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François Boucq : « Vermeer, Rembrandt,

Michel-Ange, c’est l’universel »


Par Maïlys Celeux-Lanval • le 13 août 2021

Chaque mois, une personnalité nous raconte sa


rencontre décisive avec une œuvre d’art. Auteur de
bandes dessinées, lauréat du grand prix d’Angoulême
en 1998, François Boucq s’empare du Palais des
Beaux-Arts de Lille à l’occasion d’une retentissante
carte blanche. Généreux, il nous confie son amour du
dessin, sa lecture particulière des Noces de Cana et son
éblouissement devant les tableaux de Vermeer.

Portrait de François Boucq

« Comme j’ai eu tendance à aimer le dessin dès l’enfance, j’en voyais plein. Parfois,
c’était des dessins très bizarres. Je me souviens d’un type qui dessinait sur des carreaux
de faïence. Il était impressionnant, il y avait une telle virtuosité dans sa manière de
faire… C’était un artisan dont je ne me rappelle pas le nom, du genre qu’on rencontre
sur des lieux de vacances, des mecs qui essaient de gagner leur vie. Comme les types
qui font du bombage devant les églises aujourd’hui !

Plus avancé en âge, j’ai vu des Rembrandt, des Ingres, qui sont autant
d’événements impressionnants : le Bœuf écorché, la Ronde de nuit, les Vermeer… À
16 ans, j’ai fait un voyage de classe au Louvre. Je me retrouve en face des Noces de
Cana de Véronèse. Apparemment, c’est un tableau monstre ; en le regardant – je
dessinais déjà –, je me dis : « c’est bizarre, ce tableau est déstabilisé ». Je ne savais pas
dire pourquoi, mais j’avais l’impression qu’il avait des erreurs de perspective, alors
même qu’il a des allures de perspective sophistiquée. Bien plus tard, vers 25/30 ans, je
me suis rendu compte que ce tableau a tout un langage de composition qui est à la base
de cette géométrie ; j’ai découvert qu’il est sous-tendu par un langage d’une symbolique
extrêmement puissante, qu’il est exactement comme une façade de cathédrale, mais
recouvert d’une anecdote. Je me suis aussi rendu compte que c’est le cas pour de
nombreux tableaux, et qu’il faut être instruit de cette dimension.

Paolo Veronese, Les Noces de Cana, 1563

Un autre événement important, c’est quand je me suis retrouvé au Rijksmuseum.


Vous avez là les Rembrandt, bien sûr, dont la Ronde de nuit, la Fiancée juive, c’est
magnifique. Puis, une salle avec des peintres très minutieux, qui font des intérieurs
flamands. Je les regarde attentivement en me disant : « tout ça est vachement bien
foutu. » Je prends du temps à regarder chacun de ces tableaux… Mais en sortant de
cette salle, je me retrouve devant un mur où il y a quatre Vermeer, : une Vue de Delft, la
Jeune fille à la perle, la Laitière et une Liseuse. D’un seul coup, je suis devant ces
quatre tableaux et je me demande pourquoi j’ai passé un temps fou devant les petits
maîtres alors que l’essentiel est là !

Johannes Vermeer, La Laitière, vers 1660

Comment expliquer ça ? Cette dimension qui dépasse toutes les autres ? Ce que je
pense, c’est qu’il y a trois étapes dans l’évolution artistique : il y a des artistes qui sont
des artistes décoratifs, des gens qui font en sorte que votre vie soit agréable, qui
produisent des tableaux qui ne vont jamais bouleverser ce que vous êtes. Puis, il y a
l’aspect thérapeutique : l’artiste a besoin de pratiquer son art, c’est grâce à ça qu’il a la
possibilité de se voir, de réfléchir et de se transformer. Et la troisième étape, dans
laquelle je mets Vermeer, Rembrandt, Michel-Ange, c’est l’universel. Celui qui est
arrivé à ce niveau-là peut toucher n’importe quel individu. Sans savoir exactement
pourquoi, parce que ça touche à une universalité de l’art. Donc, quand j’étais devant ces
Vermeer, je me suis dit : je ne sais pas comment il a fait mais… Voilà. »

Open Museum #7 - François Boucq trompe l'œil au musée !

Du 16 juin 2021 au 8 novembre 2021

pba.lille.fr

Palais des Beaux-Arts de Lille • 18 bis, rue de Valmy • 59000 Lille


www.pba-lille.fr

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