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1995/1 n˚ 7 | pages 59 à 80
ISSN 1164-4796
ISBN 9782130469315
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychosomatique-1995-1-page-59.htm
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INTRODUCTION
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ressortit à la complexité du monde dans lequel se déploie l’action. C’est
le cas lorsque n existe pas de solution satisfaisante aux questions soule-
5
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Dans la définition du terme de doctrine, le terme de notion doit être
entendu dans le sens numéro deux (c’est dans un second temps seule-
ment qu’éventuellement, grâce à un travail théorique, la notion peut acqué-
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rir un statut de concept. Mais, même dans ce cas, ce travail qui anoblit
la notion ne solde pas l’équivoque de son rapport au réel et n’élimine
pas ses dimensions intuitive et synthétique, mais seulement son carac-
tère imprécis). Tout le travail théorique en psychosomatique n’a de prix
que pour ceux qui acceptent la doctrine. Et les controverses entre théo-
riciens de la psychosomatique ne sont possibles qu’entre ceux qui parta-
gent un même corpus doctrinal.
En quoi consiste la doctrine qui sous-tend la perspective psychoso-
matique ? Il me semble qu’elle s’appuie, dans l’Ecole psychosomatique
de Paris, sur les notions suivantes : la psychogenèse des maladies soma-
tiques ; la causalité endogène ; la structure hiérarchisée des fonctions ;
le principe de prédictibilité.
La causalité endogène
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Dans l’apparition d’une pathologie somatique le « terrain » joue un
rôle déterminant, ou encore, entre terrain et événement dans l’analyse
de la causalité, c’est le terrain qui l’emporte. Le terrain constitue la cause
dernière des maladies somatiques. Le terrain est avant tout psychique.
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Le principe de prédictibilité
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Accorder une valeur prédictive à l’organisation mentale c’est formu-
ler du même coup le primat de l’mÆmsubjectivité (sur Y intersvb]ectivité).
C’est aussi affirmer que des lois naturelles et universelles relient le fonc-
tionnement psychique aux maladies somatiques. En d’autres termes, Marty
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sir lui-même ne serait jamais direct, il serait acquis par une subversion
de la souffrance (et pas forcément par érotisation de cette dernière, comme
dans la masochisme). L’amour et la sublimation sont aussi des destins
heureux de la souffrance, mais ils sont en quelque sorte le résultat d’une
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consiste la souffrance subjective du sujet atteint de maladie somatique ?
Cette souffrance n’est jamais réductible à ce qui se passe dans le corps
biologique. C’est évidemment là que réside le point le plus complexe
de cette conception, qui est aussi le fait clinique le plus frappant. On
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ne souffre pas d’une cause ou d’un objet mais d’une situation et cette
situation n’est jamais celle de la seule maladie mais celle d’un sujet pris
dans une histoire et dans des rapports intersubjectifs que la maladie vient
perturber et qui vont aussitôt, dans la cure, s’organiser autour de la dyna-
mique intersubjective transfert/contre-transfertl.
1. Du point de vue théorique, dans un temps qui n’est plus doctrinal, surgit l’exigence d’expli-
quer comment des bouleversements survenant sur l’axe souffrance-sens dans le monde subjectif
peuvent affecter l’axe cause-effet dans le monde biologique, alors que l’approche psychosomati-
que ne donne accès à aucune intelligibilité de cet axe cause-effet et qu’en outre nous sommes
dubitatifs à l’égard de l’existence même de liens de causalité dans le monde subjectif. Cette ques-
tion n’est pas d’ordre doctrinal. Elle est d’abord théorique et ensuite épistémologique. Elle ren-
voie à la question connue sous le nom de monisme ou dualisme. Je ne reprendrai pas cette question
ici, à la fois parce que je l’ai exposée ailleurs en détail (Dejours, 1994b) et parce qu’elle est sans
enjeu direct pour la discussion théorique avec l’œuvre de Marty et les collègues de l’Ecole de
Paris qui se sont par ailleurs peu engagés sur cette question.
En substance, ma position sur le problème monisme-dualisme consiste à récuser l’hypothèse
d’une articulation entre psyché et soma. L’articulation n’est jamais réussie et les rapports entre
les deux sont au mieux du type de la subversion (subversion libidinale de l’ordre biologique),
c’est-à-dire de l’ordre d’un détournement partiel d’une fonction de son destin biologique origi-
naire (en faveur de l’homéostasie) pour l’orienter vers une fonction expressive (l’agir expressif),
au service de l’ordre érotique. Cette conception est issue de la théorie de l’étayage de Freud et
du commentaire de Laplanche (Laplanche, 1970). De même que nous sommes un corps biologi-
que, de même nous habitons dans un deuxième corps, le corps érogène, siège de la corporéité.
De ce fait, tout événement biologique n’atteint jamais un corps animal seulement, mais atteint
aussi le corps habité, le corps expressif. Ce qui confère à cet événement, biologique au départ,
une forme singularisée et humanisée. Dans cette perspective, dès lors qu’il pénètre dans un corps
humanisé, l’événement biologique n’est plus seulement biologique, il inaugure en même temps
des processus psychiques qui relancent éventuellement la dynamique de subversion du fonction-
nement biologique. Autrement dit, le corps humanisé n’est jamais uniquement la cible passive
des événements biologiques. Il réagit toujours et physiquement et psychiquement. Ces réactions
dans le domaine du corps érogène dépendent, pour une part, de l’organisation mentale préexis-
tante, de sorte que le même événement biologique engendre une dynamique dans le corps éro-
gène dont les caractéristiques sont aussi différentes entre deux êtres qu’entre deux personnalités
différentes. Il faut renoncer à tout parallélisme entre un type de maladie somatique et un type
de structure mentale (c’est-à-dire au monisme paralléliste, ou au monisme nomologique dans la
terminologie de Davidson). Dans ma conception, la prédisposition psychique à une maladie soma-
tique particulière est une hypothèse inutile. Le diabète par exemple ne serait incompatible avec
aucun type de structure mentale, contrairement à ce que d’autres et moi-même affirmions autre-
fois, à tort me semble-t-il aujourd’hui. Le processus de subversion libidinale des événements bio-
logiques est compatible avec la thèse soutenue par le logicien et épistémologue Donald Davidson :
Théorie du monisme anomal (1970). Dans cette perspective toujours, il n’y a plus d’incohérence
entre déterminisme dans le monde de la nature et liberté dans le monde humain, le rapport entre
66 Christophe Dejours
Réhabilitation de Vévénement
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De plus je suis conduit à réhabiliter Y événement susceptible de bou-
leverser l’organisation et l’ordre établis, c’est-à-dire l’événement impré-
visible et potentiellement mutatif. Cette puissance mutative de l’événement
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,
(Suite de la note 1 page 65).
événement physique et événement mental étant de type anomal. Il s’agit là d’un monisme non
paralléliste et non matérialiste. Et l’on comprend grâce à cette interprétation aussi comment un
événement psychique portant la marque de la liberté et du sens peut affecter l’ordre biologique
fondamentalement soumis au déterminisme. Je n’entrerai donc pas plus avant dans cette question
de la façon dont les événements survenant dans l’axe souffrance-sens affectent l’axe cause-effet
dans le registre du soma, qui est traitée ailleurs.
Doctrine et théorie en psychosomatique 67
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ment son statut d’événement proprement objectif. Dans certains cas
c’est l’impossibilité de construire le sens qui fait événement. Mais la
question du sens est préalable, pour que puisse advenir l’événement du
non-sens, ce qui est très différent d’un événement objectif non soumis
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sa vocation d’intersubjectivité1 : c’est le lien par lequel nous pouvons
nous reconnaître les uns les autres et échanger entre nous. C’est par
l’entremise du corps que s’effectue la grande expérience de l’humanité,
celle de l’amour; c’est à le contempler, à l’éprouver, à le subir que
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mes l’interprétation peut avoir le statut d’événement (au sens précisé dans
le point 2) générant une crise, évoluant dans le sens d’un remaniement
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structural (favorable ou défavorable = une interprétation peut résoudre
un conflit intrapsychique, mais elle peut aussi tuer).
L’interprétation a donc statut d’action. Ainsi pourrait-on caractériser
cette position sous le terme de « radicalisme herméneutique » ou comme
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REMARQUES INTERMÉDIAIRES
Elle n’est pas originale. Elle résulte d’un travail à rebours qui, parti
de la conception de Marty et Fain, puis soumis à la pratique clinique
pendant vingt ans, a nécessité, a posteriori, une réévaluation. Mais la seule
réévaluation n’aurait pas suffi. Les choix doctrinaux résultent aussi de
la confrontation aux philosophes, aux épistémologues et aux théoriciens
des autres sciences humaines, notamment de la théorie sociale. Ces choix
sont fortement inspirés par la théorie éthique d’Aristote et par les débats
contemporains sur la théorie de l’action, par la phénoménologie et l’her-
méneutique, conduisant à une démarche qui croise celle de Viderman,
sans s’y identifier toutefois.
L’inspiration de la discusion doctrinale est donc pour une part philo-
sophique. Si je crois utile ici de faire un détour philosophique, c’est pour
ne pas être dupe de ce qui, dans toute théorie, ressortit inévitablement
à la croyance. La réflexion philosophique toutefois n’annule pas ce que
chaque auteur doit à la croyance. Elle aide seulement à en assumer cons-
ciemment les conséquences. « Elucider la doctrine pour éviter d’être doc-
trinaire »1.
La discussion doctrinale avec Marty et les collègues de l’Ecole psycho-
somatique de Paris peut être abordée à partir de différentes questions
théoriques et cliniques. Il me semble que ce qui permet d’en voir au
mieux les enjeux, c’est de reprendre la question du sens des événements
survenant dans la vie mentale, parmi lesquels il faut compter les événe-
ments somatiques. Or on sait que dans la doctrine de Marty et de Fain
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collaboration avec de M’Uzan et David (1963), a proposé de faire bas-
culer la doctrine psychanalytique. Ce n’est qu’après avoir opéré ce retour-
nement doctrinal que Marty a pu construire toute sa théorie (cf. « Le cas
Dora et le point de vue psychosomatique », Marty et alii, 1968).
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contré dans ce travail des difficultés considérables : face aux échecs cli-
niques d’une part et face à mes « intuitions » doctrinales d’autre part,
je me suis heurté à des obstacles si nombreux et si résistants que j’ai
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été souvent découragé et tenté d’abandonner la recherche. N’étant par-
venu à aucune conception d’ensemble cohérente, mes résultats me parais-
saient trop misérables pour être publiés. Je n’ai donc presque rien écrit
depuis 6 ou 7 ans et la forme article n’est sûrement pas la plus adéquate
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Ce point est essentiel. Le sens du symptôme ne peut pas être envi-
sagé dans une approche solipsiste, c’est-à-dire dans une approche qui
admettrait que la seule réalité de référence pour un sujet serait lui-même.
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Le symptôme somatique est inachevé
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que, il faut accorder une place capitale, décisive même, à ce que je pro-
pose de définir sous le nom d’« agir expressif ». L’agir expressif désigne
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dans l’acte de parole du sujet adressé à l’autre l’ensemble constitué par
l’énoncé et par l’énonciation, avec tout ce que l’énonciation implique
de l’engagement du corps (mimiques, gestique, motricité, prosodie, voix,
timbre, rythme, modifications viscérales et neuro-végétatives, etc.). L’agir
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1. L’agir expressif est une notion relevant de l’ordre clinique, il est saisissable empirique-
ment par la clinique et dans la vie ordinaire. L’intentionnalité est le concept qui permet de traiter
la dimension métapsychologique de l’agir expressif.
Doctrine et théorie en psychosomatique 75
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de la fonction » (Dejours, 1989). Le symptôme atteindrait un organe impli-
qué dans une fonction qui a échappé à la subversion libidinale (ou à
l’étayage) dans la construction du corps érogène.
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Cette proposition a été en partie abordée à propos de l’après-coup.
Elle consiste à prendre au sérieux la réception, l’interprétation, le tra-
vail psychique déclenchés chez l’analyste par le symptôme somatique
du sujet. Au maximum on pourrait illustrer cela avec une métaphore :
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cun, que certaines affections somatiques font suite à des agressions contre
l’organisme qui dépassent ses possibilités biologiques, naturelles et acqui-
ses de défense. En zone d’endémie par exemple toute la population est
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frappée par le paludisme ; face à la poussière de silice tous les mineurs
de charbon, un jour ou l’autre, sont atteints de pneumoconiose ; des
enfants porteurs du gène de la mucoviscidose déclenchent tous un jour
ou l’autre des troubles respiratoires et digestifs, etc.
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Pour autant tous ces cas ne sont pas inabordables par la psychoso-
matique. C’est là que gît le paradoxe.
A cette question redoutable existe, me semble-t-il, une réponse accep-
table, mais il est impossible de l’exposer dans le cadre de cet article.
CONCLUSION
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la mesure où cette lutte pour le sens est incontournable.
La théorie du symptôme somatique ici présentée ne constitue pas un
retour à la théorie psychanalytique antérieure à Marty. Quels sont ses
rapports avec la théorie du symptôme hystérique? Cette question ne
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peut pas être ici développée mais il me semble qu’elle pourrait à son
tour conduire à un autre regard sur le symptôme névrotique.
Enfin, il est certain que souscrire à la conception du symptôme soma-
tique présentée ici ne peut avoir que des incidences importantes sur la
technique de la cure analytique. A moins qu’il ne faille envisager les choses
en sens inverse et penser que les modifications techniques ont précédé
la conception proposée dans cet article. Cette perspective a ma préfé-
rence. J’ai présenté il y a une dizaine d’années quelques éléments de
discussion sur la technique et plus récemment dans deux articles (1993
a et b). Mais je n’ai pas exposé globalement les questions techniques
que j’ai rencontrées en psychosomatique ni les débats qui ont été enga-
gés depuis plusieurs années avec les collègues. Je n’ignore pas cepen-
dant que cette discussion est capitale pour instruire le dossier de la théorie
du symptôme.
Pour l’heure, ce n’est pas l’objet de cet article. L’objectif était sur-
tout de m’appuyer sur une conception possible du symptôme somatique
pour pouvoir soulever une question généralement laissée dans l’ombre,
celle des positions doctrinales qui sont au fondement de toute démarche
en psychosomatique.
CHRISTOPHE DEJOURS
26 rue Bourgon
75013 Paris
P.S. : Peu après avoir remis mon texte au comité de rédaction, j’ai pris connaissance d’un
article de Christian David (datant de 1984 !) qui me semble-t-il, développe un point de vue très
proche, sinon superposable à ce que je défends dans ces pages. A la différence près que C. David
ne le donne pas pour un corpus doctrinal. Est-ce seulement un détail ?
Étant donnée la place de Christian David dans la naissance de la psychosomatique, le contenu
de cet article me semble une pièce importante à verser au dossier de la controverse théorique.
Je remercie le Docteur Marie-Pierre Guiho-Bailly de m’avoir communiqué ce document :
David C. (1984) : Un rien qui bouge et tout est changé (A propos de la rencontre). Nouvelle Revue
de psychanalyse. 30 : 199-213.
Doctrine et théorie en psychosomatique 79
Bibliographie
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Aristote, Ethique à Nicomaque, Paris, Ed. Vrin, trad. J. Tricot.
Davidson D. (1970), Mental Events, in Forster L., Swanson J.W. ed. Expérience and theory, Amherst
University of Massachusetts Press, p. 79-191, trad. française sous la direction de M. Neu-
berg, Théorie de l’action, Liège, Mardaga.
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RÉSUMÉ — Dans cet article est esquissée une théorie du symptôme somatique. La théo-
rie de P. Marty stipule que le symptôme somatique n’a pas de sens. Partant de l’hypo-
thèse inverse, c’est-à-dire de l’existence d’un sens porté par le symptôme somatique,
on ne revient pas nécessairement à la théorie de la conversion. Il semble bien qu’on
ne puisse en rester à des réaménagements segmentaires de la théorie de P. Marty, mais
qu’il faille procéder à un remaniement de fond.
Qu’est-ce qu’une doctrine ? Quelles sont les caractéristiques de la doctrine de
P. Marty ? Y a-t-il d’autres positions doctrinales possibles ? C’est à partir de l’explici-
tation d’un corpus doctrinal différent de celui de P. Marty qu’est ensuite argumentée
une théorie « alternative » du symptôme somatique. Alternative ou subséquente ? La
question mérite d’être soulevée car la théorie proposée ici serait inintelligible sans réfé-
rence à celle de P. Marty.
SUMMARY — In this article the author advances a theory of the somatic symptom.
P. Marty’s theory stipulâtes that the somatic symptom does not hâve a meaning. Using
the opposite hypothesis as a starting point, namely that the somatic symptom does in-
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deed carry a meaning, one does not necessarily arrive at the theory of conversion. It
seems that segmentary révisions of Marty’s theory will not do, but that fundamental ré-
visions will hâve to be undertaken.
What is a doctrine ? Which are the caracteristics of P. Marty’s doctrine ? Are there
other possible doctrinal positions ? The author arguments an « alternative » theory of
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the somatic symptom expliciting a doctrinal corpus different from Marty’s. Altermative
or subséquent ? The question deserves to be raised, since the theory proposed by the
author would not be intelligible without reference to Marty’s theory.
RESUMEN — En este articulo se esboza una theorîa del sintoma somâtico. La teorla de
P. Marty estipula que el sintoma somâtico no tiene sentido. Partiendo de la hipôtesis
inversa, es decir de la existencia de un sentido en el sintoma somâtico, no recaaemos
forzosamente en la teorîa de la conversion. Creemos que no se pueden hacer cambios
segmentarios en la teorla de Marty, sino que hay que procéder a un cambiod de fondo.
Que es una doctrina ? I Hay otras posiciones doctrinales posibles ? Solo a partir
de la explicacion de un cuerpo doctrinal diferente del de Marty se puede argumentar
una « teorla alternativa » del sintoma somâtico. i alternativa o subsecuente ? Es impor-
tante destacar la cuestion ya que la teorla que se propone aqul séria ininteligible sin
referencia a la de Marty.