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Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 2

I. les implications de la centration sur l’apprenant sujet ............................................................ 4

A- Evolution de la didactique. ................................................................................................ 4

a- La didactique de la culture........................................................................................... 4

b- La centration sur l’apprenant ....................................................................................... 6

B- Ce qui requiert plusieurs niveaux d’adaptation : ............................................................... 8

a- Adaptation des enseignants ......................................................................................... 8

b- Adaptation des apprenants ......................................................................................... 10

c- Adaptation des manuels ............................................................................................. 11

C- Toutes ces adaptations trouvent une finalité dans la culture de classe et la pédagogie de
projet ..................................................................................................................................... 14

Bibliographie : .......................................................................................................................... 16

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Introduction
Depuis quelques décennies, la didactique en Français Langue Etrangère a
beaucoup évolué et ces changements ont amené les enseignants et les apprenants
à réévaluer leur place au sein du processus d’enseignement/apprentissage ce qui
a eu logiquement un impact sur leurs cultures d’enseignement et d’apprentissage.
Nous pouvons l’observer à travers les deux documents étudiés au sein de ce
dossier. Il s’agit de deux articles parus dans Études de linguistique appliquée
(n°140, 2005/4) reprenant des ateliers thématiques en parallèle du colloque des 17
et 18 février 2005, organisé par le Centre d’étude en didactique comparée des
langues et des cultures (CEDICLEC) de l’université de Saint-Étienne, dont le
thème était « Interculturalité et interdidacticité : la didactique des langues-cultures
entre cultures d’enseignement et cultures d’apprentissage ».

Le premier article, « Cultures d'enseignement / cultures d'apprentissage : contact,


confrontation et co-construction entre langues-cultures », a été rédigé par Claude
Cortier. Elle y reprend trois communications de l’atelier « La relation
enseignement-apprentissage » (celles de Wang Ming Li, de Claude Cortier et de
Marie Berchoud) ainsi qu’une partie de l’atelier « Français langue seconde en
France ». Elle y aborde les liens entre ces cultures d’enseignement et
d’apprentissage selon les évolutions de la didactique à travers plusieurs sujets : la
centration sur l’apprenant en tant que sujet, les implications d’une didactique
traditionnelle plaçant le manuel au centre de la relation didactique ou encore la
nécessité d’une culture commune à la classe pour la mise en place d’une
pédagogie de projets.

Le second article, intitulé « « Le manuel est mort, vive le manuel ! » : plaidoyer


pour une nouvelle culture d'enseignement et d'apprentissage » a été écrit par
Enrica Piccardo, Francis Yaïche. Ils y reprennent l’atelier « Les matériels

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didactiques » et abordent les différents rapports possibles qu’entretiennent les
enseignants avec les matériels didactiques et en particulier avec le manuel.
En reprenant les idées issues de ces deux articles, il est intéressant de se pencher
sur la nature des évolutions au sein des cultures d’apprentissage et des cultures
d’enseignement, et de s’interroger sur leurs raisons, implications et conséquences.
Nous pouvons ainsi nous demander quelle doit être l’implication de l’enseignant
dans cette didactique et de quelle manière favoriser ce travail.

Pour ce faire, nous commencerons par faire une synthèse des deux articles, en
mettant en valeur l’importance de la centration sur l’apprenant, qui nécessite de
très nombreuses adaptations de la part de l’enseignant pour la mise en place d’une
culture commune et d’une pédagogie de projet.

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I. les implications de la centration sur l’apprenant sujet

A- Evolution de la didactique.
Nous pouvons tout d’abord constater que même si les articles étudiés ont des
thématiques différentes (l’interaction entre culture d’apprentissage et culture
d‘enseignement pour l’article de Claude Cortier et le rapport au manuel dans
l’enseignement du FLE et son évolution pour celui de Enrica Piccardo et Francis
Yaïche), ils mettent tous les deux en avant l’évolution de la didactique à travers
notamment l’enseignement de la « culture » en FLE et la centration importante
sur l’apprenant.

a- La didactique de la culture
En reprenant les termes de Christian Puren, Claude Cortier rappelle qu’il y a une
trentaine d’années, la didactique du FLE a évolué en faisant passer l’enseignement
de la culture d’une « perspective dite objet » à une « perspective dite sujet ».
A ce sujet, elle aborde les risques de la didactique de la culture en FLE et
notamment celui de « catégorisation » culturelle. En effet, en reprenant les termes
de De Pietro qui met en avant les différences entre approche « comparatiste » et
approche « interactionnelle », Cl. Cortier souligne l’importance à donner aux
interactions possibles lors de la « rencontre de plusieurs personnes « disposant
chacune de savoir(s) (-faire) diversifiés qui relèvent d’une ou plusieurs « cultures
» ».
La prise de conscience de ces interactions peut permettre d’éviter les « obstacles
culturels », terme qu’emprunte Cl. Cortier à Verbunt, qui peuvent se manifester
dans l’approche comparatiste lors de la mise en avant des différences entre les
cultures, ce qui a pour conséquence d’isoler chaque « culture » et donc de limiter
les interactions et de représenter un obstacle à la communication.
Cl. Cortier cite également Abdallah-Pretceille à travers l’approche « culturelle »
et l’approche « interculturelle » pour limiter ces problèmes. Elle met en avant
l’importance de prendre en compte la relation entre les individus et entre les

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cultures et d’éviter de catégoriser et de créer des préjugés culturels qui pourraient
réduire la conscience que l’on a des autres à leur culture. Nous retrouvons cette
idée quand elle parle de l’intervention de Marie Berchoud et reprend la notion de
stéréotypes. L’enseignement à propos de la (des) culture(s) n’est pas un savoir,
une science exacte et rigide mais doit être abordée de manière plus interprétative,
à l’aide notamment des sciences humaines, et, en citant Collès, Cl. Cortier propose
plutôt de « parler de questionnement, de formulations d’hypothèses au sujet des
manifestations culturelles quelles qu’elles soient ».

Dans leur article, Enrica Piccardo et Francis Yaïche abordent également ce


changement de perspective dans l’enseignement de la culture en classe de FLE en
relevant le problème de nombreux manuels de FLE qui conçoivent le travail sur
la culture « en tant que discours sur la culture des pays de la langue cible ». Nous
retrouvons alors ici l’idée d’une culture « objet ». Ils dénoncent cette approche en
mettant en avant son incompatibilité avec les objectifs que ces manuels se
donnent : à savoir, transformer ces connaissances rigides « en un savoir-faire
culturel voir interculturel, ou même – objectif encore plus ambitieux − en un
savoir-être qui intègrerait la compétence interculturelle ».
Ils posent ainsi la problématique de l’enseignement de la culture dans un manuel :
« il faut se demander quelle culture est véhiculée par le manuel, mais plus
généralement si on peut transmettre une culture (et quelle culture ?) par
l’intermédiaire d’un manuel ».
Pour eux également, pour espérer atteindre cet objectif de savoir-être interculturel,
il faut prendre en compte les interactions entre les cultures afin de favoriser les
possibilités de communication.

Nous retrouvons encore cette idée lorsque Cl. Cortier parle de ces risques de
« dérives culturalistes » en citant Abdallah-Pretceille qui, pour limiter ces risques,
prône « l’importance à accorder à la relation interindividuelle ».

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Nous pouvons donc voir, à travers ces deux articles, que ce changement vers une
culture « sujet » est intrinsèquement lié à une plus grande centration sur les
cultures en présence dans la classe et donc une plus grande centration sur les
apprenants.

b- La centration sur l’apprenant


Claude Cortier aborde notamment cette centration sur l’apprenant en reprenant les
réflexions d’Abdallah-Pretceille qui parlait en 1996 de l’importance de la
centration « sur l’apprenant en tant que sujet ». Cette centration sur l’apprenant
est notamment très forte dans l’enseignement du français aux élèves immigrants
allophones.
En se basant sur les enquêtes effectuées à ce sujet depuis 2002, Cl. Cortier montre
que dans les classes et dispositifs spécialisés d’accueil, les relations entre
enseignants et apprenants « se démarquent des pratiques habituelles des classes
ordinaires par leur centration marquée sur lʼapprenant-sujet », via notamment
l’établissement de profils d’apprenants et l’importance donnée à la prise en
compte des stratégies d’apprentissage des apprenants.
En reprenant les études d’Abdallah-Pretceille, de Dabène et de Chiss et Alii, Cl.
Cortier précise également comment l’évolution de la didactique dans
l’enseignement aux EANA en France et cette évolution de la didactique de la
culture en FLE dont nous avons parlé « s’orientent vers les cultures éducatives
et/ou la perspective interlinguistique ». On retrouve ainsi cette notion
interlinguistique lorsqu’elle parle des nombreuses expérimentations qui ont été
menées dans ce domaine. Elle cite notamment le cédérom Comparons nos langues
d’Auger (2005) qui met en avant les activités interlinguistiques en classe de
FLSCO et place les apprenants en tant qu’experts de leurs langue-culture et ce qui
crée un véritable échange dans le groupe-classe entre les apprenants mais aussi
entre les apprenants et l’enseignant qui peut ainsi apprendre mais aussi

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comprendre et anticiper les difficultés ou les facilités de certains apprenants. Cette
valorisation de l’apprenant en tant que sujet mais aussi en tant qu’expert détenant
des connaissances provenant d’une ou de plusieurs cultures permet de l’impliquer
d’avantage dans l’apprentissage du français et donne un nouveau visage à la
relation entre culture d’apprentissage et culture d’enseignement.
Enrica Piccardo et Francis Yaïche mettent aussi en avant l’importance de cette
centration sur l’apprenant lorsqu’ils abordent le problème des manuels voulant
inculquer un savoir rigide sur la culture. Selon eux, ce problème ne se résout pas
au sein d’un manuel mais en prenant conscience qu’il est primordial de laisser de
la place à l’interaction interindividuelle entre les cultures en présence dans la
classe qu’elle provienne de la rencontre entre les cultures d’origines différentes
des apprenants ou encore de la rencontre entre les cultures d’apprentissage et
d’enseignement, ce qui induit de prendre en compte chaque apprenant en tant
qu’individu.

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B- Ce qui requiert plusieurs niveaux d’adaptation :
Cette plus grande centration sur l’apprenant en tant que sujet implique une
adaptation des différents éléments qui composent les cultures éducatives. En effet,
comme nous l’avons vu avec Enrica Piccardo et Francis Yaïche, de nombreux
manuels ne prennent pas en compte la rencontre interculturelle au sein de la classe
et se contente de donner un savoir superficiel sur la culture préjugée d’une langue,
d’un pays. Pour valoriser la centration sur l’apprenant, nous pouvons voir que les
deux articles parlent d’adaptation à plusieurs niveaux : par l’enseignant lui-même,
en aval de l’enseignant : par les institutions et manuels, et en aval de l’enseignant :
par les apprenants.

a- Adaptation des enseignants


Selon Cl. Cortier, et d’après les professeurs de FLSSCO qui ont participés à ses
travaux, il est nécessaire pour l’enseignant de « s’adapter, d’apprendre à
s’adapter ». Ils avancent notamment que : « ne pas s’adapter correspondrait en
quelque sorte à une erreur professionnelle (qui serait enseigner partout de la même
façon) ». Cela est vrai dans le contexte de FLSSCO où l’enseignant a une mission
d’enseignement mais également une mission d’accueil mais aussi dans le contexte
du FLE où la centration sur l’apprenant, que développent les approches
communicatives et actionnelles, requiert des adaptations par rapport aux
anciennes méthodologies.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’importance donnée à la relation


interindividuelle et interculturelle implique d’adapter le cours aux apprenants et
de construire un contrat pédagogique particulier en fonction de chaque classe.
Enrica Piccardo et Francis Yaïche en parlent notamment en précisant que le
changement de place de l’enseignant (d’une place d’autorité et d’unique détenteur
du savoir à une place de composant du groupe classe) implique une adaptation en
« négociant un contrat pédagogique, en cherchant des points de repère

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méthodologiques, en construisant des relations culturellement accueillantes et en
gérant la multiplicité des savoirs dont le sujet apprenant dispose déjà ».
Nous retrouvons également cette idée dans l’article de Cl. Cortier quand elle
reprend l’intervention de Marie Berchoud et sa proposition de « sémio-didactique
», c’est-à-dire « une didactique qui se forge à partir de la découverte de l’ensemble
signifiant qu’est le contexte culturel et institutionnel dans lequel elle intervient ».
Selon elle, au sein de cette pédagogie interculturelle, l’enseignant doit
impérativement prendre en compte « l’identité culturelle des apprenants, de leur
culture d’apprentissage et du contexte dans lequel celui-ci va s’effectuer ».
Selon M. Berchoud, il y a différentes étapes que l’enseignant doit respecter pour
obtenir un résultat concluant : «respect de la langue, traduction, adaptation aux
habitudes d'apprentissage des apprenants, mimo-gestuelle, codes (début d'une
méthodologie linguistique), démarches interlinguistiques, et enfin projet
commun ». Nous voyons donc que l’enseignant doit encore une fois adapter son
travail par rapport aux apprenants et à la situation de la classe.
Elle évoque aussi le fait qu’au sein de cette didactique, le concept d’apprentissage
et d’enseignement doit être « évolué/évolutif » et que l’enseignant doit faire
preuve d’un plus grand engagement et obtenir une « vraie compétence culturelle »
en prenant en compte notamment les différentes cultures d’apprentissage, les
programmes et usages éducatifs dans les pays d’origines et les cultures en
présence et leurs évolutions afin d’éviter les stéréotypes.

De plus, dans leur article, Enrica Piccardo et Francis Yaïche parlent notamment
de l’adaptation de l’enseignant par rapport aux manuel et aux ressources
didactiques : depuis les années 80, avec les nouvelles approches et la disparition
des méthodologies prescriptives, le manuel est de moins en moins un outil « prêt
à faire cours » et l’enseignant est de ce fait « poussé à trouver sa propre
cohérence ».

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L’enseignant est amené à faire des choix, à créer ou adapter ses contenus
pédagogiques et en fonction des apprenants, de leurs objectifs, de leurs cultures
d’origines, de leurs intérêts… Ils schématisent le choix que doit opérer
l’enseignant sur sa relation au manuel sur les lignes « accepter – refuser » et « ne
pas accepter-ne pas refuser ». Ils stipulent que c’est sur cette dernière ligne
d’opposition que se placent de nombreux professeurs de FLE et nous voyons donc
que cette vision du rapport au manuel implique obligatoirement une adaptation de
la part de l’enseignant : si l’on n’accepte pas complètement mais que l’on ne
refuse pas non plus entièrement, il faut donc trouver un compromis et adapter son
travail.
Enfin, nous pouvons noter une proposition d’Enrica Piccardo et Francis Yaïche
qui, au sujet de cette démarche d’adaptation au manuel, de la part des enseignants,
abordent l’implication des apprenants : « L’enseignant peut considérer un manuel
comme une ressource en l’adaptant, mais il peut aussi construire ou faire
construire des parcours à l’aide de ressources qu’il met à la disposition des
apprenants ».

b- Adaptation des apprenants


Cette centration sur l’apprenant dans la didactique du FLE implique donc
également une adaptation, à leur niveau, de la part des apprenants eux-mêmes.
En effet, si l’on considère le rapport aux matériels didactiques dont parlent Enrica
Piccardo et Francis Yaïche, nous pouvons voir qu’il est possible d’adapter ces
ressources en aval de l’enseignant : ces adaptations peuvent être « plus ou moins
profondes et plus ou moins hétérodoxes ». Elles dépendent évidement des cultures
d’apprentissage de chacun et présuppose l’acquisition et/ou la découverte de
nouvelles stratégies d’apprentissage.
Selon eux également, même si dans un contexte de FLE, c’est généralement au
manuel de s’adapter à la culture d’apprentissage des apprenants, dans un contexte

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de FLS au contraire, ce sera à l’apprenant de s’adapter afin d’acquérir les outils
nécessaires pour comprendre et évoluer dans la culture d’enseignement et
d’apprentissage de la langue cible.
A ce sujet, nous retrouvons également cette idée d’adaptation des apprenants dans
l’article de Cl. Cortier qui, en parlant du FLSSCO, le définit comme
« enseignement en tension entre d’une part les contraintes incontournables du
système éducatif auxquels les nouveaux arrivants doivent progressivement
s’adapter, et d’autre part les situations sociales difficiles, marginales, voire
clandestines de ces élèves ».
Enfin, nous pouvons également aborder l’adaptation de la part des institutions,
notamment par le biais des manuels et supports didactiques.

c- Adaptation des manuels


Comme nous l’avons vu plus haut, E. Piccardo et F. Yaïche questionnent l’utilité
et la pertinence d’enseigner la culture via un manuel qui serait incompatible avec
la notion mouvante et changeante de l’interaction interculturelle. A ce sujet, nous
pouvons citer l’intervention de Wang Ming li que Cl. Cortier reprend dans son
article. Il aborde le sujet des cultures d’enseignement/apprentissage en Chine :
dans ce pays, l’institution étatique a un poids très important et décide de tout en
ce qui concerne l’éducation. La vision très traditionnelle de la relation enseignant-
apprenant est particulièrement marquée par rapport au manuel : ils sont écrits par
des « experts chinois en français, sous la direction du ministère de l’éducation »
et « déterminent les contenus et la méthodologie de l’enseignement, et même la
durée de chaque activité ».
Cette culture d’enseignement limite énormément les possibilités d’adaptation de
l’enseignant et comme le dit Wang Ming Li, constitue un « médiateur sécurisant
pour des enseignants, dont la formation peut être incomplète ».

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Cependant, une telle conception du rôle du manuel est incompatible avec les
approches communicatives et actionnelles et ne permettent aucunement une
centration de la didactique sur l’apprenant.
Il est donc important que les institutions et les éditeurs adaptent leurs manuels à
cette centration sur l’apprenant-sujet. A cela, les deux articles nous donnent des
pistes de réflexion.
Selon E. Piccardo et F. Yaïche, il est important de ne plus considérer le manuel
comme le seul support mais comme un des supports au sein des différents
matériels didactiques que composent : le manuel et les supports, les différents
documents de sources diverses et les autres ressources dont les ressources
humaines. A parti de là, le manuel peut être considéré comme un objet pratique :
« quand il découvre à l’enseignant-chercheur un certain nombre de mécanismes à
lʼoeuvre que celui-ci va pouvoir comprendre, s’approprier ». C’est donc aux
éditeurs d’adapter les manuels dans ce sens pour s’éloigner de l’idée
« d’objet magique » censé résoudre tous les problèmes didactiques et
méthodologiques à lui tout seul, ce qui, comme nous l’avons vu précédemment,
n’est pas compatible avec l’idée d’une centration sur l’apprenant dans un but de
communication et d’interaction.

Selon eux, outre les adaptations aux programmes et orientations donnés par les
institutions, le manuel doit également s’adapter « aux contraintes particulières
liées au contexte local » et aux besoins de l’apprenant, mais aussi à ceux de
l’enseignant et des cultures d’enseignement et d’apprentissage. Ils précisent
notamment que ces adaptations contextuelles rendent difficile l’acceptation de
manuels de FLE conçus par des français en France, ce qui peut être considéré
comme du « néo-colonialisme ».

En outre, et comme le disent E. Piccardo et F. Yaïche, le manuel doit aussi être


adapté à une utilisation conjointe avec les autres ressources, surtout depuis la
révolution numérique, qui multiplie « la disponibilité des supports, des
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documents authentiques, de matériels plus ou moins potentiellement aptes à un
travail didactique, mais qui a aussi considérablement influencé la relation
enseignant-apprenant et par conséquent la culture d’enseignement et la culture
d’apprentissage ».

Ces différents niveaux d’adaptation permettent comme nous l’avons vu, de placer
l’apprenant en tant que sujet au centre de la relation entre culture d’apprentissage
et culture d’enseignement. Selon les deux articles, la finalité de cette didactique
peut se retrouver dans la pédagogie de projet comme Cl. Cortier l’annonce en
citant la perspective co-actionnelle-co-culturelle développée par Puren (2002).

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C- Toutes ces adaptations trouvent une finalité dans la culture de classe et la
pédagogie de projet
Dans cette perspective co-actionnelle-co-culturelle, permise par cette centration
sur l’apprenant, « la cohésion sociale se construit au sein de la classe par des
actions communes à finalité collective ». Cl. Cortier souligne que cette pédagogie
de projet permet l’implication de tous les apprenants selon leurs niveaux,
connaissances, et cultures individuelles dans des tâches communes qui permettent
de dépasser « vivre ensemble » pour « faire ensemble ».
Nous retrouvons ainsi l’idée de la « sémio-didactique » développée par M.
Berchoud, dans laquelle, comme nous l’avons vu, l’enseignant doit développer
avec la classe, « un espace commun d’enseignement et d’apprentissage » afin de
créer une cohésion interculturelle où chacun a sa place et de permettre la
réalisation de projets communs bénéfiques pour chacun.

Nous retrouvons cette idée dans l’article d’E. Piccardo et F. Yaïche, lorsqu’ils
parlent des nouvelles technologies et de l’apparition des nouvelles manières de
concevoir les relations entre cultures éducatives : « Des apprenants construisant
eux-mêmes leurs matériels d’apprentissage, un travail commun fait sur un dossier
construit par un groupe à partir de recherches sur Internet, la coopération sur un
projet commun à distance, etc. ». Selon eux, ces nouvelles manières de « faire
ensemble » sont pertinentes dans « le cadre de la perspective actionnelle et de la
pédagogie de projet. »
Dans cette démarche de projet, où l’apprenant à une place centrale et est acteur et
« créateur » de son apprentissage relativise le rôle du manuel et place donc la
relation enseignant-apprenant au cœur même du processus d’apprentissage. Nous
retrouvons donc l’idée d’interaction et d’interculturel au sein du groupe classe
dont nous parlions plus haut.

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Que l’on se place dans cette démarche de pédagogie de projet ou dans cette sémio-
didactique avancée par M. Berchoud, qui ont de nombreux points communs, nous
pouvons affirmer, pour reprendre les termes de Cl. Cortier, que pour réaliser ces
projets communs, il faut s’inscrire dans une pédagogie interculturelle et qu’« il
appartient donc à l’enseignant de construire ou de co-construire avec ses élèves
une culture partagée». La place traditionnelle de l’enseignant et de l’apprenant
évolue donc pour obtenir une situation où tout le monde a à apprendre et où tous
les acteurs de la classe participent ensemble à leur propre apprentissage en créant
au sein du groupe la didactique appropriée.

Pour conclure cette synthèse, où nous avons vu l’importance du développement


de la pédagogie interculturelle et de la centration sur l’apprenant pour atteindre
un objectif de cohésion et de culture commune au sein d’une classe et ainsi
permettre la naissance de projet communs, nous pouvons reprendre l’idée de M.
Berchoud citée par Cl. Cortier à savoir qu’il est peut-être temps de la part de tout
ce qui constitue la culture d’enseignement (politique, institutions, manuels, …) de
focaliser l’attention sur l’enseignant.
En effet, la centration sur l’apprenant en tant que sujet est certes mis en avant
parce qu’il s’agit d’une condition importante à l’approche actionnelle prônée par
le CECRL, mais cette centration sur l’apprenant et « les objectifs fixés par la
pédagogie interculturelle appellent un engagement de l’enseignant».

15
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16
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