C9), dans un fragment
sur les Proverbes attribué à Origène (PG 17, 220), et plusieurs fois dans l’office byzan-
tin (1er tropaire de la 4e ode du canon attribué à Jean le Moine, le 10 janvier ; un tropaire
de la 6e ode du canon attribué au patriarche Germain de Constantinople pour le 16 août ;
le troisième stichère des vêpres des Rameaux ; l’ikos du dimanche des saints Pères des
six premiers conciles œcuméniques). Elle relève d’une théologie de la substitution qui
ne respecte pas la permanence de l’Alliance que Dieu a conclue avec Israël.
384 Cf. He 11, 9.
385 He 12, 22.
386 He 12, 23.
387 He 6, 20.
388 Ex 16-17.
389 Gn 17, 4-5.
390 Lc 12, 49.
391 Jn 14, 12.
392 Ps 13, 1.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 383
393 Pr 15, 3.
394 Pr 5, 21.
395 Ps 93, 9-10.
396 Ps 88, 8.
397 OiJ qeoktovnoi : l’accusation de « déicide » portée contre le peuple juif se trouve chez
des Pères de l’Église (Épiphane, Athanase, Grégoire de Nazianze, Romanos le Mélode,
Théodoret de Cyr, Jean Damascène…) et encore aujourd’hui dans l’office byzantin (cf.
24 octobre, canon, ode 8, tr. 1 ; 16 janvier, canon 1, ode 1, tr. 3 ; 3 juin, canon, ode 3, tr.
1 ; 2 août, canon, ode 7, tr. 2 ; Grand vendredi, canon, ode 9, tr. 1 ; Octoéque, Di-
manche, ton 1, canon 2, ode 8, tr. 2 etc.). Le Catéchisme du concile de Trente (1, 5, 11)
repris par le Catéchisme de l’Église universelle de 1992 (§ 598) rejette ce mythe dénon-
cé par Jules ISAAC comme l’un des fondements de l’antijudaïsme chrétien (Genèse de
l’antisémitisme, 1985, p. 157).
398 Ps 67, 3.
399 Ps 28, 7.
400 Cf. Is 41, 15 ; Jr 4, 24.
384 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ses ennemis401. Mais il s’est imaginé dans sa folie qu’il pouvait l’éteindre dans
l’eau. C’est pourquoi, même en allant dans la mer, dansant, dans ce qui n’était
pas une danse, il se consuma et mourut. Et moi, je dis, à ce qu’il me semble,
qu’il a commencé à partir de là à devenir le combustible du feu éternel, feu à
partir duquel le feu a été envoyé pour le prendre, pour le faire mourir avant
l’heure, et le faire descendre dans l’Hadès encore vivant402. Et cela est évident
du fait qu’il ne s’est pas éteint au contact de la mer. Ô prodiges et spectacles
étranges ! Ô condamnation terrifiante ! Ô blessure inguérissable envoyée par
Dieu ; comme Judas est parti, le misérable, sans se repentir, ayant brisé sa vie
par sa folie403, et a été envoyé de flamme en flamme pour l’éternité. Mais il faut
plutôt dire que la flamme l’a, à partir de là, saisi, la flamme éternelle.
Regardez bien, insensés, comprenez et ne blasphémez pas le nom du Sei-
gneur, parce qu’il est un juge juste, fort, longanime, et ne laissant pas éclater sa
colère chaque jour404 ; mais si vous ne vous repentez pas, il fera briller son
épée405. Ainsi en effet en a-t-il été pour chaque malheureux. Son épée de feu a
été dégainée contre lui, l’arc de la menace de Dieu a été tendu contre lui. Le vê-
tement de mort a été préparé en lui. Le trait destiné à le consumer a été envoyé
contre lui.
Mais celui-ci, l’insensé, n’a pas compris que notre Dieu est au ciel et sur la
terre et qu’il a fait tout ce qu’il a voulu faire406 dans les mers et dans tous les
abysses407. Il n’a pas voulu comprendre et venir se réfugier, dans le repentir, au
sein du trésor du très grand Antoine, jusqu’à ce que vienne la colère du
Seigneur408, celui qui ne veut pas la mort du pécheur mais qui souhaite l’amener
au repentir et à la vie409. Il n’a pas voulu se prosterner et pleurer en face du
Seigneur, qui l’a laissé se consumer totalement. Il aurait fallu, en effet, vraiment,
il aurait fallu qu’il comprenne et qu’il dise : Où m’éloigner de ton esprit ? Où
fuir loin de ta face410 ?, de toi qui sièges dans les cieux et qui as la terre pour
marchepied411 ? En effet, tu emplis, toi, le Ciel et la terre, Seigneur. Même si, en
effet, je m’éloigne dans la mer, même là, ta main trouve tous ceux qui te
401 Ps 96, 3.
402 Cf. Ps 54, 16.
403 Mt 27, 5.
404 Ps 7, 12.
405 Ps 7, 13.
406 Ps 113, 11.
407 Ps 134, 6.
408 Is 26, 20.
409 Ez 33, 11.
410 Ps 138, 7.
411 Cf. Is 66, 1.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 385
haïssent et les met dans la fournaise du feu412. Dans ta colère, tu les frappes de
stupeur et le feu les dévore entièrement413. Il n’a pas songé à cela et n’a même
pas compris la nécessité d’être bon. Mais, parfaitement endurci, il ne s’est pas
repenti, jusqu’à ce qu’il soit frappé et qu’il meure.
Soyons attentifs, frères, et ne nous conduisons pas de façon insensée, mais
en sachant que Dieu est là, qui surveille et discerne tout. Ne devenons pas insen-
sés mais comprenons ce qu’est la volonté du Seigneur414.
Ne vous enivrez pas, dit-il, de vin, dans lequel on trouve la débauche, mais
cherchez dans l’Esprit votre plénitude415, sachant que le Seigneur viendra. Il
viendra, en effet, dans les nuées. Il viendra et ne tardera pas. Il viendra juger
toute la terre416. Il jugera en effet, les débauchés et les adultères, comme le dit
l’apôtre417. Il viendra lutter contre les hommes et les femmes adultères, et contre
ceux qui jurent pour le mensonge418. Contre ceux qui s’enivrent, contre ceux qui
vivent dans la mollesse, qui frappent leurs compagnons419, et il les séparera en
deux parties, et il placera une partie d’entre eux avec les hypocrites, c'est-à-dire
avec ceux qui n’ont pas la foi. De même, en effet, que ceux-ci feignent de croire
en Dieu, mais, en réalité, le refusent, parce qu’ils doutent du mystère et de
l’économie de l’Incarnation du Seigneur, et la refusent. Ils disent croire en Dieu
et toujours ils mentent ; ainsi ceux-ci prennent le nom et l'apparence de chré-
tiens, c'est-à-dire ils ont le masque de la piété, le comportement évangélique,
mais non pas parfaitement, comme le feraient des parfaits, ils vendent ce qu'il
conviendrait de donner aux pauvres420. Et ainsi la loi imparfaite, celle de l'en-
fance, prescrit de ne pas vivre dans la débauche, de ne pas tuer, mais d’aimer
son prochain comme soi-même421. En effet, si, dit-il, votre justice ne surpasse
pas celle des scribes et des pharisiens, il y a peu de chance que vous parveniez
dans le Royaume des Cieux422 (oh ! quelle sentence négative !), les scribes et les
pharisiens, même s’ils ne vivaient pas dans la débauche, s’ils ne volaient pas, et
ne vivaient pas en libertins. En effet, cela était pour eux un sujet de vanité, que
de se comporter honorablement. Mais nous, nous souillons notre baptême : non
seulement parce que notre justice n’est pas supérieure à la justice de ceux-là,
mais aussi parce que nous nous trouvons plus vils que ceux-là : Comment donc
recevrons-nous en héritage le royaume de Dieu ? Si, en effet, nos iniquités sont
connues des nations, comment porterons-nous en nous-mêmes l’appel de Dieu,
si ce n’est dans l’hypocrisie et seulement de nom ? C’est pourquoi, nous ne de-
vons pas devenir insensés, mais comprendre ce qu’est la volonté du Seigneur423,
ne nous scindons pas en deux et ne nous plaçons pas avec les hypocrites, mais
emplissons-nous de l’Esprit424. Mais nous serons emplis de l’Esprit si nous ne
vivons pas selon la chair. En effet, dans la mesure où nous sommes purs, celui-ci
descend en nous. La grâce, en effet, échoit d’elle-même à ceux qui en sont
dignes, en les cherchant. Si donc nous sommes purs, elle ira absolument à notre
recherche et elle fera sa demeure en nous, et nous serons emplis de l’Esprit. Et
en vivant selon l’Esprit dans toute notre vie, nous aurons une grâce que l’on ne
pourra nous ôter, comme des chrétiens qui ne vivent pas dans l’hypocrisie, qui
ne portent pas en eux-mêmes l’appel chrétien sinon en en ayant l’apparence et le
masque, mais parfaitement, comme des enfants de l’obéissance425, dans la révé-
lation de Jésus-Christ426, devenons riches de la grâce qui nous est offerte, les hé-
ritiers de Dieu, les cohéritiers du Christ427.
C’est pourquoi, il ne faut pas vous enivrer de vin, où l’on trouve la dé-
bauche428. Il y a, en effet, deux sortes d’ivresse, celle qui provient du vin et celle
qui naît de l’esprit. Mais l’une, celle qui provient du vin, est passionnée et im-
pie ; l’autre, celle qui naît de l’esprit, est sainte et céleste. L’une éveille le plaisir
de la chair, l’autre, renouvelle et fait fleurir la grâce de l’Esprit. Enivrez-vous de
l’ivresse céleste, dit-il. Cette ivresse est un gage de la vie à venir. C’est sous
l’emprise de cette ivresse que les prophètes ont enfanté dans la douleur l’esprit
du salut sur terre429. Habacuc avait entendu cet appel et il était hors de lui430;
Jérémie célébrait Jérusalem, comme hors de lui-même431. Isaïe chantait Dieu,
tantôt veillant la nuit432, tantôt il le voyait assis sur son trône de gloire, entouré
de tous les séraphins qui l’acclamaient433. C’est ivres de cette ivresse que les
423 Ep 5, 17.
424 Ep 5, 18.
425 1 P 1, 14.
426 1 P 1, 13 ; Ga 1, 12.
427 Rm 8, 17.
428 Ep 5, 18.
429 Is 26, 18.
430 Cf. Ha 3, 16.
431 Cf. Jr 4, 19.
432 Cf. Is 15, 1.
433 Cf. Is 6, 1.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 387
apôtres, dans leur chambre, passaient pour ivres de vin434. C’est ivres de cette
ivresse que les saints martyrs ont livré leur corps aux bourreaux, et, souffrant
comme les autres, ont patiemment enduré. En effet, ils ont haï la chair comme
un obstacle à l’âme, parce qu’ils savaient que ce qui est à l’extérieur de l’homme
se détruit, alors que ce qui est à l’intérieur se renouvelle. C’est ivres de cette
ivresse que les saints ont quitté demeures, richesse et apparence et ont occupé
les déserts, ayant un désert pour maison et cité, et en possession d’un trésor au
royaume des cieux, là où les voleurs ne creusent pas, et ne volent même pas435.
De tous ces saints le grand Antoine se trouve être le chef, celui dont je fais
l’éloge en ce moment, qui est admiré dans les cieux et glorifié sur toute la terre,
réputé pour avoir terrifié les démons. En effet, il a tellement lutté qu’il s’est éle-
vé au-dessus de tous et qu’il est admiré par les anges eux-mêmes. Lequel des
hauts faits de ce grand homme ne pas admirer ? Les coups et les souffrances
qu’il a endurés pour les hommes ou les curiosités de ses miracles ? La densité de
ces récits me coupe le souffle, à moi qui ne mets pas de complaisance dans la
balance et me voilà à bout d’arguments.
Allons, ô perfection de nos pères, astre qui resplendis sur la terre, torche qui
as l’éclat de l’or, ordonnateur du désert, trésor inépuisable, de quelles louanges
user pour te célébrer ? Comment choisir à ton sujet ? Je ne peux dire ni écrire les
exploits que tu as réalisés, tes vertus, ta patience de lutteur pour vaincre et tes
combats au service des hommes, grâce auxquels, ayant vaincu les ennemis invi-
sibles, tu as été couronné comme vainqueur par le juste juge, et te trouves admi-
ré, sur terre comme au ciel, plus que tous ceux qui sont venus avant toi, que
ceux qui sont avec toi et ceux qui viendront après toi. Mais je vais laisser parler,
et te consacrer clairement comme divin, le grand héraut, le grand astre de notre
Église, notre Père Athanase436. En effet, il faut que celui qui fait ton éloge soit
de cette qualité. Pour moi, il n’y a pas plus qualifié. Et je n’oserai pas, moi,
écrire à nouveau les mêmes louanges que celui-ci a composées et clairement ex-
posées avec intelligence. Puissions-nous t’acclamer bienheureux437, toi qui es
proclamé bienheureux par le Christ Sauveur, en disant :
Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des Cieux leur appartient438.
Et qui s’est montré, comme toi, pauvre en esprit ? Car, non seulement tu as
434 Ac 2, 13.
435 Mt 6, 20.
436 Cf. ATHANASE, VA.
437 Dans la VA, Athanase qualifie à trois reprises Antoine de « bienheureux » (makάrio") :
en Pr 2 et 92, 3, il désigne ainsi Antoine défunt, ce qui d’après H. DELEHAYE, Sanctus,
SH 17, 19702, p. 70 est courant, mais en 66, 2, il s’agit d’Antoine vivant, « enseigné par
Dieu ».
438 Mt 5, 3.
388 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
quitté le monde et tous les charmes de la vie, mais aussi tu as fais disparaître de
la baguette de ton courage, telle une fumée, le disque qui t’apparaissait dans le
désert439. Et l’or qui t’apparaissait, tu l’as traversé à nouveau sans dommage,
sans te laisser séduire par lui440.
Heureux les affligés, car ils seront consolés441. Et quel homme a passé,
comme toi, triste et sombre, jusqu’au moment où tu as trouvé un lieu pour le
Seigneur, un séjour pour le Dieu de Jacob442 ? Jusqu’à ce que, ayant fait de ton
âme la demeure du Christ avec le Père, jusqu’à ce que tu sois parvenu à être un
homme accompli, rempli du Christ dans la force de l’âge443, au point de pouvoir
dire : Moi, je ne crains plus Dieu, mais je l’aime444. En effet, tu ne vivais pas
pour toi la vie de chair et de sang, mais c’est davantage le Christ qui vivait en
toi, celui qui vit et parle en toi en réalisant les miracles à travers toi.
Heureux les doux, parce qu’ils recevront la terre en héritage445. Et qui s’est
montré plus doux que toi ? Tu les as tous surpassés, lorsque les Grecs feignant
de poser une question pour t’encourager à la contradiction, ont montré que tu ne
partageais pas leur sagesse qui n’est pas sage, mais que toi, comme un disciple
habile du doux Jésus, avec douceur et indulgence tu leur as déclaré haut et fort :
« L’esprit est-il le fils des lettres ou les lettres sont-elles la fille de l’esprit » ?
Tandis qu’eux déclaraient que les lettres sont fille de l’esprit, toi, calmement et
avec douceur, dans ton humble jugement, tu as dit que, lorsque « l’esprit est en
bonne santé, les lettres ne sont pas nécessaires446. »
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés447. En
cela aussi tu les as tous surpassés, parce que, tout entier tourné vers Dieu, et vi-
vant pour lui seul, tu n’as pas voulu être nourri gratuitement, comme cela aurait
été juste. Si en effet tu semais les biens de l’esprit au cœur des croyants, est-ce
chose extraordinaire de moissonner les biens temporels448 ? Mais tu ne t’es
même pas occupé de cela, et tu œuvrais plus que de juste. Tu travaillais en effet
de tes propres mains449, tressant des cordes450, cultivant avec art la terre, te nour-
rissant toi et d’autres à partir de tes peines domestiques451, afin de gagner aussi
cela : Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, car il leur sera fait miséri-
corde452.
Heureux ceux qui sont purs en leur cœur car ils verront Dieu453. Qui, mieux
que toi, s’est montré pur en son cœur, au point que, ayant encore un corps, tu
voyais la remontée des âmes454 ?
Heureux ceux qui apportent la paix parce qu’ils seront appelés fils de
Dieu455. Mais tu es allé au-delà, car, même à l’égard de ceux qui haïssent la paix,
tu t’es montré pacifique.
Heureux ceux qui ont été persécutés pour la justice, car le royaume des
cieux leur appartient456. Et tu es allé au-delà ; parce que ceux qui sont persécu-
tés, même s’ils le sont à cause du Christ, le sont contre leur gré. Tandis que toi,
tu t’es retiré toi-même du monde, tu t’es éloigné en t’exilant, et tu as vécu en
plein air dans le désert, accueillant ton Sauveur, Dieu. Et tu n’as pas donné de
sommeil à tes yeux, ni permis à tes paupières de se fermer, jusqu’à ce que tu aies
trouvé un lieu pour le Seigneur457 et que tu sois arrivé dans la force de l’âge458,
t’étant débarrassé des pensées enfantines, ayant reçu le prix du combat de
l’appel d’en haut, et sois appelé « grand » dans le Royaume des cieux459.
Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, lorsque l’on vous persécute et
lorsque l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi460. Tu
as acquis un titre supérieur à cette béatitude, parce que, si certains insultent les
justes, ils le font par erreur, sans voir leurs actions cachées, et, pour cette raison,
ils les accusent d’être méchants, ou c’est souvent par jalousie. Alors que toi, tu
as brillé tel un soleil par ta conduite si éclatante, tu les as tous éclairés comme
un grand flambeau dans un lieu élevé ou, comme une grande cité placée au-
dessus des monts, s’offrant aux regards de tous, ou comme le ciel proclamant la
gloire de Dieu461, et annonçant, jour après jour, la bonne nouvelle du salut de
Dieu462 ; tu as frappé chacun de ton javelot et éveillé en lui un désir d’imiter et
un zèle divins. Il n’y avait en toi ni injure ni place pour la persécution, mais
place pour le désir ardent de Dieu et de l’éternité céleste.
Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les
cieux463. En réalité, ton salaire est grand dans les cieux : à tous les saints, tu as
donné courage ! Et je me glorifie dans le Seigneur464, comme Paul disant J’ai
travaillé plus qu’eux tous, en ayant, comme compagne de route, la grâce de
Dieu qui m’a été accordée465. Celui qui a fait et enseigné, dit-il, celui-ci sera ap-
pelé grand466. Pour cette raison, toi qui as fait beaucoup, et enseigné beaucoup,
de très nombreuses choses par tes paroles, d’autres par ta conduite pure, à juste
titre ton salaire dans les cieux sera immense, et tu brilleras comme grand dans le
Royaume des cieux467 : fais-en sorte, par tes prières, de nous le faire obtenir, en
rendant favorable pour nous le Dieu de miséricorde et de bonté. Accepte ce pré-
sent que je t’apporte selon mes moyens, en échange de la vie éternelle, pour le
jour de la rédemption468, pour la gloire et la louange du Père, du Fils et du Saint
Esprit, maintenant et toujours pour les siècles des siècles, amen.
463 Mt 5, 12.
464 2 Co 10, 17.
465 1 Co 15, 10.
466 Mt 5, 19.
467 Mt 5, 19.
468 Ep 4, 30.
469 Traduction P. GÉHIN.
470 Sp. P. LAMBROS, « ÓEllhne" zwgravfoi pro; th'" aJlwvsew" », dans Nevo" JEllhnomhvnwn 5
(1908), p. 70-289, en part. p. 286.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 391
***
471 R. BARBOUR, « Summary Description of the Greek Manuscripts from the Library at
Holkham Hall », dans Bodleian Library Record n° 5, vol. 6, 1960, p. 62.
472 Traduction par J.-B. CLÉRIGUES, revue par P. GÉHIN.
392 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
l'illustre, le grand Antoine. Il mérite assurément d’être loué et admiré plus que
les autres, car il a jeté pour eux les fondements de la vie monastique et il a mon-
tré à tous le modèle de la vie angélique474. Aussi est-ce un devoir pour tous que
d'en faire l'éloge et de l'acclamer bien fort avec des hymnes. Et en effet, qui plus
que nous pourra faire convenablement son éloge ? Nous nous proposons donc
sous forme d’esquisse de rappeler devant vous ses plus belles actions. Il a en
effet vécu de manière surnaturelle et a non seulement surpassé les mortels de
son époque, mais a également surclassé les esprits immatériels eux-mêmes et
obtenu la dignité des séraphins475. Après avoir reçu le droit de se tenir en toute
franchise auprès du trône du Seigneur qui est au plus haut des cieux, de voir sans
crainte la Lumière trois fois bienheureuse et d'être immédiatement illuminé par
elle, il est bien (250) normal qu’il mérite aussi les chants célestes.
Pour décrire en un discours bref et concis ce qui le concerne, nous dirons
ceci : il avait l'Égypte pour patrie ; il était né de parents pieux ; après s’être sous-
trait aux douces griffes des ténèbres de cette vie et avoir quitté les compromis-
sions du monde, il porta le noble joug du Seigneur. Après en être venu aux
mains avec le Régisseur immatériel de ce monde et l’avoir courageusement af-
fronté, il le frappe mortellement au cœur, lui inflige une terrible chute, le réduit
en poussière ; il révèle aussi ses tromperies et nous expose ses ruses de combat.
Ainsi, après avoir dressé un trophée bien visible dans ce grand théâtre du
monde, il est paré du diadème de sa très éclatante victoire. Celui-ci donc, pour
reprendre le cours du récit, après s’être moqué de l’attachement au monde et
avoir rejeté le lien avec la chair et élevé son esprit vers le haut, poursuivit avec
art la sagesse véritable et, après avoir cloué la chair par la crainte et affiné son
esprit par la continence, tendu sa pensée par son énergique émigration spiri-
tuelle, il s’approche avec un esprit nu de la montagne immatérielle et s’entretient
directement avec Dieu. Le visage de son âme devient éclatant et il reçoit dans
son cœur les Tables gravées par Dieu476. Il conduit le peuple élu vers la Vision
de la paix (= Jérusalem) et entre à l'intérieur de celle-ci et laisse un héritage
éternel. Il engloutit les Égyptiens dans la mer, met en fuite Amalec477 et anéantit
complètement la troupe des Philistins intelligibles478. Étant apparu comme une
473 Sur le thème de « plaire à Dieu » dans la Bible et dans la tradition monastique, cf. É.
POIROT, La voie royale du Carmel, Stânceni 2011, p. 218-220. Ce thème se trouve dans
la VA 18, 2 ; 34, 1 ; 55, 13.
474 Cf. L. BROTTIER, L’appel des « demi-chrétiens » à la « vie angélique », Paris 2005,
p. 365-387.
475 Cf. JEAN D’HERMOPOLIS, Éloge § 27, p. 335.
476 Cf. Ex 31, 18.
477 Cf. Ex 17, 8-13.
478 Cf. 1 S 7, 10-11.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 393
colonne de feu479 et ayant fait de son âme une nuée lumineuse, il passa de la
terre au repos d'en haut. Ce n'est pas obscurément ni à travers des voiles mais à
visage découvert480 qu'il contemple Dieu ; il est couvert de gloire par l'inacces-
sible splendeur lumineuse. Il reçoit le titre de dieu par adoption481 (205v) et jouit
de la béatitude qui dépasse l’entendement. Tel est, pour le saisir brièvement et
en une esquisse légère, le divin Antoine.
Bien qu’il ne participe pas d'une nature différente de la nôtre, il s’est élevé à
un tel degré de vertu, après s'être préparé d'une façon merveilleuse par ses
propres efforts et avoir été changé en un être surnaturel et extraordinaire. Que
pouvez-vous donc ajouter à cela, vous qui entendez tant de si beaux récits et qui
êtes toujours enclins au mal ? Est-ce par hasard ou pour le seul plaisir que nous
vous racontons les Vies des saints? Serait-ce dans l'intention de discourir sur du
vent ou animés du désir déplacé de briller et de nous mettre en valeur que nous
enchaînons les longs discours? C'est pour vous inciter à l'imitation du bien, ex-
cellentes gens, que nous nous donnons autant de peine, pour vous exhorter à la
pratique de la vertu. Mais vous, non seulement vous ne souhaitez tirer aucun
profit de ces exemples, vous ne manifestez pas le moindre signe de conversion,
mais vous avancez davantage dans le mal. Comme si c'était cela que nous nous
efforcions de vous apprendre et comme si nous nous faisions les avocats du mal.
Parmi vous, l’un bascule dans l'ivrognerie tout le jour, l'autre ne parvient pas
à se détacher des lieux mal famés. L'un passe tout son temps au marché, l'autre
se laisse aller indécemment à des éclats de rire. L’un emplit l'air de chansons
sataniques, l’autre foule le sol du galop de son cheval. L'un, par un luxe démesu-
ré, allume pour lui la flamme des tentations, l'autre est sans cesse étouffé par les
soucis de la vie quotidienne. Et les morts précoces, chaque jour, devant nos
yeux, les revers du sort inopinés et les faillites soudaines, personne ne les com-
prend ! (251) Qu'imaginez-vous donc ? Que croyez-vous ? Serez-vous plus forts
que la mort, participant d'une nature spéciale qui n’obéit pas aux lois de la géné-
ration et de la corruption, mais bénéficie d'un caractère permanent, pour décider
qu’il faut vivre dans l'insouciance ? Est-ce que vous possèderez les biens d'ici-
bas de façon immuable ? Est-ce qu’on ne vous les arrachera pas des mains, ou
au contraire est-ce que leur profusion sera toujours à votre disposition ? Est-ce
que vous conserverez en vous sans fin la corruption ? Où sont à présent passées
les saveurs de la sauce épicée d'hier ? Que reste-t-il maintenant de cette vie de
débauche ? Où sont passés les charmes de l'ivresse d'il y a trois jours ? Les
membres intempérants de ces gens ont aussi une existence transitoire, même si
la succession des choses entre elles laisse penser qu'elles durent davantage. Ef-
forçons-nous donc de lever les yeux, hommes admirables ! Ôtons la pellicule de
chassie qui recouvre nos yeux ! Dissipons l’épais nuage causé par le brouillard
opaque des choses d’ici-bas ! Enlevons ce manteau trompeur ! Regardons ces
choses dans leur nudité et, reconnaissant leur pourriture, faisons preuve de sa-
gesse et de raison. Il n’y a rien ici-bas de plus honteux que l’aspect d'un ivrogne,
la vue d'un débauché, le spectacle de quelqu’un qui se conduit indécemment ou
la vision de n’importe quel autre qui se livre au grand jour et impudemment à la
licence, mais il sera encore bien plus honteux pour nous d’endosser des vête-
ments aussi abominables et de les répandre à travers toute la création. Nous atti-
rons sur nous le feu inextinguible, car la matière s’enflamme facilement, nous
faisons alliance avec les démons auteurs des passions, nous sommes repoussés
très loin de Dieu et payons un prix qui ne cesse jamais.
Ce n'est vraiment pas ainsi qu'agissent ceux qui aspirent au bien. Dans la
mesure où ils sont vénérés de tous, respectés, guidés par la plus grande piété,
(251v) dignes de nombreuses louanges, entourés de la plus grande affection pos-
sible et proposés comme une aide utile pour tous, eh bien, après leur départ d'ici-
bas ils obtiendront une lumière éclatante, les éloges angéliques, les demeures
éternelles, le vêtement resplendissant de l'incorruptibilité482, l’agréable transport
de la joie, l'union ininterrompue avec Dieu, le témoignage véridique du Verbe en
compagnie des autres, parmi lesquels se trouve celui que nous célébrons à pré-
sent. Devenons leurs émules, nous aussi, et imitons-les du mieux que nous pou-
vons, mais surtout celui qui est la meilleure part de tous les Pères, le sommet des
vertus, celui qui fait maintenant l’objet du discours. Cet homme dont nous célé-
brons présentement la fête a mené une vie bienheureuse et admirable et son
émigration est désirable et digne d'être aimée. Celui qui ne possédait rien est en-
tré en possession du ciel tout entier ; celui qui avait méprisé l'affection de ses
proches est devenu le proche de la Trinité toute-puissante et est parvenu à la pa-
renté déiforme.
Où est donc à présent la violence qu’il a faite à la nature, la pénible meur-
trissure, la tyrannie imposée à la chair, la contraction et la réclusion de l’esprit
482 C’est le baptême qui confère le vêtement d’incorruptibilité – th'" ajfqarsiva" e[nduma –
(cf. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, dans son Discours 40 Sur le baptême, 4, SC 358, 1990,
p. 203 ; BASILE LE GRAND, Lettre 292, éd. COURTONNE, t. 3, 1967, p. 166 ; GRÉGOIRE
DE NYSSE, Sur ceux qui différent le baptême, GNO X/2, 1996, p. 360, l. 20-21 (PG
46,420C) : « Reçois le vêtement d’incorruptibilité que le Christ te présente »). Dans la
liturgie byzantine, le prêtre, lors de la prière pour les catéchumènes, demande qu’ils
soient revêtus du vêtement de l’incorruptibilité. Dans son Discours 4 Contre Julien,
Grégoire de Nazianze décrit les moines qui portent « un vêtement d’incorruptibilité »
(§ 71, SC 309, p. 185)
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 395
quand il était encore à ses débuts, la contention de l'âme, le libre choix du mode
de vie ? Où est la tristesse des larmes, l'écoulement continu de la sueur, la dou-
leur de la position, l'exiguïté de la cabane, la ténacité de la veille, la violence du
coucher sur la dure, et, pour le dire en un mot, les vexations causées par tous les
préliminaires pénibles? Je passe sous silence les fatigues et les peines invisibles
et intérieures, ainsi que les luttes innombrables. Tout a disparu, tout est passé, et
après avoir causé une brève douleur, cela a procuré une joie qui ne faiblit
d’aucune manière, de la même façon que le relâchement de la chair en nous, ap-
portant ici-bas de menus plaisirs, procurera une douleur impérissable, mais afin
de (252) ne pas subir cela, adoptons en toutes choses la juste mesure483. Quoi de
plus facile que cela en effet ? Prélevons sur le superflu pour le donner à ceux qui
en ont besoin, car cette voie moyenne et sans embûches est à la portée de tous et
peu pénible ; de cette façon nous deviendrons, nous aussi, dans une certaine me-
sure les associés de ceux qui ont aimé Dieu et nous obtiendrons les biens à venir,
par la grâce et l’amour pour les hommes de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui
soit la gloire et la puissance, avec le Père et le Saint Esprit, pour les siècles.
Amen484.
2.7. Récit très utile sur notre Père parmi les saints,
Antoine le Grand485
Ce texte inédit et anonyme, non répertorié dans BHG, se trouve dans un manus-
crit grec de la seconde moitié du XVIIe siècle du Centre d’études slaves-
byzantines Ivan Dujčev de Sofia486.
Situation du récit
Un démon a faussé compagnie à ses frères, envoyés exercer leurs maléfices dans
une panégyrie (à la fois fête religieuse et foire), et est venu frapper à la porte de
la cellule de saint Antoine pour se plaindre des maux que les chrétiens, et surtout
les moines, font endurer aux démons. Le saint l’enferme alors dans sa cellule et
l’interroge sur les différents modes d’action des démons. S’ensuit un long dia-
483 Cf. ARISTOTE, Éthique à Nicomaque. Ce concept philosophique est illustré dans la Bible
par la figure de la « voie royale » (cf. note 381, p. 240).
484 Cf. formule conclusive habituelle chez Jean Chrysostome.
485 Traduction P. GÉHIN et A. CHRYSSOSTALIS.
486 N° 171.2, fol. 18v-43r ; cf. D. GETOV, A Catalogue of Greek Liturgical Manuscripts in
the Ivan Dujčev Centre for Slavo-byzantine Studies, OCA 279, Rome 2007, p. 260
(remplacer fol. 19r par 18v).
396 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Apport du texte
À plusieurs reprises, la VA athanasienne offre la même question que celle du dé-
but de ce récit : « Qui es-tu ? » (§ 6, 2 ; 41, 2 ; 43, 1.3). Le diable apparaît à An-
toine qui lui demanda « Qui es-tu ? ». Celui-ci lui répond : « Je suis Satan », et il
lui avoue être vaincu par les moines. La Bible montre l’intérêt de cette question :
« Le simple fait de demander : „Qui es-tu, d’où viens-tu ?” est un signe
d’imperturbabilité. Ainsi le fils de Navé, Jésus, apprit en interrogeant, et
l’Ennemi ne put se cacher à Daniel lorsqu’il l’interrogea487. » Déjà Origène a
préconisé cette question pour discerner les esprits488.
Le fait de voir les démons est un charisme assez fréquent dans les apo-
phtegmes489.
Dans l’éloge de Georges de Naxia, nous avons souligné l’importance des
Béatitudes, bien présentes dans la liturgie byzantine et par là dans la spiritualité
byzantine. Ce texte se conclut lui aussi par les Béatitudes.
Antoine est considéré comme celui qui a la connaissance des ruses des dé-
mons et à qui ceux-ci sont soumis. Les armes de la vie monastique que sont les
Écritures, le jeûne, l’humilité permettent de triompher des démons, en particulier
de la vaine gloire et de la colère.
***
1. (18v) Écoutez un récit sur saint Antoine le Grand et sur (19) sa vie, comment
le démon vint dans sa cellule tard dans la nuit. Après que celui-ci eut frappé à sa
porte, saint Antoine sortit et dit : Qui es-tu ? Le démon lui dit : Ouvre. Quand il
eut ouvert, il vit le démon et lui dit : Pourquoi es-tu sorti, très méchant serviteur
de Satan ? Le démon lui dit : Je suis venu te dire comment les moines et les
chrétiens nous blâment et nous insultent. À tout moment je fais facilement reve-
nir en arrière les séculiers, (19v) mais avec les moines j’ai beaucoup de mal à les
faire revenir vers notre façon de penser, afin qu’ils fassent notre volonté.
2. Alors le saint lui dit : Pourquoi agis-tu ainsi, diable très méchant ?
Le démon lui dit : Je suis tellement jaloux des moines, mais l’ancien, notre
chef, leur voue une jalousie bien plus grande.
3. Le saint lui dit : Pourquoi est-ce que vous les jalousez tellement ?
Le démon lui dit : Parce que Dieu va rassembler cette milice-là à partir des
bons prêtres et des moines vertueux, afin qu’ils deviennent (20) des anges à la
place que nous occupions d’abord. Voilà pourquoi nous leur vouons une telle
jalousie.
4. Le saint lui dit : Puisque tu es venu ici, démon, je te conjure au nom de
Dieu créateur de l’univers, des anges et des démons, du ciel et de la terre, de
toute créature et de tout élément.
Le démon lui dit : Pourquoi m’as-tu enfermé, Antoine ? Je suis venu me
plaindre à toi de la façon dont les moines et des chrétiens nous blâment, et toi, tu
m’as enfermé.
5. Le saint lui dit : Dis-moi (20v) ce que font les démons, comment ils agis-
sent avec les moines et les chrétiens.
Le démon dit : Écoute, Antoine, nous étions des anges et Lucifer, le premier
d’entre nous parmi les démons, a déchu à cause de son grand orgueil, parce qu’il
a voulu être mis au sommet et placer son trône au-dessus du Dieu Très-Haut.
Dès qu’il eut fait un signe pour consulter toute sa milice, Dieu le précipita dans
l’abîme, et nous l’avons suivi et sommes devenus (21) des diables. La raison
pour laquelle nous avons envers les moines la jalousie dont je t’ai parlé est que
rien ne nous mortifie autant que le jeûne qu’ils pratiquent, aussi nous faisons
tout pour qu’ils ne jeûnent pas ; nous jetons parmi eux la zizanie pour qu’ils se
disputent entre eux, pour que les uns reviennent à l’état séculier et les autres
changent complètement de religion et renient le Christ et qu’ils soient avec nous
dans le châtiment éternel. Cependant les Écritures, les jeûnes, les (21v) humilia-
tions qu’ils s’infligent ne nous empêchent pas de leur faire du mal, car nous ne
laissons aucun répit à ceux qui ont de l’humilité, mais nous faisons beaucoup
d’efforts, comme le ver dans l’arbre, qui le mange jusqu’à ce qu’il le dessèche :
on prend l’arbre pour le jeter au feu et il brûle avec les vers. Voilà comment
398 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
nous aussi nous sommes brûlés et châtiés. C’est pourquoi nous nous efforçons
d’en avoir encore d’autres avec nous.
6. Le saint lui dit : Mais les séculiers, pourquoi les soumettez-vous à la ten-
tation ?
(22) Le démon lui dit : Eux aussi, c’est à cause d’Adam, c’est parce que le
Christ a enfermé notre chef à cause de lui que nous leur vouons une grande ja-
lousie. Tu vois, Antoine, ces poignards que je porte à la ceinture, je les ai tous
pour eux. Lorsqu’ils se saoulent, nous provoquons chez eux une querelle, et ils
en viennent progressivement à se disputer. Moi je me tiens prêt et fais en sorte
qu’ils se blessent et s’entretuent ; mais je ne fais pas cela tout seul, il y a aussi
mes propres frères.
7. Le saint lui dit : Où sont tes frères ? (22v)
Le démon lui dit : Là où il y a la fête, pour provoquer quelque scandale.
8. Le saint lui dit : Et comment vous appelez-vous ?
Le démon dit : L’un s’appelle « vain », c’est-à-dire de la vaine gloire, et
l’autre « colérique », c’est-à-dire mettant en colère les hommes ; l’un a les bé-
quilles et l’autre les pierres et les bâtons. Quand arrive l’heure, ils brouillent les
yeux, gonflent aussi le cœur, font perdre le sens de la fraternité et de l’amitié. Si
nous ne (23) pouvons pas après cela tuer ou blesser, nous les jetons dans des ju-
gements où ils laissent leur vie, afin d’avoir nous aussi notre part. Mais même
pour cela nous avons de nombreux ennemis qui nous empêchent d’aller jus-
qu’aux jugements et les poussent seulement à s’aimer. Et alors nous sommes
fort déprimés de ce qu’ils n’ont pas fait notre volonté, surtout quand nous allons
chez notre chef : il nous dispute beaucoup et nous reproche de ne pas avoir fait
de scandale. Je t’en prie, Antoine, laisse-moi (23v) et ne me retiens pas davan-
tage, parce que j’ai beaucoup tardé et mon maître va m’en faire voir de toutes
sortes.
9. Le saint lui dit : Cela fait si longtemps que vous soumettez les chrétiens à
la tentation et vous n’êtes pas satisfaits, très méchants ennemis de la vérité de
Dieu, vous qui haïssez la vérité et aimez les mensonges. Mais encore une fois je
t’en conjure, démon, au nom du Dieu Tout-Puissant, dis-moi toute la vérité
parce que j’ai beau supplier mon Dieu, il ne te laisse pas me dire la vérité.
Alors (24) le démon dit : Ô Antoine, pourquoi me retiens-tu prisonnier da-
vantage alors que je suis pressé de partir parce que j’ai beaucoup tardé. Quel
malheur je n’ai pas subi avec toi ! Combien d’hommes jusqu’à maintenant je
voulais avoir à mon compte ! Mais toi tu m’en empêches. Demande-moi ce que
tu veux, parce que j’ai beaucoup tardé, et si tous les démons vont avec des ca-
deaux chez notre maître, moi, je n’ai nulle part où aller ; tu m’as enlevé ma vie
et fait perdre ma récompense, car mes frères aussi me reprochent (24v) de
t’avoir avoué qu’ils sont allés à la fête.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 399
10. Le saint lui dit : Et je te pose une autre question, démon, dis-moi encore
ceci : Quel est le plus grand scandale que vous les démons provoquez chez les
hommes ?
Le démon lui dit : La vaine gloire. Je me mets alors à les posséder jusqu’à ce
qu’ils se battent entre eux, ensuite arrive aussi mon frère, le colérique, qui les
remplit de colère. Alors mon autre frère aussi, le vain, les rend pleins de vanité
afin de remporter la victoire. (25) On s’introduit alors tous les trois et on fait tout
pour qu’ils soient tués. Quand nous faisons ce que nous voulons, alors nous al-
lons chez notre maître dans une grande joie et il nous félicite beaucoup et nous
permet d’accéder à un honneur plus grand.
11. Et alors le saint lui dit : Comment se fait-il que vous ne craigniez pas le
Dieu Tout-Puissant et que vous ayez vous les démons l’audace de faire de tels
scandales chez les chrétiens ?
Le démon lui dit : Écoute, Antoine, nous avons reçu de Dieu (25v) une vo-
lonté et nous faisons ce que nous voulons, mais les anges nous en empêchent ;
mais nous guettons et quand ils vont se présenter à Dieu pour se prosterner, alors
nous saisissons l’occasion pour faire du mal aux chrétiens et aux moines ; nous
allons là où ils ont des banquets avec danse, chansons et jeux, et nous leur fai-
sons ce que nous voulons. Les anges nous laissent à ce banquet, parce qu’ils se
détournent (26) de ce banquet et que Dieu n’en tire aucun profit, car là où il y a
un banquet, des jeux, nous trouvons aussi notre plaisir et il n’y a là personne qui
nous gêne. Nous nous réjouissons nous aussi avec eux ; ils deviennent nos servi-
teurs, délaissent Dieu et nous adorent, eux qui nous insultent souvent, mais lors-
qu’ils boivent au milieu des jeux, ils font de nouveau notre volonté.
12. Le saint lui dit : Je t’en conjure, démon, dis-moi encore ceci au sujet de
la sainte Résurrection (26v), à savoir le saint dimanche, que faites-vous à ces
chrétiens, vous les démons ?
Le démon lui dit : Nous avons l’habitude de ne pas cesser du tout de faire
des scandales, mais aussi de nous complaire en eux toute notre vie, et le di-
manche nous allons faire beaucoup de scandales chez les chrétiens. Nous faisons
que les uns cousent, les autres fassent des affaires, d’autres chantent, d’autres
transportent du bois, (27) d’autres aillent moudre au moulin ; nous faisons que
d’autres brodent avec leurs enfants, d’autres aillent voir les diseuses de bonne
aventure, d’autres dorment beaucoup ; à d’autres nous donnons d’avoir mal à la
tête, ou au cœur, ou aux mains et aux pieds, afin qu’ils disent : Nous ne pouvons
pas aller à l’église. Nous avons beaucoup à faire dans la guerre que nous menons
contre eux ; nous leur apportons une forte chaleur et le découragement et ils di-
sent qu’ils ne peuvent pas (27v) aller à l’église. Alors quand nous réussissons à
ce qu’ils fassent notre volonté, nous allons les inscrire dans notre registre, ils
deviennent nos serviteurs et nous tirons d’eux un grand bénéfice, Antoine, mais
400 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
nous avons aussi beaucoup d’ennemis qui se gardent de tout ce que je t’ai dit et
avec qui nous n’avons rien à gagner du tout, parce qu’ils ne font jamais notre
volonté : ils fréquentent assidûment l’église, (28) respectent scrupuleusement les
fêtes et le dimanche. Beaucoup de poignards nous blessent de leur fait, parce
qu’ils en ramènent beaucoup d’autres à la connaissance de Dieu. Nous les évi-
tons particulièrement parce qu’ils nous poursuivent avec la puissance de Dieu,
comme le vent qui chasse les nuages. Nous allons là où les gens font notre vo-
lonté et nous obéissent ; toute la vie nous faisons en sorte qu’ils ne respectent
pas les fêtes et la (28v) résurrection, c’est-à-dire le dimanche, parce que, An-
toine, quand ils respectent les fêtes et le saint dimanche, alors les anges et les
saints demandent à Dieu que leurs péchés soient pardonnés : les livres de leurs
péchés sont effacés et ils se séparent aussitôt de nous. Alors nous nous lamen-
tons beaucoup d’avoir été séparés d’eux et de ce qu’ils ne font pas notre volonté.
Mais notre maître, l’ancien, s’irrite aussi beaucoup à cause d’eux (29) et il passe
sa vie dans l’accablement. Alors il convoque en assemblée tous les démons ; il
nous dispute et insulte beaucoup de n’avoir pas pu faire de scandales chez les
chrétiens ; il doute même que nous fassions des scandales chez les chrétiens.
Mais il fait sortir tous ses clercs pour qu’ils nous disputent et insultent et en-
voient chacun faire des scandales dans le monde : les uns en mer, (29v) les
autres dans les rivières, afin de noyer les gens qui traversent. En mer ils envoient
le « Court », l’exarque, avec cent cinquante démons, afin qu’ils agitent la mer et
fassent sombrer les bateaux ; ils en envoient d’autres sur les routes, afin
d’amener les hommes à s’entretuer, d’autres aux fêtes, afin de faire des scan-
dales, pour que les hommes se querellent, s’injurient et se battent parce que, de
fil en aiguille, (30) nous les amenons à se disputer. Alors nous faisons qu’ils se
mettent en colère et se battent. Nous sommes heureux quand ils se disputent à
l’église, parce qu’ils ne reçoivent pas leur récompense de la part du saint qu’ils
fêtent ; d’autres démons s’introduisent chez les notables et les rendent impi-
toyables envers les pauvres et sans aucune compassion ; ils s’empressent au con-
traire de prendre leurs biens injustement ou leur vigne (30v) ou leur champ ou
quelque autre chose que possèdent les pauvres. Et nous, Antoine, nous faisons
tout pour que les riches n’aient pas de compassion pour les pauvres.
13. Et alors le saint lui dit : Je t’en conjure, démon, au nom du grand roi du
ciel et de la terre, dis-moi encore ceci : Comment vous les démons vous compor-
tez-vous avec les pauvres ?
Le démon lui dit : Nous, les démons, nous n’avons pas d’autre intérêt sinon
que les pauvres blasphèment et perdent leur récompense, (31) mais ceux qui vo-
lent et causent du tort aux pauvres, ceux-là sont nos serviteurs et nos domes-
tiques ; quant aux pauvres qui gardent bien leur foi et ne blasphèment pas, nous
n’en tirons rien.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 401
14. Le saint lui dit : Dis-moi aussi ceci, démon : Comment êtes-vous avec
eux qui prêtent leur argent avec intérêt, c’est-à-dire avec bénéfice ?
Le démon dit : Ce sont nos agents et nos amis, parce qu’ils n’écoutent pas
l’évangile, comment le Christ a dit : (31v) Malheur à ceux qui prêtent leur ar-
gent avec intérêt490 !
15. Le saint lui dit : Je t’en conjure, démon, dis-moi encore ceci : Avec
celles qui jettent des sorts, disent la bonne aventure et défont les nœuds, com-
ment êtes-vous ?
Le démon dit : Écoute, Antoine, ce sont nos mamans ; elles font revenir les
gens à nos idées : ils font nos volontés et nous les inscrivons dans nos registres.
Nous tirons un grand bénéfice de ce qu’ils abandonnent Dieu et prennent ces
dernières pour Dieu. Elles (32) nous demandent de rendre la santé au malade ;
arrive alors le démon de la divination avec douze démons à son service ; ils font
beaucoup d’actions et ils remettent sur pied les malades, afin que les gens
croient à leur magie et que c’est grâce à elle que s’est rétabli le malade, afin que
d’autres encore viennent, et alors le démon de la divination les inscrit dans son
registre. Beaucoup de gens font sa volonté, (32v) et notre maître est très content
et lui permet d’occuper une place honorifique plus haute.
16. Le saint lui dit : J’ai encore une autre question, ô démon ; dis-moi aussi
ceci : ceux qui ne respectent pas le saint dimanche, comment les considérez-
vous ?
Le démon dit : Écoute, Antoine, comme nos enfants, parce le Christ nous a
volé le dimanche et nous a arraché des mains les ancêtres, Adam et Ève, et tous
ceux que nous tenions enfermés.
17. Le saint lui dit : (33) Démon, et pourquoi avez-vous poussé les juifs à le
crucifier ?
Le démon dit : Nous ne savions pas qu’il était Dieu, mais nous pensions que
c’était un prophète et nous nous sommes trompés, car personne ne connaît les
volontés de Dieu. Je t’en prie, Antoine, laisse-moi partir car j’ai beaucoup tardé
et je ne suis plus en compagnie de mes frères.
18. Le saint lui dit : Si tu ne me dis pas tous les scandales et toutes les ruses
que tu provoques, par le Seigneur, (33v) je ne te laisserai pas. Et le démon dit en
gémissant : Dis, dis, Antoine.
490 Ce n’est pas une parole du Christ. L’interdiction du prêt à intérêt se trouve dans le Pen-
tateuque (Dt 23, 20 ; Lv 25, 36-37 ; Ex 22, 24) ainsi qu’en Ézéchiel 18, 8. La formula-
tion de cet interdit est moins explicite dans le Nouveau Testament (Lc 6, 34-35). Au
Moyen-Âge, l’Église catholique interdit le prêt à intérêt ; elle n’a rendu licite le prêt à
intérêt qu’en 1917 (Codex iuris canonici, c. 1543).
402 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
19. Le saint lui dit : Dis-moi encore ceci, ô démon, ceux qui ne s’aiment pas
les uns les autres, comment êtes-vous avec eux ?
Le démon dit : Écoute, Antoine, ce sont nos parents parce que nous non
plus, nous ne pouvons supporter la charité, car là où les hommes ont la charité,
nous ne pouvons pas leur faire de mal ; nous avons été anéantis par Dieu ; Dieu
n’a rien (34) aimé autant que la charité, car ceux qui ont la charité sont loin de
nous, les démons.
20. Le saint dit : Mais ceux qui font l’aumône aux pauvres et ont pitié d’eux,
comment êtes-vous avec eux ?
Le démon lui dit : Écoute, Antoine, ils nous portent beaucoup de coups de
poignards au cœur, tous ces hommes qui font l’aumône aux pauvres et ont de la
compassion pour eux. Dieu a pitié d’eux et compatit, et aussitôt les livres de
leurs péchés sont effacés ; (34v) nous perdons notre peine et nous ne tirons au-
cun bénéfice d’eux, parce que Dieu les prend en grande pitié.
21. Le saint lui dit : J’ai une autre question à te poser, démon ; ceux qui sont
puissants et qui détiennent le pouvoir sur les faibles, comment êtes-vous avec
eux ?
Le démon lui dit : Écoute, Antoine, de ces hommes, l’enfer va prendre la
plus grande partie, parce que, quand Dieu jugera le monde, ceux qui font du tort
seront eux aussi condamnés par le juste juge (35) ; celui-ci nous les livrera en
mains propres ; nous avons d’autres lieux qui sont appelés « condamnation », un
enfer particulièrement terrible.
22. Le saint lui dit : Mais à ceux qui bavardent à l’église, est-ce que vous
leur faites quelque chose ?
Le démon dit : Écoute, Antoine, quand le pappas frappe la simandre, nous
aussi nous accourons et nous nous tenons debout à la porte ; nous faisons en
sorte que les uns se comportent de telle manière que le pappas se fâche et les
maudisse, que les autres rient ; (35v) nous en faisons dormir d’autres pour qu’ils
n’entendent pas les paroles de Dieu ; pour d’autres nous portons des pantalons
bouffants491 et nous faisons en sorte qu’ils quittent l’église avant d’entendre le
congé final et ne retirent aucun bénéfice. Nous les inscrivons alors et nous allons
voir notre maître ; il nous félicite et les porte sur son registre ; ils ne reçoivent
aucun bénéfice de Dieu. Ne m’en demande pas plus car tu m’as fait perdre tout
ce que j’ai et privé de ma récompense.
23. Le saint lui dit : (36) Mais ceux qui insultent les prêtres, comment faites-
vous avec eux ?
491 « Pantalon bouffant » traduit le mot σαλ(ι)βάρι, emprunté au turc zeroual et venant de
l’arabe sarouel س روال, symbole du costume musulman.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 403
Le démon dit : Ce sont nos père et mère et nos frères ; nous les jetons « dans
le feu extérieur préparé pour le diable et ses anges492 » et ils brûlent avec nous.
24. Le saint lui dit : Mais pourquoi es-tu venu ici, démon très méchant, ser-
viteur de Satan ?
Le démon lui dit : Écoute, Antoine, je ne savais pas que j’allais souffrir ainsi
parce que tu m’as tenu si longtemps, mais j’allais te quitter.
25. Le saint lui dit : Mais (36v) aux enfants qui jouent, est-ce que vous leur
faites quelque scandale ?
Le démon dit : Écoute Antoine, nous trouvons là notre joie et nous em-
ployons beaucoup de moyens pour qu’ils se blessent ou se tuent ou se crèvent
les yeux entre eux ou se cassent un bras ou une jambe, ou bien nous méditons
quelque autre mal à leur faire ; et alors nous faisons en sorte qu’ils se fâchent les
uns contre les autres, et quand il y a des morts, alors nous allons chercher quel-
qu’un pour (37) les accuser devant les autorités, on vend leurs biens, on les met
en prison et alors ils sortent493 et nous tirons nous aussi un bénéfice.
26. Le saint lui dit : Mais à l’école, là où étudient les enfants, est-ce que
vous y allez pour provoquer un scandale contre eux ?
Le démon dit : Écoute, Antoine, nous y sommes allés, mais nous nous
sommes tenus à distance.
27. Le saint lui dit : Pourquoi ?
Le démon dit : Parce qu’ils tiennent leurs livres et font la lecture, (37v) ils
nous réduisent à néant et nous chassent, et nous ne pouvons pas aller à côté
d’eux, mais quand ils s’arrêtent de lire, nous y allons et nous leur suggérons de
nombreuses pensées, afin qu’ils ne lisent pas, détestent les paroles de Dieu et
fassent nos volontés, parce que, lorsqu’ils lisent, ils nous portent au cœur de
rudes coups de poignards. Ces enfants en effet en entraînent beaucoup vers la
connaissance de Dieu et nous subissons un grand tort de leur part. (38) Mais
nous nous occupons beaucoup de ceux qui nous écoutent, sont négligents,
n’étudient pas et font nos volontés ; nous les mettons dans de grands tourments
et châtiments et nous les inscrivons dans notre registre parce qu’ils font nos vo-
lontés et rejettent la grâce de Dieu. En effet ceux qui savent lire parlent avec
Dieu, mais aussi ils nous insultent beaucoup. C’est pourquoi nous faisons (38v)
tout pour qu’ils détestent la lecture et ne veuillent plus apprendre les lettres, pour
notre plus grande joie. Mais nous faisons aussi en sorte que leurs parents ne les
éduquent pas, parce que ceux qui éduquent leurs enfants reçoivent de Dieu une
grande grâce : Dieu n’est glorifié par rien autant que par les lettres. C’est pour-
quoi nous sommes si jaloux des enfants.
28. Le saint lui dit : Nous sommes très étonnés par la façon dont vous les
démons (39) provoquez tant de scandales dans le monde.
Le démon dit : C’est pour cela que Dieu nous a maudits et a décidé de nous
priver de toute bonté et de nous faire passer toute notre vie dans la méchanceté.
C’est pourquoi nous faisons ces méchancetés au monde. Notre travail consiste
en effet à soumettre à la tentation le monde, non seulement les séculiers et les
enfants, mais aussi les rois, les patriarches, les métropolites, (39v) les prêtres et
les moines, les riches et les notables ; à tous nous donnons l’amour de l’argent,
les querelles, les jalousies réciproques, afin qu’ils n’aient pas de charité et tom-
bent dans la corruption, pour qu’ils perdent leur âme et deviennent nos amis.
Pourquoi t’en dire davantage, Antoine ? Laisse-moi seulement partir, parce que
les malheurs que nous provoquons sont sans fin et nos scandales sans fin et in-
nombrables.
29. Ayant entendu cela, le saint toucha le visage (du démon) (40) en disant :
« Que le Seigneur te condamne494 », diable, va « dans le feu extérieur qui a été
préparé495 », disparais complètement, et aussitôt il lui devint invisible ; le saint
resta longtemps dans l’étonnement et dit :
Dieu des pères et Seigneur de miséricorde, toi qui as fait le ciel et la terre, la
mer et tout ce qu’elle contient496, toi, maître, délivre ta créature du diable malin
qui tourne autour de ton peuple comme des lions rugissants497 (40v) et des loups
sauvages enragés, car je crains le dragon, ce méchant apostat. Voilà ce que dit le
saint et il fit une prière.
30. Le lendemain, il dormit un peu et quelqu’un qui portait un habit éclatant
vint vers lui et lui dit : Antoine, tu as vu les très mauvaises ruses des très malins
démons, celles du rusé Satan.
Le saint dit : Oui, j’ai vu, mais qui es-tu, toi qui me parles ? L’ange dit : Je
suis l’archange Raphaël (41) et je suis venu te dire de mettre par écrit toutes les
ruses du diable ; instruis le peuple, et celui qui aura entendu et cru sera dans le
royaume du ciel et celui qui n’aura pas cru sera dans le châtiment éternel.
31. À mon réveil je me suis souvenu de ces paroles venant de l’ange et ren-
dant grâces à Dieu je dis : Je te rends grâces, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu,
parce que tu as fait apparaître ton ange ; il m’a ordonné de mettre par écrit (41v)
les ruses du démon qui est venu chez moi m’annoncer toutes leurs actions :
comment ils examinent en détail le monde et provoquent crimes et querelles,
inimitiés et rivalités et de nombreuses jalousies contre les chrétiens et comment
494 Jude 9.
495 Mt 25, 41.
496 Ps 145, 6.
497 Cf. 1 P 5, 8.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 405
ils font en sorte que d’autres dorment le saint dimanche et ne respectent pas la
sainte résurrection du Christ et les fêtes des saints.
32. Écoutez-moi, mes enfants bien aimés et fidèles dans le Seigneur, écou-
tez-moi avec une grande joie (42) et recevez dans un profond silence, non mes
propres paroles, mais les commandements de Dieu, comment le Christ a dit :
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés498 »
dans le Royaume des cieux ; « bienheureux ceux qui pleurent car ils riront499 ».
Écoute l’impératif que le Christ adresse avec sa sainte bouche à son peuple
quand il dit : Celui qui pleure à cause de ses péchés, celui-là se réjouira et rira
(42v) de bon cœur dans le Royaume de Dieu, c’est-à-dire au ciel. Pourquoi
donne-t-il un tel ordre au sujet de la justice ? Parce que là où est la justice et la
vérité, là est aussi le Christ avec les hommes, comme le proclame aussi l’apôtre
Jean le Théologien dans son Apocalypse et sa Lettre, lorsqu’il dit : « Celui qui
demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. En ceci consiste
l’accomplissement de la charité de notre Dieu avec nous : que nous ayons pleine
assurance au jour du (43) jugement500. » À lui la gloire pour les siècles. Amen.
498 Mt 5, 6.
499 Lc 6, 21.
500 1 Jn 4, 16-17.
501 Cf. A. et C. GUILLAUMONT, introduction à ÉVAGRE, Traité pratique ou Le moine, t. 1, SC
170, 1971, p. 57 ; 123. ; A. GUILLAUMONT, Un philosophe au désert Évagre le Pontique,
Paris 2004, p. 221 note 2 : « les descriptions d’Évagre portent des marques évidentes de
l’influence de la VA dans l’interprétation et la formulation des faits observés par lui ».
502 Cf. D. SPERBER-HARTMANN, Das Gebet als Aufstieg zu Gott. Untersuchungen zur
Schrift de oratione des Evagrius Ponticus, coll. Early Christianity in the Context of An-
tiquity 10, Frankfurt am Main 2011, p. 96.
406 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Jean Rufus
Dans un chapitre des Plérophories, ouvrage écrit sous le pontificat de Sé-
vère d’Antioche (512-518), Jean, évêque de Maïouma, explique comment le
moine Silvain était peu favorable aux offices chantés :
L’abba Paul, l’abba Antoine, Paul le simple, l’abba Pambo, l’abba Apollo et tous les
autres confirment ma parole, eux qui ont ressuscité des morts et qui ont prévalu
contre le démon, non avec des chants, des tropaires et des antiennes, mais avec la
prière et le jeûne515.
Dans un autre chapitre sur l'empereur Théodose le Jeune, quatre moines sont
énumérés : Antoine, Macaire, Pachôme, Poemen516. Il est remarquable que ces
deux listes de saints moines ne soient pas identiques ; seul Antoine leur est
commun, ce qui indique sa prééminence.
511 SYNÉSIOS DE CYRÈNE, t. IV, Opuscules I, Dion ou Le Traité de la vie, 10, 5, éd. J. LA-
MOUREUX et trad. N. AUJOULAT, Paris 2004, p. 166.
512 C. LACOMBRADE, « Le Dion de Synésios de Cyrène et ses quatre „sages barbares” »,
KOINΩNIA 12/1, 1988, p. 17-26.
513 Éd. H. DELEHAYE, Les saints stylites, SH 14, 1923, p. 14-15 ; trad. A.-J. FESTUGIÈRE,
Les moines d’Orient. II. Les moines de la région de Constantinople, Paris 1961, p. 101.
514 V. DÉROCHE, B. LESIEUR, Notes d’hagiographie byzantine, AB 128, 2010, p. 284.
515 JEAN RUFUS, Plérophories, version syriaque et trad. française par F. NAU, PO 8, 1911,
19822, p. 179.
516 Ibid., p. 172.
408 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Jean Damascène, dans le premier Discours sur les images écrit peu après 730,
se réfère à la VA 90 :
Nous savons que le bienheureux Athanase a interdit de déposer les dépouilles des
saints dans des cercueils, mais que, bien plus, il ordonne de les cacher sous terre,
voulant ainsi abolir la coutume déplacée des Égyptiens qui n’ensevelissaient pas
leurs morts sous terre, mais les étendaient sur des lits et des cercueils520.
Dans l’Histoire de Barlaam et Ioasaph, attribuée à Jean Damascène, des
phrases entières sont empruntées à la VA521.
522 Cf. J. LEROY, « La réforme studite », dans Il monachesimo orientale, OCA 153, Rome
1958 ; repris dans SO 85, p. 163, note 58.
523 Antoine 14, dans Catéchèse I, 48, 27, SO 79, 2002, p. 367.
524 THÉODORE STOUDITE, Petites catéchèses 28 et 126, PDF 52, Paris 1993, p. 76 et 272
(cf. VA 19).
525 THÉODORE STOUDITE, Petites catéchèses 43, ibid., p. 108.
526 THÉODORE STOUDITE, Petites catéchèses 55, ibid., p. 133.
527 THÉODORE STOUDITE, Laudatio Platonis 1, 8, PG 99, 809.
528 THÉODORE STOUDITE, Les Grandes catéchèses. Livre I, 33, 26, SO 79, 2002, p. 298.
529 THÉODORE STOUDITE, Les Grandes catéchèses. Livre I, 72, 16, ibid., p. 506. Autres réfé-
rences dans ce Livre I : 8, 18 ; 12, 16.30 ; 28, 22 ; 46, 12.21 ; 48, 27 ; 49, 7 ; 78, 16. Dans
les Catéchèses du Livre II, éditées par A PAPADOPOULOS-KERAMEUS, Saint-Pétersbourg
1904 : 13, 88 ; 50, 362 ; 96, 691 ; 110, 814. Dans les Catéchèses du livre III : 42.
530 THÉODORE STOUDITE, Grandes catéchèses 28, 22, SO 79, p. 276.
410 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
531 THÉODORE STOUDITE, Petites catéchèses 49, PDF 52, 1993, p. 121.
532 SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN, Catéchèses, SC 104, 1964, p. 17-19 (cf. VA 7-8, 10).
533 SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN, Catéchèses, SC 113, 1965, p. 171 (cf. VA 46).
534 SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN, Catéchèse 30, SC 113, p. 217.
535 Cf. G. PODSKALSKY, « L’orizzonte culturale di Simeone il Nuovo Teologo », dans Si-
meone il Nuovo Teologo e il monachesimo a Costantinopoli, Bose 2003, p. 132.
536 PHOTIUS, Bibliothèque, t. 3, Paris 1962, repr. 2003, p. 95.
537 Marci monachi opera ascetica. Florilegium et sermones tres, éd. P. ROELLI, CCSG 72,
2009 : Florilège III et XIX, p. 13 et 39.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 411
Hésychius de Batos (VIIe-VIIIe siècle ?), dans son discours sur la sobriété et
la vigilance et la vertu, pour le bien de l’âme et son salut cite « le grand serviteur
de Dieu, le glorieux Antoine », en se rapportant expressément à la VA :
L’âme peut dans le Seigneur demeurer en sa beauté, sa splendeur et sa rectitude,
telle qu’elle fut créée par Dieu au commencement, très belle et très droite. C’est ce
que dit le grand serviteur de Dieu, Antoine : „Quand l’âme est douée d’intelligence
selon la nature, la vertu est assurée”. Il dit encore : „L’âme est droite, quand elle est
douée d’intelligence selon la nature, telle qu’elle fut créée”. Peu après il ajoute :
„Purifions la réflexion. Je crois en effet que, totalement purifiée et rendue à son état
naturel, elle peut devenir clairvoyante, voir davantage et plus loin que les démons,
car elle a en elle le Seigneur qui révèle”. Voilà ce que dit le glorieux Antoine,
comme le rapporte le grand Athanase dans la VA538.
Nicéphore le Solitaire, moine à l’Athos au XIIIe siècle, donne une quinzaine
d’exemples de Pères ayant vécu dans la sobriété et la vigilance ; il commence
par Antoine le Grand en rapportant l’épisode des deux frères venus le voir et
manquant d’eau dans le désert539.
538 Philocalie des Pères neptiques, t. 1, Paris 1995, HÉSYCHIUS DE BATOS, Sur la sobriété
et la vigilance 179, p. 220 (cf. VA 20 et 34).
539 Philocalie des Pères neptiques, t. 2, Paris 1995, NICÉPHORE LE SOLITAIRE, Sur la sobrié-
té, la vigilance et la garde du cœur, p. 365 (cf. VA 59).
540 GRÉGOIRE PALAMAS, Défense des saints hésychastes 2, 1, 43, trad. J. MEYENDORFF,
Louvain 1959, p. 314 (cf. VA 72).
541 Cf. Ac 7, 55-56.
412 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
542 GRÉGOIRE PALAMAS, Défense des saints hésychastes 2, 3, 66, trad. J. MEYENDORFF,
Louvain 1959, p. 524-526 (VA 10). Notons que cette partie des Triades sur la sainte lu-
mière a été intégrée dans la Philocalie roumaine éditée par D. STĂNILOAE (Filocalia,
Bucarest 1999, t. 7, p. 266-370 ; citation d’Antoine, p. 354).
543 ATHANASE, VA 10, 1-3.
544 Canon de Théophane pour la fête de saint Antoine, ode 1, tr. 3.
545 ATHANASE, VA 10, 2.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 413
fit revenir Grégoire à la prière commune, alors qu’il croyait devoir s’isoler dans
l’hésychia :
Ce grand homme (Grégoire) demeurait donc là554, dans l’hésychia et la prière silen-
cieuse à Dieu. Quant à ses disciples et compagnons d’ascèse dans ce genre
d’exercices auprès de l’admirable Isidore, ils passaient la nuit entière à veiller tous
ensemble, à chanter les psaumes et à célébrer le rituel pour Antoine, que j’affirme
être le Maître et Père commun ; en effet, c’était la veille de la solennité habituelle
qui lui est consacrée chaque année.
Mais ce grand homme (Antoine) ne fut pas non plus absent de la solennité, ô
miracle ! mais se montra présent dans la lumière sous ses traits habituels, participant
et coopérant à la fête, et arbitrant impartialement entre les deux parties555.
En effet, comme Grégoire priait là dans l’hésychia, comme je l’ai dit, voici
qu’une lumière divine survient tout à coup et l’illumine comme elle le faisait habi-
tuellement ; mais Antoine le Grand aussi accompagnait cette grande lumière. Il
s’approcha tout près de Grégoire et lui dit : « La prière qui se fait dans l’hésychia de
l’intellect, qui lave556 la faculté de vision de l’âme, qui la juge digne de la révélation
et de la vision des mystères, est belle, certes, mais, il est nécessaire, à des moments
choisis, de se rassembler, de participer à la prière, aux chants, et encore, je l’affirme,
aux autres exercices spirituels avec les frères qui mènent le même genre de vie.
C’est pourquoi il faut que, dès maintenant, tu les rejoignes pendant qu’ils veillent et
chantent les psaumes, car ils ont un besoin extrême de ta direction ».
Après avoir donné cette instruction à son ami, Antoine repartit chez lui. Gré-
goire obéit immédiatement à cet ordre. Laissant l’hésychia et sa maisonnette, il re-
joint plein de joie ses amis eux aussi pleins de joie, et il passe avec eux dans les
veilles toute cette nuit sacrée pour la célébration de la fête557.
Saint Calliste Angelicoudès reçut de ce patriarche un Sigillion en 1371 qui re-
connaissait son skite comme stavropégiaque. Dans un de ses traités hésychastes,
après avoir décrit le genre de vie hésychaste, il écrit :
Ainsi était Élie avant la Loi nouvelle et Jean-Baptiste le Précurseur du Seigneur.
Ainsi étaient aussi ceux qui entouraient Antoine le Grand, de la Loi nouvelle et du
Nouveau Testament558.
***
559 Cf. L. PETIT, « Macaire de Patmos », DTC 9/2, Paris 1927, col. 1459-1461.
560 L. PETIT, art. cit., en mentionne 52, mais nous en avons compté 54 dans l’édition de
Leipzig 1765.
561 Eujaggelikh; σάλπιγξ sunteqei'sa para; tou' sofwtavtou kurivou Makarivou tou' pote
crhmativsanto" th'" ejn Pavtmw/ scolh'" iJerodidaskavlou, Leipzig 1765, p. 312-319 ;
Athènes 1867, p. 313-320. Il a été réédité dans Le grand synaxaire de l’Église Orthodoxe,
publié par l’évêque Matthieu Langis. Nous avons utilisé la 6e édition, Athènes 1992.
562 Lc 6, 20.
416 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
les Romains à Numa Pompilius. Mais pourquoi faut-il que je fasse mémoire de
ces cas particuliers ? Des nations entières sont louées jusqu’à nos jours pour le
bienfait qu’ont apporté certaines découvertes temporelles. Ainsi, les Égyptiens
pour être à l’origine de la monarchie ; les Hébreux, de la poésie ; les Fils de
Seth, de l’astrologie et des lettres de l’alphabet ; Esculape de la médecine ;
Anaximandre de Milet563, de la sphère et des cadrans solaires ; Cléophane de
Corinthe, du prisme des couleurs ; Orphée de la lyre et de la musique. Et pour ne
le dire qu’en un mot : l’homme a une grande connaissance des bienfaits maté-
riels, mais en est-il de même eu égard aux spirituels ? Il me semble à l’égard de
ces derniers être bien en retard, bien difficile à mettre en mouvement, aussi, prê-
tez l’oreille et réfléchissez à la vérité de ceci.
En quoi ces découvertes et ces bienfaits sont-ils comparables ? Les hommes
dont nous venons de parler qu’ont-ils apporté en l’honneur des hommes avec ces
bienfaits, avec ces découvertes ? Quelle est la fécondité au prix de beaucoup de
sueur et de combats, de l’intelligence de saint Antoine dont c’est aujourd’hui la
fête ? N’est-il pas l’homme qui nous a apporté l’art très accessible de mettre en
déroute nos trois grands ennemis toujours sur le qui-vive, la chair, dis-je, le
monde et le diable ? N’est-il pas le premier homme qui nous a ouvert une route
rapide et très accessible par laquelle nous puissions monter vers notre éternelle
et très heureuse patrie? Qui d’autre que cet Antoine le Grand a mis au jour les
menaces, les épouvantails, les artifices du diable, notre ennemi universel, mon-
trant qu’ils ne sont pour ainsi dire rien d’autre qu’une chimère, qu’un mensonge
sans pouvoir ? Qui a montré comme saint Antoine que la bravoure du diable
n’est qu’apparente, qu’elle n’est rien d’autre sinon une totale faiblesse ? Qui
d’autre a mis au jour qu’aduler le corps est un piège mortifère pour l’âme ? Qui
d’autre a révélé comme lui l’imposture cachée du monde ?
N’est-il pas celui qui, depuis sa jeunesse, a révélé un art admirable et aupa-
ravant inconnu, par lequel le riche puisse transférer sa richesse vers le ciel ? Il y
a tant de découvertes, tant de nouveaux moyens, tous célestes, tous utiles à
l’âme et qui tous plaisent à Dieu, qu’il a été le premier à avoir imaginés, premier
à avoir trouvés, premier à nous révéler, lui Antoine, par sa propre vie, non avec
du papier et de l’encre, mais avec sueurs et peines. Et cependant, où sont ses
louanges ? Où sont ses éloges ? Où est cette connaissance qu’en ont les
hommes, comme celle qu’ils ont pour les bienfaits visibles ? Mais que le nom
très doux de notre Jésus soit célébré, lui qui sait non seulement honorer mais
aussi louer ses belles œuvres. Lui, ayant levé aujourd’hui ses yeux vers ses dis-
ciples564, a vu la pauvreté volontaire d’Antoine le grand et en a fait l’éloge, en
565 Lc 6, 20b.
566 Lc 6, 21a.
567 Lc 6, 21b.
418 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
digne d’être temple de Dieu, trône animé de la sainte Trinité, et en outre jugé
digne de posséder, pour l’amour incomparable qu’il vouait personnellement à
Dieu, les couronnes et vertus les plus brillantes, non seulement des saints, non
seulement des ascètes mais aussi des miséricordieux et des martyrs et pour le
dire simplement de tous ces justes, pour la demeure desquels il apparaît en ciel
glorieux et brillant.
Et pour que personne n’aille penser que nous parlons sans preuve, venons-en
aux œuvres de Antoine, et à partir d’elles, selon le récit fait en toute vérité par
Athanase le grand, chacun pourra pour sa part s’assurer qu’Antoine est vérita-
blement un miroir du ciel, puisque le ciel se réjouit et se glorifie en elles et en
tout ce que le bienheureux Antoine a amassé à l’intérieur de son âme. Quelle est
l’œuvre primordiale pour orner le ciel ? Les martyrs ? Supposons-le, de même
que Jean l’Évangéliste dans le chapitre 7 de son Apocalypse, a vu les martyrs
être les premiers à se tenir devant le trône de Dieu et en face de l’agneau, revê-
tus de vêtements blancs, palmes à la main568. J’affirme ceci moi aussi puisque
Antoine est martyr d’intention et d’action.
C’est pour cela qu’Athanase le Grand écrit avec beaucoup de joie que, lors-
que Maximin569 s’empara de l’Église en la persécutant et que les martyrs furent
traînés à Alexandrie, saint Antoine quitta aussitôt ses ermitages570, et marcha
lui-même à leur suite, disant : « Partons afin de livrer combat. » Et c’est avec un
pareil courage qu’il dirigea ses pas non pour rester au loin, mais bien pour aller
au cœur des prisons et des mines ; il assista les uns qui étaient martyrs, en pous-
sa d’autres au martyre avec un tel zèle, une telle hardiesse, un tel mépris des op-
presseurs que l’oppresseur était poussé à entraver les moines plutôt que de les
laisser aller au tribunal. Écoute donc les paroles mêmes d’Athanase : « Dans ces
conditions, le juge, au vu de son audace et de celle de ses compagnons, ordonna
qu’aucun des moines ne paraisse au tribunal. » Leur audace ? Surtout celle
d’Antoine ! Car Athanase en personne témoigne à son sujet que : « Son grand
zèle au tribunal faisait croître le courage des combattants, et quand ils témoi-
gnaient, il les accueillait et les accompagnait jusqu’au bout571»
Vois-tu ici les martyres d’Antoine ? Comprends-tu combien de fois il a été
martyr ? Toutes les fois où il est allé au tribunal, tous ceux qu’il a soutenus dans
leur martyre, tous ceux qu’il y a poussés : autant d’occasions où il a été martyr.
Et de plus apprends la vérité enseignée par cet événement : le juge a fixé
d’avance que, désormais, aucun moine n’apparaîtrait plus au tribunal, il a fait
568 Ap 7, 9.
569 VA 46, 1.
570 Cf. VA, p. 126, note 1.
571 VA 46, 2 : nous adoptons ici la traduction de Bartelink.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 419
passer par un semblant de vote cette décision. Antoine a-t-il été effrayé ? Abso-
lument pas. Mais quand les autres ont fui, lui lave son manteau et se fait beau
avec cet habit d’ascète, va au tribunal animé d’un zèle supérieur au précédent,
monte sur quelque hauteur pour que le juge en personne puisse le voir : « D’un
côté, tous les autres (dit Athanase le grand), ont jugé bon d’être cachés en ce
jour, de l’autre, Antoine sans se soucier de cette décision, préféra au contraire
laver son manteau et le lendemain se tenir ostensiblement sur une hauteur afin
d’être bien visible pour le préfet. » Tel était son courage, telle était son ardeur
pour verser son sang et pour vivre plus de martyres que tous. Mais qu’est-ce qui
l’en empêchait ? Athanase le grand le dit : Dieu ne voulait pas que soit retiré du
monde un tel modèle- en or- de vertu : « Car le Seigneur le gardait pour que cela
nous profite et profite aussi à d’autres. »
Qu’on remarque ici, que, si ce grand Athanase de vertu notoire dit que Dieu
a gardé Antoine pour que cela profite à d’autres et à lui-même, Athanase, quelle
conclusion devons nous tirer de tous ces discours ? Rien d’autre si ce n’est
qu’Antoine était véritablement un miroir du ciel, à savoir un compendium de
toutes les vertus. Il était non seulement martyr, mais aussi enseignement, sou-
tien, étai, consolation des martyrs.
Assurément le fait qu’il fût miséricordieux et exemple des miséricordieux,
ce n’est pas difficile de s’en assurer en entendant qu’après la mort de ses pa-
rents, quand il avait vingt ans, et ayant entendu à l’église l’Évangile qui disait :
« Si tu veux être parfait, va, vends tes biens et donne-les aux pauvres et tu auras
un trésor dans les cieux, et viens, suis-moi572 », Antoine a entendu ces paroles
mêmes et quittant l’église sur le champ, il fait don à la cité de ses trois cents
aroures573 de terre, vend tous ses biens mobiliers et immobiliers, en distribue aux
pauvres l’argent, et n’en conserva que le peu nécessaire à sa nourriture. Et ayant
à nouveau entendu le dimanche suivant, l’Évangile qui disait : « Ne vous préoc-
cupez pas du lendemain574 », étant sorti de l’église, il donna aussi ce peu et tra-
vailla lui-même de ses mains, ayant entendu de l’Apôtre : « Qui ne travaille pas,
qu’il ne mange pas575 » et du gain de son service il se nourrissait, et donnait le
surplus aux pauvres. Que te faut-il de plus pour t’assurer qu’Antoine est non
seulement miséricordieux, mais exemple des miséricordieux ? Donc, puisque la
vérité se présente ainsi, toi qui vois la gloire et l’éclat des miséricordieux et de
tous les bienheureux du ciel, contemple Antoine : c’est pour cela qu’Antoine est
le miroir le plus brillant du ciel.
Grande en vérité, la gloire, et grand au ciel l’éclat des ascètes, des ermites,
des pénitents, parce que leur bataillon n’est pas moindre que celui des martyrs,
parce que, par leur propre intention ils se sont rendus maître de la chair en la
brimant, l’ont réduite en esclavage, l’ont desséchée, ont renié tous les plaisirs
des sens, ont renié le monde et ce qu’il contient, c’est pourquoi leur gloire et
leur éclat au ciel ne sont pas moindres que l’éclat des martyrs ; oui, je le déclare
moi aussi. Mais qui est le premier maître de leur martyre volontaire ? Antoine.
Qui, le premier fondateur des monastères au désert ? Antoine. C’est pourquoi
Athanase le grand témoigne à son sujet que plus tard, Antoine dédaigna la cité
où il avait vendu ses biens, abandonna la fréquentation des nombreuses rela-
tions, et ne trouvant pas au désert de lieu monastique vers lequel il puisse
s’élancer, il trouve un vieillard576 qui menait là une vie de solitaire, dans la cité
voisine : « puisque tu désirais le désert, habite avec lui577 », l’exhorta à vivre en-
semble en demeurant au désert, mais ce vieillard ne voulut pas, alléguant la
vieillesse et surtout la coutume, parce qu’il n’était absolument pas coutumier de
demeurer au désert et, d’après les paroles mêmes d’Athanase, « parce qu’il n’y
avait encore jamais eu une telle coutume578 ».
Ainsi est-il clair qu’Antoine est le premier à avoir instauré cette coutume, il
est le premier guide et maître de ce haut et céleste amour de la sagesse, comme
Athanase en personne en témoigne encore par ces propos au sujet d’Antoine :
« Évidemment avec le bel exemple qu’il constitue, Antoine en a persuadé un
grand nombre de mener la vie solitaire ; ainsi donc il y eut des monastères dans
les montagnes aussi579 et le désert se trouva orné de moines et tous, tel un Père,
il les dirigea. » Vois-tu comment Antoine est père de tous les moines ? Vois-tu
comment il a la stature de cause première pour que le désert soit orné de monas-
tères, d’ascètes, d’anges de chair et de sang, de martyrs qui ne versent pas le
sang, mais le sont d’intention personnelle ? Ainsi, à chaque fois que tu con-
temples la gloire, l’éclat, les hymnes des ascètes qui sont au ciel, tu vois que
l’âme d’Antoine est plus brillante, plus glorieuse, s’il est vrai que la cause dé-
passe en quelque endroit ce dont elle est cause, s’il est vrai que ce philosophique
calame ne peut mentir, quand il écrit : « Ce par quoi chaque réalité est constituée
est meilleur que la réalité.». Antoine guide des moines, lui-même cause de leur
gloire et de leur amour de la sagesse, ainsi les dépasse-t-il aussi pour ce qui est
de l’éclat. Ainsi l’homme qui a posé son regard sur la vie d’Antoine, voit
comme à l’intérieur d’un seul miroir, réunie toute la gloire des ascètes.
576 VA 3, 3.
577 Citation non répertoriée dans VA.
578 VA 11, 2.
579 VA 14, 7.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 421
580 VA 11, 2.
581 Ac 8, 20.
582 Ps 67, 2.
583 VA 12, 1.
422 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
et par quel moyen ? Hé bien moi je vais te le dire. Les prophètes et les apôtres,
c’est au nom de quel mérite que tu estimes qu’ils sont parés de gloire et d’éclat
au ciel ? À cause de leur connaissance anticipée de l’avenir ? Nullement. Car
d’autres qui leur sont inférieurs possédaient aussi ce même avantage, et surtout
Antoine qui voyait par anticipation : il prévoyait qui venait au désert pour le
rencontrer, ce qu’il allait lui dire, lequel de ceux qui venait était en danger sur la
route, et qui était mort de soif. C’est pour cette raison, comme en témoigne
Athanase le grand, qu’il a fait envoyer de l’eau à un homme qui était en danger.
Celui-ci, non seulement voyait ces événements par anticipation, mais aussi qui
était mort à l’instant, qui tout de suite après, et quels tyrans étaient sur le point
d’attaquer l’Église584, et il voyait aussi les âmes elles-mêmes quand elles mon-
taient au ciel, et le diable en personne qui les entravait, en tuait certaines et les
jetait à bas585. Athanase le grand témoigne que c’est en raison de la pureté de
son âme586 qu’Antoine avait toutes ces visions et connaissances par anticipation,
et en outre il faisait les miracles propres aux apôtres : ressusciter les morts,
poursuivre les démons, soigner les maladies et autres œuvres au-dessus des lois
de la nature587. Du reste, je ne dis pas que ces œuvres justifient la glorification
des apôtres et prophètes, mais surtout pourquoi ils ont été jugé dignes de voir
Dieu selon ce qui était possible en fonction de leur humaine nature. Et eu égard
à ce privilège, Antoine n’est pas moindre, je crains surtout qu’il ne soit supérieur
surtout aux prophètes. Vu qu’il a eu la connaissance par anticipation des pro-
phètes, qu’il a vu une divine lumière et a entendu des paroles divines, de ma-
nière semblable aux trois colonnes des apôtres, prends en compte aussi le fait
que c’est davantage que Moïse en personne et tu seras conforté.
Lorsqu’il quitta Alexandrie et qu’il partagea ses richesses aux pauvres, il ne
trouva pas au désert de monastère où il puisse aller, mais un tombeau loin du
monde dans lequel il entra et s’y enferma durant de nombreux jours, enjoignant
à un de ses amis, pour tant de jours, de lui apporter du pain et de l’eau588. Quand
le diable vit cela, il ne put le supporter et redouta que peu à peu Antoine accou-
tume aussi d’autres hommes à imiter son ascèse. C’est pourquoi il vint une nuit
avec une importante foule de démons et il donna de nombreux coups de bâton à
Antoine à l’intérieur de ce tombeau si bien qu’il le laissa sans voix et à demi-
mort. Le lendemain vint l’ami d’Antoine qui ouvrant la porte du tombeau et le
voyant mort, le prit sur ses épaules, le porta à l’église du lieu, l’étendit sur le sol.
Ses proches vinrent le veiller comme un mort. Mais vers le milieu de la nuit,
Antoine reprit un peu connaissance et vit tout autour ses proches endormis et
seul son ami éveillé, il l’appela pour qu’il le soulève et le transporte à nouveau
dans le tombeau. Il advint selon la volonté d’Antoine et il retourna à l’intérieur
du tombeau, ferma la porte mais il ne pouvait pas se tenir debout du fait des
nombreux coups causés par les démons589. Ainsi, même sur le flanc, il priait et
raillait les démons en disant : « Me voici, je suis Antoine, les coups que vous
m’avez infligés ne me font pas fuir, rien ne me séparera de l’amour du Christ
pour moi590 » et il chantait encore : « Qu’une armée vienne camper contre moi,
mon cœur ne craindra pas591. »
Les démons ne supportaient pas cela, mais se métamorphosaient en de nom-
breuses bêtes sauvages et serpents, et aussitôt ce lieu fut rempli de lions, d’ours,
de taureaux, de serpents, d’aspics, de scorpions et autres bêtes de ce genre qui,
une par une selon leur propre spécificité, couraient sur Antoine : le lion grinçait
des dents, le taureau chargeait avec ses cornes, les serpents et aspics avec leur
poison faisaient comme s’ils allaient mordre Antoine, mais lui, raillant, pronon-
çait ces mots : « Si vous en aviez la puissance, un seul de vous suffirait à me
faire mourir, mais puisque Dieu a coupé vos nerfs, vous pensez m’effrayer avec
votre foule. Mais vous vous fatiguez en vain puisque en prenant l’aspect d’êtres
dépourvus de raison vous montrez clairement votre impuissance592. » Ainsi ces
démons qui s’étaient souvent employés avec leurs métamorphoses à effrayer
Antoine sans que ce leur soit possible, ne pouvaient que grincer des dents. Mais
le Seigneur même en cette occurrence, n’oublia pas la lutte d’Antoine, mais lui
porta secours593, dit Athanase le grand. Et ici sois attentif pour entendre com-
ment Antoine a entendu les divines paroles et a vu les divines apparitions.
Ainsi, ensuite, après les manifestations de ces démons métamorphosés en
bêtes, après l’amusement et le mépris dont ils ont été l’objet de sa part, Antoine,
vit le toit qui semblait s’entrouvrir594 et un rai de lumière qui tombait sur lui.
Aussitôt disparurent les démons. Les douleurs de son corps cessèrent et Antoine
lorsqu’il comprit qu’il s’agissait de la divine assistance et de la délivrance de ses
peines, commença à supplier cette divine apparition en disant : « Où étais-tu,
mon Seigneur, auparavant ? Que ne t’es-tu manifesté dès le début pour mettre
fin à mes peines ? » Et une voix, à lui adressée lui dit : « J’étais là, mais
j’attendais pour voir ton combat. Puisque donc tu as soutenu l’épreuve sans être
589 VA 9.
590 Rm 8, 35.
591 Ps 26, 3.
592 VA 28, 8.
593 VA 10.
594 Ac 7, 55-66.
424 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
démons, redoutable et terrible, ceux qui te voient fuient comme devant le feu596,
toi lumière au milieu des pécheurs et modèle de pénitence. En tout lieu non
seulement sur la terre je t’instituerai sujet d’émerveillement, mais aussi dans les
armées des anges et dans les chœurs des apôtres, des prophètes, des martyrs, des
vénérables, des miséricordieux, des vierges et martyrs, si bien que celui qui
voudrait voir ta vie, celui de ceux qui viendront après qui voudrait connaître tes
œuvres, qu’il regarde comme à l’intérieur d’un même miroir, la foi brûlante et le
zèle qui sont ceux des apôtres, et ensuite les miracles et visions de Dieu, les
prédictions caractéristiques des prophètes, les combats propres aux martyrs et
ton amour brûlant pour moi, le mépris qu’ont les miséricordieux pour la
richesse, la pureté de vie des ascètes et vierges, la densité des jeûnes. Et pour le
dire en un mot, partout pour toute forme de vie angélique, je ferai de toi un sujet
d’émerveillement, remarquable, très connu sans doute aucun.
Que soit glorifié Ton nom, mon très loué et très doux Jésus ! Oh comme tu
glorifies très justement ceux qui Te glorifient ! Oh comme tu aimes sans doute
aucun ceux qui T’aiment et tu donnes au centuple à ceux qui ont quitté père,
mère, biens, et monde par amour pour toi ! Mais toi, âme de pécheur, qui en-
tends parler de tant et tant d’œuvres remarquables et des dons d’Antoine, quelles
sont donc tes conjectures, que penses-tu ? Pour Alexandre, ce grand et vénérable
roi, on dit qu’au su des nombreuses victoires de son père Philippe, il fut peiné et
dit aux amis de son âge: « Mon père n’a rien laissé pour moi. » et eux de lui ré-
pondre : « Ces biens sont tiens. » Et Alexandre de dire : « Quel intérêt si j’ai
beaucoup mais que je n’aie rien à faire ? » Ne serais-tu pas par hasard, toi aussi
peiné de voir comment Antoine a mené avec droiture tant d’œuvres et de vertus,
et toi, de quoi fais-tu don en retour à ton Créateur qui t’a aimé pareillement
qu’Antoine ? Lequel de ses commandements as-tu gardé ? Ou lequel de ses pré-
ceptes n’as-tu pas méprisé?
Alexandre a pleuré, a eu de la peine à cause des nombreuses victoires de son
père et toi tu n’es pas peiné, tu ne pleures pas du fait que tu n’as pas été capable
jusqu’à aujourd’hui de mener à sa perfection une seule vertu parmi tant de nom-
breuses mises en œuvres par Antoine ? Mais, peut-être me feras-tu la même ré-
ponse que firent ses amis à Alexandre : « Ces biens sont tiens. » Car ces nom-
breuses vertus, Antoine ne les possède pas seulement pour sa propre gloire, mais
aussi pour le profit commun des chrétiens. Oui, je l’affirme moi aussi, il est
notre ambassadeur à nous tous, Antoine ; il présente à Dieu, comme tant
d’ambassadeurs, ses œuvres pour nous qui sommes pécheurs. Mais souviens-toi
de la réponse d’Alexandre à ceux qui lui avaient dit que c’était bien pour lui que
son père avait remporté tant de victoires : « Quel intérêt si j’ai beaucoup mais
que je n’aie rien à faire ? » Moi aussi je dis la même chose au pécheur impénitent
que tu es. Quel intérêt y a-t-il pour toi à avoir de nombreux ambassadeurs au ciel,
si tu ne mets pas en pratique des œuvres méritoires grâce auxquelles tu deviennes
digne de la miséricorde demandée par ces ambassades ? À cause de cela, pleure,
repens-toi, déteste tes premières œuvres parce qu’elles sont mauvaises, afin d’être
digne aussi bien des ambassades d’Antoine que de la miséricorde de Dieu. Puis-
sions-nous tous en bénéficier, par grâce et par amour pour les hommes de notre
Seigneur Jésus-Christ à qui appartient la gloire pour l’éternité. Amen.
3.5. Une Vie anonyme dans le cod. Marc. Gr. 588, XVIe s.597
Cette Vie de 48 pages in-8o porte comme titre « Vie et conduite de notre Père
saint et théophore Antoine le Grand, guide du désert, dans un discours simple ».
Écrite dans une langue grecque populaire, elle a comme incipit : Megivsthn ka-
tavnuxin kaiv wjfevleian... A. Ehrhard note n’avoir pas trouvé ce texte dans
d’autres manuscrits ; nous ne l’avons pas traduit.
597 EHRHARD A., Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homelitischen
Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16. Jahrhun-
derts, TU 52, Leipzig, 1941, p. 951.
598 F. GRAFFIN, « Sévère d’Antioche », DS, t. 14, 1990, col. 749.
599 Éd. et trad. française par M. BRIÈRE et F. GRAFFIN, PO 38/2, 1976, p. 383-389.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 427
il n’y est pas question d’Antoine. Ce fragment suit l’homélie 11 « Sur le saint
martyr Babylas ».
Une analyse des homélies 11 et 12 par M. Aubineau600 met en évidence que
manquent la fin de l’homélie 11 et le début de l’homélie 12. L’homélie 12 parle
de l’éducation des enfants, tout comme l’homélie 11. Elle mentionne même le
saint martyr Babylas : « le divin Babylas fait descendre le feu du ciel sur la tête
d’Apollon601 », alors que dans l’homélie 11 il est écrit :
C’est ainsi que le grand Antoine, dont nous avons joint la mémoire à celle du martyr
Babylas, législateur, tête et docteur du monachisme ascétique en tant qu’il a posé les
fondements de la vie solitaire et érémitique et pour parler en général de la vie inac-
cessible, honorait les martyrs, quand il pratiquait des actions apparentées et sem-
blables à celles des martyrs ; et cela, non pas en se tenant devant un juge, ni en ayant
les côtes déchirées, ni en étant livré aux bêtes pour affronter le combat, ni en étant
jeté dans une fournaise adente ou dans une chaudière bouillante, mais en domptant
son corps, en le subjuguant pour assujettir la chair comme une servante à l’esprit, lui
qui, à toute heure, pour ainsi dire, se tenait devant le Christ, comme Élie le Thesbite
qui disait : Il est vivant le Seigneur, devant qui je me suis tenu ; lui qui était déchiré
par les démons, comme par des bourreaux, qui, lorsque ceux-ci se transformaient
sous l’apparence de bêtes sauvages et en diverses apparitions de fantômes, restait
impavide, sans être nullement bouleversé ; lui qui a démontré que la flamme de la
fornication et la chaudière des voluptés sont plus froides que toute glace et toute
neige, lui qui s’était lié avec la corde des vertus, comme le martyr Babylas s’était lié
avec une chaîne602.
Aussi M. Aubineau en conclut-il que les homélies 11 et 12 n’en font qu’une
seule, qu’un copiste a dû couper en deux à un certain moment de la transmission
manuscrite603. Il semble donc que nous nous trouvons devant une homélie
(11+12) prononcée lors de la fête de saint martyr Babylas, le 24 janvier 513, à
laquelle l’auteur a joint la mémoire de saint Antoine, fêtée à une date proche du
24. Babylas est commémoré par le calendrier ecclésiastique grec au 4 sep-
tembre604. Mais son anniversaire se célébrait primitivement le 24 janvier. La
date du 15 janvier est aussi attestée dans des documents géorgiens et le manus-
crit grec de Patmos 266605.
HOMÉLIE 86
L’homélie 86, située entre l’homélie 85 Sur l’Épiphanie et 87 Sur le jeûne a été
prononcée pour la fête de saint Antoine le 17 janvier 516606. Sévère s’y réfère
explicitement à la VA écrite par Athanase607.
Sur saint Antoine qui fut le premier initiateur de la vie solitaire et érémitique en
Égypte608.
Le grand Athanase, l’homme apostolique et qui avait le Christ qui parlait en
lui609, a écrit la vie du divin Antoine comme il faut d’une manière à la fois ins-
tructive et historique ; c’est une histoire qui présente en elle-même
l’enseignement, la première règle et l’image de la philosophie. À qui, en effet,
appartenait-il, si ce n’est à Athanase, le docteur de l’immortalité610 dans le
royaume des cieux, de nous dépeindre le modèle immortel des vertus, en sorte
qu’il soit véritablement et vraiment net et brillant dans la forme exempte
d’artifice et d’ornement de la parole évangélique et dans le récit pur et véridique
des pensées, comme dans un miroir ? Car il convient à la vérité des faits d’être
prêchée au moyen de paroles vraies, dépourvues des ornements de la grandilo-
quence et capables de persuader, de fixer par l’imitation dans les âmes des audi-
teurs naturellement et sans violence ce qui est profitable et de faire que
l’intelligence se propose uniquement la nature et l’imitation de ce qui est raconté
et comme si elle en possédait l’ensemble et le détail.
Quant à moi, je ne me suis avancé en public que pour ceci, à savoir pour
glorifier le Verbe de Dieu qui, par son incarnation divine et charitable, a élevé
jusqu’à la hauteur des cieux notre nature attachée à la terre et enfouie sous les
passions honteuses et plus méprisables que tout et qui a confirmé les paroles qui
se trouvent dans les Évangiles sacrés – paroles auxquelles autrefois on n’ajoutait
pas bien foi – par ceux qui grâce à elles ont vécu purement et pratiqué la vie as-
cétique et qui les ont enseignées. Comment est-il nécessaire de les citer ? Il était
dit aux Apôtres et par eux à ceux qui courent ensuite après la parole de vérité :
Voici, quant à moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups611 ; et
aussi : Vous serez conduits à cause de moi devant les gouverneurs et devant les
606 M. BRIÈRE, introduction à toutes les homélies de Sévère d’Antioche, PO 29/1, 1960, p. 59.
607 Homélie 86, PO 23, p. 39-40 et 69.
608 Éd. et trad. française par M. BRIÈRE, PO 23/1, 1932, repr. 2003, p. 39-71.
609 2 Co 13, 3. Antoine reçoit le même qualificatif (cf. p. 440).
610 Jeu de mots sur son nom, comme dans l’éloge du ménologe impérial (cf. p. 351).
611 Mt 10, 16.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 429
rois, pour servir de témoignage à eux et aux nations612 ; et encore : Le frère li-
vrera son frère à la mort et le père son enfant, et les enfants se lèveront contre
leurs parents et les mettront à mort613 ; et : Ne craignez point ceux qui tuent le
corps, mais ne peuvent tuer l’âme614.
En effet, qui ne décrétait pas avant l’événement que ces paroles ne pouvaient
pas s’accomplir, ou au contraire qu’elles étaient incroyables, et disait en vérité
dans son hésitation et dans son incrédulité : « Tomberions-nous donc comme des
brebis au milieu des loups ? Et que nous arriverait-il si ce n’est d’être mangés et
de périr ? Car la brebis est une nourriture toute prête pour le loup et un aliment
qui s’offre spontanément à ses dents cruelles. Les parents, dis-moi, oublie-
raient-ils l’amour qu’ils ont pour leurs enfants et s’armeraient-ils contre les êtres
qui leur sont chers ? Et les enfants, n’eussent-ils même pitié de rien d’autre,
n’auraient-ils pas pitié des cheveux blancs de ceux qui leur ont donné naissance ?
Personne n’aurait-il peur de la mort qui est la chose de beaucoup la plus terrible ?
Quelqu’un mépriserait-il son corps ainsi qu’un sac inanimé, en le soumettant
d’une manière insensible aux blessures et aux coupures ? Quelqu’un ne se tourne-
rait-il pas vers cette lumière douce et très agréable aux yeux ? »
Mais la foule nombreuse et vaillante des martyrs au contraire a renversé tout
cela et elle a fait ajouter foi à ce qui autrefois était incroyable, en changeant un
grand nombre de loups en de paisibles brebis, en se laissant conduire joyeuse-
ment au martyre à la ressemblance d’un torrent d’été, en dressant en face de
l’amour naturel l’amour divin et invincible du créateur de la nature et du Père
véritable, et en se souciant peu de la chair et de la lumière temporaire, attendu
qu’elle avait fixé une bonne fois les yeux de l’esprit sur la lumière intellectuelle
et sans fin de la splendeur de la résurrection qui est annoncée et dont nous avons
pour garant les paroles de celui qui a dit : Alors les justes brilleront comme le
soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour entendre,
entende615.
Mais celui qui avait dit ces paroles et qui cherchait les oreilles qui devaient
les entendre, parce que la vertu était rare et en petite quantité, a par la suite tel-
lement ouvert les oreilles de l’intelligence de ceux qui crurent en lui que beau-
coup se portent avec empressement vers le combat pour la piété et vers la mort
ainsi que vers la vie et disent avec Paul les paroles qui avaient été dites aupara-
vant par David : À cause de toi nous mourons tout le jour ; nous avons été re-
gardés comme des brebis destinées à l’immolation616 ; mais dans tout cela nous
sommes vainqueurs, et au-delà, par celui qui nous a aimés617.
Et lorsque ceux-ci eurent bien vaincu les tourments de toute espèce et de
tout genre, toute la magie des démons a aussi cessé tout à coup avec la célébra-
tion des fêtes, la folie, la frénésie, l’effusion du sang impur, les présages honteux
tirés des intestins et des foies, les cérémonies insensées, les mystères athées et
indignes d’être mentionnés et qui respirent la mort et la perte des âmes raison-
nables, à tel point que les démons prirent la fuite et que comme des chiens ils
abandonnèrent même contre leur gré la puanteur des sacrifices et que les lieux
de divinations qui, avant la venue du Verbe de Dieu dans la chair, étaient doués
de la parole et faisaient entendre des inepties dans tout leur bavardage et qui ne
s’étaient jamais tus, gardèrent également le silence. Où est, en effet, le chaudron
d’airain qui se trouvait à Dodone et qui était inepte et bavard ? Ou bien où est le
trépied d’Apollon à Delphes qui était gros d’oracles pervers et pervertissait
l’intelligence de ceux qui leur obéissaient et l’aveuglait sur le choix de ce qui
était convenable ? Où sont ces autres lieux de divinations pleins de toute trom-
perie, de ruses astucieuses et d’incantations qui ravissaient les auditeurs par la
modulation des réponses, telles qu’étaient les paroles chaldéennes et très fa-
meuses qui étaient colportées par un orgueil païen et par un faux prestige
comme des affaires graves, qui entravaient ou troublaient d’une manière trom-
peuse les esprits mauvais et les démons par des liens serrés et astucieux et rem-
plis de toute espèce de sortilèges et qui répandaient la terreur et la folie chez
ceux qui s’en servaient ?
Tous ces lieux ont reçu un silence complet et ont été fermés avec menace et
ils restent inefficaces et inopérants, après que, à l’exemple de la mer des Évan-
giles qui était agitée par les vagues et était grossie et enflée par les vents, ils ont
entendu ce mot : « Taisez-vous, vous êtes fermés618. » Et les démons qui autre-
fois aimaient à séjourner dans les ruelles, sur les places et sur les marchés où
l’on achète et l’on vend, qui exhalaient leur rage au milieu des villes avec beau-
coup d’autorité et qui étaient honorés par des sacrifices, par du sang, par des
temples et par des offrandes, après avoir armé beaucoup de princes et de gou-
verneurs contre la religion, avoir agi parmi les enfants de la rébellion619, comme
il est écrit, avoir aiguisé leur fureur jusqu’à la férocité ainsi que des bêtes sau-
vages et avoir cherché leur bonheur dans les lois, dans les institutions politiques
et dans les tourments de toutes sortes pour leur avantage, afin de faire dominer
l’erreur, les démons, dis-je ont été finalement vaincus par la patience des mar-
tyrs et se sont enfouis dans les lieux déserts et inhabitables comme des hommes
accablés de coups et des serviteurs très mauvais et très méchants, une fois qu’ils
se furent élevés au-dessus de Dieu leur maître et qu’ils s’efforçaient finalement
de s’attribuer à eux-mêmes la gloire de celui-ci.
Comme il en était ainsi et que les paroles de l’Évangile allaient tous les jours
en croissant par les faits eux-mêmes, Antoine qui est vraiment grand vint en ce
monde ; dirigé dès sa jeunesse par l’Esprit de Dieu, il ne s’accorda pas même
d’aller à l’école et de prendre part à l’étude de l’écriture, d’une part parce qu’il
fuyait la conversation et la vie tranquille des enfants qui généralement ne sont
pas réglées, et parce qu’il courait dès lors après les manières et les mœurs soli-
taires et privées, et d’autre part en vertu même d’une disposition de Dieu parce
que en vérité il devait monter par la pratique des vertus jusqu’à l’homme qui
avait été formé dès le commencement, qui possédait les opérations de
l’intelligence dans leur plénitude et les sens du corps sans aucune atteinte, qui
habitait dans les prairies du Paradis, qui n’a pas eu besoin au point de vue de la
conscience d’une loi écrite, mais qui sans écriture et sans instruction se portait
vers le commandement divin par suite du mouvement naturel de l’âme. C’est
pourquoi, parce qu’Antoine était animé de telles dispositions, même après la
mort de son père et de sa mère, il n’allait qu’à l’église. Lorsqu’il entendait la
lecture des Livres sacrés, c’est comme s’il entendait non pas les hommes qui
lisaient, mais Dieu qui légiférait ; c’est celui-ci qu’il se représentait et il estimait
qu’il était tenu d’en accomplir les lois, en disant : « Si elles ne sont pas accom-
plies par nous, c’est donc en vain qu’elles ont été écrites ; car, s’il ne nous faut
pas faire, il ne nous faut pas non plus entendre. »
Aussi lorsqu’il entendait Paul qui dit : Je dompte mon corps et je
l’asservis620 ; et : Dans le travail et la peine, et dans les veilles souvent et dans
les jeûnes souvent, dans la faim et dans la soif, dans le froid et la nudité621, il
s’exerçait lui-même par les travaux de la chair à rester à jeun toute la journée et
à ne manger que lorsque se levait l’astre du soir et à s’appliquer à ne pas prendre
de nourriture, à ne pas se laver, à coucher sur la terre et à veiller dans les prières,
dans les hymnes et dans les psaumes. À cela s’ajoutait la pauvreté ; car il enten-
dait : Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans
les cieux622.
Après qu’il eut soigneusement écouté toutes ces paroles, il voulait apprendre
par l’expérience même qu’elle est la puissance de ces mots de l’Apôtre qui dit :
620 1 Co 9, 27.
621 2 Co 11, 27.
622 Mt 19, 21; Mc 10, 21; Lc 18, 22.
432 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Nous n’avons pas à lutter contre le sang et la chair, mais contre les principau-
tés, contre les puissances, contre les princes du monde de ténèbres de ce siècle,
contre les esprits méchants623. Il comprit par lui-même et il discerna que tout le
travail de la perfection a pour adversaires les démons qui pénètrent en rangs ser-
rés avec les passions de la chair, qui dressent subrepticement des embûches par
les liens de la matière et par les nécessités du monde et qui affaiblissent
l’énergie virile de l’âme ; mais ils s’attaquent à nous en se servant de quelques
intermédiaires, et non pas en se faisant voir eux-mêmes pour ainsi dire et en
étant dépouillés des enveloppes extérieures. En effet, la lutte du martyre aussi
était dure et pénible et c’était avec le Calomniateur lui-même que se livrait le
combat. Mais il n’y avait pas que ce martyre purement et simplement : car il
avait les princes qui le servaient par les différentes espèces de tourments. Ce-
pendant, grâce à l’attitude énergique et courageuse de ces athlètes, les villes fu-
rent délivrées du Calomniateur et de la domination des démons, après que les
temples eurent été détruits de fond en comble et que les idoles eurent été renver-
sées, et les démons s’enfuirent vers les lieux déserts et inabordables. « Quant à
moi, dit Antoine, je vois que l’Apôtre me représente que le combat que j’ai à
soutenir avec eux n’est pas corporel, et je veux sortir de la ville contre ces ad-
versaires et ces fuyards. J’ai un bel exemple de lutte dans mon Seigneur et Dieu
Jésus-Christ, qui pour m’instruire a été volontairement conduit dans le désert et
humainement d’une part a accepté pour lui la tentation du Calomniateur et divi-
nement d’autre part l’a vaincue. C’est en celui-ci que je mets ma confiance, en
lui qui a été tenté à ma place ; c’est lui, et non pas moi, qui renversera
l’adversaire qui me combat. »
Après ces réflexions et d’autres semblables, Antoine priait un vieillard qui
avait une grande expérience parce qu’il avait vieilli dans les travaux de la pa-
tience et qui demeurait en dehors du village – car personne n’osait s’éloigner
encore davantage – de l’assister dans cet empressement. Il recherchait, en effet,
son avantage et sa propre purification, et non pas la vaine gloire en sorte qu’il
eût en vérité la réputation de s’engager seul dans le désert sur une route que per-
sonne n’avait foulée. Mais celui-ci renonça parce qu’il était un vieillard, et le
courageux Antoine qui possédait en lui-même le Seigneur de la force ne se relâ-
cha pas.
Mais, après s’être enfermé lui-même dans un tombeau qui était situé au loin
à une très grande distance et était désert et complètement vide, il y habitait seul,
en ramassant les fleurs variées de la contemplation et en construisant comme les
sages abeilles les rayons du travail spirituel : en même temps il chassait ainsi
que des guêpes furieuses les démons qui cherchaient à gâter ses travaux. Peut-
623 Ep 6, 12.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 433
être cela eût-il été facile, s’ils avaient combattu comme des guêpes ; mais en ce
moment ils ne firent aucune trêve, paraissant tantôt ébranler sa cabane au-dessus
de lui, essayant tantôt avec audace de le terrifier par des bruits et par des chocs
inaccoutumés, faisant semblant enfin de s’élancer sur lui avec violence sous les
aspects multiples et étranges de bêtes sauvages et de serpents, tout en désirant
non pas le mordre, mais le blesser ; l’une semblait être un lion qui voulait le
prendre et qui poussait des rugissements, l’autre paraissait un loup ou un ours ou
un tigre ou un dragon qui s’élançaient sur lui avec violence et avec le mouve-
ment que chacun d’eux possédait naturellement qui était cruel et qui était appro-
prié.
Antoine supportait tout cela héroïquement en restant inébranlable, en chan-
tant des psaumes contre les démons et en disant : Toutes les nations
m’environneront et je les exterminerai au nom du Seigneur624 ; et Si une armée
se rangeait en bataille contre moi, mon coeur ne craindrait pas625. En plus, il se
riait et se moquait de leur faiblesse ; « Si vous étiez forts, disait-il, en effet, et si
vos attaques ne regardaient pas seulement l’imagination, même une seule bête
suffirait à me faire perdre le souffle, à me faire sécher de frayeur par sa simple
vue et à me tuer en s’élançant sur moi. Mais le grand nombre de fantômes est
pour moi une preuve très suffisante de votre faiblesse et les moyens de terreur
que vous employez contre moi sont pour moi des provisions de réconfort ».
Mais ce qui stupéfiait et étonnait surtout le Calomniateur et ce qui suffoquait
les démons, c’est qu’Antoine fut enrichi de la grâce de discernement des esprits
et que par une pensée vive il éventait sans stupeur et sans trouble leurs ruses les
plus embrouillées et les plus fines ; il les sentait de loin et il disait avec Paul : En
effet, nous n’ignorons pas ses desseins626. C’est pourquoi, comme en présence
de cette expérience ils ne pouvaient en aucune façon l’entortiller et le faire
mettre à genoux et qu’ils en étaient durement peinés et piqués, ils portèrent sur
son corps des blessures si cruelles qu’il fut laissé à demi-mort et peu s’en fallait
qu’il fût supposé mort. Sans que sa douleur pût être comparée aux tourments qui
sont inventés par les hommes, aurait-on seulement cru même alors que les dé-
mons sont capables de causer de telles blessures même corporellement ?
Mais par une disposition de la providence de Dieu qui avait également per-
mis que l’athlète fût éprouvé jusqu’à ce point et qu’il triomphât, celui qui lui
apportait du pain à un moment déterminé et réglé était venu chez lui. Ayant
trouvé la porte ouverte – car ceci est aussi l’œuvre de la Providence – il vit
comment le grand Antoine était étendu dans toute sa grandeur, pour parler poé-
tiquement, ce lutteur courageux et fort qui avait oublié son corps plutôt que la
bataille avec les démons et qui avait choisi de mourir dans les tourments plutôt
que de fuir le stade. Après l’avoir pris ainsi qu’un mort, il l’emmena à l’église
du village ; et, tandis que beaucoup de personnes, et en particulier celles qui lui
étaient proches au point de vue de la parenté, se tenaient auprès de lui comme
auprès d’un corps inanimé et versaient des larmes et pleuraient, la nuit arriva ;
pendant que tous dormaient, Antoine qui par hasard avait un peu repris connais-
sance vers minuit et qui s’était levé, priait celui qui faisait son service pour le
pain dont il avait besoin, de le prendre en cachette de la même manière et de
l’emporter au tombeau désert et plein de terreur, et de l’y déposer.
Quand ce fut fait – car ce serviteur aussi était à sa disposition et était
d’accord avec lui à ce sujet, parce qu’il n’était pas surtout le serviteur de son
corps, mais il était l’auxiliaire de ses luttes dans la vie ascétique – après que la
porte eut été fermée selon l’habitude, Antoine était étendu à terre, chantant des
psaumes contre les démons et priant – car il ne pouvait pas encore se tenir de-
bout – et criant très fort : « Je suis ici et je suis revenu près de vous, moi An-
toine, sans m’être éloigné par l’âme. En effet, dit-il, quoique dans vos tourments
vous ayez blessé tout mon corps, je n’ai pas reçu une seule blessure de fuite dans
le dos comme un fuyard ; mais toutes sont apparentes et je les porte comme
écrites sur la poitrine, alors qu’elles crient clairement et qu’elles montrent à la
place d’une écriture que rien ne me séparera de l’amour du Christ627 ; car, une
fois que j’ai été aux prises avec vous, je ne me suis pas retourné pour regarder
derrière moi. »
Parce que les démons entendaient ces paroles en étant cruels et en haïssant
les hommes, alors ils dressèrent donc contre lui l’imagination des bêtes sauvages
qui a été mentionnée plus haut. Au lieu de s’en effrayer, Antoine s’en amusa
joyeusement, en se moquant et en se riant du grand nombre de ceux qui l’avaient
attaqué, ce qu’il considérait comme une marque de faiblesse et une imagination
qui s’effraie des ombres, et cela en souffrant et en étant torturé par la douleur
cruellement du fait de ces blessures et de ces tourments, et du fait des attaques et
des combats qui étaient si grands et si divers. Mais, comme si le toit se fût parta-
gé, un rayon de lumière ineffable qui entra par là et qui resplendit sur lui rendit
tout à coup les démons invisibles, et produisit immédiatement en lui, une indi-
cible joie et un puissant réconfort. Après qu’il eut posé cette question : « Pour-
quoi ne m’as-tu pas secouru dès le commencement ? », il entendit une voix qui
disait : « Je ne me suis pas éloigné et je ne me suis pas écarté de toi ; mais
j’attendais pour voir l’épreuve de tes luttes. »
627 Rm 8, 39.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 435
Une fois qu’il fut ainsi réconforté et rendu à la santé, l’amour de combats
plus grands entre en lui ; il aspirait après le désert intérieur qui était très vide et
dépourvu de tranquillité et il se portait vers lui. Ce n’était pas que
l’empressement ni la hardiesse intervînt, mais c’était le fait que ce genre de vie
avait été éprouvé être le meilleur.
Lorsque en vérité il se hâtait avec une telle énergie vers l’objet de son
amour, celui qui a dit à notre Sauveur : Je te donnerai tout cela, si tu te pros-
ternes et si tu m’adores628, lui montra l’apparition d’un plat d’argent jeté à terre.
Après l’avoir dépassé dans sa course, Antoine le laissa derrière lui, en criant par
le fait même la parole de Notre Seigneur : Va-t-en derrière moi, Satan629. En
effet, pour parler brièvement, c’est avant de voir avec ses yeux qu’il vit avec
l’œil vif du discernement et qu’il reconnut distinctement l’illusion de cette vi-
sion ; et, comme le soleil qui tombe sur un nuage, la pensée du juste dissipa de
la même manière l’imagination, et le plat était invisible.
Mais, une autre fois encore, comme beaucoup d’or était apparu dans le dé-
sert, soit que ce fût en réalité, soit que ce fût en apparence, soit que Dieu le mit à
l’épreuve, soit que les démons le trompassent et le séduisissent, cet or ne trompa
pas sa vue, bien loin qu’il trompât son esprit. Mais, comme s’il se fût agi d’un
feu ardent, il vola avec des ailes rapides et passa par-dessus cet or ; car il criait
par le fait même à notre Sauveur le Christ : Mieux vaut pour moi la loi de ta
bouche que mille talents d’or et d’argent630.
C’étaient là les combats de peu d’importance qu’il livrait en chemin,
lorsqu’il courait vers le désert. Une fois qu’il eut trouvé un endroit qui d’une
part lui convenait et qui d’autre part était rempli de beaucoup de serpents
venimeux, il mit un terme à sa course. Et, après avoir fixé en cet endroit la
demeure philosophique, il rendit d’abord les serpents invisibles en les chassant
avec la plante de son pied comme s’il les eût frappés, et ensuite il se tenait caché
tout seul à l'intérieur.
Après avoir séjourné longtemps dans ce lieu, avoir fait son bonheur de la
contemplation et avoir remporté une grande victoire dans le combat contre les
esprits méchants, des hommes furent de nouveau suscités auprès de lui par celui
qui a dit aux Apôtres : Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils
voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les
cieux631 ! Car il faut que celui qui allume le flambeau des vertus éclaire les
autres et qu’il ne s’éclaire pas lui seul. C’est pourquoi un grand nombre courait
628 Mt 4, 9.
629 Mt 4, 10.
630 Ps 118, 72.
631 Mt 5, 16.
436 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
après la lumière de ses préceptes ; d’une part il se tenait caché, et d’autre part il
éclairait même ceux qui étaient au loin. En s’approchant seulement de la porte
de sa cabane, ils étaient délivrés des maladies de tout genre, et, pour ne pas dire
ces choses une à une, ils étaient tels que ceux que les Apôtres rendirent à la san-
té et selon ce que raconte l’histoire. Lorsqu’ils séjournaient et restaient auprès de
lui, il les priait de ne pas l’importuner, sans accepter aucunement que personne
n’entrât dans sa cellule. Et les visiteurs entendaient jour et nuit, comme il y avait
une scission dans cette grande foule d’adversaires, un grand tumulte, des bruits,
des coups, des gémissements et d’autres terreurs de ce genre, en sorte qu’ils
étaient remplis de peur et qu’ils tremblaient et redoutaient que l’illustre et cou-
rageux athlète n’endurât quelque souffrance cruelle et incurable en luttant seul
contre tous ces ennemis. En fixant leurs yeux sur les assemblages de la porte
disjoints par la longueur du temps ou sur d’autres trous, ils regardaient et obser-
vaient pour voir ceux qu’ils croyaient être à l’intérieur ; mais ils ne voyaient ab-
solument personne si ce n’est Antoine seul qui luttait contre les ennemis invi-
sibles, et qui leur demandait de ne pas s’occuper de lui, de regagner en paix leur
domicile et de prier seulement le Seigneur pour lui. Les démons, en effet,
criaient également comme la « légion » qui est mentionnée dans les Évangiles :
« Qu’y a-t-il entre nous et toi632, Antoine ? Pars et laisse le désert, cesse
d’habiter ici, tu ne peux supporter nos ruses, tu n’en seras pas capable jusqu’à la
fin. » Mais par sa patience il leur montrait selon son habitude qu’ils étaient men-
teurs et faibles.
Alors, comme beaucoup venaient au désert ainsi que dans une ville, et cela
sans trêve, qu’ils se recevaient les uns les autres comme dans un ordre détermi-
né, que les uns partaient et que les autres arrivaient, et que déjà un grand nombre
de moines se précipitaient également dans un zèle semblable, étaient entraînés
par ce bon exemple et venaient vers lui comme vers le docteur, l’habitant d’un
pays inhabité et le chef d’une vie effroyable et qui défiait toute hardiesse, An-
toine fut forcé de sortir et d’obtempérer à la loi de l’Apôtre laquelle commande :
Que personne ne voie seulement son propre avantage, mais qu’il voie encore
celui d’autrui633 ! C’est ainsi qu’il apparut comme un ange qui vient des cieux,
en présentant par l’aspect extérieur l’image de l’homme intérieur, en possédant
des sens exempts de trouble et remplis de calme, en se comportant même dans le
mouvement du corps en quelque sorte d’une manière immatérielle et semblant
être en dehors de la chair, en montrant par son corps ainsi que par un temple
saint que l’esprit qui présidait en lui comme un chef avait été tout entier divinisé
par la contemplation et par la compagnie de Dieu, en sorte que, se trouvant au
milieu de moine nombreux, il se faisait reconnaître par son seul aspect, sans que
personne le montrât à ceux qui ne le connaissaient pas.
Souvent, en effet, il visitait également ceux qui avaient choisi et embrassé la
vie philosophique et érémitique. Lorsqu’il les rassemblait et les réunissait en un
seul lieu et qu’il ouvrait la bouche qui traitait le point de vue pratique et le point
de vue théorique, il donnait des commandements capables d’instruire et de gué-
rir et des prescriptions telles qu’en donne un général, en enseignant et en appre-
nant ce qui était approprié aux forces de chacun : « Que tous, à l’exemple de
l’Apôtre, se livrent pareillement au travail des mains et qu’ils ne mangent pas
sans rien faire ; mais que comme Paul ils disent avec grandeur d’âme : C’est en
peinant et en travaillant qu’il faut ainsi venir en aide aux faibles et se souvenir
en vérité des paroles de Notre Seigneur Jésus, parce qu’il a dit lui-même : Il y a
plus de bonheur à donner qu’à recevoir634 ; et : Ce sont mes besoins et ceux des
personnes qui étaient avec moi que ces mains ont servis635. Qu’ils méditent en
même temps les Livres divins et qu’ils nourrissent leur esprit par la contempla-
tion ; qu’ils rejettent loin d’eux les pensées malpropres et anciennes, qu’ils se
lavent à toute heure dans les eaux de la rénovation ; que par certaines pensées ils
renversent et détruisent la mollesse et la dissolution de la concupiscence, et que
par d’autres ils affrontent les démons qui produisent la peur ; qu’ils acquièrent la
confiance contre eux et qu’ils se souviennent que Paul a dit : Dieu nous a donné
un esprit non pas de crainte, mais de force636. »
Il ajoutait : « Il faut aussi connaître distinctement par certains signes entre
l’arrivée des démons et celle des anges ; car que ces séducteurs se changent et
apparaissent différemment en anges de lumière, c’est une chose sue et reconnue
soit par l’Apôtre, soit par ceux qui en ont fait l’expérience. » Et il disait : « Il
faut que nous ne demandions ni révélation, ni prophétie, ni manifestation de
signes et que, si nous obtenons ces faveurs, nous ne concevions pas une grande
estime ou que nous ne nous enorgueillissions pas. Ces choses appartiennent à
celui qui les a données et non pas à nous-mêmes ; et elles sont disposées pour
l’utilité des autres et non pas pour alimenter notre orgueil ; car c’est de l’orgueil
que de se parer et de se vanter de ce qui est au-dessus de notre force comme si
cela nous était propre. Il appartient à ceux qui s’appliquent à la vie monastique
de se montrer patients dans les travaux, et cela avec l’aide de Dieu, de bannir les
pensées imaginatives qui souillent l’esprit et de ne pas oublier que le prophète
Ézéchiel d’une part dit au sujet de Jérusalem : Elle s’est souillée dans toutes ses
pensées637 ; et que Paul d’autre part écrit non seulement : Glorifiez Dieu dans
votre corps638 ; mais aussi : Les pensées s’accusent et se défendent au jour où
Dieu juge les actions secrètes des hommes639 ; et Quant à nous, nous avons
l’esprit du Christ640. »
Lorsque Antoine enseignait ces principes avec finesse et netteté, parce qu’il
était instruit par l’expérience même, aussitôt il apprenait et enseignait également
la facilité de l’exercice des vertus, en montrant les méthodes et les sages procé-
dés, parce qu’il était aussi instruit par Dieu641, comme dit l’Apôtre. C’est pour-
quoi, comme il voulait encore monter en volant jusqu’au désert des Égyptiens de
la Thébaïde, qu’il cherchait la dernière demeure642, selon la parole de Jérémie, et
qu’il courait après un lieu complètement inconnu des hommes, la seule voix de
la providence de Dieu le retint ; et, ainsi qu’il en avait l’habitude, lorsqu’il fut
appelé, il obéit rapidement.
Après avoir été conduit vers une montagne qui lui était chère et qui lui con-
venait, il y termina la course des vertus et il s’envola vers les habitations cé-
lestes, une fois qu’il fut tout entier devenu esprit et qu’il se fut servi de la chair
comme d’une aile désormais rapide et non comme d’une entrave. Qui racontera
comme il faut ses exploits et ses luttes courageuses contre les démons ainsi que
ses victoires sur cette montagne, ou les guérisons des malades, ou les prophéties,
et tout ce qu’il a fait en faveur de ceux qui venaient le trouver ? Et soit aux
grands, soit aux petits il adressait comme une révélation et des avertissements et
des instructions où il y avait toute sa vie.
C’est pourquoi, laissant tout cela de côté, je dirai comment tout le mouve-
ment de sa pensée se rapportait à la purification de son âme et comment le
Christ lui faisait en vue d’une semblable préoccupation des révélations conve-
nables et utiles. En effet, une fois qu’il était sur le point de manger – et cela
comme il accomplissait la tâche d’un esclave et qu’il était soumis à la nécessité
du corps – tandis qu’il s’était levé afin d’étendre ses mains pour la prière, il fut
ravi en esprit et il lui sembla être en dehors de son corps, s’en aller en l’air et
être porté en haut, précédé et accompagné qu’il était par des hommes. Or, après
qu’il eut fait une partie de la route, il vit d’autres hommes méchants, impla-
cables, doués d’un regard vif et terrible, se tenir en quelque sorte en l’air, lui
créer des obstacles et l’empêcher de monter. Comme ceux qui montaient avec
lui luttaient contre ceux qui le retenaient et qu’ils essayaient de les chasser, ces
corps lui-même qui avait vieilli et avait lutté dans la vie ascétique et il recher-
chait et examinait avec soin quel serait donc l’état de l’âme après sa séparation
d’avec le corps.
Une certaine nuit, c’était de la part de celui qui l’appelait habituellement
qu’il entendait d’en haut : « Antoine, va, sors et vois. » Et, lorsqu’il fut dehors, il
vit un homme immense qui par sa grandeur parvenait jusqu’aux nues et qui par
son aspect était terrible et hideux, de telle sorte que sa taille ne pouvait dépasser
son aspect horrible et désagréable ; et (il vit aussi) des hommes qui s’élevaient
avec des ailes pour se porter en l’air, dont les uns qui étaient frappés par la
grande portée des mains de ce signe terrifiant étaient lancés en bas et dont les
autres qui volaient au-dessus de lui échappaient à sa prise très hostile et très en-
nemie et montaient alors sans le moindre souci. Et c’est ainsi que ce chasseur
jaloux éprouvait de la joie et du plaisir à l’occasion de ceux qui tombaient et
qu’il grinçait des dents et se déchirait lui-même à cause de ceux qui passaient
au-dessus de lui en volant. Après cette vision, le Christ, le docteur de
l’athlétisme, l’auteur du combat dans la lutte intellectuelle, dit immédiatement à
Antoine : « Comprends la vision », et il lui révélait le sens de la vision. Et aussi-
tôt le bienheureux comprit qu’il s’agissait là du passage des âmes : l’homme
immense était le Calomniateur, le prince de la puissance de l’air, le chef des es-
prits aériens646, ainsi que dit Paul ; ceux qui étaient entraînés vers le bas et des-
cendaient, c’étaient ceux qui ont commencé par être entortillés dans le filet des
péchés et ont été pris ; et ceux qui étaient rapides et qui volaient, c’étaient ceux
qui par l’épreuve des vertus ont rejeté loin d’eux le poids et le terre-à-terre des
passions.
Lorsque ceux qui pratiquent d’une manière philosophique la vie monastique
en Égypte contemplent ces enseignements pleins de doctrine ou ces luttes
d’Antoine ou, pour parler plus proprement, ces initiations divines, ainsi que des
colonnes animées, ils répriment les mouvements de l’esprit qui mènent paître
dans la matière et ils les font passer dans le pré des pensées célestes, en éloi-
gnant d’eux tout ce qui est vieux et souillé ainsi que des parties d’un temple qui
sont sacrées et qui ne peuvent être foulées aux pieds, en sorte que par toute leur
vie ils semblent plutôt servir Dieu que vivre de la vie de la terre. Il en résulte
qu’ils cachent également toute action parfaite dans une pensée humble et qu’ils
pensent avoir subi un dommage et l’avoir perdue, une fois qu’elle a été connue
par les hommes ; car ils sautent hardiment en dehors de la vaine gloire comme
en dehors d’un filet. Et comme condamnation et blâme de leurs pensées ils ont
devant les yeux le blâme cruel des démons, la bataille de l’adversaire pour la
marche vers le haut, le dernier jour du jugement du Christ, le tribunal qu’on ne
646 Cf. Ep 2, 2.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 441
peut ni tromper, ni fuir, la durée sans fin des tourments dont nous sommes me-
nacés.
Mais cependant Antoine qui est devenu le chef de la vie incorporelle, évan-
gélique et vraie, comme s’il n’eût possédé aucune provision de salut, descendit
vers la ville d’Alexandrie, à l’époque où Maximin persécutait la religion, parce
qu’il désirait être associé aux martyrs dans leurs souffrances. Il oignait les
athlètes pour les luttes et il fortifiait avec empressement ceux qui s’étaient relâ-
chés ; et il se tint lui-même devant les juges iniques avec un cœur inébranlable.
Mais le Seigneur le gardait, et, après qu’il eut été martyr par le désir, il le fit re-
tourner de nouveau dans le désert, parce que, en vérité, il y avait de nombreux
modèles parmi les martyrs, tandis qu’il n’y en avait aucun de la philosophie et
de la vie angélique d’Antoine, lequel dans tous les combats contre les démons
avait remporté un grand nombre de martyres signalés par la force et d’autant
plus durs et plus cruels que les démons sont plus durs et plus méchants que les
hommes.
Lorsque les ariens inventaient de dire à son sujet qu’il approuvait leur impié-
té athée, mû par une colère juste et excitée par l’amour de Dieu, il s’éleva encore
avec l’aide du zèle et de nouveau il descendit en volant jusqu’à la ville
d’Alexandrie. Après s’être avancé en public, il rendit infâme et abominable
l’hérésie qui lutte contre le Christ, en méprisant sa pensée blasphématoire et en
enseignant non seulement à fuir de semblables pensées, mais encore à ne pas
entrer en communion avec ceux qui pensent en dehors de ce qui convient ou plu-
tôt qui déraisonnent dans leur pensée ; car l’une et l’autre expression se valent
sous le rapport de l’impiété.
Alors aussi une foule nombreuse de païens affluaient pour voir Antoine
comme pour voir un spectacle extraordinaire, en disant : « Courons voir
l’homme de Dieu » ; et en vérité ils envisageaient cette vue comme une contem-
plation en faveur de la religion, en voyant que son visage, sa démarche et tous
ses membres étaient remplis d’une paix profonde et comme s’il y avait en eux
quelque mouvement intellectuel et bien ordonné, en sorte que par là ils croyaient
se faire une preuve que l’esprit comme le cocher était très sagement assis sur les
membres et que Dieu habitait de nouveau en lui. Et, en voyant encore que les
démons étaient maltraités et chassés par lui et en apprenant par leurs cris mêmes
qu’ils étaient honteusement chassés, ainsi que sont maltraités et frappés de mé-
chants serviteurs, par les chrétiens mêmes qui les avaient honorés par des sacri-
fices terribles et par des libations, ils se moquaient de leur tromperie, et de leur
propre volonté ils revenaient eux-mêmes à la religion et se convertissaient non
pas un ou deux, mais par familles entières et par maisons. Et en voyant
qu’Antoine était écrasé et poussé de côté et d’autre par la foule nombreuse de
ceux qui se rassemblaient près de lui, sans être ni troublé, ni ému eu égard à
442 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
cette situation inaccoutumée, ils s’étonnaient de l’entendre dire que les hommes
qui se tenaient autour de lui n’étaient pas plus nombreux que les démons qui
combattaient avec lui sur la montagne.
Je tais comment, lorsqu’il demeurait sur cette montagne, même les philo-
sophes païens désiraient le voir, sans être rebutés en raison de la longueur du
chemin. Quand il s’entretenait avec eux des pensées naturelles et de l’habitation
divine du Saint-Esprit et non pas des énigmes de la géométrie ou des modes de
démonstration de la dialectique d’Aristote, il les réduisait si bien au silence
qu’ils félicitaient celui qui lisait le Christ lequel parlait en lui647. C’est pourquoi
je n’ai pas cité dans la présente homélie les discours qu’il leur a faits, parce que
je ne veux pas en ternir par ma parole la propre beauté naturelle. Car seul Atha-
nase, enrichi du même Esprit, le plus abondant des docteurs et le plus patient de
ceux qui ont lutté pour la religion, les a livrés à la mémoire, de telle sorte qu’ils
sont cités d’une manière correcte et fidèle. Pour cette raison, je vous renvoie à
son livre rempli de beaucoup de bonnes choses.
Quant à moi, par ce que j’ai dit, j’ai seulement rappelé quelle est la jalousie
des démons à l’égard du genre humain et quelle est leur tactique et montré que
les hommes qui se sont conduits d’après l’Évangile ont prouvé par l’expérience
même comment la puissance de la croix a rendu faibles les démons, à qui les
païens offraient de l’encens et faisaient des libations ainsi qu’à Dieu. Car le Ca-
lomniateur qui en un temps très court a trompé Adam par le seul goût et en a fait
un étranger au Paradis n’a pas pu faire descendre de la montagne de la philoso-
phie Antoine, qui était devenu moine dès l’âge de l’enfance et qui a vécu cent
cinq ans, après avoir mis en branle tous ses moyens astucieux et s’être disposé
au combat contre lui avec toutes ses armes. Et le Paradis d’une part a perdu par
cette tromperie le seul citoyen qui y habitait, et le désert d’autre part a reçu par
la patience d’Antoine un grand nombre de citoyens qui l’ont habité et il a été
délivré du Calomniateur et des démons qui y demeuraient. Qui ne sait que l'ido-
lâtrie avait autrefois une telle emprise en Égypte qu'on y adorait les reptiles,
même ceux qui sont absolument vils et méprisables ? Et qui ne sait que la reli-
gion y a dominé après le Christ et qu’elle y domine encore en vérité par
l’orthodoxie des dogmes et par la confession de la saine foi et cela chez des
hommes qui par la vie monastique accomplissent l’Évangile dans la réalité et
montrent les prescriptions des apôtres dans la grâce abondante de l’Esprit ?
Nous aussi qui savons que tous les chrétiens ont à soutenir un combat contre
le Calomniateur et les démons, nous devons donc vivre chastement et observer
correctement les commandements, autant qu’il est possible, afin que, lorsque
nous serons délivrés du corps et que nous sortirons de ce monde, nous ayons les
647 2 Co 13, 3.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 443
anges pour marcher devant nous et pour combattre à notre place contre la pha-
lange méchante des ennemis aériens et invisibles et pour nous conduire vers les
régions de la lumière jusqu’au jour de la résurrection, où, après avoir recouvré
notre corps, nous ressusciterons pour le jugement et, après avoir été trouvés in-
nocents par la juste sentence du juge infaillible, nous obtiendrons le royaume
des cieux et les demeures éternelles et diverses qui s’y trouvent, chacun selon sa
préparation et selon son action. Puissions-nous tous obtenir qu’il en soit ainsi
par la grâce et par la charité du Dieu grand et notre Sauveur Jésus-Christ ! C’est
à lui que sied la gloire avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours et
dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !
Ce passage est repris dans la Chaîne sur l’épître de Jude, sous le titre de
scolie anonyme, mais elle a été identifiée par l’éditeur de la chaîne armé-
nienne652.
Dans la Lettre 52, Sévère cite le passage de la VA du « divin Athanase » qui
raconte la vision qu’eut Antoine de son âme s’élevant vers le ciel653. Dans le
Liber contra impium Grammaticum, il se réfère expressément la VA654.
652 C. RENOUX, Texte 492, PO 12, 1915, 19852, p. 101. I. A. CRAMER, Catenae Graecorum
Patrum in Novum Testamentum, t. VIII, In Epistolas Catholicas et Apocalypsin, Oxford
1844, 161, 9-15.
653 E. W. BROOKS, A Collection of Letters of Severus of Antioch, Lettre 52, PO 12/2, 1916,
p. [156], citation de VA 65.
654 SÉVÈRE D’ANTIOCHE, Liber contra impium Grammaticum I, 22, CSCO 112/Syr 59,
1938 ; III, 32, CSCO 102/Syr 51, 1933.
655 D. HEMMERDINGER-ILIADOU, « Éphrem », DS 4, 1960, col. 812, n° 14.
656 Dt 15, 9.
657 Chefs d’œuvre des Pères de l’Église, t. 5, Paris 1838, p. 483.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 445
658 F. GRAFFIN, « Une lettre inédite de Philoxène de Mabboug à un avocat, devenu moine,
tenté par Satan », § 16-17, dans L’Orient Syrien, t. 5, 1960, p. 191-192.
659 F. GRAFFIN, « La lettre de Philoxène de Mabboug à un supérieur de monastère sur la vie
monastique », § 77, L’Orient Syrien, t. 6, 1961, p. 467.
660 PHILOXÈNE DE MABBOUG, La lettre à Patricius § 108, PO 30/5, 1963, p. 851.
661 ISAAC LE SYRIEN, Œuvres spirituelles, Lettre 4, Paris 1981, p. 492-493.
446 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dans ses discours émaillés de récits ou de paroles des Pères du désert, Isaac
se réfère plusieurs fois à Antoine :
« Au divin Antoine lui-même il fut dit dans une révélation : „Si tu veux vivre en état
d’hésychia, retire-toi non seulement dans la Thébaïde, mais dans le désert intérieur”
(cf. VA 49, 4). Si donc Dieu nous ordonne de fuir loin de tous et chérit ainsi
l’hésychia, quand ceux qui l’aiment persévèrent en elle, quel est celui qui s’invente
des prétextes pour demeurer dans le commerce et la proximité des hommes ? S’il a
été utile à Antoine et à Arsène de fuir et de se garder, combien plus le sera-t-il aux
faibles ? Et si à de tels hommes, de la parole, de la vue et du secours desquels le
monde entier avait besoin, Dieu a donné d’être dans l’hésychia plutôt que d’assister
tous leurs frères, ou même bien plutôt tous les hommes, à plus forte raison assigne-t-
il l’hésychia à celui qui n’est pas capable de se bien garder lui-même664. »
« On dit que le bienheureux Antoine ne considérait jamais qu’il pût faire quelque
chose qui lui procurât plus d’avantages qu’à son prochain. Car il avait cette espérance,
que le gain de son prochain était pour lui-même la meilleure des œuvres665. »
Dans la version originale, ce qui n’est le cas, ni de la recension syrienne-
occidentale et, par voie de conséquence, ni de la traduction grecque, le discours
85 d’Isaac souligne la valeur de la prière de la nuit, avec, entre autres, l’exemple
d’Antoine : « Satan craint le labeur de la veille et se sert de tous les moyens pour
en empêcher les ascètes, comme ce fut le cas d’Antoine le Grand, du bienheu-
reux Paul, d’Arsène et des autres Pères d’Égypte666. »
662 ISAAC LE SYRIEN, Œuvres spirituelles 67, tr. J. TOURAILLE, Paris 1981, p. 347 ; Logoi
askètikoi 21, éd. M. PIRARD, Iviron 2012, p. 413.
663 ISAAC LE SYRIEN, Logoi askètikoi 21, 52-56 (VA 60) ; 26, 700 (VA 65) ; 33, 100-106
(VA 49)
664 ISAAC LE SYRIEN, ibid., Lettre 1, p. 454 ; Logos 33, 100-106 dans l’éd. de M. PIRARD.
665 ISAAC LE SYRIEN, ibid., Discours 81, p. 397 ; Logos 62, 86 dans l’éd. de M. PIRARD.
666 ISAAC LE SYRIEN, cité dans H. ALFEYEV, L’univers spirituel d’Isaac le Syrien, SO 76,
2001, p. 220.
667 THÉODORE BAR KONI, Livre des scolies (recension de Séert) XI, 74, CSCO 432/Syr 188,
p. 245.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 447
l’étaient à cause de son zèle, tandis que (ceux-ci) sont avec moi à cause de mes
faiblesses et de ma bassesse, et à cause de mes péchés innombrables668. »
Thomas, évêque de Marga dans la première moitié du IXe siècle, a écrit le
Livre des supérieurs, dans lequel il met en exergue l’importance de la vie consa-
crée à travers les figures de Moïse, d’Élie et de Jean-Baptiste, puis sa continuité
chez les Pères du désert égyptien : Paul de Thèbes, Antoine, deux de ses dis-
ciples Pambo et Sisoès, Sylvanus, Nastir et Arsène669. Il rapporte que Rabba
Xvadahoy, à la tête du monastère de Beth-Halé s’efforçait de suivre les
exemples de Macaire et d’Antoine670.
Dans l’Histoire du couvent de Sabriso de Beth-Qoqa, l’auteur de la fin du
e e
VI -début VII siècle énumère une liste de huit moines dont se réclamaient Sabri-
so et ses frères :
Glorieux Antoine et grand éloge de Paul le Grand ; nul n’a saisi le retentissement
des actions d’Arsène, ni les terrestres la grandeur des œuvres de Macaire et de ses
disciples ; (…) Quelle langue pourra exalter Évagre ! Quel esprit pourra saisir toute
la grandeur de Pakhôme et de ses disciples ! Merveilleux est le combat de Mar Aw-
gin, de Mar Abraham et leur suite ; et impuissants sont l’esprit et l’entendement à
célébrer leurs exploits671.
La règle monastique d’Abraham de Kaškar cite l’apophtegme d’Antoine 10
pour exhorter à la tranquillité672.
L’influence d’Antoine sur l’ascétisme de l’Orient syrien ne se limite pas à
celle qu’il a pu avoir sur les messaliens. Tel est ainsi le premier de douze canons
pour ceux qui portent le schème, tirés de manuscrits du XVIe siècle :
Avant tout il convient que ceux qui revêtent le saint et angélique schème de notre
père, le béni Abba Antoine, lui ressemblent dans son ascétisme et son humilité673.
668 JEAN DE DALYATHA, Lettres 32, 1, éd. et trad. R. BEULAY, PO 39/3, 1978, p. 395.
669 F. JULLIEN, Le monachisme en Perse. La réforme d’Abraham le Grand, père des moines
d’Orient, CSCO 622/Subs 121, 2008, p. 44.
670 Ibid., p. 74.
671 Ibid., p. 84.
672 Ibid., p. 130 (Canon 1).
673 A. VÖÖBUS, History of ascetism in the Syrian Orient III, CSCO 500/Subs 81, p. 264.
448 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Elle renferme quatre colonnes et cinq cents colombes, dont quatre cents blanches et
cent noires, plus deux chevrons. Et Moïse et Aaron me donnèrent cette explication :
Lorsqu’il dit quatre colonnes, ce sont les quatre higoumènes, à savoir Macaire, An-
toine, Chenuti et Pachôme. Les quatre cents colombes blanches sont les enfants de
ces quatre prieurs et les cent noires sont les moines postérieurs. Les deux chevrons
sont les jeûnes et les prières de saints675.
Le livre s’achève avec le récit de ce qui se passe après l’Ascension du Christ : la
venue des apôtres, puis celle des martyrs et après eux, celle des moines. Suivent
alors deux paragraphes sur les tentations d’Antoine, avec quelques détails, no-
tamment concernant le père d’Antoine : ils ne se trouvent pas dans la VA :
Voici les œuvres et la sainteté d’Antoine, le premier des moines, car personne au
monde n’a lutté comme Antoine. Son père était, dans le monde, très riche, possédant
cinq cents paires de bœufs. Et en étant dans cette situation, il mourut comme tout
homme. Et Antoine s’écria : Qu’es-tu devenu ? Ô mon père, où est ta voix qui com-
mandait à tes serviteurs? Et cet accident ne t'a été causé que par un léger souffle qui
n’est plus et que tu n’as plus. Après avoir prononcé ces paroles, Antoine sortit dans
le désert ; il avait alors dix-huit ans. Antoine eut douze tentations principales, mais il
en eut beaucoup d’autres ; il brilla comme douze fois la mesure (de la lumière) du
soleil, tandis que les saints ne brillent que comme sept ; il en est qui brillent comme
la lune, il en est qui brillent comme les étoiles.
Et voici quelle fut la constance d’Antoine. [Il fut éprouvé] premièrement par
une femme, deuxièmement par les Arabes, troisièmement par les démons qui le fi-
rent descendre trente fois de la montagne, quatrièmement par la faim, cinquième-
ment par la soif, sixièmement par les animaux, septièmement par l’épée, huitième-
ment par un coup de lance, et ce coup de lance [il le reçut] chez les infidèles ; neu-
vièmement par les poux, dixièmement par la voix qui lui disait : retourne dans le
monde ; onzièmement par les soufflets que lui donnèrent les hommes ; douzième-
ment par les onagres. – Et ces saints moines vainquirent le démon, en se souvenant
que ce monde est passager676.
Dans le quatrième traité du Livre des mystères du ciel et de la terre, les douze
tentations d’Antoine sont à nouveau énumérées. Elles diffèrent légèrement de
celles données dans le premier traité :
Cependant les moines sont plus grands que les saints prophètes. Ce n’est pas que les
moines soient grands par le nom de leur monachisme. Mais ceux qui sont grands
sont ceux qui sont parfaits dans la patience, ceux qui sont devenus (comme) Paul et
comme Antoine et Macaire. En effet, Antoine a été éprouvé par douze tentations.
Voici ses tentations. D’abord (il fut éprouvé) par la mort de son père ; (puis) par une
femme juive ; par des tentations de la part des démons, alors qu’ils (se présentaient à
lui) comme un bœuf, qui a des cornes, et aussi sous l’apparence de l’armée d’un roi ;
par la faim, par la soif ; par les terrorisations de la part du persécuteur, se métamor-
phosant sous l’aspect de bêtes féroces ; par des paroles de querelle, dit-on ; par un
tigre ; par un coup de lance d’un païen ; par cette parole Retourne dans le monde ;
par la vermine, c’est-à-dire par les poux ; par le support des gifles de la part des
moines ; par les onagres ; par le ravage de son champ, que l’on dévasta sept fois en
un jour ; par le vol de sa demeure ; par les maux de sa tête, par les maux des yeux.
Ce sont les douze tentations (par lesquelles) il fut éprouvé. Elles brillent autant que
douze soleils. Leur lumière dépasse la quantité (de celle) des prophètes677.
Le panégyrique du XIV-XVe s. en l’honneur d’Abuna Demyanos le compare aux
saints bibliques et le nomme : « moine parfait comme notre Père Antoine678. » Il
cite l’apophtegme d’Antoine 33679.
Le biographe de Banadlewos (1303-1400) le qualifie d’« ermite comme An-
toine » (7a) ; à deux reprises, il évoque « Antoine et Macaire680. »
De même, le biographe d’abba Estifanos, initiateur d’un mouvement de ré-
forme au XVe siècle, joint « Antoine et Macaire, père des moines », comme suc-
cesseurs des saints apôtres. C’est suivant leur commandement qu’il reçut l’habit
monastique et qu’il vécut681.
Madhanina Egzi est l’une des figures essentielles du monachisme tigréen du
e
XIV siècle. Il bénit un de ses disciples en disant : « Que la bénédiction des
prophètes et des apôtres et la bénédiction des anges veilleurs soient sur ta tête ;
sois renommé comme Antoine et Macaire, les étoiles lumineuses682. » « Comme
Antoine, il ne changea pas de vêtement683. » Le récit de sa vie comporte une
généalogie monastique qui commence par Antoine684.
Ainsi l’association d’Antoine et de Macaire semble-t-elle usuelle dans la lit-
térature éthiopienne. Nous la retrouvons dans l’iconographie éthiopienne.
677 Le livre des mystères du ciel et de la terre 4, 10-11, éd. et trad. S. GRÉBAUT, PO 6/3,
1911, 2003, p. 180-181.
678 Il Gädl di Abuna Demyano Santo Eritreo 2, éd. texte éthiopien et trad. italienne T. ABRAHA,
PO 50/2, 2007, p. 137.
679 Ibid. 21, p. 153. Patericon 1-2, CSCO 277-278/Eth 53-54, 1967, p. 1-2.
680 Atti di Banadlewos, éd. texte éthiopien et trad. italienne O. RAINERI, PO 48/1, 1998,
p. 31a et 91a.
681 The Ge’ez Acts of Abba Estifanos of Gwendagwende, trad. anglaise G. HAILE, CSCO
620/Aeth 111, 2006, p. 7 et 29.
682 Vie et miracle de Madhanina Egzi, n° 135, texte éthiopien et trad. G. COLIN, PO 51/4,
Turnhout 2010, p. 95.
683 Ibid., n° 153, p. 107.
684 Ibid., n° 194, p. 137.
450 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
685 E. A. W. BUDGE, The Life of Takla Haymanot I, p. 189-190; II, p. 77; trad. française par
M.-L. DERAT, dans Le domaine des rois éthiopiens 1270-1527 : espace, pouvoir et mo-
nachisme, Paris 2003, p. 106.
686 Le livre éthiopien des miracles de Marie (Tamra Mâryâm), trad. G. COLIN, Paris 2004.
687 Ibid., 74e miracle, p. 200.
688 Histoire nestorienne, éd. A. SCHER et trad. P. DIB, PO 5/2, 1950, p. 279.
Chapitre IV. Saint Antoine dans la littérature patristique orientale 451
Dans une Homélie du XVe s. sur Sévère d’Antioche par un évêque d’Assiut (Ly-
copolis, la plus grande ville de la Moyenne-Égypte), Sévère exhorte les moines à
« suivre les saints Pères fondateurs, comme notre grand Père Abba Antoine,
notre Père abba Macaire, notre Père abba Pachôme, notre Père abba Shenoute et
tous les saints Pères, leurs successeurs691 ». Ainsi Antoine est-il cité en premier,
et l’adjectif « grand » est apposé à son nom.
689 B. HADDAD, « Les manuscrits arabes de la bibliothèque de l’ordre des moines chaldéens
à Bagdad », p. 205-210, dans Kh. SAMIR (éd.), Actes du deuxième congrès international
d’études arabes chrétiennes (Oosterhesselen, septembre 1984), OCA 226, Rome 1986.
690 Cf. H. TEULE, L’abrégé de le chronique ecclésiastique et la Chronique de Séert.
Quelques sondages, p. 164 : https://lirias.kuleuven.be/bitstream/123456789/255771/1/
7_Teule_ES6.pdf.
691 A Homily on Severus of Antioch by a Bishop of Assiut (XV century) § 55, éd. et trad.
anglaise Y. N. YOUSSEF, PO 50/1, 2006, p. 55.
Chapitre V
LE CULTE DE SAINT ANTOINE DANS
L’ORIENT CHRÉTIEN
1ère partie
Empreintes du culte de saint Antoine en Orient
Il est notable que la renommée d’Antoine se soit répandue dans toute l’Égypte
dès son vivant, car de nombreux visiteurs vinrent le trouver dans sa retraite et
lui-même s’est déplacé par deux fois à Alexandrie pour soutenir Athanase dans
sa lutte contre les ariens.
Après avoir relevé quelques témoignages d’un culte rendu à saint Antoine,
nous indiquerons les dates auxquelles il a été commémoré et nous ferons
quelques remarques sur la toponymie et l’anthroponymie héritières du nom de
saint Antoine.
Il semble que les questions soulevées par ce texte nous mettent devant une
alternative :
1. L’auteur exagère-t-il par ses mots cette éventuelle décadence pour mieux
mettre en évidence ses idées nationalistes ?
2. Ou effectivement le culte de saint Antoine a-t-il souffert d’une certaine déca-
dence, due à plusieurs causes, dont :
4 Cf. H. DELEHAYE, Les origines du culte des martyrs, SH 20, 1933, 20042.
5 Le mot grec est difficilement traduisible en français, remarque Antoine Guillaumont, et
il propose « dépaysement ; expatriation ; exil volontaire », avec la mention que ces
termes ne couvrent pas, en fait, l’essentiel du terme grec ξένος. Dans la littérature mo-
nastique, la xeniteia renvoie à la démarche du moine, qui quitte son pays pour aller
vivre dans un autre, où il sait qu’il aura toujours le sentiment d’être un étranger. – Cf. A.
GUILLAUMONT, « Le dépaysement comme forme d’ascèse dans le monachisme an-
cien », dans A. GUILLAUMONT, Aux origines du monachisme chrétien. Pour une phé-
noménologie du monachisme, SO, 30, Bellefontaine 1979 ; É. POIROT, « La „xeniteia”
ou „peregrinatio” monastique : exil volontaire vers la patrie », dans Academia românǎ.
Anuarul Institutului de cercetǎri socio-umane Gheorghe Şincai, t. X, Târgu Mureş 2007,
p. 22-33.
6 Nous retrouvons souvent dans les apophtegmes des Pères du désert des mentions expli-
cites de cette vertu « plus importante que beaucoup d’autres » (Théodore de Phermé 5),
sous ses différentes formes : Arsène 1, 2, 12, 13, 38, Agathon 1, André, Évagre 7,
Théodore de Phermé 5 et 14, Jacques 1, Jean 3, Isidore le Prêtre 7, Isaac le Thébain 2,
Coprès 3, Cyrus, Longin 1, Macaire 5, 16, 18, 27 et 41, Moïse 7 et 8, Matoès 13, Poe-
men 62 et 138, Pistos, Sisoès 37, Tithoès 2, Or 14 (sans compter quelques autres réfé-
rences qui se trouvent dans les recueils anonymes).
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Empreintes 459
• Abba Macaire l’Égyptien, qui a visité au moins deux fois Antoine7, vint de
Scété à la montagne de Nitrie pour participer à la commémoraison d’Abba
Pambo, peu d’années après la mort de celui-ci8.
• Abba Daniel – disciple d’Alexandre et de Zoïle, ses compatriotes de Pha-
ran, fut également avec eux disciple d’Abba Arsène († vers 440)9. Il mon-
ta un jour de Scété en Haute-Thébaïde pour la commémoraison de Abba
Apollo et « les pères sortirent à sa rencontre jusqu’à environ sept milles.
Et ils étaient au moins cinq mille10 ».
• Lorsque le corps de saint Hilarion fut transporté en Palestine, dans son
propre monastère, on commença à y célébrer en son honneur une fête so-
lennelle, qui attirait beaucoup de monde11.
Nous voyons que les communautés monastiques célébraient la fête de leurs fon-
dateurs, et il est fort probable qu’il en fut de même avec saint Antoine après sa
mort. Dans ce cas, le culte de saint Antoine aurait dû être assez ancien pour par-
ler d’une décadence à la fin du VIe siècle !
Il semble que la question d’une certaine possible décadence du culte de saint
Antoine dans les milieux coptes du VIe siècle ne doit pas être exclue. L’étude
d’Arietta Papaconstantinou, qui porte sur la période entre la première moitié du
e e
V siècle et le début du IX siècle, le confirme : « Aussi nous ne pouvons pas
conclure à l’existence d’un culte d’Antoine en Égypte pendant notre période. Il
est remarquable que ce personnage soit largement absent même de l’épigraphie
monastique. (…) L’essor tardif du culte d’Antoine en Égypte est confirmé par
l’absence quasi totale de représentations figurées remontant au-delà du VIIIe
siècle12. » Le sanctoral égyptien du haut Moyen Âge prolifère de saints à l'im-
plantation locale. Pachôme est totalement absent et Antoine n'est cité qu'une
seule fois.
Cependant nous avons déjà mentionné13 le miracle qui, au milieu du XVe siècle,
attirait une fois par an les foules vers le monastère de Dabra Metmāq, où était con-
servé le souvenir du passage de la Sainte Famille lors de la fuite en Égypte14 :
7 Macaire 4 et 26.
8 Macaire 2.
9 Cf. L. REGNAULT, Les sentences du Pères du désert. Collection alphabétique, Solesmes,
1981, p. 76.
10 L. REGNAULT, Les sentences des Pères du désert. Série des anonymes, N 596, 7, So-
lesmes-Bellefontaine 1985, p. 243.
11 SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique, III, 14, 26.
12 A. PAPACONSTANTINOU, Le culte des saints en Égypte des Byzantins aux Abbassides.
L'apport des inscriptions et des papyrus grecs et coptes, Paris 2001, p. 53.
13 Cf. p. 450.
14 Cf. G. COLIN, Le synaxaire éthiopien, Mois de Genbot, PO 47, 1997, p. 315-317.
460 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
« Dans le sanctuaire, au-dessus de l’autel, se manifestait, aux yeux des fidèles éba-
his, l’image lumineuse d’une barque voguant dans les airs : la Vierge y trônait en-
tourée des archanges, des saints, des vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse et des
plus illustres ascètes, tels qu’Antoine, Macaire et Schénouti. On y voyait aussi saint
Georges venir s’incliner dans cette nef devant la reine du ciel15. »
La Passion de saint Abo de Tiflis16, voué à la mort par le gouverneur arabe
de la Géorgie le 6 janvier 78617, a été racontée par un témoin oculaire géorgien,
Jean Sabinidzé, fils de Saban, à la demande de Samuel, le Catholicos de Géorgie
(780-790). Ce récit a le mérite d’avoir été écrit peu après la mort d’Abo, et il a
donc une valeur historique importante.
L’auteur mentionne expressément la fête de saint Antoine de l’année 78018,
comme point de départ pour la pratique chrétienne du futur martyr Abo : « En
cette saison hivernale, le 17 janvier, commémoration de notre saint père An-
toine, il commença à imiter les rigoureux efforts d’Antoine19. »
La vie de saint Abo témoigne plus que de l’existence de la fête de saint An-
toine en Géorgie du VIIIe siècle. En suggérant qu’Abo a commencé d’imiter saint
Antoine après avoir participé à la fête du saint, le passage suggère aussi que
l’office de saint Antoine dans la liturgie géorgienne du VIIIe siècle devait être
suffisamment consistant pour conduire quelqu’un à imiter saint Antoine après
une simple participation à sa fête.
D’après sa Vie écrite par Léonce, un de ses disciples, saint Étienne de Saint-
Sabas (725-794) gardait le silence de la fête de saint Antoine jusqu’au Grand
Mercredi (11,8) ou jusqu’au dimanche des Palmes (13, 1)20.
Une conclusion s’impose : très tôt après sa mort, en Égypte, en Afrique, en
Orient et en Occident, Antoine commence à être fêté en tant que saint de l’Église.
21 A. RENOUX, Le Codex arménien Jérusalem 121, vol. II, PO 36/2, 1971, p. 227.
22 C. RENOUX, Le Lectionnaire de Jérusalem en Arménie : le Casoc, t. 1, PO 44, 1989 ;
t. 3, Le plus ancien Casoc cilicien le Érévan 832, PO 49, 2004, p. 608-609.
23 G. BAYAN, Le synaxaire arménien de Ter Israel, VI. Mois de Aratz, PO 19, 1925, 20032,
p. 46.
24 M. TARCHNISCHVILI, Le Grand lectionnaire de l’Église de Jérusalem (Ve-VIIIe siècle),
t. 1, CSCO 189/Iber 10, Louvain 1959, p. 28-29.
25 KEKELIDZE, Agiograp’hia, p. 120, n° 24 ; p. 162, n° 43 ; G. GARITTE, « Le texte grec et
les versions anciennes de la Vie de saint Antoine », dans Antonius Magnus Eremita
356-1956. Studia ad antiquum monachismum spectantia, coll. Studia Anselmiana 38,
Rome 1956, p. 11-12.
26 G. GARITTE, Le calendrier palestino-géorgien du Sinaiticus 34 (Xe siècle), SH 30,
Bruxelles 1958, p. 133.
462 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Tradition grecque
Le Typicon de la Grande Église du codex 40 du monastère de Sainte-Croix près
de Jérusalem aurait été écrit entre 950-959 selon son éditeur, J. Mateos27, et
entre 970-992 selon un autre spécialiste, V. Grumel28. Ce Typicon indique pour
le 17 janvier la « mémoire de notre saint père Antoine » et donne le tropaire et
les textes de la Liturgie29.
Le Ménologe Impérial byzantin, rédigé sous Michel IV le Paphlagonien,
entre 1034 et 104130, ainsi que le Typicon du monastère du Saint-Sauveur à
Messine, codex messinensis gr 115, qui date de 1131, notent de même la fête de
saint Antoine au 17 janvier31.
D’après deux manuscrits bibliques (Vienne, Nationalbibliothek, gr. theol.
302, et Paris, Bibliothèque Nationale, Coislin 224), dont la date se situe entre le
e e 32
XII et le XVII siècle, le 17 janvier, on fait la mémoire du « vénérable Antoine ».
Le calendrier melkite
D’après les recherches de J.-M. Sauget, les synaxaires melkites indiquent une
notice de saint Antoine le 17 janvier33.
Mais selon le calendrier du musulman Abou Rîhân Mohammad al-Birouni,
du début du XIe siècle, les melkites fêtent saint Antoine non le 17, mais le 16
Le calendrier maronite
Ce que l’on appelle en français « calendrier » est appelé en syriaque par les ma-
ronites « codex », ce qui désigne « le catalogue des fêtes » de l’année36.
Dans le manuscrit enluminé de Rabboula, daté de 586, se trouvent des ad-
denda qui auraient été copiés au XIIe siècle, lorsque l’ouvrage est devenu pro-
priété des maronites. L’un de ces addenda atteste des prières pour les fêtes des
21 saints célébrés à cette époque par les maronites, dont saint Antoine ; ce qui
montre la vénération des maronites pour ce saint égyptien.
L’un des plus anciens calendriers maronites est celui du Codex Vatican Sy-
riaque 313, dont le terminus post quem non est l’an 1565 (le premier calendrier
maronite officiel a été édité à Rome en 1624 par la Congrégation De Propagan-
da Fide37). Dans ce calendrier, la commémoraison d’« Antoine, le premier des
cénobites et des anachorètes » est mentionnée pour le 17 août.
Un autre ancien calendrier de l’Église maronite, réalisé en 1673, peut-être
par Gebraïl Ibn Al-Qola’i, indique deux dates, le 17 janvier et le 17 août, pour la
fête de saint Antoine, qu’il caractérise de « prince des moines38 ». Une note
marginale du Vatican syriaque 243, fol. 241r, synaxaire melkite adapté à l’usage
maronite, indique aussi cette date du 17 août39.
Tradition syriaque
La plupart des Ménologes syriaques édités par F. Nau40 indiquent la fête
d’Antoine le 17 janvier, avec des qualificatifs différents.
34 R. GRIVEAU, Les fêtes des melchites, par Al-Birouni, PO 10, 1914, p. 302.
35 I. MARTINOV, Annus ecclesiasticus graeco-slavicus, Bruxelles 1863, reprint 1963, p. 45.
36 H. MATAR, « Le calendrier maronite », OCP 64, 1998, p. 143.
37 J.-M. SAUGET, « Le Calendrier Maronite du manuscrit Vatican Syriaque 313 », OCP 33,
Rome 1967, p. 221-293.
38 R. GRIVEAU, Un ancien calendrier de l’Église maronite par Gebraïl Ibn Al-Qola’i, PO
10, 1914, p. 350.352.
39 J.-M. SAUGET, « Le Calendrier Maronite du manuscrit Vatican Syriaque 313 », OCP 33,
Rome 1967, p. 291, note 20 ; ID., Premières recherches sur l’origine et les caractéristiques
des synaxaires melkites (XIe-XVIIe siècles), SH 45, Bruxelles 1969, p. 426-427.
40 F. NAU, Un martyrologe et douze ménologes syriaques, PO 10/1, 1912, 19932.
464 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
- Fin du VIIe s. Ménologe jacobite, British Museum, Add. Ms. 17134, fol.
84 : 17 janvier, fête d’Antoine, ascète ;
- IXe s., Add. Ms. 14505, fol. 2v : 17 janvier, fête d’Antoine, ascète et chef
des moines en Égypte ;
- XIe-XIIe s., Add. Ms. 14519, fol. 175v : 17 janvier, fête d’Antoine, chef des
moines égyptiens ;
- Deux bréviaires d’Alep : XVIIe s., Paris syr. 146 et XVIe s., Vatican syr
LXIX : 17 janvier, Saint Abba Antoine l’Égyptien ;
- Deux livres d’office : l’un écrit à Scété en 1239, British Museum, Add.
Ms. 17246, et l’autre du XIVe s., Add. Ms. 14708 : 17 janvier, abba Antoine
le Grand ;
- Livre d’office écrit en 1184 : Add. Ms. 14719, fol. 91v : 17 janvier, abba
Antoine ;
- XIIIe-XIVe s., British Museum, Add. Ms. 17261, fol. 64v : 17 janvier, abba
Antoine et ses compagnons ;
- écrit en 1210, British Museum, Add. Ms. 17232, fol 489v : 17 janvier,
saint Antoine, premier des moines.
Cependant on trouve deux autres dates pour fêter Antoine :
- 1166, Add. Ms. 14503, fol. 177v : 11 janvier, le saint et illustre en tout,
Mar Antoine, prince des moines ;
- XIIe-XIIIe s., Add. Ms. 14713, fol. 160v : 10 juin, Mar Antoine.
Dans son étude sur le sanctoral syrien oriental, J. M. Fiey indique la com-
mémoraison d’Antoine et de ses compagnons comme faisant partie des fêtes de
base du sanctoral, à la date du 1er ou 2e vendredi de Moïse, et plus tard à celle du
17 janvier41.
Il nous semble important de noter ces différences de dates42. Même si la
plupart des Églises fêtent Antoine le 17 janvier, il est intéressant de remarquer
que certaines Églises avaient une autre date, sans que cela pose de problèmes.
Ainsi dans le dialogue œcuménique, cela est-il un rappel que communion
n’implique pas uniformité.
Le Synaxaire éthiopien
Antoine y est commémoré le 22 Terr (= 17 janvier51).
Notons que le calendrier liturgique arménien est construit autour d’un cycle
hebdomadaire, dans lequel les fêtes des saints ne peuvent jamais être célébrées
le dimanche, le mercredi ou le vendredi. Aussi faut-il déplacer ces fêtes chaque
année. Ainsi en 2011, saint Antoine est inscrit au calendrier arménien le mardi
18 janvier, alors qu’en 2012, il l’est le mardi 17 janvier.
Antoine (celui du notaire Jean, du XIe siècle59) alors que cinquante cinq ont celle
de saint Nicolas. Dans le corpus des sceaux concernant l’Église, cinq sceaux
présentent le buste de saint Antoine60 et une centaine, l’effigie de saint Nicolas !
Ceci montre que saint Antoine n’était pas ignoré, mais que son culte était loin
d’avoir la popularité de celui de saint Nicolas !
À Bagdad, un monastère chaldéen porte le nom de saint Antoine61.
Aujourd’hui en Grèce, une trentaine d’églises sont sous le patronage
d’Antoine, alors que près de deux cents sont dédiées au prophète Élie62.
Au Liban, en 1761, l’Ordre Antonin Maronite a fondé à Baabda un monas-
tère dédié à saint Antoine. L’Ordre Libanais Maronite possède une douzaine de
monastères sous la protection de saint Antoine, fondés de 1707 à 1949 : à Sir,
Qozhaya, Houb, Zahlé, Hamana, Jdaydé, Ayn Zebdé, Jdeydet-Bkassine, Bey-
routh, Batha, Nabatiyé, Chekka.
En Roumanie, la plus ancienne église de la capitale « Curtea Veche » est
dédiée à l’Annonciation et à saint Antoine, de même que celles de deux quartiers
de la ville, Colentina et Titan. Celle de Saint-Nicolas « Balta Alba », celle de
« Doamna Oltea-Nouǎ », celle de Saint Georges de Mitrea Vornicul ont comme
second protecteur saint Antoine63. Cette dernière possède une icône miraculeuse
de saint Antoine, datant probablement du XVe siècle et qui a échappé miraculeu-
sement à l’incendie qui a brûlé l’ancienne église Saint-Antoine (de la Prison).
Plusieurs églises dédiées à saint Antoine sont en cours de construction à Buca-
rest, ce qui montre l’actualité de son culte64. Ainsi sur 224 églises que compte
Bucarest, sept ont comme premier ou second protecteur le Père des moines,
alors que 24 sont dédiées à saint Nicolas, une douzaine au prophète Élie.
En Moldavie, à Iaşi, deux églises s’honorent de la protection de saint An-
toine : l’église du quartier Nicolina 2 et celle Mitocul Maicilor (métochion des
moniales). L’église de la Dormition de la Mère de Dieu, connue sous le nom
d’église Vulpe (= « Renard »), qui a été édifiée en 1760 à la place d’une église
construite en 1632 par la corporation des fourreurs, a comme deuxième fête pa-
tronale celle de saint Antoine. De même à Suceava, l’église de la Résurrection a
pour second protecteur saint Antoine. À Botoşani, une nouvelle église consacrée
en 1997, à l’initiative du métropolite Daniel, porte le nom de saint Antoine le
Grand, ainsi que le skite « Icoana Veche » du département de Neamţ, fondé il y
a quelque 200 ans par un groupe de moines de Neamţ.
La ville d’Alba Iulia compte aussi une église Saint-Antoine, celle de Ploieşti,
deux.
Le monastère de Vodiţa du département Mehedinţi, qui est l’un des plus an-
ciens monastères de la Roumanie, édifié entre 1364-137065, celui de Cârcea, du
département de Dolj, celui de Mălăeştii de Jos du département de Prahova, fon-
dé en 1995, sont sous le patronage d’Antoine le Grand.
Il est surprenant que si peu de monastères soient sous la protection du Père
des moines ; peut-être est-ce à cause de la date de sa fête ? Janvier, le mois le
plus froid de l’année n’est pas un mois propice à des festivités.
Les actes du concile de 787 offrent une liste de monastères représentés par
leur higoumène ou (et) un moine délégué. Sur un total de 133 signataires, 5 (ou
6 selon la traduction de Gybertus Langolius) se nomment Antoine, alors qu’il y
a 12 Jean, 7 Grégoire et 7 Théodore, 5 Basile, Nicétas, Pierre, Théophylacte66.
À Chypre, où se trouvait le frère A. Bonhome, il y avait un hôpital Saint-
Antoine à Famagouste, près de la porte de la mer, et un monastère Saint-Antoine67.
En Roumanie, à 25 km de Râmnicu Vâlcea, le skite Iezer, l’un des plus reti-
rés du nord de l’Olténie, a été rénové au début du XVIIIe siècle par Antoine
66 R. JANIN, Les églises et les monastères des grands centres byzantins, Paris 1975,
p. 427-441.
67 S. FOURIER et G. GRIVAUD, Identités croisées en milieu méditerranéen : le cas de
Chypre, Publ. des Univ. de Rouen et Le Havre, 2006, p. 296-297.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Empreintes 471
l’Hésychaste (1628-1720), qui fut canonisé en 1992 et dont la mémoire est fixée
au 23 novembre.
Ainsi un rapide relevé de toponymie et anthroponymie de saint Antoine ré-
vèle-t-il un culte relativement notable de saint Antoine en Orient.
Ces paroles sont confirmées par une précision de saint Jérôme, dans la Vie
d’Hilarion : il rapporte que les disciples d’Antoine ne montrent pas le lieu de sa
sépulture, selon le précepte du saint pour « éviter que Pergamius, le plus riche
des habitants de l’endroit, ne fît transporter le corps du saint dans son domaine
et ne lui bâtit un sanctuaire70 ».
70 JÉRÔME, Vie d’Hilarion 21, 10, dans Trois vies de moines (Paul, Malchus, Hilarion), SC
508, 2007, p. 273.
71 P. GEYER, Antonini Placentini itinerarium, dans Itineraria et alia geographica, CCSL
175, 1965, p. 129-153.
72 P. MARAVAL, Récits des premiers pèlerins chrétiens au Proche-Orient (IVe-VIIe siècle),
Paris 1996, p. 234.
73 Cf. H. DELEHAYE, Les origines du culte des martyrs, p. 219.
74 P. MARAVAL, Récits des premiers pèlerins chrétiens au Proche-Orient (IVe-VIIe siècle),
Paris 1996, p. 234, note 3.
75 VICTOR DE TONNONA, Chroniques, PL 68, 961.
76 J. DAVID, Antoine (saint), DHGE 3, 1924, col. 732.
77 G. J. M. BARTELINK, VA, Introduction, p. 75.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Empreintes 473
5. Folklore
Le folklore d’un peuple exprime aussi à sa manière le culte rendu à un saint.
Voici quelques notations pour le folklore grec et roumain.
En Grèce
La vie ascétique du grand anachorète du désert et la fixation de sa fête au mois
de janvier, période du plus grand froid, mais aussi moment du changement vers
le printemps avec l’allongement de la durée du jour ont donné au peuple grec un
motif pour formuler des proverbes et des expressions avec le nom de saint An-
toine: « C’est un véritable saint Antoine », dit-on d’une personne faible, mais
puissante. « Il a la patience de saint Antoine », car l’ascèse implique la persévé-
rance. « Il est pour saint Antoine », c’est-à-dire il est fou ou démoniaque, car ces
personnes étaient amenées aux pères ascétiques pour être guéries. On dit de
même « le silence de saint Antoine » ce qui signifie l’aphasie des possédés
quand ils sont guéris. Dans le domaine météorologique, on dit « Mauvais pen-
chant de saint Antoine », ce qui signifie un hiver rude, une tempête ou une catas-
trophe qui se produit souvent en janvier autour de la fête de saint Antoine. Mais
un proverbe des Cyclades est optimiste : « À partir de la Saint Antoine, mets de
la robe au vent » (c’est-à-dire nous entrons dans le printemps, voici le Carnaval
avec ses jeux). Le peuple grec respecte spécialement la fête de saint Antoine
parce qu’il est attentif à sa puissance ascétique et au surnom de « Grand » que
l’Église lui a donné. C’est un jour chômé. On doit dire que dans l’ancienne
Athènes du temps de l’occupation turque et encore après, le jour de saint An-
toine les ménagères ne faisaient aucun travail, si ce n’est nettoyer la maison
(pour la bonne année) et retourner les draps des lits (sans doute parce que l’on
est dans une saison de transition). Saint Antoine est aussi invoqué dans les exor-
cismes83.
En Roumanie
Les fêtes « Antanasiile » (mot composé d’Antoine et d’Athanase) tombent les
16-17 janvier. Nous avons noté que le 16 janvier est la date donnée par
l’Évangéliaire vieux-slave de Reims pour la fête de saint Antoine. Selon
l’ethnographe roumain Simeon Florea Marian (1847-1907), ce sont de mauvais
jours considérés comme porteurs de graves maladies, d’étourdissement, spécia-
lement pour les enfants (rougeole). Cette croyance viendrait de l’Occident mé-
diéval (« feu de Saint-Antoine84 »).
Dans le folklore roumain, saint Antoine est invoqué comme protecteur
contre toute sorte de dangers, spécialement contre les loups. Sa figure est parfois
confondue avec celle de saint Antoine des grottes de Kiev. Moine à Kiev, il au-
rait eu dans sa cellule une marmite vide, dans laquelle le diable est entré pour le
tenter. Alors Antoine a réussi à couvrir la marmite. Le diable, ne pouvant sortir,
a prié Antoine de lui pardonner. Antoine lui a promis qu’il le libérerait s’il le
portait sur son dos en une nuit jusqu’à Jérusalem. Le diable accepta et c’est seu-
lement après ce voyage qu’il fut libéré d’Antoine85.
Au Liban
Le récit d’un voyage d'Antoine à Jérusalem se retrouve dans une tradition orale
au Liban. Il n’y a pas de textes écrits qui racontent sa visite dans la vallée de
Qozhaya au Liban, mais une tradition orale rapporte que quelques disciples
d’Antoine ont vécu dans une grotte située à l’entrée du monastère Saint-Antoine
de Qozhaya, grotte appelée « grotte miraculeuse de saint Antoine ». La même
tradition rapporte qu’Antoine a visité ses disciples dans cette grotte quand il vi-
sita la Terre Sainte86.
2e partie
Prières liturgiques
Traduction française des textes liturgiques qui honorent la mémoire de saint An-
toine dans les liturgies orientales : géorgienne, arménienne, byzantine, copte et
éthiopienne87.
87 Les textes géorgiens et arméniens sont traduits par A. Renoux, les textes grecs par D.
GUILLAUME (© Éditions de Chevetogne, Belgique), les textes slavons par P. J.-P. Mai-
sonneuve, les textes éthiopiens par E. Fritsch. Nous avons traduit certains textes coptes
à partir de leur version allemande, d’autres nous ont été donnés par A. et B. Sadek.
88 Cf. A. RENOUX, PO 36/2, p. 173-178.
89 Uzvelesi iadgari, éd. E. MET’REVELI, C. C’ANKIEVI et L. XEVSURIANI, Tbilisi 1980.
90 C. RENOUX, « La Pâque du dimanche à Jérusalem au IVe siècle », Connaissance des
Pères de l’Église, n° 81, mars 2001, p. 53.
91 Ibid., note 13, p. 57.
92 Il s’agit de l’office de la fête dans l’Hymnaire géorgien le plus ancien publié à Tbilisi
en 1980 (uzvelesi iadgari), p. 73-79. La traduction est celle des textes du manuscrit le
plus ancien utilisé dans cette édition, le H 2123 (IXe- X e s.), de l’Institut K. Kekelidze de
Tbilisi (voir pour la référence complète à cette édition et sur le manuscrit H 2123 dans
C. RENOUX, Les Hymnes de la Résurrection I. Hymnographie Liturgique Géorgienne,
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 477
Office du soir
Au Seigneur, j’ai crié… (Ps 140)93, t. 2 plagal94 :
1. Ta commémoraison, ô Père Antoine,
Nous la célébrons, nous les croyants.
Toi qui, en esprit, étais proche du ciel,
Et qui étais loué sur la terre.
Intercède en notre faveur auprès du Christ,
Pour le salut de nos âmes.
2. Tu aimas le désert, ô Père Antoine,
Toi qui, par amour du Christ, dédaignas ce monde éphémère,
Et qui, avec les anges, intercèdes pour nos âmes.
3. Toi qui es apparu comme vase d’élection
Qui, par la foi, as vaincu l’ennemi,
Et, par le service de Dieu, as obtenu la grâce,
Toi qui, auprès du Christ, possèdes assurance,
Prie-le pour le salut de nos âmes.
D’autres, t. 495 :
1. Ô saint Père, toi qui fus armé du bouclier de la foi96
Paris 2000, p. 6) ; les textes des autres manuscrits, du X e s. également, mais que n’a pas
le H 2123, sont traduits en appendice. Beaucoup de ces strophes ne sont pas propres à la
mémoire de saint Antoine et sont empruntées à l’oktoechos ; il fallait un office complet,
lequel n’a été constitué que peu à peu.
93 Le psaume traditionnel de l’Office du soir.
94 Ces textes sont des compositions qui étaient chantées et qui, par conséquent, comportaient
des césures et des arrêts nécessaires au chant ; c’est pourquoi, la disposition des strophes
est en stiques qui, bien évidemment, ne prétendent aucunement épouser les coupures mé-
lodiques et rythmiques originelles de ces textes. Beaucoup d’entre eux proviennent vrai-
semblablement du grec, et leur traduction en géorgien les a inévitablement un peu trans-
formés. La fête de saint Antoine figure, en effet, dans le Lectionnaire de Jérusalem dont
la version arménienne renvoie au début du Ve siècle, et bien entendu dans la version géor-
gienne du même document ; on chantait donc saint Antoine en grec, langue de la liturgie
hagiopolite à cette époque. Le canon d’Antoine est construit de manière régulière, c’est-à-
dire conformément aux canons des fêtes les plus anciennes qui comprennent les mêmes
trois offices représentés ici ; mais pour les neuf odes, alors que l’hirmos apparaît toujours
(sauf à l’ode 1), le théotokion fait défaut, ce qui confère au canon une ancienneté certaine,
les règles rythmiques du canon (avec théotokion) apparaissant aux VIe-VIIe siècles.
95 Des textes concernant aussi l’Hymne du soir, mais collectés en d’autres manuscrits et
ajoutés aux précédents par le rédacteur du canon ou le copiste.
96 Ep 6, 16.
478 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
97 Mt 25, 34.
98 Mt 25, 34.
99 Ep 1, 4.
100 Jn 3, 5.
101 Ex 15, 21.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 479
Le manuscrit Sinaï 18, du Xe siècle, ajoute trois strophes qui lui sont propres :
3. Les souffrances furent tenues pour rien par tes saints, ô Seigneur,
Ils éteignirent les craintes de leur corps,
Et ils vivaient dans le monde comme des anges.
4. Tes saints ont vaincu les passions dans la patience, (et) le jeûne,
Et ils t’acclamaient :
Béni es-tu, ô Seigneur, Dieu de nos pères.
106 Cf. Ex 19, 3 ; cette strophe géorgienne, dépendante de la liturgie hiérosolymitaine des
e e
IV -V siècles, est connue en grec, comme l’hirmos d’un canon t. 4, attribué à Germain
qui fut patriarche de Constantinople de 715 à 730 (cf. S. EUSTRATIADÈS, EiJrmologiovn,
Chennevières-sur-Marne 1932, p. 104 ; Denis [GUILLAUME], Grand hirmologe gréco-
slave, Nîmes 1999, p. 175), ce qui invite à suspecter la valeur de cette attribution.
107 Cf. Ex 3, 1-16. La virginité de Marie n’a pas été détruite dans l’enfantement, de même
que le buisson du Sinaï ne se consumait pas tout en brûlant. Le buisson ardent est une des
images les plus populaires de la Mère de Dieu. J. LEDIT en a noté plus de cinquante réfé-
rences dans la liturgie byzantine (Marie dans la liturgie byzantine, coll. Théologie histo-
rique 39, Paris 1976, p. 68).
108 Dn 3, 26.
109 Dn 3, 57.
482 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
D’autres :
1. Toi, ô saint, qui fus pris du zèle des enfants à Babylone,
Par un labeur acharné tu embrasas ta propre fournaise ;
Aussi arrosé, comme elle, par la grâce de Dieu, tu chantais :
Béni…110
110 Stique incomplet dans le manuscrit, le refrain habituel étant connu : Béni es-tu, ô Sei-
gneur, Dieu de nos pères.
111 Cf. Ps 54, 7-8 ; Ct 2, 14.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 483
D’autres :
1. Tu fuyais les songes de l’Égypte,
Et l’océan de ce monde,
Tu le traversas en esprit,
Sans être frappé par ses vagues.
Tu as vaincu Amalec, ô saint, par la croix du Christ112.
D’autres :
1. Dans la solitude, affermi par la vigilance
Et par un combat courageux contre l’ennemi caché,
Le Père Antoine, qui abandonna les plaisirs ce monde,
T’a suivi, ô Christ, toi qui affermis ceux qui croient en toi.
Par son intercession, ô Sauveur, sauve nos âmes.
D’autres :
1. Ta commémoraison, ô saint Père, héraut de la vérité, saint Antoine,
Célébrons-la avec joie, nous croyants,
Et avec nous se réjouit la multitude des fidèles de la vraie foi.
Ô excellent combattant, héraut de la vérité, Père saint,
Intercède pour le salut de nos âmes.
114 2 Tm 4, 7.
115 Ps 44, 2.
116 2 P 5, 4.
117 Cf. Ps 54, 7-8 ; Ct 2, 14.
118 2 P 5, 4.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 485
C’est pourquoi, dans le royaume, avec les justes, le Christ t’a placé.
Ô excellent combattant, héraut de la vérité, Père saint,
Intercède pour le salut de nos âmes.
1.2. Liturgie
Psaume, t. 3 plagal :
Antienne : Qui me donnera les ailes de la colombe… (Ps 54, 7).
Verset : Ô Dieu, prête l’oreille… (Ps 54, 2).
Alléluia, t. 3 : J’ai aimé… (Ps 114, 1).
Hymne du lavement des mains120
Ô bienheureux du Père et compagnon des anges,
Ô saint serviteur du Christ, Antoine,
Toi qui pour l’amour du Christ dédaignas ce monde éphémère,
Tu habitas dans les déserts des montagnes, pauvre, souffrant.
Tu es glorieux et bienheureux avec les saints apôtres et les martyrs.
Nous supplions ta sainte dilection :
Intercède auprès du Christ pour le salut de nos âmes.
119 Dn 3, 51.
120 Pendant le chant qui suivait l’Évangile, les ministres se lavaient les mains, d’où le nom
d’Hymne du lavement des mains. Cet usage est attesté à Jérusalem à la fin du IVe s. (cf.
CYRILLE DE JÉRUSALEM, Catéchèses mystagogiques V, 2, SC 126bis, 20043, p. 147-149).
Cette hymne a disparu au IXe-Xe s. sous l’influence du rite byzantin (cf. R. TAFT, The
Great Entrance, OCA 200, Rome 1978, p. 70-76).
486 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
2. t. 1
Tu es devenu colonne de la vie solitaire,
Et tu imitais, ô saint Antoine, les anciens pères :
Job par la souffrance, et Job par l’infortune.
Mais tu étais concitoyen des Incorporels,
Toi qui étais corporel.
Intercède pour le salut de nos âmes.
3. t. 3 plagal
Voilà ! ô saints pères !
Vous qui avez lutté pour le Royaume,
Vous méritez aussi la vie sans fin.
Vous qui avez assurance, suppliez sans relâche le Christ
De faire venir sur nous une grande miséricorde.
4. t. 3 plagal
Tu as été vraiment, ô saint Père Antoine,
Un voyageur sur la voie étroite et difficile,
Car tu as subi l’attaque des démons.
121 Is 6, 3.
122 Cf. Hymnaire, p. 342-343 ; du grec uJpakohv, une strophe poétique qui peut servir de refrain
dans le Psautier ou ailleurs, et qui exprime l’objet de la fête célébrée (cf. J. MATEOS,
« Quelques problèmes de l'orthros byzantin », POC 1961, p. 205-208 ; H. LEEB, Die Gesänge
im Gemeindegottesdienst von Jerusalem (vom 5. bis 8. Jahrhundert), Wien, 1970, p. 275.
123 Ps 140, 2.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 487
124 Die armenische Athanasius-Anaphora, éd. critique et trad. allemande H.-J. FEULNER,
Rome 2001, p. 211 et 419 ; R. F. TAFT, A History of the Liturgy of St. John Chrysostom,
vol. IV. The Diptychs, OCA 238, Rome 1991, p. 67.
125 La traduction est faite sur l’Hymnaire selon les modes musicaux, publié à Venise (San
Lazzaro), en 1907. La fête n’est pas datée dans cet Hymnaire ; mais les plus anciens do-
cuments liturgiques arméniens (lectionnaires) la placent toujours au 17 janvier.
126 Les noms donnés aux diverses pièces du canon proviennent de leur place dans les
Heures de l’Office divin. L’Orhnut’iwn (bénédiction, louange) est chanté à l’office noc-
turno-matutinal, en dépendance de l’ode 1 (Ex 15, 1-19).
488 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Des Pères127, t. 1
1. Modèle des solitaires,
Le bienheureux saint Père Antoine,
Qui vivait dans l’espérance des biens d’en haut,
Compta pour rien les biens de cette terre,
Et il te servit comme un soldat, Christ, Dieu de nos pères.
2. En combat singulier contre le rusé dragon pervers,
Il supporta patiemment diverses formes d’attaques
Qui le plongeaient dans les tourments.
Et il te servit comme un soldat, Christ, Dieu de nos pères.
3. Habitant au désert, de ses bras suppliants
Il repoussa nombre de légions de combattants,
Et par son courage il conforta tous les solitaires.
Et il te servit comme un soldat, Christ, Dieu de nos pères.
127 L’hymne accompagnant la septième ode, Dn 3, 26-56, et tirant son nom du refrain :
« Béni es-tu, Dieu de nos pères. »
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 489
4. Bénissez le Seigneur128.
Vous tous qui glorifiez Dieu en cette commémoraison,
Exaltez-le dans les siècles.
5. Il habitait dans le creux des montagnes, revêtu d’un cilice,
Dans les trous et les cavernes des rochers.
Vous tous qui glorifiez Dieu en cette commémoraison,
Exaltez-le dans les siècles.
6. Ressemblant au grand Élie et à Jean-Baptiste,
Il a pris son vol au-devant du Christ.
Vous tous qui glorifiez Dieu en cette commémoraison,
Exaltez-le dans les siècles.
Que Magnifie129, t. 1 :
1. Toi qui, en tes entrailles,
Fus apte à recevoir le Verbe Dieu,
Ô toujours Vierge,
Nous te célébrons, toi qui es bénie parmi les femmes.
2. Toi qui fus digne de porter en tes bras corporellement
La Lumière de Dieu,
Nous te célébrons toi qui es bénie parmi les femmes.
3. Tu as été appelée Temple immaculé
De l’économie de l’Esprit Saint,
Ô toujours Vierge,
Nous te célébrons toi qui es bénie parmi les femmes.
Aie pitié130, t. 1 :
1. Toi qui par une conduite incorporelle,
Et qui, affermi par le Seigneur, as resplendi dans la chair,
Ô saint Père Antoine,
Tu as été un modèle pour beaucoup,
Tu as été la porte d’entrée sur le chemin de la vie.
Souviens-toi de nous,
En ta prière sainte et digne d’être exaucée.
128 Strophes pour la huitième ode (Dn 3, 57-88) : « Bénissez le Seigneur, exaltez-le dans les
siècles. »
129 Pour les cantiques évangéliques de Marie, de Zacharie et de Siméon.
130 Pour le Ps 50.
490 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Les enfants134, t. 1 :
1. Honneur de l’Église et allégresse des anges,
Ô saint Père Antoine,
Présente sans cesse nos prières à la Sainte Trinité.
nombre des textes ne sont pas propres à saint Antoine ; ils se retrouvent dans les
offices d’autres moines, comme nous l’indiquerons en note.
144 Cf. I. CHINDRIŞ, Secolele Bibliei de la Blaj, dans Biblia de la Blaj 1795, Rome 2000,
p. 2365.
145 C. TATAI-BALTǍ, Gravorii în lemn de la Blaj (1750-1830), Blaj 1995, p. 106, 189 et 250.
146 Cf. celle du prophète Élie, au 20 juillet, attribuée aussi à Petru Papavici, dans É. POIROT,
Le glorieux prophète Élie dans la liturgie byzantine, SO 82, Bellefontaine 2004, p. 56.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 495
prunté à la litie, comme dans le ménée slave, a été remplacé par celui du texte
grec, comme dans l’Anthologhion de Blaj de 1913. La nouvelle traduction des
synaxaires est due au P. O. Cǎciulǎ148.
Une cinquième édition du ménée de janvier est sortie en 1977.
La sixième édition du ménée de janvier à Bucarest en 1997, sous le patriarche
Théoctiste, reproduit le texte revu et corrigé par E. Branişte. Le synaxaire en vers
est supprimé dans cette édition.
À Alba Iulia, en 2005, le ménée de janvier est de nouveau réédité et repro-
duit la cinquième édition de 1977, sans le synaxaire en vers.
Nous proposons tout d’abord un relevé des passages bibliques indiqués pour
la fête de saint Antoine. Puis nous présentons la traduction française de l’office
byzantin de saint Antoine faite par D. Guillaume à partir de l’édition grecque
romaine149 – sans donner les théotokia, ni les hirmi qui ne concernent pas saint
Antoine –, suivie de quelques textes propres aux ménées slaves. Nous avons
relevé également les différentes occurrences de saint Antoine dans l’ensemble de
l’office byzantin.
148 Cf. E. BRǍNIŞTE, « Cǎrţi de cult tipǎrite între 1948-1958 », Studii teologice, Seria II,
XX, 1968, p. 471-482, spéc. p. 478.
149 D. GUILLAUME, Janvier, Rome 1981, p. 253-267.
150 D’après le Synaxaire au jour de sa fête le 11 octobre.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 497
Pour l’office
Vêpres Matines
V. apostiches Lectures Prokimenon Évangile
154 É. POIROT, Les prophètes Élie et Élisée dans la littérature chrétienne ancienne, coll.
Monastica 1, Turnhout 1997, p. 395-397.
155 A. MARTIN, « Athanase d’Alexandrie, l’Église et les moines : À propos de la Vie
d’Antoine », RevSR 71, 1997, p. 171-188.
156 J. GETCHA, « Le système des lectures bibliques du rite byzantin », dans La liturgie, in-
terprète de l’écriture I. Les lectures bibliques pour les dimanches et fêtes, BEL 119,
Rome 2002, p. 5.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 499
Gloire au Père…
Vénérons Antoine, car il fut un Ange ici-bas et pour le ciel un homme de Dieu,
la parure du monde et le trésor des vertus, pour les Ascètes gloire et fierté ; plan-
té dans la maison de Dieu, comme un juste il a fleuri, comme un cèdre dans le
désert159 ; il a fait croître le troupeau des spirituelles brebis du Christ dans la jus-
tice et la sainteté160.
Apostiches, t. 2
Dès le berceau, tu as semblé, Père théophore, un instrument de sanctification,
une demeure du Saint Esprit.
Elle est précieuse devant le Seigneur,
La mort de ses amis161.
Grandes vêpres
Lucernaire, t. 4
Antoine, illuminé par les rayons de l’Esprit, lorsque l’amour divin t’embrasa au
point que ton âme à tire-d’aile s’éleva vers la suprême charité, alors tu dédaignas
la chair et le sang et tu quittas le monde pour t’unir à Dieu dans l’ascèse et la
paix ; comme tu l’avais souhaité, tu fus comblé des biens de l’au-delà et res-
plendis comme un astre éclairant nos âmes.
Ayant brisé l’arc et les flèches des démons par la grâce de l’Esprit saint et
révélé leur ruse et leur perversité par tes divins enseignements, Père Antoine,
éclairé par la divine splendeur, tu devins pour les Moines un luminaire resplen-
dissant, le premier ornement du désert, le guérisseur des malades, l’habile méde-
cin, le modèle original de la pratique des vertus.
Père comblé de charismes divins, lorsqu’en toi le Christ découvrit le pur mi-
roir des divines réflexions, il te fit briller de la claire splendeur de sa clarté ;
alors tu devins une source abondante de guérisons, la nourriture des affamés,
celui qui abreuvait de ses ondées le désir des assoiffés ; et, des âmes voyant les
dispositions, par ta parole sagement tu les rendais meilleures pour Dieu ; prie-le
de sauver et d’illuminer nos âmes165.
Ange terrestre et céleste mortel possédant la pureté de l’âme et du cœur, An-
toine, docteur de virginité, mesure exacte des tempérants, uni à ton Maître dé-
sormais et lui offrant l’incessante doxologie avec les Anges, les saints Moines et
les Martyrs, délivre en tout temps des périls et du péché ceux qui célèbrent ta
mémoire sacrée.
162 Ce st. est aussi le 1er st. des apostiches des petites vêpres de saint Euthyme, le 20 janvier.
163 Ps 111, 1. C’est aussi le premier verset de l’alléluia de la Divine Liturgie.
164 Cf. 4 R 2, 11. Ce st. est aussi le 2e st. des apostiches des petites vêpres de saint Eu-
thyme, le 20 janvier.
165 Ce stichère se trouve en grec et en roumain, mais non en slavon. L’office grec indique 6
stichères, les 2 premiers étant doublés ; l’office roumain indique 8 stichères, les 4 sti-
chères étant doublés, l’office slavon indique 8 stichères avec 3 textes seulement, les
deux premiers étant triplés et le troisième étant doublé.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 501
Litie, t. 2, du Studite
Sur terre ayant formé une foule d’athlètes spirituels, Antoine, par les flots de tes
pleurs tu arrêtas l’offensive des passions. Telle une échelle divine et sacrée per-
mettant l’accès vers le ciel, fut connue de tous ta vie inspirée par Dieu. En elle
ayant produit les œuvres de la foi, de ces fruits tu guéris les passions, les mala-
dies de tous les fidèles s’écriant : réjouis-toi, étoile que l’aurore voit briller de
reflets tout dorés, flambeau des moines et leur pasteur ; réjouis-toi, objet de nos
chants, le plus beau que le désert ait produit, où l’Église trouve son ferme ap-
pui ; réjouis-toi, guide suprême des errants, réjouis-toi qui nous combles de fier-
té et portes à l’univers l’allégresse et la joie168.
Honorons saint Antoine, car il fut un Ange ici-bas et pour le ciel un homme
de Dieu, la parure du monde et le trésor des vertus, la gloire des ascètes et leur
fierté ; planté dans la maison de Dieu, comme un juste il a fleuri, comme un
cèdre dans le désert ; il a fait croître le troupeau des spirituelles brebis du Christ
dans la justice et la sainteté169.
Dès l’enfance, Père saint, tu pratiques la vertu à ce point que tu devins un
instrument du saint Esprit ; ayant reçu de lui un pouvoir miraculeux, tu persua-
das les hommes de mépriser les plaisirs et maintenant, illuminé plus encore par
la divine clarté, Antoine, illumine aussi nos esprits et nos cœurs170.
t. 3, d’Anatole
Vénérable Antoine, comme un incorporel tu as mené la vie ardente et coura-
geuse d’une ascèse éprouvée ; après avoir atteint les plus arides déserts, tu foulas
aux pieds les flèches enflammées des démons ; ayant excellé en toute vertu, avec
les anges tu demeures dans le royaume des cieux ; prie donc le Christ notre Dieu
d’accorder à nos âmes le salut171.
Gloire au Père, t. 5
Vénérable Père, écoutant l’Évangile du Seigneur, tu as quitté le monde et tenu pour
néant la richesse et la gloire qu’il t’offrait ; puis à tous les hommes tu crias : Aimez
le Seigneur et vous trouverez la grâce pour toujours ; car rien n’est préférable à son
amour et, lorsque dans sa gloire il viendra, parmi tous les Saints vous trouverez le
repos. Par leurs prières, ô Christ, accorde à nos âmes la grâce du salut172.
Apostiches, t. 5
Réjouis-toi, chef des Ascètes (ajskhtw'n ajrchgov"), leur invincible défenseur;
coupant les passions à la racine et soutenant avec courage les assauts des
démons, tu triomphas de leur faiblesse, de leur égarement funeste; et tu rendis
manifeste la vigueur, la puissance invincible de la Croix du Sauveur; sous cette
armure tu vainquis tous les adversaires contestant la divine manifestation du
Christ en la chair; supplie-le d'accorder à nos âmes la grâce du salut173.
Elle est précieuse devant le Seigneur,
La mort de ses amis174.
Colonne lumineuse appuyée sur les vertus, nuée procurant l'ombre au désert, tu
es devenu pour les habitants du désert, celui qui conduit de terre vers le ciel les
contemplatifs de Dieu, tu déchiras l'océan des passions grâce au bâton de la
Croix et, faisant fuir cet autre Amalec175, le démon, tu trouvas la céleste montée
sans obstacle, bienheureux Père, et l'héritage sans fin où tu exultes avec les
170 Ce st. est aussi le doxasticon du lucernaire des petites vêpres de saint Sabbas, le 5 dé-
cembre, de saint Euthyme le 20 janvier, et le 3e st. de la litie de ce même jour.
171 Chez les slaves, ce stichère est le doxasticon des petites vêpres de saint Antoine.
172 Ce st. est aussi le doxasticon du lucernaire du 4e dimanche de carême, en l’honneur de
Jean Climaque.
173 C’est aussi le 2e st. des apostiches du 5 juillet (Athanase l’Athonite).
174 Ps 115, 6.
175 Cf. Ex 17, 8-16.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 503
Tropaire, t. 4
180
Imitant par ta vie le zèle d’Élie et du Baptiste suivant le droit chemin, véné-
rable Père Antoine, tu peuplas le désert et par tes prières affermis l’univers ; prie
le Christ notre Dieu de sauver nos âmes.
Matines
Cathisme I, t. 8
Ayant lié ton âme à l’amour du Christ, vénérable Père, et méprisé tous les biens
d’ici-bas, tu fixas ta demeure dans les montagnes et les déserts ; car, à l’arbre de
la connaissance ayant goûté, comme un Ange initié au mystère le plus secret tu
176 Traduction de D. Guillaume modifiée. C’est aussi le 3e stichère des apostiches du 5 juil-
let (Athanase l’Athonite).
177 Ps 111, 1.
178 C’est aussi le 1er st. des apostiches du 5 juillet (Athanase l’Athonite). Chez les slaves, ce
texte est le 1er stichère des apostiches de saint Antoine.
179 Ce doxasticon est aussi le doxasticon du lucernaire le 29 septembre (Cyriaque
l’Anachorète) ; le doxasticon des apostiches des vêpres, le 5 décembre (Sabbas), le 15
mai (Pachôme le Grand), le 12 juin (Onuphre l’Égyptien), des apostiches des matines du
21 octobre (Hilarion le Grand), du 16 janvier (Paul de Thèbes), le samedi de la Tyro-
phagie, où l’on fait mémoire de tous les saints ascètes ; le doxasticon des laudes du 20
janvier (Euthyme le Grand).
180 Cf. 3 R 19, 14.
504 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
resplendis ; et, traversant la nuée de la chair, tu repoussas les ténèbres des dé-
mons, prince des Moines, Père bienheureux. Intercède auprès du Christ notre
Dieu pour qu’il accorde la rémission de leurs péchés à ceux qui fêtent avec
amour ta mémoire sacrée.
Cathisme II, t. 5
Honorons de nos hymnes l’ascète du Seigneur qui mortifia tous les désirs pas-
sionnés par sa ferme patience et tempérance en vérité, au point de couvrir de
confusion toute l’insolence du combatif ennemi ; et maintenant il intercède au-
près du Christ, pour qu’il prenne nos âmes en pitié.
Cathisme III, t. 8
Ayant renoncé à l’agitation de la vie et sur tes épaules ayant porté ta croix, tout
entier tu t’es voué à ton Seigneur ; devenu étranger au monde et à la chair, c’est
du Saint Esprit que tu devins le confident ; éveillant les foules au bon zèle pour
Dieu, tu vidas les villes et tu peuplas les déserts. Père théophore, prie le Christ
notre Dieu, pour qu’il accorde la rémission de leurs péchés à ceux qui célèbrent
avec amour ta mémoire sacrée181.
Gloire au Père, t. 4
Illuminé par l’inaccessible clarté, comme un astre tu brillas dans le désert, fai-
sant luire, Père saint, tes limpides enseignements sur ceux qui sans réserve
s’approchent de toi.
Après le psaume 50, st. t. 6
Père vénérable, par toute la terre a retenti la renommée de tes justes actions : par
elles tu as trouvé dans les cieux la récompense de tes efforts ; tu as détruit les pha-
langes des démons et des anges tu as rejoint les chœurs, pour en avoir imité la pure
vie. Par le crédit que tu possèdes auprès du Christ notre Dieu demande-lui pour nos
âmes la paix182.
181 Ce cathisme est aussi le cathisme après la 3e ode de l’office de saint Sabbas, le 5 décembre.
182 Ce st. est fréquemment employé pour les moines ; il remplit diverses fonctions à l’office :
après le psaume 50, le 5 décembre (Sabbas), le 11 janvier (Théodose le Cénobiarque), le
20 janvier (Euthyme le Grand). C’est un stichère de la litie le 8 mai (Arsène le Grand). Il
est le doxasticon du lucernaire, le 21 janvier (Maxime le Confesseur), le 12 juin (Onuphre
l’Égyptien) ; le doxasticon des apostiches de vêpres, le 3 septembre (Théoctiste), le 29
septembre (Cyriaque l’Anachorète), le 11 novembre (Théodore Stoudite), le 12 novembre
(Nil le Sinaïte), le 4 décembre (Jean Damascène); le 15 janvier (Paul de Thèbes); le 19
janvier (Macaire l’Égyptien) ; le doxasticon des laudes, le 8 novembre (Lazare le
thaumaturge), le 26 novembre (Alype le stylite), le 5 décembre (Sabbas) ; le doxasticon
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 505
Canon, t. 8, de Théophane
Ode 1
Hirmos
À la tête de ses chars le Pharaon fut englouti grâce au bâton de Moïse autrefois,
merveilleusement, lorsqu’en forme de croix, il frappa la mer et la fendit, mais il
sauva Israël qui put fuir et passer à pied sec en chantant un cantique au Seigneur.
Tropaires
Ayant gagné l’immortalité, la vie éternelle, en toute vérité, comblé de la splen-
deur au triple éclat, intercède, Père saint, pour que mon âme enténébrée reçoive
l’illumination de la grâce ; dès lors je pourrai te chanter dignement.
En la plus tendre nouveauté de ta jeunesse corporelle, ayant pris la voie
nouvelle des vertus, pour échapper au danger tu y marchas, obéissant à la loi
nouvelle du Sauveur, Antoine trois fois heureux, et de l’Évangile suivant les
préceptes qui procurent la vie.
Sage Père, éclairé par la lumière du triple soleil, tu fis disparaître, bien-
heureux, les hostiles grondements des démons arrogants, la gueule béante des
lions, les peines, les tourments, comme toile d’araignée, embrasé que tu étais par
l’amour de ton Dieu.
Théotokion
Toute pure, jouissant du crédit que te confère ta divine maternité auprès de celui
qui par toi fut enfanté, le Fils unique, le Verbe qui du Père partage l’éternité,
consubstantiel au Saint Esprit, sans cesse implore-le pour qu’il sauve du péril
ceux qui te glorifient comme la Mère de Dieu.
Ode 3
Hirmos
Au commencement, par ton intelligence, tu affermis les cieux et tu fondas la
terre sur les eaux ; ô Christ, rends-moi ferme sur la pierre de tes comman-
dements, car nul n’est saint hormis toi, le seul Ami des hommes.
Tropaires
Par ta force d’âme et l’application de tes pensées ayant éteint la flamme des
passions, vénérable Antoine, tu as revêtu le brillant habit des impassibles et le
manteau du salut.
Alors que les démons s’enhardissaient dans la force redoublée de leurs as-
sauts et que des fauves ils imitaient l’aspect, tu méprisas leurs efforts im-
puissants, car tu avais pour défenseur le Puissant dans les combats.
Sur les principautés et les puissances des ténèbres l’ayant emporté par la
force de la tempérance, il a gagné son trophée de vainqueur Antoine le
théophore, gloire des ascètes et fierté des Moines saints.
Théotokion
Par la puissante vie qui de ton sein s’est manifestée au monde, Vierge imma-
culée, ressuscite mon esprit frappé de mort et guide-le vers la vie, toi qui brisas
les portes de la mort grâce à ton enfantement.
Cathisme, t. 8
Père saint, tu as porté la croix du Seigneur que tu suivis jusqu’à la fin, vers le
monde, en ta sagesse, tu n’as pas ramené ton esprit, par la tempérance et le travail
tu as mortifié les passions, et de toi-même tu fis un temple pour ton Seigneur ;
c’est pourquoi tu as reçu en récompense le don de guérir les maladies et de
chasser les esprits ; intercède auprès du Christ notre Dieu, pour qu’il accorde la
rémission de leurs péchés à ceux qui célèbrent avec amour ta mémoire sacrée.
Ode 4
Hirmos
C’est toi ma force, Seigneur, toi ma puissance, toi mon Dieu et mon allégresse ;
sans quitter le sein du Père, tu as visité notre pauvreté ; aussi avec le prophète
Habacuc je te crie : Gloire à ta puissance, seul Ami des hommes.
Tropaires
Utilisant, Père saint, l’échelle divine des vertus, vers le haut tu es monté et sur
elle tu vis Dieu s’appuyant pour répandre de sa généreuse main ses dons aux
fidèles chantant : Gloire à ta puissance, seul Ami des hommes.
À Dieu tu te consacras tout entier, t’unissant à lui par la vertu et seul à seul
conversant avec lui ; ta pureté te mérita sa divine manifestation ; car, te séparant
de la terre et de ses habitants, tu as trouvé la jouissance des cieux.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 507
L’âme et l’esprit purifiés, tu mis en évidence, Père saint, les funestes trompe-
ries, les perfides et cruelles machinations et les apparitions des ennemis ; car en
souffrant tu fus instruit, en apprenant tu instruisis tant de Moines après toi.
Théotokion
Implore le Dieu qui a pris chair de ton sein demeurant ce qu’il était, sans chan-
gement, égal au Père en sa divinité, devenu consubstantiel à toi qui l’enfantas,
pour qu’il accorde le pardon de leurs péchés ainsi que le salut de leurs âmes à
ceux qui te chantent de toute leur foi.
Ode 5
Hirmos
Pourquoi m’as-tu repoussé loin de ta face, Lumière inaccessible ? Malheureux
que je suis, les ténèbres extérieures m’ont enveloppé ; fais-moi revenir, je t’en
supplie, et dirige mes pas vers la lumière de ta loi.
Tropaires
En ta demeure abritant celui qui voit tout, le Dieu bienheureux qui te donnait la
sagesse, la lumière et l’instruction, Père trois fois heureux, tu méritas de con-
templer l’ascension des âmes pures et bienheureuses vers lui.
Père saint, le Christ t’a donné la grâce de guérir les diverses maladies et le
pouvoir de chasser les esprits impurs ; ayant triomphé de la nature, tu as pu
communier en effet aux charismes surnaturels de l’Esprit.
Théotokion
Nous qui t’avons comme rempart et sommes entourés de ta protection, de ta di-
vine gloire nous glorifiant, nous te disons bienheureuse : sur nos âmes, Toute
sainte, en effet, tu fais jaillir l’allégresse et la joie.
Ode 6
Hirmos
L’abîme de mes fautes, la houle du péché me troublent et me poussent violem-
ment vers le gouffre du désespoir ; tends vers moi ta puissante main et comme
Pierre sur les flots sauve-moi, ô divin Nautonier.
Tropaires
Selon les règles, à la façon des athlètes dès la tendre jeunesse tu entrepris ce
genre de vie que tu observas jusqu’à la fin et, comme un champion divin, du roi
de l’univers tu as reçu ta couronne de vainqueur.
508 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Théotokion
Tu relevas en toute vérité la nature humaine déchue, lorsque sans semence tu
conçus sans lui faire subir de changement, divine Mère, le Fils considéré comme
égal au Père en sa nature de Dieu.
Kontakion, t. 2
Le tumulte de ce monde, tu l’as chassé loin de toi pour mener une vie conforme
à la paix, imitant le Baptiste par tous les moyens ; c’est pourquoi, Père des pères,
avec lui, vénérable Antoine, nous te glorifions.
Ikos
Obéissant à l’appel du Christ, tu marchas à la suite de ses commandements, te
dépouillant de la vie et rejetant tout souci des richesses, des biens, des serviteurs,
Antoine théophore, et l’affection de ta sœur ; et tout seul dans le désert tu reçus
la grâce de la connaissance en conversant avec Dieu, Père des pères, envoie sur
moi cette grâce, alors je pourrai, vénérable Antoine, te glorifier.
Synaxaire
Le ciel possède-t-il plus illustre qu’Antoine
Lorsqu’il accueille en lui le grand, le premier Moine183 ?
Le dix-sept il reçut le ciel en patrimoine.
Ode 7
Hirmos
La condescendance de Dieu troubla le feu à Babylone autrefois ; c’est pourquoi
les Jeunes Gens dans la fournaise dansaient d’un pas joyeux, comme en un pré
fleuri et ils chantaient : Dieu de nos Pères, tu es béni.
Tropaires
Tes joues furent des coupes de parfum répandant la bonne odeur des vertus et les
arômes du salut comme senteurs d’un pré fleuri pour ceux qui chantent avec
amour : Dieu de nos Pères, béni sois-tu.
La grâce de l’Esprit saint, vénérable Père, t’habitant te fit chasser les esprits
du mal et par elle tu devins l’entraîneur des Moines, toi qui chantais : Dieu de
nos Pères, béni sois-tu.
Théotokion
Acclamons la toute-pure, la toute-sainte Vierge Marie : par elle en effet jaillit
sur nous la grâce des dons surnaturels comme d’un fleuve de divine bonté ; di-
sons-la bienheureuse en notre foi.
Ode 8
Hirmos
Sept fois plus que de coutume, dans sa fureur le tyran des chaldéens fit chauffer
la fournaise pour les fidèles du Seigneur ; mais lorsqu’il les vit sauvés par une
force plus puissante, il s’écria : Jeunes gens, bénissez votre créateur et votre ré-
dempteur et vous, prêtres, louez-le, peuple, exalte-le dans tous les siècles.
Tropaires
Par la prière ayant acquis le don de rester éveillé, par le jeûne la vigueur, et
l’endurance au milieu des tentations, vivant sur terre comme un Ange, pour Dieu
tu chantais dans la pureté de ton esprit : Jeunes gens, bénissez, et vous prêtres,
célébrez, peuple, exalte le Christ dans les siècles.
Grâce aux prières, à l’oraison, vénérable Père, de façon continue sans cesse
progressant vers Dieu, tu montas vers la sublime hauteur, évitant les pièges du
démon ; délivré de leur tyrannie, tu chantes, Père saint : Prêtres, célébrez le Sei-
gneur, peuple, exalte-le dans tous les siècles.
En nouveau Moïse tu dressas contre les ennemis le combattant, le trophée de
ton peuple dans le désert, toi, le chef de tous les Ascètes qui s’écrient dans
l’allégresse de leur vénérable vie : Prêtres, bénissez le Seigneur, peuple,
exalte-le dans tous les siècles.
Théotokion
Très sainte Mère de Dieu, de mon âme soigne les plaies, guéris les blessures du
péché, lave-les au flot qui jaillit du côté transpercé de ton Fils ; c’est vers toi que
je crie, vers toi je me réfugie, Pleine de grâce, et j’invoque ton nom.
510 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ode 9
Hirmos
Le ciel fut saisi de stupeur et les confins de la terre furent frappés d’étonnement
lorsqu’aux hommes Dieu s’est montré revêtu de notre chair ; et ton sein est de-
venu plus vaste que les cieux : ô Mère de Dieu, l’assemblée des Anges et des
hommes te magnifie.
Tropaires
Bienheureux Père Antoine, voici venue ta fête porteuse de clarté, pleine
d’allégresse spirituelle et de joie, de fragrance et de lumière, comblée par l’Esprit
saint : règle de l’ascèse et son législateur, nous tes disciples, nous jubilons.
Implore sans cesse le rédempteur, vénérable Père, pour qu’il accorde à tous
ceux qui célèbrent ta mémoire sacrée la rémission de leurs fautes, le partage des
charismes, la protection divine, le salut de leurs âmes et l’éternelle rédemption.
Comme un Ange sur terre ayant vécu, tu as trouvé l’angélique splendeur, car
tu participes à leur divin rayonnement et sans cesse tu jubiles avec eux, sommet
des Moines, Prophète divin et Témoin couronné.
Théotokion
Sans semence tu as conçu le Créateur, le Verbe de Dieu, sans la volonté de la
chair, et sans douleurs tu l’as enfanté virginalement : aussi d’une même voix et
d’un seul coeur, Mère de Dieu, nous te magnifiions.
Exapostilaire, t. 3
Dès la jeunesse, Père théophore, ayant pris une voie nouvelle et non frayée, avec
ardeur tu l’as suivie jusqu’au bout, sans retour, pour obéir à la loi nouvelle du
Christ et tu devins le premier maître du désert et le sommet des Moines saints.
Flambeau des flambeaux, entraîneur des Moines et leur chef (monastw'n
ajleivpth" kai; ajrchgo;") Antoine, gloire de l’univers, tu l’as été en enseignant tel
un stratège vaillant à ne pas craindre l’assaut des démons, lorsqu’on a dans le
Christ le destructeur inébranlable de l’erreur.
En un corps menant l’angélique vie, tu t’avanças comme un incorporel ; au
monde tu parus comme un luminaire éblouissant et sur tous les hommes tu
resplendis, Antoine théophore qui des Moines es la fierté, des Pères la gloire et
des Ascètes la splendeur.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 511
Laudes, t. 8
Antoine, Père vénérable, ayant pris sur tes épaules le joug du Christ, par la Croix
tu renversas la superbe de Satan et fis de chaque désert une cité grâce à ton
genre de vie ; fierté des Ascètes, tout à fait bienheureux, prie sans cesse le Christ
de nous prendre en pitié.
Antoine, Père vénérable, pour la vraie vie tu t’enfermas dans le tombeau, sans
craindre aucunement les assauts du Maudit ; ceux qu’il menait dans le vacarme, à
grand bruit, tu les fis disparaître par l’oraison ; chef de file des ermites, ayant
l’âme bien trempée, tous ensemble nous te glorifions et te disons bienheureux.
Réunis dans la foi, nous t’honorons, Antoine, comme ascète du Christ :
allégrement tu cheminas dans le désert dont tu devins le guide assuré ; c’est
pourquoi tous ensemble nous te disons : Fierté des Moines, tout à fait bien-
heureux, prie sans cesse le Rédempteur pour notre salut.
Antoine, par excellence Père saint, lorsque ton âme fut touchée par un
amour insatiable du Christ, loin du tumulte tu le cherchas dans le désert et lui
parlas seul à seul, uni à lui en esprit et comblé de clarté ; éclaire aussi les âmes
de ceux qui chantent pour toi184.
stichères) alors que le ménée grec et roumain en comptent quatre (pour le grec,
les deux premiers sont doublés, et les deux autres sont chantés une seule fois,
soit six stichères ; pour le roumain, chacun est doublé, soit huit stichères). La
litie slave ne comporte pas le stichère d’Anatole. L’ordre des stichères des apos-
tiches est différent (grec et roumain : 1, 2, 3 ; slavon : 1, 3, 2). Le 1er cathisme
semble propre au slavon ; le correspondant grec n’a pas été identifié ; le 3e ca-
thisme est différent du cathisme grec actuel. Dans l’usage slave, le polyeleos est
suivi d’un mégalynaire.
Le ménée slave précise le canon de la Mère de Dieu à dire avant celui
d’Antoine : celui du dimanche 2e ton. L’exapostilaire slave est également diffé-
rent de celui des éditions grecques actuelles186. Les laudes slaves comportent
seulement trois stichères, le premier étant doublé, alors que les laudes grecques
et les roumaines comptent quatre stichères.
Voici la traduction française des textes propres au ménée slave d’après
l’édition kiévienne de la laure Petcherskaïa, de 1893 (la réédition faite de nos
jours est identique).
Cathisme I, t. 4
Tu as poursuivi la connaissance de ton Seigneur, tu as vaincu le monde et tout ce
qui l’orne, très-bienheureux Antoine ; tu as souffert avec zèle l'épreuve du dé-
sert, et tu as combattu courageusement les légions des démons. Aussi louons-
nous toujours fidèlement ta mémoire par des chants.
Cathisme III, t. 8
Exemple de finesse pastorale, colonne et fondement des moines, tu as su paître
fermement ton troupeau spirituel ; car t'étant plu aux divins enseignements du
Christ, c'est en leur parole que tu t'es établi, vénérable ; aussi dans le zèle d'une
existence angélique tu as selon une sagesse unanime tout conduit à louer Dieu,
Antoine porteur de Dieu : prie le Christ Dieu d'accorder la rémission des péchés
à ceux qui honorent avec amour ta sainte mémoire.
Mégalynaire
Nous te magnifions, vénérable Père saint Antoine, célébrant ta mémoire sacrée,
modèle des moines et déjà sur la terre concitoyen des anges.
Exapostilaire
Tu t'es montré la lumière des simples, ayant appris à marcher à la lumière par les
sentiers de l'honneur, Antoine, Père des pères, et répandant désormais la flamme
de l'éclair tu calcines les légions des démons.
ment le Triode, pour marquer l’importance de cette fête pour le carême qui va
commencer le surlendemain.
Aux vêpres de ce jour, les deux seuls noms mentionnés sont Antoine, « le
coryphée », et Euthyme, « le lumineux » :
Venez, tous les fidèles, célébrons le souvenir des Pères vénérables et chantons An-
toine le coryphée (to;n korufai'on), Euthyme le lumineux, ainsi que tous et chacun,
et comme un autre Paradis parcourons les délices de leurs Vies (lucernaire, st. 1).
Le second stichère ne mentionne pas expressément de noms de personnes, mais
de lieux :
Réjouis-toi, Égypte de la foi, réjouis-toi, sainte Lybie, réjouis-toi, Thébaïde choisie.
Aux matines, deux tropaires des cathismes mentionnent des noms :
Cathisme I, t. 8, doxasticon
Ensemble chantons d'une même voix les premiers moines : Paul de Thèbes,
Antoine le Sage (tw/' sofw'/), Euthyme le Grand, et tous les autres Pères qui ont
suivi …
pendant 70 ans l’ermite apporta ce jour-là une double ration de pain191. Paul
demanda à Antoine d’aller chercher le manteau qu’Athanase lui avait donné afin
de l’ensevelir. Aussi est-il normal que quatre textes de l’office de saint Paul de
Thèbes mentionnent saint Antoine :
Dès ta jeunesse, Père saint, ayant abandonné toute société humaine, tu attei-
gnis, le premier, le désert absolu, surpassant tout solitaire, saint Paul, et tout le
temps de ta vie tu demeuras inconnu ; mais Antoine, sur l’ordre de Dieu, comme un
trésor caché te découvrit et te rendit célèbre dans tout l'univers (lucernaire, st. 2).
Menant sur terre, saint Paul, ton extraordinaire vie, tu habitas avec les
fauves et fus servi par un oiseau, vénérable Père, sur l'ordre de Dieu ; et lorsqu’il
vit cela, quand Antoine le Grand te trouva, il fut rempli d'étonnement et ne cessa
de magnifier la divine Providence, le Maître de l'univers (lucernaire, st. 3).
Comme un trésor spirituel et caché, vénérable Père, Dieu t’a révélé à
Antoine pour notre gloire et notre joie (canon de Jean Damascène, ode 9, tr. 1).
Divinisé par ta communion aux biens de Dieu, tu partages la divine compa-
gnie d’Antoine, Bienheureux ; avec lui souviens-toi de nous qui célébrons ton
souvenir lumineux et de tout cœur te vénérons, flambeau des Moines, saint Paul
(exapostilaire, tr. 1).
191 Cet épisode rappelle l’épisode du corbeau chargé de nourrir Élie au torrent de Kérit (3 R
17, 2-6). La Passion de saint Vincent l’évoque aussi (V. SAXER, Saint Vincent, diacre et
martyr, SH 83, Bruxelles 2002, p. 217).
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 517
De plus, les apostiches sont calquées sur celles de l’office de saint Antoine192.
Dans un kontakion inusité aujourd’hui, en l’honneur de saint Syméon le Sty-
lite, se trouve une allusion à Antoine193.
rende vainqueurs des charnelles passions et fasse de nous des temples de l’Esprit
saint, dans l’immensité de son amour196 (tr., t. 4).
10 juillet, saint Antoine des grottes de Kiev (983-1073)
Tu as suivi les pas d’Antoine le Grand, qui pour sa tranquillité habita le désert et
des Anges devint le compagnon ; toi-même, tu habitas la grotte, un lieu souter-
rain, et tu méritas de voir l’ineffable clarté ; et, puisque tu devais imiter sa vie,
des faits mêmes tu reçus le nom que tu portas ; avec lui devant la sainte Trinité
prie pour que nos âmes soient sauvées197 (apostiches, st. 1).
De l’Antoine qui brilla jadis tu t’empressas d’imiter en tout la vie ; lui, il ha-
bita tout seul dans le désert, et toi-même, dans une grotte tu as vécu en reclus,
inaccessible pendant de longues années198 (canon, ode 9, tr. 1).
208 M. HAYEK, Liturgie maronite. Histoire et textes eucharistiques, Paris 1964, p. 119.
209 M. HAYEK, ibid., p. 347.
210 P. DIB, Étude sur la liturgie maronite, Paris 1919, p. 151.
211 F. F. E. BRIGHTMAN, Liturgies Eastern and Western, t. 1 Eastern Liturgies, Oxford
1896, repr. 1965, p. 169 ; www.CopticChurch.net.
212 L. DEPUYDT, Catalogue of Coptic Manuscripts in the Pierpont Morgan Library, coll.
Corpus of Illuminated Manuscripts 4, Louvain 1993, n° 54, fol. 71r a-73v b, p. 96-97.
213 L. DEPUYDT, ibid., n° 51, fol. 34r b-35v, p. 74.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 521
fidèle, puisque tu as été fidèle en peu de choses, entre dans la joie de ton Sei-
gneur.
Tu es bienheureux, notre Père Antoine, tu as mené à bonne fin ta course, tu
aimas la retraite comme Élie, tu fus au désert comme Jean, tu vainquis les puis-
sances de l’adversaire, tu éteignis les flammes du mal, tu accomplis les souf-
frances des vertus, tu devins concitoyen du ciel, tu portas la couronne de la per-
sévérance. Ton nom resta connu pour la génération suivante.
Tu es bienheureux, notre Père Antoine, car tu fus un saint don de Dieu, de-
puis ton enfance, dans ta manière de vivre. Tu devins un modèle de vertu,
puisque tu fus revêtu de la pureté, le vêtement des anges, le parfum agréable au
Seigneur. Pour lui tu devins un fidèle serviteur avec ses anges dans la vie éter-
nelle.
La fierté des débutants est la couronne de la vertu. L’initiateur du mona-
chisme est le grand Antoine, le premier combattant de l’abstinence et de la vie
angélique. Il nous montra le chemin vers le Père des cieux, à travers sa vie
sainte, apostolique. Il devint pour nous un modèle dans la piété, il mena sa vie à
bonne fin tout en glorifiant Dieu. Prie pour nous le Seigneur, ô notre Père An-
toine, qu’il ait pitié de nous et nous pardonne nos péchés.
***
Psalie
Salut, ô Abba Paul, le Chef du désert,
Salut, ô Colonne lumineuse de vertu ;
Salut à celui qui a rejeté sa grande richesse :
Salut à celui qui a refusé toute la gloire de ce monde ;
Salut à celui qui a fondé la loi monastique
Et mis en œuvre les hautes vertus selon l’Esprit Saint ;
Salut à la charité parfaite et au juste témoignage
Auxquels le grand saint Antoine a rendu hommage.
Salut à celui qui a été trouvé digne de recevoir le pain du ciel
De la main de l’ange du Seigneur.
Salut au nouvel Élie, salut au nouveau Jean,
Car tu as aimé la solitude comme eux.
Salut à celui qui a aimé la solitude et la vie dans le désert,
Comme les lionceaux qui habitent les trous de la terre.
Salut à celui qui a été trouvé digne de sortir de lui-même,
Comme les saints et les troupes célestes.
Salut à toi, grand saint Antoine,
Dans le rite copte de la prise d’habit, le schéma est appelé « habit angélique »,
car selon une légende, c’est un ange qui a appris à saint Antoine comment le
porter232. L’admonition finale rappelle la vision de saint Antoine :
Reconnais mon frère, la mesure de la grâce que tu as atteinte en revêtant
l’habit des anges et en te faisant soldat du Christ, car tu marches à une grande et
noble guerre. Avant tout tu t’es renouvelé, et tu t’es purifié des œuvres mé-
chantes du siècle. Comme l’a dit le grand saint Antoine, Père des moines :
l’Esprit qui descend sur les saints fonts baptismaux descend sur l’habit des
moines et purifie celui qui se fait moine. Et ce grand saint Antoine poursuit en
témoignant qu’il lui a semblé dans une vision que son âme avait quitté son
corps ; on retenait son âme dans les airs, et on voulait compter avec lui dès son
enfance. Mais une voix du ciel dit : « Dès son enfance jusqu’au moment où il
s’est fait moine, je lui pardonne tout et je lui remets ses péchés à cause de son
entrée dans la vie monastique. Mais depuis le moment où il s’est fait moine,
comptez avec lui ». Aussi on compta avec lui et on le trouva sans reproche, ver-
tueux devant Dieu et opérateur de bonnes oeuvres233.
« Le synaxaire des coptes est aujourd’hui – ce qu’il n’a peut-être pas été à
l’origine – un livre cultuel : il doit être lu après la lecture des Actes en arabe, au
cours du service eucharistique ou, si c’est un jour sans eucharistie, la veille au
soir, pendant l’office de l’encens, après la lecture en arabe de l’Évangile234. »
***
Jean-Baptiste me parlait »
Notre Père Abba Paul.
237 Nous remercions E. FRITSCH pour tous les renseignements sur la liturgie éthiopienne et
la traduction des textes concernant saint Antoine. R. ZARZECZNY prépare une édition de
tous les textes liturgiques éthiopiens dédiés à saint Antoine, qu’il a relevés (OCP 2013,
p. 42, note 42).
238 HENOK, The Witness to the Choir Execution, The Ziq antiphonary, 1996 E.C./2004 A.D, s. l.
239 Cf. B. VELAT, Études sur le Me'eraf, Commun de l'Office divin éthiopien, PO 33 et 34,
1966.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Prières liturgiques 537
1) Cf. Henok, p. 266, pris à l’office du 24 Nahase pour Abuna Takla Haymanot
Wazema ba-ahadu
Alléluia!
Tu (Dieu) as affermi les montagnes par ta force,
Elles sont ceintes de force !
Cet homme est notre maître :
Père, prie pour nous.
8) Cf. 12 Tahsas pour Abuna Samuel, p. 89b dans Ziq of Tasfa Gabra Sellase
Meltan (i. e. tropaire)
Tu es l’étoile brillante du désert et du lieu éloigné :
Prie, Père (Abba), et supplie, grand prêtre et ange compagnon de Michel
(Samuel de Wali, ou ici Antoine, est prêtre parce qu’intercesseur ; et il est ange
parce que compagnon de saint Michel puisque tous deux sont commémorés ce
jour).
Vraiment Antoine (Samuel dans le texte à adapter) survécut à l’épreuve.
12) P. 141b (incipit d’un texte indiqué le 5 Maggabit, mais non trouvé)
Salut à la tombe d’Abba Antoine ….
13) P. 141b (incipit d’un texte indiqué le 7 Hedar, mais non trouvé).
Salut à vous, Antoine et Macaire,
Salut à vous, ô fleuves de l’Évangile! …
14) P. 141b
Meltan (i. e. tropaire) :
Aujourd’hui les anges emportèrent ton âme en gloire de la terre jusqu’aux cieux
En disant : « Gloire au plus haut du ciel ! »
Vraiment Antoine est le fondement !
15) P. 141b
Une antienne Esma la-‘alam
Rendons grâces au Père, le Dieu unique,
Et au Fils unique de Dieu
Qui est descendu, a pris chair et a été envoyé.
Couronne des martyrs, espérance des moines, qui ordonne les prêtres :
Le Christ est venu vers nous et a revêtu la chair corruptible.
16) P. 218a
Araray
Il est descendu des cieux afin de nous sauver.
Il est né de Marie afin de nous racheter.
C’est lui que Jean a baptisé et dont il n’a pu comprendre la requête.
Il fut baptisé dans le Jourdain.
540 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
21) cf. 1er Maskaram, p. 4, sur le modèle de Yohannes kebur et p. 95a, pour Sa-
muel, le 12 Tahsas :
Zemmare
Le pain venu du ciel
Leur a été donné :
Don précieux !
243 Je remercie P. E. FRITSCH de l’avoir vérifié dans les livres liturgiques : Gessawe,
Deggwa, Ziq.
542 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dans l’anaphore de nos saints pères apôtres, l’une des quatorze anaphores
du missel éthiopien, au cours de la bénédiction sur le peuple, l’intercession de
« notre père patriarche, le grand et juste abba Antoine » est invoquée avant celle
du « juste abba Paul, de nos pères les deux Macaire, de nos pères abuna Bisai et
abuna Jean, et de nos pères abba Moïse et abuna abba Pachôme244 ».
3e partie
AUTRES PRIÈRES BYZANTINES
RELATIVES À SAINT ANTOINE
Il s’agit soit de textes anciens, inusités actuellement ou en usage local, soit de
textes nouvellement composés pour un usage particulier.
D’autre part, nous avons recueilli quatre acathistes de saint Antoine : deux
roumains, du début du XXe siècle, et deux grecs, du XXIe siècle.
Acathistes
1. Acathiste roumain composé par l’archimandrite Mélèce (Neamţ 1928)
2. Acathiste roumain composé par moine Petru Pavlov (Ploieşti 1933)
3. Acathiste grec composé par l’archimandrite L. Chatzicostas (Chypre 2002)
4. Acathiste grec composé par C. M. Bousias (inédit, Athènes 2009)
245 Analecta Hymnica Graeca e codicibus eruta Italiae Inferioris, éd. I. SCHIRO, t. V,
A. PROIOU, Canones Januarii. Instituto di studi bizantini e neoellenici, Rome 1971,
p. 279-308. Trad. française par M.-M. KRAENTZEL.
544 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Théotokion
Même sans le vouloir je commets le terrible,
J’ai sans cesse l’assistance de l’habitude mauvaise.
Maîtresse toute sainte,
Préviens, comme tu le sais, sauve-moi
De la captivité
Et de l’assaut des passions.
246 Tous les hirmi de ce canon sont de Jean le Moine. Seuls les premiers mots sont indi-
qués. Les hirmi des odes 1, 3, 4, 5, 6, 7, 9 sont ceux qui se trouvent actuellement dans
l’Octoéque, pour le dimanche, t. 2. Leur texte grec se trouve dans l’hirmologion édité
par S. EUSTRATIADÈS, Chennevières-sur-Marne, 1932, n° 46, p. 34-35. Le texte grec de
l’ode 2 appartient au n° 55, p. 41, celui de l’ode 8, au n° 46, p. 35.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 545
Théotokion
Comment pleurerai-je assez mon indifférence ?
Comment laver la tache de la faute qui est en moi ?
Je vis avec l’impiété.
Vierge toute sainte, fais-toi mon Guide,
Donne-moi la main pour la route,
Qu’elle me conduise divinement,
Secours des hommes
Quand l’âme est contrite.
Tu y es devenu, Théophore,
Comme citoyen de la métropole d’en haut.
Le premier citoyen par excellence
De luttes gigantesques en ascèse,
Tu es venu à bout
Et tu as mis à nu pour tous, ô Vénérable,
Les ruses des démons.
Supplie que nous en soyons délivrés.
Tu es devenu le vase,
Père vénérable,
De l’Esprit de sainteté,
Soumettant les esprits du mal
Aux puissances divines,
Fleuron des ascètes.
Théotokion
Avec sincérité je te dépêche en ambassade,
Seigneur,
Ta Mère immaculée.
Par elle, Sauveur, aie pitié de moi
Et accorde une embellie à mon cœur.
Théotokion
Enceinte, ô Immaculée,
De l’abîme de compassion,
Assèche par tes interventions
L’abîme de mes passions
Et la mer de ma faute,
Veuille accorder
Une embellie céleste.
Théotokion
La médiatrice près de Dieu,
Le refuge des indigents,
Le salut des pécheurs,
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 549
Sauve-moi, sauve,
Jeune fille, je péris,
Un triple flot de passions m’assaille,
Ne me dédaigne pas, ô Pure, toute bonne.
Théotokion
Tu as enfanté le très juste juge
Qui va me juger selon mes œuvres.
Par tes supplications libère-moi
De la condamnation, Vierge chantée partout.
Enflammé au feu
De la faute
Et réduit par la brûlure
De la paresse, rafraîchis-moi,
Vénérable, de l’aspersion
De tes prières,
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 551
Devenu soigneur
Des moines,
Prépare-moi
Aux terrains divins de l’ascèse,
Me délivrant
De la méchanceté des démons
Et allégeant, Père,
Le pesant collier de ma négligence.
Théotokion
Mon Dieu et Seigneur,
Par les entrailles de pitié,
Incarné d’une Vierge
Tu m’as porté,
Toi-même, par les invocations
De ton vénérable,
Emplis mon cœur de lumière
Et de joie, pour que je te glorifie.
Tu as fait trébucher
D’ennemis invisibles
Les élans funestes.
Mais je t’en prie, Père,
Bouleversé maintenant
Et alléché par eux
Affermis-moi sur le roc
Des commandements de Dieu.
Ta mémoire, Vénérable,
A illuminé les confins
Et des chœurs de moines
Brillent de foi.
De la hauteur bénis, Théophore,
Tes chantres
Qui s’y appliquent avec désir
Et libère-les des dangers.
Mon âme, convertis-toi,
Fais pénitence avant la fin,
Le juge siège déjà
Aux portes.
Gémis des profondeurs
Et pleure avec douleur
Lui adressant ce cri :
Ami des hommes, épargne-moi
Par l’intervention de ton Vénérable.
Sainte Fiancée de Dieu,
Sainte Vierge Mère,
L’espérance sûre
De ceux qui recourent à toi,
Affermis nos cœurs
Sur le roc infrangible
Des volontés
Du Christ notre Dieu
Et Sauveur de nos âmes.
Théotokion
Sans cesse, Mère de Dieu,
Supplie celui [qui a été] fait chair
De toi par une parole indicible,
Dieu, que de toute adversité
Tes serviteurs soient libérés.
Triadique
Gloire à toi, Roi des siècles,
Dieu en trois personnes à qui vont les hymnes.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 555
Théotokion
Vierge, Mère du Verbe-Dieu,
Supplie sans cesse que nous soyons sauvés.
Tu as terminé ta course,
Règle des moines,
Et tu as gardé la foi.
556 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Théotokion
Chantons tous
La Vierge sainte,
Elle est la porte du salut254,
Jardin de délices,
Nuée de la lumière sans fin :
Elle intervient,
Pour que nous soyons sauvés.
Théotokion
Réjouis-toi de nos souhaits, sainte Mère de Dieu,
Tu as enfanté au monde la joie,
Réjouis-toi, unique secours des hommes
Et salut de nos âmes.
Théotokion
Vierge après l’enfantement, nous te chantons,
Mère de Dieu,
Tu as porté en chair pour le monde
Le Verbe Dieu.
Triadique
Tu as proclamé, Antoine,
L’unique nature de la divinité
En trois personnes,
Théologien de l’un de la Trinité
En deux natures
Tu t’es écrié : Dieu, tu es béni.
Célébrant, fidèles,
La fête anniversaire
D’Antoine, nous adressons nos hymnes
Au seul Tout-puissant.
Le Sauveur,
Que nos âmes soient sauvées.
Théotokion
Prêtres, bénissez Dieu
Né pour nous d’une Vierge
Aux derniers temps,
Peuple, exaltez-le pour tous les siècles.
Tu as exercé vaillamment,
Antoine, toute essence de vertu,
Tu es devenu soigneur des ascètes
Maintenu sans tache de sang,
Témoin
Chantant : Bénissez le Seigneur, ses œuvres,
Exaltez-le pour les siècles.
Aurige, Père,
Du véhicule sans joug des vertus,
Comme Élie tu as été enlevé257
De terre, Antoine,
Familier du ciel,
Chantant : Bénissez le Seigneur, ses œuvres,
Exaltez-le pour les siècles.
256 Dn 3, 57.
257 Cf. 4 R 2, 11.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 561
Théotokion
Tu es, Mère de Dieu, notre armure et notre rempart,
Tu es la protection
De ceux qui recourent à toi.
Maintenant encore nous te dépêchons en ambassade
Pour être délivrés de nos ennemis.
Théotokion
Sauve-moi, Mère de Dieu,
Qui as engendré Christ le Sauveur, seul
Dieu et homme,
Double de nature
Non de personne,
Seul engendré du Père
Et de toi, premier-né
De toute la création,
D’où sans cesse tous nous te magnifions.
Théotokion
Tu as été montrée, très pure Mère de Dieu,
Plus sainte que les Chérubins
Et plus vaste que les cieux,
Car tu as donné place en ton sein
À l’auteur du tout.
Tu as accompli la loi
Du Christ, ton législateur
En prenant ta croix
Sur tes épaules, Antoine259,
Et tu proclamais
L’hymne des anges, « Saint,
Saint es-tu Seigneur260 ! ».
Théotokion
Tu as enfanté Dieu, seule,
Cachée aux lois de la nature,
Seule tu es restée vierge,
Tu as échappé aux couches
Et n’as pas connu le propre des femmes.
Tu as enfanté Dieu, Vierge :
Interviens, que nous soyons sauvés.
Théotokion
Tu as enfanté le trésor de la grâce
Et seule des femmes tu es restée vierge
Non dépouillée de la richesse de la virginité,
Génitrice de Dieu, l’espérance des fidèles.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 565
À l’imitation d’Élie,
Le prophète,
Tu as reçu le don, Vénérable,
De guérir les maladies.
Théotokion
Vierge après l’enfantement, nous te chantons,
Mère de Dieu,
Tu as porté en chair pour le monde
Le Verbe Dieu.
Théotokion
Toi qui as enfanté le Seigneur et Dieu
Sans semence, Irréprochable,
Ne cesse pas d’intervenir,
Que la vie de ceux qui te louent
Soit paisible.
Antoine
A vaincu
La séduction des idoles
Te criant dans le désert
Tu es béni pour les siècles,
Seigneur, le Dieu de nos pères.
Théotokion
Toi qui as habité
Dans le sein de la Vierge
Et en elle
As remodelé Adam
Tu es béni pour les siècles,
Seigneur, le Dieu de nos pères.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 567
Théotokion
Réjouis-toi, vase d’or,
Qui as accueilli la manne, le Christ,
Réjouis-toi, Mère sans l’homme,
Qui as enfanté notre Dieu.
Théotokion
Réjouis-toi, Mère de Dieu, notre armure et notre rempart,
Réjouis-toi, tout entière lumineuse
Nuée du Soleil262,
Réjouis-toi, tout entière véhicule de la divinité,
Réjouis-toi, arche de la sainteté263.
À VÊPRES
Au lucernaire, 8 st. : 4 st. du ménée et 4 autres anciens st., t. 4
Tu brilles, en tant que premier moine, très brillante étoile, et source de la com-
ponction, tu es apparu comme rempli d’amour, bienheureux Antoine, compatis-
sant et humble, du désert le premier habitant, sage fondateur ; c’est pourquoi, le
Christ t’a glorifié dans le monde, comme Moïse et Élie, et Élisée.
Comme une très lumineuse étoile, et même comme un soleil inaccessible, tel
un ciel animé des divines merveilles, comme paré d’étoiles, comme odoriférante
prairie, comme paradis de délices, comme source de la sanctification, comme
éminent médecin des malades, comme pasteur des moines, et notre protecteur,
nous t’honorons, Antoine.
À MATINES
Deuxième canon, t. 4, avec l’acrostiche : Pour l’admirable Antoine je vais par-
ler. Antoine.
Gloire au Père…
Toi, tu as aimé Dieu, l’auteur de toute chose, et tu as quitté le monde, c’est
pourquoi il est devenu ton père, et de manière manifeste, ton protecteur et veil-
leur, Antoine, en te guidant pour accomplir son bon plaisir.
Et maintenant…
Toi, Maître, qui es issu du Père sans mère, et de la Mère Immaculée sans père, tu
as renouvelé, en tant qu’ami de l’homme, ma nature toute entière, à moi le mal-
heureux, elle qui était corrompue par les suggestions du mauvais.
Par la loi de Moïse, le peuple des Hébreux est devenu familier de Dieu, et
toi, par tes peines, Père Antoine, tu as consacré à Dieu la multitude des moines,
ne cessant de l’accroître.
Gloire au Père…
Le monde tout entier, Père, chante tes merveilles, les rois et les prêtres, ainsi que
la foule des saints moines, magnifiant Dieu qui t’a honoré.
Et maintenant…
Vierge épouse de Dieu, l’auguste choeur des prophètes montrait clairement
l’accomplissement des anciennes figures de ton enfantement, et le voyant réali-
sé, nous nous réjouissons.
Gloire au Père…
Consumé par le feu de l’amour pour le Sauveur, tu as éteint, Vénérable Antoine,
la flamme ingouvernable de la chair, et, dans la joie, tu t’es écrié : Gloire à ta
puissance, Seigneur.
Et maintenant…
Ô Vierge, veille, depuis le ciel, à me délivrer de la paresse causée par des dé-
mons, et par l’empressement à observer les commandements de ton Fils, garde-
moi la de perversité bigarrée de ces derniers.
Gloire au Père…
Ayant acquis la vive acuité du regard intérieur de l’âme, Antoine, tu mettais au
grand jour ce que contenaient les cœurs des hommes.
Et maintenant…
Tu as engendré Dieu, au-delà de ce qui est raisonnable et intelligible, et tu es
restée vierge, pendant comme après l’enfantement, toute Pure, remplie de divine
grâce.
Gloire au Père…
Ayant mesuré la fermeté de ton intention, le Rusé, cherchant à t’amollir, t’a glo-
rifié par des louanges et a fait ton éloge, alors que tu ne le voulais pas, mais c’est
toi, Antoine, qui l’as frappé.
Et maintenant…
Les blessures de mon âme, ô Vierge, soigne-les, par les prières du sage Antoine,
je t’en supplie, et par celles de Simon, celui qui a passé sa vie à l’Athos266.
266 Tropaire adapté aux besoins du monastère athonite de Simonas Petra, qui peut être
adapté à chaque usage local.
267 Cf. Is 49, 16.
268 Jeu de mots sur sch'ma : « forme » et « habit monastique ».
572 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Gloire au Père…
Force et puissance, pour ceux qui honorent avec foi ta sainte mémoire, sage An-
toine, demande-les, par tes prières à Dieu, car, de fait, tu en as le pouvoir.
Et maintenant…
À toi qui es plus élevée et supérieure à toute la création, je te crie le : « Réjouis-
toi ! », ô Mère du Rédempteur, par qui le genre humain est délivré de la malé-
diction et a obtenu la vie éternelle.
Et maintenant…
Belle, parfaite, immaculée, tu as porté dans ton sein celui qui est la perfection en
beauté, le Christ qui a relevé la race corrompue des hommes, par la tromperie de
notre terrible et amer ennemi.
Gloire au Père…
En réalité, l’Église du Christ tout entière est remplie de joie aujourd’hui, ô sage,
car elle célèbre ta mémoire et s’adresse à haute voix au Dieu tout puissant en
criant : Nous te magnifions, trois fois Saint !
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 573
Et maintenant…
Toi, gloire de l’Église, rempart du Royaume, Vierge, tu es notre Souveraine et
nous te crions : Garde ce bercail, que ton dévoué Denys t’a confié269.
Ode 1
Hirmos
À la tête de ses chars le Pharaon fut englouti grâce au bâton de Moïse autrefois,
merveilleusement, lorsqu’en forme de croix, il frappa la mer et la fendit, mais il
sauva Israël qui put fuir et passer à pied sec en chantant un cantique au Seigneur.
269 Il est fait ici mention de saint Denys, le fondateur de Dionysiou ; il faut donc adapter
pour chaque monastère en mentionnant ici le nom du fondateur ou laisser anonyme.
270 Cf. L. PETIT, Bibliographie des acolouthies grecques, SH 16, Bruxelles 1926, p. XVI.
271 SÉRAPHIM DE BYZANCE, Pneumatiko;" Kh'po", Constantinople 1863, p. 90-96.
574 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Tropaires
Manifestement parvenu à l’immortalité de la vie de l’éternité et rayonnant de
l’éclat du triple soleil des hypostases, par la lumière de la grâce, prie instamment
que mon âme enténébrée soit illuminée, Père des Pères, Antoine.
Ayant commencé jeune quand le corps est vigoureux à marcher sur une voie
nouvelle de vertu, Père, tu t’es élancé de manière sûre vers les Cieux, Antoine,
suppliant le Sauveur pour ceux qui célèbrent ta Mémoire avec foi et amour, toi
tout à fait bienheureux.
Brillant sans cesse de l’éclat des trois hypostases, très Vénérable, éloigne,
Antoine, de tes serviteurs, par tes divines intercessions, toute hostilité arrogante
des démons, l’insolence des ennemis et les assauts des maladies.
Théotokion
En tant que Mère de Dieu qui bénéficies, toute Pure, de la liberté de parole au-
près de ton Enfant, l’unique Verbe engendré dépendant du Père et consubstantiel
à l’Esprit, ne cesse pas de prier pour sauver des maladies qui sont à redouter et
des afflictions, ceux qui te glorifient avec foi pour ta condition.
Ode 3
Hirmos
Au commencement, par ton intelligence, tu affermis les cieux et tu fondas la
terre sur les eaux ; ô Christ, rends-moi ferme sur la pierre de tes commande-
ments, car nul n'est saint, hormis toi, le seul Ami des hommes.
Tropaires
Par un raisonnement musclé et une ferme pensée, tu as méchamment brûlé la
flamme des passions, tu circonviens les Cieux, Antoine digne d’être chanté, par
tes suppliques pour nous qui te chantons des hymnes avec amour.
Puisque tu as été vainqueur, Sage, des très puissantes attaques des insolents
démons, qui imitent aussi les pulsions des bêtes sauvages, fortifie-moi donc aus-
si pour arriver à mépriser ainsi leurs ruses et leurs machinations.
L’initiateur de ceux qui mènent la vie solitaire, ayant triomphé des puis-
sances des ténèbres par une abstinence continuelle, Antoine devint un réel vain-
queur suppliant en tout temps Dieu pour les fidèles qui pratiquent la vraie foi.
Théotokion
Ressuscite, Toute Pure, par la puissance de la Vie qui, sortie de toi, s’est révélée
au Monde, mon esprit complètement nécrosé et conduis-le sur le chemin de la
vie. Toi, en effet, par la force de ton Fils, tu as renversé l’Hadès.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 575
Ode 4
Hirmos
C’est toi ma force, Seigneur, toi ma puissance, toi mon Dieu et mon allégresse ;
sans quitter le sein du Père, tu as visité notre pauvreté ; aussi avec le prophète
Habacuc je te crie : Gloire à ta puissance, seul Ami des hommes.
Tropaires
Ayant utilisé la divine échelle des vertus, toi, Père, tu t’es élevé vers les célestes
demeures et tu as clairement vu Dieu : maintenant implore-le humblement, An-
toine, pour tes serviteurs, d’obtenir le salut et la rémission de toutes les souil-
lures et corruptions de leurs âmes.
T’étant tout entier soumis à Dieu, ô Antoine, seul pour le seul, tout digne
d’être honoré, unifié par la vertu et influent, parce que tu as été jugé digne en
échange des terrestres réalités, d’avoir dignement jouissance des célestes réali-
tés, préside, par tes divines intercessions, au salut de ceux qui te chantent avec
foi.
Souillé dans mon esprit et mon âme, Vénérable, moi l’infortuné, proie du
mensonge qui domine mes pensées et des fantasmagories permanentes des hos-
tiles ennemis, c’est vers toi que maintenant je me réfugie, toi mon ardent protec-
teur, espérant, grâce à tes intercessions, obtenir le salut.
Théotokion
Implore le Dieu qui a pris chair en toi, lui qui demeure sans changement ce qu’il
était, à la fois consubstantiel au Père en personne et devenu semblable à toi qui
l’as engendré, de nous accorder, à nous qui te chantons, Vierge, le salut de nos
âmes et la santé de nos corps.
Ode 5
Hirmos
Pourquoi m’as-tu repoussé loin de ta face, Lumière inaccessible ? Malheureux
que je suis, les ténèbres extérieures m’ont enveloppé ; fais-moi revenir, je t’en
supplie, et dirige mes pas vers la lumière de ta loi.
Tropaires
Ayant avec toi comme habitants tous ceux qui mènent la vie solitaire, et peu-
plent l’arche de Noé, et recevant en échange la céleste gloire, Antoine, souviens-
toi de ceux qui, avec foi et amour, te célèbrent dans des hymnes et rends-les
dignes de cette gloire.
576 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Théotokion
Nous qui sommes riches du fait de ta protection et pouvons toujours nous glori-
fier de ton intercession, Fiancée, éternellement nous te chantons dans des
hymnes et t’honorons avec amour. Tu es en effet, Vierge, l’unique espoir, rem-
part, fierté, honneur et gloire des fidèles orthodoxes.
Ode 6
Hirmos
Je répands ma supplication devant Dieu, au Seigneur j’expose mon chagrin, car
mon âme s’est emplie de maux et ma vie est proche de l’Enfer, au point que je
m’écrie comme Jonas : De la fosse, Seigneur, délivre-moi.
Tropaires
Pour avoir pris l’habitude, dès la plus tendre enfance, de mener une vie ascé-
tique, ô Père, tu as été jugé digne de la divine gloire, et en tant que divine figure
de proue, tu as reçu en échange la couronne de la victoire, toi qui ne cesses
d’intercéder pour nous.
Ayant en toi auprès de Dieu, demeure de l’Esprit divin, un puissant interces-
seur qui des dangers nous libère, protège et défend, quand nous avons recours à
toi, nous sommes délivrés de tout ce qui arrive à l’improviste, maladies et cor-
ruptions de toutes sortes.
Devenu très puissant sur la terre pour faire de divins miracles, tu chasses
sur-le-champ les mauvais esprits des ténèbres et tu guéris, Antoine, nos nom-
breuses maladies et souillures de l’âme et du corps.
Théotokion
Puisque tu as relevé tout à fait véritablement la nature déchue des hommes, ô
Fiancée toute sainte, en donnant le sein à Dieu, supplie-le donc sans cesse pour
nous d’obtenir la rémission de nos fautes, ô toute Pure.
Antoine, chef et gloire de ceux qui mènent la vie solitaire, souviens-toi, dans
tes incessantes prières, de nous qui te célébrons en des hymnes avec foi.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 577
Théotokion
Toute Pure, toi qui par une parole, de façon inexplicable, as conçu le Verbe272…
Puis le Kondakion, t. 2
Illuminé par l’inaccessible lumière, comme un astre tu brillas dans le désert,
digne de toute louange. C’est pourquoi aussi, ayant renoncé aux agitations tem-
porelles et ayant pris la croix sur tes épaules, tu illumines par tes enseignements,
Antoine, ceux qui s’approchent de toi avec piété.
Prokimenon, t. 4
Elle est précieuse aux yeux du Seigneur la mort de son Saint.
Verset : Que rendrons-nous en retour au Seigneur pour tout ?
Évangile selon Luc 6, 17-33 : « En ce temps là, Jésus se tint dans un endroit
plat. »
Gloire au Père…
Par les prières de Ton Saint, aie pitié,…
Maintenant…
Par les prières de la Mère de Dieu, aie pitié,…
Verset : Aie pitié, ô Dieu, en ta grande bonté, en ton immense miséricorde aie
pitié de moi, efface mon péché.
Ode 7
Hirmos
Les jeunes gens venus de Judée à Babylone foulèrent jadis par leur foi dans la
trinité la flamme de la fournaise en chantant : Dieu de nos Pères, béni sois-tu.
272 Le texte grec n’indique que les premiers mots de ce tropaire connu de tous les chantres.
578 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Tropaires
273
Juste comme le palmier dans la maison du Seigneur, ô Père, tu as produit des
fruits de justice dont ceux qui te célèbrent se nourrissent en chantant : Tu es bé-
ni, Dieu de nos Pères.
Rempli, Père, du lumineux souffle du divin Esprit, tu chasses les esprits,
guéris les maladies de ceux qui avec ardeur viennent à toi, et se prosternent avec
foi devant ta divine icône.
Pour mes actions insensées, sans discontinuer, elles sont venues, Antoine,
les larmes de mon âme misérable, vaincue par la fange des passions et afflic-
tions ; ne méprise pas ton serviteur, mais aie pitié de moi.
Théotokion
Marie, Mère de Dieu, tu as porté dans ton sein celui qui, pour tous les siècles,
s’est fait semblable à nous par extrême compassion, afin de sauver ceux qui
chantent : Tu es béni, Dieu de nos Pères.
Ode 8
Hirmos
Le roi des cieux que chantent les célestes armées, louez-le, exaltez-le dans tous
les siècles.
Tropaires
Tout à fait heureux Antoine, au plus haut des cieux avec les chœurs angéliques,
sauve par tes suppliques tous ceux qui te célèbrent.
Ô Père qui offre des hymnes incessantes de supplication pour la Création,
souviens-toi de ceux qui te célèbrent avec foi.
Laisse couler, ô Père, pour nous tes serviteurs, le bienfait de divines larmes,
et éloigne par tes suppliques les accidents de toute sorte qui sont à redouter.
Théotokion
Génitrice de Dieu, guéris au plus vite les passions et blessures de mon âme, et
fais disparaître les marques de mon péché.
Ode 9
Hirmos
À juste titre nous te reconnaissons pour la Mère de Dieu; par toi nous avons
trouvé le salut : ô Vierge immaculée, avec les chœurs des Anges nous te magni-
fions.
Tropaires
Honorant parfaitement, par divine inspiration, ta divine mémoire, Père des
Pères, vénérable Antoine, nous sommes tout remplis d’une joie et d’une gloire
infinies.
Ne cesse pas de supplier le Dieu de l’univers, très auguste Père Antoine,
qu’il accorde la rémission des fautes à nos âmes.
Ils obtiendront la guérison des maladies ceux qui courent avec amour à ton
icône, très Vénérable, et qui te célèbrent avec amour et foi.
Théotokion
Vierge Mère, tu es de mon âme la force, de mon esprit l’espoir dont on ne rougit
pas, de mon cœur, la lumière, la vie et la consolation.
Théotokion
Avec ardeur chantons joyeusement louange à la toute digne de nos chants ; avec
le Précurseur et tous les saints, Mère de Dieu, prie le Seigneur de nous prendre
en pitié274.
274 Le texte grec n’indique que les premiers mots de ce tropaire connu de tous les chantres,
car il est chanté pendant l’encensement à la fin de la paraclisis de la Mère de Dieu.
580 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
***
276 Il s’agit d’Antoine, ascète et thaumaturge, qui vécut dans le skite de Bérée, en Macé-
doine à une époque incertaine, fêté aussi le 17 janvier. P. 42-47 se trouvent successive-
ment les synaxaires de saint Antoine le Grand, de saint Mercure, d'Antoine le Nouveau
et du néo-martyr Georges de Ioannina.
582 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
277 Composés au Saint Mont Athos par Athanase, hiéromoine de Simonos Pétra, Hymno-
graphe de la Grande et Sainte Église du Christ, en mémoire du révérend archimandrite
Païsios de Philothéou, higoumène du saint monastère de Saint Antoine en Arizona (USA).
278 Le ton 2 offre des tropaires tirés des apophtegmes d’Antoine 3, 4, 5, 10, 11 ; le ton 3,
d’Antoine 33 ; le ton 6, de Macaire 4 et d’Antoine 32 ; le ton 7, d’Antoine 1, 2, 13, 17,
21, 22, 25, 26.
279 Cf. 1 P 3, 8.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 583
TON 1
Premier canon dont voici l’acrostiche280 :
« À toi la louange, Antoine, père des moines. A(thanase) »
Ode 1
Hirmos
Ta droite victorieuse, magnifique en sa force, s’est couverte de gloire, car, ô
Seigneur immortel, grâce à ta puissance, elle a broyé les ennemis en ouvrant
pour Israël une voie nouvelle au profond de la mer281.
Tropaires
Toi, chef des moines, Antoine, l’assemblée des frères de ton Monastère, qui par
des hymnes t’adresse sa louange, demande aujourd’hui avec amour, tes pater-
nelles prières et intercessions, pour honorer ta vie.
Le Sauveur éperdument épris des âmes, désireux du salut de tous, t’a appelé,
vénérable Antoine, toi, disponible en pleine jeunesse, et il t’a consacré, guide
d’une multitude de saints ascètes.
Toi, bienheureux, pour que tu sois manifesté comme parfait observateur du
commandement du Christ, tu as distribué tous tes biens, donnant le reste aux
pauvres, pour vivre dans la pauvreté, dépouillé de tout, Antoine.
Théotokion
Phare de la pureté et très sainte terre es-tu, Toute Pure, devenue semblable à
Dieu, qui, de manière incomparable, as honoré la pureté et l’as clairement pro-
posée en exemple à la race des hommes.
Ode 3
Hirmos
Toi qui seul connais la faiblesse de la nature humaine, lui étant devenu sem-
blable dans ta compassion, revêts-moi de la force d’en haut282, pour que je
chante devant toi : saint est le temple spirituel de ta gloire immaculée, Seigneur
ami des hommes.
Tropaires
Véritable réceptacle du feu divin en ton cœur, Antoine, c’est au désert que, brû-
lant d’ardeur, tu as fait ta demeure, pour être dévêtu du manteau d’Adam, et
pour revêtir le Christ283 par l’ascèse, devenant pour nous le modèle à jamais par-
fait.
T’étant éloigné au désert, tu te tiens sagement éloigné de tout, recherchant
Celui pour qui ton cœur a brûlé, et, comme un tranquille passereau, tu t’es écrié :
Quand me reposerai-je à contempler ta face284, Seigneur, et ferai-je ma demeure,
Saint, dans les tabernacles de ton divin royaume ?
Pour mortifier de la chair les passions, en un tombeau, toi-même tu t’es en-
fermé, pour t’adonner à la mortification porteuse de vie, tenant ferme, illustre
Antoine, luttant à forces égales dans le corps à corps, avec ceux dont, par tes
prières, tu as mis en fuite les corps de troupes.
Théotokion
Victorieuse des plaisirs de la vie, Vierge tout irréprochable, par ta pureté, tu at-
tires la grâce du Saint Esprit pour que soit conçue en ton sein l’incarnation du
Maître, tu es toujours immaculée, véritable sanctuaire où Dieu est engendré, toi
que, nous les fidèles, ne cessons de louer dans des hymnes.
Ode 4
Hirmos
285
Montagne ombragée par la grâce divine, Habacuc t’a reconnue de son regard
de voyant ; de toi, a-t-il prédit, sortira le Saint d’Israël pour notre salut et notre
restauration.
Tropaires
D’en haut, Antoine, le Seigneur a observé, tes combats contre les démons, la
couronne des victoires en sa main, celle qui fit ta joie, lorsque tu l’appelas, sur le
point de te décourager : Où es-tu, ô Maître, hâte-toi, viens me secourir !
Celui qui confère les trophées de victoire t’a conféré la grâce, ô vénérable, à toi
qui as fait preuve d’amour, dans des combats corps à corps, lorsque, accablé, tendu
jusqu’à la fin contre les ennemis, de ceux-ci aussi, tu es devenu la terreur, Antoine.
À la montagne plus intérieure, tu t’es établi, Antoine, t’éloignant des soucis,
tu t’es toi-même remis à Dieu, qui nourrit les corbeaux286, qui donne belle allure
aux fleurs, et qui compte l’innombrable foule des hommes.
Théotokion
Tu es devenue la Porte Vénérable qui mène les croyants au Paradis, parce que tu
as porté en ton sein celui qui est le Maître absolu, lui que tu ne cesses de sup-
plier d’accorder le pardon des péchés que nous commettons en toute occasion.
Dieu est Dieu mais nous sommes hommes.
Ode 5
Hirmos
287
Par l’éclat de ton avènement tu as illuminé les confins de l’univers en les
éclairant, ô Christ, par la splendeur de ta croix ; fais briller aussi la lumière de la
divine connaissance dans les cœurs qui te chantent selon la vraie foi.
Tropaires
Tel un passereau aimant vaquer dans la solitude, ami et père du désert, dans les
grottes et les montagnes, tu t’établis comme si tu n’avais pas de corps, ayant
pour nourriture permanente, la prière, et pour très douce boisson, la rosée de tes
larmes.
Tu as contemplé les réalités à venir comme déjà présentes, par la puissance
du Christ, et tu as vu clair dans les replis des âmes, Antoine, conduisant, tel un
vrai père, ceux qui viennent à toi à se convertir et à se confesser dans une par-
faite sincérité de cœur, très Vénérable.
La flamme de désir ardent que tu nourrissais pour ton Maître te consumait
chaque jour davantage, et alimentait le feu du primordial amour de ton âme : elle
t’a rendu divin tout en vivant sur terre, aux yeux des multitudes qui accouraient
vers toi, et, par des miracles, elle t’a glorifié.
Théotokion
Vierge, tu entendis les paroles de l’Archange, et tu accueillis Celui qui est au-
delà de toute intelligibilité, l’auteur du monde qui demeure avant tous les
siècles. C’est pourquoi tu as été magnifiée dans ton enfantement, et toutes les
générations te magnifient éternellement comme Mère de Dieu288.
Ode 6
Hirmos
Imitant le prophète Jonas, ô Bonté, je te crie : À la fosse rachète ma vie ; Sau-
veur du monde, sauve-moi qui te chante : Gloire à toi289.
Tropaires
Tu as repoussé l’honneur du sacerdoce, en raison de ta grande humilité, mais en
t’offrant toi-même à l’imitation du Christ, ô Antoine, tu es devenu un véritable
sacrifice.
Aimant Dieu plus que tout durant ta vie, tu l’as recherché de manière abso-
lue, par des pratiques ascétiques, et tu as mené, père, ici-bas, une vie qui trouve
son épanouissement dans l’affliction.
Ne cesse pas de supplier le Christ, ô ascète, pour ton petit bercail et tes
pauvres enfants ; mais montre envers eux tes entrailles de père, Antoine.
Théotokion
Efface, ô Toute Pure, les nombreuses fautes qui souillent mon âme et me sépa-
rent du Christ, en intercédant sans trêve auprès de Celui qui est sorti de ton sein.
Ode 7
Hirmos
Nous les fidèles, nous reconnaissons en toi, ô Mère de Dieu, la fournaise spiri-
tuelle et de même qu’il a sauvé les trois jeunes gens290, le Très-Haut a renouvelé
en ton sein le monde entier, le Seigneur Dieu de nos pères, digne de louange et
de gloire.
Tropaires
Tu as déployé une grande énergie, Antoine, contre les redoutables hérésies, c’est
pourquoi tu as soutenu l’illustre Athanase, l’implacable ennemi d’Arius et le
prédicateur de la vraie foi qui affirme que le Verbe est véritablement Dieu, con-
substantiel au Père.
Tu as soumis le corps à l’esprit, comme un esclave à son maître, c’est pour-
quoi tu as été jugé digne de contemplation qui dépasse la nature, et le jugement
des âmes et les pièges du démon, que, revêtu de l’humilité, tu as traversés, in-
vulnérable.
Tu as apporté la guérison à ceux qui souffraient, en invoquant le Christ, et tu
as chassé les démons qui mettaient les hommes à l’épreuve, par le signe de la
croix qu’en irrésistible instrument, dans toute nécessité, Antoine, tu as considéré
comme caution de la victoire.
Théotokion
Tu es, toi, tout irréprochable, la puissance contre l’ennemi car toute ma force
m’a quitté. C’est pourquoi je te prie de ne pas tarder à montrer ton pouvoir et ton
amour maternel, dont je ne suis absolument pas digne, parce que j’ai souvent
affligé le Christ.
Ode 8
Hirmos
Dans la fournaise, comme en un creuset, brillèrent les enfants d’Israël par l’éclat
de leur piété plus pure que l’or fin, et ils se mirent à chanter : Bénissez le Sei-
gneur, toutes ses œuvres, à lui haute gloire, louange éternelle291.
Tropaires
T’étant enfoncé plus avant dans le désert le plus profond, tu as franchi des as-
censions spirituelles par la puissance de la tempérance et des jeûnes extrêmes,
Vénérable Antoine, bénissant du fond du cœur le Maître ami des hommes, lui
qui t’a arraché à l’inconsistante brume du monde.
Tu es apparu comme victorieux contre l’ennemi que, d’ailleurs, comme un
passereau, tu as écrasé sous tes pieds, par l’humilité et la prière, comme un divin
commandant de troupes, et tu as fait, vénérable, du désert un hospice, pour tous
les malades que tu soignes avec amour.
Père, ton disciple sans malice, à un petit nombre tu l’as fait connaître, Paul
le Théophore. C’est par la simplicité et l’humilité, en effet, que l’on sert le
Théotokion
De même que, ô Vierge, tu as accueilli Dieu en ton sein par la perfection de ta
pureté et ton extrême humilité, de même, juge-moi digne d’avancer, dans la pu-
reté et dans l’humilité, dans l’engendrement mystique de celui qui est à la fois
ton Fils et ton Dieu.
Ode 9
Hirmos
Pour image de ton enfantement nous avons le buisson ardent, qui brûlait sans
être consumé292 ; en nos âmes nous te prions d’éteindre la fournaise ardente des
tentations, pour qu’alors, ô Mère de Dieu, sans cesse nous te magnifiions.
Tropaires
Tu as dépassé les êtres incorporels, Vénérable, par un mode de vie qui ne
s’occupe pas du corps et par tes mœurs, et tu as traité avec profond mépris la
puissance des pensées issues des puissances adverses ; c’est pourquoi tu es con-
sidéré, comme colonne des moines, Antoine trois fois grand.
Vois l’assemblée de tes enfants, depuis le ciel, Antoine théophore, et bénis-
la par tes intercessions auprès du Maître, le Christ que tu as atteint, et son
amour, plante-le dans nos cœurs.
En tant que surgeon du grand désert, et noble habitant des grottes, sanctifie
par amour du Seigneur les habitants de ce désert, Antoine, et fais publiquement
savoir que nous imitons ta vie, toi qui aimes tes enfants.
Théotokion
Élève mon âme qui a chuté dans l’abîme du désespoir, Mère, et rends lui sa di-
gnité ; accorde-moi de passer le reste de ma vie dans le repentir comme le désire
le Maître, et fais que, par tes intercessions, j’aie part au royaume de Dieu.
Versets
Porte mon âme et mon corps au ciel,
Antoine, que je contemple le Maître.
Simonos Pétra, 13.3.99, Samedi de l’Acathiste.
292 Cf. Ex 3, 2.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 589
TON 2
Deuxième canon dont voici l’acrostiche :
« C’est la deuxième des odes pour le très grand Antoine. A(thanase) »
Ode 1
Hirmos
Dans l’abîme jadis fut culbutée par la puissance invincible toute l’armée de Pha-
raon293 et maintenant le Verbe fait chair a supprimé le poids de nos péchés, le
Seigneur que nous glorifions, car il s’est couvert de gloire.
Tropaires
Donne-nous, à nous tes enfants, vénérable Antoine, une voix pour célébrer
ta vie inspirée et les succès que tu as remportés sur les ennemis par la divine
grâce, toi qui es devenu, trois fois heureux, un modèle éclatant pour ceux qui
mènent la vie de moine.
Ô bienheureux, après avoir inscrit en ton cœur l’enseignement du Christ,
« Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, distribue-le aux pauvres294, et
ayant porté haut la croix295, dresse ta tente dans le grand désert », comme un cerf
tu t’es hâté, Antoine.
Tu as jugé détestable toute matière de subsistance qui ne soit pas spirituelle,
père, consumé du désir de Dieu, et en tant qu’homme aux pensées célestes et
élevées, tu as été revêtu d’ailes de feu, que tu as déployées vers Jésus, priant
pour tes enfants.
Théotokion
Que pouvons-nous t’apporter, Pure, Mère toujours Vierge, nous qui avons été
sauvés par ton secours, si ce n’est la joyeuse salutation que l’Archange t’a ap-
portée : Réjouis-toi, gloire des femmes et plénitude de la Grâce296.
Ode 3
Hirmos
297
Comme un lis a fleuri le désert et de même fleurira l’Église stérile des nations
à ton avènement, Seigneur : en lui mon cœur s’est affermi.
Tropaires
Tu as fleuri, Antoine, comme un fécond palmier, surgeon des vertus, et tu es de-
venu icône peinte par Dieu pour ceux qui veulent imiter ta manière de vivre.
Fortifié par la Grâce, échappant aux embûches de l’ennemi, tu l’as anéanti,
et, sage Antoine, tu as été couronné en recevant le divin charisme de
l’impassibilité.
Devenu, Antoine, sanctuaire de l’amour de Dieu, tu as aussi aimé tes frères
que tu as qualifiés d’icônes du Christ, honorant en nous, père, la divine facture.
Théotokion
Toi qui es sans reproche, bénis ceux qui sont épris de pureté et conserve la pen-
sée pure de toute corruption, en faisant cesser les menaces des ennemis.
Cathisme, t. 2
Nous, chœurs des moines, nous sommes réjouis par ta vie, et, en possession de
ce brillant modèle, Antoine, nous faisons route vers le Christ, en souhaitant
qu’elle soit bénie par tes prières paternelles, vénérable qui aime tes enfants.
Ode 4
Hirmos
Tu es issu de la Vierge non comme un ange ou un ambassadeur, mais comme le
Seigneur revêtu de notre chair, tu as sauvé tout mon être ; c’est pourquoi je te
crie : Gloire à ta puissance, Seigneur.
Tropaires
Tu as été glorifié, vénérable Antoine, parce que tu as choisi d’abandonner les
valeurs du monde plutôt que de ruiner ton esprit, et tu as habité le désert, à la
poursuite du Christ, ce qui t’as valu d’être comblé de charismes.
Parce que tu as gardé tes sens purs de toute souillure en priant sans relâche,
tu as atteint le sommet de l’ascèse, saint, et tu es devenu très grand, pasteur et
maître des moines.
La Grâce t’aidant a augmenté ton désir de vivre au tombeau, mort et enter-
rant la vie, Antoine honoré de tous ; c’est pourquoi tu t’es levé, vénérable, pré-
cédant la commune résurrection.
Théotokion
Toute Pure, qui contiens le second de la Trinité, supplie-la pour qu’elle accorde
la rémission des nombreuses fautes et des horribles péchés, à ceux qui
t’honorent comme Mère de Dieu.
Ode 5
Hirmos
Tu es devenu le médiateur entre Dieu et les hommes, ô Christ notre Dieu : par
toi, ô Maître, nous avons quitté la nuit de l’ignorance pour aller vers ton Père,
source des lumières, auprès duquel nous avons accès désormais298.
Tropaires
Tu as vu une lumière, et, en elle, vénérable, le Christ Dieu qui a dispersé le dé-
sespoir qui t’a assailli lors de l’attaque des démons, et les ténèbres se sont muées
en joie, Antoine.
Tu es devenu tout esprit parce que tu possèdes Dieu, à partir duquel tu pré-
voyais l’avenir, ce qui allait arriver et tu connaissais les pensées des mortels, les
poussant à une droite conversion et tu consolais des âmes avec douceur, par tes
paroles qui coulaient de Dieu.
Comme Moïse fit jadis sortir les eaux avec son bâton au Sinaï299, toi aussi,
père, tu as fait couler l’eau dans le désert par la prière, sauvant ceux que la soif
mettait en danger ; Dieu accomplit de telles merveilles pour ceux qui l’aiment en
tout temps.
Théotokion
Toute Pure Souveraine, devenue lumineux palais, tabernacle de Jésus, supplie-le
de demeurer dans nos âmes et de configurer toutes les pensées à la divine res-
semblance.
Ode 6
Hirmos
300
Encerclé par l’abîme de mes péchés, j’invoque l’abîme insondable de ta com-
passion : de la fosse, mon Dieu, relève-moi.
Tropaires
Parce que, Antoine, tu as dompté les passions fougueuses comme on dompte des
bêtes sauvages, tu as reçu la grâce de diriger parfaitement les bêtes sauvages,
comme Adam, le premier créé, en Éden301.
Toi qui as eu commerce avec les puissances spirituelles, Antoine, donne à
tes enfants, puissance, pour que nous, qui sommes plongés dans la matière, puis-
sions fréquenter les anges si nous prions convenablement.
Toi qui as été follement uni à ton Maître, ô sage, tu l’as aimé au delà du rai-
sonnable et tu t’es hâté d’aller combattre dans la cité d’Alexandre, Antoine.
Théotokion
Nous, l’humanité tout entière, avons été glorifiés par ton intermédiaire, Souve-
raine tout irréprochable, parce que tu as engendré le Christ qui a renouvelé la
nature déchue.
Ode 7
Hirmos
Sur l’ordre impie d’un injuste tyran, la flamme s’éleva très haut, mais le
Christ a répandu sur les Jeunes Gens la rosée de l’Esprit saint : à lui bénédiction
et haute gloire302 !
Tropaires
Tu es vite revenu des villes au désert, vénérable, pour persévérer dans ton as-
cèse ; tu disais qu’il ne faut pas que les moines restent longtemps dans le monde,
car, de fait, ils meurent comme les poissons hors de l’eau303.
Voici, mon frère, tiens ton regard fixé sur ton Maître et ne fléchis jamais ;
accueille le témoignage des Saintes Écritures et ne t’empresse pas de marcher
loin de ta place, et tu es sauvé, disais-tu304.
Considère-toi toi-même jusqu’à ton dernier soupir comme responsable de
tes fautes et accepte chaque épreuve, as-tu dit, père, au moine qui t’avait interro-
gé, en effet c’est vraiment ce labeur-là qui plaît à Dieu305.
Théotokion
Tout Immaculée qui reçois l’hymne venu les Anges, ne repousse pas notre
hymne de louange : c’est en effet du fond d’un cœur reconnaissant que nous, tes
enfants, t’exaltons par cette ode comme parfum mystique, Toute Pure.
Ode 8
Hirmos
Jadis à Babylone la fournaise ardente a divisé la force de son action et sur
l’ordre de Dieu elle consuma les Chaldéens, mais répandit la rosée sur les fidèles
qui chantaient : Toutes ses œuvres, bénissez le Seigneur306.
Tropaires
Comme ils sont sages et divins tes enseignements ! C’est par eux que tu as af-
fermi les âmes, très grand Antoine, et que tu les as unies au Christ, comme Paul
le beau paranymphe307, les jugeant dignes de devenir héritières du Royaume,
trois fois heureux.
Sans épreuves le fidèle ne peut être sauvé, as-tu dit, père308 ; c’est pourquoi
donne à tes enfants la force de résister pour l’amour de Dieu quand l’ennemi
nous frappe de ses traits, pour que nous l’emportions sur lui.
Qui est ferme dans le repos et la prière est victorieux d’une triple victoire :
de ne pas regarder ce qui est inconvenant, de ne pas entendre ce qui est mal à
propos, de ne jamais prononcer de malséantes paroles, disais-tu à tes enfants,
Antoine, quand tu étais interrogé là-dessus309.
Théotokion
Vierge, divine place forte, fortifie-nous, toi qui purifies, par la douceur de la
prière de Jésus, les cœurs de ceux qui vivent vraiment en vierge, et brise, Maî-
tresse, toute attaque haineuse de l’ennemi, afin que nous te chantions à jamais et
honorions ton divin enfant.
Ode 9
Hirmos
Le Fils du Père sans commencement, notre Seigneur et notre Dieu, ayant pris
chair de la Vierge nous est apparu pour illuminer les ténèbres et rassembler ce
qui était dispersé : Mère de Dieu toute digne de louange, nous te magnifions.
Tropaires
Ô père Antoine, gloire de ton monastère et de tes pauvres enfants, trésor invio-
lable, fortifie nos cœurs et donne-nous la prière continuelle du Seigneur, par tes
prières et tes intercessions.
Vainqueur tout à fait inégalé, du monde et des démons, tu as été couronné
par le Seigneur, père Antoine, comme parfait athlète du désert et protecteur
commun à tous les fidèles ; c’est pourquoi nous te glorifions, nous qui demeu-
rons dans ton bercail.
Vénérable Antoine, guéris par tes intercessions, les maladies de nos âmes et
toutes les passions, nuages des raisonnements, repousse-les, bienheureux, loin
de nos cœurs et fais-nous le don de la paix sans trouble du Maître.
Nous qui t’avons comme soutien et député à qui l’on ne peut inspirer de
honte, divin Antoine, nous espérons tous obtenir le salut de l’âme et être libérés
à la fois par le Christ, et nous trouver réunis tous ensemble avec les troupes des
Anges et les armées des Saints.
Théotokion
Toute Pure, donne nous d’avoir un inépuisable amour de ton Fils et Maître que
nous avons aimé, et juge-nous dignes, nous qui te louons, de nous tenir auprès
de Lui à la dernière heure ; car tu peux tout, toi qui as enfanté Dieu de manière
inexplicable.
Versets
En échange d’hymnes, donne à tes enfants la divine grâce,
vénérable Antoine, gloire du désert.
***
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 595
TON 3
Troisième canon, dont voici l’acrostiche :
« Troisième ode d’un suppliant au Père citoyen du désert. A(thanase) »
Ode 1
Hirmos
Jadis il assembla les eaux en une seule masse, d’un geste divin, et divisa la mer
pour le peuple d’Israël310, notre Dieu hautement glorifié : à lui seul offrons nos
chants, car il s’est couvert de gloire.
Tropaires
Te trouvant blessé du divin amour, ayant reçu, vénérable, le désert, tel un oiseau
épris du désert, tu adressais ton chant au Christ : « Toi, ta nature est d’être ma
vie et salut de mon âme, c’est pourquoi je te supplie, sauve-moi, Maître ».
Ayant rompu totalement le lien de l’amour de la parure, tu as été crucifié par
amour du Seigneur et tu as éteint, par tes prières, le bûcher des passions, véné-
rable Antoine, grande gloire de l’Égypte, devenu le meilleur modèle de l’ascèse.
Parce que tu t’étais toi-même saintement soumis au Maître, tu as observé les
commandements porteurs de vie, et par l’ébullition de ton âme, tu les as outre-
passés. Ainsi arrive-t-il, en effet, à ceux qui aiment Dieu, et c’est bien pour cela
que tu as reçu en retour des grâces de miracles.
Théotokion
Toi, saint tabernacle qui as engendré le Seigneur et Maître de tout l’univers, toi,
Souveraine, pure, notre bienfaitrice, puissions-nous, en des odes et des chants,
avec grande joie, t’honorer : un espoir serein est en effet accordé aux fidèles.
Ode 3
Hirmos
Toi qui tiras toutes choses du néant et par ton verbe les créas, par ton Esprit tu
les mènes à leur perfection : Maître tout-puissant, rends-moi ferme en ton
amour.
Tropaires
L’aspect de ton visage était le même qu’avant l’ascèse, Antoine à l’esprit divin,
témoignant pour ceux qui le voyaient, du divin don de grâce reçu du Seigneur.
Ayant reçu le don des guérisons, tu chassais, par l’invocation de l’Esprit, les
maladies de ceux qui te le demandaient et tu rendais la santé à ceux que la mala-
die épuisait.
Vénérable, tu éloignais les fidèles des machinations démoniaques, en leur
offrant la paix que le Seigneur procure, lui qui demeure mystiquement dans les
âmes des hommes.
Théotokion
Toi que les armées des anges incorporels ne cessent de magnifier et de divine-
ment célébrer, Souveraine, Mère de Dieu, nous les fidèles, puissions-nous
t’honorer dans des hymnes incessantes.
Cathisme, t. 3
Cherchant à imiter ta vie plus qu’admirable, père Antoine, nous te supplions :
Donne fermement à tes enfants l’amour du Christ, et protège éternellement ton
Monastère des démons, que nous te présentions la louange d’action de grâce,
criant du fond de l’âme et du cœur, réjouis-toi, gloire du désert.
Ode 4
Hirmos
Seigneur, tu nous as prouvé ton amour souverain en livrant pour nous ton Fils
unique à la mort ; aussi, dans l’action de grâces, nous te chantons : Gloire à ta
puissance, Seigneur.
Tropaires
Vénérable, tu t’es montré semblable aux anciens des prophètes, t’en tenant fer-
mement à la grande puissance de Jésus qui nous a été donnée, c’est pourquoi la
nature dépourvue de raison t’est soumise pour rendre gloire à ton Maître.
Aucun fidèle n’est jugé, criais-tu, ô Saint, sous prétexte qu’il n’a pas fait de
miracle ou qu’il ne connaît pas clairement l’avenir ; mais est jugé celui qui n’a
pas mis en pratique les commandements de Dieu qui lui ont été enseignés311.
311 VA 30, 6.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 597
C’était fumée pour toi, que l’or tout comme l’argent que l’ennemi t’a montré
sur la route pour te tenter, Père, toi qui enseignes à tes enfants que ne rien pos-
séder, c’est cela posséder en abondance.
Théotokion
Ô Pure qui as purement prêté ton corps à Dieu, devenant tabernacle semblable à
la lumière, inébranlable place forte des croyants, nous te crions avec l’Ange :
Réjouis-toi, Épouse toute Pure.
Ode 5
Hirmos
Devant toi je veille dès l’aurore, Créateur de l’univers, Paix qui surpasses tout
esprit ; tes préceptes sont lumière : conduis mes pas sur leurs chemins.
Tropaires
D’une manière favorable, Père, tu supplies le Créateur de l’univers, pour nous,
tes enfants, parce que nous tous avons mis nos espoirs en toi.
Ton intellect tout entier a reçu en partage du Christ, la paix qui domine tout
intellect, c’est pourquoi tu es apparu comme maison de paix, Antoine divine-
ment sage.
Avec le sceau invincible de la Croix, tu as abattu l’ennemi qui t’attaquait,
montrant la force donnée par le Seigneur, père Antoine.
Théotokion
C’est vers toi, Mère qui a mis au monde l’Auteur de l’univers, que nous levons
les yeux de l’âme, parce que nous n’avons certes pas d’autre espérance, nous tes
serviteurs.
Ode 6
Hirmos
Encerclé par l’abîme sans fond de mes péchés, je sens mon souffle défaillir : ô
Maître, lève ta main, tends-la vers moi et sauve-moi comme Pierre, ô divin ti-
monier312.
Tropaires
Partez en paix, ayant confiance dans la croix dont vous portez le sceau, ainsi as-
tu exhorté ceux qui perdaient courage. Le Seigneur a montré que l’ennemi est
impuissant et a rendu inopérantes ses machinations.
Les bataillons des démons, même quand ils changent d’aspect, tu ne les as
pas redoutés, Antoine, mais tendant tes mains vers le Maître, tu t’es écrié : Lève-
toi et viens à mon secours, Ami de l’homme.
Par des paroles de charité tu consolais ceux qui venaient à toi et ils prenaient
congé de toi, réjouis ; Antoine, animé d'amour fraternel, c’est Jésus en effet que
tu contemplais en eux, et tu servais les nécessiteux.
Théotokion
T’invoquer, Mère de Dieu, est remède des blessures et consolation des âmes.
C’est pourquoi, Souveraine, sois présente à tous ceux qui t’appellent à l’aide
dans les dangers et les afflictions.
Ode 7
Hirmos
Jadis tu répandis la rosée sur les trois Jeunes Gens, dans les flammes des Chal-
déens313 : du feu resplendissant de ta divinité éclaire-nous qui te crions : Dieu de
nos Pères, Seigneur, tu es béni.
Tropaires
Les droits chemins de la voie érémitique, tu les as montrés aux fidèles, Père, par
ta manière de vivre divinement inspirée et qui conduit au Christ. C’est pourquoi
tu as attiré des foules qui crient : Béni sois-tu, Dieu de nos pères.
Fendu par tes prières, le désert autrefois stérile compte aujourd’hui un grand
nombre d’enfants dans le Christ, et il se fait gloire de conduire des moines vers
cette ode de divine sagesse : Béni sois-tu, Saint, Dieu de nos pères.
La rosée de tes prières a amené ceux qui étaient dans les fautes à sortir de la
flamme des remords pour aller vers une lumière réjouissante, Père, et les a pous-
sés à chanter cette hymne : Béni sois-tu, Maître, Dieu de nos pères.
Théotokion
Marie, l’intellect de ceux qui prient, tu l’apaises avec la douceur présente dans la
voix de ton chant d’allégresse, que, angéliquement, ils ne cessent de t’offrir de
toute leur âme, et ils chantent : Bénie sois-tu, Immaculée, qui supplie Dieu pour
nous.
Ode 8
Hirmos
Jetés dans le feu ardent sans que la flamme ne leur fît aucun mal, fermes dans
leur piété, les Jeunes Gens chantaient un cantique divin : Bénissez le Seigneur,
toutes les œuvres du Seigneur, exaltez-le dans tous les siècles314.
Tropaires
Tu ne comptais pour rien les premières peines que tu as endurées pour le Sei-
gneur, toi divinement sage, mais en tout temps tu attisais le feu de l’amour di-
vin : Ne tenez aucun compte de toutes les choses corruptibles, clamais-tu, mais,
mes enfants, contentez-vous de chercher le Seigneur315.
Tu as suspendu pour un temps les peines ascétiques, par philanthropie, en
tant qu’intendant du Seigneur, pour enseigner aux disciples les façons de se
comporter : bénir le Maître dans chaque détail de la vie solitaire, en serviteur
reconnaissant.
Père, au nom du Maître, tu as repoussé les foules des renégats et grâce à lui
tu fortifiais bien les âmes de tes disciples, par cette exhortation : Bénissez tous le
Seigneur qui nous a tirés vers le salut.
Théotokion
C’est comme havre des âmes que nous te trouvons quand nous sommes enche-
vêtrés dans les soucis de la vie, Mère de Dieu, comme rafraîchissante rosée aux
heures des tribulations, aussi te glorifions-nous avec amour : Bénissez tous par
vos cris la Toute Pure qui nous rachète de la malédiction.
Ode 9
Hirmos
Moïse, sur le mont Sinaï, te reconnut dans le buisson, toi qui, sans être consu-
mée316, fis naître de ton sein le feu de la divinité ; Daniel te vit comme la mon-
tagne inviolée, Isaïe comme le mystique rameau qui a fleuri sur la racine de Da-
vid.
Tropaires
De toute ton âme tu as honoré les prêtres comme liturges du Seigneur et tu as
réclamé leurs prières, Vénérable, comme le moindre fidèle, mais parce que tu
avais vraiment revêtu l’humilité du Christ, tu pensais qu’ils étaient tous plus
grands que toi, très grand, fondement des ascètes.
Désirant ardemment le divin combat des martyrs, tu es descendu à la ville,
brûlant intérieurement de leur désir, ô Saint, en tant que père qui aime ses enfants,
sans que se rencontrât pour toi aussi le combat tel que tu le souhaitais, et tu es re-
venu, reprenant le chemin du désert bien-aimé, vivant le combat intérieur.
Ton cœur, père Antoine, était le creuset des dogmes, affermissant la foi des
orthodoxes par les prières adressées au Seigneur, et lorsqu'est survenue l’heure
décisive, tu es devenu le fouet de la vérité, envoyé du Christ, contre le funeste
Arius.
Théotokion
Ouvre tes oreilles, divine épouse, et exauce-nous, nous qui vivons ici dans
l’ascèse et recherchons la face de ton Fils que tu ne cesses de supplier avec ton
co-ambassadeur, le divin Antoine, du désert le premier de tous, ascète en Christ.
Versets
Accepte, Antoine, cette troisième hymne,
Et rends-nous favorable la Trinité toute sainte.
Simonos Pétra, 15.4.1999.
***
TON 4
Quatrième canon dont voici l’acrostiche :
« Reçois de notre part une quatrième louange, divin père. A(thanase) ».
Ode 1
Hirmos
Ma bouche s’ouvrira et s’emplira de l’Esprit saint : j’adresse mon poème à la
Mère du Roi ; et l’on me verra en cette fête solennelle chanter avec allégresse
toutes ses merveilles317.
Tropaires
Très grand maître, divin modèle des moines, vénérable Antoine, instruis tes
enfants de l’amour que tu possédais pour le Maître, et pour Lequel tu t’es aussi
chargé de la croix de l’ascèse.
Par tes prières, tu as rendu arable la stérile terre du désert, et par tes larmes,
Antoine trois fois heureux, féconde sa sécheresse, parce que tu as choisi le meil-
leur état de vie.
Tes combats surprennent ceux qui ne connaîtraient pas les grâces de l’Esprit
Saint, père Antoine, en effet, tu formes naturellement un divin attelage avec
celui dont tu tires précisément ta connaissance de ce qui dépasse l’entendement.
Théotokion
Ô Pure, tout irréprochable, protection des moines, montre-toi toujours à ceux qui
invoquent ton nom réconfortant et qui t’appellent, en leur accordant la grâce de
ton Divin enfant.
Ode 3
Hirmos
Garde sous ta protection, ô Mère de Dieu et Source intarissable de la Vie, tous
les chantres qui t’honorent de leurs hymnes : dans ta divine gloire accorde-leur
la couronne des vainqueurs.
Tropaires
Tu as opéré de multiples guérisons, par la puissance du Seigneur Jésus, admi-
rable Antoine, accordant par faveur la santé à ceux qui souffrent de maladies,
mû par ton amour des hommes.
Ne possédant ni or ni argent, on voit que tu es riche du Christ, très vénérable
Antoine, c’est pourquoi tu en as enrichi beaucoup par le trésor de tes paroles et
tu t’es trouvé uni au Maître.
Tu as, Antoine, en père tendrement aimant, préféré tes prochains, car tu
voyais en eux l’image et l’effigie de Jésus et tu t’es empressé de servir ceux qui
sont indigents.
Théotokion
Ô Vierge, la répétition de la mauvaise habitude vainc mon esprit et me paralyse
tout entier, en m’éloignant de Jésus ; aussi donne-moi la force de m’en séparer.
602 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Cathisme, t. 4
Vénérable Antoine, fondement des ascètes, protège le monastère qui t’honore,
des maux variés et des afflictions, accorde à ceux qui mènent l’ascèse, l’amour
du Maître, donne la grâce de la prière, et la paix du cœur, afin qu’avec recon-
naissance, tous nous puissions te glorifier.
Ode 4
Hirmos
Celui qui siège glorieusement sur le trône de la divinité est venu sur la nuée lé-
gère : c’est Jésus, notre divin Sauveur ; et de sa main toute pure, il a sauvé ceux
qui lui chantent : Ô Christ notre Dieu, gloire à ta puissance.
Tropaires
Le persécuteur qui cherche à détruire l’âme, Lucifer, a rallié les multitudes de
démons contre toi, tout à fait bienheureux Antoine, pour séparer ton intellect de
ton Maître, mais il a été battu par ton endurance inébranlable.
Tu as appréhendé l’intellect par le cœur, grâce à la prière et à l’abstinence,
formant une union parfaite avec le Seigneur, père Antoine, et tu as réuni tes
forces spirituelles pour mettre bas les bastions du démon perfide.
Les anges se sont émerveillés de ton éclatante endurance, quand, dans le
tombeau tu t’es enfermé, vénérable Antoine, et que tu as enduré avec courage
les tortures, comme les martyrs se sont exercés dans les stades.
Théotokion
Tu as embelli la nature des hommes, divine épouse, que le renégat a corrompue
par son ancienne trahison et tu as aplani la route vers le Maître ; c’est pourquoi,
tous nous célébrons par des hymnes ton enfant.
Ode 5
Hirmos
L’univers est transporté par ta divine gloire, ô Vierge inépousée, car tu as porté
dans ton sein le Dieu transcendant, et tu mis au monde un Fils intemporel qui
accorde le salut à ceux qui chantent ta louange.
Tropaires
Par la grâce, ô vénérable, que le Christ t’a donnée, tu as soumis les lois de la na-
ture animale, c’est pourquoi tu as réprimandé joyeusement par tes paroles des
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 603
bêtes sauvages parce qu’elles endommageaient ton jardin et leur as imposé une
chaîne afin de ne pas abîmer les fruits.
Tu as abattu l’hérésie destructrice d’Arius en enseignant à tous, par une il-
lumination divine, que le Verbe est Dieu, de même que lui, sans commence-
ment, semblable au Père et à l’Esprit, en réunissant en une seule divinité trois
personnes.
Tu as montré que les discours des rhéteurs étaient des bavardages, quand, de
manière insensée, ils cherchaient à t’éprouver et tu les as jugés inférieurs à des
enfants, et par conséquent, ils se sont vraiment extasiés, Antoine, sur ton intelli-
gence dont tu te trouvais paré par le ciel.
Théotokion
Purifie, tout Immaculée, mon intellect des pensées qui entravent la mémoire de
Dieu et, à leur place, fais que, d’une manière qui apporte une joie imprenable,
j’applique en tout temps tous mes soins au nom de Jésus, doux et porteur du
salut.
Ode 6
Hirmos
Célébrant cette divine et sainte fête de la Mère de Dieu, venez, fidèles, battons
des mains, glorifiant le Dieu qu’elle a conçu.
Tropaires
Tu as cheminé un long chemin, père, et tu as trouvé un trésor inestimable, Paul
le vénérable, auquel mort, tu as rendu les devoirs funèbres, après avoir appris sa
manière de vivre et ses exploits.
Tu as eu une pensée neuve, c’est pourquoi, tu n’as pas délaissé l’effort de ta
jeunesse, observant, grâce à ton divin discernement, une règle qui ne souffre au-
cune transgression, père Antoine.
C’est en aurige expérimenté que tu as dirigé les puissances de ton âme, vers
l’amour de Jésus, que tu as atteint et dont tu as été, père, couronné d’une divine
couronne.
Théotokion
Ne m’abandonne pas à ma solitude, Mère, à l’heure du terrible examen, mais
sois présente, fais-toi, auprès de ton fils, l’avocate de ma pauvre âme et plaide
en sa faveur
604 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ode 7
Hirmos
Ils n’adorèrent pas la créature au lieu du Créateur, les fidèles du Dieu Très-Haut,
mais affrontèrent généreusement le feu qui les menaçait ; et ils chantaient dans
la fournaise : Seigneur digne de louange, Dieu de nos pères, béni sois-tu.
Tropaires
Les tentes du désert, vénérable, sont devenues semblables à des cités, grâce à ta
paternelle sollicitude, Antoine, et elles ont fait germer les fruits du divin Esprit,
auxquels nous prenons part, nous qui nous plongeons dans les délices de ta vie.
Tu es vainqueur d’une glorieuse victoire, Antoine, toi qui as mis à tes pieds
le serpent tricéphale, Satan, ordonnateur de la chair ; c’est pourquoi tu as ensei-
gné à tous tes enfants, la manière de mener le combat et le divin art de conduire
la guerre.
Indépassable miracle ! Sans avoir reçu l’instruction des lettrés, tu as surpas-
sé les sages, comme jadis notre père Moïse, tu arrêtas divinement les sophistes
d’Égypte et tu as plongé le Pharaon de l’arrogance dans la mer de l’humiliation.
Théotokion
Toute Pure qui as engendré le Dieu miséricordieux, supplie-le d’avoir pitié de
nous qui chantons ta grâce dans des hymnes, à l’heure du jugement, pour que
nous obtenions, nous misérables, rémission de nos nombreux péchés.
Ode 8
Hirmos
Les nobles jeunes gens de la fournaise furent délivrés par Celui qui est né de la
Mère de Dieu ; ce qui jadis n’était qu’une image, maintenant devient réalité,
puisqu’il rassemble tout l’univers qui continue de chanter : Louez le Seigneur,
toutes ses œuvres, à lui haute gloire, louange éternelle.
Tropaires
Tu as vu par les yeux de ton intellect, père, les célestes mystères, que Celui qui
donne le repos t’a montrés, à toi, fondement des doux, lui qui est l’ami de ceux
qui gardent un cœur pur éloigné des redoutables raisonnements qui enténèbrent
l’esprit.
Tu as couru au devant du danger, en enfant qui aime sa mère, Antoine,
quand le dogme orthodoxe s’est trouvé en péril, et par tes divins discours, tu as
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 605
montré que le babil d’Arius était vide, et tu as affermis les cœurs des croyants
qui t’obéissent comme à un père, vénérable.
Parce que, infailliblement tu as franchi, bienheureux Antoine, les pièges du
diable grâce à ton humilité léguée par toi à tes disciples comme arme imparable,
tu montres que l’ennemi, comme un moineau, est chassé hors des fidèles, par
l’invocation et la grâce du Christ.
Théotokion
Tu adoucis l’ascèse de tes enfants, Maîtresse toute pure, pleine de divine grâce,
comme une mère nourricière qui aime tendrement les siens, comblant de dons
ceux qui, avec zèle, mettent en pratique les volontés de ton Fils, et avec ardeur,
prennent la croix des afflictions par amour du Créateur.
Ode 9
Hirmos
Que tout fils de la terre exulte en esprit, tenant sa lampe allumée, que les Anges
dans le ciel célèbrent avec joie la sainte fête de la Mère de Dieu et lui chantent :
Réjouis-toi, ô bienheureuse et toujours vierge, sainte Mère de Dieu.
Tropaires
Avec le mur fortifié que constituent tes saintes prières, vénérable, nous qui vi-
vons dans ton monastère, nous espérons atteindre le but pour lequel nous avons
quitté le monde, et avoir également part à la divine gloire du Christ, quand nous
te verrons, toi, très désiré, dans des transports de joie.
De l’union de l’intellect et du cœur, père Antoine, tu as fait don à tes petits
enfants et garde inextinguible le divin zèle, afin que, lorsque nous luttons, nous
recevions, par un martyre d’intention, les récompenses que le Christ a promises
aux fidèles.
Préserve, Antoine, ton troupeau des tentations et protège-le des agressions
de l’ennemi afin qu’aucun tort ne soit cause de corruption ; parce que nous
sommes riches de toi, toi le plus grand, notre secours et notre soutien après
Dieu, nous te mettons en avant comme ambassadeur auprès de Lui, colonne
toute lumineuse des anachorètes.
Théotokion
La totalité de l’univers visible et invisible, par toi, Mère toujours Vierge, a été
reconfigurée pour que le Très-Haut puisse demeurer en toi et nous racheter de la
606 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
faute des premiers hommes. C’est pourquoi nous te chantons des hymnes et des
cantiques, célébrant, Mère, ta gloire.
Versets
Partie aux quatre coins du monde,
Père, ta voix réjouit les moines.
C’est pourquoi, reçois cette pauvre hymne
En échange du don de ta bénédiction pour nous.
Simonos Pétra, 21.4.1999
***
Ode 1
Hirmos
Dans la mer Rouge cheval et cavalier furent précipités par celui qui brise les
combats, le Christ élevant ses mains, le Sauveur que célèbre Israël lorsqu’il
chante l’hymne de victoire318.
Tropaires
Tu as pris sur tes épaules la croix du Maître et tu as habité, Antoine, les stériles
déserts, faisant croître le nombre des phalanges de moines par ta manière de
vivre et par les miracles dont tu es paré.
C’est bien définitivement que tu as abattu les fortifications, sage, le jour où
tu as entendu, à l’occasion d’une assemblée, la parole du Seigneur, quand tu as
laissé tes innombrables biens aux pauvres et que tu as choisi la pauvreté.
Tu t’es éloigné des pièges du monde, Antoine, lorsque tu as habité dans le
tombeau, toi qui as tué les passions, et tu as enduré de très nombreuses tenta-
tions, bienheureux, par amour pour ton Maître.
Théotokion
Détruis la folie du malin, de celui qui souhaite détruire mon âme, et dresse des
barrières autour de moi mentalement, par ta divine protection pour que j’observe
les préceptes de mon bien-aimé Maître.
Ode 3
Hirmos
Sur le néant tu as fixé la terre selon ton ordonnance319 et malgré son poids tu l’as
fermement suspendue : affermis ton Église320, ô Christ, sur le roc inébranlable
de tes commandements, dans ton unique bonté et ton amour pour les hommes.
Tropaires
Évasant ton âme comme une bouche, Antoine, tu as reçu de Dieu la grâce cé-
leste, et tu as vraiment transcendé la chair comme si tu n’avais pas de corps, et
tu es devenu l’égal des anges dont tu as jalousé le mode de vie.
Gardant scrupuleusement les conditions de l’ascèse, tu as apporté la richesse
du discernement, grâce auquel tu as guidé avec sagesse, père, tes disciples, de
sorte qu’ils ne dévient pas de la ligne de crête que tu as appelée route des dé-
mons.
De tout ton cœur tu as aimé Dieu qui est la raison de ton exil au désert, vé-
nérable, mais tu as aussi aimé de toute ton âme ton prochain, à proportion égale,
en regardant toujours ce par quoi chaque homme est orné à l’image de Dieu, le
considérant toujours selon l’image de Dieu dont chaque homme a été orné.
Théotokion
Tu as reçu la salutation de l’Ange321, Toi tout irréprochable, et parfaitement
soumise au vouloir de Dieu ; c’est pourquoi tu es devenue Mère du Christ, le
Sauveur de notre nature et celui qui la reconfigure pour lui rendre son ancienne
dignité.
Cathisme, t. 5
Parce que tu es le premier maître des moines, père, et la limite extrême de
l’ascèse par amour du Christ, veille sur ceux qui t’honorent avec foi et monte la
garde contre les attaques démoniaques et les pensées impures, Antoine théo-
phore, pour que dans des hymnes inspirées nous honorions à jamais ta vie.
Ode 4
Hirmos
Comprenant ton divin abaissement, le prophète Habacuc, dans son trouble te
cria, ô Christ : Tu es venu pour le salut de ton peuple, pour sauver ceux qui te
sont consacrés322.
Tropaires
Tu as défait les phalanges de démons, parce que tu avais tout espoir dans le
Christ, et parce que tu avais tenu fermement en main la divine croix comme un
trophée, Antoine, tu as été couronné en vainqueur de myriades de combats.
Parce que tu as observé en toutes choses la tempérance, tu t’es conduit de
façon admirable, n’offrant pas à la chair le relâchement des choses périssables,
mais celui de posséder la grâce de l’Esprit.
Comme tu te considérais spirituellement au dessous de tous, sage père, tu as
méprisé la morgue de l’ennemi, revêtu de la très digne humilité du Christ, An-
toine.
Théotokion
Tu as relevé, virginale Mère pleine de bonté, notre nature malade de la mort
éternelle, par ton obéissance à Dieu, pour laquelle tu es magnifiée et glorifiée.
Ode 5
Hirmos
Seigneur qui te revêts de lumière comme d’un manteau, devant toi je veille323 et
vers toi monte mon cri : illumine les ténèbres de mon âme, ô Christ, en vertu de
ton amour.
Tropaires
Deviens, Antoine, un rempart invincible, pour ceux qui, par amour, viennent
chercher refuge auprès de toi en déjouant par tes intercessions tous les pièges de
l’ennemi, comme tu déjouais les monstres.
De la pierre tu as fait jaillir l’eau, merveilleux, et ceux qui avaient soif, alors
qu’ils étaient loin de toi, tu les as sauvés et tu les as relevés par ta divine implo-
ration, eux qui s’étaient effondrés sur la terre du désert.
On voit bien que tu es, bienheureux, comme un lys d’odeur très agréable,
parce que tu exhales le parfum de tes vertus, et que tu ne cesses de préparer sa-
gement les sens des fidèles à l’idée divine.
Théotokion
Mon esprit errant çà et là comme s’il n’avait pas de maître, et indiscipliné,
Génitrice de Dieu, par tes prières, unis-le au doux maître, le Christ dont il s’est
éloigné.
Ode 6
Hirmos
Quand souffle sur mon âme la tempête dévastatrice, ô Christ et Seigneur, apaise
l’océan de mes passions et délivre-moi du mal, ô Dieu de miséricorde.
Tropaires
Le désert auparavant stérile, vénérable, grâce à toi, a reçu parure, parce qu’il a
fait vivre entretenant des phalanges de moines qui ne cessent de célébrer Jésus
dans des hymnes, tels des anges.
Par tes divins sermons tu as indiqué à tes disciples de divines pensées, An-
toine : se séparer des choses de la terre et poursuivre le Christ comme un digne
but.
Ayant dressé ton estrade de lutte en Égypte, tu as brisé les ennemis et ren-
versant les solides forteresses des passions, tu as été couronné par Dieu, An-
toine.
Théotokion
Fais de mon esprit un ciel, Vierge, où Christ, intelligible soleil, répande toujours
sur moi sa lumière, et juge-moi digne de la Sion d’en haut.
Ode 7
Hirmos
Le Très-Haut, le Seigneur Dieu de nos Pères, détourna la flamme et couvrit de
rosée les Jeunes Gens qui chantaient d’une même voix : Dieu de nos Pères, Sei-
gneur, tu es béni324.
Tropaires
Ayant lié ta pensée à ce qui est au-delà du visible, tu as vécu dès ici-bas les
fermes réalités du monde à venir, par une ascèse au-delà du raisonnable, par
amour du Seigneur.
Tu as soumis à Dieu tout ce qui s’y opposait, très sage Antoine, c’est pour-
quoi tu as reçu la grâce de guérir les malades et de chasser les démons.
Grâce au ciel, tu as fait connaissance avec la vie chère à Dieu de Paul et
avec son ascèse et, pendant ta marche empressée, père, tu as préjugé de sa mort
et tu lui as rendu les honneurs funèbres.
Théotokion
Tout irréprochable, fais-moi don de larmes abondantes par lesquelles je serai
purifié, et pourrai recevoir la grâce du premier créé, par tes prières auprès du
Maître.
Ode 8
Hirmos
Pour toi, Dieu Créateur, dans la fournaise les Jeunes Gens formèrent un choeur
avec tout l’univers et chantaient : Toutes ses œuvres, louez le Seigneur, exaltez-
le dans tous les siècles325.
Tropaires
Élève nos cœurs de la terre vers le ciel, Théophore, pour que nous puissions te
crier : Allons, d’un seul cœur, célébrons notre père et chef, Antoine le Grand.
En véritable martyr, manifesté par ton intention, bienheureux, tu as rendu vi-
sible ton amour pour le Seigneur ; par conséquent bénis tes enfants quand ils
luttent et désirent ardemment la vraie vie.
La maladie n’a nullement altéré ton corps, en raison de la puissance de la
grâce que tu respirais, très saint ; c’est pourquoi tu as paisiblement remis ton
âme au Maître de bonté, divin fondateur des combats.
Théotokion
En Mère du bon Maître, Vierge, prie pour que nous soyons tous protégés de tout
besoin et des pressions des démons, afin que nous bénissions ton nom, Toute
Pure.
Ode 9
Hirmos
Isaïe, danse d’allégresse, car la Vierge a mis au monde un fils, de son sein est né
l’Emmanuel : parmi nous Dieu se fait homme, il a pour nom Soleil levant326, et
nous qui le glorifions, ô Vierge, nous te disons bienheureuse327.
Tropaires
Ta vie tout entière était, père, une mélopée enseignant le Christ, parce qu’elle
orientait les disciples vers la belle ressemblance à Dieu, par une foi droite et par
des actes honnêtes, par lesquelles tout fidèle entre au paradis.
Serein de visage, rempli de la paix du cœur, ainsi es-tu apparu et tu es deve-
nu un homme recherché pour les fidèles, père, chaque fois qu’ils exigeaient pas-
sionnément de te rencontrer, édifiés par ton sage enseignement.
Devenu impassible, tu as été jugé digne, à ta mort, de la patrie des impas-
sibles, Antoine, de là, paternellement, fais mémoire de tous ceux qui honorent ta
lumineuse mémoire et entoure de ta protection cet inébranlable monastère qui
est le tien.
Théotokion
Fais connaître ceux qui partagent l’immortelle nourriture de ton Fils, qui chan-
tent du fond de l’âme ton enfant source de crainte, et qui magnifient ton éter-
nelle gloire, toi qui es Bonté : tu en as le pouvoir au titre de celle qui a porté
dans son sein le Très-Haut.
Versets
Purifie, Père, les cinq sens de ceux qui te présentent
avec amour cette cinquième hymne.
Simonos Pétra, 23.5.1999
***
Tropaires
Reçois, Père cette sixième ode que, nous, tes pauvres enfants, du fond du cœur
et de l’âme, nous t’apportons maintenant et nous requérons les prières que tu
adresses à l’Ami des hommes.
Comme songe et ombre, toutes les affaires de la vie, vénérable, tu les as re-
poussées, quand tu as reçu en ton âme la parole de Dieu et qu’aussitôt tu as porté
la croix du bon Jésus.
Le comportement athlétique des martyrs, vénérable, tu l’as imité en habitant
au désert, où tu n’as cessé de mourir intérieurement, comme eux sont morts pour
le Christ au fil de l’épée.
Théotokion
Vierge, tu es la colonne qui conduit toujours les chrétiens sur la voie du
royaume, les délivrant, comme il convient, des attaques des démons et de toute
affliction.
Ode 3
Hirmos
Nul n’est saint comme toi, Seigneur mon Dieu329 ; tu as exalté la force des fi-
dèles, dans ta bonté, et tu nous as fondés sur le roc inébranlable de la confession
de ton nom.
Tropaires
Évitant le déluge du péché en gagnant des déserts arides, père, tu as bien planté
ta tente, en produisant comme fruit des vertus par la puissance du Saint-Esprit.
Quand l’ennemi, père, par jalousie s’est jeté sur toi, c’est par une sainte in-
vocation du nom du Christ que tu l’as détruit par le feu, et aussitôt tu l’as chassé
au loin.
Tu as courageusement totalement vaincu les plaisirs éphémères, pour un
plaisir durable, et, par un jeûne rigoureux, tu en es venu à bout, comme on vient,
père, à bout d’un monstre à plusieurs têtes.
Théotokion
L’espèce tout entière des mortels te dit bien bienheureuse, Vierge, comme celle
qui a enfanté de manière incompréhensible, le Créateur de l’univers, et en une
laudative célébration, elle clame ton doux Nom.
Cathisme, t. 6
Maintenant, père, élève tes mains pour nous, et prie Celui qui est Bon pour ta
colonie : confiants en toi par amour du Christ, nous avons entre toutes choisi la
voie de l’ascèse, Antoine, et nous vivons ensemble dans ton monastère, comme
des passereaux raisonnables, soupirant après la vie.
Ode 4
Hirmos
Le Christ est ma force, mon Seigneur et mon Dieu ! Tel est le chant divin que la
sainte Église proclame et d’un cœur purifié elle fête le Seigneur.
Tropaires
Le venin du serpent, c’est avec sagesse que tu l’as rendu inopérant, en résistant,
Antoine, et tu as reçu la vie en partage, bondissant sous l’étreinte de l’Esprit vers
l’Éden céleste.
Tu as aimé la croix de ton très doux Jésus du fond de l’âme durant ta vie,
vénérable Antoine, désirant bénéficier des dons de la résurrection.
Pur de corps, affable dans tes manières, et imitateur fidèle du doux Jésus, es-
tu devenu dans ta façon de vivre, comme une icône gravée par le Christ, ô bien-
heureux Antoine.
Théotokion
Accorde-moi le don des larmes, Immaculée, par lesquelles sera complètement
anéantie la masse de mes nombreux péchés, que je me présente au Maître, pur, à
l’heure du jugement.
614 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ode 5
Hirmos
Dieu très bon, illumine, je t’en prie, de ton éclat divin les âmes de tes amants qui
veillent devant toi, afin qu’ils te connaissent, ô Verbe de Dieu, toi le Dieu véri-
table qui nous fais revenir des ténèbres du péché.
Tropaires
De toute la fange qui embourbe mon âme, par tes très puissantes prières, hâte-toi
de me purifier, vénérable, et donne-moi le vêtement grâce auquel le misérable
que je suis prendra part à la noce du Christ avec les chœurs des saints.
Connaissant la tendresse paternelle de Dieu pour les pécheurs, tu les exhor-
tais, ô saint, à travers un repentir parfait, à Le rechercher, et à recouvrer à nou-
veau la grâce originelle.
Elle avait une très grande puissance, père, la prière que tu adressais à l’Ami
des hommes : elle t’a permis de libérer un grand nombre d’hommes de la perfi-
die du diable et de rétablir leur lien avec le céleste Époux, le Christ, Antoine.
Théotokion
Celui que le ciel n’a pas contenu, toi, sa mère, Pure, tu l’as renfermé, grâce à la
venue de l’Esprit : tu es devenue échelle mystique qui conduis les hommes fi-
dèles vers le Maître, don appréciable.
Ode 6
Hirmos
Lorsque je vois l’océan de cette vie soulevé par la tempête des tentations
j’accours à ton havre de paix et je crie, ô Dieu de bonté : À la fosse rachète ma
vie.
Tropaires
Partout, ce ne sont qu’impasses pour moi, pauvre que je suis : je me présente à
tes prières, Antoine, comme un humble passereau et je crie : Sauve-moi, en père
miséricordieux et plein d’amour pour tes enfants.
On te voit comme immatériel, ou comme un vigile de la chair, dans le chœur
des saints de toutes origines, Antoine aimé de Dieu, et comme tu l’as dit, tu as
aimé Dieu par dessus tout330.
Les chœurs démoniaques qui haïssent les hommes ont été effrayés, mais les
armées des anges se sont réjouies quand elles t’ont remarqué vivant l’ascèse,
imitant leur conduite en incorporel accompli.
Théotokion
Ta gloire, Souveraine, au-delà de toute pensée, et fondement matériel s’élève en
fait ! Tu fais la joie des fidèles et ta liberté de parole envers Dieu est étrangère à
toute honte.
Ode 7
Hirmos
Dans la fournaise l’ange répandit la rosée sur les nobles Jeunes Gens, mais le
feu brûla les Chaldéens sur l’ordre de Dieu et le tyran fut forcé de chanter : Dieu
de nos Pères, Seigneur, tu es béni331.
Tropaires
Par la grâce de l’Esprit, tu as habité dans un rude désert, mais réjoui par les mys-
tiques contemplations, tu regardais le Seigneur au lieu de te regarder, lui qui
transforme en douceur la cruauté de l’ennemi qui hait l’âme.
Toi qui t’es rendu étranger au monde pour le Seigneur, père, nous avons su
que, toi, initiateur des ascètes tu remettais debout, grâce aux mots de Dieu, ceux
qui étaient découragés et que, une fois debout, ils s’écriaient avec zèle : Tu es
béni, Dieu de nos pères.
Les hérétiques, tu les as complètement réduits en cendre par tes discours,
vénérable, comme une épée de feu, et enseignant aux orthodoxes la véritable foi
tu les as affermis pour rester constants et célébrer d’un esprit tendu par
l’espérance, Dieu de nos pères.
Théotokion
Tu as renouvelé l’antiquité de la chute, Immaculée, par ta conception et tu as
purifié l’intellect des hommes sans discontinuer, toi qui d’une manière à susciter
la crainte, as porté en ton sein le Verbe, que nous bénissons à jamais comme
Dieu de nos pères.
Ode 8
Hirmos
De la flamme, pour tes Saints, tu as fait jaillir la rosée et, par l’eau, tu as fait
flamber le sacrifice du Juste, car tu accomplis toutes choses par ta seule volon-
té : ô Christ, nous t’exaltons dans tous les siècles332.
Tropaires
Pour les assoiffés, par ta prière, tu as fait jaillir l’eau et aux malades, père, tu as
rendu la santé : le Christ en effet, accorde tout à ceux qui croient, par
l’intercession des Saints, pour tous les siècles.
Au désert le grand Macaire t’a trouvé, lui que, comme un ange de Dieu, tu
as accueilli, père, et admirant sa corde, tu as dit, vénérable : Une grande puis-
sance jaillit de tes mains333.
Tu as vigoureusement enduré les vacarmes des démons, bienheureux
Antoine, en invoquant le divin nom de Jésus, laisse-nous ce don comme ton
paternel héritage.
Théotokion
Tu as marché au dessus des divines armées des anges, toi qui as porté le Christ
dans les bras, ô Noble, et tu es à jamais pour tes serviteurs, ambassadrice auprès
de Lui ; c’est pourquoi nous te chantons des hymnes, Vierge Mère de Dieu.
Ode 9
Hirmos
Aux hommes il est impossible de voir Dieu, sur qui les Anges mêmes n’osent
fixer leur regard, mais aux mortels s’est manifesté le Verbe fait chair grâce à toi,
ô Toute-pure, et lorsque nous le magnifions avec les armées célestes nous te
proclamons bienheureuse334.
Tropaires
C’est en vérité que tu as aimé Dieu, père, et tout au long de ta vie, tu as conservé
intact ton amour, par lequel, Antoine, tu n’as absolument pas fait cas des com-
bats antérieurs ; c’est pourquoi tu as développé toute la force de ton âme en vue
des nouvelles épreuves.
Théotokion
Commencement, milieu et fin de toute ode et fragrance des chrétiens, es-tu,
Souveraine ; c’est pourquoi rends douces les âmes de tous les moines qui
mènent l’ascèse ainsi et qui t’apportent avec sollicitude, du fond de leur âme,
cette salutation : Réjouis-toi, ô tout irréprochable.
Versets
Tiens à l’écart de la méchanceté des démons, Père,
tes moines qui chantent le sixième chant.
Simonos Pétra, 3.6.1999.
***
Ode 1
Hirmos
Sur un signe de toi, Seigneur, en terre ferme se changea la nature des eaux, elle
qui était liquide jusqu’alors, et lorsqu’il l’eut franchie à pied sec, Israël te chanta
une hymne de victoire336.
Tropaires
Du cœur, ouvre nos lèvres spirituelles, vénérable Antoine, que dans de divins
cantiques nous célébrions ta vie on ne peut plus merveilleuse ainsi que ton mode
de vie.
C’est avec droiture que tu as mis les mains sur la charrue, père, et, plein de
zèle, as cheminé la route de l’ascèse, devenu modèle pour tous ceux qui désirent
vivre en solitude.
Par des miracles, le Maître t’a soutenu, ô père, et, souvent, comme un père
le ferait à son enfant, t’a expliqué la profondeur des réalités indicibles et des
mystères de son royaume.
Théotokion
J’ai péché, Mère de Dieu, contre ton très doux Fils et je n’ai pas de vêtement
digne du royaume, c’est pourquoi je te crie : Fournis-moi, par tes intercessions
la robe de la conversion.
Ode 3
Hirmos
Au commencement par ton Verbe tout-puissant tu affermis les cieux, ô Seigneur
et Sauveur, et toute leur puissance par l’Esprit divin, artisan de l’univers ; rends-
moi ferme sur la pierre inébranlable de la confession de notre foi en toi.
Tropaires
Les bruits des ennemis, comme des éclats de voix, pareils à ceux d'enfants qui
jouent, père admirable, tu les comptais et, lançant le nom du Christ comme une
flèche efficace, tu les chassais au loin et tu continuais de passer ta vie dans la
paix.
Au lieu de la richesse et de la corruption, père, parce que tu as recherché la
pauvreté, tu es devenu totalement semblable au Christ, et lui ayant remis tout
souci, dans une totale confiance filiale, comme un passereau tu as parcouru ta
vie, ô Antoine.
Désireux de vivre la mort du Christ tu as semblé mort à la vie, père, t’étant
toi-même enfermé dans un tombeau, où tu as vécu l’épreuve de celui qui hait
l’homme, écorché avec véhémence dans ton corps, mais en contrepartie tu as
reçu une grâce quand le Maître t’est apparu.
Théotokion
Plus sainte que les Chérubins et supérieure aux Anges, es-tu, Vierge Marie, c’est
pourquoi, le malheureux que je suis te prie de me faire promptement sortir par
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 619
Ode 4
Hirmos
Sans quitter le sein paternel, sur la terre tu es descendu, ô Christ notre Dieu ; de
ton œuvre de salut, tel est le mystère que j’ai entendu, et je te glorifie, ô seul
Ami des hommes.
Tropaires
Des discours sophistiqués et vides t’opposaient aux païens : grâce à la sagesse
du Christ Antoine, tu as montré qu’ils étaient sots bavardages et tu as exposé la
céleste vérité.
Que de lourds voiles sur les yeux, au cours de tes veilles continues,
s’emparent de toi, en raison de paresse, tu ne l’as pas permis, illustre parmi les
pères, t’étant rendu semblable aux anges, comme incorporel.
Tu as combattu de toute ton âme la foi perverse des Ariens, annonçant clai-
rement le mystère de l’incarnation du Verbe que tu honores comme consubstan-
tiel au Père.
Théotokion
Mère de bonté, tiens les fidèles à l’écart des coups tramés par le mauvais, toi
notre éternelle ambassadrice, auprès du Seigneur qui aime les hommes et de ton
doux Fils, que de tout notre amour nous glorifions comme Dieu.
Ode 5
Hirmos
Nuit sans clarté, celle des incroyants, pour les fidèles illumination dans les dé-
lices de tes divines paroles, ô Christ : c’est pourquoi je veille devant toi et je
chante ta divinité.
620 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Tropaires
Trouvant toujours habilement matière, pour l’instruction de tes disciples, dans la
nature concrète, tu as, ô saint, en parlant gaiement, diminué la trop grande ten-
sion de l’archer337.
En surveillant sans relâche ton esprit, tu conservais, saint, dans la prière les
bonnes pensées chères à Dieu, et, te levant tôt pour adresser ta prière à Dieu, tu
as joui de la pureté.
Un âne mort suffisait à réfuter ceux qui parlent mal au sujet de la prescience
démoniaque, alors que toi, très vénérable, tu en connaissais objectivement la ma-
lignité338.
Théotokion
Les êtres incorporels célèbrent joyeusement tes vertus, toi qui en ton sein as por-
té Dieu, dont tu t’es toi-même parée et tu es devenue temple du Seigneur devant
qui nous, les chrétiens nous nous prosternons.
Ode 6
Hirmos
Naviguant sur l’océan, soulevé par les soucis du monde, englouti au milieu de
mes péchés et jeté au monstre qui dévore les âmes, comme Jonas, ô Christ, je te
crie : De ce mortel abîme, délivre-moi.
Tropaires
Rabaissant l’arrogance des gonflements d’orgueil des démons, tu as confié à
Paul le très simple, de chasser sous un soleil brûlant, d’un malade possédé du
démon, la foule des homicides, Antoine339.
D’Athanase le grand, défenseur de l’Orthodoxie, pasteur de la grande
Alexandrie, et défenseur de l’Église tout entière, tu constituais, comme de
Moïse, Josué fils de Navé, sa force et son étai, ô père.
Comme les plaisirs multiples de la vie constituent des soucis, après les avoir
courageusement piétinés, Antoine, tu t’es confié au très doux Seigneur, et d’une
manière susceptible de le réjouir, tu lui as crié : Fais paraître ta joyeuse face340.
Théotokion
Le chœur des moines et l’ensemble de ceux qui aiment la virginité, bénis-les,
Mère de la virginité, et préserve la pure chasteté des tentations de l’adversaire,
pour que nous te magnifiions, ô toujours Vierge.
Ode 7
Hirmos
Jadis les Jeunes Gens transformèrent la fournaise ardente en une source de rosée
lorsqu’ils chantaient le Dieu unique en disant : Le Très-Haut, le Dieu de nos
Pères, s’est couvert de gloire341.
Tropaires
Quand tu étais dans l’acédie, seul, père, tu as vu un ange, revêtu de ton appa-
rence, te suggérer clairement ce qu’il faut faire, d’abord en priant, puis en tres-
sant une corde, et en se relevant342.
Il est venu le temps, disais-tu, père, où les fous prétendent que ce sont les
hommes pieux et sensés qui déraisonnent ; mais fais-nous don de l’amour fou et
divin du Christ343.
Ne disais-tu pas « Ainsi les justes souffrent alors que les médiocres réussis-
sent » ? Mais d’en haut il t’a été répondu : Ne pose pas de questions qui sont
hors de ta portée et n’interroge pas sur les jugements du Dieu de nos pères344.
Théotokion
Guéris, Mère, par tes divines intercessions, mon cœur qui faiblit, et renforce
l’amour que je porte au Christ, pour que j’échappe aux vents que souffle
l’ennemi qui s’acharne contre mon âme, de sorte que je ne sois plus le jouet de
la tempête.
Ode 8
Hirmos
Le buisson du Sinaï qui brûlait sans être consumé révéla Dieu à Moïse,
s’adressant à celui qui n’avait pas la parole facile ; et dans le feu les trois jeunes
gens, invincibles dans leur zèle pour Dieu, entonnèrent une hymne de louange :
Chantez le Seigneur, toutes ses œuvres, exaltez-le dans tous les siècles345.
Tropaires
Étant sorti une nuit dans le désert, tu as vu Moïse, comme Ammonas l’a vu, ex-
pliquer des problèmes obscurs, et une voix t’a donné la solution des écritures
difficiles à interpréter du Lévitique. Pour les saints du Seigneur, l’Esprit résout
tous les problèmes et fait des révélations pour l’éternité, père346.
Parce que tu savais bien qu’un mouvement du corps de ceux qui mènent
l’ascèse provient de la jalousie de l’ennemi, du fait de l’emprise qu’il a sur
l’esprit infortuné, et qu’un autre est naturel, comme uni à la chair, tu as dit à tes
disciples qu’ils ne causaient pas de souffrance aux hommes qui n’y consentaient
pas ; tu nous en as délivrés, Antoine de divine sagesse347.
Joseph a trouvé la route quand il a dit : « Je ne sais pas ». Antoine, toi qui es
éminent dans l’assemblée des hommes théophores, parce que tu manifestes que
Dieu a établi sa demeure en vérité en ceux qui s’humilient eux-mêmes, tu vou-
lais, divinement sage, que la foule de tes disciples accomplisse toutes les œuvres
du Seigneur dans l’humilité348.
Théotokion
Une terrible guerre se joue en moi, Vierge Mère, parce qu’une grande incurie a
saisi maintenant le malheureux que je suis, et qui d’autre, sinon toi est capable
de compatir, Souveraine pleine de bonté ? C’est pourquoi implante rapidement
la crainte du Seigneur et de sa venue dans ma pauvre âme.
Ode 9
Hirmos
Toi qui as conçu en toute pureté et en qui s’est incarné le Verbe créateur de
l’univers, Mère inépousée, virginale Génitrice de Dieu, habitacle de celui que
nul ne peut cerner, demeure de l’Infini, ton créateur, nous te magnifions.
Tropaires
C’est en immortelle colonne de la foi, père, et en protecteur des Orthodoxes, que
tu es vivement venu en aide quand Arius, comme un loup qui dévore l’âme, se
jetant sur le troupeau, a enseigné une fausse doctrine, contre le Verbe que nous
magnifions.
Comme tu as laissé ta mélote à Sérapion, laisse nous, ô Père, ta bénédiction
pour que, de toute notre intelligence et de tout notre cœur, nous, tes serviteurs,
nous aimions le Seigneur et soyons manifestement des héritiers de la Grâce.
Tu as acquis à l’égard de Dieu, un amour actif qui a chassé la crainte de
l’âme. Donne en héritage cet amour à tes enfants, comme don de tes prières et
témoignage de ta bonté pour ton monastère dans lequel nous pratiquons l’ascèse.
Sauve ce troupeau qui est tien, de la ruine causée par le diable, et supplie à
jamais le Verbe ami des hommes, pour que, Antoine, si nous nous comportons
bien, selon les promesses, nous puissions voir la face du Seigneur dans le
Royaume à venir.
Théotokion
Considérant, Mère, l’océan de mes péchés, en gémissant je crie du fond du cœur
et j’appelle au secours : J’ai péché, en toi je mets toute mon espérance, supplie
ton Fils, pour qu’il m’accorde le salut, en ami de l’homme, ô Souveraine.
Versets
De l’erreur de chacun des sept jours, délivre-nous, vénérable Antoine,
fils du huitième.
Simonos Pétra, 11.6.1999, fête de l’icône de la Mère de Dieu
de l’« Axion estin349 ».
***
349 Le 11 juin, le synaxaire fait mémoire de la révélation de l’hymne « Axion estin (Il est
digne) » par l’archange Gabriel à un moine athonite. L’icône devant laquelle eut lieu cette
révélation est appelée icône de l’Axion estin. Elle se trouve à Karyès, centre administratif
de l’Athos, dans l’église du Protaton, derrière l’autel (cf. Le Synaxaire, t. 4, Thessalonique
1993, p. 514-515).
624 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ode 1
Hirmos
À la tête de ses chars le Pharaon fut englouti grâce au bâton de Moïse autrefois,
merveilleusement, lorsqu’en forme de croix, il frappa la mer et la fendit, mais il
sauva Israël qui put fuir et passer à pied sec en chantant un cantique au
Seigneur350.
Tropaires
La croix du Christ, vénérable, tu l’as bien portée sur tes épaules lorsque tu t’es
uni à lui : Que celui qui aspire à la perfection, eh bien, qu’il consente à haïr tout
de la vie, et, après s’être dépouillé de toute possession, alors ainsi il sera appelé
mon disciple.
Comme un pélican, tu as mené une vie érémitique, père Antoine, recher-
chant le Christ de toutes tes forces, et secrètement crucifié par les réalités cor-
ruptibles de cette vie, tu es devenu participant du huitième jour ; puisses-tu en
juger dignes tes enfants.
Comme mort pour le Christ, Antoine, tu t’es toi-même lumineusement en-
fermé vivant dans l’obscurité d’un tombeau, où le rusé Satan, sous la forme
d’une multitude d’animaux, a tenté de t’effrayer, mais, pitoyable, il s’est couvert
de ridicule.
Théotokion
Les ordres angéliques te disent bienheureuse, Mère inépousée, et tous les chré-
tiens se prosternent devant toi qui es la frontière entre le périssable et
l’immatériel, depuis le jour où tu as accueilli en ton sein le Verbe divin, toute
Pure.
Ode 3
Hirmos
Seigneur qui as tendu la coupole des cieux et qui as édifié l’Église en trois jours,
rends-moi ferme dans ton amour, seul Ami des hommes, haut lieu de nos désirs
et forteresse des croyants351.
Tropaires
Par l’acquisition des vertus, père Antoine, tu as montré que ton âme est un ciel,
ton âme dans laquelle, comme le soleil, le Christ rayonnait, illuminant ton esprit
et réchauffant ta vigueur pour mener la divine ascèse.
Veillant chaque jour dans les prières, vénérable, tu as chassé au loin le
sommeil et tu as montré un esprit égal aux anges, par la force que tu tirais de la
plénitude de ton amour pour le Christ, père Antoine.
Grâce à ton humilité, tu as montré que les embuscades que te tendait le
diable n’étaient que jeux d’enfants turbulents et tu t’es définitivement enrichi de
n’avoir plus aucune crainte pour quoi que ce soit, tu as possédé en abondance
l’absence de crainte en elles, ce qui est le fondement des combats spirituels.
Théotokion
Tu es plus vaste que les cieux et toute la terre, très haute Vierge Toute Pure,
parce que tu as porté dans tes bras le Créateur de l’univers, Jésus le Seigneur,
douceur des fidèles.
Cathisme, t. 8
À la place des biens corruptibles auxquels tu avais renoncé en raison du divin
amour que tu portais au Seigneur, trois fois heureux, tu as reçu au centuple ton
salaire, pour avoir mené l’ascèse sur terre comme un ange, et avoir seulement
aspiré à Jésus ; te tenant à jamais auprès de lui, supplie-le longuement comme
un père, pour nous tes enfants, Antoine.
Ode 4
Hirmos
C’est toi ma force, Seigneur, toi ma puissance, toi mon Dieu et mon allégresse ;
sans quitter le sein du Père, tu as visité notre pauvreté ; aussi avec le prophète
Habacuc je te crie : Gloire à ta puissance, seul Ami des hommes.
Tropaires
L’adversaire a essuyé d’amères défaites, parce qu’il s’était imaginé qu’il t’avait
vaincu, vénérable, mais c’était sans compter avec la puissance de Dieu qui se-
crètement t’épaulait, Antoine ; c’est pourquoi, se tenant loin de toi, et te voyant
comme une flamme, dorénavant, il n’osait plus te tenter.
Tu n’as absolument pas tenu compte de la chair corruptible, ô saint, qui t’es
seulement préoccupé de ce qui demeure, et en as fait ton incessante préoccupa-
tion ; c’est pourquoi, dans la pauvreté, tu as parcouru toute ta vie, avec pour mo-
dèle le Maître qui s’était fait pauvre par amour de l’homme, Antoine.
Tu es devenu bienheureux, divin Antoine, et aimé de tous les hommes pour
ton ascétique vertu qu’en précurseur, tu as enseignée à l’Église ; c’est pourquoi
le seul fait de contempler ta beauté suffisait aux fidèles chrétiens et aux saints
bien-aimés.
Théotokion
Ô Pure engendrée, moi, arbre sans fruit, je suis terrifié quant à la fin à venir et à
la divine menace du feu, c’est pourquoi je tombe à tes pieds et te supplie lon-
guement : prie ton Fils et mon Maître au moment opportun de faire en sorte que
je sois écarté de l’enfer que je mérite.
Ode 5
Hirmos
Pourquoi m’as-tu repoussé loin de ta face, Lumière inaccessible ? Malheureux
que je suis, les ténèbres extérieures m’ont enveloppé ; fais-moi revenir, je t’en
supplie, et dirige mes pas vers la lumière de ta loi352.
Tropaires
Dans le désert, ô vénérable, d’indicibles mystères étaient l’objet de ta contem-
plation, et tu recevais des révélations sur l’avenir ; par un sage enseignement tu
interprétais, pour ceux qui vivaient l’ascèse avec toi, les commandements de
Dieu.
Dans ton vénérable cœur, la crainte de Dieu ne s’est pas installée parce que
l’amour, père, l’a chassée loin de toi ; c’est pourquoi tu observais tous les com-
mandements de la loi de Dieu, du seul fait de ton amour pour le Seigneur.
T’étant rendu maître des passions avec prudence, tu as atteint à la beauté
originelle ; c’est pourquoi, père Antoine, tu t’es rendu maître aussi des créatures
Théotokion
Toute pleine de grâces divines, des péchés de tout genre tyrannisent mon âme et,
comme un épais nuage, voilent les yeux de mon esprit ; c’est pourquoi je t’en
conjure, mets promptement fin à leur tyrannie, que je voie la lumière de mon
Seigneur.
Ode 6
Hirmos
Je répands ma supplication devant Dieu, au Seigneur j’expose mon chagrin, car
mon âme s’est emplie de maux et ma vie est proche de l’Enfer, au point que je
m’écrie comme Jonas : De la fosse, Seigneur, délivre-moi353.
Tropaires
La puissance de ta prière, ô vénérable, maintenait la cohésion du monde habité
et la renommée de tes vertus s’est étendue aux quatre coins de la terre, père An-
toine : c’est bien ainsi que le Christ magnifie ceux qui le servent.
Les lois de la nature ont été vaincues, bienheureux, par ta divine vie, que tu
passais toujours en prière, comme un ange incorporel, saint, et comme tu ne
goûtais aucune nourriture, tu progressais toujours dans l’ascèse.
Tu as élevé, vénérable, la multitude de tes disciples, de la terre vers le ciel,
en te montrant à eux, enseignant à partir de ta vie, plus que par l’usage des pa-
roles, Antoine, et tu as rempli d’âmes pures les tabernacles et demeures du ciel.
Théotokion
Les péchés ont l’ardeur de la jeunesse en moi qui ai vieilli, Vierge Mère de
Dieu, et ne cessent de faire la guerre à l’âme, comme de lancer le plaisir en ap-
pât : je t’en prie, supplie le doux Jésus de m’en délivrer.
Ode 7
Hirmos
Dans la fournaise les Jeunes gens foulèrent la flamme avec ardeur et changèrent
le feu en une fraîche rosée ; et ils criaient : Seigneur notre Dieu, tu es béni dans
les siècles354.
Tropaires
C’est en modèle de continence et d’ascèse, Antoine théophore, que tu es apparu,
comme une tombe, ayant méprisé les plaisirs du monde et ayant honoré avant
tout le Christ comme immuable délice.
Père, tu veillais chaque jour et tu gardais les gardes du Seigneur, c’est pour-
quoi visiblement parfait par de divins combats tu édifiais en sagesse les fidèles
qui t’approchaient.
Puisque tu as désiré la victoire la meilleure, tu l’as reçue, Antoine, comme
grâce : les trois ennemis spirituels, toi-même, Satan et le monde, tu les as mis
sous tes pieds, par la puissance du Seigneur.
Théotokion
Guéris, Mère, par tes divines intercessions, mon intelligence malade, et main-
tiens-la, par une chaîne divine, quand elle bondit, en lui rendant le souvenir du
Seigneur.
Ode 8
Hirmos
Celui qui sur la montagne sainte fut glorifié et pour Moïse révéla dans le buisson
ardent le mystère de la Mère toujours vierge, c’est le Seigneur, chantez-le, exal-
tez-le dans tous les siècles355.
Tropaires
Tu as même oublié la faiblesse de la vieillesse quand tu enquêtais pour trouver
Paul dans le désert ; quand le hasard te l’a fait rencontrer, Antoine, tu as admiré
sa vie de théophore et les combats surnaturels qu’il a endurés.
Tu as désiré les récompenses des Martyrs : ces derniers, Antoine, tu les as
préparés à la lutte dans tes discours, tandis que toi, tu as soutenu très vaillam-
ment le martyr de la conscience356 tout au long de ta vie en plein désert.
Tu t’es révélé médecin, quand tu as totalement guéri des malades en invo-
quant le Seigneur, et tu chassais, père porteur du Christ, l’essaim des démons
grâce à ton immense amour pour ceux qui sont possédés.
Théotokion
La folle mer de mes passions, Mère sans tache, apaise-la par tes prières et donne
la paix qui demeure, toute Pure, à mon âme profondément troublée par les at-
taques des démons.
Ode 9
Hirmos
Le ciel fut saisi de stupeur et les confins de la terre furent frappés d’étonnement
lorsqu’aux hommes Dieu s’est montré revêtu de notre chair ; et ton sein est de-
venu plus vaste que les cieux : ô Mère de Dieu, l’assemblée des Anges et des
hommes te magnifie.
Tropaires
Lorsqu’est apparue la trouble impiété d’Arius, tu t’es hâté, comme la foudre,
accouru du désert pour brûler les dogmes corrompus et démoniaques, et tu as
enseigné à tous avec piété, d’avoir une même vénération pour le Verbe de Dieu,
consubstantiel au Père et, père, de même adoration que l’Esprit.
Tu as été envoyé du ciel comme signe pour l’Église, vénérable Antoine,
exacte tablette de l’observance de commandements grâce auxquels les fidèles
reçoivent la lumière de l’instruction et deviennent héritiers du divin Royaume
des cieux, où tu te tiens, ne cessant de prier en permanence pour nous.
Reçois, en modeste baume d’écriture, Antoine théophore, les chants que tes
enfants, de tout cœur, dans leur pauvreté, te présentent ; enrichis-les, par ta di-
vine intercession, des vertus qui leur vaudront de voir le visage du Christ,
unique objet de leur désir.
Théotokion
Après avoir chanté Antoine de tout cœur, Mère de Dieu marquée du sceau de
ton fils, voici que maintenant aussi c’est toi, Maîtresse, que nous chantons lon-
guement, toi qui as fait fleurir pour le monde le divin amour de nos âmes : inter-
cède sans relâche pour qu’Il nous obtienne le Royaume, à nous tous qui célé-
brons ta gloire.
Versets
Rachète, Antoine, par tes prières, avec tes enfants qui sont au Christ,
ton panégyriste également.
***
630 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
C’est avec l’aide du Dieu saint, que se trouvent achevés les huit canons présents
en l’honneur du Vénérable ANTOINE LE GRAND, sur le Saint Mont Athos, au
Saint Monastère de Simonos Pétra, le 25.6.1999, en la mémoire de la sainte véné-
rable glorieuse vierge martyre, Fébronie.
Théotokion
C’est comme refuge de tous les mortels dans les tempêtes de la vie, que nous te
connaissons, Vierge de bonté, toi que nous supplions : abrite et couvre de ta bé-
nédiction ceux qui ont recours à toi.
Théotokion
Conduis les hommes pieux vers les tabernacles du ciel, eux qui te glorifient avec
amour, Toi qui as engendré Dieu, Mère étrangère au reproche, par l’entremise
des prières à Antoine, ce prytane de la bonté, du jeûne et de la prière.
*
Antoine, noblesse de l’hésychia, ne cesse pas d’implorer le Rédempteur pour
ceux qui t’honorent et sollicitent avec foi ton intercession.
Théotokion
Jette avec bonté ton regard, Mère de Dieu toute digne d’être chantée, sur les dif-
ficultés avec mon corps et guéris la douleur de mon âme.
632 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Litanie
Cathisme, t. 2
Boussole des ascètes pour la divinisation, Antoine, ligne de départ des coureurs
de la piété vers la perfection, et auprès du Christ compatissant, notre ambassa-
deur, résistant au sommeil, qui ne somnole pas, conduis les cohortes de croyants
vers les tabernacles du ciel rayonnants de divine lumière.
Théotokion
Par l’aspersion de ta grâce, sanctifie tous ceux qui te chantent, Mère de Dieu
toujours vierge, pleine de grâce, toute bénie.
Théotokion
Gardienne, abri et assistance de ceux qui prient, Mère de Dieu, protège tous les
innocents des filets de l’antique belliqueux.
hérétiques, trois fois heureux Antoine, rends dignes, par tes prières, ceux qui
cherchent le secours de ta grâce, de penser avec justesse.
Remplis-moi, moi, ton suppliant dénué de sagesse, de la céleste sagesse, et
fais cesser les impulsions de la misérable chair, bienheureux Antoine, de celui
qui t’honore comme un homme d’une sagesse supérieure, qui regarde de haut les
choses corruptibles, inconstantes et vaines, toi, merveilleusement divin.
Théotokion
Vers un asile calme et sans vague, Vierge souveraine, conduis moi, submergé
que je suis dans les tempêtes de la vie, en véritable et infaillible conductrice de
tous les croyants qui sont en mer, Mère de Dieu, vers un port calme.
*
Antoine, noblesse de l’hésychia, ne manque pas d’implorer le Rédempteur pour
ceux qui t’honorent et sollicitent avec foi ton intercession.
Théotokion
Immaculée, toi qui, pour les temps derniers, as, de manière inexplicable par le
raisonnement, engendré le Verbe, prie le instamment en tant que détentrice de la
liberté de parole d’une mère.
Kontakion, t. 2
Puissions nous, tous dans la joie, faire ton éloge, Antoine, fondateur de la Thé-
baïde, comme maître, non soumis aux lois du mariage, doté d’une sagesse supé-
rieure, et ambassadeur ardent porteur du nom du Christ, en faveur du tout pro-
pice Créateur et Seigneur.
Prokiménon, t. 4
Elle est précieuse aux yeux du Seigneur la mort de son Saint (Ps 116,15).
Verset : Admirable est Dieu dans ses saints (Ps 67,36).
Évangile selon Luc 6, 17-33 : « En ce temps là, Jésus se tint dans un endroit
plat. »
Gloire au Père…
Par les prières de Ton Saint, aie pitié,…
Maintenant…
Par les prières de la Mère de Dieu, aie pitié,…
634 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Idiomèle, t. 6
Vénérable Antoine, rejeton du pays du Nil, fondateur inspiré de la Thébaïde, et
tabernacle de l’Esprit de Dieu, maître vraiment très grand des ascètes, guide vers
la perfection de ceux qui ont recours à toi, montre-moi le chemin de l’amour qui
mène vers les divines demeures du ciel et vers la gloire sans fin, afin que je ma-
gnifie ton intelligence et l’assistance que tu montres à l’égard de tous ceux qui
recourent à ta grâce.
Théotokion
Par tes ambassadeurs aux pouvoirs purificateurs, nous avons recours à ton
amour, et à ton secours, Vierge, nous tes serviteurs qui avons été souillés, Maî-
tresse digne d’être hautement louée pour le Verbe de Dieu, qui est aussi ton di-
vin enfant.
Théotokion
Rends tes serviteurs dignes, Vierge pleine de grâce, de contempler, dans les cé-
lestes tabernacles, la beauté de la forme de ton très auguste Enfant.
Théotokion
Avec Antoine, ami de ton Fils, ne cesse pas de le prier, Reine du monde, pour
ceux qui te regardent comme bienheureuse avec foi et amour.
Toutes les armées des anges, précurseur du Seigneur, les douze Apôtres, tous les
Saints, avec la Mère de Dieu, faites-vous ambassade pour que nous soyons
sauvés.
Apolytikion, t. 5
Fondateur très inspiré de la Thébaïde, très grande gloire des Saints et dignité des
ermites, ayant bien réussi, avec prudence, l’association de la sociabilité et de la
solitude, nous les fidèles, faisons ton éloge, Antoine, inspiré par Dieu, en tant
qu’instrument de la divine Grâce, qui donne la vie aux fidèles en répandant l’eau
mélangée au vin.
Distique
Antoine, doyen de la Thébaïde, sois avec Charalampos,
l’aître de celui qui est toute miséricorde.
Gloire et louange au moine Antoine et à notre Dieu.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 637
avait édité seulement la vie de saint Antoine366. Le texte de cet acathiste est
différent de celui de l’Acathistaire actuel. Cette édition de Neamţ a échappé au
Professeur D. Buzatu, qui ne signale que l’édition dans le recueil d’acathistes du
skite Darvari de Bucarest en 1930, en mentionnant qu’une expression de l’ikos
12, « Réjouis-toi, joie et force des croyants et de nous les moines », révèle que
cet acathiste a été composé par un moine367. Il s’agit en fait d’une réédition de
celle de l’archimandrite Mélèce de Neamţ, qui avait été approuvée par le Saint-
Synode le 13 juin 1928 (ord. N° 325).
Ce n’est qu’à cette époque que sont apparus les deux acathistes roumains de
saint Antoine, alors que ceux de saint Nicolas, de saint Georges ou de saint Pan-
téleimon sont déjà présents dans les éditions du XIXe siècle368.
Deux acathistes grecs de saint Antoine ont été récemment composés : l’un
par l’archimandrite Léonce Chatzicostas, édité en 2002369, et l’autre, par le
Grand hymnographe de l’Église d’Alexandrie Charalampos Bousias, qui avait
appris que nous cherchions un acathiste grec de saint Antoine et qui l’a composé
pour notre recueil370.
Tous deux commencent par un kontakion chanté sur la mélodie du konta-
kion qui célèbre la victoire de Constantinople sur les ennemis et qui introduit
l’acathiste de la Mère de Dieu. Ils forment un acrostiche alphabétique. Aux
vingt-quatre lettres de l’alphabet grec correspond une strophe, appelée ikos
(oij'ko"). Les strophes impaires consistent en une introduction et en douze accla-
mations, commençant par « réjouis-toi » (cai're) et liées deux par deux. La dis-
position des syllabes varie suivant le même schéma que celui de l’acathiste en
l’honneur de la Mère de Dieu371 :
Strophes impaires : nombre de syllabes
[1] 10
[2] 10
[3] 13
[4] 13
[5] 16
[6] 16
[7] 14
[8] 14
[9] 11
[10] 11
[11] 11
[12] 11
Refrain 8 : cai're (ou cai'roi"), mavkar ÆAntwvnie
Le refrain est le même pour les deux acathistes, si ce n’est que
l’hymnographe Bousias emploie l’optatif (χαίροις) au lieu de l’impératif
(cai're).
Voici une traduction française des deux acathistes roumains et des deux aca-
thistes grecs en l’honneur de saint Antoine.
Kontakion, t. 8 : Protectrice
Venez tous, louons Antoine le Grand, qui, écoutant la voix de l’Évangile du
Seigneur, a abandonné les vanités du monde, a mené la vie angélique sur la terre
et qui, passé à la vie céleste, prie Dieu pour nous qui lui crions : Réjouis-toi,
Antoine, louange des Pères.
372 Cette prière n’est pas reprise dans les éditions actuelles de l’Acathistaire.
640 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 1
Conseillé par Dieu, tu es allé dans sa sainte Église et tu as entendu la voix de
l’Évangile du Seigneur ; aussitôt tu as abandonné les vanités du monde, brûlant
de zèle pour la vie angélique ; c’est pourquoi nous te crions :
Réjouis-toi, car Dieu t’a choisi pour la vie céleste sur la terre.
Réjouis-toi, car par la voix de l’Évangile du Seigneur tu fus conseillé.
Réjouis-toi, car la parole du Seigneur est tombée sur une bonne terre.
Réjouis-toi, car ton âme, recevant la parole de l’Évangile, a fructifié au
centuple.
Réjouis-toi, car tu as partagé aux pauvres tes biens terrestres.
Réjouis-toi, car ainsi tu as acquis un trésor sans prix dans les cieux.
Réjouis-toi, car ainsi tu es devenu grand devant le Seigneur.
Réjouis-toi, car tu as eu pitié non seulement des pauvres, mais de beaucoup
d’autres.
Réjouis-toi, car par tes aumônes, tu as accompli la parole du Seigneur.
Réjouis-toi, car manquant de biens terrestres tu as obtenu les biens célestes.
Réjouis-toi, car tu as décidé de te faire un moine habile.
Réjouis-toi, car étant mortel dans la chair tu n’as pris soin que du ciel.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 2
Semé en terre comme un arbre fruitier, tu as apporté à Dieu de nombreux fruits
de bonnes actions ; méprisant le corps et le monde, tu as exhorté beaucoup à de
bonnes actions chantant avec eux : Alléluia.
Ikos 3
Ayant l’esprit avisé, dans ta jeunesse, des Pères vénérables et saints de Dieu, tu
as rassemblé des enseignements de bonnes actions, comme l’abeille recueille le
miel des fleurs, pour ensuite les partager avec d’autres pour le salut de leurs
âmes, c’est pourquoi nous te chantons :
Réjouis-toi, zélé des biens célestes.
Réjouis-toi, car tu as complètement abandonné les misérables biens terrestres.
Réjouis-toi, car tu ne t’es donné de la peine que pour orner l’âme.
Réjouis-toi, car solitaire comme un oiseau tu as vécu dans le désert.
Réjouis-toi, car tu as gagné le désert au lieu du plaisir.
Réjouis-toi, car tu ne t’es nourri que de bonnes actions, comme l’abeille, du
miel.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 641
Ikos 4
Tout le peuple orthodoxe de l’Égypte voyant en toi le commencement de la
droite ascèse, que Dieu a choisi pour exhorter par ta vie à de bonnes actions et à
une vie sainte, agréable à Dieu, chante avec toi : Alléluia.
Ikos 5
Celui qui hait le bien et l’ennemi du salut des hommes, le diable, voyant la con-
duite de ta vie sainte et les bonnes actions que tu accomplissais, a commencé à
t’entraver ; mais toi, avec l’aide de Dieu par la prière, tu l’as vaincu, c’est pour-
quoi nous te crions :
Réjouis-toi, car par ta conduite semblable à celle des anges le diable fut ren-
versé.
Réjouis-toi, car armé de prières et du jeûne, tu l’as confondu.
Réjouis-toi, car avec le glaive de feu de la prière tu l’as éloigné.
Réjouis-toi, car avec les esprits mauvais et invisibles tu as lutté avec har-
diesse.
Réjouis-toi, car en cette lutte Dieu t’a aidé.
Réjouis-toi, car ayant la pensée et l’esprit vers Dieu tu as triomphé de celui
qui a lutté avec toi.
Réjouis-toi, car tu t’es donné de la peine voyant le Seigneur avec toi.
Réjouis-toi, car l’ennemi s’est vu lui-même vaincu.
Réjouis-toi, car tu as échappé à beaucoup de ses pièges.
Réjouis-toi, car pour cela tu as réjoui beaucoup d’âmes.
Réjouis-toi, car mortel en ton corps tu t’es montré comme un incorporel.
Réjouis-toi, car dans la lutte contre le mauvais tu fus fort comme un dia-
mant.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
642 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 6
Admirant nous aussi tes luttes et tes peines par lesquelles avec l’aide de Dieu tu
as toujours vaincu l’ennemi, le Diable, et fortifiés par cela pour plus de peines et
de bonnes actions, nous crions à Dieu avec toi : Alléluia.
Ikos 7
Posant dans ton esprit, Vénérable Père, le bonheur et les délices du Paradis et
pensant aussi à la terrible tourmente de l’enfer, tu n’as pas considéré la chair,
étant encore jeune, mais tu t’es efforcé avec ardeur d’échapper aux passions
corporelles et d’avoir une conduite semblable à celle des anges ; c’est pourquoi
nous te crions :
Réjouis-toi, car tu t’es donné de la peine uniquement pour le royaume des
cieux.
Réjouis-toi, car ton esprit et ton âme n’ont aspiré qu’aux choses d’en haut.
Réjouis-toi, car ne pensant qu’aux choses célestes tu fus semblable à un ange
sur la terre.
Réjouis-toi, car par de bonnes actions comme montant sur des marches tu
fus sauvé en vérité.
Réjouis-toi, car tu as haï les complaisances du corps.
Réjouis-toi, car ainsi tu t’es rendu fort dans le combat invisible.
Réjouis-toi, car tu as compté comme ordures la richesse et la gloire du
monde.
Réjouis-toi, car dans ta jeunesse tu n’as pas voulu les plaisirs mondains.
Réjouis-toi, car tu as préféré le Paradis aux biens terrestres.
Réjouis-toi, car pour cela tu es heureux.
Réjouis-toi, car tu nous guides à ta suite pour être sauvés.
Réjouis-toi, car nous recevons tes conseils et tes enseignements.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 8
Ornant donc ton esprit de bonnes actions et les multipliant comme les cèdres du
Liban, tu t’es consacré à Dieu et avec les bienheureux et les justes tu chantes
sans cesse à Dieu : Alléluia.
Ikos 9
Voulant vivre comme un incorporel, tu as décidé de mener une vie plus rude et
ainsi tu t’es enfermé vivant dans un tombeau ; et là tu as reçu beaucoup de coups
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 643
Ikos 10
Ne pensant qu’aux choses élevées et célestes, tu es devenu un ange terrestre : et
ton esprit s’élevant de la terre au ciel danse avec les anges chantant sans cesse à
Dieu : Alléluia.
Ikos 11
Trouvant dans le désert le plus reculé une petite forteresse abandonnée qui était
le repère des bêtes sauvages, là tu t’es installé ; et celles-ci te voyant ont aban-
donné leur lieu sans te faire de mal, c’est pourquoi nous te crions :
Réjouis-toi, car ta grande foi a apaisé la nature des bêtes sauvages nocives.
Réjouis-toi, car les bêtes sauvages te voyant comme leur maître se sont
abaissées.
Réjouis-toi, car allant sur le chemin du désert tu as vu beaucoup d’or.
Réjouis-toi, car tu as sauté par-dessus l’or comme par-dessus un feu.
Réjouis-toi, car tu as fui l’or comme le feu de l’enfer.
Réjouis-toi, car tu as considéré l’abondance de l’or vu au désert comme une
perte pour l’âme.
Réjouis-toi, car tu ne t’es pas du tout laissé tromper par les choses vaines.
Réjouis-toi, car ton esprit n’a jamais cessé de penser aux choses divines.
Réjouis-toi, car c’est pourquoi tu t’es édifié comme l’or.
644 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Réjouis-toi, car le Seigneur t’a rendu heureux pour tes nombreuses luttes et
peines.
Réjouis-toi, car dans tous tes malheurs le Seigneur t’a aidé.
Réjouis-toi, car le Seigneur t’a aimé comme un ami véritable.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 12
Enfermé volontairement dans cette petite forteresse trouvée abandonnée dans le
désert, tu l’as habitée pendant vingt ans, ne sortant pas, te nourrissant seulement
de pain et d’eau de nombreux jours, vivant tout le temps dans la prière et chan-
tant au Seigneur jour et nuit : Alléluia.
Ikos 13
Devant tant de luttes, le Seigneur t’a glorifié : sortant de cette prison tu as guéri
beaucoup de malades et tu as délivré ceux qui étaient possédés d’esprits mau-
vais ; c’est pourquoi tout le peuple orthodoxe te chante ainsi :
Réjouis-toi, guérisseur des maladies par la grâce de l’Esprit.
Réjouis-toi, guérison et joie de ceux qui sont accablés de graves maladies.
Réjouis-toi, car tu t’es montré un médecin anargyre.
Réjouis-toi, car tu as délivré beaucoup d’esprits mauvais.
Réjouis-toi, consolation de ceux qui sont accablés et dans le malheur.
Réjouis-toi, intercesseur auprès de Dieu pour le peuple fidèle.
Réjouis-toi, Père des pauvres en esprit.
Réjouis-toi, car par tes miracles tu as affermi la vraie foi.
Réjouis-toi, car tous les fidèles nous te crions : Réjouis-toi.
Réjouis-toi, car ceux qui ont vu ta vie et tes miracles ont rendu gloire à Dieu.
Réjouis-toi, car tes bonnes actions ont été lumière devant les hommes.
Réjouis-toi, car par toi Dieu fut glorifié sur la terre.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 14
Beaucoup parmi les fidèles, désirant ta sainte vie t’ont suivi dans ta conduite et
tes exploits du désert avec piété, habitant avec ceux qui, avec un zèle divin,
vivant dans le jeûne et la prière, crient avec toi vers Dieu : Alléluia.
Ikos 15
Bien souvent et de diverses manières, par d’utiles enseignements tu as exhorté
tes fils spirituels, Père Antoine, à suivre ta conduite, c’est-à-dire une obéissance
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 645
avec une humble pensée envers Dieu et envers leurs guides pour le bien de la
communauté et pour le salut de leurs âmes ; c’est pourquoi nous te chantons :
Réjouis-toi, apôtre des moines et de tous les fidèles.
Réjouis-toi, maître pour le bien de la communauté.
Réjouis-toi, car tu t’es efforcé par des paroles utiles à exhorter chacun aux
bonnes actions.
Réjouis-toi, bon conseiller de ceux qui vivent dans le désert.
Réjouis-toi, car par tes enseignements beaucoup d’âmes ont été sauvées.
Réjouis-toi, car par ta conduite solitaire, tu as conduit beaucoup à la table
céleste.
Réjouis-toi, car ne te nourrissant pas de mets recherchés tu as trouvé une table
céleste.
Réjouis-toi, car tu te réjouis autour de la table céleste avec tes fils spirituels.
Réjouis-toi, car ceux qui t’ont suivi ont trouvé le repos.
Réjouis-toi, car le Christ, l’initiateur de l’ascèse, t’a couronné pour ta droite
ascèse.
Réjouis-toi, car pour cela nous aussi tes fils nous nous réjouissons.
Réjouis-toi, car avec toi beaucoup d’âmes se réjouissent.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 16
Pour ta grande foi envers Dieu tu as reçu la sagesse d’en haut, comme autrefois
Salomon, et par ta théologie de vraie foi parmi les hérétiques, ils reconnaissent
la vérité et chantent avec toi à Dieu : Alléluia.
Ikos 17
Les sages grecs apprenant ta sagesse donnée par Dieu ont couru vers toi pour
découvrir la vraie foi et tu leur as annoncé le Christ, Parole de Dieu et Dieu véri-
table et sa croix comme sceptre de défense contre les infidèles, c’est pourquoi
nous chantons :
Réjouis-toi, annonciateur de l’incarnation du Christ.
Réjouis-toi, didascale du mystère de sa naissance.
Réjouis-toi, car tu as montré aux Grecs la puissance de la croix.
Réjouis-toi, qui leur as annoncé que le salut des hommes ne se fait que par le
Christ Seigneur.
Réjouis-toi, car eux entendant ta sagesse sont devenus muets.
Réjouis-toi, car tu as abêti leurs inventions de mauvaise foi.
Réjouis-toi, car tu as tourné en dérision la mauvaise foi des hérétiques.
646 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 18
Dès ta jeunesse jusqu’à la fin de ta vie, tu as mis tout ton espoir en Dieu, car tu
n’as pas espéré dans les fils des hommes où il n’y a pas de salut, mais tu as espé-
ré en Celui qui donne la vie après la mort, à qui nous chantons maintenant sans
cesse : Alléluia.
Ikos 19
Le Seigneur habitant dans ton âme t’a sanctifié entièrement par l’Esprit saint et
tu as béni Dieu sans cesse présent dans ton âme et ton esprit pour le don reçu par
les miracles que tu accomplissais à l’appel de son nom, pour lequel nous crions :
Réjouis-toi, Antoine, car pour ta sainte vie les anges se sont réjouis.
Réjouis-toi, car tu bénis le Seigneur qui t’a couronné avec miséricorde et
pitié.
Réjouis-toi, car le Seigneur par amour a délivré ta vie de la corruption.
Réjouis-toi, car maintenant ton désir s’est rempli de biens.
Réjouis-toi, car quittant la vie tu volas au ciel comme un aigle dans les hau-
teurs.
Réjouis-toi, car le Seigneur par sa providence t’a fait connaître ses chemins
et ses volontés.
Réjouis-toi, car ayant toujours la crainte de Dieu dans ton âme il t’a aimé
comme son fils.
Réjouis-toi, car vivant dans le désert, tu as fleuri comme une fleur du Paradis.
Réjouis-toi, car le Seigneur a renouvelé ta vie, te glorifiant dans le ciel.
Réjouis-toi, car la miséricorde et les bontés du Seigneur sont avec toi pour
l’éternité.
Réjouis-toi, car ayant aimé la justice sur la terre, tu te réjouis maintenant de
la justice de Dieu.
Réjouis-toi, car avec tous les saints et les anges tu glorifies Dieu dans le ciel.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 647
Ikos 20
La vie des ermites qui volent sur les ailes du désir divin est bienheureuse. Car
passant toute ta vie dans le désert, tu n’as pas servi des hommes, ni ce siècle
passager, mais tu as volé dans l’amour céleste, chantant sans cesse : Alléluia.
Ikos 21
Heureux es-tu en vérité, vénérable Père, car le don de la sainte Trinité t’a ensei-
gné, à toi et à ceux qui t’ont suivi, à garder les commandements de Dieu et à ne
faire que ce qui lui est agréable, c’est pourquoi nous chantons :
Réjouis-toi, car, pauvre en esprit, le Royaume des cieux t’appartient.
Réjouis-toi, car vivant dans les pleurs et les larmes, maintenant tu es sans
cesse consolé dans les cieux.
Réjouis-toi, car pour ta douceur, tu habites maintenant le domaine des doux.
Réjouis-toi, car miséricordieux pour beaucoup, maintenant dans le ciel on te
fait miséricorde.
Réjouis-toi, car ayant vécu avec un cœur pur, maintenant tu vois Dieu.
Réjouis-toi, car guidant les hommes vers la paix, tu es appelé fils de Dieu.
Réjouis-toi, car étant souvent persécuté par les infidèles pour la justice, le
Royaume des cieux est à toi.
Réjouis-toi, car gardant les commandements du Seigneur, ta récompense est
grande dans le ciel.
Réjouis-toi, car ceux qui suivent tes enseignements sont bienheureux.
Réjouis-toi, car te protégeant l’esprit, personne ne détruira ta forteresse.
Réjouis-toi, car pour cela tu es bienheureux.
Réjouis-toi, notre intercesseur infatigable auprès de Dieu.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 22
Ayant vaincu par la grâce de Dieu toutes les machinations de ce siècle téné-
breux, les vanités passagères et misérables de ce monde, par d’innombrables
peines tu as atteint le bonheur céleste où, avec les bienheureux, tu chantes à
Dieu : Alléluia.
Ikos 23
Vénérable Père, passant de la vie à la vie où tu chantes à la sainte Trinité avec
les chérubins : saint, saint, saint, ne nous oublie pas, nous tes fils spirituels qui te
chantons cette louange :
648 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Réjouis-toi, car ton départ d’ici-bas a été annoncé par une découverte divine.
Réjouis-toi, car tu as parlé de celui-ci avec joie à tes disciples.
Réjouis-toi, car tes prières devant Dieu sont reçues comme l’encens de bonne
odeur.
Réjouis-toi, car avec grande hardiesse tu pries Dieu pour nous.
Réjouis-toi, car par tes prières Dieu répand sa miséricorde sur tous.
Réjouis-toi, car nous tous t’avons comme intercesseur auprès de Dieu.
Réjouis-toi, car nous mettons notre espoir en toi après Dieu.
Réjouis-toi, colonne des ermites et de ceux qui vivent selon Dieu.
Réjouis-toi, car de ta mémoire tous les fidèles se réjouissent.
Réjouis-toi, joie et force des croyants et de nous les moines.
Réjouis-toi, Antoine, louange des Pères.
Ikos 24
Ô très vénérable Père Antoine, recevant nos cantiques de louange, prie sans
cesse devant Dieu pour le monde entier et pour nous afin que nous échappions
aux tentations, aux maux et aux malheurs qui nous ont atteints en notre temps et
que vivant dans de bonnes œuvres avec une âme pure et un esprit humble, nous
chantions avec toi vers Dieu : Alléluia.
Kontakion
Fuyant les sombres ténèbres de l’Égypte, tu as cherché dans le désert une terre
porteuse de vie ; par l’abstinence et l’ascèse réfrénant le soulèvement de la chair,
Père digne de louange, tu es devenu le modèle des moines qui te chantent : Ré-
jouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 1
Tout en appartenant à la nature humaine, Père, tu t’es montré un concitoyen des
Anges, car tu as vécu sur terre comme un incorporel, ayant déposé tout souci de
la chair. C’est pourquoi nous te chantons :
Réjouis-toi, qui fus élevé dans la piété par tes parents,
Réjouis-toi, qu’une mère a fait croître dans la foi.
Réjouis-toi, qui de l’Égypte es l’immarcessible rameau,
Réjouis-toi, chef de file des moines dans le désert.
Réjouis-toi, qui dès la jeunesse marchas à la suite du Christ,
Réjouis-toi, qui dédaignas la charnelle condition.
Réjouis-toi, initiateur de la monastique componction,
Réjouis-toi, qui désirais le salut des mortels.
Réjouis-toi, qui délivras un grand nombre de l’erreur,
Réjouis-toi qui de leur méchanceté as guéri des malfaiteurs.
Réjouis-toi, par qui le Seigneur fut exalté,
Réjouis-toi, par qui Satan fut couvert de confusion.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 2
Voyant ta sublime élévation, Père théophore, l’ennemi essaya de mettre obstacle
à ton oeuvre de bien ; ainsi, quelque temps après, il s’est gaussé de tes progrès ;
mais toi, luttant avec le corps et par l’âme t’élevant, tu chantais pour le Sei-
gneur : Alléluia.
Ikos 3
Ayant acquis la connaissance de ce qui demeure et de ce qui passe, tu as dédai-
gné les éphémères plaisirs de la vie ; alors, t’enfermant dans un tombeau, par de
nombreuses épreuves tu as appris à mettre ton espoir dans le Seigneur. C’est
pourquoi tu nous entends te chanter :
Réjouis-toi, inspirateur de l’espérance en notre Dieu,
Réjouis-toi, qui empêchas l’ennemi de te faire du mal.
Réjouis-toi, qui n’as pas eu peur de ses coups,
Réjouis-toi, qui triomphas de ses complots.
Réjouis-toi, qui de l’Égypte es l’illustre renommée,
Réjouis-toi, qui de tous les moines es le plus éclatant.
Réjouis-toi, divine fleur de la piété,
Réjouis-toi, rayonnante splendeur de la sainteté.
Réjouis-toi, lumière qui éclaire les savants,
Réjouis-toi, étoile dont les astres reçoivent leur clarté.
650 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 4
En toute chose t’a rendu fort la puissance du Très-Haut, bienheureux Antoine,
qui, voyant l’impuissant assaut des ennemis contre toi, demeuras inébranlable et
qui, environné de grâces de tous côtés, chantas pour le Seigneur : Alléluia.
Ikos 5
Dans ton amour de Dieu, alors que tes peines se multipliaient, tu y vis la grâce
divine, Père sage-en-Dieu, car une lumière descendit du ciel et t’éclaira dans ton
combat, tandis qu’une voix t’encourageait en disant :
Réjouis-toi, fils de la divine clarté,
Réjouis-toi, habitacle de l’Esprit saint.
Réjouis-toi, inextinguible flambeau de l’ataraxie,
Réjouis-toi, parfait modèle des abstinents.
Réjouis-toi, qui pour les anges et les hommes es un spectacle si doux,
Réjouis-toi, grande gloire des élus.
Réjouis-toi, qui des hommes chasses les passions,
Réjouis-toi, qui leur procures en abondance la grâce de Dieu.
Réjouis-toi, premier des Pères du désert,
Réjouis-toi, qui des célibataires es l’excellent protecteur.
Réjouis-toi, qui surpasses en connaissance les savants,
Réjouis-toi, qui fortifies et relèves de leurs chutes les croyants.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 6
Enflammé, saint Antoine, par l’amour de Dieu, avec joie tu as couru vers les
montagnes du désert ; alors le prince du mal posa devant toi un grand plateau
d’argent, mais toi, l’ayant dédaigné comme scories, tu chantas pour le Seigneur :
Alléluia.
Ikos 7
Père Antoine, en luttant de surnaturelle façon et triomphant des ruses du démon,
tu t’es élevé bien au-dessus ; et devenu un citoyen du désert, tu entendis les
éloges suivants :
Réjouis-toi, modèle des anachorètes, leur fondement,
Réjouis-toi, qui mets au pilori les perfides ennemis.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 651
Ikos 8
Voulant franchir le Nil, théophore Père Antoine, et ne trouvant pas de barque, tu
es monté sur un crocodile pour aller vers ceux qui réclamaient ton intercession
et tu as chanté avec eux pour le Seigneur : Alléluia.
Ikos 9
De jeunes Égyptiens, te voyant vivre dans le désert comme un qui avait dépassé
l’humaine condition et recevant ton enseignement, t’ont pris pour une métamor-
phose de notre Dieu ; c’est pourquoi, louant le Seigneur, nous te chantons :
Réjouis-toi, qui es un homme parmi les Anges du ciel,
Réjouis-toi, qui es un ange au milieu des mortels.
Réjouis-toi qui de la terre, par ton exemple, as fait un ciel,
Réjouis-toi, qui par tes œuvres as servi le Seigneur.
Réjouis-toi, qui as fait froncer le sourcil aux démons,
Réjouis-toi, qui as donné de l’élévation à la vie des mortels ;
Réjouis-toi, initié de la divine Seigneurie de la tri-solaire Divinité,
Réjouis-toi, guide de ceux qui mènent la vie en Dieu.
Réjouis-toi, relèvement de ceux qui ont failli,
Réjouis-toi, qui pour un grand nombre es le salut.
Réjouis-toi, qui nous guides sur la trace de tes pas,
Réjouis-toi, car en suivant tes conseils nous obtenons les biens spirituels.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 10
Pour les sans-Dieu tu t’es montré un prédicateur de la vraie foi et, voulant té-
moigner comme martyr, tu es entré courageusement dans la cité ; mais, n’ayant
652 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
pu réaliser ton désir, c’est en combat singulier que tu t’es mis à lutter, toi qui
chantais pour le Seigneur : Alléluia.
Ikos 11
Comme un luminaire tu as brillé dans le désert de l’Égypte, chassant les ténèbres
de l’erreur et opérant de nombreuses guérisons, par lesquelles tu as glorifié le
Seigneur. Reçois donc de nous les éloges que voici :
Réjouis-toi, par qui sont édifiés les gens pieux,
Réjouis-toi, grâce à qui les hommes trouvent le salut.
Réjouis-toi, pour les malades, divine consolation,
Réjouis-toi, grâce divine pour les voyageurs.
Réjouis-toi, qui as guéri par efficace intercession,
Réjouis-toi, bienheureux qui vis loin de tous.
Réjouis-toi, qui as fui soudainement au désert,
Réjouis-toi, qui as inventé l’angélique vie.
Réjouis-toi, qui es entré au service de notre Dieu,
Réjouis-toi, qui pour nous t’es montré un intercesseur auprès de lui.
Réjouis-toi, car tu guides le peuple vers lui,
Réjouis-toi, qui réconcilies les hommes avec lui.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 12
Demeurant sur la montagne déserte, Antoine le Grand gagnait sa nourriture par
son travail, cultivant la terre et se nourrissant de dattes et de blé ; il inspirait de
la crainte aux animaux sauvages et incitait les fidèles à chanter pour le Sei-
gneur : Alléluia.
Ikos 13
De l’inaccessible désert tu fis une nouvelle cité, bienheureux Antoine en compa-
gnie des anges également : comme une autre Jérusalem, un autre Sinaï, ta mon-
tagne s’agrandit et, te montrant un autre Moïse, un autre Élie, tu as entendu les
éloges que voici :
Réjouis-toi, second Moïse par les prodiges accomplis,
Réjouis-toi, second Élie par le genre de vie.
Réjouis-toi, qui ressembles à David par la douceur,
Réjouis-toi, qui du Baptiste as suivi les chemins.
Réjouis-toi, qui as fait jaillir de l’eau par miracle dans le désert,
Réjouis-toi qui as ressemblé à saint Paul par la sincérité.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 653
Ikos 14
Étrange miracle : apercevant des bêtes sauvages de toutes sortes, tu ne fus nul-
lement épouvanté, Père trois fois heureux ; mais le Prédateur, voyant ta sainte
apparence, saisi de frayeur, fut soudain frappé à mort ; et toi, le paradigme des
tentations, tu as chanté pour le Seigneur : Alléluia.
Ikos 15
Tu as manifesté, Père théophore, une grande joie lorsque tu vis s’élever dans le
ciel l’âme d’Ammoun, que tu as montrée à ceux qui étaient avec toi et qui
t’interrogeaient à son sujet ; quant à nous, constatant ta sainteté, c’est avec
grande admiration que nous te chantons :
Réjouis-toi, spectateur des mystères les plus secrets,
Réjouis-toi, qui as dédaigné les biens d’ici-bas.
Réjouis-toi, lumière véritable des ingénus,
Réjouis-toi, qui à l’obéissance étais toujours prompt.
Réjouis-toi, qui voyais le futur comme le présent,
Réjouis-toi, qui aux infirmes as donné la vigueur.
Réjouis-toi, qui as guéri de jeunes possédés,
Réjouis-toi, qui as soigné des ophtalmies.
Réjouis-toi, qui as vu les âmes s’élever,
Réjouis-toi, qui avais prédit leur départ.
Réjouis-toi, qui des moines es le soutien,
Réjouis-toi, qui des fidèles es le pur joyau.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 16
Totalement comme saint Paul tu as reçu la grâce de Dieu et comme lui, toi aussi,
tu t’es fait tout à tous, surpassant tous les autres, Père Antoine, jusqu’à être ravi
dans les airs ; c’est donc saisi de crainte que tu as chanté pour le Seigneur : Allé-
luia.
654 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 17
Les rhéteurs bavards, par tes discours, tu les as rendus muets comme des
poissons374, Père théophore, car en parlant de Dieu et comparant ta doctrine avec
leur mythologie tu les laisses stupéfaits et édifiés ; c’est pourquoi nous te
chantons :
Réjouis-toi, interprète de la sagesse du Très-Haut,
Réjouis-toi, qui de ses paroles es le trésor.
Réjouis-toi, qui plus que les philosophes as de savoir,
Réjouis-toi, le plus instruit des orateurs.
Réjouis-toi, le plus apte à t’entretenir avec les savants,
Réjouis-toi, pur miroir des moines et de ceux qui veulent t’imiter.
Réjouis-toi, qui charmes l’oreille des croyants,
Réjouis-toi, qui des philosophes as défait les lacets.
Réjouis-toi, fils de Dieu par communion,
Réjouis-toi, qui par tes peines as exalté la piété.
Réjouis-toi, grâce à qui le monachisme a pu exister,
Réjouis-toi, par qui fut sauvegardée la vraie foi.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 18
Père théophore Antoine, après en avoir reçu l’ordre de Dieu, tu t’es hâté d’aller
rendre visite à Paul de Thèbes ; et, te défendant de nombreuses tentations, tu ne
t’es pas effrayé dans l’adversité, mais ayant atteint le but désiré, tu as cessé de
t’affliger en chantant pour Dieu : Alléluia.
Ikos 19
À deux reprises, faisant route vers Paul de Thèbes, Antoine le Grand a vu son
âme s’élever ; hâtant sa course, il le trouva mort ; il l’ensevelit et emporta ses
vêtements. C’est pourquoi nous lui chantons :
Réjouis-toi, ange porteur d’un corps humain,
Réjouis-toi, homme qui t’es entretenu avec Dieu.
Réjouis-toi, qui fus témoin de l’ascèse de Paul,
Réjouis-toi, qui lui as rendu le service de l’enterrer.
Réjouis-toi, qui as rédigé le livre de sa vie,
Réjouis-toi, qui par cette œuvre t’es illustré.
374 Cf. Acathiste de la Mère de Dieu, ikos 17 : « les rhéteurs bavards, muets comme des pois-
sons, pour toi, mère de Dieu, ne savent expliquer comment tu as conçu dans la virginité ».
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 655
Ikos 20
Voulant obliger le forcené, promoteur de l’arianisme, à reconnaître le fils
comme suprême Dieu, Antoine, tu as redoublé d’efforts contre lui. Et lui, ce mi-
sérable, après son méfait, fut tué par un cheval. Alors, tu chantas pour le Sei-
gneur : Alléluia.
Ikos 21
Exaltant la lumière émise par la suprême Clarté, Antoine, tu as illuminé le
monde entier ; et, guidant tes disciples, tu les as avertis de ton proche passage de
cette vie en l’au-delà. Alors, pris de tristesse, ils t’ont chanté :
Réjouis-toi, qui faisais notre consolation,
Réjouis-toi, qui nous as tous encouragés.
Réjouis-toi, nourricier de qui avait faim des célestes biens,
Réjouis-toi, guide de ceux qui désirent les biens spirituels.
Réjouis-toi, théophore qui as connu d’avance le moment de ton départ,
Réjouis-toi, qui as suivi les sages Apôtres du Seigneur.
Réjouis-toi, dont les habitants de la terre se louent,
Réjouis-toi, en qui les sages ont un protecteur.
Réjouis-toi, qui nous charmes par ton ineffable renommée,
Réjouis-toi, car de tes saintes délices nous gardons le souvenir.
Réjouis-toi, car de tout cœur nous avons reçu tes enseignements,
Réjouis-toi, car nous sauvons nos âmes en suivant tes pas.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 22
D’une grande grâce fut jugé digne Athanase le Grand, qui, recevant double part
de ton esprit, théophore Antoine, et écrivant l’histoire de ta sainte vie, longue de
cent cinq ans, a chanté pour le Seigneur : Alléluia.
656 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 23
Comme auparavant avec les hommes, tu chantes avec les Anges, exultant
d’allégresse dans le ciel, Bienheureux ; intercède auprès du Dieu trois fois saint
pour ceux qui te vénèrent et te chantent de tout cœur :
Réjouis-toi, qui t’entretiens avec les célestes esprits,
Réjouis-toi, qui parmi les terrestres es un pur joyau.
Réjouis-toi, qui avec les Anges pries le Seigneur,
Réjouis-toi, interlocuteur de tous les Saints.
Réjouis-toi, qui dans les siècles loues la très sainte Trinité,
Réjouis-toi, notre chaleureux intercesseur auprès de Dieu.
Réjouis-toi, guide et protecteur de tous ceux qui te louent,
Réjouis-toi, docteur de tes disciples et pasteur resplendissant.
Réjouis-toi, chef de file des moines saints,
Réjouis-toi, qui pour les célibataires es un vénérable conducteur.
Réjouis-toi, chaleureux intercesseur pour ceux qui portent ton nom,
Réjouis-toi, pour qui t’honore efficace défenseur.
Réjouis-toi, Père Antoine aux divines pensées.
Ikos 24
Très sage théophore Antoine, toi le père des Pères, la gloire des moines saints,
reçois de nous cette louange que nous t’adressons de tout cœur et intercède au-
près de Dieu pour nous qui chantons : Alléluia.
Tout aussi abondante que la mention des anges est celle des démons, sous
divers noms : démon, Satan, Bélial, esprit combattant contre Dieu, serpent
meurtrier.
Il y a peu d’éléments biographiques d’Antoine : une allusion à Athanase et
deux à Paul de Thèbes. Ce qui importe, c’est de voir en Antoine, un pasteur pour
ceux qui mènent le combat spirituel avec l’arme de la croix, un modèle de vie
angélique.
Ikos 1
Tu t’es révélé ange, toi qui as fermement établi la foi du Christ dans le désert,
théophore (3 fois). Dans l’ascèse tu as trouvé la voie qui conduit au ciel, illustre.
C’est pourquoi tu t’es réjoui de la montrer à ceux qui, venant après toi, chantent
pour toi :
Réjouis-toi, par qui la Trinité est célébrée,
Réjouis-toi, par qui Satan est défait.
Réjouis-toi, surgeon divin de très vénérables parents,
Réjouis-toi, grande stature des illustres ascètes.
Réjouis-toi, parce que le Saint-Esprit a dressé sa tente en toi,
Réjouis-toi, parce que dans tes œuvres, tu as embelli l’âme.
Réjouis-toi, qui as distribué ton bien aux pauvres,
Réjouis-toi, qui as passé ta vie dans la prière et le jeûne.
Réjouis-toi, parce que tu as désiré la vie céleste,
Réjouis-toi, parce que tu as écrasé la force du démon.
Réjouis-toi, par qui les maladies sont soignées,
Réjouis-toi, par qui les passions sont mises en fuite.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 2
Se voyant dans la richesse, le théophore, se dit à lui-même, dans une inspiration
divine : mon trésor terrestre est vulnérable aux voleurs qui creusent ; c’est
pourquoi, il faut que j’en cherche un autre, une pierre précieuse, en proclamant :
Alléluia.
658 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 3
Parce que tu as aspiré à la connaissance divine, que tu as haï tout ce qui vient de
la terre, tu as eu pour demeure des postes de garde et des tombeaux ; mais quand
tu as reçu les coups des démons, c’est héroïquement, toi de toute glorieuse mé-
moire, que tu t’es opposé à eux, protégé par l’arme de la Croix. C’est pourquoi
nous nous adressons à toi avec amour :
Réjouis-toi, qui es initié à la Trinité incréée,
Réjouis-toi, qui renverses les adversaires de Dieu.
Réjouis-toi, florilège de dons éclatants,
Réjouis-toi, parure vénérable du désert.
Réjouis-toi, bienheureux, fleuve toujours abondant en divin nectar,
Réjouis-toi, oasis toujours verdissante, ornement du désert.
Réjouis-toi, qui es toujours empressé à soulager les malades,
Réjouis-toi, qui donnes sans compter aux pauvres.
Réjouis-toi, source intarissable des grâces,
Réjouis-toi, cratère plein de miracles gratuits.
Réjouis-toi, admirable fleur du Christ,
Réjouis-toi, douce ambroisie des fidèles.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 4
Bienheureux, tu as chassé les démons furieux, usant de la force divine, et l’arme
infrangible contre eux, la précieuse Croix, tu nous l’as montrée, à nous qui vou-
lons imiter tes combats et chanter une hymne : Alléluia.
Ikos 5
Tu as brillé dans l’univers, tel un astre lumineux, réjouissant l’Église du Christ :
en effet, le désert auparavant stérile a aussitôt fait verdir des rejets merveilleux
et, réjoui, dans la félicité, te proclamait bienheureux:
Réjouis-toi, âme et gloire des moines,
Réjouis-toi, qui as dompté et terrifié Satan.
Réjouis-toi, qui as porté la Croix du Christ,
Réjouis-toi, qui as fait reculer le joug de nos peines.
Réjouis-toi, qui chasses sans la moindre indulgence les esprits impurs,
Réjouis-toi, qui fais jaillir en abondance des fleuves de salut.
Réjouis-toi, plus résistant que les métaux durs à fondre,
Réjouis-toi, qui chantes dans les cieux au milieu des anges.
Réjouis-toi, héraut du Christ, au grand souffle,
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 659
Ikos 6
Parce que tu as une ardeur indicible, bienheureux en ton cœur, tu as embrassé
une vie égale à celle des anges et trouvant de l’or au cours de ta pérégrination, tu
as sagement abandonné le trésor terrestre, désireux non pas de rassasier ton
ventre, mais considérant l’âme et t’écriant : Alléluia.
Ikos 7
Soleil qui donne vie, tu t’es montré à la création, tu es apparu dans l’univers,
illuminant le cœur des hommes pieux : tous, en effet, par ton enseignement, goû-
tent les paroles de vie éternelle et ayant découvert l’échelle qui mène à Dieu, te
célèbrent ainsi :
Réjouis-toi, source de la lumière secrète,
Réjouis-toi, sérénité de la vie mystique.
Réjouis-toi, homme très divin, lécythe de la Trinité,
Réjouis-toi, consolation vénérable de ceux qui pleurent.
Réjouis-toi, parce que, suivant l’enseignement de Dieu, tu mets à mal les
doctes,
Réjouis-toi, parce que, comme un Immatériel, tu as vaincu toutes les tenta-
tions.
Réjouis-toi, tout premier avocat de Dieu au désert,
Réjouis-toi, couronnement et chef des anachorètes.
Réjouis-toi, splendeur délicieuse de l’Égypte,
Réjouis-toi, diadème étincelant des saints.
Réjouis-toi, toi qui portes secours aux pauvres et les protèges,
Réjouis-toi, cheville ouvrière de biens nombreux.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 8
Les assauts les plus hardis des esprits combattant contre Dieu, tu les as repous-
sés grâce à l’armure de la Croix. En effet, ils n’ont pas pu te barrer la route que
tu avais choisie, celle qui mène au Christ. Et ayant achevé une couronne, tu as
été reçu au sein des anges qui chantaient : Alléluia.
660 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 9
Les épées de tes vertus sont parvenues à défaire les troupes de Bélial, bienheu-
reux, car tu portais une arme invincible, la Croix, rempart secourable et impre-
nable. Les anges te tressant des couronnes, proclamaient cela :
Réjouis-toi, sommet des saints célèbres,
Réjouis-toi, trésor de toutes les vertus.
Réjouis-toi, qui as détourné la phalange des démons,
Réjouis-toi, qui as broyé le fouet de la chair.
Réjouis-toi, parce que tu as fermement méprisé toute chose terrestre,
Réjouis-toi, parce que tu t’es envolé brillamment dans les cieux.
Réjouis-toi, dont les anges ont chanté l’endurance,
Réjouis-toi, dont les démons se sont plaints pour la liberté de parole.
Réjouis-toi, inébranlable défenseur de la foi,
Réjouis-toi, sage persécuteur des hérésies.
Réjouis-toi, brillant concitoyen des Anges,
Réjouis-toi, hoplite de la vie solitaire.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 10
C’est une proclamation de conversion et de vie sainte que ta bouche a fait en-
tendre, tout bienheureux, et aussitôt, du désert sans eau a fleuri un plant splen-
dide et fécond, parce qu’il conduit moines et moniales, qui savent bien chanter :
Alléluia.
Ikos 11
Tu es la lampe divine, qui guide ceux qui sont dans les ténèbres vers la rade du
salut, tout bienheureux. Et maintenant, père, éclaire-nous afin que nous trou-
vions la route de la conversion et que, rachetés, nous te chantions jusqu’au bout
cette hymne :
Réjouis-toi, fleur de la tempérance,
Réjouis-toi, colonne de la piété.
Réjouis-toi, qui vis comme un ange,
Réjouis-toi, qui as distribué ton bien aux indigents.
Réjouis-toi, qui as totalement rejeté la délicatesse du corps,
Réjouis-toi, qui possèdes l’harmonieuse finesse de l’esprit.
Réjouis-toi, germe charmant, né dans un endroit sans eau.
Réjouis-toi, lumière joyeuse que l’on aperçoit dans l’abîme.
Réjouis-toi, qui as désiré le pain céleste,
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 661
Ikos 12
Du fouet des démons et de tout ce qui cause la douleur, libère-nous tous, An-
toine. Car il t’a été donné par le Christ la grâce abondante de réaliser des mi-
racles ; c’est pourquoi, nous qui avons bénéficié de tes bienfaits, nous entonnons
pour toi une hymne : Alléluia.
Ikos 13
Tu as indiqué un nouveau chemin, à ceux qui désirent lutter et cueillir des cou-
ronnes du martyr ; en effet, bien que la persécution des tyrans ait cessé, tu as
inventé, toi, un autre combat, celui de l’âme contre le corps ; c’est pourquoi
nous proclamons :
Réjouis-toi, soleil de ceux qui vivent dans la solitude,
Réjouis-toi, astre de ceux qui pérégrinent.
Réjouis-toi, grand ennemi de l’orgueil,
Réjouis-toi, gloire inestimable de l’humilité.
Réjouis-toi, parce que tu as eu Athanase pour disciple,
Réjouis-toi, parce que précisément le désert t’a eu pour maître.
Réjouis-toi, divine joie de l’Église du Christ,
Réjouis-toi, cantique nouveau de ceux qui chantent pieusement.
Réjouis-toi, très admirable ami du Christ,
Réjouis-toi, ennemi indomptable des démons.
Réjouis-toi, ruisseau des larmes divines,
Réjouis-toi, notre gardien, lorsque nous te célébrons.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 14
Voyant une merveille étonnante, nous nous sommes exilés au désert, et avons
déposé les soucis de notre vie : là, c’est la manne des dons de Dieu, d’où nous
nous hâterons de remplir des vases, et, cueillant cette nourriture impérissable,
avec les saints nous crions : Alléluia.
662 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 15
Du serpent meurtrier qui a égaré Ève tu as brisé la tête, toi à l’esprit divin ; là où
coule, en effet, en abondance la prière, et où le ventre n’a plus à se rassasier,
l’homme n’est plus vulnérable à son ennemi ; c’est pourquoi tu entends :
Réjouis-toi, le héraut des préceptes divins,
Réjouis-toi, qui partages les mêmes honneurs que les Incorporels.
Réjouis-toi, zélateur très ardent du Seigneur,
Réjouis-toi, pourchasseur implacable des démons.
Réjouis-toi, rejet absolu de tout éphémère,
Réjouis-toi, désir ardent de tout ce qui vient du ciel.
Réjouis-toi, fleur odorante du paradis mystique,
Réjouis-toi, toi qui nous réjouis tous de ton sage enseignement.
Réjouis-toi, qui as vécu la vie angélique,
Réjouis-toi, véritable émule du Thesbite.
Réjouis-toi, gouvernail du vaisseau des amis du Christ,
Réjouis-toi, astre de la très brillante Pléiade.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 16
La nature humaine tout entière te célèbre et honore ton mode de vie angélique :
en effet, Antoine, ta conduite sur terre change l’esprit des mortels. C’est pour-
quoi juge-nous dignes aussi de tes grâces en proclamant : Alléluia.
Ikos 17
Les rhéteurs ennemis de Dieu, père, ta sagesse divine et riche les a fait taire; en
effet, c’est pour eux un mystère que tu saches tout sans avoir fréquenté d’école ;
mais nous, parce que nous savons que tu es empli de l’esprit de Dieu, nous nous
adressons à toi :
Réjouis-toi, miracle d’une vie égale à celle des anges,
Réjouis-toi, sacrifice non sanglant accompli sur l’autel.
Réjouis-toi, qui as rendu claire la force de la Trinité,
Réjouis-toi, qui as envié la couronne des martyrs.
Réjouis-toi, remède souverain contre les pensées impures
Réjouis-toi, qui offres la vigueur à ceux qui courent avec foi.
Réjouis-toi, sagesse de Dieu, qui n’a pas pris naissance à l’école,
Réjouis-toi, langage divin nourri dans le désert.
Réjouis-toi, par qui Satan a été banni,
Réjouis-toi, en qui Dieu a été thésaurisé.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 663
Ikos 18
Tu es devenu le commensal des puissances incorporelles, adepte de la tempé-
rance, père tout à fait bienheureux. C’est pourquoi tu as reçu d’un corbeau la
nourriture avec Paul de Thèbes d’une façon miraculeuse, te montrant digne du
même honneur que le zélé Élie, en chantant : Alléluia.
Ikos 19
Modèle de tempérance et règle de virginité, tu as aux yeux de tous vécu à l’égal
des anges, et, privilège accordé à tes vertus, tu as annoncé la mort du vénérable
Ammon : tu avais vu son âme quitter son corps. C’est pourquoi tu entends :
Réjouis-toi, ruisseau de la connaissance de Dieu,
Réjouis-toi, clé du royaume.
Réjouis-toi, adversaire de Satan et des athées,
Réjouis-toi, défenseur des préceptes divins.
Réjouis-toi, qui as recherché le Christ dans le désert,
Réjouis-toi, qui as mis à nu la théorie des matérialistes.
Réjouis-toi, nourrisson du désert, vigne toute chargée de fruits,
Réjouis-toi, sacrifice très saint du Seigneur.
Réjouis-toi, modèle réputé d’ascèse,
Réjouis-toi, divine colonne de la sagesse.
Réjouis-toi, à travers qui est célébrée la virginité,
Réjouis-toi, par qui s’éteint la flamme de la chair.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 20
Quelle hymne vais-je offrir, pour louer dignement le grand premier fondateur de
l’ascèse ? Car l’intelligence humaine se tient en arrière, tarde à comprendre la
hauteur de ton mode de vie. Mais même s’il est simple, accueille l’hommage de
celui qui proclame : Alléluia.
Ikos 21
La lumière pour ceux qui vivent dans l’obscurité à cause des soucis de la vie,
nous la voyons, c’est le grand Antoine. En effet, il a brisé les liens de la chair, il
664 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
s’est envolé vers les cieux comme un incorporel devenant astre, flambeau pour
nous qui proclamons :
Réjouis-toi, amour immodéré de Dieu,
Réjouis-toi, ami très fervent du Christ,
Réjouis-toi, toi qui as reçu la légèreté des Incorporels,
Réjouis-toi, qui as transcendé la probité des hommes.
Réjouis-toi, parce que tu as reçu une grâce abondante de Dieu,
Réjouis-toi, fierté universelle du peuple qui t’honore.
Réjouis-toi, qui récompenses ceux qui vont à toi,
Réjouis-toi, parce que tu rends éclatants ceux qui honorent la Trinité.
Réjouis-toi, remède des nombreux malades,
Réjouis-toi, pâte375 de la résurrection des âmes.
Réjouis-toi, diamant d’une valeur ineffable,
Réjouis-toi, galaxie de ma vie.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 22
Toute l’assemblée des Incorporels se réjouit d’honorer la mémoire d’Antoine,
grand hoplite du Christ, valeureux combattant de Satan. À l’unisson avec elle,
les fils de la terre entonnent cet éloge : Alléluia.
Ikos 23
En chantant, nous célébrons les luttes que tu as remportées, père, comme le
Thesbite et en autre Précurseur. Car, après avoir fondé un monastère dans un
endroit stérile, à travers bien des combats, tu as consacré sa fécondité. Prospé-
rant et chantant, il a composé pour toi cette hymne :
Réjouis-toi, divin flambeau des monastères,
Réjouis-toi, grand dompteur de la chair.
Réjouis-toi, très valeureux combattant de Dieu,
Réjouis-toi, ennemi de Satan, armé de la croix.
Réjouis-toi, qui n’as jamais désiré la nourriture éphémère sur terre,
Réjouis-toi, qui puises à la source dans le ciel, la boisson du salut.
Réjouis-toi, qui a mis en terre le corps de Paul avec l’aide d’un lion,
Réjouis-toi, qui as cousu le plaisir à la tempérance.
Réjouis-toi, épouvantail divin des démons,
Réjouis-toi, sonore simandre des âmes.
Ikos 24
Ô Père vénérable, qui as trouvé dans le désert la clé de l’Éden clos (3 fois) ac-
cueille favorablement, bienheureux, le fruit de ma muse, tout médiocre qu’il
soit, et protège des difficultés ceux qui chantent avec toi l’hymne : Alléluia.
Kontakion, t. 8
Fondateur très inspiré de la Thébaïde, sommet des vénérables Pères, puissions-
nous te célébrer, perle de grand prix de la sainteté et interprète de la foi que nous
devons avoir pour les droites doctrines, comme un divin tabernacle de la vertu,
criant avec amour : Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 1
Ange incarné, doyen de la Thébaïde, Antoine, réceptacle translucide des divines
grâces (3 fois), avec persévérance, tu as persuadé le Christ d’accorder sa divine
miséricorde à tous les fidèles qui te chantent avec vénération :
Réjouis-toi, divine semence de l’Égypte,
Réjouis-toi, flambeau du combat inspiré par Dieu.
666 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 2
Rejeton de l’Égypte, tel un palmier à la haute frondaison, tu as apporté au
Christ, le dispensateur du don de Jésus, le fruit riche et fécond de l’impassibilité
et de la vie angélique, Antoine trois fois grand, toi qui chantes sempiternelle-
ment, de jour comme de nuit : Alléluia.
Ikos 3
Suc de la divine connaissance, toi qui perles, père Antoine, comme une belle
grappe de raisin d’une vie menée avec pureté et noblesse, dans la vigne du
Christ, fer de lance des ascètes, tu restes celui qui mêle l’eau et le vin pour tous
les fidèles qui te crient :
Réjouis-toi, inondation de la prière,
Réjouis-toi, force de la maîtrise de soi.
Réjouis-toi, statue divinement ciselée de la pauvreté,
Réjouis-toi, noblesse du désert, donné par Dieu.
Réjouis-toi, sève de la joie incessante procurée par une vie ascétiquement
menée,
Réjouis-toi, suave nectar de la vertu monastique.
Réjouis-toi, qui méprises ce qui est matière et qui est marqué par la corrup-
tion,
Réjouis-toi, repère tout brillant de ceux qui sont sans pair.
Réjouis-toi, sanctuaire des divines grâces,
Réjouis-toi, petit bouquet des labeurs en tout genre.
Réjouis-toi, destructeur de la troupe des démons,
Réjouis-toi, protecteur du peuple orthodoxe.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 667
Ikos 4
Recevant depuis les années de ta jeunesse, la force d’en haut, tu as, père, aban-
donné les plaisirs du monde, et, en consacrant sans compter ton loisir à la prière,
tu as attiré, Antoine, la grâce de l’Esprit, toi qui ne cesses de crier à Dieu : Allé-
luia.
Ikos 5
Tu brillas en Égypte comme un astre porteur de la lumière émanée de tes efforts
éblouissants pour garder ton âme et dissoudre ton corps, toi le fondateur du dé-
sert devenu véritable transparence de Dieu, Vénérable Antoine, tu as également
dissipé les ténèbres des afflictions de ceux qui crient :
Réjouis-toi, qui chéris le Créateur,
Réjouis-toi, qui attires la grâce.
Réjouis-toi, harmonieuse lyre des solitaires,
Réjouis-toi, cumin des vénérables Pères.
Réjouis-toi, car tu as foulé aux pieds l’air menaçant du démon aux sourcils
froncés,
Réjouis-toi, car tu as été considéré comme le port protecteur des vagues des
afflictions.
Réjouis-toi, aigle dont la sagesse te porte en haut des airs,
Réjouis-toi, guide des ascètes vers la voûte céleste.
Réjouis-toi, conscience de la très grande corruption de la chair,
Réjouis-toi, étincelle de la lumière sacrée.
Réjouis-toi, cigale de l’amour du Christ pour nous,
Réjouis-toi, trompette de Sa compassion.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 6
Animé d’une bouillonnante foi et d’un amour pour tous, sans interruption tu
priais le Seigneur, et tu élevais ton âme vers Lui qui te bénit avec prolixité
depuis le ciel, toi de stature égale à celle des anges, toi qui chantes d’une voix
pleine de reconnaissance : Alléluia.
Ikos 7
Par ton ascèse, par ta prière de nuit et de jour, par ton jeûne, ton humilité et la
vigilance, tu as, père, déshonoré le principe du mal, Satan, dont tu as, Vénérable
Antoine, broyé la tête, par tes augustes peines, et tu as stimulé les fidèles qui te
crient :
668 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 8
Je ne puis contempler, sage Antoine, dans la voûte céleste, l’honneur de ton
éclat, toi, égal en gloire aux anges de Dieu qui ont une lumineuse apparence, toi
qui partages leur joie, c’est pourquoi, m’éloignant, je rends gloire à Dieu, en
criant : Alléluia.
Ikos 9
Tu as orienté tes pas, vers les fins fonds de la Thébaïde, Antoine, pour cohabiter
avec les bêtes sauvages et pour glorifier Dieu par tes peines incessantes, toi,
l’ascète porteur de Dieu, toi, le plus grand des ermites. C’est pourquoi pour
t’honorer, nous crions avec fermeté :
Réjouis-toi, qui arrêtes l’ennemi,
Réjouis-toi, lampe de la lumière du sanctuaire.
Réjouis-toi, passereau, vivant en solitaire dans son habitation,
Réjouis-toi, pluie aux gouttes de la bonté de cœur.
Réjouis-toi, parce que tu t’es bien placé aux yeux de Dieu, par ta conduite,
Réjouis-toi, parce que tu as rendu stupide l’ennemi par ta prière.
Réjouis-toi, qui rivalises avec les anges par la gloire,
Réjouis-toi, qui l’emportes sur les astres par ta clarté.
Réjouis-toi, expression des droites doctrines,
Réjouis-toi, illumination des combats éclatants.
Réjouis-toi, vénérable habitant de la Thébaïde,
Réjouis-toi, secours chaleureux de ceux qui prient.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 669
Ikos 10
Engourdissement, appesantissement, somnolence, léthargie et sommeil, Antoine,
tu ne les as pas procurés à tes vénérables paupières, mais, toi, toujours en éveil,
tu es levé pour monter sur les spirituels créneaux, Vénérable Antoine, honorer le
Seigneur, à qui tu ne cesses de crier : Alléluia.
Ikos 11
Le bavardage de ceux qui s’y complaisent, ainsi que leurs niaiseries, Antoine,
par la lumière de tes savantes paroles et de tes droites doctrines, toi le tout lumi-
neux ascète du désert, tu les as dissous, toi qui ouvres la bouche de ceux qui
prient pour qu’ils te crient ces mots :
Réjouis-toi, rempart des droites doctrines,
Réjouis-toi, sujet de gloire de nos saints Pères.
Réjouis-toi vénérable demeure de la Trinité,
Réjouis-toi, phylactère d’exception du Christ.
Réjouis-toi, lit couvert du tapis de pourpre des vertus de tout genre,
Réjouis-toi, fontaine dont le cours abonde en prières de compassion.
Réjouis-toi, qui supportes, sans fléchir, la chaleur du désert,
Réjouis-toi, auteur d’exploits grâce au divin secours.
Réjouis-toi, trésor inviolable de prière,
Réjouis-toi, perle d’un amour abondant.
Réjouis-toi, bouche des droits enseignements,
Réjouis-toi, couronne des vénérables solitaires.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 12
Par le linge de ta protection, tu effaces rapidement les larmes de ceux qui se ré-
fugient auprès de toi et qui honorent dans des hymnes joyeuses, ta divine mé-
moire, très grand ascète, Antoine, toi qui chantes avec droiture le Très-Haut et
cries : Alléluia.
Ikos 13
Recueillant le nectar de tes enseignements de très haute sagesse, Antoine, les
chœurs de tes disciples te chantent comme le successeur d’Élie et du vénérable
Précurseur, Père, et avec foi ils te crient, à toi égal aux anges, avec de joyeuses
voix :
Réjouis-toi, maître des solitaires,
Réjouis-toi, concitoyen des anges.
670 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 14
Tu es considéré comme premier à avoir mené des combats inhabituels au désert,
Antoine, toi qui as scellé ta propre vie par des merveilles inhabituelles, grâce à
la puissance de Dieu, ascète plein de sagesse, c’est pourquoi nous te louons,
criant d’une voix reconnaissante : Alléluia.
Ikos 15
Tu as été désigné comme le chef des solitaires du désert, Antoine, rejeton des
vénérables Pères, et sommet des droites doctrines, c’est pourquoi, honorant ta
sainte mémoire, nous lançons ce cri avec des voix qui distillent le miel :
Réjouis-toi, odoriférante violette de la prière,
Réjouis-toi, très suave lys du silence.
Réjouis-toi, très divin bourgeon de la terre du Nil,
Réjouis-toi, colonne toute lumineuse du parfum du Christ.
Réjouis-toi, le plus grand dans l’arène des vénérables ascètes,
Réjouis-toi, qui es précieux dans les ordres des augustes ermites.
Réjouis-toi, splendeur de ceux qui mènent l’ascèse qui plaît à Dieu,
Réjouis-toi, allégresse des chrétiens qui ont de droites pensées.
Réjouis-toi, oasis du désert, tout imprégnée de rosée,
Réjouis-toi, témoignage de la grâce surabondante.
Réjouis-toi, boussole des vénérables Pères,
Réjouis-toi, réceptacle des incessantes souffrances.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 671
Ikos 16
Tu as piétiné les sources de celui qui hait le bien, par la puissance du Christ res-
suscité du tombeau, qui t’a donné la force dans ta vie, Vénérable Antoine, de
parcourir sans dévier la voie étroite, en criant sans cesse à Dieu : Alléluia.
Ikos 17
Par les flots de tes larmes et de tes précieuses sueurs, tu as enrichi la terre du
désert par la floraison de charmantes violettes, les saints qui se mettent à ton
école, admirable Vénérable, très heureux Antoine, et qui élèvent leur voix pour
te crier ces mots :
Réjouis-toi, fontaine des guérisons,
Réjouis-toi, caresse des choses éternelles.
Réjouis-toi, puissant et abondant fleuve de la garde des pensées,
Réjouis-toi, lumineux repère montrant le chemin de la divinisation.
Réjouis-toi, ruisseau de la bonté et aune de la patience,
Réjouis-toi, siège de la sainteté et trésor de la prière.
Réjouis-toi, qui as gardé l’icône du Seigneur,
Réjouis-toi, qui as maîtrisé les appétits de la chair.
Réjouis-toi, divin maître sans pair,
Réjouis-toi, torrent abondant en miracles.
Réjouis-toi, eau vive des grâces du Très-Haut,
Réjouis-toi, déroute de l’artifice du pire ennemi.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 18
Toi, conforme aux Anges immatériels du Très-Haut, Antoine, toi qui as mortifié
la chair par une ascèse constante, et qui as exalté l’esprit par la foi en Dieu, reçois
nos prières, nous qui crions vers Lui avec des chants bien mesurés : Alléluia.
Ikos 19
Tu as revêtu le pauvre manteau des solitaires, Antoine, toi qui triomphes par des
mœurs sans artifices, du terrible trompeur des mortels et qui l’as noyé, inspiré,
dans les ruisseaux de tes vénérables larmes, c’est pourquoi, pour toi, nous pous-
sons des cris avec amour :
Réjouis-toi, astre de la vie menée avec piété,
Réjouis-toi, ouragan qui balaie la perversité de l’ennemi.
Réjouis-toi, qui as brisé le séducteur par ton ascèse,
Réjouis-toi, qui réjouis le Créateur par ton intelligence.
672 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Ikos 20
Par des hymnes douces comme le miel, nous couronnons ta mémoire, Antoine,
et, louant ta conduite qui plaît à Dieu, dans la Thébaïde, avec piété nous nous
empressons d’honorer Celui qui conduit tout, à qui nous crions avec componc-
tion : Alléluia.
Ikos 21
Tu brilles, pour la création tout entière, des lueurs de tes combats pour la divini-
sation, Antoine, le renommé, et tu dissipes le brouillard de nos passions par les
éclats de ton divin secours et de ton assistance, toi, le sage que nous ne cessons
de chanter avec piété :
Réjouis-toi, figure de la pauvreté du Christ,
Réjouis-toi, pilier de Sa sagesse.
Réjouis-toi, fanal de la mortification de la chair,
Réjouis-toi, illustre maître de la divinisation.
Réjouis-toi, clairon du salut de la vie qui ne vieillit pas,
Réjouis-toi, notable sujet de fierté d’une conduite égale aux anges.
Réjouis-toi, vive lumière de l’espace de la Thébaïde,
Réjouis-toi, ornement de la multitude des ascètes.
Réjouis-toi, témoin des fermes labeurs,
Réjouis-toi, redressement de ceux qui tombent souvent.
Réjouis-toi, guerrier d’élite des pères du désert,
Réjouis-toi, flambeau de l’amour du Très-Haut.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 22
Réjouis-toi, fondateur de la Thébaïde et concitoyen des anges, bienheureux An-
toine, toi qui pries, qui veilles, qui vis dans une permanente sobriété, forteresse
Chapitre V. Le culte de saint Antoine. Autres prières 673
des ascètes, criant avec foi, nous chantons au divin Verbe du Très-Haut : Allé-
luia.
Ikos 23
Nous chantons les peines que tu as supportées, Antoine, dans les cités et les dé-
serts de l’Égypte, pour les choses visibles et invisibles, ascète inspiré, anéantis-
sement des redoutables ennemis, et nous chantons à pleine voix :
Réjouis-toi, rameau de la prière,
Réjouis-toi, maître des moyens de salut.
Réjouis-toi, libre fondateur de la Thébaïde,
Réjouis-toi, très beau colonisateur du Paradis.
Réjouis-toi, dont les très sages paroles ont enseigné la terre tout entière,
Réjouis-toi, dont les peines jour et nuit ont honoré l’âme.
Réjouis-toi, qui es ferme dans l’amour de Dieu,
Réjouis-toi, qui es irénique dans la vénérée ascèse.
Réjouis-toi, piège des trompeuses hérésies,
Réjouis-toi, boussole des divins remparts.
Réjouis-toi, protecteur des fidèles qui se consument dans le labeur,
Réjouis-toi, notre soutien dans les épreuves.
Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Ikos 24
Ô, réceptacle des grâces, Antoine, doyen des saints Pères du désert (3 fois), ne
cesse pas de supplier le Christ pour les chrétiens qui célèbrent, en tout temps
avec piété, tes combats en criant par des hymnes et des chants : Alléluia.
Et de nouveau le Kontakion, t. 8.
Fondateur très inspiré de la Thébaïde, sommet des vénérables Pères, puissions-
nous te célébrer, perle de grand prix de la sainteté et interprète de la foi que nous
devons avoir pour les droites doctrines, comme un divin tabernacle de la vertu,
criant avec amour : Réjouis-toi, bienheureux Antoine.
Distique
Réjouis-toi, Antoine, Charalampos a chanté avec le savantissime Panteleimon.
Fin et gloire à notre seul véritable Die
Chapitre VI
SAINT ANTOINE DANS L’ICONOGRAPHIE
ORIENTALE
L’iconographie qui appartient à la Tradition de l’Église1 est « parole pour les
yeux2 » ; étroitement liée à la liturgie, elle est un « langage sacré3 ». Littérale-
ment, « un iconographe » est celui qui « écrit des icônes ». Aussi une recherche
sur l’iconographie orientale de saint Antoine le Grand complète-t-elle l’apport
des textes liturgiques, car l’iconographie d’un saint permet de voir quel est son
rayonnement dans le temps et l’espace et montre quelles caractéristiques sont
honorées en lui et quel message il nous donne4. Une présentation de l'iconogra-
phie occidentale d'Antoine montrerait de même son grand rayonnement en Oc-
cident, depuis sa place dans la sculpture irlandaise du VIIIe siècle ou sur quatre
chapiteaux de l'église de la Madeleine, à Vézelay (XIIe s.)5, jusqu’aux innom-
brables représentations des retables baroques, dont il est l’objet dans la
quasi-totalité des églises savoyardes6.
L’iconographie orientale de saint Antoine est un champ d’étude très vaste et
complexe. Nous mettrons simplement en évidence les aspects7, qui peuvent ap-
porter une lumière au tableau général du culte de saint Antoine.
Les plus anciennes figures de saint Antoine seraient celles qui sont peintes
sur six ampoules en terre cuite du British Museum datées entre le IVe et le VIe
siècles8. Mais cette interprétation ne fait pas l'unanimité des spécialistes.
1 Cf. l’horos (décision) du concile de Nicée II, en 787 : « Nous gardons sans rien innover
toutes les traditions ecclésiastiques (…). Une de ces traditions est aussi la confection
d’images peintes » (trad. C. SCHÖNBORN, dans L’icône du Christ, Paris 1986, p. 143).
2 E. FRITSCH, Parole pour les yeux, Paris 1985.
3 A. et B. SADEK, « L’iconographie chrétienne d’Égypte et d’Éthiopie », Connaissance
des religions, hors-série 1999, p. 283.
4 É. POIROT, Pour chanter le saint prophète Élisée dans la tradition byzantine, SO 84,
Bellefontaine 2005, p. 119.
5 Cf. F. VOGADE, Vézelay, Vézelay 1992.
6 Sur les chemins du Baroque, 3 vol. (En Beaufortain, En Tarentaise, En Maurienne), éd.
La Fontaine de Siloé, Montmélian 1999-2001, 20083.
7 Cf. E. SAUSER, Antonius Abbas (der Grosse), Stern der Wüste, Vater der Mönche, dans
Lexikon der christlichen Ikonographie, t. 5, éd. Herder, Rome-Fribourg-Bâle-Vienne
1973, col. 205-217.
8 O. M. DALTON, Catalogue of the Early Christian Antiquities…. of the British Museum
(Londres 1901), p. 156, n° 887, et p. 157, n° 888-892.
676 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
12 Sa fondation remonte au IVe siècle, comme pour le monastère voisin, Deir Anba Boula,
avec lequel il a toujours vécu en symbiose (cf. J. LEROY, « Le programme décoratif de
l’église de Saint-Antoine du désert de la Mer Rouge », BIFAO, t. 76, 1976, p. 323).
13 Cf. J. LEROY, « Le programme décoratif de l’église de Saint-Antoine du désert de la
Mer Rouge », BIFAO, t. 76, 1976, p. 359.
14 Cf. P. VAN MOORSEL, Les peintures du Monastère de Saint-Antoine près de la Mer
Rouge, MIFAO 112/1, Le Caire 1995, p. 139-142 ; MIFAO 112/2, 1997, planches 77-78.
15 Cf. M. CAPUANI, L’Égypte copte, Paris 1999, p. 139.
16 J. DORESSE, dans LEROY, op. cit., p. 350.
17 Ibid., p. 370. Leroy note que toutes les missions archéologiques importantes qui ont
étudié le monastère Saint-Antoine [Whittemore-Piankoff 1930-1931, Jean Doresse
1949-1951, Jules Leroy 1975] s'accordent sur « la date des peintures, du moins pour
certaines d’entre elles : 1232/1233 (cf. ibid., p. 349).
18 Le travail de l’abbé Jules Leroy et de son équipe (1975-1979) sur le Monastère de Saint-
Antoine a été continué et terminé sous la direction du père Paul van Moorsel en 1982-
1983. Ce dernier a publié les résultats de ces travaux dans : P. VAN MOORSEL, Le Mo-
nastère de Saint-Antoine, I, Textes, MIFAO, Le Caire 1995, et II, Planches, 1997. La
plus récente publication importante sur la question est celle de E. S. BOLMAN (édit.),
Monastic Visions : Wall Paintings in the Monastery of Saint Anthony at the Red Sea,
Yale University Press 2001 (cf. A. et B. SADEK, « Bibliographie choisie et commen-
tée », dans Le trésor du monastère Saint-Antoine, Le Monde Copte 33, 2003, p. 15-17).
678 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
19 Ibid., p. 378.
20 Selon M. CAPUANI, la fondation serait du Ve siècle (L’Égypte copte, Paris 1999, p. 142).
D’après J. LEROY, « Le programme décoratif de l’église de Saint-Paul du désert de la
Mer Rouge », BIFAO, t. 78, 1978, p. 333, la fondation daterait du IVe s. Le monastère
Saint-Paul est mentionné dans le récit de voyage de l'Anonyme de Plaisance, qui se ren-
dit sur la tombe du saint dans les années 560-570.
21 J. LEROY, « Le programme décoratif de l’église de Saint-Paul du désert de la Mer
Rouge », BIFAO, t. 78, 1978, p. 334.
22 Cf. plan de l’église Saint-Paul dans M. CAPUANI, op. cit., p. 144.
23 Cf. P. VAN MOORSEL, Les peintures du Monastère de Saint-Paul près de la Mer Rouge,
MIFAO 120, Le Caire 2002, p. 90-94 ; W. LYSTER, The Cave Church of Paul the Her-
mit at the Monastery of St. Paul, Egypt, New Haven-London 2008, p. 224 et 263.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 679
Saint Antoine est donc en tête de la procession des saints aussi bien dans les
écrits que dans l’iconographie copte, sans rupture, depuis la première moitié du
e
VII siècle, et, de plus, dans une église qui ne lui est pas même dédiée.
30 Mt 19, 21.
31 Cf. S. TOMEKOVIC, « Le cycle inédit de saint Antoine dans l’église sous son vocable à
Soughia (Crète) », Byzantinische Forschungen, t. XI, Amsterdam 1987, p. 445-463 + 12
fig. ; EAD., « Contribution à l’étude du programme du narthex des églises monastiques
(XIe – première moitié du XIIIe s.) », Byzantion, t. LVIII, Bruxelles 1988, p. 140-154 +
IV pl. (= 9 fig.) ; EAD., « Place des saints ermites et moines dans le décor de l’église by-
zantine », dans Liturgie, conversion et vie monastique. Conférences Saint-Serge XXXVe
Semaine d’Études Liturgiques Paris 1988, Rome 1989, p. 307-331 ; EAD., « Ermitage
de Paphos : décors peints pour Néophyte le Reclus », dans Les saints et leur sanctuaire
à Byzance (Byzantina Sorbonensia 11), Paris 1993, p. 151-172 + VIII pl. (= 20 fig.) ;
EAD., « Formation de l’iconographie monastique orientale (VIIIe – Xe siècles) », Revue
bénédictine, t. CIII, 1993/1-2, p. 131-152 ; EAD., Les saints ermites et moines dans la
peinture murale byzantine [ouvrage posthume], Paris 2011. S. Tomekovic a traduit le
terme roumain « pronaos » par exonarthex au lieu de narthex. Aussi ce qu’elle écrit de
l’exonarthex de l’église de Cozia (Roumanie) correspond en fait au narthex.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 681
32 Le fait de trouver côte à côte Basile et Éphrem rappelle la légende qui voudrait qu’ils se
soient rencontrés. Leur prétendue rencontre est mentionnée pour la première fois au Ve
siècle par SOZOMÈNE, Histoire ecclésiastique III, 16 (cf. SC 418, 1996, p. 149, note 3).
On la retrouve dans la Vie de saint Basile par le PS.-AMPHILOQUE D’ICONIUM, dans la
Vie de saint Marcel l’Acémète (SO 47, 1988, p. 171-172).
33 Bien qu’il soit anachronique de faire d’Éphrem un moine, les milieux monastiques l’ont
récupéré en agrémentant sa vie de légendes, comme celle d’un voyage dans le désert
égyptien et d’une rencontre avec Basile le Grand (cf. B. OUTTIER, « Saint Éphrem
d’après ses biographes et ses œuvres », Parole de l’Orient 4, 1973, p. 11-35).
34 Dans le prologue du Traité pratique (SC 171, Paris 1971, p. 485-487), Évagre donne
une explication symbolique de ce capuchon : « La cuculle est le symbole de la grâce de
Dieu notre Sauveur, qui protège leur raison et tient au chaud l'enfance dans le Christ, à
cause de ceux qui cherchent constamment à souffleter et à blesser. Aussi ceux qui la
portent sur leur tête chantent-ils en toute vérité : „Si le Seigneur ne bâtit pas la maison et
ne garde pas la ville, c'est en vain qu'ont peiné le bâtisseur et celui qui s'efforce de veil-
ler”. De telles paroles engendrent l'humilité et elles extirpent l'orgueil, le mal originel
qui précipita sur la terre „Lucifer, celui qui se lève à l'aurore”. »
35 G. GALAVARIS, Early Icons (from the 6th to the 11th Century), dans Sinai. Treasures of the
Monastery of Saint Catherine, éd. K. A. MANAFIS, Athènes 1990, p. 97. G. Galavaris écrit
qu’Éphrem a été ordonné diacre par Basile, ce qui est impossible. Éphrem a été diacre
avant 338, alors que Basile est né vers 330 !
682 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
saints, dans laquelle on peut noter le choix du prophète Élie, sur le modèle duquel
Antoine a entrepris sa vie anachorétique (hors-texte 11). En haut, Catherine et
Moïse. La présence des saints higoumènes du monastère, Jean Climaque et Anas-
tase laisse supposer que l’icône a été peinte pour le Sinaï. Aux pieds de saint An-
toine est écrit le nom du peintre, le prêtre Démétrius, excellent peintre crétois, de
la fin du XVe siècle-début XVIe siècle. Saint Antoine porte sur son rouleau
l’inscription habituelle en grec, à savoir l’apophtegme d’Antoine 736.
327, la mort d’Antoine et les adieux de ses deux disciples : un moine est debout
à côté de la tête d’Antoine allongé sur le sol ; un second moine se trouve à
droite, agenouillé près de ses pieds39.
Au XIe siècle, Antoine est représenté dans d’autres manuscrits de la Biblio-
thèque Vaticane : dans le lectionnaire, cod. gr. 1156, fol. 295 ; dans le psautier
byzantin Barberini, cod. gr. 372, fol. 187. dans ce dernier, tout comme dans le
psautier réalisé en 1066 par le hiéromoine stoudite Théodore (Brit. Mus., Add.
MS 19352, fol. 151r), il est situé en regard du psaume 108,28 : « Ils maudiront,
mais toi, tu béniras, qu’ils soient confondus, ceux qui se lèvent contre moi, tan-
dis que ton serviteur se réjouira40 ». C’est une allusion aux attaques des démons
qu’eut à subir Antoine. Ils sont représentés en bas de la page, alors que le saint
est tourné vers le ciel, les bras levés, recevant la bénédiction de la main de Dieu,
et protégé à l’arrière par la haute silhouette de l’archange Michel porteur de la
Croix. Ce psautier contient aussi une représentation des saints moines Arsène,
Éphrem, Macaire, Onuphre, Zosime, Sabas et Euthyme41.
Le Ménologe sinaïtique de la première moitié de janvier (Sinaï, cod. 512), da-
tant de 1055-1056, comporte une miniature en pleine page (2v) pour illustrer les
saints de cette partie de l’année, sur trois rangées. Antoine s’y trouve représenté à
deux reprises. Tout d’abord en haut à gauche, conversant avec Paul de Thèbes,
puis en bas à droite comme dernière figure de ce ménologe42 (hors-texte 12).
En Cappadoce
Dans les églises de Cappadoce43, les martyrs sont sans doute les saints le plus
souvent représentés, sans doute à cause du pouvoir thaumaturge attaché à leurs
reliques et à leurs icônes. On relève une prédilection pour un grand nombre de
saints guerriers, liée à l’importance de l’élément guerrier dans la société d’alors.
Les saints anargyres sont aussi très présents. En revanche, les saints moines et
39 E. SAUSER, Antonius Abbas (der Grosse), Stern der Wüste, Vater der Mönche, ibid. ; S.
TOMEKOVIC, « Le cycle inédit de saint Antoine dans l’église sous son vocable à Soughia
(Crète) », Byzantinische Forschungen, t. XI, Amsterdam 1987, p. 451, fig. 9.
40 Cf. L. MARIÈS, « L’irruption des saints dans l’illustration du psautier byzantin », AB 68,
1950, p. 153-162.
41 Cf. S. DER NERSESSIAN, L’illustration des psautiers grecs au Moyen Âge, II. Londres,
Add. 19352, Paris 1970.
42 K. WEITZMANN et G. GALAVARIS, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinaï.
The Illuminated Greek Manuscripts. Vol. 1 : From the ninth to the twelfth Century,
p. 70-73, pl. couleur 15.
43 Cf. C. JOLIVET-LÉVY, La Cappadoce médiévale, Zodiaque s l.n.d., p. 339-382.
684 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ascètes sont relativement rares, bien que ces églises aient été souvent rattachées
à un monastère, ce qui s’explique sans doute par l’origine de ces fondations,
dues la plupart du temps à des particuliers laïcs. L’ascète le plus fréquemment
représenté est Onuphre. À côté de Zosime et des stylites apparaissent les fonda-
teurs du monachisme oriental parmi lesquels se trouve Antoine.
À Göreme, l’abside nord de la Nouvelle église de Tokali (v. 950-960) pos-
sède un programme iconographique singulier. Au centre de la paroi,
l’Hospitalité d’Abraham, avec à gauche, la communion de Marie l’Égyptienne
des mains de Zosime et à droite cinq moines : Antoine, Syméon le Stylite, Timo-
thée, Épiphane et Arsène. Là, Antoine est le seul à porter un capuchon, alors que
jusqu’au milieu du Xe siècle, les moines encapuchonnés prédominent44. « Il est,
selon l’usage, figuré âgé, avec une barbe blanche. De la main droite, il tient une
petite croix, la main gauche étant ouverte devant le buste45 » (hors-texte 13).
À Saint-Jean de Güllü dere, on peut noter la capuche brune, large, pointue et
ornée de blanc d’Antoine, ainsi que celle d’Arsène et d’un moine inconnu, ca-
puche qui ne couvre pas l’ensemble des cheveux46.
« À Karşi kilise, quatre saints moines à mi-corps, deux de chaque côté, en-
cadrent l’entrée de l’abside : Éphrem le Syrien et Arsène, Sabas et un saint au-
jourd’hui anonyme, sans doute Antoine. (…) Ils sont six – Antoine et Éphrem,
Euthyme et Théodose le Cénobiarque, Sabas et Arsène – dans l’église des
Saints-Apôtres47 », du XIIIe siècle, près du village d’Erdemli ; « sur le montant
du chancel sud de l’abside sud : Zosime ; il donnait la communion à Marie
l’Égyptienne48. »
Dans la vaste église dite « bigarrée » (Ala kilise), dont la chronologie reste
ouverte (vers 1000 ou vers le milieu du XIe siècle), douze saints ascètes occupent
toute la surface Nord-Ouest, quatre ont été identifiés, dont Antoine ; celui-ci est
peint la tête découverte, ce qui est inhabituel, avec un manteau ocre et un ana-
labe bleu-foncé ; il tient une croix et tourne la paume gauche vers le fidèle49.
À Chypre
En analysant la peinture de l’ermitage de Néophyte le Reclus, situé au nord-
ouest de Paphos (Chypre, XIIe siècle), S. Tomekovic remarque : « La procession
des saints de la paroi ouest du naos a en tête, ce qui est fréquent (Nerezi, les
Saints-Anargyres [de Kastoria]50, Lagoudéra), le patriarche des ascètes, saint
Antoine le Grand […] (hors-texte 14). Son effigie, ainsi que l’illustration de sa
vie, sont particulièrement nombreuses dès le Xe siècle (icône du Sinaï, Saint-Jean
de Güllü dere, Nouvelle église de Tokali, Ménologe de Basile II, p. 327, Hosios
Lukas [hors-texte 15], la Néa Moni [de Chios], l’église dite « bigarrée » d’Ala
kilise). Au XIIe siècle il est présent à Asinou, à Nerezi, dans l’église supérieure
de Bačkovo, aux Saints-Anargyres de Kastoria, à l’Episkopé de Santorin, à
Monreale, Bethléem, Lagoudéra (hors-texte 16), Kalogrea, Nereditsa51. »
À son tour, Konstantin Kalokyris étudie une bonne partie de quelque six cents
églises avec des fresques du XIIIe au XVIIe siècle à Chypre, et conclut, entre autres :
« parmi les saints moines, Antoine est le plus souvent rencontré52. » Une église lui
est dédiée à Nicosie, une autre en un lieu appelé Kellia53.
En Macédoine
Dans les parties occidentales des églises, entre les XIIe et XIVe siècles, apparais-
sent les grands ascètes, dont Antoine, de face, placés les uns à côté des autres,
avec à leurs côtés les Pères de l’Église, ceux-ci en habit de mégaloschème avec
un analabe et une mandya. Par exemple, à Zrze, en Macédoine, dans l’église de
la Transfiguration : les fresques de sa partie occidentale, datées de 1368/1369,
comportent également la représentation de saint Antoine, celles de saint Gré-
goire le Théologien et de saint Basile le Grand, à sa gauche, en face de celles de
saint Nicolas et saint Jean Chrysostome54. La même disposition existe aussi dans
50 Cf. S. TOMEKOVIC, Les saints ermites et moines dans la peinture murale byzantine, Paris
2011, p. 389, fig. 101.
51 S. TOMEKOVIC, « Ermitage de Paphos : décors peints pour Néophyte le Reclus », dans
Les saints et leur sanctuaire à Byzance, Byzantina Sorbonensia 11, Paris 1993, p. 159.
52 K. KALOKYRIS, The Byzantine Wall Paintings of Crete, New York 1974, p. 143.
53 E. S. BOLMAN, Monastic visions. Wall paintings in the Monastery of St. Antony at the
Red Sea, New Haven & London 2002, p. 251, note 2.
54 Cf. V. J. DJURIC, Les docteurs de l’Église, dans EUFROSUNON AFIERWMA STON
M. CATZHDAKIS, vol. 1, Athènes 1991, p. 129-135 ; Z. IVKOVIC, Zivopis iz XIV veka
u manastiru Zrze (= La peinture du XIVe siècle dans le monastère de Zrze), dans Zograf
11, 1980, fig. 5 et 12.
686 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Au Mont Athos
Dès l’époque des Paléologues (1259-1453), le Mont Athos a été l’un des princi-
paux foyers de l’Empire byzantin pour la peinture murale comme pour celle
d’icônes.
Dans le catholicon de Chilandar, monastère serbe de l’Athos, sont représen-
tés Théodose, Arsène et Antoine (1321-1322).
D’après l’ouvrage de M. Capuani et M. Paparozzi58, mentionnons quelques
autres lieux athonites où saint Antoine est représenté.
55 Cf. Sur les peintures de Michel et Eutychios, cf. S. KORUNOVSKI, E. DIMITROVA, Macé-
doine byzantine, Paris 2006, p. 150-172.
56 S. TOMEKOVIC, Les saints ermites et moines dans la peinture murale byzantine, Paris
2011, p. 25.
57 Cf. G. SUBOTIĆ, L’Église des saints Constantin et Hélène à Ohrid, Belgrade 1971,
p. 51, 110, planche 32 et illustration 32 ; S. KORUNOVSKI et E. DIMITROVA, Macédoine
byzantine, Paris 2006, p. 210.
58 M. CAPUANI et M. PAPAROZZI, Le Mont-Athos. Les fondations monastiques. Un millé-
naire de spiritualité et d’art orthodoxe, trad. de l’italien par P. BAILLET, Paris 1997.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 687
Les fresques de l’église du Pantokrator ont été peintes par des maîtres de
l’école macédonienne au XIVe siècle. Dans le registre inférieur, Antoine est re-
présenté à côté d’Euthyme59.
Les fresques du naos de l’église de Dionysiou sont l’œuvre, en 1547, du
peintre Zorzis, l’un des principaux représentants de l’école crétoise. Dans la
fasce inférieure se trouvent les saints guerriers et ascètes, dont Antoine, là aussi
à côté d’Euthyme60. Au trésor de ce monastère appartient une icône d’Antoine
de la première moitié du XVIIe siècle (hors-texte 18). Il porte une croix sur sa
poitrine et une autre est brodée sur son capuchon.
Dans le réfectoire de Philothéou, les murs sont décorés de fresques attri-
buées à l’école crétoise (probablement de 1540). Saint Antoine y occupe une
place d’honneur, après celles des évêques Nicolas, Grégoire de Nazianze, Jean
Chrysostome, Basile, Athanase d’Alexandrie, Grégoire Palamas qui se trouvent
dans l’abside du réfectoire61. De même dans celui de Vatopédi, peint en 1785,
où saint Antoine fait face à saint Euthyme, après les évêques62.
Sur un épitrachilion du XVe s. qui se trouve au monastère athonite de Stavro-
nikita sont brodés des groupes de trois saints. L’un d’eux est composé de trois
ermites : Onuphre, Euthyme et au centre, Antoine63. Un autre épitrachilion de la
seconde décennie du XVIe siècle, conservé au monastère de Xénophon représente
des saints debout sous des arcades trilobées : la Vierge et saint Jean, les saints
Jean Damascène et Antoine, Arsène et Théodore, Euthyme et Éphrem, Onuphre
et Paul64.
Ainsi saint Antoine fait-il partie de l’iconographie athonite aux côtés
d’autres ascètes, en particulier de saint Euthyme.
En Crète
Dans son étude sur les peintures byzantines de Crète, K. Kalokyris analyse les
quelques six cents églises possédant des fresques datées entre le XIIIe et le XVIIe
siècle et affirme que le saint le plus souvent représenté est saint Antoine65.
59 Ibid., p. 160.
60 Ibid., p. 149.
61 Ibid., p. 189.
62 Ibid., p. 124.
63 Ch. PATRINELI, A. KARATSANI, M. THÉOCHARI, MONH STAURONIKITA, 1974, p. 167,
fig. 64.
64 M. A. MUSICESCU, La broderie médiévale roumaine, Bucarest 1969, n° 35, p. 44.
65 K. KALOKYRIS, The Byzantine Wall Paintings of Crete, New York 1974, p. 143.
688 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
66 S. TOMEKOVIC, « Le cycle inédit de saint Antoine dans l’église sous son vocable à
Soughia (Crète) », Byzantinische Forschungen, t. XI, Amsterdam 1987, p. 445-463.
EAD., Les saints ermites et moines dans la peinture murale byzantine, p. 164-167.
67 S. KORUNOVSKI et E. DIMITROVA, Macédoine byzantine. Histoire de l’art macédonien
du IXe au XIVe siècle, Paris 2006, p. 185.
68 Sur le cycle de saint Antoine à Mateič, cf. G. MILLET, La peinture du Moyen Age en
Yougoslavie, fasc. IV, Paris 1969, pl. 53, fig. 107.
69 G. Millet indique comme légende de cette fresque : « Rencontre de saint Antoine et de
saint Macaire », alors que V. R. PETROVIČ hésite entre saint Macaire et saint Paul (La
peinture serbe du Moyen Âge, I, Beograd 1930, p. 50, II, pl. cvlv). Selon S. TOMEKO-
VIC, il s’agit plus vraisemblablement de saint Paul le Simple (S. TOMEKOVIC, « Le
cycle… », p. 453).
70 S. TOMEKOVIC, Les saints ermites et moines dans la peinture murale byzantine, p. 163-164.
71 G. POLLIO, « Marie Reine ». Icônes d’Italie du Sud, calendrier d’icônes de La casa de
Matriona 2009, Milan 2008, pl. 9. Pour une description du cycle, cf. G. DE JERPHANION,
« Le cycle iconographique de Sant’Angelo in Formis », Byzantion 1, 1924, p. 341-366.
Pour une étude de ce cycle, cf. S. TOMEKOVIC, « Les cycles hagiographiques de
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 689
En Russie
Les fresques de la cathédrale de la Dormition de Vladimir ont été peintes en
1408 par les deux maîtres Danil et Roublev. C’est à ce dernier que l’on peut at-
tribuer la peinture de saint Antoine (hors-texte 22). Son visage est empreint
d’une expression de noblesse et de douceur incomparable. Le dessin régulier et
précis « fuit les mouvements hardis, asymétriques et utilise volontiers des lignes
paraboliques fluides (…). Dans son art transparent comme le cristal, il y a
quelque chose d’authentiquement classique73 ».
À Moscou, dans la cathédrale de la Dormition au Kremlin, sur la cloison en
pierre de l’autel ont été peintes par Dionisij et son école, de 1479-1481, les
fresques de nombreuses figures de moines dont celle d’Antoine (hors-texte 23).
On peut noter son visage rond, au petit nez et aux petits yeux.
74 Sur les calendriers peints, cf. É. POIROT, « Note sur l’iconographie du saint prophète
Élie dans les fresques de Moldavie », dans Toi, suis-moi ! Mélanges offerts en hommage
à Élisabeth Behr-Sigel, Iaşi 2003, p. 519-522.
75 E. CINCHEZA BUCULEI, « Menologul de la Dobrovăţ », dans Studii şi Cercetări de Isto-
ria Artei, serie a. pl. 39, Bucarest 1992, p. 7-32.
76 V. DRĂGUŢ, Dobrovăţ, Bucureşti 1984, p. 25, ne donne le nom que de six d’entre eux,
probablement à cause de l’état de dégradation de la peinture.
77 Cf. C. COSTEA, « Narthexul Dobrovăţului », Revista Monumentelor Istorice, I LX,
Bucarest 1991, n° 1, p. 10-22, spéc. 21.
78 Cf. The Restoration of the Probota Monastery 1996-2001, Unesco 2001, planches n°9-10.
79 D’après les données de la thèse de doctorat de E. CINCHEZA BUCULEI soutenue à Cluj, en
1999 (Menologul în Ţara Românească şi Moldova, în secolul XVI), sur l’emplacement de
saint Antoine dans les ménologes du Pays roumain et de la Moldavie.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 691
À Humor (1535) et à Baia (1535-1538) n'ont été peints que les trois pre-
miers mois de l'année liturgique : septembre, octobre et novembre.
80 P. HENRY, Les églises de la Moldavie du Nord des origines à la fin du XVIe siècle. Ar-
chitecture et peinture, Paris 1930, p. 232.
81 Selon A. GRABAR (« L’origine des façades peintes des églises moldaves », dans Mé-
langes offerts à M. Nicolas Iorga, Paris 1933, p. 365-382), l’origine de cette formule ar-
tistique viendrait de Serbie. De nombreuses autres hypothèses disputées se sont succédé
depuis. P. Ş. NĂSTUREL a démontré que cette peinture est apparue en Moldavie déjà
692 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
d’un saint est un élément de ce programme. La plus fréquente est celle de saint
Nicolas82. On y trouve aussi des vies de saint Jean-Baptiste, de saint Georges, de
saint Pachôme, de saint Jean le Nouveau83. La Vie de saint Antoine se trouve
peinte sur la façade extérieure de trois ou quatre églises (Voroneţ, Probota,
Râşca, Humor ?)84.
La mieux conservée est celle de Voroneţ, peinte en 1547 par les soins du mé-
tropolite Grigorie Rosca, sur la partie droite du mur septentrional. Plusieurs
scènes de sa vie sont illustrées : son départ au monastère, son existence d’ascète
solitaire et quelques tentatives des démons qui voulaient le troubler. Voici
l’explication de cette scène donnée aujourd’hui par l’higoumène de ce monastère :
« Bien connu pour la sévérité de son visage, il était souvent tenté par le diable qui
pensait que le faire au moins sourire serait une belle victoire. Les peintres ont il-
lustré cette impuissance du démon face à ce serviteur de Dieu. Plusieurs démons
s’efforcent par des gestes ridicules de provoquer le sourire du saint. Ils font sem-
blant de fournir de gros efforts pour tourner le bras d’une grue rudimentaire qui
doit soulever… une feuille. En regardant la scène, le saint sourit et les diables sont
prêts à crier victoire ; mais le saint leur coupe l’élan par ses paroles : « J’ai ri de
votre impuissance. » Les démons se retirent honteux, cherchant d’autres moyens
de tentations85. » De fait cet épisode est connu par les apophtegmes, mais attribué
à Pambo86. Il appartient aussi aux Vies de saint Pachôme et se trouve illustré dans
sous le règne d’Étienne le Grand et a formulé l’hypothèse que la présence d’un de ses
fils, Alexandre, à la Porte ottomane, où il était otage, a pu faciliter ce transfert artistique
(« Preluarea picturii exterioare bizantine în Moldova în vremea lui Ştefan cel Mare »,
dans Ştefan cel Mare şi Sfânt. Atlet al credinţei creştine, Putna 2004, p. 455-464).
82 On peut en dénombrer une dizaine dans la peinture murale de Moldavie (elles ne datent pas
toutes de l’époque de Petru Rareş, certaines sont plus récentes et non situées à l’extérieur).
Cf. C. COSTEA, « The Life of saint Nicholas in Moldavian Murals. From Stephen the Great
(1457-1504) to Jeremiah Movila (1596-1606) », Revue Roumaine de l’Histoire de l’Art, Sé-
rie Beaux-Arts, t. XXXIX-XL (2002-2003), Bucarest 2005, p. 25-50.
83 EAD., « Despre reprezentarea Sfântului Ioan cel Nou în arta medievalǎ », dans Revista
monumentelor istorice, t. LXVII, n° 1-2/1998, p. 18-35. S. ULEA, « Originea și semni-
ficația ideologică a picturii exterioare moldovenești (II) », dans Studii și cercetări de Is-
toria Artei, seria a. pl., 19, Bucarest 1972, nr. 1, p. 49-50.
84 S. DUMITRESCU appelle ce thème iconographique « Les tentations de saint Antoine »
(Chivotele lui Petru Rareş şi modelul lor ceresc, Bucarest 2001, p. 99 ; trad. anglaise,
The ecumenical Tabernacles of Petru Rareş voivode and their celestial model, Bucarest
2004, p. 141), ce qui n’est qu’un aspect de la vie de saint Antoine (cf. la recension de C.
COSTEA sur S. DUMITRESCU, Chivotele (…), Revue Roumaine de l’Histoire de l’Art,
(2002-2003), Bucarest 2005, p. 187-192.
85 E. SIMIONOVICI, Le saint monastère de Voroneţ, Suceava 1998, p. 95.
86 Apophtegmes des Pères, Pambo 13, coll. alphabétique, Solesmes 1981, p. 265.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 693
87 Cf. A. GRABAR, « Deux images tirées de la vie de Saint Pachôme », Revue d’Égyptologie,
publiée par la Societé Francaise d’Égyptologie, t. 24, Mélanges dédiés à Michel Malinine,
Paris 1972, p. 74-79.
88 ATHANASE, VA 9, 8-9, SC 400, p. 161-163.
89 The Restoration of the Probota Monastery, 1996-2001, UNESCO 2001, p. 153.
90 Cf. A. VASILIU, Monastères de Moldavie XIVe-XVIe siècles. Les Architectures de
l’image, Bucarest 1998, p. 264-265.
91 EAD., ibid., p. 244, note 77.
694 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
assis dans un paysage montagneux, comme le prophète Élie à Kérith, avec sur
son capuchon le monogramme IC XC NK. Alors que, dans l’art paléochrétien, la
représentation d’Élie est avant tout celle de son ascension, c’est dans le contexte
monastique qu’apparaît plus fréquemment l’iconographie d’Élie solitaire et
nourri par les corbeaux92. À l’époque de l’hésychasme palamite (XIVe siècle),
Élie est représenté comme un hésychaste, penché profondément en avant, dans
la solitude d’un paysage rocheux. Ce type d’icônes est répandu tant en Grèce et
en Russie que sur les fresques byzantines des Balkans comme à Moraca (XIIIe
siècle), à Gracanica (1321) qu’à Cozia (1390-1391)93. Il semble que la
représentation de saint Antoine suivant ce schéma à Saint-Nicolas de Curtea de
Argeş soit originale. Elle invite, d’une part, à considérer la vie du Thesbite
comme prototype de celle de saint Antoine et elle confirme, d’autre part,
l’exposé de P. Năsturel sur les fresques byzantines de Curtea de Argeş : il y
montre que Chariton, l’higoumène de Kutlumus, « se trouve impliqué dans
l’élaboration du programme iconographique d’Argeş, soit en qualité de
consultant, soit, à partir de 1372 en raison de sa nomination comme nouveau
métropolite de Hongrovalachie, par décision du patriarche Philothée Kokkinos
en personne94. » Or quatre ans auparavant, en 1368, ce patriarche avait canonisé
saint Grégoire Palamas, le théologien par excellence de l’hésychasme. La
fresque de saint Antoine comme hésychaste reflète certainement la spiritualité
palamite tant du métropolite Chariton qui fut aussi prôtos de l’Athos de 1376 à
138095, que du patriarche Philothée. Nous avons noté aussi la place que tient
saint Antoine dans l’Éloge de Grégoire Palamas écrit par ce dernier96.
À Cozia (1390-1391), un Ménologe complet a été peint, mais le mois de
janvier n'est pas conservé. Saint Antoine est représenté en pied dans le narthex,
sur le mur sud (hors-texte 31).
Dans l’église du monastère de Râmeţ en Transylvanie, on distingue diffé-
rentes couches de peinture. Le passage entre la nef et le narthex date de 1377. Y
sont peints Antoine et Andronic.
92 Cf. 3 R 17, 6. Pour une étude de cette représentation d’Élie, cf. É. POIROT, « L'icono-
graphie d’Élie à Kerith », Connaissance des religions, n° Hors Série 1999, p. 251-254.
93 D. BARBU, Pictura murală din Ţara Românească în secolul al XIV-lea, Bucarest 1986,
p. 59.
94 P. Ş. NĂSTUREL, « Vers une datation sur preuve des fresques byzantines de Curtea de
Argeş », dans Românii în Europa medievală (între Orientul bizantin şi Occidentul la-
tin). Studii în onoarea Profesorului Victor Spinei, éd. D. ŢEICU, I. CÂNDEA, Brăila 2008,
p. 417-427 ; spéc. p. 421.
95 J. DARROUZÈS, Les regestes des Actes du Patriarcat de Constantinople. Vol. Les actes
des patriarches. Fasc. V Les regestes de 1310 à 1376, n° N.2654, Paris 1977, p. 548.
96 Cf. p. 412.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 695
97 Cf. C. L. DUMITRESCU, Pictura murală din Ţara românească în veacul al XVI-lea, Bucarest
1978.
98 Ce terme désigne l’église d’un hôpital (bolniţa) qui n’existe plus, mais qui était une infir-
merie où l’on soignait les malades, les vieillards non seulement du monastère, mais des
environs ou ceux qui étaient en voyage. Certains traduisent « église-hôpital », d’autres
« hôtel-Dieu » ; nous garderons le terme roumain : « église-bolniţa ».
99 Cf. C. L. DUMITRESCU, Pictura murală din Ţara românească în veacul al XVI-lea, Bucarest
1978, pl. 16, p. 37.
100 Remarquons qu’Antoine, Euthyme, Sabas sont les trois premiers ascètes cités dans la
proscomidie.
101 Photographie dans D. BĂLAŞA et T. HRISANT, Mănăstirea Tismana vatră străbună,
Craiova 1983, p. 90.
696 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
102 C. PILLAT, Pictura murală în epoca lui Matei Basarab, coll. Comori de artă din Româ-
nia, Bucarest 1980.
103 Cf. I. IANCOVESCU, « La peinture de la chapelle de Mogoşoaia », Revue Roumaine de
l'Histoire de l'Art, t. 36-37, 1999-2000, p. 31-38.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 697
proscomidie, leur est associé, plus rarement le quatrième ascète, à savoir saint
Onuphre, à l’inverse de ce que nous avons noté en Cappadoce (seulement à Tis-
mana, Topolniţa, dans l'église-bolniţa de Cozia) et curieusement, nous n’avons
relevé aucune fresque figurant le cinquième saint, Athanase l'Athonite, alors qu’
« au beau milieu du katholikon de Lavra trône, encore de nos jours, une très
grande et très belle icône sur le siège abbatial : l’image du fondateur du monas-
tère, saint Athanase104 », icône plaquée d’un revêtement d’argent doré, don du
prince valaque Vladislas Ier et de son épouse Anne, au XIVe siècle, signe des bons
rapports entre la Valachie et l’Athos ! L’absence de représentation du cinquième
saint ascète nommé à la proscomidie peut s’expliquer tout simplement parce que
le texte utilisé alors ne comportait peut-être pas le nom d’Athanase l’Athonite105 !
La liste des saints moines cités dans la proscomidie varie en effet selon les
époques et les lieux, même si l’ordre de la proscomidie a été fixé au XIVe siècle
par le patriarche Philothée de Constantinople dans sa Diataxis106.
104 P. Ş. NĂSTUREL, Le Mont Athos et les Roumains. Recherches sur leurs relations du mi-
lieu du XIVe siècle à 1654, OCA 227, Rome 1986, p. 73.
105 Cf. DOSOFTEI, Dumnezăiasca Liturghie, 1679 ; reprint Iaşi 1980, p. 28 : le texte com-
porte les noms d’Antoine, d’Euthyme, de Sabas le Sanctifié et d’Arsène.
106 Ainsi en Grèce aujourd’hui, on ajoute les saints Théodose le Cénobiarque, Païsios et Pierre
de l’Athos ; en Bulgarie, saint Jean de Rila ; en Russie, les saints Antoine et Théodose des
Cryptes, Serge de Radonège, Séraphim de Sarov, Barlaam de Khoutyn et les saintes Péla-
gie, Théodosie, Anastasie, Eupraxie, Fébronie, Théodulie, Euphrosyne et Marie
l’Égyptienne ; en Roumanie, les saints Dimitri le Nouveau, Grégoire le Décapolite, Nico-
dème de Tismana, Bessarion et Sophrone, Jean, Antoine, Daniel, Germain, Jean de Hozeviț,
les mêmes saintes qu’en Russie avec en plus les saintes Parascève et Théodora de Sihla.
107 Le célèbre historien transilvain, protopote grec-catholique de Reghin, Petru Maior, y a
célébré de 1785 à 1809.
108 M. PORUMB, Dicţionar de pictura veche românească din Transilvania sec. XIII-XVIII,
Bucarest 1998, p. 331-332.
698 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Saint Antoine a une barbe longue, une moustache et des cheveux blancs. Il lit
avec concentration dans un livre ouvert109. Il porte à la main droite un chapelet
de couleur blanche, alors que son habit monastique a la couleur noire. Son capu-
chon lui couvre partiellement la tête. La figure du saint se dégage d’un fond
gris-argenté, entouré d’éléments décoratifs de végétation, sculptés en relief, do-
rés et polychromes. C’est une peinture qui allie quelques éléments byzantins à
d’autres baroques (hors-texte 40)110.
Saint Antoine est cependant totalement absent de la peinture populaire sur
verre de Transylvanie, qui a fleuri de la première moitié du XIXe siècle jusqu'à nos
jours111, alors que les icônes sur verre des saints Georges, Nicolas, Élie abondent
et que d’autres saints comme Jean-Baptiste, Pierre et Paul, Parascève, Démètre,
Basile, Charalampos, Constantin et Hélène sont également représentés. Notons
aussi que le livre d’Alexandru Efremov qui présente 171 icônes roumaines du
e e 112
XVI au XIX siècle provenant de Moldavie, de Transylvanie et du Pays roumain
n'en contient pas une seule de saint Antoine le Grand, alors qu'il y en a une di-
zaine de saint Nicolas, quatre de saint Georges, deux de saint Élie etc.
De même l’ouvrage de Lioudmila Miliaeva, L’icône ukrainienne XIe-XVIIIe s.,
Saint-Pétersbourg 1996, compte plusieurs icônes de saint Georges, mais aucune
de saint Antoine.
109 Cela montre que le peintre ne pensait pas qu’Antoine ne savait pas lire, comme l’avaient
déduit certains à partir de la VA.
110 C. TATAI-BALTĂ, Ipostaze cultural-artistice, Alba Iulia 2007, p. 65 et 213 ; C. TATAI-
BALTĂ et I. FĂRCAŞ, Iconostasul Catedralei greco-catolice « Sfânta Treime » din Blaj
(sec. XVIII), Alba Iulia 2011, p. 43-44.
111 Cf. I. MUŞLEA, Icoane pe sticlă şi xilogravurile ţăranilor români din Transilvania, Bu-
carest 1995, p. 64-67.
112 A. EFREMOV, Icoane româneşti, Bucarest 2003.
113 M. DIDRON, Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine, Paris 1845,
réimpression New York, Burt Franklin Research & Source Works Series # 45.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 699
Denys – à savoir dans le chapitre « Les saints solitaires, les caractères de leur
figure et leurs épigraphes » –, saint Antoine est nommé à six endroits.
À côté des cycles de sa vie représentés sur des fresques, existent aussi des
icônes où le personnage de saint Antoine est entouré de plusieurs scènes de sa
vie122.
(Antoine voit l’âme d’Amoun enlevée par les anges) ou à d’autre récits monastiques de
ce genre (comme Sisoès 49).
122 Par exemple l’icône bulgare du XVIIe siècle, de la collection Svetlin Roussev, répertoriée
sous le n° 44 dans le catalogue A. DJOUROVA, G. GUEROV, Les trésors des icônes bul-
gares, Paris 2009 ; une icône du Musée national de Belgrade, du XVIIe siècle également
(détail dans P. J. MÜLLER, Icônes byzantines, Paris 1978, planche 52).
123 DIDRON, p. 236.
124 Ps 148-150 ; spéc. Ps 150, 6.
125 DIDRON, p. 292-293.
126 Traduction D. GUILLAUME, dans Paraclitique, Parme 19952. Il s’agit du théotokion du
cathisme 2 des matines du dimanche, 8e ton, utilisé comme hymne à la Mère de Dieu, à
la Divine Liturgie de saint Basile célébrée les cinq premiers dimanches de Carême, les
veilles de Noël et de la Théophanie, le 1er janvier.
702 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Parmi tous les saints qui apportent leur louange à la Mère de Dieu se trou-
vent les saints moines. D’après le Manuel de Denys, saint Antoine se trouve de
nouveau en tête des saints ascètes (hors-texte 35), disant : « Réjouis-toi, louange
des solitaires et splendeur des moines ! »
132 Cf. l’étude de ce manuscrit par N. STONE, The Kaffa Lives of the Desert Fathers. A
Study in Armenian Manuscript Illumination, CSCO 566/Subs 94, 1997.
133 ATHANASE, VA 51. Cf. Jb 5, 23.
134 Cf. ATHANASE, VA 53.
704 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ouvre les deux bras en regardant le Christ qui apparaît dans le coin supérieur de
l’image dans un nuage d’or rayonnant135.
135 Cf. J. LEROY, « L’illustration du manuscrit syr. 5/14 de Deir Charfet », dans L’Orient
Syrien 4, 1959, p. 49-50.
136 Cf. chap. 1, p. 117. W. STAUDE, « Étude sur la décoration picturale des églises Abbā
Antonios de Gondar et Dabra Sina de Gorgora », Annales d’Éthiopie 3, 1959, p. 206.
137 Cf. chapitre 4, § 5 littérature éthiopienne, p. 448.
138 A. WION, « Un nouvel ensemble de peintures murales du premier style gondarien : le
monastère de Qoma Fasilādās », dans Annales d’Éthiopie 17, 2001, p. 279-308.
139 Tous les auteurs ne définissent pas de la même manière ces deux attributs monastiques.
Il semble qu’il s’agit du capuchon et du scapulaire.
Chapitre VI. Saint Antoine dans l’iconographie orientale 705
• Eth. Abb. 102, fol. 81v, XVIIIe siècle : Antoine reçoit d’un ange le vêtement
monastique (hors-texte 39).
• Eth. Abb. 105, fol. 79v, XVe siècle : Antoine et Macaire ; chacun tient un co-
dex de la main gauche et une croix de procession de la droite.
• Eth. Abb. 111, fol. 37v, XVe siècle : Antoine élève de sa main gauche un codex.
• Eth. Abb. 114, fol. 97v, XVIIIe siècle : Antoine est représenté avec d’autres saints
dont Macaire et Paul. Les trois moines tiennent une croix à la main gauche et
s’appuient de la droite sur un bâton de prière. Ils portent une coiffe rouge.
Dans toutes ses représentations, les saints sont de trois quarts, conformément à
l’usage éthiopien. On note aussi que les deux pièces de l’habit monastique, la
robe et la cape, sont de deux couleurs différentes.
8. Conclusion
Ainsi saint Antoine est-il bien présent dans l’iconographie copte, byzantine,
moldave, valaque, éthiopienne. La présence dominante de saint Antoine, compa-
rée à celle des autres ascètes, tant dans le Manuel de Denys de Phourna, que
dans l’iconographie in situ, tant dans la période byzantine que dans celle post
byzantine, témoigne de son prestige dans la conscience de l’Église et confirme
l’ancienneté du culte de saint Antoine. Dans une église byzantine, Antoine est
souvent placé le premier.
Euthyme et Antoine, représentants respectifs des monachismes palestinien et
égyptien, sont souvent associés, comme dans la liturgie byzantine. Ils apparais-
sent dans le cycle des saints solitaires de la peinture pariétale. Vers la fin du XIIe
siècle se situe un cycle de saint Antoine à Sant’ Angelo in Formis, au milieu du
e e
XIV siècle, celui de Mateič, ceux de Moldavie, au XVI siècle.
Le texte que saint Antoine porte sur son rouleau peut varier. Si sur un cer-
tain nombre de représentations, il correspond à la consigne du Guide de la pein-
ture, avec l’apophtegme Antoine 36, dans l’iconographie copte contemporaine,
on relève le verset évangélique de Mt 19, 21. L’apophtegme Antoine 7 est le
plus souvent utilisé faisant d’Antoine un modèle d’humilité ; l’apophtegme An-
toine 34 dans le catholicon de Hurezi (1694) permet de voir quel message
d’Antoine a été reçu en cette fin du XVIIe siècle, message d’ailleurs actualisé au-
jourd’hui dans des fresques contemporaines de saint Antoine, par exemple au
Carmel byzantin de Saint-Rémy en Bourgogne (1996, Grigore Popescu) et dans
son skite de Stânceni en Roumanie (2000, frères Stanciu).
L’iconographie de saint Antoine est en rapport avec les récits de sa vie et
avec ses paroles. L’expression du visage d’Antoine correspond souvent à
l’image qu’en a donnée Athanase : « Son âme était sans trouble, ses sens exté-
rieurs étaient aussi sans agitation, de sorte que la joie de son âme rendait ainsi
son visage souriant144. » Sa place dans les programmes iconographiques est as-
152 Miniature du Grégoire de Nazianze, Ambrosianus 49-50, fol. 597, IXe siècle (reproduction
dans Le saint prophète Élisée d’après les Pères de l’Église, SO 59, 1993, hors-texte 7). Là
aussi, Élie tient les mains levées pour la prière.
HORS-TEXTE
ICONOGRAPHIQUE
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 711
Iconographie byzantine
9. Sinaï, milieu du Xe s., deux battants d’un triptyque. À gauche, Thaddée,
saint Paul de Thèbes et saint Antoine ; à droite, le roi Abgar, saint Basile et
saint Éphrem (Sinai. Treasures of the Monastery of Saint Catherine, éd.
K.A. MANAFIS, Athènes 1990, fig. 13, p. 145).
10. Sinaï, XIIIe siècle, icône de saint Antoine entre saint Onuphre et saint Paul
de Thèbes (E. S. BOLMAN (édit.), Monastic Visions : Wall Paintings in the
Monastery of Saint Anthony at the Red Sea, Yale University Press 2001,
p. 17).
11. Sinaï, fin XVe-début XVIe siècle, icône de saint Antoine bordée par 17 saints
et en haut le Christ au milieu de la Mère de Dieu et de saint Jean-Baptiste
(ibid., fig. 88, p. 213).
712 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Iconographie russe
22. Cathédrale de la Dormition de Vladimir, A. Roublev, 1408.
23. Cathédrale de la Dormition au Kremlin, Dionisij et son école, 1479-1481.
Iconographie moldave
24. Probota, chambre mortuaire, calendrier aux 16 et 17 janvier (© E. Poirot).
25. Suceava, église Saint-Georges, calendrier, 1534 (© E. Poirot).
26. Voroneţ, fresque intérieure du naos, à côté du tableau votif (© E. Poirot).
27. Suceava, église Saint-Georges, narthex (© E. Poirot).
28. Voroneţ, fresque extérieure (© E. Poirot).
29. Râsca, cycle de la vie d'Antoine (© E. Poirot).
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 713
Éthiopie
37. Église Saint-Antoine, Gondar, Antoine recevant l’habit (© Daniel Ponsard,
Éditions Sépia 2005).
38. Église Saint-Antoine, Gondar, Antoine et Paul (© Daniel Ponsard, Éditions
Sépia 2005).
39. Eth Abb. 102, fol. 81v : Antoine reçoit d’un ange l’habit monastique
(http://mandragore.bnf.fr/html/accueil.html).
Transylvanie
40. Cathédrale de Blaj, porte nord de l’iconostase, 1765 (© E. Poirot).
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 715
1. Monastère de abba Apollo, Baouît, VIe siècle. La plus ancienne peinture copte d’Antoine.
2. Wadi al-Natroun, Monastère Saint-Macaire, sanctuaire nord, Saint Paul et saint Antoine,
vers 1200.
716 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
7. Icône peinte par Isaac Fanous, 1990, église de la Vierge, Los Angeles : saint Antoine.
720 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
8. Icône peinte par Youssef Nassif et Boudour Latif, XXe siècle : saint Antoine.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 721
9. Sinaï, milieu du Xe s., deux battants d’un triptyque. À gauche, Thaddée, saint Paul de Thèbes
et saint Antoine ; à droite, le roi Abgar, saint Basile et saint Éphrem.
722 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
10. Sinaï, XIIIe siècle, icône de saint Antoine entre saint Onuphre et saint Paul de Thèbes.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 723
11. Sinaï, fin XVe-début XVIe siècle, icône de saint Antoine bordée par 17 saints et, en haut,
le Christ au milieu de la Mère de Dieu et de saint Jean-Baptiste.
724 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
12. Sinaï, cod. 512 (1055-1056), Ménologe de la première moitié de janvier, fol. 2v.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 725
14. Chypre, Monastère de saint Néophite, naos, fin du XIIe s., quatre ermites : Antoine,
Arsène, Euthyme et Amon.
726 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
15. Grèce, Hosios Lukas, XIe s., Antoine sur un intrados vers le naos, avec Arsène,
Éphrem et Hilarion.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 727
19. Église de Mateič, rencontre d’Antoine et de Paul le Simple, fin du XIIe siècle.
730 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
20. Athènes, Musée byzantin, icône crétoise de saint Antoine, fin XVe-début XVIe siècle.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 731
21. Athènes, Musée byzantin, icône crétoise de saint Antoine, Michel Damaskinos, XVIe siècle.
30. Curtea de Argeş (Valachie), église princière Saint-Nicolas du XIVe s., nef.
Hors texte : Iconographie de saint Antoine le Grand 739
35. Moscou, Galerie Tretiakov, En toi exulte. Icône de Maître Denis de Moscou vers 1500.
744 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
39. Eth Abb. 102, fol. 81v : Antoine reçoit d’un ange l’habit monastique.
748 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
11 Cf. aussi Lettre VI, 8 (VI, version arabe = IV, version géorgienne).
12 Lettre VIII, 2.
13 VA 69, 3.
14 4 R 1,10.13.
15 VA 15, 3 ; VA 54, 6 : « tous le considéraient comme un père » ; cf. aussi VA 66, 7.
16 VA 46, 6.
17 VA 81, 1.
18 É. POIROT, Élie, archétype du moine, SO 65, Bellefontaine 1995, p. 216.
19 Cf. A. VAUCHEZ, « Saints admirables et saints imitables : les fonctions de l’hagiographie
ont-elles changé aux derniers siècles du Moyen Âge ? », dans Les fonctions des saints
dans le monde occidental (IIIe-XIIIe siècle), Rome 1991, p. 161-172.
752 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
25 H. DÖRRIES, « Die Vita Antonii als Geschichtsquelle », dans Nachrichten der Akademie
der Wissenschaften in Göttingen. Philologisch-Historischeklasse, 1949, n° 14, p. 359-
410 ; repris dans Wort und Stunde, vol. 1, Göttingen 1966, p. 145-224.
26 S. RUBENSON, « The Arabic Version of the Letters of St. Antony”, dans Actes du deu-
xième congrès international d’études arabes chrétiennes, OCA 226, Rome 1986, p. 20.
Cf. de même L. BROTTIER, « La figure d’Antoine à travers les Apophtegmes », Connais-
sance des Pères de l’Église 64, 1996, p. 9-11.
27 P. WALTER, « Introduction », dans Saint Antoine entre mythe et légende, Grenoble
1996, p. 7.
28 F.-M. LÉTHEL, Connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. La théo-
logie des saints, Venasque 1989, p. 53.
29 Ms. Vatican, Barberini lat. 659, daté de 1160.
754 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
l’Ordinaire par Sibert de Béka (1312), indique une fête de saint Antoine avec
neuf lectures30. Cela témoigne sans doute de l’estime des premiers carmes pour
saint Antoine à la suite duquel ils se situaient en introduisant sa fête dans leur
calendrier. La finale de leur Règle, donnée par saint Albert, patriarche de Jérusa-
lem, au tout début du XIIIe siècle, se rattache à la seconde conférence de Cassien,
qui se réfère à Antoine le Grand : « Qu’il use du discernement qui est la règle
des vertus. »
Ainsi la vie de saint Antoine le Grand, connue à travers les écrits, chantée
dans les liturgies et contemplée dans l’iconographie est porteuse d’une grande
signification spirituelle et œcuménique.
1 Si l’on doit comprendre ainsi son affirmation dans sa lettre de dédicace au cardinal Pierre
de Sotomayor, galicien par sa mère, au début de la Vie de saint Antoine : cum sim galli-
cus, « alors que je suis Galicien » ; cf. F. HALKIN, « Légende de S. Antoine traduite de
l’arabe par Alphonse Bonhome, o. p. en 1341 », AB 60, 1942, note 1, p. 160 et R. RICARD,
« La patrie de Fr. Alfonso Bonhome », Bulletin Hispanique, 62-3, 1960, p. 331-332.
2 Toujours dans sa lettre de dédicace au cardinal Sotomayor, il dit : postquam arabicum
didici, habeo loquendi materiam duplicatam, « parce qu’après avoir étudié l’arabe, j’ai
une double compétence linguistique ».
3 K. REINHARDT, « Un musulmán y un judío prueban la verdad de la fe cristiana entre
Abutalib de Ceuta y Samuel de Toledo », dans Diálogo filosófico-religioso entre cris-
tianismo, judaismo e islamismo durante la edad media en la península iberica. Actes du
Colloque international de San Lorenzo de El Escurial, 23-26 juin 1991, édités par H.
SANTIAGO-OTERO, Turnhout 1994, p. 191-212.
4 Sur le contexte historique, la stratégie dominicaine pour les conversions et la position
d’A. Bonhome, cf. J. V. TOLAN, Saracens, Islam in the Medieval European Imagina-
756 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
tion, New York, 2002, sur A. Bonhome, p. 254-255 et note 65, p. 343 ; M. A. VARGAS,
Taming a Brood of Vipers, Conflict and Change in Fourteenth-Century Dominican
Convents, Leiden 2011, sur A. Bonhome, p. 287-288.
5 Sur la vie et l’œuvre d’A. Bonhome, on se reportera à M. A. VAN DEN OUDENRIJN, « De
opusculis arabicis quae latine vertit fr. Alphonsus Buenhombre », o. p., Analecta sacri
ordinis Fratrum Praedicatorum, 14, 2, 1920, p.32-34, 85-93 et 163-168 ; G. MEERSSEMAN,
« La chronologie des voyages et des œuvres de frère Alphonse Buenhombre o. p. »,
Archivum Fratrum Praedicatorum, 10, 1940, p. 77-108 ; T. KAEPPELI, E. PANELLA,
Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, vol. I, 1970, p. 48-55 et vol. IV, 1993, p.
22 ; R. HERNÁNDEZ MARTÍN, « El arabista medieval Alfonso Buenhombre », Anámnesis,
11-1, 2001, p. 105-136.
6 F. HALKIN, dans Légende de S. Antoine traduite de l’arabe par Alphonse Bonhome,
écrit p. 153 : « les spécialistes du latin médiéval ne s’intéresseront pas sans profit à la
langue souvent malhabile et incorrecte du missionnaire dominicain. » Il est vrai que le
latin d’A. BONHOMME offre un témoignage intéressant sur le latin de son temps mais sa
langue ne peut être dite incorrecte que si on la juge par rapport à une norme, celle du la-
tin classique, qui n’était plus en usage depuis bien longtemps.
Annexe 1 757
est souvent renforcée par une préposition : de labore manuum suarum vivebat.
Les verbes de déclaration et de pensée sont construits avec une complétive intro-
duite par quod, quia ou quomodo. Quod introduit les subordonnées consécutives,
qualiter ou si les interrogatives indirectes.
Pour le vocabulaire, le plus intéressant à relever ce sont les hispanismes ca-
ractérisés ; mais quand on trouve, entre autres, conservacione ou occupaciones,
il est difficile de dire si c’est encore du latin ou déjà une langue hispanique.
Mais il n’y a plus de doute pour flores anachoritice au féminin, trufator, « es-
croc » et barrator, « abuseur ». Derrière applicaverunt Siciliam on voit déjà le
verbe llegar, alors qu’A. Ecchellensis utilise appulentes7.
Les caractéristiques du style d’A. Bonhome dans ses lettres préfaces au car-
dinal Pierre de Sotomayor sont la prolixité et l’emphase. La prolixité, A. Bon-
home en a conscience et essaie de la maîtriser : ut de infinitis taceam, ut de aliis
taceam, ut de pluribus taceam, dit-il, pour ne pas développer ce qu’il aurait tant
envie de dire. De toute façon il demande d’en être excusé : supplico quod de
multa loquacitate, cum sim Gallicus, habeat me vestra benignitas excusatum8. Il
ne craint pas pour orner son propos d’utiliser une image hardie : flecto genua
cordis mei, « je fléchis les genoux de mon cœur », d’user de redondance sol-
lempniter sollempnisant ou de paronomase eximium exenium.
Comme traducteur, A. Bonhome reste proche du texte qu’il traduit, conser-
vant souvent la structure de la langue arabe. L’ordre des mots surprend d’abord :
souvent le verbe est en tête, suivi du sujet. Comme les pronoms compléments
sont affixes en arabe, on a l’ordre suivant : verbe, pronom, sujet : respondit ei
dyabolus au lieu de dyabolus ei respondit. L’arabe use plus de la coordination
que de la subordination. Les phrases du récit s’enchaînent le plus souvent par et.
Lorsque dans un énoncé la deuxième proposition, coordonnée à la première par
et, est au futur, elle a une valeur consécutive ou finale : audi consilium meum et
domus tua recipiet sanitatem, « écoute mon conseil pour que ta maison retrouve
la santé. » Le but après un verbe de mouvement, exprimé par le supin en latin
classique conserve ici le schéma de l’arabe de deux verbes coordonnés : vade et
ei dicas, « va lui dire » ; rex surrexit et venit ad sanctum et salutavit eum, « le
roi se leva pour venir saluer le saint ». A. Bonhome place systématiquement o
devant les vocatifs pour traduire la particule yā, usuelle dans l’interpellation : o
tu, mulier ; o Anthoni. Son souci du mot à mot peut aboutir en latin à quelque
chose à la limite du compréhensible, comme sa construction de omnis suivi du
LE NOM D’ANTOINE
Dans les deux épisodes parallèles, celui du Voyage à Barcelone dans la traduc-
tion d’A. Bonhome et celui de la guérison du fils du roi de Lombardie dans celle
d’A. Ecchellensis, on trouve un argument assez particulier utilisé par les dis-
ciples d’Antoine pour le convaincre de rester près d’eux en Égypte12.
Traduction A. Bonhome : Et scias, pater, quod hic vocaris Anthonius et illic
vocaberis Anthon. « Sache, père, qu’ici on t’appelle Anthonius et là-bas Anthon. »
A. Bonhome a senti par deux fois le besoin d’expliquer cet argument, qu’il
jugeait obscur pour son lecteur. La première fois, il fait suivre cet énoncé par
quod in arabico est nomen parvuli seu pueri, sed Anthonius est nomen magnum,
« Parce qu’Anthonius est le nom d'un garçonnet ou d'un enfant, mais cependant
c'est un grand nom ». L’explication porte sur l’usage, mais elle n’est pas homo-
gène car elle oppose un emploi hypocoristique à la réputation. La deuxième fois,
pour expliquer la méprise des ambassadeurs sur le nom du saint, A. Bonhome
précise nam in Egipto vocabatur Anthonius ultima producta in declinatione, et
Franci vocabant eum Anthon indeclinabile. Cette fois l’explication est morpho-
logique ; elle concerne la dernière syllabe qui est en Égypte, c’est-à-dire en
arabe, allongée, producta, dans sa declinatio. Ce terme désigne en grammaire
antique toute modification morphologique, comme celles dues à la flexion, à la
dérivation voire à l’infixation. La flexion est exclue ici. Donc Anthonius est à
comprendre comme la forme suffixée d’Anthon, sans suffixe, indeclinabile.
La situation paraît à l’inverse dans la traduction d’A. Ecchellensis : si man-
seris, tu es Abbas Antonius ; si profectus eris, eris Antoninus, « si tu restes, tu es
l’Abba Antonius ; si tu pars, tu seras Antoninus. A. Ecchellensis n’apporte pas de
commentaire ; sa traduction se suffit à elle-même ; en bonne méthode, elle rend
le sens de la langue-source sans en suivre la morphologie. En latin, il est clair
LE NOM DE BARCELONE
On peut être quelque peu surpris qu’Antoine l’Égyptien ait voyagé jusqu’à Bar-
celone, dans la version traduite par A. Bonhome ; même lui l’a été : non videba-
tur mihi bene certum, ex hoc quod non tam solemnis conversio et tam gratiosa
hystoria latuisse potuisset Latinos, « cela ne me paraissait pas vraiment assuré,
du fait qu’une conversion d’un personnage si important et qu’un récit si heureux
n’auraient pas pu avoir échappé aux Latins. » L’épisode correspondant traduit
par A. Ecchellensis se passe en Lombardie. Le synaxaire éthiopien en fait « un
14 Cf. p. 116.
15 F. HALKIN, « La légende de saint Antoine traduite de l’arabe par Alphonse Bonhome,
o.p. », AB, 60, 1942, p. 187, note 2 : « Il n’est cependant pas certain que le texte arabe
original ait mentionné Barchiona. » Puis il indique les diverses formes arabes réperto-
riées pour le nom de la ville : Baršaliāna, Baršaluna et Barğelona. Il fait alors cette
suggestion : « Le mot arabe dans lequel Alphonse – ou son modèle – et le synaxaire
éthiopien ont cru reconnaître le nom de Barcelone pourrait correspondre à Wârîkôn, cité
légendaire que saint Paul aurait évangélisée (BHO, 896 : The Contendings of the
Apostles, trad. E. A. W. BUDGE, London, 1901, p. 691). » Il est cependant peu probable
que A. Bonhome ait transcrit par un B un mot arabe commençant par un wāw, même
s’il devait prononcer B et W comme des bilabiales [β] ; les graphies k et ch correspon-
dent à deux phonèmes différents, l’un occlusif, l’autre chuintant ; Bonhome écrit nichil,
qui en aucun cas ne peut valoir *[nikil]. La forme éthiopienne Barcinon (F. Halkin
donne Baîrknôn) pourrait bien être issue de Barcinon(em).
Annexe 1 761
valeur phonétique est la plus proche, y compris les voyelles, toutes notées par
les voyelles longues. Donc dans notre cas, on devrait avoir : [brā∫ī-] ; la finale
est plus difficile à restituer phonétiquement ; comme elle a une valeur morpho-
logique, elle a pu être rendue en tenant compte de cette valeur, plus que de son
équivalence phonétique ; ici on peut penser à la tā’ marbūṭa, soit *براشية. Cette
forme peut se lire aussi [brε∫ia], Brescia, ville de Lombardie, pas si loin du Dau-
phiné, où ont été rapportées les reliques d’Antoine. Cette hypothèse permet
d’apporter une explication sans avoir recours à une donnée étrangère aux Vitae.
La légende de saint Antoine thaumaturge a pu avoir son origine à Saint-Antoine
de Viennois, où les reliques du saint furent déposées. De là, elle a pu aussi être
connue à Chypre par l'intermédiaire des Antonins, qui avaient un hôpital à Fa-
magouste, ville où A. Bonhome a trouvé le manuscrit arabe. Ces mêmes Anto-
nins avaient une commanderie à Brescia et une autre à Barcelone16. Ceci pour-
rait expliquer la présence du nom de « Brescia », (Brachio/Barchio), interprété
en « Barcelone ».
18 Cf. p. 192-200.
19 Cf. p. 31-35 et 200-244.
20 G. TROUPEAU, « Les deux séjours parisiens d’Abraham Ecchellensis (1640-1642, 1645-
1651) », dans Orientalisme, science et controverse : Abraham Ecchellensis, p. 53-58.
21 Sur la traduction du résumé d’Abū al-Fath al-Isfahānī : H. BELLOSTA et B. HEYBERGER,
« Abraham Ecchellensis et Les Coniques d’Apollonius : Les enjeux d’une traduction »,
dans Orientalisme, science et controverse : Abraham Ecchellensis, p. 191-201.
22 Le jugement de B. CONTZEN, Die Regel des heiligen Antonius, Beilage zum Jahresbe-
richt 1895/1896, Metten, § 11 p. 7, qui conseille de préférer la traduction de L. Holste à
celle d’A. Ecchellensis, « mehr plastisch, der Sitte der Orientalen gemäß » n’est fondé
que sur un préjugé. G. GARITTE, « A propos des Lettres de saint Antoine l’Ermite »,
Muséon, 52, 1939, p. 18 écrit que c’est « une méchante version latine », mais il ne
donne pas de preuves de ce qu’il avance. Dom André LOUF, Saint Antoine Lettres, SO
n° 19, p. 8, associant dans la même critique la traduction des lettres par Valerius de Sa-
rasio, écrit : « ces deux textes sont difficiles, parfois franchement absconds (sic),
presque inutilisables. » L’auteur de l’introduction à Antoine ascète selon l’Évangile,
suivi des vingt lettres selon la tradition arabe, SO n° 57, renchérit sur la position de
Dom LOUF p. 17 : « Les passages obscurs ne manquent pas dans les Lettres, au point
que Dom Louf a pu qualifier les deux traductions latines de Sarasio et d’Echellensis
(sic) de „textes difficiles, parfois franchement abscons, presque inutilisables”. La diffi-
culté du texte d’Echellensis vient souvent d’une mauvaise compréhension des passages
difficiles de l’arabe. » On a bien compris : A. Ecchellensis écrit dans un mauvais latin
ce qu’il comprend assez souvent mal en arabe ; donc le traducteur moderne se trouve
justifié par là à améliorer ce que bon lui semble.
Annexe 1 763
28 PL 103, 423-428.
29 Pour des raisons de commodité, nous conserverons cette appellation dans la suite.
30 Migne ne donne pas plus de précision sur l’origine : « Quae sequuntur habentur in alio
exemplari ».
31 PL 103, 429-430 ; Migne précise PG 40, 1102-1103 et note (i) l’origine de son texte :
« Praecepta seu Consilia LXVIII, posita tironibus in monachatu, quae nobis servavit
sanctus Benedictus Anianensis in Codice Regularum Holsteno (sic) (Holst. Cod. Reg.
part. I p. 13-22) ».
32 Benedicti Anianensis Concordia Regularum, CCCM 168, éd. P. BONNERUE, Turnhout
1999, p. 54.
33 L. HOLSTENIUS, Codex Regularum quas Sancti Patres Monachis et Virginibus Sanctimo-
nialibus Servandas Praescripsere, Romae, Vitalis Mascardus, 1661, p. 3-6. Le Codex a
été édité en France pour la première fois à Paris chez Ludovic Billaine en 1663, comme
en témoigne la page de titre : Prodit nunc primum in Galliis. Les renseignements sur
l’édition sont donnés sur la deuxième page : Sancto Dom. Nostro Alexandro VII Pont.
Annexe 1 765
Opt. Max. codicem antiquum Regularum Monasticorum ante annos octogentos a s. Bene-
dicto Anianensi abbate collectum, et ab ipso Fabio Chisio Neritinorum tunc episcopo, et
apud Vbicos Apostolico Apocrisario, ex veteri Coloniensi Manuscript. Codice accuratè
descriptum et collatum, nunc bono publico Typis editum ... Lucas Holstenius. Ces mêmes
renseignements sont repris et développés dans la préface non paginée : Materia disserta-
tionis proœmialis ad Regulas Monasticas e schedis posthumis Lucae Holstenii, IV. Cf.
Les Règles des saints Pères, intr. A. DE VOGÜÉ, t. 1, SC 297, 1982, p. 159, note 9.
34 J. VAN DEN GEYN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique, t. 6,
Bruxelles 1906, reprint 1991, n° 3597, p. 2-3.
35 CSLMA, Auctores Galliae, t. 1, Turnhout 1994, p. 213.
36 B. CONTZEN, Die Regel des heiligen Antonius, Metten 1895-1896.
37 B. CONTZEN, op. cit. p. 6 : Zu diesem von Seebaß eingesehen Codex in Köln aber fehlt
die Regel des heil. Antonius, die denmach von Holste einer andern Quelle entnommen
sein muß, et note p. 6 qui ne parle pas de la copie du nonce Chigi.
38 B. CONTZEN, op. cit. p. 7 : Wir wissen nicht einmal, ob seine Vorlage für die letztere in
lateinischer Sprache geschrieben war, oder ob er sie aus einer andern Sprache
übersetzte. Letzteres ist allerdings wegen des verschiedenen Stiles in seiner Regelaus-
gabe sehr wenig wahrscheinlich.
39 B. CONTZEN, op. cit. p. 7 : Inhaltlich stimmen sie vollständig überein, abgerechnet eine
kleine Wierderholung, in cap. 20 (...). Zur der Sprache müßen sich gewisse Verschie-
766 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
46 M. BREYDY « La version des Règles et Préceptes de St. Antoine vérifiée sur les manus-
crits arabes », étude publiée par E. WIPSZYCKA, Études sur le christianisme dans l’Égypte
de l’Antiquité tardive, Rome 1996, p. 395-403.
47 O. BARDENHEWER, Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. 3, Freiburg im Breisgau
1923, p. 82 ; J. QUASTEN, Initiation aux Pères de l’Église, t. 3, Paris 1963, p. 224.
48 Quanquam haec ad calcem amplior fuit. Amplus qualifiant un texte ne se rapporte pas à
sa longueur mais à l’ampleur de son développement ou de son style. On notera qu’il ne
dit rien de la Règle d’Isaïe, qui se trouve aussi dans le Vat. ar. 398, quelques folios plus
loin : ff. 136 r°-139 v°.
49 Il suffira de se reporter à leur traduction respective dans cet ouvrage.
Annexe 1 769
50 « De plus, certains de ces opuscules ont été entre les mains de Jean Baptiste Marus,
homme remarquable par sa connaissance et sa piété, fervent soutien des érudits, très
versé dans l’étude des Pères anciens, chercheur infatigable, prêtre romain et chanoine à
Sant’Angelo au Marché aux Poissons ; mais tous ces ouvrages avant la dernière main ;
c’est pourquoi, cher Lecteur, si tu découvres quelque différence entre les deux éditions,
tu devras la rapporter à l’ultime correction. » Sant’Angelo est l’église principale du
quartier du Marché aux Poissons (Sant’Angelo in Pescheria), installée dans l’ancien
Portique d’Octavie, sur la rive droite du Tibre, en face de San Pietro in Montorio, dont
A. Ecchellensis fréquentait la bibliothèque. Le couvent franciscain de San Pietro in
Montorio est devenu depuis 1622 le centre principal de l’enseignement de l’arabe à
Rome. Cf. G. PIZZORUSSO, « Les écoles de langue arabe et le milieu orientaliste autour
de la congrégation De propaganda fide au temps d’Abraham Ecchellensis », dans Orien-
talisme, science et controverse : Abraham Ecchellensis, p. 59-80, en particulier sur le
couvent p. 69-73.
51 L’hypothèse de M. Breydy, citée supra, ne tiendrait, entre autres, que si habuit signifiait
« il a amélioré ».
770 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
corriger l’autre, avant de la publier à son tour. C’est contre cela qu’A.
Ecchellensis veut mettre en garde son lecteur, voire L. Holstenius, lui-même.
J.-M. Sauget, A. Mokbel et M. Breydy s’accordent pour reconnaître une
différence entre les traductions et pour considérer celle d’A. Ecchellensis
comme étant d’une écriture plus soignée. L’argument de M. Breydy perd
beaucoup de sa force quand il nous apprend que le Vat. lat. 7117 contient tous
les autres textes de la publication de 1646, sauf justement la Règle et qu’il
s’intitule Quidam tractatus spirituales et documenta sancti Antonii Abbatis et
aliorum Patrum hinc et inde collecta et ex arabico latini iuris facta... Anno
salutis MDCXXXXIIII, Romae. Mais le manuscrit aurait été « visiblement
démantelé52. » Cependant le titre correspond bien au contenu et, de plus, il nous
apprend que ce contenu a une provenance diverse, hinc et inde collecta. En fait,
ce qui différencie la traduction d’A. Ecchellensis de celles publiées par L.
Holstenius, ce n’est pas tant le style que la langue ; en effet les deux traductions
du Codex Regularum témoignent d’un état de langue beaucoup plus ancien. La
langue d’A. Ecchellensis se fonde sur celles des Pères de l’Église latine ; les
deux autres traductions présentent un latin tardif dans le vocabulaire, la syntaxe
et l’ordre des mots. Nous allons le préciser ensuite53.
D’où peut provenir la rédaction tardive ou «romanisée » de la Règle ? L.
Holstenius nous fournit peut-être bien des éléments de réponse dans sa préface.
Il cite Hugo Menardus, éditeur de la Concordia Regularum de Benoît d’Aniane,
qui écrit : « Celui-ci (Benoît d’Aniane) a fait un livre des règles de divers
Pères », et qui ajoute cette note : « Il ne m’a pas été permis de savoir si ce livre
existe encore. Mais dans le testament de saint Gennade d’Astorga, il est
répertorié parmi d’autres livres légués au monastère de San Pietro in Montorio,
un livre intitulé Livre des Règles des Hommes Illustres, même s’il n’est pas
totalement assuré qu’il soit identique à celui que saint Benoît a réalisé54. »
52 M. BREYDY « La version des Règles et Préceptes de St. Antoine vérifiée sur les manus-
crits arabes », étude publiée par E. WIPSZYCKA, Études sur le christianisme dans l’Égypte
de l’Antiquité tardive, Rome 1996, p. 396.
53 Un exemple pris à un passage commun aux trois traductions : Règle d’Antoine : ne fidu-
cialiter cum eius incolis agas (A. Ecchellensis, 1646), ne praefidenter agas cum incolis
illius (« Codex de Benoît », PG 40,1074) mais perfidenter (PL 103,428) et Règle
d’Isaïe : ne praefidenter agas cum habitatoribus eius (PL 103,430). L’adverbe praefi-
denter (perfidenter est peut-être une faute) est extrêmement rare en latin, quelques em-
plois seulement dans l’Antiquité tardive et le haut moyen âge. Il est assez peu probable
que l’on ait à faire au même traducteur.
54 H. MENARDUS, Concordia Regularum auctore S. Benedicto Anianae abbate, nunc pri-
mum edita ex bibliotheca Floriacensis monasterii, notisque et observationis illustrata,
Parisiis, 1638, p. 29 : Fecit librum ex regulis diversorum Patrum collectum et la note
Annexe 1 771
p. 43 : An iste liber adhuc extet mihi non compertum est. In testamento S. Gennadii
Episcopi Asturicensis, inter libros, qui ab eo dantur Monasterio S. Petri de Montibus,
recensetur liber Regularum virorum illustrium, qui an idem sit cum eo, qui a nostro Be-
nedicto collectus est, non adeo constat.
55 Cf. p. 33, note 107.
56 Praeclara beati Isaiae abbatis opera e graeco in latinum conversa. Petro Francisco
Zino Veronensi interprete, Venetiis, 1558, mais A. Ecchellensis n’en parle pas. On
trouvera d’autres références bibliographiques dans PG 40, 1101-1102.
57 Il a été tenu compte des quelques corrections apportées à la traduction d’A. Mokbel par
M. Breydy, publiée par E. WIPSZYCKA, Études sur le christianisme dans l’Égypte de
l’Antiquité tardive, Rome 1996, p. 399-403.
772 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Il leur faut donc écouter ces préceptes mais Il leur faut écouter ces règles ; qui en violera
celui qui se dispensera de l’un d’eux sera une, sera appelé vil au royaume des cieux.
appelé vil au royaume des cieux58.
1. Avant tout, prie sans relâche et rends tou- 1. Avant tout, prie sans relâche et remercie
jours grâce à Dieu pour tout ce qui t’arrive. toujours Dieu pour tout ce qui t’arrive.
2. En te levant chaque jour, le matin, enquiers- 2. En te levant chaque jour, de bonne heure,
toi des malades qui sont près de toi. enquiers-toi des malades qui sont près de toi.
Et jeûne chaque jour jusqu’à none, sauf le 3. Et jeûne chaque jour jusqu’à none, sauf le
samedi et le dimanche. Mais à l’approche de samedi et le dimanche. À l’heure de none, ne
none, ne te rends pas dans la cellule de l’un te rends pas à la maison d’un autre frère. Et si
de tes frères. Et quand tu t’assieds pour tu t’assieds pour manger, prie d’abord, et
manger, prie d’abord, mange ensuite. Prie et mange ensuite. Efforce-toi de prier et lire
lis sans arrêt. constamment.
3. Ne parle pas avec un adolescent ni avec un 4. Et ne parle pas avec un adolescent ni avec
jeune garçon et ne le fréquente pas et ne le un jeune garçon et ne le fréquente pas et ne le
retiens pas comme moine et ne le prends pas retiens pas comme moine et ne le prends pas
comme fils avant qu’il n’ait revêtu l’habit comme fils avant qu’il n’ait revêtu l’habit
pour qu’il ne s’accorde pas avec l’ennemi, le pour qu’il ne s’accorde pas avec l’ennemi, le
diable. diable.
Ne couche pas sur la même natte que plus 5. Et ne couche pas sur la même natte que
jeune que toi. plus jeune que toi.
4. Observe aussi les heures des prières et n’en 6. Et observe les heures des prières et n’en
manque aucune pour ne pas avoir à en rendre manque aucune pour ne pas avoir à en rendre
compte. compte.
5. Ne force pas un malade à manger mais ne 7. Et ne force pas un malade à manger mais
le prive pas de nourriture pour ne pas pertur- ne tarde pas à lui donner de la nourriture à
ber son âme affligée. temps pour ne pas perturber son âme affligée.
6. Si un frère vient vers toi après un certain 8. Si un frère vient vers toi après un certain
temps, réjouis-toi à son propos ; en effet il temps, réjouis-toi à son propos ; il remerciera
rendra grâce à Dieu et à toi. Dieu et il te remerciera.
Ne te mets pas en relation avec un laïc et ne 9. Ne te mets pas en relation avec un laïc et
te montre pas comme le Pharisien, qui fait ne te montre pas comme le Pharisien, qui fait
tout pour se montrer. tout pour se montrer.
7. Ne laisse pas une femme t’approcher et ne 10. Ne laisse pas une femme t’approcher et
permets pas qu’elle entre dans ton domicile ; en ne permets pas qu’elle entre dans ton domi-
effet la colère marche après elle. cile ; en effet la colère marche après elle.
Ne retourne pas rendre visite aux membres de 11. Et ne retourne pas rendre visite aux
ta famille charnelle et ne leur donne pas ton membres de ta famille charnelle et ne leur
visage à voir et ne va pas vers eux. donne pas ton visage à voir et ne va pas vers
eux.
8. Ne garde pas pour toi plus que tu as besoin 12. Et ne garde pas pour toi plus que tu as be-
et ne distribue pas plus que tu peux mais fais soin et ne distribue pas plus que tu peux mais
l’aumône aux pauvres du monastère. fais l’aumône aux pauvres du monastère.
9. Acquitte-toi de ta prière de nuit avant 13. Acquitte-toi de ta prière de nuit avant
d’aller à l’église. d’aller à l’église.
10. Ne mange pas avec celui qui fait des dé- 14. Ne mange pas avec celui qui fait des dé-
penses pour toi. penses pour toi.
11. Si un scandale survient à cause d’un jeune 15. Si un scandale survient à cause d’un jeune
qui n’a pas encore revêtu l’habit monastique, qui n’a pas encore revêtu l’habit monastique,
ne le lui fais pas revêtir mais chasse-le du ne le lui fais pas revêtir mais chasse-le du
monastère. monastère.
Ne parle absolument pas avec un jeune gar- 16. Ne parle absolument pas avec un adoles-
çon, pour qu’il ne devienne pas pour toi une cent, car il sera pour toi une pierre
pierre d’achoppement. d’achoppement.
12. Si la nécessité te contraint à aller en ville, 17. Si la nécessité te contraint à aller en ville,
ne t’y rends pas seul. ne t’y rends pas seul.
13. N’ensemence pas une terre soumise à des 18. N’ensemence pas une terre soumise à des
taxes et ne t’engage pas dans une société et taxes et ne sois pas en affaire avec les
un contrat avec les grands. grands.
14. Ne t’attarde pas dans le lieu où l’on ex- 19. Et ne t’attarde pas dans le lieu où l’on
trait le vin et ne mange absolument pas de presse le raisin (litt. la vigne).
viande. 20. Ne mange absolument pas de viande.
15. Ne romps pas le jeûne le mercredi et le 21. Ne romps pas le jeûne sauf en cas de ma-
vendredi sauf en cas de maladie grave. ladie grave.
16. Ne rechigne pas à ton travail manuel et 22. Ne rechigne pas dans le travail.
ne fais de reproches à personne pour quelque 23. Ne fais de reproches à personne pour
raison. quelque raison.
17. Si tu rends visite à un frère, ne t’attarde pas 24. Si tu rends visite à un frère, ne t’attarde
longtemps dans son domicile. pas longtemps dans sa maison.
18. Ne parle pas à l’église et ne t’assieds pas 25. Ne parle pas à l’église.
dans les exèdres du monastère. 26. Ne t’assieds pas dans les impasses du
monastère.
19. Ne jure absolument pas ni sur le vrai ni 27. Ne jure absolument pas ni sur le vrai ni
sur l’incertain. sur l’incertain.
20. Ne va pas à l’église où la foule se réunit. 28. Ne va pas à l’église où la foule se réunit.
Fais l’aumône autant que tu peux. Fais l’aumône autant que tu peux.
N’ensevelis pas un mort dans l’église. 29. N’ensevelis pas un mort dans l’église.
21. Ne fais pas de festin et ne te rends pas 30. Ne fais pas de festin et ne te rends pas
comme invité à un banquet. comme invité à un festin.
22. Apprends chaque jour de tes anciens la 31. Apprends chaque jour de tes anciens
discipline et n’entreprends aucune tâche sans l’éducation.
avoir consulté le père du monastère. 32. Et n’entreprends aucune tâche sans avoir
consulté le père du monastère.
774 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
23. Quand tu vas puiser de l’eau, pendant que 33. Si tu vas puiser de l’eau, en marchant, lis
tu accomplis ton trajet, lis autant que tu peux. autant que tu peux.
24. Si tu distribues l’aumône, ne la montre pas. 34. Si tu verses l’aumône, ne la montre pas.
Si tu es dans un lieu où on distribue 35. Si tu assistes à une distribution d’aumône,
l’aumône, mange et rends grâce à Dieu. mange et remercie Dieu.
25. Afflige-toi nuit et jour de ton péché. 36. Afflige-toi nuit et jour de ton péché.
Sois lié à ta cuculle et à ta tunique nuit et 37. Sois lié à ta cuculle, à ta ceinture et ton
jour. habit nuit et jour.
Allume ta lampe à l’huile de tes yeux, préci- 38. Allume ta lampe à l’huile de tes yeux,
sément à tes larmes. précisément à tes larmes.
Si tu accomplis des actes de piété, ne t’en 39. Si tu pratiques l’adoration, ne t’en fais
fais pas gloire. pas gloire.
Ne renvoie pas celui qui cherche le Christ. 40. Ne renvoie pas celui qui cherche le Christ.
Ne t’ouvre pas de tes réflexions à tous mais 41. Ne t’ouvre pas de tes réflexions à tous
seulement à ceux qui peuvent sauver ton âme. excepté à ceux qui peuvent sauver ton âme.
26. Si tu te rends à la moisson, ne t’attarde pas 42. Si tu te rends à la moisson, ne t’attarde
mais reviens vite au monastère. pas mais reviens vite au monastère.
27. Ne revêts pas des habits pour t’en enor- 43. Ne revêts pas des habits pour t’en
gueillir. enorgueillir.
Ne fais pas remarquer ta voix sauf pour la 44. Ne fais pas remarquer ta voix sauf pour la
prière prescrite. prière autorisée.
Prie dans ta maison avant de venir à l’église. 45. Prie dans ta maison avant de venir à
l’église.
28. Mortifie-toi chaque jour. 46. Mortifie ton âme chaque jour.
29. Ne fais de reproches à personne pour les 47. Ne fais de reproches à personne à cause
douleurs et afflictions qu’il endure. de ses difficultés.
30. Ne te glorifie pas et ne ris pas du tout. 48. Ne te glorifie pas et ne ris pas du tout.
Applique-toi à t’affliger de ton péché comme 49. Applique-toi à t’affliger de ton péché
quelqu’un chez qui se trouve un mort. comme quelqu’un près de qui se trouve un
Fais en sorte, autant que tu le peux, de glori- mort.
fier ton Père, qui est aux cieux59. 50. Fais en sorte, autant que tu le peux, de
glorifier ton Père, qui est aux cieux.
31. Corrige ton fils et ne l’épargne pas, car sa 51. Corrige ton fils et ne l’épargne pas, car sa
damnation te sera imputée. damnation te sera imputée.
32. Ne mange pas à satiété. 52. Ne mange pas à satiété.
Ne dors pas sinon peu et avec mesure ; les 53. Ne dors qu’un peu et avec mesure ; les
anges viendront vers toi. anges viendront vers toi.
33. Quand tu pries et que ta pensée est en 54. Si tu pries et que ta pensée est en Dieu,
Dieu, fais-toi de tes vêtements des ailes et tu fais-toi de tes vêtements des ailes et tu survo-
survoleras une mer de feu. leras une mer de feu.
59 Mt 5, 16.
Annexe 1 775
34. Rends visite aux malades et aux pauvres 55. Rends visite aux malades et aux pauvres
et emplis leur mesure ou leur pot d’eau. et emplis leur mesure d’eau.
35. Ne combats pas avec la langue. 56. Ne sois pas un combattant avec la langue.
Comporte-toi de façon à ce que tous les 57. Fais que chacun te bénisse.
hommes te bénissent.
Et que le Seigneur Jésus-Christ nous apporte Et que le Seigneur Jésus-Christ nous apporte
son aide pour œuvrer selon sa bonne volonté, son aide pour œuvrer selon sa bonne volonté,
lui à qui est la gloire avec le Père et le Saint- lui à qui est la gloire avec son Père et son
Esprit dans les siècles des siècles. Amen. Saint-Esprit pour l’éternité. Amen.
Remarques
Introduction. Les canons sont présentés comme un enseignement oral, قالintro-
duisant le style direct : انا اقول, dicam. (M et B60 « je dicterai »).
« monastère » : monasterium correspond à ديرdans toute la Règle.
« vil » : vilis, حقير, (M et B « indigne »).
1. « Dieu » : Deo, ( ﷲM et B « Seigneur »).
2. « Cellule » : cellam, « بيتmaison » ; c’est le seul emploi de cella, alors
qu’en 7 (10) on trouve domicilium en face de « منزلdomicile », en 17 (24)
domicilium en face de « بيتmaison » et domus en 27 (45) en face de بيت.,
« maison ». M. omet la traduction de ce passage et traduit dans les canons suivants
par « cellule », « maison » et « cellule » et B. par « maison », « domicile »,
« domicile » et « maison/domicile ». Il s’agit du logis individuel du moine. De plus,
la traduction de M., reprise par B., « chez » : « des malades qui sont chez toi » peut
laisser penser que les malades sont dans le logis du moine, alors que l’arabe,
comme le latin, n’indique que la proximité : عبدك, apud te, de même 6 (8) : اليكad te
et 32 (53) : عبدك, ad te, même si ce tour peut aussi être utilisé avec le sens de
« chez ».
3 (4). « Avec un adolescent ni avec un jeune garçon » : cum juvene neque
cum puero, correspond exactement à مح صبي وال طفلmais M. : « ni avec un enfant
ni avec un bébé » et B. : « Ni avec un adolescent ni avec un bébé ». Même si طفل
peut désigner un bébé, il désigne aussi un jeune enfant ; la parole doit ici pou-
voir agir sur lui.
« fils », on garde ce terme traditionnel pour désigner le fils spirituel, lat. fi-
lius et ar. ولد, cf. 31 (51), B. « enfant (spirituel) ».
11 (15). « Un jeune » : à juvene correspond ّ « شابjeune (fougueux) ».
11 (16). Ici puero correspond à صب ّي.
13 (18) Si le latin tributum correspond à l’ar. " جراجtaxe foncière », societa-
tem et contractum, ces termes du langage juridique répondent à un terme non
61 Comme pour le Corpus des sept lettres, rien ne permet d’exclure une traduction latine
ancienne, cf. introduction aux lettres p. 133. La présence linguistiquement inexplicable
d’exedris pourrait renvoyer à l’architecture des monastères romans des pays rhénans.
On sait que certains témoins de la tradition latine sont originaires de ce domaine cultu-
rel, même s’ils sont aujourd’hui perdus, comme la copie du IXe siècle provenant de
l’abbaye de Fulda, dont il ne reste qu’un index.
62 Par commodité, nous conservons les caractères arabes, bien que le Vat. syr. 424 soit en
garshūnī.
63 Sur ce type de location, cf. GAIUS, Inst. 3, 145, qui donne en exemple la location des ter-
rains municipaux ; il s'agirait d'un bail avec les « autorités ». Mais on ne peut assurer qu'A.
Ecchellensis, qui ne pouvait pas connaître Gaius, ait fait référence à ce type de location.
778 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ne revisas. Il supprime sua dans (9) : qui omnia sua agebat, qu’il réécrit : qui ...
omnia faciebat. Une partie du vocabulaire trop marqué est remplacée : (7) ad
manducandum par ad sumendum cibum, (10) appropiare par accedere, (17) civi-
tatem par urbem, (23, 47) nec improperes alicui par defectus ... nemini objicias,
(34) erogaveris par elargaris, (36) contristare par doleas, (41) propales par ape-
rias, les verbes composés par les verbes simples de même sens : (26) nec resi-
deas par ne sedeas, (31) addisce par disce. Le pléonasme (8) post temporis in-
tervallum est corrigé : post tempus.
Au contraire en (16), A. Ecchellensis a laissé subsisté la forme ancienne :
erit enim tibi in offendiculum, avec la parataxe, enim rendant ( فrendu en (10)
par quoniam) et le substitut du double datif erit tibi offendiculo, alors que le
« Codex de Benoît » présente une révision : ne fiat tibi offendiculum. Dans ce
même canon, c’est la seule fois que l’on trouve ne ...unquam pour traduire با لجملة
alors que partout ailleurs (9, 20, 25, 27 et 48) on a omnino, ce même omnino que
le « Codex de Benoît » met en concurrence avec le tardif penitus, dans ce sens.
Par deux fois, la traduction d’A. Ecchellensis ne correspond ni au texte du
Vat ar. 398 ni à celui du « Codex de Benoît » : absence du canon (20) : eroga
eleemosynam quantum potes et interprétation différente en (33) : vel iter feceris
en face du lat. tardif interim dum iter conficis valant dum iter facis et correspon-
dant pour le sens à la version arabe. Comme dans le « Codex de Benoît », sa tra-
duction comporte la précision feria quarta et sexta en (21). Doit-on rapporter
ces divergences au Vat. syr. 424 ?
L’ordre des mots dans le « Codex de Benoît » est celui d’une latinité déjà
romanisée, pour ne prendre qu’un seul exemple : Codex (5) : ne obstringas ae-
grotum ad manducandum, nec retrahas ab illo cibum, ne conturbes animam il-
lius afflictam, où l’on note la place du verbe, de l’adjectif et du génitif en face de
(7) : aegrotum ad sumendum cibum ne nimis cogas, at nec detrahas, ne eius
maerore affectus animus conturbetur.
De ces études comparatives il ressort qu’A. Ecchellensis ne peut pas être
l’auteur de la traduction dite du « Codex de Benoît » : sa méthode de traduction
et ses références culturelles sont différentes ; de plus, la langue interdit de voir
dans cette traduction le premier jet de l’autre. Il apparaît également qu’A. Ec-
chellensis a utilisé cette traduction pour élaborer la sienne : il l’a vérifiée sur les
deux manuscrits arabes dont il disposait et l’a réécrite dans sa langue et avec son
style propre.
780 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
68 Migne écrit : ex quibus adinflatio sanguinis orta, per escas oppugnat... ; dans ce latin
tardif per escas est très probablement le complément de orta, ce que confirme indirec-
tement Ecchel., Lettre 1 : ex copia alimentorum oritur, même construction en Avert. :
exoritur ex requie...
69 Seule cette version fait un lien entre ce mouvement du corps et son effet sur l'âme : ex
quibus adinflatio sanguinis, orta per escas, oppugnat totius animae corpus epularum
sumptione permotum. On notera l'expression stoïcienne : animae corpus.
782 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
démons. Donc il ne tient qu’à nous de les accueillir ou de les repousser, si nous le
voulons.
Commentaire. Cette version est assez proche du texte grec. L’ordre de
l’exposé est le même, mais il ne s’agit pas d’un exposé de doctrine, mais d’un
enseignement : « sache », « sachons. » La classification des trois mouvements
est différente : on n’oppose plus deux mouvements universels à un mouvement
spécifique, mais un mouvement naturel à deux mouvements contingents. Cette
version conserve les mêmes citations scripturaires que le texte grec ; elle essaie
d’en rendre le sens là où la version latine a échoué : « mais elle ne lui apporte ni
préjudice ni contrainte » et elle y introduit un ajout renvoyant aux préceptes
pour « ceux qui luttent », refus du repos et de la mollesse. On a un écho de la
glose de la version latine, « c’est-à-dire de plaisirs ».
Traduction du passage de la lettre 1, selon le corpus des Vingt Lettres d'après la
traduction d’A. Ecchellensis (PG 40,1001), différente de celle de SO n°57,
Bellefontaine 1993, p. 83, conçue d’après « trois témoins de la version arabe » :
le ms Hom. 23, l’édition du Caire de 1899 et la traduction d’A. Ecchellensis.
En effet il ne m’échappe pas qu’ils sont trois les mouvements qui sont dans le corps.
Le premier y est toujours et n’a pas le pouvoir d'opérer sans la volonté de l’âme.
Quant au second, il pousse le corps vers la nourriture et la boisson, objets de son ap-
pétence ; puisque la chaleur du sang qui est due à l’abondance des aliments, fait la
guerre au corps et le détourne vers des désirs mauvais. C’est pourquoi le Christ notre
Seigneur (à qui est la gloire) avertit ses disciples, en disant : « N’alourdissez pas
votre cœur de trop de nourriture et de vin » (Lc 21, 34). Et l’apôtre Paul dit : « Vous
ne vous enivrerez pas de vin ; de là vient la débauche » (Ep 5, 18). Il faut donc que
tous ceux qui revêtent l’habit monastique disent avec Paul : « Je soumets mon corps
et je le tiens en servitude » (1 Co 9, 27). Mais le troisième mouvement vient des es-
prits mauvais pour écarter ceux qui souhaitent franchir la porte de la pureté.
Commentaire. Ici le passage apparaît comme le rappel d’une doctrine ad-
mise : il y a trois mouvements, que le texte présente brièvement, en plaçant la
recommandation du Christ avant celle de l’Apôtre.
Le texte grec apparaît comme le remaniement chrétien d’un texte
d’inspiration stoïcienne, probablement en grec. La version latine et la version
arabe des Avertissements témoignent chacune à leur manière plutôt que d’une
traduction du texte grec d’une réécriture, probablement d’abord en grec, puis
traduite pour l’une en latin pour l’autre en copte avant d’être traduite en arabe. À
chaque étape le traducteur peut traduire et réécrire. La version de la Lettre 1 pré-
sente la version la plus ferme et la plus concise.
ANNEXE 2
APOPHTEGMES DE SAINT ANTOINE DANS LE
PATERICON DE SAINT IGNACE
BRIANTCHANINOV ET DANS LA PHILOCALIE
DE SAINT THÉOPHANE LE RECLUS
2.1. Le Patericon de saint Ignace Briantchaninov
53 Règle 61
54 Règle 72
55 Règle 71
56 Règle 77
57 Règle 74
58 Règle 9
59 Règle 73
60 Règle 63
61 Règle 59
62 Règle 48
63 Règle 56
64 Règle 25
65 Règle 53
66 Règle 52
67 Règle 20
68 Règle 67
69 Règle 21
70 Règle 46
71 Règle 24
72 Règle 11
73 Règle 75
74 Règle 76
75 Règle 58
76 Règle 68
77 Règle 43
78 Règle 69
79 Enseignements 4 (PG 40, 1077)
80 Antoine 10
81 Enseignements 4 (PG 40, 1077)
82 Enseignements 4 (PG 40, 1077)
83 Enseignements 1 (PG 40, 1073C8-9)
84 Enseignements 1 (PG 40, 1073C10)
85 Enseignements 1 (PG 40, 1073C13-14)
86 Enseignements 1 (PG 40, 1073 C14-15)
786 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
188 Antoine 3
189 Antoine 6
190 Questions-Réponses 7 (PG 40, 1095C8-D2)
191 Antoine 12
192 Antoine 29
193 Antoine 211
194 Récits 9 (PG 40, 1099-1100) Antoine 1
195 Récits 11 (PG 40, 1100) Antoine 2
196 Récits 3 (PG 40, 1097) Antoine 13
197 Récits 12 (PG 40, 1100) Am 27,14
198 Antoine 17
199 N 490
200 Questions-Réponses 8 (PG 40, 1095D3-1096B11)
201 Titre (PG 40, 1083-1084) et Pensées 2 (PG 40, 1085C12-D8) Histoire lausiaque 22, 9
202 Pensées 8 (PG 40, 1089A1-B9) Antoine 7
203 Pensées 15 (PG 40, 1093A4-1094C3)
204 Pensées 3 (PG 40, 1085D8-1086B3) Antoine 10
1 Dans le Patericon de saint Ignace, la scène se passe non au monastère d’abba Élie, comme
il est indiqué dans la collection alphabétique, mais dans le monastère d’abba Lot.
790 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
1. Du renoncement au monde
1. Antoine 20 PG 40, 1099
2. Cassien, Conf 24, 11
2. Réponses générales à la question « Que faire ? »
3. Antoine 6 PG 40, 1093
4. Antoine 4 PG 40, 1084
5. Antoine 3
6. Pa 26, 4 PL 73, 1049
7. Antoine 33
8. Cassien, Inst V, 4
3. La force qui conduit aux exploits et qui soutient en eux
9. Antoine 16
10. PG 40, 1083
11. Pa 27, 1=N444 PL 73, 1049
12. PG 40, 1093
13. Antoine 19
4. Facteurs du zèle
14. Antoine 8 PG 40, 1096
15. Antoine 35
16. Antoine 37
17. PG 40, 1098
18. Antoine 32
19. Antoine 38 PG 40, 1082
20. Antoine 17
21. Pa 35, 2=N 603 PG 40, 1083 ; PL 73, 1053
5. Comment réchauffer le zèle ?
22. VA 65
23. Pa 19, 4= Am 31, 11 VA ; PL 73, 1044
24. Vision de l’âme VA 60
d’Amoun
25. PG 40, 1083
26. PG 40, 1095
Annexe 2 791
2 Trad. § 33 : « Après la répression de la chair, saint Antoine a accordé une grande impor-
tance au refrènement de la langue. Il égalait cet exploit (подвиг) au pèlerinage (xeniteiva,
странничество) en disant : „Notre pèlerinage consiste à tenir la bouche fermée”. »
Pour la première partie, cf. Antoine 6 : « Sois maître de ta langue et de ton ventre ». Le texte
rapporté ensuite comme un dit d’Antoine est en fait une parole de Sisoès qui quitta Scété
peu après la mort d’Antoine et s’installa dans son ermitage : « Tais-toi et dis : „je n’ai à me
mêler de rien”, en quelque lieu que tu ailles. C’est cela vivre en étranger (au{th ejsti;n hJ
xeniteiva) » ; cet apophtegme se trouve dans la collection alphabétique, rapporté dans
l’apophtegme de Pistos (PG 65, 373B), ainsi que dans l’Asceticon d’abba Isaïe 30, 6A.
Cf. aussi JEAN MOSCHOS, Le pré spirituel 12 : « Sois maître de ta langue et de ton
ventre, et partout où tu seras, dis toujours : „je suis un étranger”. »
792 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
3 Trad. § 51 : « Cela n’a-t-il pas été le prétexte qui le fit ensuite répéter souvent cette ins-
truction : „Il faut nous blâmer et nous accuser nous-mêmes, et le faire avec sincérité, car
celui qui se blâme lui-même, Dieu le justifie et le glorifie”. »
SIGLES
AB Analecta Bollandiana, Bruxelles.
BEL Bibliotheca « Ephemerides Liturgicae », Rome.
BHG Bibliotheca Hagiographica Graeca, 3e éd. par F. HALKIN, SH 8a,
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DACL Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, 15 vol., Paris
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DIDRON M. DIDRON, Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine,
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Source Works Series # 45.
DS Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris 1932-1995.
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MIFAO Mémoires publiés par les membres de l’Institut français
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NRT Nouvelle Revue Théologique, Paris.
OCA Orientalia Christiana Analecta, Rome.
OCP Orientalia Christiana Periodica, Rome.
PDF Pères dans la foi, Migne, Paris 1977-.
794 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
ABRÉVIATIONS
abr. abrégé
add. addidit
art. article
cf. confer
ch. chapitre (s)
coll. collection
éd. édition
édit. éditeur
ibid. ibidem
om. omisit
op. cit. opus citatum
p. page (s)
r. recto
repr. reprint
st. stichère
t. tome (s) ou ton
tr. tropaire
trad. traduction
v. verso
vol. volume (s)
BIBLIOGRAPHIE
Chapitres 1 - 4
1. Sources
ANTOINE
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• version grecque : traduction latine longtemps attribuée à VALERIUS DE
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796 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
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DASCĂLUL, moine de Neamţ, éditée par saint GRÉGOIRE L’ENSEIGNANT
(DASCĂLUL) à Bucarest en 1828, corrigée, complétée et annotée par le
moine Filotheu BĂLAN).
PE : Paroles et exemples des Anciens. Recueil ascétique de Paul surnommé
Evergetinos, trad. N. MOLINIER, 4 vol., Monastère Saint-Antoine-le-Grand
et Monastère de Solan 2009-2010.
PJ : PG 73, 855-1024. Trad. française J. DION – G. OURY, Les sentences des
Pères du désert. Recension de Pélage et Jean, Solesmes 1966.
Sys-gr : Les apophtegmes des Pères, coll. systématique, éd. et trad. J.-C. GUY,
vol. 1, chap. I-IX, SC 387, 1993 ; vol. 2, chap. X-XVI, SC 474, 2003 ; vol.
3, chap. XVII-XXI, SC 498, 2005.
En russe : http://lib.pravmir.ru/library/readbook/16
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Grosse Gerontikon. Die Sprüche der heiligen Wüssenväter – Thematische
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798 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
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1,13 ........................................................ 386
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Aaron ........................................ 50, 320, 448 Abraham .................... 15, 57-58, 73, 77, 81,
Abel ......................................................... 77 137-138, 192, 201, 239, 315, 330, 374,
379, 382, 409, 439, 684
838 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Adam ......... 35, 39-40, 56, 74-76, 197, 200, Jephté ..................................................... 375
292, 298, 306, 334, 342, 398, 401, 442, Jérémie .......................... 330, 376, 386, 438
538, 566, 584, 592, 701 Jessé ......................................................... 56
Agar .......................................................... 57 Jésus (Josué), fils de Navé (LXX) . 396, 620
Amalec ........................... 339, 392, 483, 502 Job ............................... 25, 97-98, 142, 308,
Ananie .................................................... 201 348, 374, 376, 486, 802
Ananias ................................................... 228 Joseph, patriarche ........ 57-58, 201, 330, 374
André .......................................................... 6 Lazare ............................................. 188, 439
Azarias .................................................... 228 Loth ........................................................ 239
Barac....................................................... 375 Lucifer ............................ 338, 397, 602, 681
Caïn .................................................. 76, 192 Marc ....................... 84, 127, 326, 472, 520,
Cetura ....................................................... 57 677-678, 680, 813
Daniel ............................. 375, 396, 572, 599 Marie, mère de Jésus ............. 481-482, 489,
David ........................................ 56, 77, 178, 509, 520, 537-540, 578, 598, 618, 688,
180, 188, 236, 246, 339, 355-356, 359, 805, 818, 823
374-375, 429, 528, 533, 540, 563, 652 Matthieu ............. 28, 42, 239, 327, 340, 802
Élie ...... 5-6, 24-26, 57, 97,100, 130, 139-140, Melchisédech ........................................... 57
193-194, 196, 233, 295, 305, 311, 313, 323, Michel, archange ................. 57, 68, 72, 129,
327, 333, 352-353, 370-371, 377, 408, 412, 131, 327, 450, 538, 683, 704
414, 427, 447, 468, 489, 494, 497-500, 503, Misaël ..................................................... 228
516, 519, 522, 528, 531, 534, 549, 554, Moïse............... 15, 24-25, 55, 57, 113, 138,
560, 565, 568, 580, 652, 663, 665, 669, 144, 180, 196, 228, 278, 287, 327, 330,
676, 682, 688, 690, 694, 698, 707-708, 343, 374, 379, 381-382, 391, 412-413,
749-751, 753, 805, 813, 819, 823-825 422, 424, 447-448, 464, 480, 495,499,
Élisée .................................. 5-6, 24-26, 100, 505, 509, 565, 568, 570, 573, 591, 599,
130, 193-194, 196, 305, 311, 323, 370, 604, 620-622, 624, 628, 652, 682, 701
497-499, 568, 675, 707-708, 749, 805, Noé ........................................... 56, 239, 575
813, 816, 819 Ochozias ................................................... 26
Étienne ............................ 230, 411, 520, 697 Og, roi de Basan ..................................... 339
Ézéchiel .................................................. 201 Paul ..................... 23, 42, 97, 186, 189-190,
Ève ............................ 56, 200, 342, 401, 662 198-201, 213, 223-224, 229, 233, 236,
Gabriel ...................................................... 57 239, 294, 338, 353, 355, 364, 366, 368,
Gédéon ................................................... 375 372, 375-376, 390, 429, 431, 433, 437-
Goliath .................................................... 563 438, 440, 461, 521, 528, 593, 652-653,
Habacuc .......... 386, 506, 575, 584, 608, 625 698, 760, 781-782
Hérode ........................................... 213, 330 Pierre .................... 6, 42, 58, 238, 286, 507,
Isaac ............................................... 57-58, 77 521, 597, 690, 698, 701
Isaïe ........ 286, 335, 376, 386, 439, 599, 611 Salomon ....................... 56-57, 77, 182-185,
Jacob ............................ 57-58, 77, 138, 192, 200, 246, 336, 376, 380, 645
201, 330, 342, 348, 374, 388 Samson ................................................... 375
Jacques ..................................... 11, 518, 520 Samuel................................. 24-25, 240, 375
Jean ................................ 189, 216, 258, 329, Sara .......................................................... 57
396, 405, 418, 687 Siméon .................................................. 489
Jean-Baptiste .......................... 97, 233, 323, Thaddée .................................. 681, 711, 721
330, 352-353, 370-371, 406, 408, 411, Thomas ................................................... 121
414, 447, 472, 489, 520, 522, 528, 531, Timothée ................................................ 201
535, 539, 541, 554, 652, 665, 692, 695, Urie .......................................................... 77
698, 711, 723 Zacharie .................................................... 489
INDEX DES NOMS DE PERSONNES
NON BIBLIQUES
Le nom de saint Antoine qui revient très souvent n’est pas indiqué dans cet index.
Argentis; E. ............................................ 413 Basile de Césarée ......... 113, 203, 327, 340,
Arnaud d’Andilly, R. ....................... 16, 798 394, 413, 519-520, 681, 685, 687, 698,
Arranz, M. ..................................... 462, 817 701, 711, 721, 791
Arras, V. ................. 202, 254-255, 776, 796 Basile II, empereur byzantin . 682, 685, 700
Arsène................... 228, 253, 311, 314, 322, Basile, prêtre hymnographe ............ 580-581
446-447, 458-459, 487, 504, 514, 683- Basset, R. ............... 109-111, 114, 121, 805
684, 686-687, 697, 699, 712, 725-726, Bayan, G. .............................. 106, 461, 805
806 Bedjan, P. ................ 20, 251, 257, 310, 799
Athanase d’Alexandrie .......... 5, 7-8, 15-31, Bell, H. I. ............................................... 142
38-39, 41, 73, 80-85, 92, 94, 97, 104-106, Bellosta, H. ............................................ 762
109-113, 120, 125, 127-130, 133, 137, Benoît d'Aniane .............. 202-203, 207-208,
143, 244, 247, 249, 253, 256, 258-259, 764, 770-772, 776-777, 779
298, 304, 312, 319-320, 322-323, 326- Benoît de Nursie .............................. 41, 203
331, 338, 340-341, 343-344, 351-353, Béranger, N. .......................................... 825
358-359, 361-362, 365, 380-381, 383, Bernard, saint ........................................... 41
387, 406, 408, 411-413, 415, 418-424, Besa ..................... 9, 140, 197, 324-326, 800
428, 444-445, 457, 472, 474, 497-498, Bessarion, disciple d'Antoine . 111, 113, 129
516, 519, 534, 568, 582, 587, 620, 628, Bessarion, saint roumain ........................ 697
655, 657, 661, 677, 682, 687-688, 699, Beulay, R. ............................... 446-447, 802
703, 706-707, 749, 751-752, 798-800, Beylot, R. ...................................... 254, 448
806, 809, 812, 814, 815 Bezdechi, Ş. .................................... 21, 798
Athanase l’Athonite......... 28, 498, 502-503, Birdsall, J. Neville ......................... 462, 818
513, 516-517, 691, 693, 697, 699 Blachère, R. ..................................... 38, 807
Athanase, hymnographe .......... 12, 543, 582 Boèce (Ps.-) ....................................... 39, 62
Athanassakis, A. N. ......................... 20, 799 Bolman, E. S. .. 676-677, 685, 711-712, 820
Aubineau, M. .................. 373-374, 427, 800 Bonhome, A. .......... 7, 12-13, 17, 32, 37-41,
Auger, D. ................................................. 31 43-44, 55, 58, 60-61, 64, 72, 129, 131,
Augustin ........................................... 19, 808 470, 751, 755-761, 814
Aujoulat, N. ................................... 511, 804 Bonnerue, P. .......................................... 764
Baguenard, J.-M. ..................................... 27 Boor, C. de ...................................... 84, 801
Bahayla Mikael ...................................... 447 Bosc-Tiessé, C. ..................... 705, 820, 824
Baillet, P. .............................................. 820 Boulhol, P. ...................................... 28, 807
Baïmen ................................................... 110 Boulnois, O. . ......................................... 208
Bălaşa, D. ...................................... 695, 820 Boureux C. ...................................... 16, 807
Barbour, R. ............................................. 391 Bousias, C. M. ............ 5, 12, 543, 630, 636,
Barbu, D. ....................................... 694, 820 638-639, 665, 673
Bǎrbulescu, D. ............................... 493, 818 Bousset, W. ............................ 248, 261, 807
Barc, B. .................................................. 113 Brague, R. ..................................... 313, 807
Bardenhewer, O. ............................. 134, 768 Brâncoveanu, C. .................................... 696
Bardy, G. ................................. 15, 457, 806 Branişte, E. .................... 496, 513, 637, 818
Bareille, G. ............................................. 335 Bravo, B. ............................................... 136
Barlaam ................................................. 408 Brémond, J. ........................................... 799
Barlaam de Khoutyn............................... 697 Brennan, B. ............................................. 27
Barnes, T. D. ................................... 18, 807 Breydy, M. ............................. 768-771, 775
Barsanuphe et Jean de Gaza ................. 249, Briantchaninov, I. .... 13, 176, 258-259, 318,
263-264, 315, 800 763, 807
Bartelink, G. J. M. ........... 16, 18-19, 21-22, Brière, M. .............................. 426, 428, 804
25, 27-28, 247, 258, 352, 418, 472, 798- Bro, B. ...................................................... 27
798-800, 807 Brooks, E. W. ......... 444, 800, 802-803, 804
Index des noms de personnes non bibliques 841
Brottier, L. ....... 28, 312, 319, 392, 753, 807 Constantin ............ 105, 109, 118, 133, 235,
Budge, E. A. ... 20, 228, 251, 257, 261, 311, 279, 366, 686, 698, 701, 708, 800, 823
450, 760, 796, 806 Constantin VII Porphyrogénète............... 104
Bunge, G. ................. 29, 282, 406, 752, 807 Conti Rossini, C. ........................... 112, 800
Burnet, R. ...................................... 142, 807 Contzen, B. ...... 203-204, 762, 765-766, 808
Butler, C. ......................................... 85, 800 Coquin, R.-G. ........................ 109, 530, 808
Buzatu, D. ...................................... 635, 818 Corey, K. T. .................................... 93, 808
C’ankievi, C. ................................. 476, 819 Corezi ..................................................... 493
Cabrol, F. ............................................... 113 Costea, C. .......................... 6, 690, 692, 820
Caillot, C. .......................................... 6, 380 Couilleau, G. ................................... 16, 798
Callinicos .......................................... 27, 800 Coulie, B. ...................................... 327, 801
Callinique de Cernica ............................. 493 Courcelle, P. .................................... 19, 808
Calliste et Ignace Xanthopouloi .... 263, 318 Cremaschi, L. ........................................ 798
Cândea, I. ....................................... 694, 823 Criscuolo, R. ................................. 344, 800
Cândea, V. ............................................. 147 Cronidès, abba.......................................... 91
Canivet P. .............................................. 804 Cronios, abba ........ 84-88, 91, 129, 258, 311
Capuani, M. .................... 677-678, 686, 820 Crum, E.W. .................................... 210, 806
Caraffa, F. .............................................. 136 Cyprien, saint ........................................... 24
Carmélites de Mazille ...................... 88, 803 Cyriaque de Behnesâ...................... 112, 538
Carmélites de Saint-Rémy ...................... 805 Cyriaque l'Anachorète ............. 503-504, 691
Catherine, sainte .... 391, 487, 681-683, 701, Cyriaque, fils de Juliette ........................ 113
711, 821 Cyrille d'Alexandrie ..... 137, 327, 340, 498,
Cavallera, F. .......................................... 808 519, 678
Ceresa-Gastaldo, A. ............................... 803 Cyrille de Jérusalem ....................... 476, 485
Césaire, évêque de Râmnic ................... 493 Cyrille de Scythopolis .... 27, 340, 373, 457,
Chaîne, M. ..................................... 252, 796 800, 809, 811
Champier Symphorien............................ 134 Cyrille le Sykéote ................................... 148
Charalampos, saint ................................. 698 Dadiso Qatraya...... 221, 251, 262, 265-266,
Chariton, métropolite de Hongrovalachie694 268, 800
Chariton, saint ................................ 547, 691 Dalton, O. M. ......................................... 675
Chatzicostas, L. ............... 12, 543, 638, 656 Damascène, évêque de Râmnic.............. 493
Chatzidakis, M. ............................. 689, 820 Damian .................................... 326-327, 810
Chenouda III ........................................... 530 Danil ....................................................... 689
Chitty, D. J. ................................... 249, 808 Darrouzès, J. .................. 316, 694, 804, 808
Chollet, J. ............... 6, 16, 32, 134-135, 173, David, J. ................................ 134, 472, 808
176, 194, 197, 204, 208, 755, 771, 825 David, moine .......................................... 495
Christodule ............................................. 110 Debié, M. .............................................. 763
Chryssostalis, A. ................................ 5, 395 Delehaye, H. ............. 18, 92, 250, 344, 387,
Cincheza Buculei, E. ................. 6, 690, 820 407, 427, 458, 471-472, 808, 811
Citati, P. ................................................. 799 Démétrius, peintre .................................. 682
Clément d’Alexandrie .............. 24, 137, 370 Den Heijer, J. ................................ 323, 808
Clément VI ...................................... 755-756 Denis le Chartreux ................................. 318
Clérigues, J.-B. .................................. 6, 391 Denys de Phourna .......... 12, 266, 676, 696,
Clugnet, L. ............................................. 818 698-699, 702, 706, 708, 825
Coleiro, E. ............................................... 93 Denys, évêque d’Alep ............................ 703
Colin, G. ........ 112-114, 121, 449-450, 459, Denys, fondateur de Dionysiou.............. 573
754, 805-806, 808 Denys-Ps. ............................................... 337
Constance ............... 105, 109, 133, 279, 349 Der Nersessian, S. ......................... 683, 821
Constant .................. 105, 109, 133, 279, 349 Derat, M.-L. .................................. 450, 808
842 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dercourt, J. .................................... 705, 824 ‘Enānīšō‘ ................... 20, 251, 256-257, 814
Dérens, J. ............................................... 269 Éphrem, higoumène de Philothéou ........ 582
Déroche, V. ................................... 407, 808 Éphrem le Syrien.............. 10, 42, 547, 681,
Des Places, É. .................................. 31, 800 683-684, 687, 691, 702, 711, 721, 726,
Deseille, P. ..................... 250, 797, 802, 809 811
Desprez, V. .................................... 140, 809 Épictète .......................................... 148, 814
Devilliers, N. ................................. 313, 809 Épimaque, saint ...................................... 472
Dheily, J. ............................................... 113 Épiphane .................. 57, 330, 383, 684, 460
Diadoque de Photicé......................... 31, 800 Étienne Brâncoveanu ..... 696, 708, 713, 742
Dib, P. ............................ 450, 520, 805, 818 Étienne de Saint-Sabas ........................... 460
Didron, M. ...... 698-699, 701-702, 793, 825 Étienne du monastère d’Isaac ............ 9, 326
Didyme ............................ 80-82, 84, 92, 129 Étienne le Grand (Ştefan cel Mare) ..... 493,
Dihle, A. ................................................ 809 691-692, 823
Dimitri le Nouveau ................................. 697 Étienne le Lybien ....................... 82, 84, 129
Dimitrios Ier ............................................ 129 Ettlinger, G. H. ...................................... 803
Dimitrova, E. ......................... 686, 688, 822 Eulogia, moniale .................................... 317
Dinkler, E. ..................................... 679, 821 Euloge ................................................. 85-87
Dioclétien .................................. 15, 104-105 Eulogios ................................................. 127
Dion, sophiste ......................... 407, 804, 811 Euphrosyne, sainte ................................. 697
Dion, J. .......................................... 250, 797 Eupraxie, sainte .............................. 514, 697
Dionisij ................................... 689, 712, 732 Eusèbe de Césarée... 79-80, 82, 84, 584, 812
Dioscore d’Alexandrie ....... 9, 323, 678, 805 Eustrate, prêtre de Constantinople . 408, 801
Djourova, A. .................................. 701, 821 Euthyme l’Athonite .......... 20, 252, 444, 813
Djuric, V. J. ................................... 685, 821 Euthyme .................. 20, 373, 457, 500-504,
Dolakidzé, M. ........................................ 104 513-514, 547, 683-684, 686-687, 691,
Dominique, saint ................................ 41, 43 695-697, 699, 702, 706, 712, 725, 800
Doresse, J. ..................... 460, 677, 707, 821 Eutychios, peintre .................................. 686
Dorival, G. ............................................... 57 Évagre d’Antioche ............... 19, 27, 73, 799
Dorothée de Gaza .... 247, 263-265, 315, 800 Évagre ........ 81, 84, 228, 248-249, 261-262,
Dörries, H. ..................... 247, 312, 753, 809 274, 281-284, 313-314, 317, 396, 405-
Dosithée, métropolite de Moldavie ........ 493 406, 447, 458, 487, 681, 751, 798, 801,
Draguet, R. ........... 16, 18, 20, 85, 262, 319, 807
798-801, 804 Évariste, diacre ....................................... 104
Drăguţ, V. ...................................... 690, 821 Evergetinos .... 7, 29-31, 250, 261, 284, 314,
Drandakis, N. ................................. 521, 682 797, 805
Drobner, H. R., .......................................... 6 Evetts, B. ....................................... 529, 805
Dujčev, I. ................................... 6, 395, 801 Falco, A. ........................... 32, 379, 812-813
Dumeige, G. ............................................ 23 Fanous, I. .. 679-680, 708, 711, 718-719, 823
Dumitrescu, C. L. .......................... 695, 821 Farag, G. ........................ 142, 197, 809, 825
Dumitrescu, I. .......................................... 21 Fărcaş, I. ........................................ 698, 824
Dumitrescu, S. ............................... 692, 821 Farmer, D. H. ........................................ 112
Dvali, M. ........................ 252-254, 796-797 Fébronie, sainte ...................................... 697
Ecchellensis A. ...... 7, 13, 17, 32-33, 40, 68, Fecioru, D. .................................... 147, 809
71-72, 208-209, 217-219, 226, 231, 325- Federspiel, M. ........... 6, 143, 148, 353, 414
326, 757-759, 761-754, 766-772, 777- Fedorovici, G. ....................................... 808
779, 782, 795-796, 810, 816 Fenelli, L. .............................................. 809
Efremov, A. .................................... 698, 821 Ferrari, G. .............................................. 676
Ehrhard, A. ....... 19, 30, 316, 378, 426, 568, Festugière, A.-J. 29, 91, 136-137, 341, 373,
809, 811 407, 457, 795, 800-801, 804-805
Index des noms de personnes non bibliques 843
Flusin, B. ................................... 27, 84, 809 Graffin, F. ....................... 28, 316, 426, 445,
Forget, J. ......................... 109-111, 465, 806 802-804, 809-810
Fourier, S. .............................................. 470 Graham, R. .............................................. 65
François, saint..................................... 41, 43 Grand’Henry, J. ............................. 327, 801
Frankenberg, W. ............................ 396, 801 Grébaut, S. .................................... 449, 806
Frazier, F. .............................................. 809 Greer, R. A. ..................................... 20, 799
Frede, H. F. ............................................ 200 Grégoire Barhebraeus ............ 263-264, 266,
Freire, J. G. . ............................ 250, 796-797 268, 317, 802
Fritsch, E. ......... 6, 112, 465, 476, 536, 541, Grégoire Dascălul ................................. 797
675, 809 Grégoire d’Agrigente (Ps.-) ........... 408, 803
Fros, H. .................................................. 793 Grégoire de Khandztha .................... 20, 460
Funk, W. -P. ......................................... 801 Grégoire de Nazianze ..... 28, 141, 327, 340,
Gagle, G. S. ................................... 492, 817 370, 383, 394, 406, 519-520, 682, 687,
Gaius....................................................... 777 694, 708, 801, 821
Galaction, évêque .................... 30, 637, 648 Grégoire de Nysse .......... 394, 408, 413, 803
Galavaris, G. .................. 681, 683, 712, 821 Grégoire le Décapolite ........................... 697
Garitte, G. .............. 17, 19-21, 27, 133-135, Grégoire Palamas10, 411-414, 687, 752, 801
140-141, 143-144, 147, 197, 324, 326- Gribomont, J. ........................................ 810
327, 330, 336, 427, 461, 762, 795, 799, Grillet, B. ........................................ 81, 804
801, 809, 818 Grivaud, G. ............................................ 470
Gass, W. ................................................ 413 Griveau, R. ............................................. 463
Gebraïl Ibn Al-Qola’I ............................. 463 Grumel, V. .................................... 462, 818
Geerard, M. ........................... 766, 793, 812 Guerov, G. ..................................... 701, 821
Géhin, P. ......... 5-6, 390-391, 395, 406, 801 Guillaume, D. ............... 476, 481, 496, 503,
Gennade d’Astorga, saint ...................... 770 517-518, 630, 648, 701, 817
Georges, saint ........ 460, 467-468, 520, 638, Guillaumont, A. ................... 110, 458, 798,
686, 690-692, 698, 701, 712, 728, 733, 801, 810, 816
735 Guillaumont, C. ............................. 798, 801
Georges de Ioannina ................ 128, 580-581 Guran, P. ....................................... 249, 810
Georges de Naxia 9, 266, 378-380, 396, 751 Guy, J.-C. ....... 218, 248-249, 255, 282-283,
Georges l’Athonite ........................... 20, 104 311, 313, 797, 802, 810
Georges le Moine 7, 17, 79, 83-84, 265, 801 Haile, G. ........................................ 449, 806
Georges, hiéromoine ................................ 20 Halbwachs, M. ........................................ 16
Georges de Gasecha ............................... 536 Halkin, F. ....... 17, 29, 37-39, 42-43, 48, 50,
Germain de Constantinople .......... 382, 481, 55, 57, 61, 73, 77, 93-94, 97, 136, 250,
497, 553 343, 352, 396, 462, 755-756, 760, 793,
Germain de Dobrodja ....................... 29, 697 795, 802, 805, 810
Germain de Paris .................................... 203 Hamilton, A. .................................. 763, 810
Getcha, J. ....................................... 498, 818 Hannick, C. ............ 491, 511-512, 810, 818
Getov, D. ....................................... 395, 801 Harb, P. ................................... 28, 316, 803
Geyer, P. ........................................ 472, 801 Hardy, E. R. .................................. 326, 810
Ghedini, G. .................................... 142, 795 Harmles, W. .......................................... 810
Ghiuş, B. .................................. 30, 128, 806 Hausherr, I. .................................... 148, 811
Ginzberg, L. ............................................. 77 Hayek, M. ...................................... 520, 811
Godding, R. ..................................... 18, 806 Hemmerdinger-Iliadou, D. ............ 444, 811
Gonis, N. ....................................... 142, 809 Henein, A. L. ................................. 679, 822
Grabar, A. ...................... 682, 691, 693, 821 Henry, P. ....................................... 691, 822
Graf, G. .................................................... 17 Héraclides ................................................ 80
Hernández Martín, R. .................... 756, 811
842 Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien
Dercourt, J. .................................... 705, 824 ‘Enānīšō‘ ................... 20, 251, 256-257, 814
Dérens, J. ............................................... 269 Éphrem, higoumène de Philothéou ........ 582
Déroche, V. ................................... 407, 808 Éphrem le Syrien.............. 10, 42, 547, 681,
Des Places, É. .................................. 31, 800 683-684, 687, 691, 702, 711, 721, 726,
Deseille, P. ..................... 250, 797, 802, 809 811
Desprez, V. .................................... 140, 809 Épictète .......................................... 148, 814
Devilliers, N. ................................. 313, 809 Épimaque, saint ...................................... 472
Dheily, J. ............................................... 113 Épiphane .................. 57, 330, 383, 684, 460
Diadoque de Photicé......................... 31, 800 Étienne Brâncoveanu ..... 696, 708, 713, 742
Dib, P. ............................ 450, 520, 805, 818 Étienne de Saint-Sabas ........................... 460
Didron, M. ...... 698-699, 701-702, 793, 825 Étienne du monastère d’Isaac ............ 9, 326
Didyme ............................ 80-82, 84, 92, 129 Étienne le Grand (Ştefan cel Mare) ..... 493,
Dihle, A. ................................................ 809 691-692, 823
Dimitri le Nouveau ................................. 697 Étienne le Lybien ....................... 82, 84, 129
Dimitrios Ier ............................................ 129 Ettlinger, G. H. ...................................... 803
Dimitrova, E. ......................... 686, 688, 822 Eulogia, moniale .................................... 317
Dinkler, E. ..................................... 679, 821 Euloge ................................................. 85-87
Dioclétien .................................. 15, 104-105 Eulogios ................................................. 127
Dion, sophiste ......................... 407, 804, 811 Euphrosyne, sainte ................................. 697
Dion, J. .......................................... 250, 797 Eupraxie, sainte .............................. 514, 697
Dionisij ................................... 689, 712, 732 Eusèbe de Césarée... 79-80, 82, 84, 584, 812
Dioscore d’Alexandrie ....... 9, 323, 678, 805 Eustrate, prêtre de Constantinople . 408, 801
Djourova, A. .................................. 701, 821 Euthyme l’Athonite .......... 20, 252, 444, 813
Djuric, V. J. ................................... 685, 821 Euthyme .................. 20, 373, 457, 500-504,
Dolakidzé, M. ........................................ 104 513-514, 547, 683-684, 686-687, 691,
Dominique, saint ................................ 41, 43 695-697, 699, 702, 706, 712, 725, 800
Doresse, J. ..................... 460, 677, 707, 821 Eutychios, peintre .................................. 686
Dorival, G. ............................................... 57 Évagre d’Antioche ............... 19, 27, 73, 799
Dorothée de Gaza .... 247, 263-265, 315, 800 Évagre ........ 81, 84, 228, 248-249, 261-262,
Dörries, H. ..................... 247, 312, 753, 809 274, 281-284, 313-314, 317, 396, 405-
Dosithée, métropolite de Moldavie ........ 493 406, 447, 458, 487, 681, 751, 798, 801,
Draguet, R. ........... 16, 18, 20, 85, 262, 319, 807
798-801, 804 Évariste, diacre ....................................... 104
Drăguţ, V. ...................................... 690, 821 Evergetinos .... 7, 29-31, 250, 261, 284, 314,
Drandakis, N. ................................. 521, 682 797, 805
Drobner, H. R., .......................................... 6 Evetts, B. ....................................... 529, 805
Dujčev, I. ................................... 6, 395, 801 Falco, A. ........................... 32, 379, 812-813
Dumeige, G. ............................................ 23 Fanous, I. .. 679-680, 708, 711, 718-719, 823
Dumitrescu, C. L. .......................... 695, 821 Farag, G. ........................ 142, 197, 809, 825
Dumitrescu, I. .......................................... 21 Fărcaş, I. ........................................ 698, 824
Dumitrescu, S. ............................... 692, 821 Farmer, D. H. ........................................ 112
Dvali, M. ........................ 252-254, 796-797 Fébronie, sainte ...................................... 697
Ecchellensis A. ...... 7, 13, 17, 32-33, 40, 68, Fecioru, D. .................................... 147, 809
71-72, 208-209, 217-219, 226, 231, 325- Federspiel, M. ........... 6, 143, 148, 353, 414
326, 757-759, 761-754, 766-772, 777- Fedorovici, G. ....................................... 808
779, 782, 795-796, 810, 816 Fenelli, L. .............................................. 809
Efremov, A. .................................... 698, 821 Ferrari, G. .............................................. 676
Ehrhard, A. ....... 19, 30, 316, 378, 426, 568, Festugière, A.-J. 29, 91, 136-137, 341, 373,
809, 811 407, 457, 795, 800-801, 804-805
Index des noms de personnes non bibliques 845