“NAQ” ET SORCELLERIE
DANS LES CONCEPTIONS SEREER
R.P. Henri GRAVRAND
Introduction
La pensée africaine est riche en connaissance de l’homme.
Au cours d’une longue histoire, elle a accumulé ses observations
sur l’homme, sur le mystère de sa vie et surtout sur la nature des
liens entre l’âme et le corps, sur l’influence de l’esprit sur le
corps, sur le lien entre les maladies mentales et les maladies
physiques. Se préoccuper de retrouver cette science tradition-
nelle de l’homme, avant qu’elle disparaisse dans la grande muta-
tion de notre temps, ce n’est pas tourner le dos au progrès ni
faire fi des impératifs du développement. C’est entreprendre un
retour aux sources de la pensée africaine. Ce retour intéresse
l’homme de culture, tout comme le clinicien moderne, car ce
dernier peut trouver dans ces représentations l’information qui
lui permettra de comprendre et de soulager ses frères.
L’étude que nous présentons est le fruit d’une longue expé-
rience, vécue d’abord dans le pays séreer du Sine, et reprise sur
la Petite-Côte, dans le secteur de Mbour. Avant de rédiger ces
notes, nous avons d’abord vécu en témoin ou en auditeur les
préoccupations des familles touchées par des faits de sorcelle-
rie. Dans les premiers temps, sans savoir exactement quelles
réalités étaient en cause dans ces drames de famille ou de vil-
lage, nous avons observé leur retentissement dans la vie du
groupe. Depuis les trois premiers morts constatés à Diouroup,
en 1950, jusqu’à la conférence donnée à Dakar en 1975, nous
avons vu notre route jalonnée de suicides, d’accusations pu-
bliques, de jugements sommaires, de sévices, d’ordalies (à
Ngohé par exemple), de divorces, d’exil volontaire ou /p. 180/
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A) Méthode de travail
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verrons dans tous les autres cas. Ln société séreer ne supprimait pas
ses sorcières, mais elle les surveillait de près. Après avoir été démas-
quée, la Naq ne semble pas avoir honte, ni cesser ses pratiques,
puisqu’elle attire les garçons ct veut finalement tuer sa fille. Nous
devons relever également le comportement de la jeune fille ; pour
échapper au danger que représente sa mère, elle quitte le village et
met une grande distance entre les deux. Faut-il en conclure qu’au-delà
D’un certain rayon d’action, les pouvoirs maléfiques agissent avec
moins de force ? Ou ne faut-il pas penser que la jeune fille espère une
protection efficace dans le milieu où elle va se réfugier ?
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ANALYSE DU CAS N° 3
Huit remarques concernant ce cas :
1° Le Naq est une femme.
2° Nature de ce cas : Sorcellerie conjugale.
3° Époque : Période précédent l’hivernage, l’action ayant été ac-
complie en avril et le décès étant survenu en juin 1973.
4° Motivation du cas : Ni remboursement ni désir de dévoration,
mais jalousie et vengeance à cause d’une seconde femme.
5° Système de travail : A Tefan et A Suptah. A Tefan : Le mot signifie
la poursuite. Le Naq Réfan, le sorcier suiveur, est le plus dangereux de
tous, car il ne lâche pas sa victime et il la rejoint partout. À cet égard,
ses méthodes ressemblent un peu au Kon o Paf au “mort-vivant”, mais
les deux démarches sont différentes. Le Kon o Paf cherche à prolonger
provisoirement son existence normalement terminée et, dans ce but, il
est prêt à sacrifier une vie pour prolonger la sienne. Pour y arriver, il se
livre au Suptah, à la transformation en animal ou en objet, tout comme
le Naq. Dans le cas étudié, il y a eu un premier essai qui a échoué grâce
aux pouvoirs du forgeron, le marteau étant toujours chargé d’une cer-
taine magie. Ensuite, il y n eu une action étalée en trois temps :
/p. 187/ – l’émotion provoquée par la charge du mouton ;
– la per1e du “Fit”, “force vitale”, qui entraîne la faiblesse et
l’inconscience. Peut-être même, la sorcière a-t-elle commencé le
“Bus”, à sucer son mari de l’intérieur, le dévorer avant qu’il soit
mort, sana que l’enveloppe corporelle en porte trace ;
– la mort, trois mois plus tard.
6° Traitement de l’affaire : L’affaire n’a pas été traitée, car la fa-
mille du défunt était trop faible pour engager des poursuites.
7° Aveux: Spontanés par nostalgie de la maison et chagrin trop grand
8• Compor1ement final : Laissé en liberté ; la Naq vit dans le
Diom, dans une certaine confusion provoquée par les événements.
C’est le sens de. sa dernière parole : « Et maintenant, qu’est-ce que je
vais faire. »
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ANALYSE DU CAS N° 5
Six remarques concernant ce cas :
1° Le Naq concerné est une femme.
2° Nature de ce cas : Sorcellerîe par vol.
3° Système de travail : Par le N’Dyamboñ.
4° Traitement du cas : Traité au niveau du village ; double traite-
ment : lmprévu, à cause des poils du jeune homme ; correction infli-
gée par la communauté.
5° Aveux obtenus par N’Dyafir : Le N’Dyafir est une bouffée confu-
sionnelle au cours de laquelle le Naq, sous l’influence d’un /p. 188/ agent
d’ordre magique (gris-gris, etc.) se met à parler sans pouvoir se retenir et
fait le compte de toutes les personnes qui ont été tuées par elle.
Le N’Dyafir ne serait pas l’apanage exclusif des sorciers. Les bou-
chers également connaîtraient le N’Dyafir avant de mourir à cause de
tous les animaux qu’ils ont tués. Ce N’Dyafir des bouchers consiste à
imiter tous les cris d’animaux tués à l’abattoir (meugler, bêler, hennir,
caqueter, etc., aboyer, miauler…).
6° Comportement final : La honte et l’exil volontaire. La Naq n’a
pu supporter d’être dévoilée.
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ANALYSE DU CAS N° 8
Neuf remarques :
1° Personnalité du Naq : Un homme.
2° Nature du cas : Sorcellerie familiale, dans le lig.
3° Motivation: Sorcellerie défensive pour empêcher une dénoncia-
tion publique.
4° Époque : À la veille du Hoy, qui introduit dans l’hivernage et
comporte une certaine mise en garde contre les sorciers.
5° Système de travail : Le N'Dyamboñ. par attaque directe.
6° On remarque que les Madag et ceux qui ont des pouvoirs spiri-
tuels, comme les Saltigi, résistent plus longtemps à la morsure du
N'Dyamboñ et peuvent guérir.
7° Affaire traitée au niveau du village avec interrogatoire public.
8°Aveux obtenus :
a) Par N’Dyafir: réalisé par un Pan qui utilise une fumée magique ;
b) Par Kav : châtiment infligé d’abord sur le corps, puis sur l’arbre
où s’est réfugiée l’âme sensible du Naq.
9° Comportement final : Absence totale de Diom. Sorcellerie vé-
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cue sans aucune honte, avec prétention d’être chef des sorciers du
village.
/p. 193/
CAS N° 10 : Méthode partielle (Lah o Kin).
Une femme avait fait un crédit lors d’un repas de sorcellerie et de-
vait le rembourser. Elle n’avait que deux garçons. Elle prend l’aîné
pour payer cc crédit. Sans le tuer, elle lui enlève les muscles des
cuisses. Ainsi, le garçon était paralysé. Le jeune restait très faible, ne
pouvant pas bien marcher.
En 1966, des gens étaient venus de Penku avec des gris-gris. Ils
recherchaient les sorciers. « A fiangé teh, han a dyafir » (Si on leur fait
un gris-gris magique, le sorcier parlera.) Ces voyants sont venus dans
le village el y sont restés deux semaines. Le père du garçon a dit : « Je
veux savoir pourquoi mon fils est paralysé. Nous allons demander à
ces gens-là. »
L’homme de Penku a fait boire au père de famille ainsi qu’à sa
femme une eau magique. Le mari est rentré avant midi, suivi de près
par sa femme. Chemin faisant, la potion magique faisant son effet, la
femme commençait à parler et à raconter : « Vous voyez mon fils qui
est paralysé, c’est moi qui l’ai fait, parce que j’avais un crédit de sor-
cellerie et, pour le payer, j’ai dû enlever les muscles de ses cuisses.
C’est ainsi que mon fils est devenu paralysé. » Et elle continue à par-
ler ainsi à la maison sous l’influence de l’eau magique.
Dans les trois jours, la femme revenue a. elle-même a été en
brousse pour se pendre â un arbre, incapable de supporter son état.
Le fils paralysé vit comme cela jusqu’à présent chez son père.
ANALYSE DU CAS N° 10
Huit remarques :
1° Personnalité du Naq : Une femme.
2° Nature du cas : Sorcellerie familiale, dans le Lig.
3° Type de sorcellerie : lah o kin (Diminuer quelqu’un de moitié.)
Cette sorcellerie permet de liquider les crédits sans entraîner la mort.
Elle permet à cette mère de conserver son fils.
C’est une sorcellerie à effet différé. On peut en effet trouver des
cas où la mort ne s’en suit pas :
– soit par une résistance imprévue de la victime ; on la laisse ;
– soit par la volonté du Naq de la laisser en vie (dans le cas d’un
fils par exemple) ;
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B) Essai de statistique
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1 « Le symbolisme séreer » Psychopathologie africaine, 1973, IX, 2 : 237-265.
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1° Le corps du sorcier
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2° Le psychisme du “Naq”
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C) LA NATURE DE LA SORCELLERIE
.
Dans la typologie proposée, nous avons retrouvé trois
grands types de sorcellerie : la sorcellerie familiale suivant le
lignage maternel, la sorcellerie conjugale et ce que les Séreer
appellent le “N’Gud”, la sorcellerie par vol.
'
1° La sorcellerie familiale selon le lignage maternel est le cas le
plus fréquent : 60 % dans notre statistique. Parfois, le père a
participé au projet et au repas, mais il l’a fait au titre de membre
de l’association des Naq. Ce qui a été relevé, c’est la bonne
conscience des membres du lignage par rapport à cet acte. « J’ai
le plein droit de le faire parce que c’était mon fils. » Cette ré-
flexion souvent entendue nous rappelle à quel point, dans la
société traditionnelle, la personne était intégrée au lignage et
devait être prête à se sacrifier pour le clan matrilinéaire. Nous
avons vu des neveux se faire arrêter à la place de leur oncle
maternel et se faire mettre en prison volontairement en prenant
leur nom.
Cette sorcellerie familiale est la seule comprise dans les con-
ceptions séreer. Elle n’est pas admise et elle est même pour-
chassée ; mais elle a sa place dans l’édifice social. Les deux
autres types de sorcellerie constituent une dégradation.
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D) MOTIVATIONS DE LA SORCELLERIE
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lui fait savoir que c’est à son tour d'organiser un repas et l’in-
vite à prendre un membre de sa famille maternelle pour rester
dans la normale. S’il tergiverse, promettant toujours sans tenir
parole, l’association se fait menaçante et le relance sans arrêt en
l’obligeant finalement à s'exécuter bon gré, mal gré. Il sera donc
forcé de rembourser. Et comme ce remboursement sera
l’occasion de nouveaux crédits pour les autres, la sorcellerie
appelle la sorcellerie et ne peut jamais finir.
3° Par défense
C’est la troisième motivation et nous avons cité le cas du ne-
veu qui voulait dénoncer son oncle le lendemain. L’oncle
n’ayant pas réussi à le dissuader lui a lancé le N’Dgamboñ,
comme d’autres sortiraient un revolver, sans aucun plaisir, mais
par réflexe de défense. En ce cas, la victime est mangée, mais la
cause de sa mort n’est pas en relation directe avec le désir de
manger un homme.
E) METHODES DE SORCELLERIE
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lial qui a un responsable et qui peut être loué à des Naq appar-
tenant à d’autres lignées. Le responsable doit être capable, par
sa force de sorcellerie, d’exercer cette responsabilité et il agit
avec le N’Dyamboñ comme avec n’importe quel bien familial. Il
le conserve quand il n’est pas en activité et le prête avec
l’accord des sept qui le constituent. Dans l’action, les sept agis-
sent en même temps, d’une façon unitaire.
La fin du N’Dyamboñ se produit, soit par séparation des sept,
soit par destruction par un chasseur de sorcier.
Avant que le responsable prête le N’Dyamboñ, celui qui le
demande doit offrir un membre de sa famille maternelle. On dit
alors : « Ndélar a yoda o N’Dyamboñ ». Après satisfaction de la
demande et exécution de la victime, la promesse est tenue et la
personne donnée.
Dans l’action, deux cas peuvent se produire : Le cas normal :
le N’Dyamboñ n'attaque que dans la famille maternelle de son
propriétaire. Le cas de plus en plus fréquent dans la vie mo-
derne où les ethnies séreer et non-séreer sont mélangées, le
N’Dyamboñ vole, c’est-à-dire attaque une personne qui n’est pas
de la lignée maternelle de son responsable, et qui lui a été dési-
gnée par celui qui a loué.
Le N’Dyamboñ n’attaque que la personne qu’on lui a mon-
trée, même si cette dernière est au milieu d’une foule immense.
Il viendra, la cherchera, la mordra et aussitôt il disparaîtra. Tel-
lement rapide qu’on ne l’aperçoit même pas ou à peine. /p. 206/
Cependant, si le N’Dyamboñ est laissé trop longtemps sans man-
ger et qu’il est affamé, avec le goût de la chair humaine dans la
bouche, il peul se mettre il crier et se jeter de lui-même sur
quelqu’un. Pendant la saison sèche, les N’Dyamboñ sont gardés
et sont calmes. À l’approche de l’hivernage, ils sortent et c’est
pour manger quelqu’un. Raison pour laquelle, lors des réunions,
Hoy, les villageois sont mis en garde contre eux, surtout si les
Madag connaissent le nom de la personne visée. On lui conseille
de s’exiler. Cette représentation ne diminue pas dans le pays,
même en milieu évolué et des faits nombreux sont rapportés
chaque jour.
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Les feuilles de rônier ont fini par prendre feu et une opéra-
tion importante se déroule : a bund, l’éventement. C’est l’action
principale. Comme on le sait, l’âme est un souffle dans la pen-
sée séreer. Souffle de la vie, elle anime le corps. Dans le cas qui
nous intéresse, non seulement l’âme-souffle va animer, mais elle
va constituer le corps. En effet, l’éventement continu fait appa-
raître un nouveau corps, à l’endroit où se trouvait le “double”.
C’est ce corps qui sera bientôt mangé. Mais pour l’instant, il est
minuscule ; au fur et à mesure qu’on l’évente, il gonfle ; le voici
comme un chevreau. Les membres supérieurs et les membres
inférieurs sont très courts et le tronc est développé. Il n’a au-
cune forme humaine et pourtant, c’est le double corporel de la
victime. Si un danger se présentait et qu’il faille fuir devant les
“chasseurs de sorciers”, le gonflage cesserait et le partage ne
donnerait pas un grand résultat. Mais si rien ne vient troubler la
réunion, le gonflage va se poursuivre jusqu’à ce que l’homme ait
le volume d’un veau, d’un cheval, d’un taureau. Alors, il est
dépecé et celui qui a entrepris cet acte de sorcellerie rembourse
ses dettes vis-à-vis des autres Naq. Ensuite, il distribue les mor-
ceaux, dont il pourra exiger le remboursement en temps oppor-
tun. Les sorcières commencent sur place leur cuisine ensorcelée
et tout le monde mange. Après ce sabbat, les Naq se dispersent,
chacun avec le morceau emprunté. Les Madag remarquent le
retour. Dans la brousse, ils voient les sorcières ployer sous le
poids des calebasses invisibles remplies de viande. Dans
quelques cases, des enfants pleurent : « Je veux de la viande qui
est sous le lit. » « Il n’y a rien sous le lit », lui dit-on. « Si, c’est
ma mère qui l’a mise tout à l’heure. » Chacun se tait. Mère et
enfant sont sorciers.
G) REACTION POPULAIRE
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Conclusions
Le sujet de cette étude a été délimité : les conceptions séreer
sur les Naq et la sorcellerie. Il s’agissait uniquement dans un
domaine très peu exploré de faire le point et d’apporter un peu
de clarté, grâce à la présentation de plusieurs cas, /p. 212/ suivie
d’une analyse méthodique. Dans le cadre de la revue de Psycho-
pathologie africaine, il n’est pas question de porter un jugement de
valeur sur ces données, mais seulement de s’assurer que la des-
cription des représentations a été faite correctement. Après
deux débats publics, où aucune des données ou des interpréta-
tions présentées n’a été contestée véritablement, on peut con-
clure que ce travail représente une approche valable du pro-
blème.
Dans le cadre d'une autre revue, celle des Journées de Re-
cherche africaine de Théologie, Recherche et Liaison, une seconde
étude serait normalement à entreprendre par des philosophes
ou des théologiens chrétiens. Ces représentations qui viennent
d’être décrites ont-elles un fondement réel et valable du point
de vue humain et religieux ? Ces questions qu’un théologien
chrétien ne peut pas ne pas se poser, parce que l’approche du
problème de la sorcellerie vécue en milieu populaire est globale,
nous ne les poserons pas ici par respect de la spécificité de la
revue, mais il faudra les reprendre une autre fois.
En conclusion, nous voulons simplement signaler trois
pistes ouvertes par les analyses qui nous ont été suggérées par la
phénoménologie de la sorcellerie et qui nous introduisent dans
une meilleure compréhension de la culture séreer :
– sur la conception africaine de la vie sociale ;
– sur la conception africaine de la personne humaine ;
– sur l’existence d’une connaissance et d’une sagesse supé-
rieures.
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RÉSUMÉ :
Mots clés : • Sorcellerie • Sereer • Typologie • Naq • Kum A Las (queue ma-
gique) • A Tefan (sorcier suiveur) • Bek Tig (comme une femme)
•N’Dyamboñ (• Madag (voyant) • Kon o Paf (mort vivant) • Aveux •
N’Djyafir (bouffée confusionnelle) • Mythe d’origine du Naq.
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SUMMARY :
NAQ AND WITCHCRAFT IN SEREER THOUGHT
The fruit of a long experiment of more than twenty years in the Sereer set-
ting of the Sine and the Petite-Côte regions of Senegal, Reverend Father
Gravrand’s study exposes an aspect generally unknown but that is of great
social importance. The values brought to the force reveal the “African pro-
ject” of life in society and a certain conception of man.
Before brushing his subject, the author recalls three principles : The dual
aspect of the universe: visible and invisible; The possibility of certain people
to see, move and act in an invisible dimension, owing to their capacity to
move in two dimensions; The ability to cause, materialize certain contacts
from an invisible dimension by using efficacious symbols.
On the first part, the author expose a typology of main cases in sorcery by
following a “grillwork” permitting a methodical analysis of the facts of sorcery:
– The nature of the action undertaken; – Motivations; /p. 216/ – Sex of the
person practising sorcery; – Sorcery methods; – Results (death, sickness, men-
tal disorder); – Unmasked avowals of sorcerers; – Behaviour of sorcerers alter
their avowal. A statistic, unfortunately limited to fifteen case histories, allows
one to introduce some conclusions which have had a chance to be discussed
to the point of being approved in three public meetings.
On the second part, the author attempts a synthesis of Sereer thought on
witchcraft. It launches a study of: – The psychological foundations of witch-
craft and exposes to view sereer myth ot origin of sorcerers; – The personal-
ity of the Naq, his psychology and psychism; – The nature of witchcraft:
familial, conjugal or in thief; – The motivations of the sorcerers (the man’s
taste, the necessity to reimburse, the defensive); – The sorcerers “meals”: the
author brushes the “great aecret” of the Naq’s associates; – The sorcerers’
end, after their unmasking of the end of their power.
Father Gravrand bas an opportunity to advance a value judgement on
his conceptions in review in “African theology” , defends his reasons for
doing so within the framework of Psychopathologie africaine. His intention is
simply to clarify in some degree an aspect of Sereer thought that has been
little explored, which presents some perspectives of African conceptions of
life and man as well as the existence of knowledge and superior wisdom
reserved tor a small number of people.
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