d'Assia Djebar
Author(s): Stéphanie Boibessot
Source: Dalhousie French Studies, Vol. 57 (Winter 2001), pp. 137-150
Published by: Dalhousie University
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40836949
Accessed: 27-12-2015 11:01 UTC
Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/
info/about/policies/terms.jsp
JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content
in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship.
For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.
Dalhousie University is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Dalhousie French Studies.
http://www.jstor.org
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
dans
Voixet voiessurles cheminsde l'identitéféminine
Femmesd'Algerdansleurappartement d'AssiaDjebar
StéphanieBoibessot
I. Introduction
1. Ainsi que le souligne Djebar dans Ces voix qui m'assiègent, la femme regardée est niée « plus
que jamais dans une identité profonde, comme si sa différencedevenait objet de mode, de
folklore, de décor vidé » (164). Quant à la sphère privée, nous remarquons à la lueur des
réflexionsde Brooks sur les significationsdu corps, que si la femmeest en repli, c'est parce que,
somme toute,son corps est vu comme une métaphore de vérité, du secret de la vie et que pour
cela il effraie(12). L'homme en tantque maîtrede la société érige donc l'énigme fémininequ'il
faut à toutprix voiler car elle peut être source de discorde.
2. Toute citationsuivie dans le texted un numérode page est tirée de Femmes d Alger dans leur
appartement.
3. Mais c est aussi pour Γ auteur découvrir sa véritable voix après le souterraind'un silence de dix
ans, et se révélerau grandjour en exprimantpar l'ouvertureet la postface ses idées à découvert.
Avant de s'exposer comme écrivaine engagée, dans l'écriture d'une nouvelle langue- celle du
colon - qui parle enfin,en d'autres termes, de l'image orientale. Elle ouvre donc dans cette
voix/ langue tout un nouvel imaginaireet demeure cependantplus proche du réel.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
138 StéphanieBoibessot
4. Notons,à ce propos,les liens que justement Brooks a pu tisser à partirde cet état de faitet qui
s'adapte bien à ce texte: « Modem narrativesappear to produce a semioticizationof the body
whichis matchedby a somatizationof the story:a claim thatthe body must be a source and a locus
of meanings,and thatstoriescannotbe told withoutmaking the body a prime vehicle of narrative
significations» (xii).
5. La notionde territoire est ici très importante
: il y a eu, en effet,comme un glissement entre le
territoire
public violé et le territoireprivé à préserver. Car, ainsi que l'explique Brooks, l'idée
d'une sphèreprivée est consubsîantielleà l'idée de sa violation(37) : en ce sens-là, la sphère des
femmes,celle de l'intérieurdes maisons,devait à tout prix être clôturée de manière à ne laisser
entreret sortirquiconque.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
AssiaDjebar 139
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
140 StéphanieBoibessot
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
AssiaDjebar 141
11. Le titreévoque des femmes dans leur appartement,confinées à un intérieur, image doublée
d'un autrestatisme,avec le tableau de Delacroix qui faitcouvertureet qui montre des femmes
soumises à un regard intruscensé les saisir par le jeu de la représentationafind'en dire leur
vérité (alors qu'il n'en montreque ce que le peintre-voyeur veut effectivement
voir).
12. C'est l'exemple de Sarah conduisantdans une ville aux allures hostiles, «à travers des rues
étroitesqui montent,qui descendent,tournantde plus en plus en couloirs de rêves » (13), ou
bien encore l'exemple de l'héroïne d'« II n'y a pas d'exil » qui, étouffantà la veille de son
mariage arrangé,ne cesse d'ouvrir et fermerles fenêtresde l'appartementfamilial.
13. Knsteva d ailleurs présentecette image sous le nom de « nournssage» qui propose depuis des
années le mythe d'une mère pleine et totale (au sens éminemment physique des termes).
D'ailleurs, après la guerre d'indépendance, on assiste à un resserrement des liens mère-fils,
comme le souligne Djebar dans sa postface(160).
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
142 Stéphanie Boibessot
14. «For Djebar, the "living word*' of Islam is voiced not just by male theologians and rulers but
also by generationof women» (Woodhull 30).
IS. Car, n'oublions pas, la femmeen tantque telle n'existe pas de manièrematérielledans l'histoire
tant qu'elle n'est pas faite mère: il s'agit donc d'une « histoire dont s'expulse l'image
archétypalcdu corps féminin» (160).
16. «The knowledge associated withthe woman's body may belong to the story of women's
curiosity,which so often[...] bringsboth troubleand the affirmation thatthereis anothernarrative
to the woman's life which the male gaze has failed to register» (Brooks 244).
17. Le corps de la mèreest tabou car il offreau regard les secrets à la fois de la vie et de la mort,
mais aussi, somme toute,il est le lieu où se cristallisenttous les désirs. Ainsi, il est l'endroit par
excellence où peut venir se loger la peur existentiellede l'homme.
18. Notons à ce propos d'ailleurs que c'est par la cavité buccale que le rapport corps/ langage
s'ouvre au monde. Il n'est donc pas innocentque l'acte de manger prenne autantde place dans
les écrits (notammentféminins),où l'enjeu est avant tout celui d'une création identitaire au
traversdes mots. Comme si l'image sociale du corps de femme comme corps-mère, nourricier,
s'était déplacée jusqu'au lieu de transformation première de la nourriture,la bouche, pour
déplacer aussi l'image de la femme,en en faisantune femmede parole et non plus de corps.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
Assia Djebar 143
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
144 StéphanieBoibessot
19. Djcbar semble donnerlà les deux aspects principauxde la communautédes femmes algériennes
qui se crée chaque jour à l'ombre de l'Histoire: après avoir parlé de celles qui fontla parole, qui
façonnentl'oralitude,en portantl'eau purifiante, elle doit rendre hommage à celles qui, au lieu
de parler,agissent en portantle feu libérateurdes bombes.
20. Le mouvementdu texte va, en effet,des descriptionsdes corps des femmes-mères dont la chair
est déformée par leurs lourds fardeaux d'enfants (41), femmes traditionnelles dans la
communauté,au corps plus jeune et plus marginal,tel celui de Sarah qui se découvre balafré
d'une longue cicatrice,véritable « blessure de guerre» (43). Deux communautés de femmes
algériennesse fontface : l'une traditionnelle,
qui subit les coups du sort,et l'autre qui a émergé
à la guerre d'indépendance, une communautéde femmes qui luttentpour se mettre au grand
iour.
21. De toute façon,pour Sarah, sa «blessure de guerre» (43), d'une guerre publique et passée
d'indépendance,est aussi, apparemment,liée à une guerreprivée puisque les « femmes dehors
sous la mitraille» semblentattirerà elles « l'ombre des prisons vides » du présent.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
Assia Djebar 145
22. L'accident de la porteuse d'eau a ainsi une symbolique pour l'ensemble des femmes. C'est
grâce à cet accident que l'émergence d'une voix va se développer: il faut aller au-delà du
quotidien pour renverserles habitudeset accéder à une nouvelle voie.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
146 StéphanieBoibessot
23. Notons, cependant,que les hommes semblentaussi sous certainsaspects faibles de nature: cette
faiblesse résideraitmême dans l'attraitpour la chair et les excès. Exemple de Said qui ramène
chez lui d'un air coupable une autre épouse, ou bien exemple de ces hommesqui doivent cacher
à leurs femmesleurs transgressions des lois coraniques (à savoir leur alcoolisme maladif)-
24. Notons que les Français, malgré leur propre oppression, ont toujours valorisé l'indépendance
des femmesmusulmanesqui leur apparaissaitcomme le meilleur moyen de détruire le pouvoir
communautairedes colonisés.
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
Assia Djebar 147
25. Dans l'hôpital d'ailleurs la communicationest un très grand problème. Il semble y avoir deux
sortes de parler: l'arabe oral, plutôtberbère,celui de la paysanne,d'Ali, mais aussi des femmes
qui se le transmettent en héritage, et celui de «la langue nationale» (19), arabe dit classique,
imposé à la fin de la guerred'indépendanceà des milliersde gens qui ne se retrouventpas dans
cette langue. Cet arabe-là est donc principalementcelui de la nouvelle génération de cette
période qui, somme toute,a tissé son histoireautourde ce nouveau langage.
26. Notons deux choses : d'une part soulignonsle rôle nécessaire de la femmeface à l'homme (dans
le personnagede Baya mais aussi de Sarah qui tente désespérément de réconcilier Ali avec son
fils (35) ; et d'autre part,signalonsque les jeunes femmesparaissentle sujet idéal pour concilier
le passé au futurdans un réaménagement du présent: par leur rapportétroit à la mère, elles
atteignent, en effet,les racines orales de l'histoire, de la langue, tandis qu'avec leur éducation
elles sont plus à même de saisir les mouvements de la société. En un sens, face aux hommes,
elles condensentl'avenir de la société, en étant porteusesde l'héritageet de la modernité.
27. « Je suis le seul mâle ici qui refuse,sous tout prétexte,d'enfermerune femme...Chez moi, elle
sera sûre de s'envoler en toute sécurité...» (28).
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
148 StéphanieBoibessot
28. Car la voix maternelle mène à la voix de la mort symbolique pour les femmes puisqu'elle les
confineà l'inexistence pour soi (104).
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
Assia Djebar 149
29. Notons d'ailleurs à propos du travailde Sarah que l'enregistrement,qui est le moyen le plus
classique de conserver des sons, possède ses limites dans sa caractéristique principale de
conservation brute qui finalementfaitfi de tout sens. Il faut, bien souvent, en effet, une
transcriptionécrite du son entendupour saisir une signification.
30. Voir Ce sexe qui n'en est pas un d'Irigaray, et plus spécialement son dernier chapitre intitulé
« Quand nos lèvres se parlent» (217).
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions
150
This content downloaded from 192.122.237.41 on Sun, 27 Dec 2015 11:01:05 UTC
All use subject to JSTOR Terms and Conditions