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Une capitale et ses habitants 

: Paris et les Parisiens à le fin du


Moyen Âge.

Paris ne s’est pas construite en un jour et son histoire l’atteste : lorsque les armées de
Jules César attinrent ce qu’ils renommèrent Lutèce en 52 avant notre ère, seule l’actuelle Ile
de la Cité était réellement habitée par les Parisii, un peuple gaulois. Lutèce n’était alors
qu’une petite cité comparé à Lugdunum, la capitale des trois Gaules. Ce fut Clovis qui en fit
la capitale du Royaume des Francs vers 506-508. Par la suite, les Mérovingiens et
Carolingiens laissérent presque la ville en l’état, tournés vers des impératifs de succession et
de conquête. A l’avènement de Hugues Capet, ce dernier y fit construire une muraille, mais il
ne résida que peu à Paris, lui préférant Orléans, tout comme ses successeurs. Mais à partir de
Louis VI (1108-1137) Paris redevient LA capitale : grand centre religieux dès le XI è siècle,
économique grâce à la position géographique de la ville et à la vie de cour, et bien sûr
politique, la population de la ville s’accoissant rapidement.
Ainsi, à la fin du Moyen-Age, donc dans Moyen Age tardif, Paris était la capitale du
Royaume, c'est-à-dire, selon l’étymologie latine, la « tête » de celui-ci. Elle remplit plusieurs
fonctions : c’est un haut lieu du pouvoir puisque la plupart des Rois y ont résidé dans le bas
moyen-âge, ce qui implique qu’ils y avaient aussi installé une certaine administration, et
étaient suivis par une « cour ». la capitale remplissait aussi une fonction économique grâce à
l’affluence de capitaux et à la circulation de marchandise. Etre un sujet du royaume à la fin du
Moyen Age n’était pas de tout repos par rapport à l’âge d’or relatif du Moyen Age central :
c’était en effet le temps des malheurs des temps, des famines, guerres et pandémies, et Paris
fut parfois au centre de ces crises. La propagation de la peste était plus rapide en milieu
urbaion à cause de la proximité, les luttes de pouvoir visaient souvent la tête du Royaume.
Ce sujet nous impose un angle de réflexion particulier, à savoir : comment définir Paris à la
fin du Moyen Age et en quoi ses habitants sont-ils de réels acteurs de cette capitale ? pour
répondre à ce questionnement, nous étudierons dans un premier temps la ville en tant que
Capitale du pouvoir, tout en nous demandant qui tient réellement les renes de la capitale ; par
la suite nous étudierons son rôle économique et la place que tiennent les parisiens dans cette
optique, pour enfin nous intéresser à l’importance des habitants de Paris à différents degrés au
sein de la Capitale.

I- Paris : une capitale du Pouvoir, mais qui a le pouvoir dans


la ville ?
Paris est à la fin du Moyen-Age la capitale du Pouvoir, par intermittence certes aux vues
de la conjoncture causée par la guerre de Cent ans et par les malheurs des temps,
cependant cette partie nous invite à réfléchir sur l’identité du détenteur du pouvoir réel
dans la Capitale : sont-ce le Roi et ses serviteurs, les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, et
de par ce fait, le peuple est-il soumis ou maitre de la ville ?

a) Paris et le Roi.
Dans le bas Moyen-Âge et en temps de paix le Roi réside normalement à Paris, dans des
Palais comme le Louvre ou l’hôtel Saint Pol dès 1365, choix de Charles V après son
avènement. Les organes du gouvernement y sont installés : la Chambre des comptes puis la
Chambre des aides, le Parlement de Paris établi à côté du Palais royal dans l’Ile de Cité, et
chargé entre autres de la justice déléguée et de la représentation du gouvernement royal, ou
encore le prévôt de Paris qui cumulait des fonctions de Justice, de Police, et d’administration,
et qui représentait également le gouvernement. La prévôté de Paris était constituée de
plusieurs chambres, à savoir : la chambre de la prévôté au parc civil, le présidial, la chambre
de police, la chambre criminelle, la chambre du prévôt de l’Ile de France, la chambre du
procureur du Roi et la chambre du juge auditeur remplissant les fonctions précédemment
décrites. Paris est donc une capitale en ce qu’elle réunit peu ou proue la totalité des
institutions royales, montrant par la même la main du Roi sur la ville.
L’action des Rois dans la capitale est à analyser de plus près : antérieurement à notre période,
Philippe Auguste avait fait construire une enceinte de 5300 mètres de circonférence autour
des zones déjà urbanisées de la capitale, achevée à la fin du XIIIè siècle. Cet exemple montre
que la volonté des Rois est de favoriser le développement de Paris, en protégeant la cité, et en
stimulant l’essor urbain. Au 14è siècle, Charles V, dans une volonté de protéger la capitale
dans le contexte de la guerre de Cent ans renforça la muraille de Philippe-Auguste en incluant
de nouvelles terres sur la rive droite, ce qui ne fit que renforcer l’essor urbain de la capitale.

Mais la volonté royale n’était pas toute puissante : il avait en face de lui un peuple plus ou
moins conscient de sa force, et qui savait en jouer. Le roi n’était donc pas tout à fait maitre de
sa capitale.
En ce qui concerne les taxes, charges et aides, les parisiens sous la régence du futur Charles V
furent frappés autant que les ruraux, bien qu’il leur fut facile par la suite d’obtenir des
allègements soit par fraude (par exemple la falsification des livres d’estime) soit par
négociation. Des émeutes antifiscales eurent lieu. En l’occurrence, sous Charles VI, le
pouvoir comprit l’importance de ménager les grandes villes : le Roi divisa les grandes tailles
par deux pour qu’elles soient moins lourdes que ce qu’elles aurait du être.
De surcroit, le pouvoir royal se heurtait souvent à la volonté des parisiens : pour ne citer
qu’une anecdote, les prévôts du Roi tentèrent tous d’établir des noms de rues, donc des
numéros de maison et des adresses fixes pour faciliter la levée des impôts, c’était sans
compter la résistance du peuple qui étaient plus que réticents à rendre l’espace parisien lisible
pour les étrangers, et qui profitaient de ces zones d’ombre topographique.

Nous parlerons ci après de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, guerre au sein
de laquelle Paris et ses habitants tinrent une grande place, mais il faut dorénavant stipuler que
Charles VII rétablit l’unité des institutions de Paris en 1436, capitale qu’il avait renié depuis
longtemps suite à la lutte de succession, et qu’il choisit de ne pas procéder à des épurations
contre ses anciens adversaires, en préférant reconstituer l’unité du milieu des officiers royaux
par exemple. Ce choix royal montre que le Roi ne peut pas imposer sa volonté sans qu’il y ait
de conséquences néfastes possibles : la période des bourguignons a prouvé que Paris était un
centre politique et pouvait se retourner contre le Roi, donc que la capitale présentait des
dangers. Enfin, d’autres obstacles heurtaient la volonté de mainmise des Rois sur la capitale :
l’influence des seigneurs, et de la future municipalité de Paris.

b) Une ville partagée entre la municipalité, l’évêque et le seigneur.


Paris est constitutée d’un maillage complexe entre différentes instances toutes détentrices
d’une partie du pouvoir sur la capitale. Ceci peut se révéler dangereux puisque trop diviser le
pouvoir revient parfois à le faire disparaître. Les Seigneuries et les paroisses sont imbriquées,
et les quartiers crées par les autorités royales ne sont pas en accord avec les limites de ces
dernières : l’évêque, les seigneurs ecclésiastiques et laïcs et enfin le Roi doivent donc se
partager les compétences. Des tensions se créent, par exemple l’abbaye Sainte-Geneviève,
grande seigneurie parisienne, s’octroie les droits de haute Justice comme les crimes de sang et
ne laisse à la Justice royale le droit de juger sur sa seigneurie que les crimes de lèse-majesté
ou de faux-monnayage, alors que ladite Justice Royale n’aurait voulu lui concéder que les
droits de moyenne et de basse justice. Autre exemple révélateur, la délivrance des prisonniers,
c'est-à-dire le droit de grâce ; peut être accordée par la charité royale, les chanoines de Notre
Dame le jour des Rameaux ou bien par l’évêque de Paris le jour de son avènement : ceci n’est
qu’un exemple de plus de l’imbrication des pouvoirs, notamment en matière judiciaire. Les
parisiens ont donc appris à profiter de ce flou et jouent à l’occasion de la pluralité des
pouvoirs en remontant une autorité contre une autre, en provoquant des altercations entre les
sergents du prévôt du Roi et les sergents seigneuriaux.
Une autre institution fut aussi considéré comme un organe de pouvoir politique, même si elle
n’avait à la base pas été créée pour ça : le prévôt des marchands de Paris. Le prévôt des
marchands assisté de ses quatre échevins étaient les chefs de ce que les historiens appellent la
municipalité parisienne. En offrant un statut de fonctionnaire en 1246 au prévôt du Roi, Saint
Louis décida en même temps de donner les statuts de prévôt et d’échevins aux plus puissant
membres de la corporation des marchands de l’eau, pour laisser leurs prérogatives aux grands
bourgeois de Paris. A la base, le prévôt des marchands s’occupait seulement de
l’approvisionnement de la ville par voie fluviale et des affaires de marchandises mais cette
institution purement parisienne acquit vite un pouvoir politique grâce à ses liens avec la haute
bourgeoisie. A la faveur de la crise la prévôté des marchands se transforma vraiment en
municipalité, adopta symboliquement un siège prestigieux et rassembla les habitants derrière
ses emblèmes : les menaces et les crises du 14è siècle permirent son affirmation. Cette
institution municipale est la preuve de la poussée de la bourgeoisie urbaine dans la ville, et de
l’étendue de son Pouvoir. Le plus connu d’entre eux fut Etienne Marcel, prévôt de 1354 à
1358, qui après avoir participé aux Etats Généraux en 1355 et 1356, proposa l’année suivante
une Grande Ordonnance visant à controler la monarchie, en matière d’impôt et
d’administration. Constatant l’échec de l’instauration d’une monarchie régulée par la voie
législative, il tenta de soulever le peuple parisien, fatigué des aides ponctionnées pour payer la
rançon de Jean II le Bon, mais le peuple est vite découragé, et la noblesse et la haute
bourgeoisie se rallient au parti du dauphin. Après ces évènements, le prévôt des marchands
eut de moins en moins de pouvoirs, jusqu’à disparaître en 1383, puis réapparut en 1412 mais
resta une institution complètement subordonnée au Roi, qui y plaçait des hommes de
confiance. Toutefois, ces exemples montre l’importance du peuple parisien dans les grandes
affaires touchant au Royaume, et la dangerosité de la Capitale pour le pouvoir royal, si leurs
intérêts sont divergents.

c) La caisse de résonnance des crises politiques : quand les habitants prennent la


ville.

Une capitale, rappelons-le, la tête du royaume, joue parfois le rôle de caisse de résonnance en
temps de crise. Le bas Moyen-Âge est riche en évènements et Paris a parfois provoqué ou
subi ces crises, en se rebellant contre les différentes autorités que nous avons étudiées. Ce sont
des périodes ou le pouvoir découvre ou redécouvre à ses dépens que tenir la capitale, c’est
aussi ne pas se mettre à dos les parisiens. C’est le cas notamment de la Révolte des
maillotins : à la mort de Charles V en 1380, son fils Charles VI n’a que 12 ans et ses oncles
assurent donc la régence. Ces derniers augmentèrent imprudemment les impôts provoquant
une révolte dans tout le Royaume, révolte entamée par les habitants de Paris qui se rendirent
maitres de la Capitale, pillèrent la ville et assassinèrent un grand nombre de collecteurs
d’impôts avec des maillets, d’où leur nom. La révolte fut enterrée dans un bain de sang. Cet
évènement n’est qu’une exemple parmi tant d’autres de rébellions populaires opprimées par le
gouvernement royal, et elles ne durent souvent pas, mais d’autres émeutes sont bien plus
profondes et reflètent de réelles crises se propageant dans tout le royaume. C’est le cas de la
révolte cabochienne, un épisode de la guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons. Autour
de Jean sans Peur s’organise le parti bourguignon, composé de marchands de Bourgogne et de
Paris notamment, alors qu’autour de Louis d’Orléans, frère de Charles VI devenu fou, puis de
son fils Charles d’Orléans, s’organisent les Armagnacs, dont une partie des financiers
parisiens font partie. De 1409 à 1419, deux clans s’affrontent pour tenir Paris. Les
bourguignons tiennent la ville jusqu’en 1413. Mais une faction populaire conduits par Simon
le Coutelier dit Simon Caboche organise une insurrection qui pousse les bourguignons à
prendre une ordonnance (26-27 mai 1413) qui prévoit l’élection des officiers, la réduction de
leur nombre, la restructuration de l’administration. L’influence du peuple parisien est donc
visible, même si une certaine manipulation des Princes est bien réelle.Toutefois cette réforme
ne sera pas appliquée puisque les armagnacs, alliés à Charles de France, fils de Charles VI
soutenant les « écorcheurs » (cabochiens surnommés ainsi, probablement car beaucoup de
bouchers font partie des révoltés) font en effet la reconquête de Paris jusqu’en 1418. Le beau-
père de Charles d’Orléans, Bernard VII mène alors une politique d’exactions et de pillage
dans la capitale et devient très impopulaire. Les Bourguignons reviennent donc à Paris en mai
1418, chassant l’héritier, en partie grâce à la demande du peuple parisien qui ne supporte plus
ces exactions. L’année suivante, les anglais prirent Paris, qui ne sera libérée qu’en 1436. Cette
guerre montre bien que Paris est sujette à une lutte effrenée dans le cadre de la guerre civile et
de la guerre de Cent ans, et que ses habitants furent en partie des acteurs dans celles-ci, car
par leurs révoltes ils ont participé à l’installation des bourguignons, armagnacs ou anglais.

A la fois centre politique et capitale au pouvoir contesté, Paris se caractérise aussi par ses
fonctions économiques et commerciales, et par le rôle de ses habitants hétéroclites dans ces
secteurs.

II- Un centre économique et commercial.

La capitale du Royaume bénéficie d’une position géographique idéale en matière de


commerce : elle fait la jonction entre les différents itinéraires commerciaux, et sa prospérité
economique en temps de Paix participe à l’essor urbain.

a) Une ville à la croisée des chemins : richesse et opulence du peuple choisi de Paris.

Ce n’est pas par son action militaire que la ville tend à s’imposer mais bien par sa puissance
financière, son aptitutde à négocier, et à –en cas de besoin- arracher contre de l’argent le
départ des pillards, et plus particulièrement des Grandes Compagnies. Paris au 14è siècle
revendique le rôle directeur de l’état, comme d’autres villes par ailleurs, comme Gand ou Aix
en Provence. Paris regroupe la fine fleur de la noblesse fortunée et de la haute bourgeoisie
même si bien sûr, tous n’y vivent pas. En 1475, un anonyme exaltait la « capitale de ce
royaume de laquelle sont soutenues et alimentées les autres villes de ce royaume comme les
membres au cœur », or il semblerait bien que ce soit l’inverse : c’est Paris qui se nourrit du
reste du Royaume, car la capitale ne serait que peu de choses sans les afflux du plat pays et
des autres villes. Il semble que certains apportèrent beaucoup à l’économie urbaine : par
exemple, les moines ayant du abandonner leur monastère, ou les nobles ayant du acheter un
hôtel urbain, car l’arrière pays était attaqué, en révolte ou en proie à la famine : ces nouveaux
arrivants dépensent leurs réserves en ville, ce qui n’est pas négligeable en temps de crise, et
enrichit la ville en temps de Paix. Les bourgeois de Paris ont fondé leur prospérité sur la
proximité avec le Roi et l’accumulation du pouvoir politique et économique, cet entregent
stimulant donc de l’offre et de la demande dans la capitale. Ces facteurs expliquent que la
puissance économique et commerciale parisienne, malgré des périodes difficiles, se releva
sans trop de difficultés : le mouvement des affaires en 1380 égalait celui de l’avant peste et
atteugnit autour de 1400 un niveau qui ne fut pas égalé avant 1520. Selon Guillebert de Metz,
copiste flamant connu pour sa Description de Paris datant de 1434, Paris était à la fin du 14è
et au début du 15è siècle « en sa fleur », grâce à l’injection de capitaux de la haute société
parisienne, et aux multiples métiers dont regorgeait Paris.

b) Un vivier de métiers : une situation économique qui rend la ville attractive.

Paris aux 14è et 15è siècles a de multiples facettes, et concentre la majorité des métiers
présents dans le Royaume. Paris au début du 14 è siècle comptait 100 à 150 métiers différents
(Etienne Boileau, prévôt de Saint Louis en comptait dans les années 1260’s 101 dans son
Livre des Métiers) , et les mêmes métiers avaient tendance à se regrouper dans une même rue,
un même quartier, comme nous le montre les livres de taille de la ville. Ceci représente un
avantage pour les clients ainsi que pour les professionnels qui peuvent se structurer plus
facilement : comme des tailleurs situés près de couturières et des tanneurs. En réalité, un
artisan avait tendance pour gagner sa vie à faire plusieurs tâches, même s’il était spécialisé
dans un domaine. Cependant, à Paris nait progressivement une politique monopolistique des
métiers, chaque profession organisée défendant ses positions économiques, réglementant
strictement les activités et les techniques de ses membres et veillant farouchement sur les
autres corps de métiers.
La rive droite est le quartier des marchands et des financiers,l’activité économique étant
provoqué par les besoins de consommation et le drainage des fonds réunis par les organes du
pouvoir royal. C’était aussi reconnu pour être le quartier des bouchers, travail rémunateur
mais peu valorisé, et pourtant ce corps était soudé, même politiquement si l’on fait référence à
la révolte des cabochiens. La rive gauche était surtout composée d’artisans, et la Seine comme
la Bièvre, rivière de Paris, regroupaient les métiers qui nécessitaient de l’eau, autant pour en
puiser que pour y dévider ses salissures. Les activités de production et d’échange se
déroulaient dans des maison ordinaires, même si elles avaient tendance à s’étendre dans la
rue, à l’aide d’étals protégés d’un auvent, appelés « fenestres à vendre ».
La prospérité de Paris et sa capacité à surmonter les crises est incontestée au moyen age
tardif ; grâce aux activités multiples, mais la capitale génère aussi des exclus en temps de
troubles comme en temps de paix.

c) Les exclus

Comme toute ville au Moyen-Age, Paris fit parfois office de centre d’accueil. Les mendiants,
malades, vieillards abandonnés espéraient y trouver refuge, et bénéficier de la charité
chrétienne ou institutionnalisée, dans l’Hopital de l’Hostel Dieu, qui soignait l’âme en
premier et le corps par la suite et était plus considéré comme un refuge temporel, ou le quinze
vingt pour les aveugles. Quand les malheurs des temps étaient trop lourds, les paysans sans
terre venaient chercher fortune en ville, ainsi que ceux qui s’étaient fortement appauvris après
la levée des impôts, ou qui avaient été pillés par les chevauchées ou les compagnies.Ces
derniers étaient souvent mal accueillis, et l’âge d’or de l’immigration ne rimait pas avec l’âge
d’or des immigrés : la capitale souffrait en même temps que le royaume et pouvait se révéler
un foyer de la pandémie comme une ville sans pain.
Selon Jean Favier, à la génération des « manouvriers désabusés » succéda la génération des
manouvriers paupérisés vers 1420 : ces derniers, payant le prix de la conjoncture qui mêlait
retour dex pestilences, disette et guerre, ne pouvaient plus vivre de leur maigre salaire. Par
ailleurs, cette période du Moyen Age tardif vit arriver, selon les chroniqueurs, nombre de
« gens nus et crus ».
Paris, grande ville, est donc forcément sujette à ces arrivées de miséreux, puisqu’elle est un
centre d’activités, et qu’elle est plus ou moins bien fortifiée.

Ainsi, Paris au Bas Moyen Age cumule les fonctions de centre économique et politique, ce
qui est en partie dû aux habitants qui composent la ville.

III- L’importance de ses habitants.


Les deux parties précédentes nous ont montré l’importance des parisiens dans la capitale, tant
aux niveaux économiques que politique. Il nous reste à savoir comment ces sujets du
Royaume vivent et appréhendent Paris, et quelle est leur réelle influence sur la capitale.

a) Mixité sociale au cœur de la ville.

En 1328, les historiens mesurent à peu près le nombre d’habitants de Paris à 200.000
habitants, chiffre énorme pour l’époque. Cependant les malheurs des temps, et en premier lieu
la Peste qui ravagea la capitale de 1348 à 1352, puis la guerre de Cent ans, firent que la
population fut divisée par deux jusqu’à fin de la première moitié du 15è siècle. L’essor de la
population urbaine n’est pas dû au solde positif des naissances, il est causé par l’exode rural et
l’attirance que provoque la capitale. Les troupes de l’immigration variaient en effectifs et en
qualités sociales : la noblesse venait s’y installer principalement pour se rapprocher du
pouvoir royal, ou par intermittence, se partageant entre ses possessions dans le plat pays et la
capitale du Pouvoir. L’influence de l’évêché de Paris, son Université de théologie et la quête
d’un poste dans le haut clergé amenait les membres ou futurs membre du clergé, souvent issus
de bonne famille, à s’installer à Paris. L’essor économique de la ville en temps de Paix
paraissait prometteur aux yeux des habitants du plat pays alentour, et même du population
immigrée venue de plus loin, comme par exemple les bretons qui arrivèrent en masse au début
du XIVè et héritèrent d’une rue à leur nom. En temps de guerre, Paris et ses murailles
offraient un semblant de protection, et la guerre de Cent ans poussa de nombreux habitants du
Royaume à quitter leur cité pour gagner Paris, en espérant y trouver sûreté et emploi. Les
différentes crises qui traversèrent le Royaume au cours des XIV et Xvè siècles firent venir les
victimes de la pauvreté rurale, dont le village avait été pillé, ravagé par la guerre ou la peste,
ou qui ne pouvaient tout simplement plus subvenir à leurs besoins dans ces temps de misère.
C’est sans doute cette forte population dans la ville qui rend la capitale dangereuse pour le
Pouvoir royal, qui n’est pas à l’abri d’une émeute frumentaire indomptable en cas de disette,
ou d’une révolte populaire provoquée par un orateur mal intentionné. D’autant plus que dans
le Bas Moyen Age, la capitale ne connaît pas encore ou peu de ségrégation géographique de
revenus ou entre les différentes castes sociales. La sociotopographie médiévale à Paris est
difficile à analyser car très disparate : il existe bien des lieux spécifiques aux gens de pouvoir,
comme les officiers et hommes de lois parisiens se groupant autour de l’ile de la Cité, ou les
notables de la bourgeoisie marchande résidant de part et d’autre de la grande croisée de la
place de Grève, tout comme la rue Saint Victor est celle des archidiacres, mais le petit peuple
parisien fréquente et habite lui aussi ces lieux. Nous pouvons ici parler d’une manière plus
juste de zonage horizontal, les plus riches ayant les fenêtres donnant sur la rue, les autres sur
l’arrière-cour, et de zonage vertical, les logis les moins chers étant souvent sous les toîts, sans
compter les différences de tailles et de conceptions des logements en fonction de la richesse.
A contrario, le mélange social connut une poussée dans la première moitié du 15è siècle,
puisque de 1410 à 1422, le prix des loyer chuta de 90% dans la Capitale, permettant aux
« Menus » qui avaient encore quelques réserves d’habiter un logement normalement réservé à
des locataires plus aisés.
La population parisienne est, pour résumer, tout ce qu’il y a de plus hétéroclite, les surnoms
dans les actes de la pratique révélant des origines diverses, la population étant plus ou moins
mélangée en dépit de la fortune de chacun. Ainsi, d’un point de vue plus historiographique,
nous pouvons nous demander si la meilleure définition d’une ville ne tient pas au rôle de ses
habitants ?

b) Malgré tout, une ville faite par les parisiens ?

Les parisiens jouèrent sans conteste un rôle important au sein de la capitale, s’appuyant tour à
tour sur tel parti revendiquant le pouvoir, et participant à l’essor commercial, financier,
économique de leur ville.. Une grande ville ne peut pas se comprendre sans l’étude des
activités, des usages et de la manière de vivre de ses habitants. Ce sont les habitants qui ont en
partie construit la ville, par exemple avec la perpétuation des contrats d’hostises, dans lesquels
un seigneur offrait à un preneur de s’installer sur ses terres à des conditions avantageuses,
comme le cens fixe ou la construction d’une maison.
De même la contribution financière de tous a permis, certes sur des ordonnances et à la
demande de la municipalité, de créer une forme d’urbanité en imposant à chaque citoyen de
respecter les rues de la ville et son fleuve, par exemple en interdisant de se débarrasser de ses
eaux usées et de ses ordures n’importe où, et même si cela n’a pas toujours été respecté, ceci
montre l’impact des parisiens sur leur ville. Avec leurs impôts, ils aidèrent à fortifier la ville,
en faisant reconstruire des parties de muraille ou en creusant eux-mêmes des fossés tout
autour. Les parisiens participèrent aussi à la défense de leur ville, en payant avec leurs taxes
les équipements des hommes en arme gardant ladite muraille, les arbaletiers et archers.
Ainsi, les parisiens, qu’ils soient riches ou pauvres, seigneurs ou mendiants, de passage ou
issus d’un lignage établi de longue date à Paris, ont tous amenés une pierre à l’édifice, donc à
la construction voire à la reconstruction de la ville.

Pour conclure, nous avons dressé un bref tableau de Paris et des parisiens à la fin du
Moyen-Age, en s’appuyant sur des points spécifiques décrivant les fonctions d’une capitale et
le rôle joué par ses habitants, ou bien en approfondissant l’évènementiel. Nous avons donc
étudié les données politiques de Paris, en se questionnant sur la fonction de Paris sur ce thème
ainsi que sur les réels détenteurs du pouvoir dans la capitale, puis nous avons analysé
l’économie et le commerce parisiens et l’intégration de ses habitants dans ce processus
d’essor ou de déclin temporaire, pour enfin nous intéresser aux parisiens en eux-mêmes : qui
étaient-ils et en quoi étaient-ils de réels acteurs au sein de leur cité aux 14è et 15è siècle.
Toutefois le débat reste ouvert, et chaque historien a sa propre définition de la Capitale et de
ses habitants, en choisissant des angles d’approche diverses.

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