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DE L'ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU TRAVAIL À LA GESTION

DE LA CHAÎNE D'APPROVISIONNEMENT :
Les 100 ans de la gestion des opérations, de la production et de la logistique
Silvia Ponce,Sylvain Landry , Jacques Roy

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HEC Montréal | « Gestion »

2007/3 Vol. 32 | pages 52 à 65


ISSN 0701-0028
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Pour citer cet article :


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Silvia Ponce et al., « De l'organisation scientifique du travail à la gestion de la chaîne
d'approvisionnement :. Les 100 ans de la gestion des opérations, de la production et de la
logistique », Gestion 2007/3 (Vol. 32), p. 52-65.
DOI 10.3917/riges.323.0052
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52

De l’organisation scientifique du travail


à la gestion de la chaîne d’approvisionnement :
les 100 ans de la gestion des opérations,
de la production et de la logistique
Silvia Ponce, Sylvain Landry et Jacques Roy 1

Au cours des 100 dernières années, Les auteurs

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la gestion des opérations et de la pro-
100 ANS DE GESTION

duction (GOP), tant dans sa dimension Silvia Ponce, Sylvain Landry et Jacques Roy sont professeurs à HEC Montréal.
pratique que dans sa dimension univer-
sitaire, a été à la source de transforma-
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tions profondes. Dans les années 1980, – supply chain management ou SCM, vent associé au juste-à-temps (JAT) –,
Diorio et Étienne (1983) observaient aussi nommée la logistique intégrée un nouveau paradigme de production
que le domaine avait traversé cinq gran- ou simplement la gestion de la chaîne dans lequel le client est au cœur même
des époques : l’époque technologi- logistique – ainsi que la gestion des sys- des décisions de fabrication2 (Ohno,
que, correspondant à la période allant tèmes à valeur ajoutée constituent les 1988; Duguay et al., 1997).
de la révolution industrielle jusqu’à la sujets qui préoccupent davantage le Au cours du dernier siècle, un double
fin de la Première Guerre mondiale; domaine de la gestion des opérations. constat s’impose. Premièrement, nous
l’époque d’instabilité des années Sprague (2007), à son tour, souligne que observons le passage de la production
1920 et 1930; l’époque mathémati- le domaine de la gestion des opérations d’un modèle unique, universel et stan-
que, débutant vers les années 1930 et a vécu des «changements substantiels» dardisé – où la fabrication du modèle T
prenant son essor dans les années qui depuis le XIXe siècle et, occasionnelle- de Ford constitue l’exemple par excel-
ont suivi la Seconde Guerre mondiale; ment, des «crises d’identité». lence – à la production dite personnali-
l’époque sociotechnique des années Dans cet article, nous retraçons sée ou le surmesure de masse qui permet
1970; enfin, l’époque politique de l’évolution du domaine depuis les 100 parfois d’offrir des milliers d’options à
production, commençant également dernières années, période pendant ses clients3. Deuxièmement, la pratique
vers la fin des années 1960, mais se dif- laquelle la gestion des opérations a été de la gestion des opérations, de la pro-
férenciant de l’époque précédente par au centre de grandes mutations. En duction et de la logistique déplace son
sa perspective gestionnaire puisqu’elle effet, au début du XXe siècle et dans les attention de l’organisation scientifique
établit le pont entre les objectifs de pro- années suivant la fondation de l’École du travail de Taylor à la gestion de la
duction et la stratégie de la firme. des Hautes Études Commerciales de chaîne d’approvisionnement ou chaîne
Dans les années 1990, se référant Montréal, le domaine connut un essor logistique. La pratique de la GOP et de
uniquement aux grands changements fulgurant avec la naissance de l’orga­ la logistique, dans un temps et un lieu
de la décennie précédente, Melnyk nisation scientifique du travail de donnés, constitue ainsi le vrai vecteur
et Denzler (1996) signalaient que le Frederick W. Taylor (1911) et l’introduc- du développement du corps de connais-
domaine de la gestion des opérations tion de la chaîne de montage par Henry sances du domaine4. Dans le taylorisme,
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avait vécu des «développements dérou- Ford, en 1913, marquant l’émergence du le gestionnaire se concentre essentiel-
tants» et citaient, entre autres, le mana- paradigme de la production de masse. lement sur les opérations de l’usine
gement de la qualité totale, le juste-à- Or, vers la fin du XXe siècle, le modèle de tandis que dans la gestion de la chaîne
temps, la théorie des contraintes, la production symbolisé par le fordisme et logistique – ou la SCM, d’après le sigle
production à valeur ajoutée, la gestion dominant le monde industriel pendant anglais communément utilisé dans la
en temps réel (time-based competition), quelques décennies céda sa place à la francophonie –, les préoccupations du
le surmesure de masse et l’agilité. production flexible et agile, symbolisée gestionnaire traversent les frontières de
En ce début du XXIe siècle, Pilkington par le système de production de Toyota l’usine et intègrent la gestion des opé-
et Fitzgerald (2006) affirment que la ges- – Toyota production system ou TPS, rations qui se déroulent à l’extérieur de
tion de la chaîne d’approvisionnement connu sous le nom d’ohnisme et sou- la firme. Cette évolution du domaine a
donc nettement transformé la manière à la fonction. Nous terminons en faisant cette approche, outre les tâches tradi- 53
de concevoir l’entreprise et la profes- le point sur les principales incidences tionnelles d’exécution, dans lesquel-
sion du gestionnaire des opérations. De de ces défis sur le champ de connais- les les décisions se prennent au jour le
nos jours, ces gestionnaires ne s’intéres- sances de la GOP et de la logistique. jour et la gestion se fait en temps réel, le
sent plus uniquement à la gestion des gestionnaire des opérations prend des
usines, l’unité de transformation de la décisions en matière de production à
production. Ils portent maintenant une court, à moyen et à long terme.
attention particulière au contexte, aux Les principales dimensions de En ce qui a trait au long terme, le ges-
différentes ramifications et interfaces, la fonction «opérations» tionnaire est concerné par les décisions
ce qui comprend entre autres la gestion stratégiques comprenant la conception
des relations avec les clients ainsi que Du temps de Taylor (1911), la fonc- et la mise en place des systèmes opé-
les partenaires en amont, notamment tion «opérations» concentrait son rationnels, la chaîne et le réseau logis-
les fournisseurs, et en aval. attention sur la gestion des activités tiques, et en particulier par des déci-
Quant au rôle de l’organisation d’exécution. Par la suite, le champ de sions sur la capacité, soit en matière
scientifique du travail de Taylor, la GOP est devenu beaucoup plus com- de choix des processus de production,
Mattio-O. Diorio5 remarque que cette plexe et fragmenté. D’ailleurs, vers la des technologies et équipements, de
contribution ne peut pas se détacher fin des années 1960, Wickham Skinner l’aménagement et de l’apprentissage du
de son contexte, à savoir de l’environ- (1978 : 322) affirmait que le gestion- personnel. À court et à moyen terme, le
nement politique, économique, social, naire des opérations pouvait jouer le gestionnaire des opérations prend en
technologique et écologique (PESTE, «rôle d’intégrateur»; donc, la fragmen- charge, entre autres, la planification de
d’après Nollet, Kélada et Diorio, 1994). tation du champ était telle que ce ges- la production, la gestion des stocks, la

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Au début du XXe siècle, la main-d’œuvre, tionnaire «non seulement tolérait la gestion des approvisionnements et la

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par exemple, se composait principale- diversité, mais la recherchait». gestion de la qualité.
ment d’immigrants qui ne maîtrisaient De nos jours, le domaine de la GOP Le champ de connaissances de la
pas la langue et de paysans qui, à cause s’est extrêmement étendu. Nous assis- GOP et de la logistique comporte alors
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de l’industrialisation de l’agriculture, tons à une explosion de connaissances plusieurs dimensions. Pour les besoins
se tournaient vers la ville à la recher- dont les limites sont difficiles à établir. de cet article, nous en présenterons
che d’emplois, possédant très peu de Dans ce contexte, l’approche systémi- sept (voir le schéma 1). Ces dimensions
connaissances au sujet des processus que adoptée par Nollet et al. (1994), correspondent sommairement aux
industriels. De plus, à l’époque, la pro- distinguant trois niveaux décisionnels principaux centres d’intérêt des recher-
duction était isolée des autres fonctions à l’intérieur de la fonction, promeut ches universitaires ainsi qu’aux préoc-
de l’entreprise et de son environnement l’établissement des priorités. Suivant cupations des praticiens, ce qui nous
externe et, par le fait même, l’évolution
de cet environnement n’était pas inté-
grée aux besoins et aux objectifs de SCHÉMA 1 – P rincipales dimensions de la gestion des opérations, de la production
production. Par conséquent, pendant et de la logistique
plusieurs années, la poursuite du one
best way (l’unique bonne façon) intro-
duite par Taylor (1911) figea la produc- Stratégie des
tion, fermant la porte à l’amélioration opérations et stratégie
continue, soit la recherche d’une better manufacturière
way, d’une meilleure façon (Given,
1949 : 44).
Planification et Gestion de la qualité,
Dans cet article, nous adoptons
contrôle de la production amélioration des processus
cette perspective contextuelle pour
et des stocks et innovation
retracer les principaux événements qui
ont alimenté le passage de l’organisa-
Systèmes opéra-
tion scientifique du travail à la gestion
tionnels et systèmes
de la chaîne logistique, où la produc-
de production
tion devient un maillon d’un ensemble
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intégré. L’article débute avec la descrip-


tion des principales dimensions qui Approvisionnement Gestion de la
façonnent la fonction «opérations». et gestion des achats chaîne logistique
Ensuite, nous présentons les grands
traits de l’évolution de chacune de ces
Gestion des opéra-
dimensions en soulignant certains évé-
tions et de la production
nements majeurs. Par la suite, nous
dans les entreprises
faisons ressortir les principaux enjeux
de services
concernant les dimensions discutées
ainsi que les grands défis qui se posent
54 permettra de faire ressortir l’arrimage qui contribuent aux objectifs globaux signifie qu’à chaque doublement d’une
nécessaire des développements concep- de l’entreprise (Nollet et al., 1994). production continue, le temps de fabri-
tuels et théoriques aux problématiques De plus, bien avant que le phénomène cation diminuait de 15 % (Abernathy et
réelles de la pratique de la GOP. de la courbe d’apprentissage7 soit docu- Wayne, 1974). Pourtant, bien qu’ayant
menté et modélisé pour rendre compte l’esprit scientifique, Ford s’écarta du one
de la capacité d’un système à s’amélio- best way de Taylor et s’acharna plutôt
rer dans le temps, les investissements de sur ce qu’il voulait être, en quelque
Les événements majeurs de Ford dans les structures et infrastructu- sorte, un one best product. Cela valut au
la GOP et de la logistique res de production avaient pour objectif modèle T une fin abrupte en 1927, après
une diminution du coût de fabrication et 15 millions de produits vendus (voir le
Nous retraçons ici les principaux du prix de vente avec l’augmentation du tableau 2).
événements concernant les sept dimen- nombre d’unités fabriquées suivant un Pour fabriquer le successeur du
sions de la GOP et de la logistique dans coefficient d’apprentissage de 85 %. Cela modèle T – le modèle A –, l’immense
l’ordre suivant : les systèmes opération-
nels et de production; la planification
et le contrôle de la production et des TABLEAU 1 – Conception des systèmes opérationnels et des systèmes de production
stocks; le champ de la stratégie des Principaux événements Principaux auteurs
opérations et de la stratégie manufac-
turière; la gestion de la qualité, l’amélio- Management scientifique ou 1900-1915 – Taylor (1911) (États-Unis)
ration continue et l’innovation; l’appro- organisation scientifique du travail (OST)
visionnement et la gestion des achats;

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Chaîne de montage 1913 – Ford (1926, 1930) (États-Unis)
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la gestion des opérations dans les entre-


prises de services; enfin, la gestion de Courbe d’apprentissage, gestion de la 1936 – Wright (1936)
la chaîne logistique (voir le schéma 1). capacité
Dans les paragraphes suivants, nous
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soulignons les faits marquants de ces «Système 24», CIM, fabrication en 1960-1970 – Groover (1980) (Royaume-Uni)
sept dimensions ainsi que les principa- cellule et flexible (flexible manufacturing
les contributions présentées dans des systems ou FMS)
tableaux récapitulatifs.
Juste-à-temps et production à valeur 1978-1990 – Ohno (1988) (Japon)
ajoutée (lean manufacturing) – Womack et al. (1990) (États-Unis)
La conception des systèmes
opérationnels et des systèmes Surmesure de masse et fabrication agile 1993 – Pine II (1993) (États-Unis)
de production 1994 – McCutcheon et Amitabh (1994)
(États-Unis – Canada)
Les développements incorporés aux
systèmes de production constituent
sans aucun doute les changements les TABLEAU 2 – Principales caractéristiques du modèle T de Ford
plus marquants dans le domaine. Le
tableau 1 présente le sommaire des plus Fabrication 1908-1927 Production cumulative : 15 007 033 unités
grands événements sur ce plan.
Année 1909 1913 1914 1916 1921
Comme nous l’avons mentionné pré-
cédemment, dès le début du XXe siècle, Volume de production 13 000 248 000 260 720 735 000 971 000
tant Taylor que Ford allaient donner
Nombre d’employés 13 000
l’impulsion nécessaire à la production
de masse qui succéda à la production Revenus 3 millions 25 millions
artisanale et allait devenir la forme
dominante d’organisation industrielle Part du marché (%) 9,4 39,6 48,0 38,6 55,4
(Landry, 1996). Désormais, le rythme Cycle de fabrication 728 min 93 min
du travail serait dicté par la machine.
Temps de cycle ~1 min 23 sec
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D’ailleurs, si le modèle T de Ford fut à


l’origine (en 1908) un produit innova-
Profits par unité ($); 220 99
teur, ce sont les innombrables inno-
profits totaux 30 millions 60 millions
vations apportées aux processus qui
donnèrent à Ford une position aussi Coûts de production ($) 590 319 371 262
dominante sur le marché nord-améri-
cain pendant près de 20 ans6. Rappelons Prix ($) 825 575 (1912)
qu’un processus est un ensemble d’ac- Modèle T ($) 850 600 550 360
tivités (composées elles-mêmes de Sources : Abernathy et Wayne (1974), Williams et al. (1993), Byron Press Visual Publications, Inc. et Forbes Inc. (1996)
tâches) comportant des objectifs précis
complexe de la Rivière Rouge à Detroit dément la structure de nos sociétés, terme, autrement dit d’ordonnance- 55
dut fermer ses portes pendant plu- l’économie ainsi que les exigences des ment des commandes de fabrication
sieurs mois de façon à reconcevoir les postes8 (Harvey, 1996). Au début du dans l’atelier. C’est à cette époque que
processus et à se réoutiller. En 1930, siècle passé, le management scientifi- remontent les fameux graphiques que
Ford écrivit que cet épisode – c’est-à- que prônait essentiellement la sépa- Henry Gantt conçut afin de préparer
dire qu’en quelque cinq mois il avait pu ration de l’exécution de la conception les échéanciers de production et qu’on
transformer ce complexe pour y fabri- pour contrôler la production et maxi- utilise encore couramment aujourd’hui
quer un tout nouveau produit – était en miser la productivité des usines. À la fin dans la gestion de nombreux projets
quelque sorte la démonstration que son du même siècle, et avec l’introduction (voir le tableau 3).
usine était flexible! Paradoxalement, il d’une panoplie de technologies9, nous Vers la fin des années 1950, la même
parlait de flexible mass production bien avons assisté à la création d’indus- logique devait engendrer l’établisse-
avant l’introduction des systèmes de tries basées sur le savoir, où les postes ment d’outils de gestion de projets
production flexibles que l’on connaît demandent de la polyvalence et l’inté- comme le la méthode de program-
aujourd’hui. gration des connaissances spécialisées mation optimale (program evaluation
Dans les années suivantes, de nom- aux compétences de pointe en gestion. and review technique ou PERT) et la
breuses entreprises s’éloignèrent du méthode du chemin critique (critical
one best way (l’unique bonne façon) La planification et le contrôle de path method ou CPM), comme le signale
pour adopter un concept élargi devenu la production et des stocks le tableau 3. Par ailleurs, la Seconde
la plate-forme de l’amélioration conti- Guerre mondiale entraîna une vérita-
nue, tel que décrit par Given (1949 : Avec l’émergence du management ble explosion de techniques d’aide à la
44; traduction libre) : «nous devons scientifique, bon nombre d’ingénieurs décision en gestion des opérations, pro-

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trouver pour tout ce que nous faisons et de gestionnaires se penchèrent sur pulsée par l’apparition de la recherche

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"une meilleure façon"». Toutefois, si le les activités de planification à très court opérationnelle, soit l’application de la
fordisme avait ses limites, Ohno (1988),
le principal artisan du Toyota produc-
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tion system (TPS), reconnut que c’était TABLEAU 3 – La planification et le contrôle de la production et des stocks
probablement la meilleure réponse
aux défis de l’époque. Par rapport au Faits saillants Auteurs, associations et outils
­fordisme, les défis auxquels faisait face Diagramme de planification 1914 – H.L. Gantt (États-Unis)
Toyota (au milieu du siècle) amenèrent d’activités
ses dirigeants à «penser à l’envers»
(Coriat, 1991). Néanmoins, si la flexi- Application du modèle de lot 1915 – F.W. Harris (États-Unis)
bilité qui faisait si cruellement défaut économique à la gestion des stocks
chez Ford est au cœur du TPS, nous
devons reconnaître que tant Ohno que Développement d’outils : 1947 – G. Dantzing (États-Unis)
Ford partageaient une passion pour la programmation linéaire, 1954 – Méthode de Johnson pour
conception et l’amélioration des pro- simulation, théorie des files l’ordonnancement de la production
cessus et, au bout du compte, pour l’in- d’attente, programmation 1960 – Holt et al. (1960)
novation du système de production. mathématique 1961 – Buffa (1961)
Aujourd’hui, plusieurs entreprises Fondation de l’APICS, l’Association 1953-1957 – Formation du premier chapitre de l’American
ont emboîté le pas et adopté la flexi- pour la gestion des opérations Production and Inventory Control Society,
bilité pour offrir à leur clientèle des 1953, New Bedford, États-Unis
produits pratiquement sur mesure, au – Fondation officielle de l’APICS,
même prix que ceux des producteurs de Cleveland, 1957
masse (Pine II, 1993). Parallèlement au
développement de l’ohnisme, qui doit Développement d’outils de gestion Fin des – Projet Polaris, Marine américaine
ses acquis principalement aux techni- de projet, PERT et CPM années – Techniques d’ordonnancement et de contrôle
ques de gestion, des technologies dites 1950 de programme, méthode de programmation
«douces», de nombreuses entreprises optimale (program evaluation and review
ont adopté des systèmes de production technique, PERT)
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flexible automatisés qui font appel aux – Méthode du chemin critique, (critical path
technologies dites «dures», notam- method, CPM), 1957
ment des technologies de conception
et de fabrication assistées par ordi- Planification de besoins matières 1967 – Plossl et Wight (1967)
nateur (Diorio et Deschamps, 1989). MRP et MRPII 1975 – Orlicky (1975)
Cependant, au-delà des changements 1981 – Wight (1981)
paradigmatiques de la production dans Progiciel de gestion intégré 1990 – Commercialisation du SAP R/3
les usines, les innovations introduites (Enterprise resource planning, ERP) – Proposition de l’expression ERP par Gartner
lors de la reconception des systèmes Group
de production ont transformé profon-
56 méthode scientifique à des problèmes Au fil des ans, un ensemble d’acti- tières de l’entreprise, cette distinction
d’opérations. Ainsi, en 1947, George vités ciblant principalement la planifi- devint un des principaux fondements
Dantzig développa la méthode du cation des capacités et le contrôle des de l’intégration de la chaîne logistique
simplex pour résoudre des problèmes activités de production se greffèrent sur (SCM), comme nous le verrons plus
de programmation linéaire. D’autres le PDP et la PBM. En 1969, Oliver Wight loin.
suivirent avec la programmation dyna- donna le nom de closed-loop MRP – la
mique, les files d’attente et la simula- PBM à boucle fermée – à ce premier La stratégie des opérations et
tion qui furent appliquées à de nom- système intégré de planification et la stratégie manufacturière
breux problèmes de planification de la contrôle de la production et des stocks
production, du transport et des stocks. (Wight, 1981). En 1981, avec l’introduc- Après l’essor et le déclin du mana-
Par exemple, Holt et al. (1960) proposè- tion de simulations (what if analysis) et gement scientifique de Taylor, la logi-
rent une règle de décision linéaire pour d’une interface avec les systèmes finan- que des économies d’échelle dominant
optimiser le problème de planification ciers, ce dernier consacra l’expression l’après-guerre a enseveli les gestionnai-
agrégée (globale) de la production sur MRPII ou manufacturing resource plan- res des opérations dans les usines. C’est
un horizon (ou période) de planifica- ning pour décrire, dans les faits, le pre- grâce à Skinner (1969), de la Harvard
tion annuel. mier système intégré de gestion de l’en- Business School, que les opérations
L’avènement de l’ordinateur permit treprise, ancêtre du progiciel de gestion et, plus particulièrement, les activités
à ces systèmes de gérer des situations intégré (enterprise resource planning ou de fabrication reprirent leur place au
de plus en plus complexes et de plus en ERP) actuel. sein de la stratégie d’entreprise (voir le
plus près de la réalité10. Parallèlement Dans les années 1980, la distinction tableau 4).
à cette vague portée par la recherche de la demande – dépendante et indé- Vers les années 1960, malgré la résis-

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pendante11 –, qui donna lieu au système tance des universitaires de son époque,
100 ANS DE GESTION

opérationnelle, certains cherchèrent à


hiérarchique de planification MRP II Skinner soutenait systématiquement
développer des outils de planification
décrit précédemment, allait permet- que la fabrication constitue une arme
et de contrôle de la production et des
tre de traverser les frontières de l’usine concurrentielle et que la compétitivité
stocks pour soutenir les gestionnaires.
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pour intégrer le réseau de distribution dépend de «l’efficacité de l’usine consi-


Lorsqu’en 1961 Joseph Orlicky (Plossl,
au système intégré de planification. Ils dérée dans son ensemble» (Skinner,
1994) introduisit le premier système
émergent alors des systèmes nommés 1974 : 114; traduction libre, et 2007).
de planification des besoins matières
DRP, d’après l’expression anglaise distri- Sur la base de ses expériences pratiques
– la PBM, aussi connue par le sigle MRP,
bution resource planning (planification et études de cas, Skinner (1974) intro-
d’après l’expression anglaise material
de ressources de distribution, PRD), et duisit le concept de la focalisation des
requirements planning –, la planifica-
plus tard, lorsqu’on traverse les fron- usines car, d’après ses constats, aucun
tion de la production se faisait davan-
tage à court et à moyen terme pour
les produits finis. Les renseignements
TABLEAU 4 – L es principales contributions en stratégie des opérations et en stratégie
étaient souvent regroupés par mois, ou
manufacturière
par trimestre, et le calcul des besoins en
composants et matières premières se Principaux concepts Auteurs
limitait souvent à un calcul sommaire (à
partir des nomenclatures de produits), Fabrication et stratégie 1969-1978 – Skinner (1969, 1974) (États-Unis)
sans nécessairement tenir compte des d’entreprise, focalisation des usines
stocks de produits en cours, des tailles Productivité, compétitivité et 1980 – Hayes et Abernathy (1980) (États-Unis)
de lots, des capacités et autres. extrants manufacturiers 1986 – Skinner (1986) (États-Unis)
La PBM amena alors la possibilité 1989 – Hill (1989) (Royaume-Uni)
d’échelonner l’information sur un hori-
zon de planification plus long, en uti- Flexibilité et temps : sources de Années 1980 – Slack (1983, 1988) (États-Unis)
lisant des intervalles de planification compétitivité 1991 – Blackburn (1991) (États-Unis)
plus courts (par exemple, la semaine) et Fabrication de classe mondiale 1984 – Buffa (1984) (États-Unis)
en liant les besoins en composants11 aux 1984 – Hayes et Wheelwright (1984) (États-Unis)
décisions de fabrication exprimées dans 1985 – Skinner (1985) (États-Unis)
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le plan directeur de production (PDP)12. 1986 – Schonberger (1986) (États-Unis)


De plus, la PBM permit de calculer et de
recalculer les besoins en composants à Modèle du cône de sable (sand 1990 – Ferdows et DeMeyer (1990) (France)
la lumière des changements dans l’en- cone model) et théorie des
vironnement de l’entreprise, de façon à arbitrages (trade-offs)
maintenir valides les priorités, c’est-à-
Internationalisation de la 1986 – Ferdows et al. (1986)
dire de faire en sorte que l’échéance des
production, impartition et 1992 – Bettis et al. (1992)
commandes de fabrication ou d’achat conception des réseaux de 2002 – Barthélemy (2002) (France)
corresponde en tout temps à la date du production 2003 – Rudberg et Olhager (2003)
besoin exprimé.
système de production n’est capable de tion à valeur ajoutée et la qualité totale tifiques sans tomber pour autant dans 57
tout fabriquer à des niveaux de perfor- permettraient la mise en place d’une les pratiques typiques du taylorisme
mance élevés. Pour obtenir des résul- stratégie des opérations gagnante. (voir le tableau 5). Bien au contraire, ces
tats exceptionnels, il faut donc faire Actuellement, les entreprises les programmes encouragent la créativité,
des arbitrages, établir des priorités, plus performantes adoptent des straté- la résolution des problèmes et le travail
focaliser la production et séparer sur gies des opérations complexes, combi- en équipe, et intègrent davantage des
les plans physique et organisationnel la nant plusieurs options de fabrication, outils informatiques demandant une
fabrication des produits qui s’opposent dont la production à l’interne, la sous- forte contribution cognitive aux tra-
dans leurs exigences de production et traitance et l’impartition (même à l’in- vailleurs.
aménager des usines dans l’usine, au térieur de leurs réseaux de production). Le «mouvement» institutionna-
besoin. Ces pratiques et la mondialisation lisant la qualité pourrait être perçu
Au cours des années 1970, le déclin entraînent la configuration des réseaux comme un phénomène socioculturel,
de la productivité aux États-Unis de production et l’intégration des acti- un construit au sein de la discipline du
déclencha par ailleurs une série d’ini- vités de la chaîne logistique, justifiant management, se combinant avec la dif-
tiatives conjointes réunissant des uni- davantage l’expression «stratégie des fusion des connaissances de gestion, car
versitaires, des dirigeants d’entreprise, opérations» car elle intègre la stratégie nombreux sont ceux qui y ont contri-
des personnalités du gouvernement et manufacturière. bué et y contribuent encore (Giroux,
des personnalités de l’industrie (Hayes 2006). Reconnus comme des gurus de
et Abernathy, 1980). De nombreuses Du contrôle statistique au la qualité, un groupe important de pra-
études et enquêtes sur des secteurs clés management de la qualité totale ticiens et consultants d’Occident et du
de l’économie américaine renforcèrent Japon – Deming, Juran, Feigenbaum,

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le rôle attribué à la fabrication dans L’avènement de l’organisation scien- Ishikawa, Crosby, Taguchi, Shingo,

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l’amélioration de la productivité et la tifique du travail avec ses études des Harrington, Kélada et tant d’autres
compétitivité des entreprises. Depuis, temps et mouvements est à la base de (voir le tableau 5) – conçurent des
et intégrant diverses contributions, un l’émergence du concept de la qualité, démarches qualité soutenues par une
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corps de connaissances s’intéressant comme le montre le tableau 5. Au fils diversité d’outils pour mettre en place
aux facteurs de compétitivité (capabi- des ans, la qualité se constitua pourtant une panoplie d’approches, dont des
lities) de la production et aux extrants dans un vrai courant, marquant non programmes de contrôle de la qualité,
manufacturiers se constitua, favori- seulement la fonction «opérations», de gestion de la qualité et/ou de qua-
sant l’adoption de systèmes de pro- mais aussi la discipline du management lité totale. Dans ces démarches, il est
duction flexibles. Les deux dernières dans sa globalité. Entre 1920 et 1980, le à remarquer l’ancrage dans la pratique
décennies du XXe siècle témoignent des concept de «qualité14» se transforma. de la gestion dans le but d’améliorer la
efforts accomplis dans cette direction, Passant d’une caractéristique techni- compétitivité des organisations.
notamment la théorie du cône de sable que à une pratique d’affaires, voire à une De nos jours, bien que toujours pré-
de Ferdows et DeMeyer (1990), qui pro- stratégie d’entreprise – avec le manage- sente, l’expression «qualité» n’est plus
posa des arbitrages précis entre les ment de la qualité totale –, le concept aussi souvent à l’avant-scène du dis-
divers extrants des systèmes de produc- rehaussa davantage la contribution de cours des gestionnaires des opérations.
tion. Désormais, outre la qualité et les la fonction «opérations» à la compétiti- Dans une perspective élargie, ils prônent
coûts, la compétition se pose en fonc- vité des entreprises (Kélada, 1996). davantage la mesure de la performance,
tion des temps, des délais, du service, Au cours de cette évolution, on la gestion de la SCM et l’innovation, car
de la flexibilité et, plus récemment, de constate un véritable phénomène dans plusieurs secteurs de l’économie
l’innovation systématique. d’institutionnalisation des pratiques mondiale, la qualité est devenue une
Voss (2005) relève néanmoins trois inédit au sein du management, renfor- condition nécessaire mais non suffi-
courants en matière de stratégie des çant l’adoption d’outils, notamment sante pour la compétition17. Toutefois,
opérations. Outre le courant fondé sur le contrôle statistique des processus, l’héritage du mouvement de la qualité,
les facteurs de compétitivité et des com- qui prépara d’ailleurs le terrain pour tant sur le plan des apprentissages que
pétences (capabilities), un deuxième d’autres avancées, dont la réingénie- sur celui de l’instrumentalisation de la
courant vise la stratégie de fabrication rie des processus (Kélada, 1996). De gestion, est indéniable. Dans une pers-
de classe mondiale13, qui consiste à plus, dans les années 1980, une série de pective d’amélioration continue, voire
façonner la stratégie d’entreprise sur la référentiels, par exemple l’ISO 9000, le dans une logique d’inno­vation, les ges-
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base de la contribution des opérations prix Malcolm Baldrige et de nombreux tionnaires soutiennent qu’aucune entre-
et qui correspond au plus haut niveau autres prix de qualité, contribuèrent à prise ne peut se permettre de négliger la
de performance du modèle évolutif de l’institutionnalisation d’un processus gestion de la qualité, ni l’intégration des
Hayes et Wheelwright (1984 : 395-403), d’amélioration continue15 au sein des pratiques de gestion environnementale.
un classique du domaine. En étroite entreprises.
relation avec ce dernier, un troisième À son tour, le contrôle statistique L’approvisionnement et la gestion
courant s’appuie sur l’adoption des de la qualité aurait également amorcé des achats
«meilleures pratiques», dans lequel le développement des programmes
l’adoption d’un système de production Six Sigma16, qui comportent, à l’heure En étroite relation avec la gestion
flexible ou le juste-à-temps, la produc- actuelle, une bonne dose d’outils scien- de la qualité, et reconnaissant le rôle
58 TABLEAU 5 – Faits saillants de la gestion de la qualité d’affaires) constituent tous des proces-
sus de gestion clés soutenus par cette
Thèmes Principaux auteurs et faits saillants fonction.
Étude des temps et 1911 – F. Gilbreth et L. Gilbreth (États-Unis) Au cours des 30 dernières années,
mouvements le caractère stratégique des approvi-
sionnements s’est donc affirmé tant
Contrôle de la qualité 1922 – Radford (1922) (États-Unis) dans les milieux des affaires que dans
1931 – Shewhart (1931) les milieux publics. À cet égard, on
constate une évolution sous-jacente
Qualité totale (TQM) et 1946 – Fondation de l’American Society for Quality du rôle (et de la perception) des appro-
principaux gurus de la Control (ASQC), 16 février avec 253 membres visionneurs, passant d’un rôle passif-
qualité 1947 – La qualité au Japon supporteur (caractéristique des années
1947 – E. Deming, conseiller en techniques statistiques, précédant la décennie 1980) à un rôle
Supreme Command of the Allied Powers, Tokyo proactif-ajout de la valeur, émergeant
1951 – Juran (1951) avec force dans la décennie 1990. Dans
1951, 1956 – A.V. Feigenbaum, directeur des opérations et cette transformation, on remarque les
de la production, General Electric, 1958-1968 nombreuses initiatives de profession-
– Feigenbaum (1951, 1956) nalisation, les études, l’expertise et les
Depuis – Taguchi (1956) connaissances développées et diffu-
1950-1955 – Shingo (1989) sées depuis les années 1970 par Farmer,
1962 – K. Ishikawa, JUSE, quality control research Leenders, Fearon et leurs nombreux

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group – quality circles activities, 1968 collaborateurs18 (Nollet et al., 2005b).
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1979, 1984 – Zéro défaut En ce moment, les entreprises per-


– Crosby (1979, 1984) formantes allouent les ressources
nécessaires à la formulation, à la mise en
Réingénierie des processus 1993 – Hammer et Champy (1993)
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place et au déploiement des stratégies


1996 – Kélada (1996) d’approvisionnement conformément
1997 – Harrington et al. (1997) aux objectifs de production et cher-
Six Sigma 1979-1987 – R. Galvin et M. Harry, Six Sigma chez Motorola chent également à rehausser la contri-
1985 – Lancement par Florida Power & Light de son bution de cette fonction à la compétiti-
programme Six Sigma vité de l’entreprise (Nollet et al., 2005a).
Force est donc de constater qu’au cours
1996 – Adoption par Jack Welch de Six Sigma chez
du XXe siècle les approvisionnements en
General Electric
sont venus à former une fonction à part
Amélioration continue, 1986 – Imai (1986) entière au sein des entreprises. Les acti-
meilleures pratiques, 1987 – ISO 9000, première version vités quotidiennes et opérationnelles
mesure de la performance 1988 – Malcolm Baldrige Quality Award (États-Unis), normalement liées aux achats s’inscri-
et analyse comparative première édition vent de plus en plus dans des activités
(benchmarking) 1990 – Kaplan (1990) à caractère global, impliquant des pro-
1996 – ISO 14000 cessus décisionnels stratégiques, voire
la conception de stratégies complexes
d’approvisionnement global et/ou mon-
dialisé (par exemple, Halley, 2004b). Les
des fournisseurs dans l’accomplisse- tance sur le plan des coûts», et indi- gestionnaires des approvisionnements
ment des objectifs opérationnels et quent que, dans le cas des entreprises jouent alors un rôle clé à plusieurs
stratégiques, les gestionnaires des opé- manufacturières, 53 % du produit des étapes des processus décisionnels et,
rations et de la logistique accordent ventes, en moyenne, est destiné uni- en particulier, à celle de la conception
une attention particulière à la fonction quement à l’achat de matières. des produits, connue sous le nom d’ESI
«approvisionnement» et aux achats. D’ailleurs, la mise en place des sys- (early supplier involvement) (Leenders
L’importance des approvisionnements tèmes de production flexibles, dont le et al., 1998).
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est devenue évidente dans de nom- juste-à-temps, aurait été impensable Selon Carter et al. (2000), le caractère
breux aspects, notamment économi- sans le concours des approvisionne- stratégique de cette fonction devrait
ques, comportementaux, structuraux ments. La recherche de sources fiables continuer à s’accentuer, particulière-
(Tchokogué et Nollet, 1998), relation- d’approvisionnement, l’établissement ment dans les domaines suivants : les
nels, d’innovation et compétitifs (voir de partenariats, la sous-traitance (par approvisionnements stratégiques (stra-
le tableau 6). Leenders et al. (1998 : 7; exemple, Halley, 2004a), les négocia- tegic sourcing), la formation des parte-
traduction libre) soulignent, par exem- tions de contrats, les ententes sur les nariats et des alliances avec des four-
ple, que «pour la plupart des dirigeants niveaux de qualité ainsi que l’adop- nisseurs stratégiques, les négociations
d’entreprise», les approvisionnements tion de technologies transactionnelles de contrats maîtres ainsi que les méca-
occupent la première place «en impor- (entraînant l’innovation des modèles nismes qui permettront de gérer stra-
TABLEAU 6 – Les principaux aspects de la fonction «approvisionnement» Évidemment, des propositions 59
inverses émergent (Teboul, 1988), mais
Principaux aspects Principaux auteurs l’industrialisation des services ne cesse
De la perspective politico-économique 1925 – Conover (1925) (États-Unis) de se consolider. Le développement
à la perspective de la gestion des achats 1928 – Anonyme (1928) parallèle des applications de la recher-
1940 – Lewis (1940) che opérationnelle aux problèmes que
1947 – Heinritz (1947) pose la gestion d’un grand nombre de
1955 – Westing et Fine (1955) clients y contribue : la gestion des files
1978 – Corey (1978a) d’attente, la gestion des horaires du
transport commercial aérien, la gestion
Achats industriels : perspective compor- 1965 – Webster (1965) des services de santé et tant d’autres
tementale 1965 – Levitt (1965) (Larson, 1987; Flagle, 2002).
1972 – Webster et Wind (1972) Soulignant le rôle du client dans
Gestion des achats et approvisionne- 1963 – Baily (1963) les processus de production des servi-
ments : prise de décision, stratégie et 1966 – Leenders (1966) ces, Chase (1978) soulève la difficulté à
développement des relations avec les 1967 – England (1967) établir une ligne de démarcation entre
fournisseurs 1972 – Farmer (1972) les biens et les services, et suggère aux
1975 – Hill (1975) gestionnaires des opérations d’avoir
1978 – Corey (1978b) recours à la séparation (decoupling) des
1986 – Ford et Farmer (1986) tâches pour diminuer la présence du
client dans le système et exercer plus de

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Proactivité, qualité, juste-à-temps et 1984 – Burt (1984) contrôle sur les processus. D’autres, au

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compétition en temps réel 1988 – Leenders et Blenkhorn (1988) (Canada) contraire, promeuvent la participation
2003 – Burton et al. (2003) du client pour qu’il exécute des tâches
Impartition, achats regroupés et verts 1991 – Monczka et Trent (1991) de production (Mills et Morris, 1986).
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2001 – Bowen et al. (2001) Le terrain de la gestion des opérations


des entreprises de services se consti-
tue alors en un lieu d’expérimentation,
de multidisciplinarité et d’innovation
tégiquement les approvisionnements. turières ne cesse de croître. Or, sous reconnu par les universitaires et les
Ces auteurs prévoient davantage l’in- certains aspects, le développement des praticiens (Nollet et Haywood-Farmer,
tégration de la chaîne logistique et la connaissances et la pratique de la ges- 1992). Chase et Aquilano (1995), en par-
simplification de celle-ci par la ratio- tion des opérations dans les entreprises ticulier, favorisent la collaboration et le
nalisation. De plus, l’innovation tech- de services semblent aller dans le sens partage des tâches de gestion entre les
nologique (notamment le commerce contraire des tendances en gestion de la opérations, le marketing et la gestion
électronique) devrait continuer à per- production. Alors que les 100 dernières du personnel, et attribuent la concep-
mettre une réduction des coûts des années marquent le passage de la pro- tion du processus de production et de
transactions; les décisions d’achats et duction standardisée à la production livraison du service au gestionnaire des
d’approvisionnement suivront de plus personnalisée, dans la gestion des ser- opérations. Roth et Menor (2003) amè-
en plus un processus de «découplage». vices on observe un phénomène inverse nent la contribution de la gestion des
Ce processus deviendra un préala- depuis les années 1970, avec des pré- technologies de l’information.
ble aux décisions d’impartition, voire occupations d’efficacité et d’efficience Dans la création de valeur pour le
aux achats par des tierces parties. Les menant à l’établissement d’un courant client, la stratégie des entreprises de
entreprises n’achèteront que des biens d’industrialisation des services. services fait ainsi appel à l’intégration
et des services non tactiques sur la base Les premiers efforts de transposi- des efforts de gestion de la part de
de contrats maîtres, le reste des achats tion des connaissances et des prati- ces diverses fonctions de l’entreprise
sera effectué à travers Internet, par l’en- ques du secteur industriel au secteur (Heskett et al., 1997). On constate, par
tremise des réseaux sécuritaires. Ce des services constituent un fait saillant ailleurs, l’arrimage des stratégies des
faisant, la base de fournisseurs devien- dans ce champ de connaissances (voir entreprises manufacturières aux servi-
dra de plus en plus mondiale, la chaîne le tableau 7). Plus particulièrement, ces pour ajouter de la valeur aux pro-
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logistique plus virtuelle et «verte», et en 1972, avec la publication de l’article duits fabriqués. Ces stratégies favori-
de nouveaux services soutenant les «Production-line approach to servi- sent l’adoption de nouveaux modèles
activités de la fonction se développe- ces» dans la Harvard Business Review, d’affaires, dont des solutions intégrées
ront davantage. Theodore Levitt inaugure une nouvelle qui combinent des biens tangibles avec
ère pour le secteur (Landry et Nollet, des services personnalisés.
La gestion des opérations dans les 1992). Désormais, les gestionnaires
entreprises de services font appel à la gestion des opérations La gestion de la chaîne logistique
afin d’améliorer les facteurs de compé-
La place des services accompagnant titivité, notamment la qualité et l’effi- La logistique est souvent considérée
et/ou soutenant les activités manufac- cience des services (Harvey, 1998). comme un centre de coûts dans les entre-
60 TABLEAU 7 – L es faits marquant la gestion des opérations dans les entreprises le nom de l’effet bullwhip – l’effet d’am-
de services plification ou le phénomène de coup de
fouet –, a pour principales causes les
Faits saillants Principaux auteurs modèles de prévisions utilisés, qui sont
Application de la production en série aux 1972 – Levitt (1972, 1976) (États-Unis) parfois trop sensibles aux variations de
services la demande, les rabais et promotions
ainsi que les politiques de lotissement
Participation du client à la production 1978 – Chase (1978) (États-Unis) (Lee et al., 1997).
et à la livraison du service, À la fin des années 1970, les travaux
modèle du contact-client (CCM) de Forrester jumelés avec le dévelop-
Caractérisation des processus de 1986 – Mills (1986) (États-Unis) pement des systèmes intégrés de ges-
production des services, typologies et 1986 – Schmenner (1986) (États-Unis) tion (MRPII) ont inspiré André Martin
importance des services 1992, 1999 – Silvestro et al. (1999) et l’ont conduit à implanter le premier
système de planification des ressources
Mesure de la qualité du processus de 1990 – Heskett et al. (1990) (États-Unis) de distribution (distribution resource
prestation du service planning ou DRP) aux Laboratoires
Stratégie des opérations dans les 1991 – Haywood-Farmer et Nollet (1991) Abbott Canada (Martin, 1985). Le DRP
entreprises de services (Canada) était un premier pas vers l’intégration
1995 – Chase et Aquilano (1995) de la chaîne, en repoussant le besoin
1997 – Heskett et al. (1997) (États-Unis) de prévoir la demande plus près du
marché (demande indépendante) et en

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calculant les besoins des différents cen-
100 ANS DE GESTION

tres de distribution selon une logique


prises, compte tenu de l’importance détaillant – pouvaient se traduire par semblable à celle suggérée par Orlicky,
des activités qui la composent, comme une augmentation de l’amplification avec la planification des besoins matiè-
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le transport et la gestion des stocks. Ces de la variance de la demande chez les res (PBM). Depuis, Martin a multiplié
activités représentent environ 10 % du acteurs en amont (distributeur, centre les initiatives pour intégrer la chaîne
produit intérieur brut (P.I.B.) des pays de distribution, fabricant, etc.). Ce phé- du fabricant à la tablette du détaillant
développés et jusqu’à 17 % du P.I.B. des nomène, mieux connu aujourd’hui sous (Martin, 1994; Martin et al., 2006).
pays en émergence, comme la Chine
(Wilson, 2005). Néanmoins, il est de
plus en plus reconnu que la gestion de la TABLEAU 8 – Les principaux concepts dans le développement de la logistique et la SCM
chaîne logistique, ou chaîne d’approvi-
sionnement, constitue aujourd’hui une Principaux concepts Principaux auteurs et outils
importante source d’avantages concur- Première recherche universitaire sur 1958 – Forrester (1958) (États-Unis)
rentiels pour les organisations qui l’effet bullwhip
excellent dans leur secteur d’activité. À
titre d’exemple, citons des entreprises Publication du premier ouvrage 1961 – Smykay et al. (1961)
comme Wal-Mart, Dell et Zara dont le sur la logistique 1968 – Magee (1968)
succès repose en bonne partie sur une
Gestion de la chaîne d’approvisionne- 1982 – Oliver et Weber (1982)
stratégie logistique avant-­gardiste.
ment (supply chain management ou SCM)
Même si l’importance des activités
logistiques a toujours été reconnue Planification des ressources de dis- 1983 – Martin et Landvater, préface de Wight (1983)
dans le domaine industriel et commer- tribution, systèmes DRP (distribution 1993 – Martin (1993)
cial, ce n’est qu’au début des années resource planning) 1994 – Martin (1994)
1950 qu’apparaissent les premiers 2006 – Martin et al. (2006)
efforts d’intégration de ce concept (voir
le tableau 8). Auparavant, ces activités Stratégies mises en place pour at- Réapprovisionnement continu (continuous replenishment
étaient morcelées et éparpillées au sein ténuer l’effet bullwhip et réduire les program ou CRP), réaction rapide (quick response ou QR),
de l’entreprise. temps de cycle réponse optimale au consommateur (efficient consumer
response ou ECR), et planification, prévision et réapprovi-
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Dès 1958, Forrester, dans un arti-


cle publié dans la prestigieuse Harvard sionnement partagé sur Internet (collaborative planning,
Business Review, modélisa la circulation forecasting and replenishment ou CPFR)
de différents flux à travers les divers Logistique versus gestion de la chaîne 1997 – Cooper et al. (1997)
acteurs de la chaîne logistique (prin- d’approvisionnement
cipalement les flux produits, les flux
d’information et les flux monétaires). Il Services logistiques et impartition 1999 – Lieb et Peluso (1999)
démontra comment certains phénomè- Logistique à rebours 1998 – Carter et Ellram (1998)
nes se déroulant au point de vente finale 1999 – Beaulieu et al. (1999)
– comme une hausse de la demande du
Pendant ce temps, les différentes nant à la fois des points de vente et des en étant considérée comme un vec- 61
composantes de la logistique furent prévisions partagées entre les membres teur de compétitivité par un nombre
regroupées en amont et en aval pour du réseau19. Cette approche se distingue grandissant de gestionnaires (Roy et
donner lieu respectivement à ce qu’on de la méthode traditionnelle de réap- Beaulieu, 2005). La logistique à rebours
appelait la gestion des matières et la provisionnement basée presque exclu- est définie comme «un ensemble d’ac-
distribution physique au début des sivement sur le traitement indépendant tivités de gestion visant la réintro-
années 1970. Par la suite, on a com- des commandes reçues à chaque éche- duction d’actifs secondaires dans des
pris les avantages liés à l’intégration lon du réseau et vise essentiellement à filières à valeur ajoutée21» (Beaulieu et
de l’amont et de l’aval en proposant la atténuer les conséquences négatives de al., 1999). Elle s’associe par ailleurs à
gestion de tout le système logistique, l’effet bullwhip. ce qu’on appelle la «logistique verte»
d’où le concept de «logistique inté- Ces nouvelles pratiques de gestion (green logistics) pour réduire les effets
grée». Bien que ce système logistique nécessitent des temps de cycle plus indésirables des activités logistiques
et l’importance de sa gestion aient été courts dans toute la chaîne logistique sur l’environnement et contribuer ainsi
clairement démontrés par Forrester, – c’est-à-dire des périodes de séjour des au développement durable (Vachon et
il y a près de 50 ans, l’expression «ges- produits plus courtes à chaque empla- Klassen, 2007).
tion de la chaîne logistique» ou supply cement –, des réseaux logistiques plus
chain management (SCM) fut pour la efficaces s’appuyant sur des moyens de
première fois employée par Oliver et transport plus rapides, du transbor-
Weber en 1982. dement (cross-docking) des marchan- Perspectives et tendances
Quinze ans plus tard, Cooper et al. dises, des méthodes de réception plus futures
(1997) positionnaient la SCM comme efficaces en magasin, l’utilisation de

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l’intégration d’un ensemble de proces- nouvelles technologies de communica- Dans les années 1960, Lawrence et

100 ANS DE GESTION


sus, dont les processus logistiques entre tion (échange de documents informati- Lorsch (1967) affirmaient que les carac-
entreprises. Avec la mondialisation des sés ou electronic data interchange, EDI; téristiques de l’environnement dépla-
marchés et des sources d’approvision- Internet), des codes à barres ou identi- cent le rôle d’intégrateur organisation-
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nement, l’Organisation de coopération fication-radio (radio-frequency identifi- nel dans la hiérarchie décisionnelle.
et de développement économiques cation ou RFID)20, la mise en place de Selon eux, plus la dynamique et l’hété-
(O.C.D.E.) définit les chaînes d’appro- programmes d’amélioration continue rogénéité de l’industrie s’accentuaient,
visionnement mondiales comme des et la recherche de la qualité totale ainsi plus le rôle d’intégrateur concernait la
réseaux internationaux de fournis- que le recours à des méthodes de ges- production.
seurs, de fabricants, d’entrepôts, de tion des coûts par activités et de gestion Plus tard, en situant l’évolution
centres de distribution et de détaillants de catégories de produits. future de la GOP, Diorio et Étienne
par lesquels les matières premières Avec la mondialisation et la libéra- (1983) envisageaient un regain d’im-
sont acquises, transformées et livrées lisation des marchés, les entreprises portance de la fonction au sein de l’en-
jusqu’aux consommateurs finaux. cherchent de plus en plus à se concen- treprise, de l’innovation (impliquant
Depuis le milieu des années 1980, trer sur les activités dans lesquelles elles une planification de la technologie), de
la philosophie qui sous-tend le juste- excellent. Cela peut être l’assemblage la flexibilité du système de production,
à-temps fut adaptée à la distribution de véhicules automobiles ou encore la de la planification et du contrôle de la
des produits finis à partir des usines mise sur le marché de produits. Dans production en temps réel ainsi que des
jusqu’aux points de vente, en passant bien des cas, ces activités excluent l’ap- habiletés critiques de gestion.
par les centres de distribution. Cela provisionnement et la distribution de Melnyk et Denzler (1996), quant à
donna naissance à des pratiques de produits, qui sont alors confiés à des eux, prévoyaient que les entreprises
réapprovisionnement continu (conti- prestataires spécialisés en logistique, allaient accorder plus d’importance à la
nuous replenishment program ou CRP), mieux connus sous le nom de «3PL» fabrication environnementale respon-
à un ensemble d’initiatives sectoriel- (third party logistics providers). Ces four- sable, aux opérations à l’échelle mon-
les connues sous le nom de réaction nisseurs de services logistiques se sont diale, aux usines virtuelles ainsi qu’à la
rapide (quick response ou QR) ou sous développés rapidement durant la der- croissance du nombre de travailleurs du
celui de réaction optimale au consom- nière décennie et continuent de croître savoir (knowledge workers). Selon eux,
mateur (efficient consumer response ou à un rythme soutenu. Aux États-Unis, les développements passés et futurs se
ECR) et, plus récemment, aux systè- par exemple, on estime que le marché résumaient en deux points : premiè-
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mes de planification, prévision et réap- des 3PL est successivement passé de 10 rement, ils permettaient de constater
provisionnement partagé sur Internet milliards de dollars américains en 1990 que le changement constitue un élé-
(collaborative planning, forecasting and à 25 milliards en 1996, à 56 milliards en ment intégral de l’environnement dans
replenishment ou CPFR). Ces pratiques 2000 pour dépasser les 100 milliards en lequel le gestionnaire des opérations
proposent essentiellement l’établisse- 2005 (Roy, 2004). agit; deuxièmement, ils prouvaient que
ment de partenariats entre les mem- De nos jours, la logistique à rebours la distance séparant le client du sys-
bres d’un réseau de distribution afin de (reverse logistics), aussi nommée «logis- tème de gestion des opérations s’était
mieux planifier le réapprovisionnement tique inversée» et «logistique inverse», réduite.
des commerces de détail en produits constitue une préoccupation de plus en Les événements des 100 dernières
finis, sur la base de l’information prove- plus présente pour les chercheurs tout années de la GOP et de la logistique
62 retracés dans cet article confirment la gérer pratiquement à l’envers (logisti- fils des gestionnaires des opérations
prospective des auteurs pour les der- que à rebours). et de la logistique acquerront davan-
nières décennies. L’environnement des Que nous réserve alors le prochain tage deux caractères. Ainsi, un carac-
affaires est effectivement devenu de plus siècle? Nous envisageons d’abord une tère technique de soutien et tactique
en plus dynamique, voire agile et turbu- redistribution plus accentuée, à l’échelle assurera le développement d’outils et
lent, et le gestionnaire des opérations planétaire, des activités de production. d’applications de gestion sophistiqués,
travaille à l’intégration sur plusieurs Plusieurs industries au stade de matu- mettant à contribution le caractère
fronts : intégration des technologies et rité poursuivant des stratégies basées scientifique adopté de plus en plus par
des pratiques de gestion, intégration sur les coûts se concentreront davan- les écoles de gestion (Skinner, 2007).
des approvisionnements, intégration tage dans des régions géographiques Un autre caractère, plus stratégique,
de la chaîne logistique, intégration à faible coût de main-d’œuvre. À leur axé sur les compétences de pointe en
des services aux biens tangibles (pour tour, les industries basées sur le savoir, gestion, assurera entre autres la ges-
offrir des solutions d’affaires), intégra- l’innovation et la créativité se dévelop- tion des interfaces et les relations. Les
tion des préoccupations écologiques… peront davantage dans des régions à compétences requises seront donc dis-
bref, nous sommes assurément à une forte concentration de main-d’œuvre tinctes, mais les profils seront complé-
époque d’intégration. qualifiée. Les technologies viendront mentaires. L’élargissement du domaine
Cette époque d’intégration pose en aide pour gérer les interdépendan- fera en sorte que ces gestionnaires éta-
néanmoins des défis majeurs aux ces (voir, par exemple, Rebolledo et bliront une interdépendance accrue,
gestionnaires et aux chercheurs du Dumouchel, 2006). puisqu’ils devront travailler davantage
domaine. D’une part, l’exercice de la En réponse aux problèmes environ- de manière collaborative et en équi-
profession est soumis à des exigences nementaux, deux voies se développe- pes dynamiques. Les défis de la forma-

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souvent contradictoires, complexes ront davantage. D’un côté, le phéno- tion de ces deux types de gestionnaires
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et incertaines, telles que produire une mène de désindustrialisation devrait devront être relevés de manière efficace
variété de biens et de services de plus en s’amplifier, ayant comme résultat la par les écoles de gestion, car leurs pro-
plus nouveaux, le plus rapidement pos- croissance du nombre de nouvelles peti- fils des compétences demanderont des
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sible, à moindres coûts et à des niveaux tes entreprises créatrices de nouveaux connaissances de base ainsi qu’une for-
de qualité de plus en plus élevés. D’autre services, voire des métiers socialement mation continue.
part, les forces de la mondialisation et écologiquement responsables. De
entraînent, entre autres, des approvi- l’autre côté, les grandes entreprises
sionnements à l’échelle planétaire, la accentueront leurs efforts de responsa-
délocalisation des unités de production bilisation sociale et environnementale, Conclusion
ainsi que la configuration de réseaux entraînant la société dans son ensem-
logistiques complexes. ble à agir de manière plus synchronisée Cet article a retracé les grands événe-
Or, l’innovation des produits, l’élar- (voir, par exemple, Florida et Davison, ments qui se sont produits dans la ges-
gissement des marchés et les stratégies 2001). tion des opérations, de la production et
de fusion et acquisition et/ou d’impar- Quant aux réseaux de production de la logistique depuis les 100 dernières
tition exigent, à leur tour, la révision des et logistiques, les technologies facilite- années, dans le but d’envisager l’avenir
stratégies des opérations ainsi que la ront davantage leur croissance et leur de ce domaine. Nous avons souligné
reconfiguration des réseaux de produc- coordination, en soutenant la synchro- les grands défis qui se posent aux ges-
tion et logistiques, créant une dynami- nisation et l’optimisation des activités tionnaires et, par ricochet, esquissé les
que de configuration-reconfiguration et des interfaces. Ce faisant, le rôle des défis des universitaires s’intéressant au
qui s’accélère, notamment, à cause du gestionnaires des opérations des inter- champ de connaissances pertinentes.
potentiel qu’offrent les nouvelles tech- faces deviendra de plus en plus impor- Certes, l’état des connaissances du
nologies de télécommunications. Du tant. Il sera alors de la responsabilité domaine correspond à une époque
même coup, le domaine de connaissan- des universitaires et des chercheurs d’intégration accentuée, entraînant un
ces de la GOP et de la logistique explose. de redéfinir le découpage des activités stade de transformation et de redéfini-
La dynamique de configuration-recon- de la fonction, en vue de préparer et de tion de l’architecture et des limites de
figuration des réseaux exige des habi- former les gestionnaires des opérations la fonction… ou peut-être devons-nous
letés de gestion aussi complexes que et de la logistique de l’avenir. D’après reconnaître que nous vivons, ne serait-
celles des structures sous-jacentes aux Hayes (2000, 2002), une nouvelle archi- ce qu’«occasionnellement», une crise
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réseaux reconfigurés, puisque c’est tecture du domaine, focalisée sur la réa- d’identité?
le centre de gravité des activités pro- lité pratique des gestionnaires, devrait Indépendamment de la réponse
ductrices (entre autres dans les pays à permettre l’élaboration d’une vision, à cette question, le gestionnaire des
faible coût de main-d’œuvre) qui bouge dans le but de répondre aux multiples opérations continuera certainement à
en même temps que le marché. Il est exigences de l’économie du savoir et, intégrer les diverses connaissances per-
donc question de gérer des compéten- en particulier, de la gestion des opéra- tinentes et nouvelles, soit techniques,
ces à distance, de gérer des fournisseurs tions intensives en information et des mathématiques, psychologiques ou
dans un contexte multiculturel et mul- réseaux. de gestion, pour n’en mentionner que
tilingue, de gérer la qualité à l’intérieur Sur ce même plan, considérant les quelques-unes. Par sa nature, la fonc-
de logiques de production diverses, de tendances actuelles, les nouveaux pro- tion continuera à évoluer et à se res-
Sur le concept et son application, voir «L’aspect dyna- la gestion de la chaîne d’approvisionnement»; voir, 63
tructurer suivant les changements de mique de la capacité», dans Nollet et al. (1994 : 193- par exemple, Jobin et al. (1997) et Halley et Beaulieu
l’environnement. À son tour, l’environ- 201). (2005).
nement continuera à «subir» les chan- 8. Le système de production de Ford a établi les bases de 20. La radio frequency identification (RFID), ou l’identifi-
gements introduits par les gestionnai- la société de consommation lorsqu’il a été en mesure cation par radiofréquence ou radio-identification, est
res dans les systèmes opérationnels et de réduire le temps de la main-d’œuvre directe pour une méthode d’identification automatique basée sur
de production. Nous allons certaine- l’assemblage d’un châssis de 12 heures 28 minutes à le stockage et la récupération des données à distance.
93 minutes, entre septembre 1913 et avril 1914, de Pour ce faire, la méthode emploie des marqueurs
ment continuer à introduire de nou- connus sous le nom de radio-étiquettes et un ou plu-
réduire le prix du modèle T de 950 $US à 360 $US,
veaux modes de production et à sou- entre 1910 et 1916, et d’augmenter le salaire de ses sieurs lecteurs. Les radio-étiquettes sont collées sur
tenir de nouveaux modèles d’affaires, employés, en janvier 1914, de 2,38 $US par jour de 9 les produits qui seront tracés ou incorporées à eux.
ajoutant d’autres «époques» à l’évolu- heures à 5 $US par jour de 8 heures. Elles possèdent alors une antenne associée à une
tion de notre domaine. Comme le dit 9. Selon Nollet et al. (1994 : 116), «la technologie com- puce électronique dans le but de recevoir les requêtes
porte de multiples facettes». En GOP et logistique, radio et d’y répondre. Les lecteurs sont des dispositifs
un adage chinois (Melnyk et Handfield, émetteurs de radiofréquences qui activent les mar-
1998), nous continuerons certainement nous distinguons différents types de technologies :
de produit, de processus (technique et de gestion), queurs lorsque ces derniers passent devant eux.
à être condamnés à vivre d’autres épo- des matières, des équipements, d’information et de 21. Le terme «actif» se veut suffisamment générique pour
ques intéressantes! communication, de gestion et de contrôle, de systè- englober tous les volets de la logistique à rebours,
mes intégrés de gestion. soit la gestion des retours de produits défectueux, des
Notes 10. À titre d’illustration de la gestion des situations com- produits non désirés par le client, des surplus d’actifs
plexes, voir les travaux de recherche publiés par Jean- ou enfin des déchets. Le terme «secondaire» signifie
François Cordeau, titulaire de la Chaire de recher- que l’actif en question a subi une dégradation quel-
1. Les auteurs tiennent à remercier Mattio-O. Diorio,
che du Canada en logistique et en transport, HEC conque. Pour sa part, l’expression «filière à valeur
professeur émérite, pour sa précieuse collaboration,
Montréal; par exemple, Cordeau et al. (2006). ajoutée» précise que la destination du flux inversé
ses sages conseils et jugements. Ils remercient égale-
doit amener l’actif vers un intervenant qui pourra lui
ment les deux évaluateurs de cette publication, pour 11. Les composants constituent une demande dépen-

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donner une nouvelle utilité économique.

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le temps investi dans la révision des premières ver- dante pouvant désormais être calculée et laissant
sions ainsi que pour leurs commentaires constructifs; la prévision aux produits (généralement les produits
ils restent cependant entièrement responsables des finis) soumis à une demande indépendante, c’est- Références
propos exprimés dans cet article. à-dire provenant des décisions de l’entreprise.
2. Pour illustrer la place accordée au client, et la consé- 12. En fonction des horizons de planification, on dis-
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Abernathy, W.J., Wayne, K., «Limits of the learning curve»,


quente fragmentation des marchés, signalons qu’entre tingue quatre plans hiérarchiques : le plan agrégé, Harvard Business Review, vol. 52, no 5, 1974, p. 109-
1910 et 1923 la production annuelle du modèle T de global ou intégré de production (PP, à long terme), le 119.
Ford passa de 32 000 à 2 019 000 d’unités (Abernathy plan directeur de production (PDP, à moyen terme), le Anonyme, «Centralized purchasing», Harvard Business
et Wayne, 1974). Dans les décennies suivantes, dans plan de besoins en matières (PBM, à moyen et court Review, vol. 6, no 3, 1928, p. 343-352.
un marché de l’automobile comparativement beau- terme) et l’ordonnancement (à très court terme).
coup plus important, le nombre d’unités produites Baily, P.J.H., Purchasing and Supply Management, Chapman
13. Voir Hayes et Wheelwright (1984), chap. 13, ainsi que & Hall, 1963.
par modèle s’est réduit de manière dramatique. Aux
Schonberger (1986).
États-Unis, par exemple, les modèles les plus popu- Barthélemy, J., «Comment l’externalisation vient aux
laires, l’Impala de Chevrolet, en 1965, et la Honda 14. Sur la définition du concept de «qualité», voir, par entreprises», L’Expansion Management Review, mars
Accord, en 1989, se sont vendus à 1,5 million d’unités exemple, Reeves et Bednar (1994) et Giroux et Landry 2002, p. 44-53.
et à 380 000 unités, respectivement. Le nombre d’uni- (1993). Beaulieu, M., Martin, R., Landry, S., «La logistique à
tés produites par modèle s’est donc réduit de plus de 15. D’après Kélada (1996), l’amélioration continue se veut rebours : un portrait nord-américain», Logistique &
75 % (Wheelwright et Clark, 1992). Au Canada, le un concept clé (core concept) de toute approche de Management, vol. 8, no 2, 1999, p. 5-14.
record des ventes affiché par Toyota et Lexus, en gestion par la qualité totale. Ce concept fait référence Bettis, R.A., Bradley, S.P., Hamel, G., «Outsourcing and
2006, totalisa 195 780 unités vendues tandis que les à l’approche de gestion qui cherche constamment industrial decline», The Academy of Management
ventes du nouveau modèle de la Toyota Camry furent l’atteinte de niveaux de performance plus élevés, par Executive, vol. 6, no 1, 1992, p. 7-22.
de 25 923 unités, dans la même année (CNW Group, le biais tant des changements incrémentaux que des
Blackburn, J. (dir.), Time-based Competition. The Next
«Toyota Canada voit ses ventes croître pour la sixième changements radicaux.
Battle-ground in America, Irwin, 1991.
année d’affilée en 2006», Toronto, 3 janvier 2007). 16. À la base des programmes Six Sigma, on trouve la
Bowen, F.E., Cousins, P.D., Lamming, R.C., Faruk, A.C., «The
3. Paccar Canada Inc., par exemple, fabricant de camions notion statistique d’écart type. Le Six Sigma rend
role of supply management capabilities in green
à l’usine de Sainte-Thérèse, offre 3 500 options à ses compte alors de la variabilité des processus et décrit
supply», Production & Operations Management,
clients; pourtant, le temps du cycle de production aussi le niveau de défauts d’un processus : moins il
vol. 10, no 2, 2001, p. 174-189.
d’un camion, autrement dit l’intervalle entre la sortie y a de défauts, plus l’indice est élevé. Ainsi, 6 sigma
de deux unités consécutives, n’est que de 11 minutes. impliquent un niveau de qualité de 3,4 défauts par Buffa, E.S., Modern Production Management, Wiley, 1961.
4. Nous n’abordons donc pas le processus d’institution- million de possibilités. Buffa, E.S., Meeting the Competitive Challenge:
nalisation du domaine de connaissances, à savoir la 17. Au sujet de la mesure de la performance, voir, par Manufacturing Strategy of US Companies, Irwin, 1984.
fondation des journaux spécialisés, le développement exemple, Jobin et al. (2004). Burt, D., Proactive Procurement. The Key to Increased Profits,
de l’enseignement et la formalisation de la profes- 18. À HEC Montréal, la Chaire de gestion des approvision- Productivity, and Quality, Prentice Hall, 1984.
sion, la formation des sociétés savantes et profession- nements, dirigée par Jean Nollet, a pour mission «de Burton, D.N., Dobler, D.W., Starling, S.L., World Class Supply
Gestion, volume 32, numéro 3, automne 2007

nelles. développer et de diffuser des connaissances et une Management: The Key to Supply Chain Management,
5. Le professeur émérite Mattio-O. Diorio a été, en 1978, expertise de pointe dans le domaine de l’approvision- 7e éd., McGraw-Hill, 2003.
le cofondateur de la section GOP de l’Association des nement, particulièrement au Canada». Byron Press Visual Publications, Inc. et Forbes Inc., «Henry
sciences administratives du Canada (ASAC). Ford and the Model T», Acrobat pdf file on the founder
19. Sur les aspects conceptuels et pratiques, le lecteur
6. En 1914, Ford a produit 260 720 voitures, en peut suivre les activités du Carrefour logistique de of the Ford Motor Company and the creator of the
employant 13 000 employés, alors que le reste de HEC Montréal, qui fait «le pont entre les besoins du «universal car», the Model T, John Wiley & Sons,
l’industrie américaine (comprenant 299 fabricants) milieu des affaires et les plus récentes connaissances 1996.
a employé 66 350 employés pour fabriquer 286 770 dans le domaine». Consulter également les publica- Carter, C.R., Ellram, L.M., «Reverse logistics: A review of
voitures; voir Byron et Forbes (1996). tions du Groupe de recherche CHAÎNE, HEC Montréal, the literature and framework for future investiga-
7. L’observation du phénomène de la courbe d’appren- qui a pour mission «le développement et la diffusion tion», Journal of Business Logistics, vol. 19, no 1, 1998,
tissage est attribué à Wright (1936); voir le tableau 1. de connaissances de pointe entourant la logistique et p. 85-102.
64 Carter, P.L., Carter, J.R., Monczka, R.M., Slaight, T.H., Swan, Ford, D., Farmer, D., «Make or buy – A key strategic issue», Imai, M., Kaizen: The Key to Japan’s Competitive Success,
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