Modélisation des Séparations Solide/Liquide dans l'Industrie Minérale

MODELISATION DES SEPARATIONS SOLIDE/LIQUIDE

DANS L'INDUSTRIE MINERALE.

par

J. Villeneuve, J.-C. Guillaneau, M.-V. Durance

Groupe Simulation de Procédés
Direction de la Recherche - BRGM

RESUME

Comme la plupart des opérations unitaires de l'industrie minérale, les séparations solide/liquide sont
intégrées dans des circuits souvent complexes, où la concentration en solide des différents flux est
déterminante pour des raisons techniques et économiques.
L'utilisation d'un simulateur informatique des procédés permet de prédire le débit et la composition de
tous les flux d'un circuit et fournit une aide efficace pour dimensionner ou optimiser des installations.
Un simulateur met en oeuvre des modèles mathématiques de chacune des opérations unitaires. Ces
modèles représentent, à des degrés de détail divers, les phénomènes mis en jeu dans les appareils d'une
installation.
Cet article décrit les modèles de séparateurs solide/liquide intégrés dans le logiciel de simulation des
régimes permanents USIM PAC 2. Ils sont classés en deux grandes catégories, en fonction du type de
problème qu'ils permettent de résoudre :
· les modèles qui permettent d'analyser le fonctionnement de circuits complexes, d'aider les
concepteurs d'installations ou les exploitants à calculer les bilans en eau et en solide,
· les modèles qui permettent de dimensionner un appareil particulier en fonction des performances
souhaitées, d'optimiser les conditions opératoires, et de mesurer l'influence de modifications de ces
conditions sur les performances globales de l'installation.

Les principes et les limites de ces modèles sont présentés et leurs intérêts respectifs sont mis en valeur.

INTRODUCTION

Depuis 1988, le Groupe Simulation de Procédés du BRGM développe et distribue un logiciel de

simulation (Broussaud et al. 1992, 1989, Guillaneau et al. 1992, 1993). Il existe aujourd'hui de
nombreuses formes de simulation (statique, dynamique, batch ou continue...) et de simulateurs qui ne
seront pas détaillées ici.
La simulation des "régimes permanents", encore appelée simulation statique a pour objet d'aider à la
conception, à l'adaptation et à l'optimisation d'installations de traitement des matières premières ou
secondaires. Elle permet d'intégrer dans un même schéma diverses "opérations unitaires" et ainsi de
mesurer leurs influences réciproques.
Cet article montrera comment les divers appareils de séparation solide/liquide peuvent être représentés
dans le simulateur USIM PAC. Les modèles mathématiques de ces appareils actuellement disponibles
permettent de résoudre des problèmes industriels. Des exemples d'application montreront la méthode
de dimensionnement d'un filtre à bande, ainsi que les possibilités de calcul d'un bilan eau sur un circuit
complexe.

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UTILISATION DE LA SIMULATION

La simulation statique est utilisée aujourd'hui par des universitaires, des centres de recherche, des
compagnies d'ingénierie, des constructeurs d'équipement ou des industriels. Ses principales raisons
d'être sont l'aide au dimensionnement et à "l'optimisation des régimes permanents" aussi appelée
"optimisation pré-contrôle". Cette diversité des utilisations tient à l'existence au sein d'environnements
intégrés (Durance, M.-V., 1992) d'un ensemble d'algorithmes dont les principaux sont :
· les algorithmes de traitement des données,
· les modèles mathématiques d'opérations unitaires,
· la simulation directe et la simulation inverse.

Parmi les algorithmes de traitement des données figure un logiciel appelé "de réconciliation". Ce
logiciel permet de calculer des estimateurs cohérents de données incohérentes respectant la précision
de chacune des données (Bloise R., 1983; Hodouin D., 1980).

Les modèles mathématiques d'opérations unitaires représentent une réalité quantifiable. Ils sont la
plupart du temps basés sur des lois de comportement ou de transformation de la matière et permettent
de déterminer les sorties d'un appareil à partir de la connaissance de l'alimentation, des dimensions et
conditions opératoires de cet l'appareil et des propriétés physiques de la matière (cf. Figure 1).
L'approche de la modélisation par le groupe Simulation de Procédés est de considérer que toutes les
représentations de la réalité ont un intérêt. Ainsi coexistent au sein du logiciel plusieurs modèles pour
chaque opération unitaire, dont les utilisations sont complémentaires. La gamme des modèles
disponibles s'étage du niveau 0 au niveau 3, chaque niveau ayant ses intérêts propres.
En particulier, cette classification distingue :
· les modèles de "performances" (niveau 0), dont les paramètres représentent directement les
performances des opérations unitaires ; ces modèles sont voués au calcul et à la définition des
bilans matière,
· les modèles "prédictifs" (niveaux 1, 2, 3), dont les paramètres principaux sont les dimensions et les
conditions opératoires des appareils ; ces modèles prédisent la performance en fonction de ces
paramètres ou au contraire, optimisent ces paramètres en fonction d'une performance souhaitée. La
distinction entre les niveaux 1, 2 et 3 réside dans la quantité de données expérimentales nécessaire
pour utiliser les modèles.

Propriétés Physiques

Entrée

• Débits
• Tailles, MO DELE Sortie (s)
• Teneurs,
• etc.

Paramètres

• Description de • Opération de
l'alimentation Simulateur l'usine
• Description des statique • Coûts
appareils d'investissement

Figure 1 : Principaux composants d'un simulateur.

La simulation directe et la simulation inverse sont des algorithmes de mise en oeuvre des modèles. La
simulation directe permet de calculer les sorties connaissant les entrées, les paramètres et les propriétés
physiques. La simulation inverse permet de calculer des paramètres ou éventuellement des propriétés
physiques connaissant les entrées et les sorties.
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La méthodologie d'utilisation du simulateur a abouti à la mise au point de méthodes optimales adaptées

à l'objet de l'étude, i.e. le dimensionnement ou l'optimisation. La mise en oeuvre de ces méthodes et la
pertinence de leurs résultats dépendent des modèles d'opérations unitaires utilisés. Le paragraphe
suivant présentera les principaux modèles du logiciel concernant les séparations solide/liquide.

REPRESENTATION DES DIFFERENTES OPERATIONS DE SEPARATION SOLIDE/LIQUIDE

Dans la suite de cet article, la séparation solide/liquide aura la signification plus générale de
"modification de la concentration en solides". L'approche globale du procédé offerte par les simulateurs
autorise le suivi de la concentration en solides de tous les flux, et particulièrement un examen détaillé
du bilan eau de l'installation. Toute modification de la concentration en solides lors d'une étape amont
du procédé aura des répercussions sur les étapes finales de décantation et de filtration, sur l'évaluation
des quantités d'effluents et donc sur l'estimation du coût du traitement de ces effluents.
Les différents appareils qui agissent sur la concentration solide sont donc à leur mesure des séparateurs
solide/liquide.
Les hydrocyclones, par exemple, surtout connus dans l'industrie minérale comme classificateurs
granulométriques, ont une influence considérable sur le bilan eau. Lorsqu'ils sont utilisés en
déschlammeurs pour éliminer les fines d'un circuit, on observe typiquement, pour une alimentation de
circuit de l'ordre de 40 % en solides, une surverse de 5 à 10 % en solides et une sousverse de 50 à 60 %
en solide. La performance des cyclones dépendant par ailleurs fortement du débit volumique de leur
alimentation, l'optimisation d'un circuit de déschlammage en termes de séparation solide/liquide
consiste à trouver la quantité d'eau optimale à ajouter dans le circuit pour améliorer les performances
des cyclones sans dégrader le bilan eau total. Cette possibilité d'optimisation sera illustrée par la suite.
Les autres appareils du logiciel agissant sur la concentration en solides sont les cribles, dont le principe
de toile vibrante peut être appliqué aux égoutteurs, les classificateurs à vis et à râteaux, les jigs, les
spirales, les tables à secousses, les bancs et les colonnes de flottation, les épaississeurs, les filtres, les
précipitateurs dans lesquels la réaction peut consommer des quantités d'eau importantes. En outre, le
logiciel dispose de modèles spécifiquement dédiés à la gestion des bilans eau prévisionnels, tels que le
régulateur de concentration en solide ou le régulateur de débit volumique.
La plupart de ces appareils sont modélisés au niveau 0, c'est à dire que la performance de l'appareil en
termes de séparation solide/liquide est fixée par l'utilisateur. Les modèles qui décrivent cette séparation
sur des bases relativement phénoménologiques sont les modèles d'hydrocyclones niveaux 1 et 2 et le
modèle de filtre niveau 1. Ces modèles "prédictifs" sont présentés au paragraphe suivant.

A titre d'exemple, la Figure 2. montre un schéma typique de procédé de traitement d'un minerai d'or. Il
souligne l'importance des séparations solide/liquide à plusieurs titres :
· l'épaississeur central a pour rôle d'assurer les meilleures conditions de concentration en solides
pour le "Charbon En Pulpe" et le "Charbon En Colonne". Il est à cet égard un facteur clé de
l'économie du procédé,
· l'épaississeur qui récupère la pulpe après le "Charbon En Pulpe" représente la décantation des rejets
de l'usine avant la digue à stériles. Le recyclage de la solution cyanurée permet de respecter les
contraintes de propreté de l'environnement et de réaliser une économie des réactifs.
Le calcul du bilan (eau+réactifs) de cette installation est aisément réalisable avec des modèles de
niveau 0.

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Figure 2. Schéma typique de procédé de traitement d'un minerai d'or.

MODELES "PREDICTIFS" D'HYDROCYCLONE ET DE FILTRE A BANDE

HYDROCYCLONE.
Les modèles d'hydrocyclones sont basés sur des équations empiriques établies par L.R. Plitt (1976,
1990, 1991). La courbe de partage (corrigée) des particules en fonction de leur taille est représentée par
la formule suivante, appelée "de Rosin Rammler" :
é æ d ö ù
m

Yc (d) = 1 - exp ê-0.693ç ÷ ú

êë è d 50c ø ú
û (1)
avec :
d: taille des particules
Yc : proportion des particules de taille d qui vont dans la sousverse
d50c : taille des particules qui ont 50 % de chances d'aller dans la sousverse
m: paramètre caractérisant l'acuité ou la "pente" de la classification.
Quatre équations empiriques décrivent les paramètres d50c et m de la courbe de partage et le partage
volumique en fonction de la géométrie du cyclone et des caractéristiques de son alimentation. En
particulier, les équations donnant le partage volumique sont :
V exp(0.0055F)
1.88Q1.78
P=
( )
0.87
D 0.37 D 0.94
A H
0.28
D 2U + D 2O (2)
3.31
æD ö
( )
0.36
1.9ç U ÷ H 0.54 D 2U + D 2O exp(0.0054F)
è DO ø
S= (3)
Pm 0.24 D1.11
avec :
D: diamètre interne du cyclone (cm)
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DA : diamètre de la buse d'alimentation (cm)

DO : diamètre de la buse de surverse (cm)
DU : diamètre de la buse de sousverse (cm)
H: distance entre les buses de surverse et de sousverse (cm)
f: pourcentage volumique de solides dans l'alimentation
QV : débit volumique d'alimentation (l/min)
P: chute de pression dans le cyclone (kPa)
Pm: P exprimée en mètres de hauteur de pulpe (m)
S: ratio entre les débits volumiques en sousverse et en surverse.

L'effet du débit volumique d'alimentation sur la performance du cyclone en terme de partage de l'eau et
du solide est montré Figure 3. Elle représente les rapports des débits du liquide et des solides entre la
surverse et la sousverse du cyclone, la concentration en solides de l'alimentation restant constante.

2.5 Liquide

Rapport des débits

Surverse / 1.5
Sousverse
1
Solide
0.5

0
20 25 30 35 40 45 50

Débit volumique d'alimentation (m3/h)

Figure 3 : Performance du cyclone en terme de partage eau et solides.

FILTRE A BANDE.
Pulpe Solution de lavage

n lavages

Filtrat Solution diluée

Le modèle de filtre à bande est inspiré de l'ouvrage collectif de la Société Belge de Filtration (1974).
Les travaux reportés par les divers auteurs sur l'écoulement d'un fluide dans un milieux poreux,
moyennant les hypothèses suivantes :
- fluide incompressible,
- vitesse du fluide constante sur l'épaisseur du lit,
- texture des pores uniforme, milieu isotrope,
- régime laminaire (la perte de pression est causée uniquement par les frottements visqueux
du fluide sur la surface des particules solides),
conduisent à l'équation de Darcy :
DP. S
Q = (4)
m. R
avec :
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Q : débit de filtrat
R : résistance totale du filtre
DP : chute de pression entrée/sortie
m : viscosité dynamique du fluide
S : surface utile de filtration

Lors d'une filtration sur membrane, si au temps t il s'est écoulé le volume V de filtrat, on obtient en
supposant le gâteau incompressible :
dV DP.S DP.S 2
= = (5)
dt m. R m. r.c.V
avec :
c : concentration solide de l'alimentation en masse de solide par unité de volume du fluide
r : résistance spécifique du gâteau
La résistance totale du lit, R, s'exprime aussi :
R = r.c.V / S (6)

Pour une filtration à pression constante, si la membrane a une résistance R0, l'intégration de l'équation
différentielle de la filtration donne :
S. R0 2. P.S 2
V 2 + 2.V. = .t (7)
r.c m. r.c

Cette équation de base, complétée par une description du lavage basée sur des représentations de
l'écoulement du liquide dans les pores (écoulement piston, écoulement laminaire ou mélange parfait),
permet :
· connaissant les dimensions, les conditions de fonctionnement et la résistance spécifique du gâteau,
de prédire les débits des flux de sortie et les concentrations des liquides,
· ayant spécifié les performances au travers des flux de sortie et la résistance spécifique du gâteau
pour une pression de travail, de prédire les dimensions (longueur de la zone de filtration et de la
zone de lavage, nombre de lavages, largeur),
· ayant spécifié les performances au travers des flux de sortie et les dimensions, de calculer la
résistance spécifique du gâteau.

Ce modèle permet ainsi de dimensionner un filtre à bande à partir de tests de laboratoire ou d'essais
pilote.

CONCLUSION

Les logiciels de simulation statique constituent désormais une aide efficace dans les études de
dimensionnement et d'optimisation des procédés, que ce soit dans le cadre de l'industrie minérale ou
pour le traitement des effluents. Les modèles "de performance" sont utilisés pour calculer et définir la
concentration en solide de tous les flux d'une installation, et permettent de maîtriser le bilan eau. Les
modèles "prédictifs" permettent en outre de dimensionner des appareils de séparation solide/liquide et
d'optimiser leurs conditions de fonctionnement.
Des recherches importantes sont menées pour accroître la qualité des modèles existants, tant du point
de vue de leurs bases phénoménologiques que du point de vue de leur mise en oeuvre concrète.

REFERENCES

Bloise R., Rheinhart C., Batina J., 1983, "Etablissement de bilans matière statistiquement cohérents sur
des unités complexes", Revue de L'Industrie Minérale, pp 257-263, mars 1983.
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Broussaud, A., Guillaneau, J.-C., Guyot, O., Pastol, J.-F., Villeneuve, J., 1992, "Méthodes et
algorithmes pour accroître l'utilité et le réalisme des simulateurs d'installations de traitement de
matières minérales.", Revue de l'Industrie Minérale, les Techniques, Vol. 74, n° 5-92, pp. 146-152.

Broussaud, A., Conil, P., Fourniguet, G., Guillaneau, J.-C., 1989, "USIM PAC : premier logiciel
intégré d'aide à la conception et à l'optimisation des usines de traitement des minerais", Revue de
l'Industrie Minérale, les Techniques, juillet, pp. 1-12.

Durance, M.-V., Guillaneau, J.-C., Villeneuve, J., Fourniguet, G., Brochot, S., 1992, "Advances in
Research on Steady-state Simulator for Mineral Processing Plants", Paper presented at the MIRO
Annual Meeting, April, Coventry, United Kingdom.

Guillaneau, J.-C., Durance, M.-V., Libaude, J., Ollivier, P., 1993, "Computer-aided Optimization of
Mineral Processing Plants, a Case Study: Increasing the Capacity of the Shila Gold Mine, Peru",
Paper presented at the SME Annual Meeting, February 15-18, Reno, Nevada, U.S.A..
Preprint # 93-222.

Guillaneau, J.-C., Villeneuve, J., Blot, P., 1992, "Advances in the Design and Optimization of Mineral
Processing Plants", Proceedings of the APCOM 92, 23rd International Symposium on the
Application of Computers and Operations Research in the Mineral Industry, April 7-11, Tucson,
Arizona, U.S.A., Chapter 54, pp. 549-566.

Hodouin D., Everell M.D., 1980, "A hierarchical procedure for adjustment and material balancing of
mineral processes data", International Journal of Mineral Processing, Vol 7, pp 91-116, 1980.

Ouvrage collectif, 1974, La filtration industrielle des liquides, tome 1, Ed. Societé Belge de Filtration.

Plitt, L.R., 1976, "A mathematical model of the hydrocyclone classifier", CIM Bull., n° 69, December

Plitt, L.R., Guillaneau, J.-C., Broussaud, A., 1991, "Modélisation mathématique des hydrocyclones
avec décharge en boudin", Revue de l'Industrie Minérale, Mines et Carrières, Vol. 73, décembre,
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Wakeman R.J., Tarleton E.S., 1990, "Modelling, Simulation and Process Design of the Filter Cycle" ,
Filtration & Separation, Nov/Dec 1990, Vol 27, n°6, pp 412, 419.

REMERCIEMENTS

Cet article est la publication scientifique n° 94039 du BRGM ; il a été réalisé dans le cadre d'un projet
financé en partie sur crédits recherche du BRGM.

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