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générosité des aides aux chômeurs. Les couper, ce Le nouveau président étant un vrai capitaliste, il
serait donc inciter les chômeurs à retravailler. Car, considère que la hausse des salaires à laquelle il a
outre-Atlantique aussi, on entend depuis quelques appelé en juin (« payez-les plus ») n’est possible
semaines des lamentations de chefs d’entreprise se que si, auparavant, les salaires ont atteint leur
plaignant de ne pas trouver de personnel. Dimanche, niveau d’équilibre sur le marché du travail. Il faut
sur CNN, le chef de cabinet de Joe Biden, Ron Klain, donc d’abord que chacun ait un emploi pour qu’on
a proclamé : « Nous pensons que les jobs sont là.» augmente les salaires. Avant de les payer plus, il faut,
Certes, la Maison Blanche invite les États à mettre en dans cette logique, les faire d’abord travailler.
œuvre des aides de remplacement en piochant dans Cette lecture est évidemment profondément
les moyens fédéraux que Joe Biden a débloqués pour conservatrice. Elle considère que l’assurance-
eux. Le secrétaire au Trésor, Martin Walsh, a ainsi chômage est désincitative au travail. Or beaucoup
prétendu vendredi que la fin des programmes fédéraux d’économistes considèrent au contraire que cette
permettrait de mettre en place des soutiens mieux assurance permet de maintenir la force de travail
calibrés pour chaque situation particulière dans chaque disponible, capable de se former et de rechercher un
État. Mais la réalité est bien différente : les États, y emploi. Être aux abois conduit plus souvent dans une
compris les vingt-trois gérés par les démocrates, n’ont spirale de misère que dans un hypothétique sursaut
pas mis en place de programmes de remplacement. auquel rêvent les économistes mainstream. Surtout
Les 10 millions de personnes bénéficiant de ces lorsque les emplois ne sont pas aussi disponibles qu’on
programmes se retrouvent donc avec une baisse de le dit. Dans un pays où la participation au marché du
revenus et un marché du travail sans entrain. travail est très faible, c’est très préoccupant et sans
Joe Biden n’a cependant jamais caché qu’il était doute pas la bonne solution.
un partisan de la politique du bâton envers les L’autre risque, c’est que, alors que le rebond post-
chômeurs. En juillet, un premier programme contenant pandémie commence à ralentir, cet arrêt brutal des
un versement hebdomadaire de 600dollars avait été aides aux chômeurs pèse sur la consommation de
supprimé. Si ces mesures avaient été mises en place 10% de la population, réduisant la demande et les
dans l’urgence par l’administration précédente pour perspectives de reprise. Laissés à eux-mêmes et
compenser le manque cruel de filet de sécurité pour la sans perspectives, les ex-bénéficiaires de ces aides
plupart des salariés, Joe Biden a donc bien marqué son vont non seulement ne pas pouvoir dépenser leurs
refus de pérenniser cette sécurité. 300dollars par semaine, mais, sur ce qui leur restera,
En accord avec les thèses des républicains vont nécessairement réduire leurs dépenses devant
l’incertitude de l’avenir. Joe Biden a, ici, abdiqué toute
Rien d’étonnant à cela : le président des États-Unis vision keynésienne du marché du travail pour adopter
s’est défini, dans un discours du 9juillet dernier, une vision moralisatrice de l’économie qui, au reste,
comme un « capitaliste et fier de l’être » et a fait semble être un de ses traits dominants.
de la concurrence le cœur de ce capitalisme. « Le
capitalisme sans la concurrence, ce n’est pas le Fort de son plan de relance de 4000milliards de dollars
capitalisme, c’est l’exploitation », a-t-il conclu. sur dix ans encore en discussion au Congrès, il espère
donner à chacun les moyens de trouver un emploi.
Mais cette concurrence doit aussi s’appliquer sur le Dans son esprit, l’aide aux chômeurs est donc néfaste
marché du travail, sinon ce n’est pas le capitalisme. Et parce que l’économie va avoir besoin de bras, et il ne
c’est bien pourquoi Joe Biden adhère finalement à la faut pas que ces bras abandonnent le marché du travail.
lecture républicaine de la situation de l’emploi outre-
Atlantique.
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Une vision morale part des chômeurs qui ne veulent pas travailler comme
La vision du salarié par Joe Biden est ainsi bien celle des milliardaires qui ne veulent pas être taxés. Mais il
du « fier capitaliste » qu’il est : les salariés seront y a fort à parier que cette logique soit mise en défaut
récompensés à la hauteur de leur participation à la par la logique même du profit.
croissance. La promesse de Joe Biden, c’est celle Faute de vraie reprise de la croissance de la
d’une alliance entre le capital et le travail, où le travail productivité, la profitabilité s’opposera à toute
accepte les conditions nécessaires à la rentabilité du revalorisation forte des salaires, sauf à entrer en régime
capital et le capital reverse une partie des bénéfices au de forte inflation. Les emplois créés seront morcelés
maintien des conditions de vie des salariés. et mal payés. Ils pourraient aussi, comme c’est le
C’est l’esprit de l’élargissement de la sécurité sociale cas aujourd’hui, être trop peu nombreux. Comme la
préparée dans le plan en discussion au Congrès. Les législation sur ce plan ne changera pas et que l’absence
aides pour les parents, les adolescents en formation de vraie assurance-maladie assurera une pression à la
et les retraités seront élargies. Cela ressemble à un baisse sur les salaires, on peut douter de la pertinence
alignement sur les sociétés d’Europe continentale, du calcul de Joe Biden.
mais avec deux différences : une assurance-chômage Et si ce calcul échoue, il lui faudra choisir entre
faible et un financement non par des cotisations mais l’assistance aux plus pauvres et le soutien aux
par des taxes sur les profits et les plus riches. Il faudra entreprises. Nul doute que le démocrate, « fier
donc, pour financer la «générosité», des profits en capitaliste », a déjà fait son choix. Cela n’est guère
hausse et des riches plus riches, et, cela, le travail des surprenant. Les démocrates ont, depuis Jimmy Carter,
salariés devra s’en assurer. D’où l’absence de vraie abandonné l’idée d’un soutien aux plus pauvres et aux
assurance-chômage. chômeurs. Bill Clinton avait organisé le « workfare »
La vision de Joe Biden est évidemment fort naïve. Elle en 1996 (du travail contre des allocations) et Barack
considère que la relance d’un capitalisme vertueux Obama avait renoncé à réguler les expulsions en 2008.
pâtit d’un manque de bonne volonté et de morale de la Avec ce coup de poignard aux plus faibles, Joe Biden
s’inscrit bel et bien dans cet héritage.
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