Thurian Max. L'œcuménisme obligé de la Réforme. In: Revue théologique de Louvain, 10ᵉ année, fasc. 3, 1979. pp. 324-334;
doi : https://doi.org/10.3406/thlou.1979.1713
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1979_num_10_3_1713
de la Réforme
vrai
II pour
convient
toutes
tout
lesd'abord
traditions
de chrétiennes,
préciser le lieu
car d'où
toutesl'on
ontparle.
un passé
Ceciplus
est
qui ont joué un rôle décisif. Voici ces cinq points majeurs de la
sensibilité théologique réformée, indiqués par des formules latines ou
lapidaires : Soli Deo Gloria, Sola Fide, Sola Scriptura, Ecclesia semper
reformanda, l'Église invisible. Ces cinq thèmes définissent une certaine
ambiance spirituelle qui souvent a commandé les attitudes
théologiques de la tradition réformée. On pourrait dire que l'essentiel de ces
slogans théologiques consiste à opposer un «Solus» au «Et» ou au
«Una cum» de la tradition catholique. Il y a une espèce de volonté de
purisme dans les affirmations théologiques réformées. A Dieu seul la
gloire et rien à l'homme. Seule la foi sauve, les œuvres ne servent de
rien. Seule l'Écriture est une autorité en matière de foi, la tradition
n'en est qu'une explication approximative. L'Église elle-même ne peut
pas s'ajouter à la Parole de Dieu, elle n'est qu'un fruit de cette Parole,
et donc elle doit constamment passer par une réforme à la lumière de
l'Écriture. Enfin, ce qui est décisif dans la constitution de l'Église,
ce n'est pas ce qui en est visible dans les institutions, mais c'est la
communion des saints que Dieu seul connaît. Il faut reconnaître que
même dans la vie de l'Église actuelle ces slogans théologiques jouent
parfois un plus grand rôle, bien qu'un rôle occulte, dans certaines
attitudes du peuple chrétien et même des autorités ecclésiatiques. On
peut dire, en effet, que bien souvent dans les Églises réformées les
attitudes décisives sont commandées par des réactions anti-catholiques
plus que par les affirmations majeures de la tradition telles qu'elles
s'expriment dans les documents confessionels ou catéchétiques du 16e
siècle.
L 'eucharistie
tut ion chrétienne, livre 4, chapitre 17, n° 12), nous sommes rendus
attentifs au rôle de l'Esprit par rapport à la présence du Christ. Il
parle de notre communion au corps et au sang du Christ, et il dit :
«Le lien de cette conjonction est donc le Saint Esprit, par lequel nous
sommes unis ensemble, et il est comme le canal ou conduit, par lequel
tout ce que le Christ est et possède, descend jusqu'à nous. Car si
nous apercevons à l'oeil que le soleil luisant sur la terre envoie par ses
rayons quelque chose de sa substance pour engendrer, nourrir et
végéter les fruits de cette terre, pourquoi la lueur et irradation de l'Esprit
de Jésus-Christ serait-elle moindre, pour nous apporter la
communication de sa chair et de son sang?» On a souvent mal compris cette
relation entre l'Esprit et la sainte cène qu'affirme la foi réformée. Il
ne s'agit en aucune manière de spiritualiser la présence réelle du
Christ en son corps et en son sang. Il s'agit simplement de noter le
rôle de l'Esprit dans le sacrement pour affirmer que l'Église ne
possède jamais le pouvoir sacramentel, mais qu'en tout sacrement et même
dans l'eucharistie elle est totalement dépendante de la volonté et du
pouvoir de Dieu. Cette affirmation de l'entière dépendance de l'Église
par rapport à l'Esprit Saint est un des points importants de la doctrine
eucharistique dans la tradition réformée.
Le deuxième point qui est souligné dans la doctrine eucharistique,
c'est le caractère de repas de la sainte cène. L'eucharistie n'est pas
d'abord un sacrifice, mais un repas en vue de la communion du
peuple de Dieu avec le Christ, dans la consommation du pain et du
vin. L'eucharistie est essentiellement une communion au cours d'un
repas. Cela signifie que la tradition réformée sera toujours hésitante
par rapport au culte des éléments consacrés dans l'eucharistie. Certes,
il y a eu au cours de la tradition réformée certaines négligences par
rapport au pain et au vin consacrés, et cela doit être corrigé. Le texte
de Foi et Constitution sur l'eucharistie, à la suite du groupe des
Dombes, demande aux Églises d'être conséquentes avec la consécration
qu'elle font du pain et du vin à l'eucharistie. Cela est très juste.
Cependant, il n'est pas demandé à des Églises qui ne connaissent pas
la réserve eucharistique de la pratiquer; au plus peut-on leur demander
de la respecter dans les Églises où elle se pratique (voir le document
luthéro-catholique «Le Repas du Seigneur»).
Le troisième point qu'il faut souligner concernant l'eucharistie, c'est
son aspect sacrificiel. La théologie réformée affirme sans difficulté que
l'eucharistie est une offrande de louange et d'action de grâce au Père
330 M. THURIAN
humanité... Ce n'est pas une figure nue, mais conjointe avec sa vérité
et sa substance. C'est donc à bon droit que le pain est nommé corps,
puisque non seulement il nous le représente, mais aussi nous le
présente». La foi réformée se trouve tout à fait à l'aise dans le texte du
commentaire qui va être proposé au document de Foi et Constitution
sur baptême, eucharistie et ministère. Concernant la présence réelle,
ce commentaire est le suivant : «Le Christ accomplit de multiples
façons sa promesse d'être avec les siens pour toujours jusqu'à la fin
du monde. Il est présent quand deux ou trois sont réunis en son nom.
Il est présent dans la lecture et la proclamation de la Parole de Dieu;
il est présent dans le baptême; il est présent dans les pauvres et ceux
qui souffrent ... Mais la présence réelle du Christ dans l'eucharistie
est unique, elle est irréductible à toute autre forme de présence. Jésus
a dit sur le pain et le vin de l'eucharistie : 'Ceci est mon corps... ceci
est mon sang'. L'Église a toujours compris ces paroles dans un sens
réaliste : ce que le Christ a dit est la vérité et s'accomplit chaque fois
que l'eucharistie est célébrée. Par les paroles mêmes de Jésus, et par
la puissance de l'Esprit Saint, le pain et le vin de l'eucharistie
deviennent le sacrement du corps et du sang du Christ ressuscité, c'est-
à-dire du Christ vivant, présent en toute sa personne. Sous les signes
extérieurs du pain et du vin, la réalité profonde est l'être total du
Christ, qui entre en contact corporel avec l'homme pour le nourrir
et le transformer dans tout son être. L'Église confesse la présence
réelle, vivante et agissante du Christ dans l'eucharistie. Le
discernement du corps et du sang du Christ requiert la foi. Cependant, la
présence réelle du Christ dans l'eucharistie ne dépend pas de la foi
de chacun, car c'est le Christ qui se lie lui-même, par ses paroles et la
puissance de l'Esprit Saint, aux éléments eucharistiques, signes de sa
présence donnée».
La foi dans la présence réelle du Christ ne fait donc aucun doute
pour la tradition réformée, mais il y a une sorte de refus de
l'explication de type philosophique; on préfère affirmer le mystère de cette
présence en même temps que la certitude, sans vouloir chercher à
comprendre le mode selon lequel le Christ se rend présent de manière
unique lors du repas de la sainte cène.
Le ministère
Ce thème du ministère est étroitement lié à celui de l'eucharistie.
Citons tout d'abord le texte de la «Brève instruction chrétienne» de 1 536
332 M. THURIAN
l'on pense souvent, la tradition réformée n'a jamais mêlé cette certitude
du sacerdoce universel et l'autre certitude que Dieu a donné des
ministères pour édifier l'Église en un sacerdoce royal et prophétique.
En général, dans la tradition réformée, on n'a pas utilisé le terme
de «prêtre» {hiereus) pour désigner les ministres de la parole et des
sacrements. Il y a des exceptions comme, par exemple, dans le texte
où Calvin reconnaît valeur sacramentelle à l'ordination : «Quant à
l'imposition des mains, qui se fait pour introduire les vrais prêtres et
ministres de l'Église en leur état, je ne m'oppose pas à ce qu'on la
reçoive pour sacrement...» {Institution chrétienne, IV, XIX, 28). La
tradition réformée est très attentive à la différence qu'il y a entre le
prêtre attaché au sacrifice dans l'Ancien Testament et le pasteur de
la Nouvelle Alliance, qui est un serviteur de la Parole, des sacrements
et de l'unité. Depuis le Concile Vatican II, la position théologique
catholique s'est beaucoup éclairée à ce sujet et il semble que l'unité
doctrinale puisse se faire quant à la conception du presbytérat ou du
pastorat entre l'Église catholique et les Églises issues de la Réforme.
Un autre point très important dans la doctrine du ministère, c'est
l'égalité des ministères. Même si la tradition réformée reconnaît que
pour des raisons d'organisation il peut y avoir différents ministères, et
que ces ministères sont ordonnés les uns par rapport aux autres, et
que tel peut avoir une fonction d'épiscopè, il y a toujours insistance
sur le fait que, quant à l'ordination proprement dite, il y a égalité de
pouvoir entre tous les ministres. La tradition réformée aura toujours
beaucoup de peine à faire la distinction entre un évêque et un pres-
bytre, du point de vue de l'ordination. Et c'est un problème que l'on
rencontre fréquemment maintenant dans le dialogue œcuménique.
Insistance aussi sur la collégialité des ministres dans l'édification de
l'Église. Il est frappant que lors de l'ordination de nouveaux ministres,
c'est en général un collège de presbytres présidé qui impose les mains,
pour signifier ce caractère collégial du ministère.
Un troisième point concernant la doctrine du ministère est la
nécessité qu'il soit ordonné par l'imposition des mains et l'invocation de
l'Esprit Saint. La question de la succession apostolique, au sens
catholique, ne joue pas de rôle important dans la tradition réformée. Même
si les réformés peuvent admettre, en vue de l'unité visible, que le
ministère épiscopal doit être restauré pleinement, ils auront toujours
de la peine à croire que, pour la validité de ce ministère, il soit
nécessaire de l'insérer dans une succession historique. Les pasteurs réformés
334 M. THURIAN
Conclusion
L'essentiel de la foi, pour le réformé, c'est l'essentiel de la foi
catholique telle qu'elle s'exprime dans le Credo (le symbole de Nicée-
Constantinople et le symbole des apôtres), dans la tradition primitive
des Pères de l'Église, dans les premiers conciles œcuméniques. Mais
cet essentiel de la foi, la tradition réformée le reçoit en soulignant
quelques aspects théologiques qui lui paraissent fondamentaux pour
sauvegarder la pureté de cette foi catholique. Tout d'abord, la tradition
réformée recherche toujours dans la confession de la foi ce qui peut
être une action de grâce rendue à Dieu seul. La tradition réformée
souligne très fortement dans la confession de la foi le fait que tout ce
que nous avons reçu et que nous recevons de bien ne peut venir que
de la seule grâce de Dieu par le seul acte de foi d'un cœur transfiguré
par lui. La tradition réformée s'attache très fortement à l'unique
témoignage de l'Écriture sainte; il ne s'agit pas de nier que cette
Écriture ne puisse être vraiment comprise que dans la lecture œcuménique
de toute l'Église à travers l'histoire; mais toutes ces lectures de la
tradition doivent être et peuvent être constamment remises en question
par une relecture actuelle de la Parole de Dieu. La tradition réformée
affirme que l'Église doit toujours être restaurée et renouvelée par
l'Esprit Saint; qu'elle n'est jamais acquise dans son unité, dans sa
sainteté, dans sa catholicité et dans son apostolicité; l'Église doit
sans cesse se repentir et revenir au modèle de l'Église apostolique.
Enfin, la tradition réformée insiste sur le fait que l'Église est d'abord
Église invisible, corps mystique du Christ, dont Dieu seul connaît
tous les membres; cette conception de l'Église universelle invisible
donne à la tradition réformée une vision large de l'unité des chrétiens
et du dialogue de l'Église avec les religions et avec tous les hommes;
en effet, l'unité que nous ne voyons pas encore, Dieu la connaît, et
les chrétiens que nous ne reconnaissons pas encore, Dieu les connaît
déjà.
F - 71250 Taizé - Communauté Fr. Max Thurian