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Table des matières
Le mot du directeur de Collection
Remerciements
Préface
Introduction
Chapitre 1 L’écosystème de la crise 2.0
Partie 1 Comprendre les crises sur les médias sociaux
1.1 Les autoroutes de l’information, ou la viralité d’une
information
1.2 Le bouche-à-oreille
1.3 Le phénomène du buzz
1.4 Bad Buzz et crises
1.5 Typologie des crises M
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1.6 Interview François Mathieu
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Partie 2 Les réseaux sociaux : outils d’influence et de sociabilisation


2.1 Des mécanismes attentionnels versatiles
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2.2 La socialisation
2.3 L’influence majoritaire
2.4 L’influence minoritaire : un indice manifeste
Partie 3 Les crises : risque ou opportunité ?
3.1 Les crises : un modèle narratif qui facilite la mémorisation
3.2 Un bad buzz est-il forcément préjudiciable ?
Chapitre 2 La place de l’entreprise dans la prévention et la gestion de crise
Partie 1 D’où naissent les erreurs stratégiques des entreprises et
comment y remédier ?
1.1 S’adapter à de nouvelles logiques de communication
1.2 Un manque d’expérience pour savoir répondre efficacement
1.3 La nécessité d’intégrer les consommateurs
1.4 Formuler des promesses et des engagements
1.5 La production de faux, que ce soit des profils ou des avis
Partie 2 Repenser la structure interne de son entreprise
2.1 S’adapter ou disparaître ?
2.2 Développer une culture sociale
2.3 Déployer une charte d’utilisation
2.4 Améliorer la circulation d’information
2.5 Améliorer les processus décisionnels
2.6 Identifier les personnes ressources pour créer une cellule de
crise
2.7 Comprendre la pensée de groupe
2.8. Interview d’Alexis Bernard
2.9 Interview de Patrice Hillaire
Partie 3 Le risque

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3.1 Qu’est ce qu’un risque
3.2 Interview Francine Charest
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Partie 4 Organiser une veille
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4.1 Qu’est ce qu’une veille ?


4.2 Rechercher
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4.3 Collecter et surveiller


4.4 Stocker et analyser
4.5 Interview Terry Zimmer
Chapitre 3 Stratégie d’un plan de communication
Partie 1Où et quand ? Comprendre les notions de temps et d’espace
1.1 Les différentes phases
1.2 Phase de médiation ou de prise en compte objective
1.3 Phase d’analyse ou d’organisation
1.4 Phase d’application ou de résolution
1.5 Phase d’apprentissage ou d’adaptation
1.6 L’espace
Partie 2Qui ? Identifier les protagonistes
2.1 De la nécessité d’identifier les protagonistes
2.2 Consommateurs et Internautes
2.3 Les nouveaux influenceurs
2.4 Les concurrents
2.5 Associations ou ONG
2.6 Entreprises n’ayant aucun rapport
2.7 Trolls, haters et autres émotionnels
2.8 Médias d’Actualités
2.9 Les technautes
Partie 3 Comment ? Typologie des solutions de réponses
3.1 De la nécessité d’ouvrir des espaces
3.2 Les médias sociaux
3.3 Les espaces dédiés
3.4 Les blogs
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3.5 Les sites corporatifs
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Partie 4 Quoi ? Typologie des réponses


4.1 Typologie des réponses
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4.2 Solution privilégiée


4.3 Interview de Stéphane Puchois
Chapitre 4 Place et rôle du community manager
Partie 1 Exemples positifs
1.1 Étude de cas : Tanguy Bouygues Telecom
1.2 Interview de Loïc Chauveau
Partie 2 Éviter certains pièges
2.1 Le community manager est avant tout humain
2.2 L’enjeu du biais de confirmation
2.3 Éviter la dissonance cognitive
2.4 Les risques du contexte
Partie 3 Quand la crise devient ingérable
3.1 Le point de non-retour, le point Godwin
3.2 Les sujets tabous et sensibles
3.3 Que faire quand tout semble perdu ?
3.4 Le cas Charlie Hebdo
Chapitre 5 Une culture du Web qui se nourrit des crises et qui entretient les
bad buzz ?
Partie 1 La culture du lol et du détournement
1.1 Une identité propre
1.2 Le succès populaire des mêmes
1.3 La mode des « Fails »
1.4 La place des contenus graphiques
1.5 La place de la vidéo
1.6 Les « hoax »
1.7 Google Bombing
1.8 Les hacks
1.9 Le trash talking
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Partie 2 Quels enseignements les entreprises doivent tirer de cette
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culture Web ?
2.1 Interview de Flavien Chantrel
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2.2 Le rôle des sentiments dans les campagnes Web


2.3 Les prédispositions affectives des internautes en temps de
crise
2.4 Une culture Web ambivalente
Partie 3 La culture Web et l’effet des foules
3.1 La preuve sociale pour influencer et guider nos actions
3.2 Les micro-communautés
3.3 Le fonctionnement des foules
3.4 Le besoin de désigner des coupables
Chapitre 6 L’image de l’entreprise après la crise
Partie 1 Les enjeux de la réputation numérique
1.1 Google mémoire du Web
1.2 Identité numérique et réputation numérique
1.3 Interview Camille Alloing
Partie 2 Comment agir ?
2.1 Google n’est pas un ami
2.2 Droit contre règles tacites
2.3 Créer une stratégie sur le court terme et le long terme
2.4 Interview Cyril Rimbaud
Chapitre 7 Cycle de vie d’une crise et études de cas
Partie 1 Les représentations sociales avant, pendant et après une crise
1.1 Avant la crise : la rumeur
1.2 Pendant la crise : le nexus
1.3 Après la crise : les mémoires collectives
Partie 2 Études de cas
2.1 Réussi : La Redoute

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2.2 Raté : DeepWater Horizon
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Chapitre 8 Ouverture et conclusion
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Partie 1 Le Web est en train de franchir une étape


Partie 2 Les internautes sont en train de franchir une étape
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Partie 3 Les technologies sont en train de franchir une étape


3.1 La télévision connectée
3.2 Interview de Fadhila Brahimi et de Fabien Bareti
3.3 Les lunettes sociales ou la technologie portable
3.4 Les technologies de reconnaissance faciale
Le dernier mot
À mon père,
Ronan
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Avertissement
Les marques déposées citées dans cet ouvrage appartiennent à leurs propriétaires
respectifs. M
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Le mot du directeur de Collection
La rumeur, la calomnie, la mauvaise réputation, si bien décrites de Beaumarchais à
Georges Brassens ont pris un nouvel essor et un dynamisme détonant depuis une
dizaine d’années. Elles bénéficient en effet aujourd’hui, avec Internet, d’une chambre
d’amplification et d’écho tous azimuts tout à fait extraordinaire.
Il n’y a guère de jour où la toile ne bruisse de rumeurs. Elles ont pris un air de jouvence
en changeant de nom : c’est maintenant le buzz…
Celui-ci peut être positif (éloges dithyrambiques, engouement aussi spontané
qu’inattendu) ou négatif (critiques acerbes plus ou moins fondées, dénonciations
péremptoires, remarques désobligeantes ou franchement méchantes…) ; c’est ce qu’on
appelle plus particulièrement « le bad buzz ».
À peine apaisé, le bad buzz s’oublie en laissant néanmoins des traces indélébiles sur
Google. Et il est vite remplacé par un autre buzz sorti de nulle part, pour la grande joie
des internautes dont une proportion importante prend un malin plaisir à participer à sa

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diffusion, puis à la curée qui se prépare jusqu’à l’hallali final.
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Au moment où ce livre partait à l’impression, un bad buzz lié à un soi-disant bug sur le
mur Facebook avait enflammé la Webosphère. A peine apaisé par un non-lieu, un autre
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bad buzz développait un nouveau brasier sur la toile. C’est l’opération « pigeons »
lancée par un entrepreneur français ayant lancé sa start up dans la Silicon Valley. Ce
nouveau bad buzz très relayé – tant sur la toile que dans les médias traditionnels – avait
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l’objectif d’influencer le gouvernement pour éliminer la taxe sur les plus values lors de
la revente d’une start up. Il a atteint son objectif puisque le gouvernement a amendé le
projet de loi à ce propos. A quand le prochain bad buzz ?
L’intérêt du livre d’Antoine Dupin et de Ronan Boussicaud que vous allez lire
maintenant, est multiple :

– c’est une des rares livres, voire le premier, pertinent sur le sujet.
– il est à la fois théorique et pratique, illustré par de nombreux exemples encore
tout frais dans nos mémoires.
– il fait l’analyse de ce phénomène tant sur le plan « communicationnel » que
psychologique.
– il prodigue aux marques qui en sont victimes tous les conseils pour réagir et le
désamorcer dès qu’il se présente.

En résumé, voilà un livre indispensable à insérer dans la boite à outils du parfait


marketer.
Henri Kaufman

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Remerciements
La rédaction de cet ouvrage a été une projet de longue haleine, ponctuée par
l’intervention de plusieurs professionnels que nous souhaitons remercier
chaleureusement : ils représentent tous des sources de qualité pour nous.
Nous remercions les intervenants de qualité qui ont bien voulu partager leurs
expériences : Gegory Pouy (Consultant en stratégies digitales), François Mathieu
(Responsable Contenu/Conversion portail MaVille.com), Francine Charest (Professeure
à l’Université Laval et directrice générale de l’Observatoire des médias sociaux en
relations publiques), Terry Zimmer (Consultant et enseignant dans les domaines de la
veille, de la communication et de la réputation en ligne), Setphane Pluchois (Co-
fondateur associé du cabinet conseil The Persuaders.), Alexis Bernard (Responsable
Communication 2.0 pour la SNCF), Loïc Chauveau (Directeur Social Media chez Marcel,
Publicis), Camille Alloing (Chercheur en innovations digitales), Cyril Rimbaud (Digital
Strategist et Creative Technologist chez Curiouser), Fadhila Brahimi (Dirigeante et
fondatrice de FB-Associés, spécialiste en stratégie de présence), Fabien Bareti (Directeur
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Marketing expert de la télévision connectée & sociale), Patrice Hillaire (Community
Manager du Groupe La Poste).
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Nous remercions également les connecteurs qui nous ont permit de trouver les bons
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interlocuteurs, ou qui ont essayé, et de nous avoir aidé avec le sourire, Yaëlle Stein
Teicher (Responsable du Community management de Voyages- sncf.com), Philippe
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Khattou (Chef de Projet Marketing), Jérôme Deiss (Social Media Management France
Télévision), Franck LaPinta (Responsable Marketing Web et R.H 2.0 Société Générale).
Enfin, nous remercions des professionnels qui n’ont pas participé directement à cet
ouvrage, mais qui ont profondément influencés notre vision du web, notamment Brian
Solis, Cédric Deniaud, Frédéric Cavazza, Jeremiah Owyang et Fabrice Epelboin.
Nous vous remercions, vous lecteur, d’avoir acheter ce livre.

Antoine Dupin

Je remercie mon père et ma mère pour leur soutien et le modèle qu’ils ont été pour moi.
La fierté que je ressens à leur égard me pousse à toujours offrir le meilleur de moi
même. Je remercie ma femme Marjorie pour ses encouragements indéfectibles pendant
l’écriture de cet ouvrage, des mots qu’elle a su trouver pour me stimuler qui m’ont
permis d’aller toujours puiser le meilleur de moi-même.
Je remercie mes amis de tous horizons, grâce à qui chaque jour je découvre le monde
sous un regard neuf.
Un grand merci à ce cher Ronan, qui a agit avec beaucoup de professionnalisme et a
réussit à supporter mon perfectionnisme.
Je remercie tous les professionnels du web que je croise ça et là lors de conférences
dont les échanges passionnés m’accompagnent chaque jour dans une réflexion global
quant à mon métier.
Je remercie tout l’éco-système de Rennes qui m’a permis de grandir en me témoignant
leur confiance et en partageant leur expertise, que ce soit les blogueurs, les
entrepreneurs, les institutionnels, les universitaires ou les associatifs. J’ai un grand
plaisir à remercier particulièrement Flavien Chantrel, François Mathieu, Hugues Aubin,
Norbert Friant, Daniel Gergés, Simon Chignard, Richard De Logu et Pascal Plantard.
Je remercie l’équipe de l’agence Chalifour pour son soutien alors que j’arrivais au travail
les yeux cernés de nuits de relectures, notamment son président Christian, personnage
passionné et passionnant, qui m’a offert la chance de travailler au Québec, pays
d’adoption. Je remercie également l’Observatoire des Médias Sociaux de l’Université
Laval pour leur confiance en me proposant d’intervenir régulièrement.
Je m’excuse d’avance pour ceux que j’ai oublié, ils comprendront !

Ronan Boussicaud
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Je remercie ma mère Sylvie et ma sœur Audrey pour leurs encouragements et la
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motivation qu’elles ont su me prodiguer tout au long de cette rédaction. Je remercie ma


petite amie Lénaïg qui m’a toujours soutenu avec le sourire, même lorsque le lit
s’annonçait froid, et qui m’a permis d’avancer sur ce projet dans des conditions idéales.
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Je tiens également à remercier chaleureusement mes amis, Benjamin, Sébastien,


Damien et tous les autres qui savent si bien me rappeler que la vie ne doit pas être prise
trop au sérieuse, et qui savent toujours me rebooster.
Je remercie Antoine Dupin pour sa collaboration sans faille, et pour le
professionnalisme et la bonne humeur dont il a fait preuve pendant la rédaction de cet
ouvrage. Je remercie également toutes les personnes qui m’ont permis de croire en ce
projet, et qui par leur expertise et nos échanges m’ont aidé d’une certaine manière à
terminer cette aventure. Flavien Chantrel, Lionel Myszka, Djivan Minassian et bien
d’autres.
Je tiens à remercier mes collègues de l’agence Useweb qui ont prit un malin plaisir à me
voir fatigué, mais qui ont réussi à supporter mes monologues pour leur évoquer ce
projet rédactionnel.
Je remercie tous les acteurs du Web qui contribuent, chacun à leur manière, à faire du
Web social un domaine qui me passionne et m’inspire au quotidien.
Je dédie ce livre à mon père, qui a toujours su me témoigner d’un simple regard tout son
amour et sa fierté. Je le remercie d’avoir fait de moi l’homme que je suis.
Préface
Par Grégory Pouy

Je vous vois ouvrir ce livre, découvrir les premières lignes pour essayer de comprendre
pourquoi vous deviez acheter celui-ci plutôt qu’un autre…
Il est certain qu’il y a désormais beaucoup de littérature sur le sujet du Web social et
pourtant il semble que vous soyez toujours perdus et n’arriviez pas à comprendre
comment utiliser de manière optimale les réseaux sociaux dans le cadre d’une stratégie
d’entreprise.
Vous travaillez peut être pour une marque, pour une agence ou êtes encore étudiant…
dans tous les cas, la réponse ne semble pas simple et vous êtes perdu sur un site
marchand ou bien chez votre libraire devant tant d’ouvrages souhaitant vous expliquer
comment faire.
La réalité est que ce qui rend compliqué le Web social, c’est surtout la peur que l’on peut

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avoir de l’inconnu, de la nouveauté ou encore de mal faire car comme l’exprime
parfaitement le dicton « sur le Web, vous êtes aussi faible que le plus faible de vos
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maillons ».
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Aucun doute, le fait que les consommateurs puissent désormais s’exprimer et viraliser
facilement au plus grand nombre une information peut sembler être une perte de
maîtrise.
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Mais il ne s’agit que de montrer à tout le monde ce qui se disait déjà tout bas, il faut
accepter que vous n’avez jamais vraiment eu la maîtrise de votre marque.
Et ce n’est sans doute pas en ignorant le Web social que cela va venir…
Le Web est avant tout constitué d’une série d’outils mais il s’agit surtout d’une
évolution des comportements qu’il est essentiel de comprendre afin de pouvoir naviguer
sans crainte dans ce nouvel océan.
Cependant, avant même de s’intéresser aux outils il est indispensable de comprendre
que le web social vous invite plus que largement à revenir aux bases de ce qu’est le
marketing.
Quelles sont les valeurs ? Les codes ? À quoi sert votre marque ? Qu’est-ce qui
manquerait aux consommateurs si elle disparaissait ?
Comment inspirer et rassembler si vous ne savez répondre à ces questions?
Le Web social vous remet face à votre réalité !
Beaucoup trop de marketers se voient retourner dans le « brand book » quand on leur
pose de telles questions… À force de vouloir plaire au plus grand nombre, ils ont oublié
leur promesse initiale ou ne se remettent pas en cause pour essayer d’y répondre
toujours mieux.
L’exemple de Kodak dans ce sens est sans doute le plus marquant passant de 90% de
part de marché en 1976 au niveau mondial à la faillite en 2012.
Pourtant, c’est autour de valeurs que l’on rassemble des personnes, et sans cela, pas de
communauté… malgré votre page Facebook aux millions de fans difficilement gagnés
par des concours.
Ce n’est pas un hasard si Harley Davidson ou d’autres arrivent à sortir du lot.
Quand on achète une Harley Davidson, ce n’est pas simplement une moto que l’on
achète mais un style de vie et que vous aimiez ou pas les motos ou la marque, nous
avons tous une relative bonne compréhension de la marque.
Red Bull est en train de réaliser la même chose sur un créneau différent.
Alors quand arrive Internet, ces marques sont évidemment les mieux armées mais cela
ne suffit pas.
Le Web implique une organisation différente, car il fait sauter les silos que l’on retrouve
généralement dans les entreprises :
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– Silo entre les services, car le digital touche toute l’entreprise, des ressources
humaines à la finance en passant par le marketing.
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– Silo entre les pays si votre marque est présente à l’international.


– Silo aussi entre les marques d’un même groupe.
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– Silo également dans le management, car il s’agit désormais de partager


l’information, d’accepter qu’une bonne idée peut venir de n’importe quel salarié,
d’aplanir un maximum la direction.

Alors évidemment, tout cela ne va pas se transformer d’un jour à l’autre dans
l’entreprise mais il faut comprendre que les consommateurs avancent, eux, leurs usages
aussi, et il est plus qu’indispensable que vous vous concentriez sur l’essentiel qu’est
votre marque, mais aussi sur la manière dont elle pourrait embrasser ces nouveaux
outils digitaux !
Ce livre est là pour vous expliquer comment !
Les 2 auteurs connaissent parfaitement les rouages de l’ensemble de ces outils et, à la
lecture de cet ouvrage, vous comprendrez comment ils fonctionnent.
Charge à vous ensuite de comprendre comment l’appliquer dans le cas de votre
entreprise, de vos problématiques, de vos valeurs.
Gregory Pouy
Grégory Pouy est un marketer français qui, à travers son blog essaie d’expliquer sa
vision du marketing en particulier à la lumière du digital. Après 12 années d’expérience,
il accompagne désormais les marques dans la compréhension et l’intégration du
digital.

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Introduction

Une nouvelle ère ?


Les médias sociaux sont emblématiques de l’avènement d’une nouvelle ère pour les
entreprises dans leur relation avec les consommateurs. Annoncés comme une
révolution technologique mettant l’internaute au centre des processus de
communication, ce que l’on a appelé Web 2.0 n’en est finalement pas une. De ce
décalage de perception découle un fossé dans l’appréhension des outils et de la manière
de les utiliser. Mélange de craintes et d’incompréhension, nombreuses sont les
entreprises à ne pas inclure dans leurs stratégies de communication les médias sociaux,
laissant inexorablement la porte ouverte à toutes sortes de problématiques en cas de
crise. Ne pas être sur ces canaux n’empêchera pas les internautes d’exprimer leur
mécontentement sur ces espaces publics. Il y a là une question de perception de
nouvelles logiques, qui doivent être comprises afin d’utiliser les médias sociaux avec
efficience. Pour cela, il faut comprendre que ces derniers ne sont en rien
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révolutionnaires, mais qu’ils sont simplement le reflet de mécanismes déjà existants.
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Le terme Web 2.0 est popularisé en 2004 par Tim O’Riley pour exprimer ce mouvement
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d’apparence nouveau et soudain : Internet devenait social. Dès lors, deux périodes
s’opposaient logiquement et chronologiquement :
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– le Web 1.0 représentant l’Internet statique


– le Web 2.0 pour l’Internet des interactions

Convenons-en, les terminologies pour qualifier le Web n’ont aucun sens. D’une part, car
l’internet statique existe encore à l’ère des interactions, et d’autre part, car Internet en
général a muté lentement, sans passer par des paliers spécifiques. Il y a eu de ce fait une
évolution, qui s’est faite par une démocratisation dans de nombreux domaines (hausse
des débits, acquisition d’appareils de captation numérique comme les caméras).
Révolution : « Changement brutal ».
Evolution : « Transformation progressive ».
Démocratisation : « Rendre accessible au plus grand nombre ».
La différence est notable car les internautes n’ont pas été confrontés à de nouvelles
technologies qui ont changé brutalement leur manière d’être en ligne. Non, ce sont leurs
usages sur le long terme qui ont façonné les technologies sur leur modèle
comportemental. Les médias sociaux, et autres sites sociaux, se sont forgés lentement
en fonction de l’utilisation qui en était faite. Par exemple, Twitter à ses débuts n’avait
pour vocation que de dire ce que vous faisiez à un instant T, comme « je mange », « je
dors ». Les événements comme les attentats de Mumbai, l’atterrissage sur l’Hudson
River ou encore la révolution Iranienne lui ont fait endosser un rôle de catalyseur de
l’information. Le slogan de la plateforme est passé de « que faites-vous ? » à « que se
passe-t-il ? », signe d’une évolution notable dans la diffusion de contenus, moins
centrés sur la personne et plus sur le monde.
Autre fait intéressant sur les évolutions technologiques : saviez-vous qu’une nouvelle
version de Facebook était réalisée tous les mardis, avec plus de 12.000 modifications par
mois (http://bit.ly/UVxaLL) ? Le secret de sa longévité, contrairement à ses nombreux
prédécesseurs (MySpace ou Friendster) est sa faculté à s’adapter aux usages et aux
humeurs de ses utilisateurs.
Brian Solis, expert des médias sociaux reconnu mondialement, définit leur essence
comme telle : « les médias sociaux sont avant tout une science sociale qu’une
technologie ». Il est de ce fait nécessaire de prendre du recul pour comprendre que tous
les comportements sur les médias sociaux ne sont qu’une représentation virtuelle de
phénomènes sociologiques déjà observés dans le réel, existants depuis l’aube de
l’humanité.

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Réseaux Sociaux : le terme a été inventé en 1954 par l’Australien John A. Barnes qui
étudiait des pêcheurs en Norvège. Mais le concept même de réseau social peut remonter
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à la nuit des temps. Un homme des cavernes, par exemple, vivait déjà en réseau social.
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C’est par là même la nature de l’homme, de vivre en communauté selon différents


niveaux de liens (amis, familles) et de créer des interactions.
6 degrés de séparation : le terme a été élaboré en 1929 par Frigyes Karinthy. Le
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concept repose sur le fait qu’une personne peut être reliée à n’importe quelle autre, au
travers de relations individuelles comprenant au plus cinq niveaux, comme les amis des
amis de mes amis. À noter que l’un des tout premier réseau social, qui par ailleurs en
inspirera un bon nombre, se nommait sixdegrees.com, un clin d’œil des fondateurs.
La force des liens faibles : le terme est né de Mark Granovette en 1973. Les individus
avec qui l’on est faiblement lié (connaissances) évoluent dans des cercles différents et
ont donc accès à des informations différentes de celles que l’on reçoit des personnes
avec qui l’on est fortement lié (famille). Les médias sociaux reposent en grande partie
sur cette dynamique, bien que des réseaux comme Facebook ne font guère de
différenciation dans leur dénomination.
Nombre de Dunbar : le terme concerne la taille d’une communauté et a été établi en
1990 par Robin Dunbard. Ce nombre évoque que pour qu’une communauté fonctionne,
il ne faut pas qu’elle dépasse 150 individus. Au-delà de cette limite, la confiance se brise,
et ne permet plus d’assurer le bon fonctionnement du groupe. Par exemple, de
nombreuses études ont mis à jours qu’en moyenne sur Facebook un utilisateur avait
environ entre 130 et 150 contacts.
Les concepts ne sont donc pas nouveaux, il n’y a pas eu de révolution dans les
comportements sociologiques, ces derniers ayant déjà été observés dans le réel. Il faut
également savoir que même la technologie n’est pas novatrice. Par exemple, c’est en
1994 qu’apparaissaient les premiers réseaux sociaux, avec Class Mates, ou en 1995 les
premiers wiki.
Il a fallu cependant attendre presque 10 ans, soit 2004 et le Web 2.0, pour décréter qu’il
y avait quelque chose de révolutionnaire, qu’Internet avait muté subitement et
massivement. Étrange non ? En fait, pour comprendre ce phénomène, il faut remonter
deux ans auparavant. En 2002, Friendster est alors le réseau social qui a le plus grand
nombre d’utilisateurs, fédérant plus d’un million en peu de temps. C’est lorsque les
plateformes, au travers de leurs membres, atteignirent une taille visible qu’elles
suscitèrent un intérêt pour les entreprises. Il y a eu évolution, non-révolution : ce fut un
long processus qui a atteint une taille critique qui le rendit observable à un instant
donné.
Pourquoi est-il nécessaire de comprendre cela ? Au XVIe siècle Francis Bacon disait
« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ». Par cette phrase, le philosophe
explique que le pouvoir sur les écosystèmes passe avant tout par leur connaissance, par
une obéissance à des lois identifiées et comprises. Bien qu’ayant des siècles, cette

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philosophie est au cœur même du Web social : l’entreprise ne saurait s’imposer sur les
nouveaux canaux de communication si elle ne prend pas en considération leur
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fonctionnement. Elle se doit dorénavant d’obéir à un ensemble de règles tacites
tournant autour de notions diverses telles que la transparence, l’écoute et l’engagement.
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Qui de plus, elle n’est plus dans des logiques de communication qu’elle maîtrise, comme
l’audience, mais bien dans de nouveaux mécanismes tournant autour de la notion
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d’interaction. Comprendre qu’il y a eu évolution, c’est comprendre que les médias


sociaux obéissent à des logiques naturelles que sont celles des hommes, et non des
mécanismes de communication artificiels établis par des entreprises.
Dans une interview donnée à eMarketer (http://bit.ly/TGLCLN), Brian Solis évoque le
comportement antisocial des entreprises, car ne répondant pas aux normes établies sur
certaines plateformes.
Les marques sous-estiment les possibilités (des médias sociaux), car ils prennent des
méthodologies traditionnelles et les appliquent à de nouveaux canaux qui nécessitent de
nouvelles méthodologies. Même les marques les plus actives aujourd’hui dans les
médias sociaux sont en fait très antisociales. Antisociale est tout ce qui va à l’encontre
des normes de la société. Facebook est une société mondiale qui a une culture et des
normes, et vous allez à l’encontre de la norme de cette société si vous ne participez pas à
la conversation.
Brian Solis, et de nombreux autres spécialistes, évoquent à ce sujet le principe de
Darwinisme Digital, au travers du fameux « s’adapter ou mourir ». Par une
méconnaissance de ces nouveaux supports, les entreprises peuvent rater un virage
important, notamment lorsqu’il s’agit d’anticiper ou de réagir à une crise. Par exemple,
la société Kodak n’a pas réussi à s’adapter au numérique alors qu’elle fut pendant
longtemps un acteur majeur de son industrie. Ne pas prendre en considération le
fonctionnement des médias sociaux, leurs mécanismes, est prendre un risque,
notamment en communication de crise où le discours inadapté aux espaces peut, si ce
n’est pas passé inaperçu, accentuer les événements et attiser la colère des foules.

Une nouvelle façon de penser la communication de crise


Si l’environnement a évolué, il apparaît comme inéluctable que la manière de
communiquer a elle aussi subit des transformations. Il faut confronter les deux
manières de penser pour comprendre les différences majeures créent par le web social :

– Les logiques traditionnelles utilisent des mécanismes d’audience, à savoir


l’entreprise s’adressant à un large auditoire pour asseoir sa version des faits
(télévision, radio, presse) sans prendre en considération, ou peu, les avis de son
public cible.
– Les logiques relationnelles utilisent des mécanismes d’échange, à savoir que

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l’entreprise interagit avec un ensemble d’acteurs pour améliorer et orienter ses
actions de communication.
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Sur les médias sociaux la communication de crise doit donc être basée sur la notion
AS

d’échange : toute tentative d’imposer un message détaché des appréciations des


consommateurs serait une pure perte de temps et pourrait entraîner un effet contraire à
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celui recherché.
Afin d’être efficiente, une gestion de crise se pense en amont et non en aval : il ne faut
pas attendre de subir pour agir, mais bien agir pour éviter de subir. Cela se traduit par
une réflexion avec toutes les hiérarchies pour identifier des processus modulables
pouvant être mis en application de manière rapide, tel un premier discours de dirigeant
comme c’est souvent le cas. Nous insistons sur le terme « modulables » car ces
processus devront pouvoir évoluer selon une situation ou un environnement observé,
que cela soit en anticipation ou au moment de la crise. Une entreprise n’aura pas la
même réaction si elle est attaquée par une association pour des questions liées à
l’éthique que si son produit s’avère dangereux pour la santé de ses consommateurs.
C’est pourquoi le plan de communication réalisé en amont devra prendre en
considération un large éventail de scénarios identifiés sans jamais entrer dans des
détails afin de laisser une marche de manœuvre suffisante pour s’adapter à une
situation précise dans un temps restreint.
Mais attention, si ces processus vont permettre de mettre en application des actions de
communication avec célérité, l’entreprise devra éviter toute précipitation. Comme il est
souvent observé, cela conduit généralement à un premier communiqué maladroit qui ne
fait qu’embraser une situation déjà délicate.
De l’appréhension des médias sociaux par les entreprises
Soyons clair, très souvent, les crises sont des tempêtes dans des verres d’eau, à savoir
qu’elles n’auront qu’un faible impact sur le devenir de l’entreprise. Notamment
lorsqu’elles ne sont qu’en ligne. Nous avons analysé de très nombreux cas et il est très
rare que de tels événements viennent nuire à long terme sur la santé de la marque.
Comme nous le verrons au cours de ce livre, il existe plusieurs typologies de crises, la
plupart ne concernant que des éléments mineurs n’ayant pas d’impact majeur sur le
métier même des sociétés. En effet, très souvent, le consommateur n’a qu’une vision
sur du court terme car émotive : il retrouve très rapidement ses habitudes de
consommation pour diverses raisons qu’elles soient (pression sociale, appétence
familiale).
Face aux différents événements émergents sur la toile, de nombreuses entreprises
peinent donc à franchir le cap des médias sociaux. Comme évoqué en début de cette
introduction, la relation « présence en ligne = risque de crise » est un raccourci souvent
observé alors qu’il faut y voir au contraire une manière d’anticiper des évènements. Les
médias sociaux peuvent faire surgir une crainte irrationnelle entraînant une sorte de
blocage chez certaines entreprises. Irrationnelle car elle n’est fondée que sur une vision
M
subjective des enjeux, à savoir la phase de crise, le déferlement d’une colère. La pratique
de l’autruche, qui vise à enfoncer sa tête dans le sol pour ne pas voir ce qu’il se dit sur
SI
elle, peut être dangereuse car elle n’éteindra pas la colère et au contraire pourra la
AS

décupler : le silence peut être perçu comme une forme de dédain.


BY

Object du livre
À travers cet ouvrage, nous souhaitons vous initier et vous sensibiliser aux nouveaux
enjeux que représentent les médias sociaux et le Web social dans la gestion de crise
pour les entreprises. Plus qu’une solution clé en main (qui n’apporterait pas grand-
chose tant chaque cas est unique) il s’agit avant tout de vous aider à comprendre cette
« nouvelle » discipline.
Nous avons découpé ce livre selon un chapitrage chronologique, afin de suivre pas à pas
les différentes étapes dans la mise en application d’une communication efficace et
d’apprécier un ensemble de concepts propre à cet écosystème qu’est le Web social.
Cet ouvrage a pour objet également de vous faire découvrir une crise de l’intérieur. Par
l’analyse des mécanismes sociaux en vigueur entre les internautes, il vous aidera à
mieux comprendre les facteurs en jeu afin de décoder la face cachée des bad buzz.
Attention, les réponses analysées dans les études de cas peuvent permettre de
comprendre certains facteurs clés de succès ou d’échecs mais les stratégies qui y sont
inhérentes ne sont pas applicables à tous les cas.
Chapitre 1
L’écosystème de la crise 2.0
La démocratisation d’Internet a ouvert un nouveau canal d’expression pour plus de 2
milliards d’internautes (http://read.bi/RTFw8g), changeant drastiquement le rapport de
force entre les entreprises et ses consommateurs. La notion de communication de crise
a, de ce fait, inexorablement changé, répondant à de nouveaux enjeux et à de nouveaux
mécanismes interactionnels.
Si les crises existent depuis de nombreuses années dans le monde réel, elles prennent
une tout autre ampleur dans les univers virtuels. L’arrivée du Web participatif a brisé
beaucoup de codes et a engendré de profondes mutations. Les canaux de diffusion ne
sont plus seulement les entreprises ou les médias, il faut aujourd’hui prendre en
considération le poids des internautes. Leurs propos, dénués de toute forme de
mercantilisme et de toute neutralité informationnelle, bouleverse les entreprises dans la
gestion de leur image.

M
L’usage des plateformes sociales, comme les médias sociaux, permet dorénavant de
diffuser et de relayer des contenus sensibles. Les internautes ont dorénavant la
SI
possibilité, au même titre que toute entreprise ou média, de commenter, d’échanger,
AS

voire de critiquer une information. Cette liberté d’expression a décuplé les frontières de
concepts sociaux comme la sociabilisation, l’influence numérique ou la viralité. En ce
sens, Internet est devenu un facteur clé de l’éclosion de nouvelles formes de crises,
BY

comme le bad buzz ou les fails.


Le Web social est ainsi devenu le catalyseur des mouvements de protestation, abrogeant
de plus en plus les frontières réelles et virtuelles. Nous estimons qu’environ 80% des
crises sur la toile ne sont que l’expression numérique de faits se déroulant dans la
réalité. Il est donc important de cerner ces nouveaux concepts pour saisir les
problématiques sous-jacentes, et espérer pouvoir se protéger contre d’éventuelles
informations fortuites.

Partie 1 Comprendre les crises sur les médias sociaux


1.1 Les autoroutes de l’information, ou la viralité d’une information
Internet a été pensé et conçu autour du principe de réseau, un maillage complexe et
global reliant des individus et des ordinateurs entre eux. La démocratisation du Web et
l’évolution des technologies ont contribué à rendre la diffusion de l’information plus
rapide et plus large, au même titre que les réseaux ferroviaires l’avaient fait auparavant.
Dans un discours de 1994, le vice-président Al Gore popularise la notion « d’autoroutes
de l’information » pour caractériser un réseau mondial ouvert, notion définie par le
dictionnaire Larousse comme un « réseau télématique à large bande et à haut débit,
destiné à favoriser la convergence des services dans le domaine de la transmission
interactive et simultanée de données numériques. »
Le Web a rapidement offert la possibilité aux internautes d’emprunter ces nouvelles
voies de circulation : ils ne sont plus de simples spectateurs, ils sont également acteurs.
L’information ne répond plus à des logiques mercantiles (entreprises) ou informatives
(journaux), elle devient émotionnelle. Amplifiée, tant par le réseau que par son
caractère affectif, l’information va modifier profondément la relation d’une entreprise à
ses consommateurs. Comme l’expliquait Jeff Bezos, Président d’Amazon : « si vous
rendez mécontents vos consommateurs dans le monde physique, ils vont chacun
pouvoir le dire à 6 amis. Si vous vous rendez mécontent vos consommateurs sur
Internet, ils vont chacun pouvoir le dire à 6 000 amis ».
La rapidité avec laquelle une information se diffuse sur la toile a donné naissance à un
néologisme, les professionnels parlant de « viralité ». Il s’agit d’une déclinaison du
terme « viral », qui fait référence au virus et à sa faculté à se propager de manière
globale et soudaine. La loi de Metcalfe (1980), qui stipule que « l’utilité d’un réseau est
proportionnelle au carré du nombre de ceux qui l’utilisent », témoigne à ce titre
M
l’importance des médias sociaux dans phénomène : plus il y a d’internautes connectés
SI
entre eux, plus l’information se transmet massivement et rapidement.
AS

Parce que le contenu est la matière première des réseaux, les plateformes sociales ont
développé un ensemble de produits tiers afin de favoriser cette viralité. Ainsi, depuis
quelques années est apparue la possibilité d’intégrer des boutons de partages sur des
BY

sites ou des blogs, que ce soit le « like » de Facebook, le « tweet » de Twitter ou le


« +1 » de Google. Brian Solis évoque une évolution du « Call to Action », un principe
marketing dont le but est d’inciter le consommateur à agir (comme le télé-achat par
exemple), qu’il appelle « Click to Action », ou le principe de conditionner l’internaute à
cliquer sur les boutons pour partager une information.
Cette dynamique de transmission a bien été comprise par les publicitaires. Le marketing
viral prend alors tout son sens. Il est défini dans le Mercator comme des « techniques
incitant les clients d’un produit ou d’une marque à les promouvoir dans leur entourage.
Internet convient très bien au marketing viral. » (Mercator 10e édition, p. 449).
Le chercheur Bernardo Huberman perçoit les phénomènes viraux comme des courbes
de succès témoignant d’une succession de focalisations collectives plus ou moins
intenses qui se succèdent les unes aux autres. Selon lui, deux effets notables sont
inhérents au pouvoir viral :

– Un attrait pour ce que les autres regardent déjà (par mimétisme, intérêt pour ce
qui suscite de l’intérêt).
– Un attrait pour la nouveauté (obsolescence rapide des contenus).
Les évolutions technologiques, qu’elles soient software ou hardware, ont affranchi les
barrières physiques, temporelles et spatiales, participant à accroître la « puissance » de
l’information. Par exemple, la mobilité permet aujourd’hui à tout mobinaute d’être en
permanence connecté au monde, quelque soit le lieu et l’heure, et de pouvoir se tenir
informé, partager, commenter et diffuser des informations en temps réel.

1.2 Le bouche-à-oreille
Les médias sociaux ont participé à la sacralisation de la parole de l’internaute.
Dorénavant, il peut s’exprimer, montrer un intérêt ou partager une information qu’il
juge pertinente. Pour définir ce phénomène, les Américains évoquent le terme de
« word of mouth », que nous traduisons en français par le bouche-à-oreille.
Traditionnellement, ce dernier est basé sur des échanges directs, face à face, induits par
un contexte social de proximité. Depuis les années 2000 et la démocratisation du Web,
ce phénomène a muté pour devenir global. Internet abrogeant les frontières physiques,
la dématérialisation des échanges a permis aux individus de recréer des contextes
sociaux sur des plateformes adaptées.
Il existe 3 composants clés du bouche à oreille :

M
– Le nœud de cravate (ou « Tie strenght ») désigne la force du lien. Par force, nous
SI
entendons l’importance et la fréquence des échanges entre internautes. Ces
derniers peuvent se sentir proches d’une communauté en fonction des valeurs
AS

véhiculées et des causes défendues. Plus la cohésion sociale et le sentiment d’unité


sont forts, plus le nœud de cravate est solide. En somme, la valeur d’une marque
BY

réside essentiellement dans le poids des liens sociaux qui gravitent autour d’elle.
C’est pourquoi, plus un membre de sa communauté va relayer un contenu, et plus
nous serons à même de faire de même.
– L’homophilie découle directement d’un désir de rassemblement. Les internautes
tentent de s’affilier autour de groupes sociaux partageant un intérêt commun.
L’individu va donc chercher à s’entourer de sources d’appartenances et de
références, afin d’exister socialement et de disposer d’un réseau qui lui est propre.
La recherche de similitude chez ses paris démontre une volonté de créer un
équilibre cohérent dans la perception de sa vision du monde. De ce fait, plus un
internaute qui me ressemble partage une information et plus je suis tenté de
l’imiter.
– La source de crédibilité signifie que le profil de la source de l’information va
impacter directement sur le choix du partage. L’internaute va instinctivement
évaluer la source en fonction de son aura, de son métier, de sa légitimité pour se
laisser influencer ou non. Une estimation du degré de crédibilité et d’attractivité qui
prouve que les internautes opèrent une attention sélective face aux émetteurs
informationnels. La réputation numérique joue beaucoup dans ce cas. Ainsi, plus
un contact est respecté et reconnu dans son domaine, et plus je suis disposé à
relayer ses contenus.

Le bouche-à-oreille va accélérer ou freiner la diffusion d’une information selon des


critères d’affinité et/ou de crédibilité. Il y a de ce fait un filtre naturel qui s’effectue et
explique pourquoi toutes les informations sur le Web ne suscitent pas un engouement
populaire. A l’inverse, un buzz est un phénomène émotionnel, donc sans filtre, dénué de
toute forme de recul face à un fait annoncé. Ceci explique pourquoi il connaît un
enthousiasme important, mais également pourquoi un bad buzz représente un risque
non négligeable.

1.3 Le phénomène du buzz


Étymologiquement, le buzz est un anglicisme qui désigne un « bourdonnement »,
d’abord utilisé en marketing puis qui s’est installé dans la culture populaire. Selon le
Mercator, il s’agit d’« actions de communication fondées sur le bouche à oreille,
consistant à susciter l’excitation ou l’intérêt autour d’une personne, d’une marque, d’un
lancement de produit, d’une nouvelle campagne de publicité. » (Mercator 10e édition,
p. 449).
S’il est utilisé à partir des années 2000, il n’est pas sans rappelé le néologisme
M
« buzzword », qui lui a été crée dans en 1946 (http://bit.ly/QVVXB9). Ce dernier est
SI
toujours très utilisé pour désigner un nouveau concept ou produit, notamment dans les
nouvelles technologies.
AS

Avec l’avènement des médias sociaux, et donc du partage de contenus, le buzz marketing
est devenu un enjeu stratégique pour de nombreuses entreprises qui cherchent un
BY

moyen simple de toucher un large public en un temps restreint et généralement à faible


coût. En effet, le principe de la viralité repose sur le fait qu’une information donnée a de
fortes chances de parvenir jusqu’à un internaute, et ce, même si ce dernier ne cherchait
pas à en prendre connaissance. Le buzz est l’expression des nouveaux mécanismes de
communication : le pouvoir ne réside plus dans la rétention d’information, mais dans
son partage au plus grand nombre.
Depuis plus de 10 ans, les entreprises usent de stratégies plus ou moins novatrices afin
de séduire les internautes. Que ce soit des « Lip-dub » ou des « Flash Mob » sur
Youtube, voir des jeux concours sur Facebook, les tentatives pour faire parler d’une
marque, d’un produit ou d’un service n’ont cessé de connaître un engouement. Sans le
savoir, les internautes partagent très souvent des contenus qui sont des actions
publicitaires savamment orchestrés.
Si certaines de ces actions sont difficilement reproductibles, car nécessitant des moyens
conséquents, d’autres vont provoquer une surenchère de copies. Dès qu’un buzz suscite
un enthousiasme populaire, les marques qui le peuvent vont à leur tour s’approprier le
format pour le réutiliser à leur propre compte. Par exemple, en 2012, l’animateur de
communauté du supermarché Cora de Rennes a mis en ligne sur Facebook un simple
jeu de réflexion sous la forme d’une image qui suscita un formidable buzz : partagé plus
de 8.000 fois, commenté plus de 290.000 fois et « liké » plus de 28.000 fois. Face à
l’engouement des internautes, de nombreuses grandes marques comme Oasis ou
Spontex se sont à leur tour rapproprié ce contenu, avec plus ou moins de succès.
C’est pourquoi, les entreprises créant de plus en plus de contenus, qui plus est
similaires, ces derniers perdent rapidement de leur efficacité : un buzz en chasse un
autre. En ce sens, une étude parue en 2010 sur Business Insider
(http://read.bi/TGMIXZ) démontrait qu’en 2008, une vidéo vue sur Youtube atteignait
50% de ses vues totales au bout de 14 jours conte 6 jours deux ans plus tard.
Plus qu’un simple concept marketing, le terme « buzz » est réellement entré dans la
culture populaire pour désigner un contenu ayant une forte propension à la viralité, que
cela soit des vidéos, des photos ou toute autre forme de contenus. Il a ainsi fait son
entrée dans le dictionnaire Larousse en 2010.
On ne peut pas le nier, une réelle culture du buzz s’est durablement installée dans les
mœurs puisqu’elle est socialement valorisée. Car pour beaucoup, faire du buzz c’est
avant tout faire parler de soi. Véritable métissage de la médiatisation de l’information et
de son partage, cette tendance a logiquement pris racine dans l’esprit des internautes.

1.4 Bad Buzz et crises


M
SI
Un bad buzz (http://bit.ly/SWNJex) peut se définir comme un phénomène de « bouche-
à-oreille » négatif qui se déroule essentiellement sur Internet et qui est subi ou
AS

provoqué par une action initiale de la marque. Il repose sur les mêmes mécanismes que
le buzz à ceci prêt qu’il n’est généralement pas désiré. Il constitue un revers pour toute
entreprise car pointe un dysfonctionnement suffisamment émotionnel qu’il en devient
BY

viral.
Un bad buzz est une segmentation de la crise, car il n’est inhérent qu’à la seule
expression de l’entreprise sur le Web. Il constitue une des raisons majeures qui rend
craintif les marques à user des médias sociaux : des propos mal interprétés, une attitude
inadéquate, autant de facteurs sensibles qui font craindre une mésentente avec les
consommateurs. C’est pourquoi les bad buzz entachent principalement l’image ou la
réputation de l’entreprise, n’étant réellement nuisible que sur du court terme.
Une crise est un terme global qui témoigne de l’incapacité d’une entreprise à faire face à
une situation donnée (saturation des capacités de communication face à l’afflux des
demandes par exemple). Au-delà de la perception du consommateur, elle peut impacter
sur la motivation des salariés ou encore susciter la méfiance des fournisseurs à l’égard
de l’organisation.
Une crise s’inscrit généralement dans un contexte, même si elle peut être le fruit de faits
qui en seraient déconnectés. En ce sens, elle est souvent prévisible dès lors qu’il a été
identifié des éléments susceptibles de déclencher ce type d’événement. Cela signifie que
si l’entreprise ne peut empêcher les événements de se produire, elle peut anticiper une
réponse adaptée en ayant pris en considération ces éléments. Par exemple, un
restaurant pourra anticiper et prévoir une communication de crise en appréciant
l’impact négatif inhérent à une hypothétique suspicion de nourriture avariée, quand
bien même cela ne lui arriverait pas. C’est donc bien souvent l’environnement qui
génère une crise, et les maladresses des entreprises dans leurs réponses qui créent des
bad buzz.
Chaque crise nécessite une communication cohérente et adaptée qui doit répondre aux
critiques et aux demandes des consommateurs. Face à un environnement Web qui
facilite la propagation d’une crise, l’entreprise va donc devoir adopter en amont une
stratégie globale et cohérente qui pourra être mise en application rapidement. Globale,
car il sera difficile d’appréhender tous les paramètres en avance (lieu de la propagation,
typologie des acteurs) et cohérente car pouvant s’adapter à toute situation dès lors que
celle-ci est observable. Les crises étant soudaines, aucune société ne pourra prévoir avec
exactitude jour où des événements se déclencheront. Elle doit donc avoir mis en place
un ensemble de processus facilitant la mise en application d’actions de communication
adaptées et adaptables selon un contexte.

1.5 Typologie des crises


Sur les médias sociaux, les crises se suivent mais ne se ressemblent pas, chacune étant
M
unique car dépendant d’un contexte propre à l’entreprise, interne comme externe.
SI
Cependant, une typologie des crises peut être dressée autour de trois grands types
différents : communicationnel, structurel et émotionnel.
AS

Ces types d’événements se distinguent par leur impact sur la perception dans le temps
des internautes vis-à-vis de l’entreprise, donc de leur gravité, et par la réponse à y
BY

apporter. Une crise peut correspondre par ailleurs à plusieurs types. Elle peut donc être
structurelle et communicationnelle, structurelle et émotionnelle.

La crise communicationnelle

Une crise communicationnelle met en exergue une maladresse ou une erreur


stratégique de la part de l’entreprise. Il s’agit du cas de figure le plus courant sur les
médias sociaux. Par le biais d’un article déplacé, d’un changement de logo, d’une blague
douteuse ou de produits controversés, l’entreprise a suscité la colère des internautes ou
des consommateurs. Dans la plupart des cas, ces maladresses sont le résultat de
malentendus ou d’impairs individuels. Dans ce genre de situation, le mieux pour
l’entreprise est d’avouer ses torts et de s’expliquer sur les raisons qui l’ont amené à
réaliser cette action. Le risque principal est ici de l’ordre de la réputation.

Étude de cas :

La marque de prêt à portée Gap a connu une crise importante sur


les médias sociaux en novembre 2010. Désireuse de se forger une
nouvelle identité visuelle, l’enseigne avait décidé de changer son
logo. Lorsque ce dernier a été révélé, la réaction fut unanimement
négative. Les consommateurs, qui n’avaient pas été consultés, ne
l’appréciaient guère et surtout ne percevaient pas l’utilité d’en
concevoir un nouveau. Twitter et la page Facebook Gap ont été alors
le recueil de plaintes diverses, et de menaces. Un client précisa par
exemple qu’il n’achètera plus de vêtement de la marque, après 15
ans de fidélité et plus de 90% de sa garde-robe sous les couleurs de
la société. Divers concours ont également été mis en place pour
proposer un logo plus adéquat, certains allant jusqu’à proposer de
voter pour la pire création.
La nouvelle n’a cessé de prendre de l’ampleur, impactant
directement sur le volume de recherche, mais surtout sur la
réputation numérique de la marque.

M
SI
AS
BY

Face à cette résistante soudaine, la marque a réagi en ouvrant un


dialogue et en annonçant avoir pris connaissance des désaccords.
Dès le 12 octobre, le directeur de Gap indique le retour du logo
traditionnel.
Cette crise met en lumière l’impact de l’avis des internautes dans les
décisions de communication des entreprises. Gap n’a pas pensé à
prendre en considération l’opinion des consommateurs quant à
l’élaboration d’un nouveau logo et en a subi les conséquences. Face

M
à ce désamour prononcé et revendiqué, la marque n’a eu d’autre
choix que de faire machine arrière (http://bit.ly/R44r7R) pour
SI
éviter le prolongement du bad buzz.
AS

La crise structurelle
BY

Ici la crise touche directement le métier de l’entreprise. Dans la plupart des cas, ce
format de crise témoigne de défectuosités plus ou moins graves des produits ou des
prestations proposées, comme une vidéo montrant des employés d’un restaurant
cuisiner des aliments périmés ou un livreur qui balance un colis. Elle peut avoir pour
origine une information sensible, véridique ou supposée. Le risque principal est ici
d’ordre financier car les ventes peuvent chuter, la pérennité de l’organisation étant de ce
fait en péril.

Étude de cas :

Kryptonite, un fabricant d’antivols pour vélos, est un cas d’école


dans ce domaine. La marque n’a pas pris en considération les
réclamations d’un consommateur prétendant avoir découvert la
possibilité d’ouvrir le cadenas à l’aide d’un simple crayon BIC et qui
demandait à se faire rembourser. Ce dernier a donc riposté au
travers d’une vidéo mettant en scène ses dires, rapidement rejoint
par de nombreux autres consommateurs filmant à leur tour leurs
exploits. Par le biais de Youtube, il a ainsi été montré aux yeux du
monde comment ouvrir le cadenas réputé « inviolable » avec un
simple stylo en moins de 3 secondes.

Au bout de 10 jours seulement, la marque a perdu 10 millions de


dollars en remboursement de cadenas. Ce cas d’école met également
M
en lumière le manque de réactivité et de transparence de certaines
SI
entreprises.
AS
BY

Cette crise démontre essentiellement que la perte totale de


crédibilité d’une marque ou d’un produit se répercute sur la
confiance des consommateurs. L’entreprise doit de ce fait
communiquer rapidement pour expliquer les raisons de sa
défaillance, de manière transparente, afin de regagner cette
confiance. La société doit également opérer un changement
structurel pour ne plus subir ce type d’événements, en modifiant
certains de ses processus internes.

La crise émotionnelle

La crise émotionnelle touche souvent l’inconscient collectif pour renvoyer à des notions
d’étiques et de déontologie. Cette réaction affective fait écho à des règles explicites ou
implicites et à leur respect. Quand les individus sont émus par un événement, ils
peuvent protester vigoureusement voire boycotter une marque. Les crises
émotionnelles peuvent en ce sens être le reflet du contexte social. Les consommateurs
sont toujours plus émotifs face à des dérives liées à une actualité sensible. Dans ce cas
de figure, les acteurs de la crise sont souvent des associations, des communautés de
consommateurs ou des journaux...
L’entreprise doit donc faire attention à ne pas refléter des valeurs qui vont nourrir des
suspicions ou des indignations. Des étiquettes peuvent coller à la société et donner
naissance à une crise comme :

– le comportement de l’enseigne (peut créer, nourrir et relancer une crise),


– l’irresponsabilité sociale, M
SI
– la malhonnêteté,
AS

– une gestion salariale désastreuse (fermeture usine, plan social, affaire judiciaire),
– le manquement à des promesses, à des valeurs.
BY

Avec les crises émotionnelles, les internautes se sentent investis d’une mission, celle de
rétablir l’ordre et d’obtenir la justice. Les excuses ici ne suffisent pas forcément, il faut
généralement des actes forts. L’entreprise doit apporter la preuve observable de sa
bonne foi tout en éclaircissant les zones d’ombres. Là encore, des rumeurs peuvent très
bien donner les mêmes résultats. L’enseigne Nature et découvertes a longtemps traîné
l’idée selon laquelle elle était associée à une secte (la scientologie)
(http://bit.ly/RmHvCK).

Étude de cas :

En septembre 2011, une caissière d’un supermarché CORA est


licenciée et poursuivit pour vol au motif d’avoir récupèré un bon de
réduction jeté par un client. L’affaire, reprise par plusieurs médias le
26 octobre 2011, dont Le Républicain Lorrain, France Inter ou
l’Express, suscite rapidement une vague d’émotion sur les médias
sociaux, et notamment sur Twitter. Les internautes prennent faits et
causes pour la caissière, générant un important volume
conversationnel autour de la marque CORA. Certains tweets,
comme le bilan acerbe de l’influenceur Maître Eolas, sont partagés
plus de 500 fois, faisant entrer l’affaire dans les sujets tendances de
Twitter.

Finalement, face aux réclamations des internautes, la direction de


CORA a réagi sur sa page Facebook le jour même en annonçant le

M
retrait de sa procédure de licenciement. De nombreux journaux
souligneront le rôle majeur joué par les internautes, là où d’autres
SI
évoqueront l’intervention d’une personnalité locale, en l’occurrence
un élu.
AS

L’émotionnel ne touche ni à la communication de l’entreprise ni à


son coeur de métier, mais bien à sa manière de se comporter. Elle
BY

est probablement la crise la plus prompte à fédérer les internautes


en masse, car elle touche à l’affectif et aux valeurs.

1.6 Interview François Mathieu


Responsable Contenu/Conversion portail MaVille.com

Comment s’est formée l’industrialisation de l’information ?


Les médias sociaux s’inscrivent dans l’histoire des nouvelles technologies de
l’information et de la communication. On ne peut pas les réduire aux locomotives à
succès tels que Facebook, Twitter ou Youtube, car il s’agit bien d’une grande tendance
et non d’une mode. Plus que quelques outils à l’usage des particuliers, c’est un
ensemble de réflexions qui émerge dans les entreprises, les institutions et la sphère
publique. Ils transforment singulièrement les efforts en information et en
communication.
Il ne s’agit pas ici de juger la société de consommation, les logiques commerciales et
capitalistes mais bien de voir que l’émergence des médias sociaux y est liée. Ils
s’inscrivent dans des continuités historiques, sociales et cognitives impulsées depuis le
Siècle des lumières. Si bien sûr on s’accorde à penser que le Siècle des lumières est le
point de départ de ce qu’on pourrait appeler l’industrialisation de la rationalisation.
C’est au début de cette époque que Diderot essaie de réformer la connaissance en
créant la première encyclopédie. C’est aussi à cette époque que Vauban, retenu pour ses
constructions, se penche sur les voies de communication françaises (routes et canaux).
Avec Diderot, on a le symbole d’une réflexion forte sur la manière dont on peut
organiser les connaissances. Avec Vauban c’est l’industrialisation de la circulation des
informations et des objets à travers des réseaux qui entre dans une nouvelle ère.
Ces deux événements ouvrent la voie du développement et du partage des contenus
matériels ou immatériels. En effet, comme le souligne Weber dans son ouvrage « la fin
des terroirs », si la Révolution française a été politique en 1789, elle n’a été sociale qu’à
la fin du XIXe siècle. C’est seulement avec le développement des voies et moyens de
communications, articulés autour du chemin de fer, que le concept de nation a pu
s’étendre à la globalité des populations occidentales. (WEBER Eugen. La fin des
terroirs, La modernisation de la France rurale 1870-1914, Paris : Fayard, 1998, 839 p.
ISBN-139782213012841).

M
Au-delà du simple transport de marchandises et de personnes, c’est la circulation des
informations politiques, sociales et technologiques qui entrait dans ce qu’on appelle la
SI
modernité. Et cela évolue dans un cadre bien particulier : l’individualisation des
AS

populations occidentales.

Comment l’individu a émergé au centre de la communication ?


BY

L’individualité est une construction sociale où l’influence des TIC (technologies de


l’information et de la communication) joue un rôle normatif et constructif. Cette
émergence de l’individualisation est soulignée par Durkheim lorsqu’il oppose les
sociétés traditionnelles aux sociétés modernes. Car c’est bien de l’émancipation de
l’individu face aux grandes institutions comme la famille, l’église, l’armée et autres
grands corps normalisant, comme les mythes fondateurs, dont on parle.
Cette émancipation s’amplifie sous l’influence grandissante d’acteurs économiques
pour qui les frontières et les cultures sont perméables. Lorsque le XXe siècle
commence, deux tendances fortes sont à l’œuvre. D’abord, la quasitotalité des classes
sociales des pays occidentaux est exposée à un nombre de messages toujours plus
importants. Ensuite, le nombre et la diversité des informations augmentent.
Dans toute cette dynamique, pour la première fois, l’intégralité de l’humanité a
conscience de l’existence de l’autre dans ses différences politiques, sociales et
culturelles. De plus en plus, le villageois breton comme le New-Yorkais découvriront
les images et les actualités de pays qu’ils n’ont jamais visité. Pour complexifier la
chose, la rapidité de la circulation des informations augmente pour permettre à des
centaines de millions de personnes de suivre le SuperBowl en direct ou… la chute du
World Trade Center.
Dans son ouvrage « Non-lieux », Marc Augé décrit un individu désormais confronté à
un triple excès. Un excès de temps puisque la surabondance événementielle complique
le système d’analyse et de valorisation de chacun des événements. Un excès d’espace
alors que les capitales ne sont plus qu’à quelques heures de transports et que
finalement, chacun possède des images des 4 coins du monde sans jamais y être allé.
Le dernier excès, c’est celui de l’individu confronté aux 2 excès précédents. C’est un
individu en permanence informé de ce qui se passe dans le monde. Un individu
submergé par l’information et qui entend, comme le souligne Marc Augé, « interpréter
par et pour lui-même les informations qui lui sont délivrées ». (AUGE Marc, Non-
Lieux : Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris : Le Seuil, 1992, 149
p. ISBN-10 2020125269).
C’est l’émergence d’un individu qui est un monde cognitif unique en soi. Les codes
ethniques, politiques, commerciaux et culturels vont êtres assimilés et valorisés de
manière unique par chacun d’entre nous. La société de consommation aidant, deux
personnes de pays différents peuvent se retrouver dans les codes d’une sous-culture.
Nous sommes dans un monde où les meilleurs judokas ne sont pas plus forcement
M
japonais, où l’UNESCO tient des forums mondiaux sur l’urbanisme et où des
entrepreneurs chinois construisent à l’identique des villages typiques d’Europe.
SI
AS

Les médias sociaux sont-ils une réponse aux nouvelles logiques


individualistes ?
C’est dans ce cadre d’un individu confronté à une densité d’informations dont il ne
BY

contrôle pas forcement le flux qu’interviennent les médias sociaux. Ils sont autant une
conséquence directe de ces grandes tendances qu’une partie d’elles. Ils restent un
ensemble d’outils et de techniques qui répondent ou trouvent des usages. Et de
manière inédite dans l’histoire de la communication, les médias sociaux cristallisent
les logiques individualistes en ouvrant, potentiellement, à l’individu des leviers de
communication stratégiques, politiques et idéologiques.
Car la possibilité pour le particulier d’écrire et de générer du contenu se fait dans un
contexte singulier. C’est l’émancipation de l’individu face aux logiques de production et
de diffusion de l’information jusque alors maîtrisées par les entreprises et les
institutions. Cette émancipation est pratique ; c’est-à-dire que de nouveaux usages et
de nouvelles méthodes émergent. Cela on le voit bien, particulièrement en France,
quand on constate le retard ou l’imprudence de certains annonceurs lorsqu’ils tentent
de pénétrer les communautés Web.
Pourtant, chacun y revendique, implicitement ou explicitement, son appartenance à
tels mouvements ou ses affinités avec telles choses. Les médias sociaux sont l’outil qui
répond le mieux aux nouveaux besoins en connaissance de l’individu. Ils répondent à
un souci local (la possibilité d’échanger avec ses proches) et global (la possibilité de
suivre les actualités de marques ou d’autres organisations) comme aucun autre moyen
de communication auparavant.
Il faut pourtant garder en tête que l’individualisation n’est pas synonyme de liberté.
Elle s’accompagne d’effets vicieux et vertueux dans les logiques de l’individu. Dans les
principaux effets vicieux, l’isolement de l’individu face à des cadres sociaux. Cela
suscite un besoin de créer et de donner du sens à l’ensemble des choses… même les
plus futiles. Ensuite, la prise de conscience de l’individu par lui-même s’accompagne de
logiques ludiques et émotionnelles comme fin en soi. L’information va être
consommée de manière émotionnelle au détriment de l’analyse (nécessaire ?) des faits.
On peut ainsi s’interroger sur le fait qu’une dizaine d’années seulement après les faits,
chacun s’accorde à dire que l’effondrement des tours jumelles est un fait historique…
Rejoignant ainsi des événements vieux de plusieurs siècles. Mais plus que n’importe
quel outil, ce sont bien les médias sociaux qui vont répondre à cette demande.
On ne peut pas céder aux mythes de médias sociaux également et mondialement
perçus par les individus sous prétexte que chacun peut, potentiellement, y avoir accès.
Ils n’essaient pas de s’adapter à chacune des cultures, ils se pratiquent de manière
identique pour chaque individu quelque soit sa culture.

M
Ils constituent des non-lieux au sens de Marc Augé : des espaces dédiés à la circulation
des informations et des idées où l’identité, l’histoire et les relations de l’individu ne
SI
constituent pas des moyens d’accès. Ils sont des objets résolument neutres
AS

idéologiquement, c’est ce que l’individu ou l’organisation y impulse qui fera sens dans
une communauté ciblée.
BY

Comment a évolué la communication ?


En bref, la Communication, comme logique de structuration stratégique, a très peu
évolué depuis ses prémices au Siècle des lumières. La théorie idéologique et simpliste
du Village Global de McLuhan (McLuhan pensait principalement à l’électricité et non
directement à Internet et au Web quand il parlait de Village Global) est, contre tout
espoir paradigmatique, devenu une réalité. Et c’est Guy Debord qui résume le mieux
l’accomplissement du Village Global :
« (Mc Luhan) … (a) passé plusieurs décennies à s’émerveiller des multiples libertés
qu’apportait le « village planétaire » si instantanément accessible à tous sans fatigue.
Les villages contrairement aux villes ont toujours été dominés par le conformisme,
l’isolement, la surveillance mesquine, l’ennui, les ragots toujours répétés sur quelques
mêmes familles. Et c’est bien ainsi que se présente désormais la vulgarité de la planète
spectaculaire. »
D’abord militaire, la vraie révolution de la communication pour les individus
occidentaux a été impulsée par les logiques capitalistes. L’impact du Web participatif
ne change qu’une chose : la rapidité dans la compréhension [et parfois] la récupération
des sous-cultures et/ou des mouvements contestataires populaires par les marques et
les pouvoirs publics.
Car c’est là le seul but de la Communication : protéger le système et le Pouvoir
capitaliste en intégrant, mieux qu’aucun autre système idéologique dans l’histoire de
l’humanité, les critiques. Qui peut dire aujourd’hui que le Bio et le développement
durable sont les prémices d’un nouveau système ?
De manière encore plus nette, le phénomène Wikileaks est très symptomatique de la
réelle puissance du Système en place. Il a signé un véritable désenchantement porté au
mythe du Web façonnant des individus affranchis des pouvoirs et du système. La vraie
question que posait l’affaire Wikileaks était « la société serait-elle meilleure si toutes
les informations étaient rendues publiques ? ». Manifestement l’extrême réaction des
pouvoirs publics et le grand désintérêt populaire ont apporté la réponse…
Seulement, les médias sociaux apportent enfin aux individus l’opportunité (si elle est
massivement partagée) d’amorcer des revendications politiques et sociales. Ils ne sont
que des outils de communication qui permettent d’accélérer l’échange d’information et
l’émergence d’idées. Bouleverser un système est plus complexe et, Wikileaks mis à
part, rien depuis la création du Web n’a apporté de réelles remises en cause du système
politique et informatif. Les révolutions arabes en sont l’illustration. Les réseaux
M
sociaux n’ont été qu’un outil amplificateur de l’information populaire, mais ils n’ont
pas apporté de réponses constructives et les jeux de pouvoir et d’influence qui ont suivi
SI
se sont faits autrement.
AS

Les médias sociaux sont aujourd’hui un indicateur fort des tendances populaires et un
carrefour d’audience certain. Massivement utilisés dans les pays occidentaux, ils
restent, dans les imaginaires, liés au fait qu’enfin, les individus puissent communiquer
BY

entre eux en dehors des contraintes liées aux autres méthodes de communication. Et
c’est là une contrainte forte que les marques n’appréhendent pas toujours bien. Elles
n’y sont pourtant pas malvenues puisque les individus sont les premiers à s’auto-
déclarer « amis » avec telles marques ou tels produits ou à se vanter d’acquérir tel ou
tel nouveau produit.

Partie 2 Les réseaux sociaux : outils d’influence et de


sociabilisation
2.1 Des mécanismes attentionnels versatiles
En dehors de la simple volonté de se divertir, les crises peuvent également initier un
processus attentionnel. Ces moments qui sortent de l’ordinaire sont souvent considérés
comme des pauses, et c’est pour cela que l’attention est souvent optimale : ils sortent les
internautes d’une certaine torpeur.
Imaginez-vous spectateur d’une conférence. Au bout de 30 min, il y a une forte
probabilité que votre attention soit amoindrie. Mais si l‘intervenant vous dit « surtout
ne prêtez pas attention à ce que je vais vous dire », il y a fort à parier que vous vous en
souviendrez après son discours. Dans le même ordre d’idée, les anecdotes sont souvent
mieux mémorisées, car elles s’écartent du discours formaté et s’éloignent des sentiers
battus.
Ce relâchement perçu induira inconsciemment une attention accrue, qui elle-même
générera par la suite une rétention démultipliée. C’est pour cela aussi que les crises
marquent. Outre les blâmes et les problèmes de fond pointés du doigt, elles mettent
surtout en lumière une tendance sociétale de distraction, résultat d’une évolution
naturelle et logique des nouveaux modes d’accès à l’information.
L’attention est également inhérente au contexte dans lequel le contenu se situe. Une
information fraîche et encore peu viralisée peut susciter une envie de partage plus
soutenue qu’un contenu datant de plusieurs semaines. La durée de vie des liens relayés
sur les médias sociaux n’excèdent d’ailleurs pas la journée (3h sur Facebook et Twitter
selon une étude du service de raccourcissement d’URL Bit.ly) (http://bit.ly/UQCWUy).
C’est pourquoi l’attention dépend en grande partie de la temporalité de l’information.

M
SI
AS
BY

2.2 La socialisation
À première vue, il serait logique de penser que l’internaute partage des informations
qu’il juge pertinentes pour créer un lien qualitatif avec son réseau. Pourtant, en y
regardant de près, le message qui est diffusé n’est que secondaire par rapport à la
nécessité de créer des interactions. Ce qui compte, c’est l’illusion de garder contact avec
ses pairs. L’internaute va donc partager des informations qui vont atteindre ces objectifs
de socialisation, sans forcément prêter vraiment attention au contenu : il cherche avant
tout des échanges.
Il faut prendre en considération ce que les spécialistes du comportement appellent
« renforcement intermittent » pour comprendre ce phénomène. Prenons un rat de
laboratoire. Si le scientifique lui fournit un levier qui produit une boulette de nourriture
sur demande, le rongeur va seulement appuyer quand il aura faim. S’il lui met un levier
qui produit de la nourriture à des intervalles aléatoires, le rat va appuyer dessus tout le
temps. L’internaute publie donc des contenus divers et variés dans la simple optique de
susciter un engouement, un lien social.
Certaines informations qu’il va juger comme susceptibles de générer des interactions
sociales, comme « je suis maintenant célibataire », peuvent ne produire aucun effet là
où un simple « j’ai mangé une pomme » peut engendrer de nombreux échanges.
Comme de lors l’expérience sur le rat, ce phénomène aléatoire favorise le partage d’un
contenu, dont le fond importe peu, dans le but de susciter des commentaires, des
approbations (« likes », commentaires).
Les internautes vont instinctivement chercher à partager les émotions fortes ressenties,
dans l’espoir de favoriser et de consolider leurs relations numériques. Et quoi de mieux
que les crises pour susciter l’intérêt de son réseau de contacts ? Les contenus
émotionnels comme les crises proposent donc, à travers leur partage, l’espoir de trouver
chez autrui un parallélisme affectif, un point commun qui arbore un sens relationnel
pour les deux partis.

M
Le chercheur anglo-saxon Jonah Berger (http://bit.ly/RmIjHX) explique ainsi que
« nous partageons prioritairement des contenus « futiles ou émotionnels » non comme
SI
fin mais comme moyen de créer du lien à distance. Puisqu’il est difficile de partager des
AS

sentiments forts à distance, Internet serait propice à la circulation de contenus à forte


dimension émotionnelle ».
Bien entendu certaines personnes ne pensent (consciemment) qu’aux contenus qu’elles
BY

partagent dans le but d’intéresser sur le fond leurs amis, et non pour les garder près de
soi. Cependant, très peu d’internautes créés des listes pour informer une partie de leur
réseau (famille ou contacts professionnels par exemple) de leurs découvertes. Par
facilité et gain de temps, presque tous les internautes partagent leurs publications avec
l’intégralité de leur réseau direct, mêlant le personnel au professionnel.
L’internaute se rassure donc en conservant l’illusion qu’il reste en contact avec ses
« amis ». L’acte de partage est donc plus un outil de socialisation qu’une pure action de
divertissement anodine. Au-delà des bad buzz qui constituent des contenus attractifs,
l’internaute partage surtout pour se voir dans le regard de ses pairs. Ils sont des
ustensiles puissants pour conserver un lien et une appartenance sociale. Les internautes
souhaitent partager des sentiments.
« C’est pourquoi le web est souvent peuplé de choses excitantes. Les choses les plus
populaires ne sont pas généralement très instructives, mais très émotives. Il y aura
toujours une demande insatiable pour les vidéos drôles, les chansons de Justin Bieber
ou les colères d’hommes politiques. Des contenus futiles et superficiels, certes, mais qui
sont plus un moyen qu’une fin, pour dire aux autres que nous aimerions ressentir la
même chose qu’eux », conclut Jonah Lehrer (http://bit.ly/QVWDXd).
2.3 L’influence majoritaire
La participation active autour d’une crise dépend également du phénomène de
conformisme.
Le conformisme est tout simplement l’effet de l’influence majoritaire. Dans tout groupe,
social ou non, il existe des normes internes qui régissent son bon équilibre et
fonctionnement. Ce maintien induit ainsi des effets d’influences interpersonnelles qui
supposent que les individus doivent se conformer à la majorité pour pérenniser son
existence. Ce sont ces pressions sociales, internes aux groupes sociaux qui modifient les
opinions et surtout les actes de ses membres.
On distingue 3 formes de conformisme :

– La complaisance : Désigne le fait qu’il y a une acceptation publique du


comportement, mais sans adhésion privée. C’est un moyen de préserver son
intégration sociale. L’effet est généralement de courte durée, le temps d’éviter tout
rejet social.
– L’identification : L’individu cède à la pression sociale, car le groupe lui paraît
attrayant. Les membres possèdent des caractéristiques que l’individu veut posséder
M
pour leur ressembler. L’effet est ici à moyen / long terme.
SI
– L’intériorisation : La personne dispose d’une croyance profonde et intime
(publique et privée) quant aux propos du groupe. Leurs opinions sont intégrées
AS

dans le système de valeurs de l’individu. C’est l’effet de conformisme le plus


durable.
BY

S’il ne s’agit pas d’une crise fonctionnelle qui remet en cause le produit de l’entreprise,
la plupart des répercussions renvoient à une défiance paradoxale. L’attitude et les
propos peuvent apparaître défavorables envers la marque pendant la crise, mais le
comportement d’achat de l’internaute ne changera pas, le pourcentage de vente étant en
effet assez rarement impacté. Il peut s’engager publiquement, mais ne pas le faire hors
connexion pour tout un ensemble de raisons.

2.4 L’influence minoritaire : un indice manifeste


Si on parle souvent de normalisation ou de conformisme, il ne faut pas non plus oublier
que les minorités ont elles aussi une forme d’influence. Le psychologue Serge Moscovici
a été le premier à mettre en lumière l’existence d’un effet d’influence minoritaire par
l’intermédiaire de l’expérience « bleu vert ».
Six personnes ont participé à un groupe d’expérience (dont deux complices qui ont joué
le rôle de la minorité active). L’objectif de l’exercice est présenté comme un simple test
de perception des couleurs. Six séries de diapositives ont alors été présentées aux sujets,
qui devaient annoncer immédiatement à voix haute et à tour de rôle leur réponse.
Même si en réalité, la totalité des diapositives sont des variantes de bleu, les deux
complices répondent systématiquement « vert ». Les résultats montent que dans une
situation « contrôle » (sans complice), 0.25% des réponses désignaient la couleur verte.
Dans la condition test avec complices, le pourcentage passe à 8,42% (sans compter les
réponses des deux compères). Même si peu de personnes sont influencées en situation
de majorité, l’effet minoritaire existe donc bel et bien.

Sur Internet, les avis des internautes allant à l’encontre de ce que la marque escompte
peuvent représenter une forme d’influence minoritaire. Cette forme d’influence n’a pas

M
nécessairement pour finalité de forcer la marque ou ses consommateurs à se conformer
à de nouvelles idées, mais surtout à servir de levier en vue d’une redéfinition des
SI
normes, des produits, etc.
AS

Ces avis divergents représentent une formidable opportunité pour l’enseigne qui peut
connaître les points faibles de ses prestations, identifier les failles et les points
perfectibles, mais également se préparer à trouver des solutions en cas de plaintes
BY

récurrentes. En ne prenant pas en considération ces indices, la société peut en parallèle


manquer des occasions de prévenir une crise.
La voix des minorités est donc d’une importance capitale. Les constats négatifs peuvent
permettre à une entreprise de perfectionner ses produits/ services et de préparer plus
sereinement l’avenir. Comme l’a décrit le chercheur Patrick Lagadec : « les crises de
demain sont souvent le refus des questions d’aujourd’hui ».

Partie 3 Les crises : risque ou opportunité ?


3.1 Les crises : un modèle narratif qui facilite la mémorisation
Une crise, même minime n’a rien d’anodin. Elle constitue un risque non négligeable dès
lors qu’elle est relayée par les médias, par des blogueurs sur la toile ou juste transmise
oralement. Une crise est par essence une source d’information que notre esprit valorise
dans sa mémorisation. Et ces souvenirs sont favorisés par notre processus d’encodage
qui fonctionne sous la forme narrative.
Depuis toujours, l’homme a besoin de transmettre son savoir à ses pairs. Pour survivre
et évoluer, il a besoin de sauvegarder ses acquis pour progresser et avancer dans le bon
sens. La narration est une part de notre code génétique, car elle est omniprésente au
quotidien. Nous apprenons sous la forme d’histoires, et ce modèle est devenu un outil
de référence. Ce qui fait qu’une multitude d’informations sont stockées et modélisées
sous les formes de récits.
Au final, nous sommes conditionnés à analyser notre environnement sur un angle
narratif. Dans notre esprit, les événements sont donc schématisés sous la forme de
scénarios incluant des rebondissements et des imprévus. Ces souvenirs sont
naturellement encodés et triés soigneusement par notre esprit qui leur confère des
places de choix. Les crises sont de ce fait des informations faciles à mémoriser
puisqu’elles rentrent dans une logique ancestrale de conservation de données et sont
transférées dans la mémoire à long terme de manière optimale. C’est notre moyen de
comprendre notre environnement et de rationaliser nos interrogations. Il est dans notre
nature de conserver ces souvenirs par l’intermédiaire de biais mémoriels facilement
activables.
Toutefois, la masse d’informations présentes sur la toile et difficiles à « digérer », que
certains appellent infobésité, fait que dorénavant, l’internaute oublie rapidement une
donnée pour se focaliser sur une autre. Le Web génère tellement de récits en tous
M
genres qu’il lui est parfois impossible de tout trier et de garder une vision épurée des
SI
événements. L’encodage a beau bien se faire, la rétention s’avère souvent délicate, car
les biais mémoriels sont saturés d’histoires similaires.
AS

Malgré tout, la narration demeure un facteur clé important dans la mémorisation d’un
événement. Ce constat se confirme par le storytelling, un axe de communication qui
BY

tend a se populariser avec l’avènement des médias sociaux. Bertrand Bathelot, agrégé
d’économie gestion option marketing, le définit (http://bit.ly/X14J1X) comme tel :
« Le storytelling consiste à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre classiquement en
avant des arguments marque ou produit. La technique du storytelling doit
normalement permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Elle peut
également être utilisée pour élever la marque à un rang de mythe. »
Cette méthode a pour objectif d’injecter une structure narrative dans le discours, proche
de récits ou de contes. C’est l’art de faire de faits marketing de vraies histoires. La
mutation fin 2011 du profil Facebook sous forme d’une chronologie, appelée Timeline,
confirme d’ailleurs cette tendance, en incitant les marques à raconter leur histoire au
travers d’une frise chronologie.
En outre, les internautes ont également tendance à se rapporter les uns et les autres des
histoires autour des produits et des sociétés. L’entreprise est donc un accessoire, un
acteur anthropomorphique. Il faut bien comprendre que les individus pensent de
manière narrative, plutôt que de façon argumentative. Nous pouvons l’observer dans les
recommandations sociales : les internautes prennent davantage à cœur les témoignages
de vécu que des argumentaires, car cela leur renvoi à des projections auxquelles ils
accordent de l’importance. Les crises peuvent ainsi représenter des jeux de rôles
interactifs où l’internaute peut prendre directement part à l’histoire.
La notion de pensée sociale permet également de comprendre comment les sujets
sociaux sont capables d’appréhender les événements de la vie quotidienne,
l’environnement et l’ensemble des informations qui circulent autour d’eux. Cette
pensée collective est largement déterminée par le contexte dans lequel elle s’inscrit et
peut s’exprimer lorsque les individus évoquent des souvenirs ou conversent ensemble.
Flament et Rouquette (2003) la définissent ainsi : « informée par des facteurs sociaux,
socialement matérialisée dans les institutions (les rites et les symboles par exemple),
prenant enfin pour objets récurrents les phénomènes sociaux, la pensée commune est
sociale, non par hasard ou par occasion, mais par nature. Ce qui se pense, la manière
même dont cela est pensé, ce qui se transmet et les positions relatives des acteurs
sociaux entretiennent des rapports de complémentarité tels que ces différents aspects
constituent autant de facettes indissociables ». (“Manuel Visuel de Psychologie Sociale
– Sylvain Delourée – Editions Dunod – 2010”).
Rouquette matérialise cette pensée sociale en lui désignant un modèle architectural.
Cette schématisation s’organise autour de quatre concepts majeurs et hiérarchisés :
M
– L’idéologie (croyances, valeurs et normes génériques).
SI
– Les représentations sociales (de notre pays, des citoyens, des étrangers, des
AS

autres pays).
– Les attitudes (bienveillance ou animosité, acceptation ou rejet).
BY

– Les opinions (points de vues, avis).

Nous pouvons penser qu’une entreprise possède cette arborescence identitaire. Elle
tend à développer une idéologie (positionnement) et des attitudes (j’aime, je déteste les
produits de cette marque), mais les internautes disposent de représentations sociales
(stéréotypes, historique ou vécu autour de la marque) qui forment des opinions (« je ne
conseille pas d’acheter chez eux » ; « ce sont les meilleurs »). Tel pourrait être la
représentation de l’image de marque selon la pensée sociale, et donc indirectement les
canaux d’encodage et de mémorisation pour les internautes.
Ces réflexes mémoriels instaurent un historique de la marque dans l’esprit des
consommateurs. Les individus intègrent donc rapidement les événements et peuvent
s’en souvenir. Ces crises sont des signes distinctifs, voire ostentatoires, qui s’incrustent
auprès de la marque dans l’inconscient. Ils font parti intégrant de l’ADN de l’entreprise
aux yeux des consommateurs, même si certains sont moins prégnants que d’autres.
Il ne faut donc pas compter sur les internautes pour fermer les yeux ou faire la sourde
oreille, il est de dans leur nature de se souvenir. Nietzsche disait d’ailleurs de l’homme :
« Il est possible de vivre sans se souvenir et de vivre heureux, mais il est impossible de
vivre sans oublier ».

3.2 Un bad buzz est-il forcément préjudiciable ?


Finalement, nous pouvons nous poser la question de savoir si toutes les retombées d’un
bad buzz sont forcément préjudiciables pour l’entreprise. Si la réputation en pâtie, le
chiffre d’affaires suit-il le même chemin ? Les différentes crises ayant émergé sur la
toile, lorsqu’elles ne sont pas structurelles, tendent à penser qu’il n’y a pas de causalité.
Cependant, il est un fait indéniable : un bad buzz reste un buzz avant tout, c’est-à-dire
une forte exposition médiatique. Et même si les propos sont majoritairement péjoratifs,
il n’en reste pas moins que tout Web ne parle que du produit décrié ou de l’entreprise
pointée du doigt. Cette focalisation momentanée génère forcément une notoriété et une
visibilité accrue. Au final, certaines marques n’ont jamais été autant visibles qu’en
temps de crise.
La marque de friandise Malabar a par exemple été le sujet favori de la webosphère en
2011, lorsque les changements de sa mascotte et de son logo ont fortement déplu aux
internautes. Après des décennies de bons et loyaux services, le monsieur muscles blond
platine a été remercié par un chat rachitique. Les consommateurs n’ont pas apprécié le

M
fait de ne pas avoir été consulté pour le choix de la nouvelle mascotte. En y regardant de
plus près, ce rejet témoigne de l’intégration de la marque dans le quotidien des
SI
consommateurs, qui défendent leurs souvenirs et leurs expériences avec le produit.
AS

Cette maladresse a surtout souligné l’attachement des internautes à la marque.


En ce sens, de nombreux bad buzz suscitent souvent une interrogation quant aux réelles
intentions. Par exemple, Ségolène Royal fut l’une des premières personnalités politiques
BY

à proposer une plateforme intégrant des éléments sociaux, le site Désir d’Avenir.
Cependant, elle a défrayé la chronique en 2009 lorsqu’elle a dévoilé un nouveau site
internet, aux graphismes et fonctionnalités rappelant les premiers jours du Web. Dès
lors, les professionnels s’interrogèrent sur les intentions, à savoir si le bad buzz n’avait
pas été orchestré pour faire parler de la politicienne : comment une personne avant-
gardiste peut-elle prendre un tel virage ?
Le travail autour de l’e-reputation a souvent été appréhendé sous l’angle de la gestion de
crise. Pourtant, les situations de crises majeures restent relativement rares. Un
consommateur sera souvent plus indulgent avec une marque qui fait une erreur dans le
but de lui donner satisfaction. La bonne volonté n’est pas invisible et prodigue ses effets
bienfaiteurs pour protéger les marques maladroites lorsque les événements ne sont pas
graves. Ne pas entendre les réclamations de ses clients peut cependant empêcher
d’identifier des points à améliorer dans sa stratégie.
De là à dire qu’une crise est un mal pour un bien, il y a un gouffre. Le seul bénéfice
apparent réside dans la leçon qu’elle apporte. L’entreprise sait d’où provient l’erreur, ce
qui est mis en cause et les éléments qui posent problèmes. Ceci s’avère utile pour savoir
quelles directions prendre et quelles corrections apporter dans le futur. Beaucoup rêvent
de succès immédiats, or nous n’apprenons jamais autant que lorsque nous faisons des
erreurs. Comme aimait à le dire Soichiro Honda, le fondateur de la marque automobile :
« À mon sens, le succès ne peut être atteint qu’après une succession d’échecs et
d’introspections. En fait, le succès représente 1% de votre travail qui comporte lui, 99%
de ce qu’on peut appeler échec ».

M
SI
AS
BY
Chapitre 2
La place de l’entreprise dans la prévention et
la gestion de crise
Si les médias sociaux peuvent générer de la crainte ou de l’engouement, ils ne laissent
jamais indifférents. D’un côté, les entreprises redoutent de manquer de temps et de
ressources, de l’autre les « success-stories » et les chiffres vertigineux accolés à ces
plateformes (Facebook, un milliard d’utilisateurs actifs en octobre 2012) donnent envie
d’ouvrir des profils partout et tout de suite.
Se lancer sur les médias sociaux représente le fruit d’une réflexion. Une préparation qui
se décline sous la forme d’une introspection et d’une définition des objectifs. Un
investissement en temps qui nécessite une prise de recul pour démarrer sereinement.
Une entreprise ne doit pas attendre l’arrivée d’événements négatifs pour mettre en place
des actions pertinentes. Comme dans toute communication de crise, elle doit identifier

M
des risques afin d’établir des scénarios adaptés à un environnement spécifique. Elle va
par la suite déployer un ensemble d’outils de veille afin d’anticiper les signes avant-
SI
coureurs, ce qui lui permettra d’appliquer rapidement une réponse cohérente et d’éviter
l’apparition d’éléments déclencheurs.
AS

Cependant, les médias sociaux ont modifié les règles de la communication, plaçant
l’internaute au centre du message. L’entreprise doit intégrer cette mutation au risque de
BY

rester prostré dans des mécanismes dits traditionnels qui seraient sans effets. Les
logiques d’audiences, sans interactions avec le public cible, n’ont de sens sur des espaces
où ce public s’exprime et souhaite être écouté. L’entreprise doit de ce fait intégrer cette
dimension relationnelle dans la structuration de son plan de réponse.
Pour respecter son ADN et de son positionnement, l’entreprise doit également
sensibiliser ses salariés à ces thématiques pour que toutes les précautions et les efforts
avancent conjointement vers un objectif commun.
Cette approche sous-entend donc une adaptabilité à un nouvel environnement, qui
passera par une mutation à l’interne afin d’établir, d’encadrer et d’appliquer un message
pertinent dans le temps et l’espace.

Partie 1 D’où naissent les erreurs stratégiques des entreprises et


comment y remédier ?
1.1 S’adapter à de nouvelles logiques de communication
De nombreuses entreprises commettent des erreurs stratégiques au simple motif
qu’elles restent ancrées dans des logiques de communication qui ne sont plus adaptées
au nouveau canal qu’est le Web social.
En effet, les sociétés perçoivent les médias sociaux sous le prisme de leur expérience. En
d’autres termes, elles se contentent souvent de transposer des modes de communication
dits traditionnels là où les médias sociaux imposent des mécanismes relationnels.

– La communication dite traditionnelle représente l’ensemble des logiques héritées


de l’imprimerie, où la notion d’audience est l’objectif principal recherché avec pour
finalité les ventes. La relation est unidirectionnelle avec le consommateur qui ne
fait que recevoir un message publicitaire.
– La communication relationnelle est un tournant qui s’est imposé avec
l’avènement des médias sociaux et dont le principal objectif demeure la création
d’interactions, que ce soit des partages, des commentaires ou des notations, avec
pour finalité l’amélioration de l‘image de marque. La relation est
multidirectionnelle avec le consommateur qui peut interagir sur le message
publicitaire.

Il y a donc un risque pour l’entreprise d’user de stratégies inadaptées aux médias


M
sociaux et de ne pas réussir à atteindre les objectifs recherchés. Par exemple, pour de
SI
nombreuses sociétés, vu le nombre d’utilisateurs avancés par Facebook, il constitue un
canal pertinent (logique d’audience). Ce qui est faux, car une communication, et
AS

notamment de crise, dépend d’un ensemble de facteurs qui devront être pris en compte
afin d’identifier la plateforme la plus adaptée pour y apporter une réponse cohérente.
BY

Il y a donc travail d’apprentissage pour les marques, ce qui peut les effrayer car ce
balbutiement induit inéluctablement des erreurs. Pourtant, les internautes sont plus
indulgents avec les marques qui tentent de nouvelles approches qu’avec celles qui
refusent de s’y soustraire. Les études montrent que 75% des internautes accueillent
favorablement l’idée qu’une entreprise se positionne sur les médias sociaux.
Il est important que la société appréhende les nouveaux mécanismes, qu’elle puisse
muter pour les inclure dans ses processus de communication. Il ne s’agit pas ici de
remplacer l’existant, mais d’y intégrer une dimension propre aux médias sociaux. Il y a
de ce fait avant toute chose un travail sur elle-même à réaliser si elle veut communiquer
efficacement, notamment lors d’une crise.

1.2 Un manque d’expérience pour savoir répondre efficacement


Lorsqu’une défaillance est pointée du doigt, il apparaît logique de réagir en
conséquence, comme par l’amélioration d’un produit ou l’évolution d’une gamme de
services. Malheureusement les faits ne font pas toujours état de ce postulat pourtant
simple.
Durant de nombreuses années, et encore aujourd’hui, les entreprises ont développé une
relation client s’appuyant sur les mécanismes des centres d’appels. Le consommateur
fait part de problèmes rencontrés par téléphone, donc seul et de manière privée, auprès
de techniciens. Ces derniers ne font que suivre des schémas de réponses préétablies
sans prendre en considération les défaillances évoquées ni même les aspirations de
leurs interlocuteurs. Avec les médias sociaux, les internautes peuvent dorénavant
interagir directement avec les entreprises, publiquement et collectivement. Cette
profonde mutation de la relation d’une marque avec ses consommateurs explique en
partie pourquoi des crises qui pouvaient être empêchées finissent par éclater.
Parce que ce n’est pas dans leurs réflexes, de nombreuses entreprises peuvent
instinctivement ne pas avoir la bonne réaction à la lecture de commentaires
désobligeants. Certains comportements adoptés vont ainsi entraîner de vives réactions,
comme le mépris affiché ou la déresponsabilisation, ou sous-entendre un aveu
implicite, comme le silence. De plus, si une société décide de tromper sur la nature des
événements, il y a un risque qu’elle perde toute crédibilité.
Pourtant, c’est à ce moment que le risque de crise est le plus grand. Ce sentiment de
légitime défense devrait être occulté pour évoluer vers une réflexion constructive. Il faut
bien comprendre que les commentaires désobligeants sont, dans leur large majorité, des
opportunités pour peu qu’ils soient pris en considération.
M
Malheureusement, l’entreprise peut adopter des réactions inadaptées pouvant
SI
envenimer la situation. C’est ce qui est arrivé à la marque Aquarelle.com
AS

(http://bit.ly/QqmEvq), société de livraison de fleurs via Internet, en provoquant elle-


même une crise par des réactions inadaptées.
Courant 2012, une femme qui n’a jamais reçu son bouquet de fleurs demande à
BY

plusieurs reprises sur la page Facebook de l’enseigne qu’on lui rembourse son achat. La
réponse est rapide et claire : « Vous ne serez pas remboursée, votre dossier est bloqué
car vous mettez des messages sur Facebook ». La plaignante décide alors de faire appel
à son réseau pour la soutenir dans sa discussion avec l’entreprise. Face à cet
engouement soudain, la marque va alors supprimer les messages postés sur la page
Facebook. La réaction ne se fait pas attendre, et cette maladresse ne tarde pas à attirer
l’attention d’autres internautes. Alors que le bon sens voudrait que la marque ouvre un
dialogue pour atténuer la crise, elle va au contraire tenter un bras de fer avec ses
détracteurs. Un post officiel va annoncer que le litige est réglé et mentionner que la page
Facebook n’est pas un « défouloir ».

Il n’en fallait pas moins pour offusquer les internautes qui vont massivement investir la
page Facebook. Il s’avère rapidement que la cliente n’a pas été remboursée comme il
avait été annoncé. Cette dernière, bannie de la page Facebook, a en effet continué à
converser avec d’autres internautes sur Twitter.
Face à une situation qui s’annonce délicate, l’entreprise revoit sa position et décide de
réintégrer la cliente en annonçant que la marque s’engage à la rembourser.
Il s’agit là d’un exemple significatif qui souligne bien la nuisance de mauvais réflexes
qu’une marque adopte face à des requêtes sensibles. En somme, ce n’est pas parce que
les clients d’une société ne sont pas physiquement présents lors des échanges sur
Internet qu’il faut les traiter différemment.

1.3 La nécessité d’intégrer les consommateurs


Les entreprises doivent engager leur communauté. Pour ce faire, elles doivent créer de
la valeur et récompenser l’investissement des internautes. Bien souvent, un manque de
retours envers sa communauté inhibe régulièrement les interactions. Pourtant, il ne
suffit pas de grand-chose, juste du dialogue et de la reconnaissance.
Pour mettre le client au cœur du système, il faut le placé en avant.
Cette reconnaissance peut avoir lieu à 3 niveaux :
M
SI
– La socialisé primaire (recherche amour et affection).
AS

– La sphère publique (recherche du respect).


– La sphère de travail (recherche de l’estime et du mérite).
BY

La marque lafraise.com a parfaitement intégré cette dimension du besoin et de l’attente


en impliquant directement les clients. Par une méthode de co-branding, les internautes
sont les décideurs et les confectionneurs de leurs propres produits. Ils votent et élisent
eux-mêmes les tee-shirts qui seront fabriqués.
D’après les sociologues Satish Nambisan et Robert A. Baron, les individus évoluent dans
des « environnements virtuels de consommateurs » (Virtual customer environments ou
VCE). Les internautes auraient alors à leur portée 4 types distincts de satisfaction :

– Le cognitif (la confiance en soi).


– L’intégratif social (la valorisation).
– L’intégratif personnel (l’égo).
– L’hédonique (le plaisir).
Ces bénéfices perçus par les consommateurs favorisent grandement leur engagement et
leur participation, tout en renforçant positivement leur perception de la marque. La
fameuse pyramide de Maslow délimite des besoins universels, qui sont plus que jamais
véridiques sur Internet.

1.4 Formuler des promesses et des engagements


Un autre élément primordial qui a changé avec les médias sociaux est les promesses.

M
Auparavant, lors d’une crise relayée par les médias traditionnels, il était presque
impossible pour les consommateurs de comprendre la réalité des actions inhérentes à
SI
l’engagement de la marque. Aujourd’hui, les internautes exerceront une forte pression
pour apprécier l’évolution d’une situation donnée. L’entreprise ne pourra plus dire
AS

« nous nous engageons à » sans mettre application ses engagements ou même sans
communiquer sur leur évolution.
BY

De plus, les internautes attendent des résultats concrets sur le court terme ou dans le
temps imparti. Ils souhaitent qu’une situation se règle, que leur mobilisation ait un
sens. Ils ne veulent plus être confronté à des promesses s’éternisant dans le temps et
qui augurent qu’elles ne seront probablement pas appliquées.
Les engagements tenus doivent donc être considérés comme des objectifs, sur le modèle
SMART :

– Spécifiques (les mesures énoncées doivent être limpides pour répondre à des
critiques précises).
– Mesurables (mettre en place des indicateurs pour prouver ses efforts).
– Ambitieux (montrer son engagement pour réajuster sa stratégie en faisant des
concessions).
– Réalistes (prendre en compte les moyens, ressources, compétences disponibles).
– Temporels (définir ses actions dans le temps avec des étapes, paliers, deadlines,
etc.).
La société doit éviter de faire des promesses qu’elle ne pourrait tenir dans l’espoir de
calmer les foules. Le calme ainsi obtenu ne serait que de courte durée et n’aurait pour
effet que de dissimuler une crise à venir.

1.5 La production de faux, que ce soit des profils ou des avis


Internet offre souvent le sentiment utopique de pouvoir mettre en place facilement de
faux avis ou de faux profils qui seraient indétectables. L’anonymat sur le Web est un
mythe qui sous-entend une totale impunité. Une entreprise peut par conséquent être
tentée d’user de tels stratagèmes afin soutenir ses actions de communication,
notamment en période de crise. Il y a là une erreur stratégique inhérente à la perception
des nouvelles technologies, mais également de l’intelligence collective.

Faux avis

Preuve de l’importance du phénomène des faux avis, une étude de l’institut Gartner
(http://bit.ly/W01ium) parue en septembre 2012 estimait que d’ici 2014, 10 à 15% des
commentaires sur le Web Social seront factices. L’étude souligne que cette
problématique devrait forcer les institutions juridiques à se pencher de plus en plus sur
le phénomène. Gartner prévoit en conséquence que dans les prochaines années,
M
plusieurs entreprises du Fortune 500 (500 plus grosses entreprises américaines)
SI
devront faire face à la justice.
AS

Ed Thompson, vice-président et analyste chez Gartner, a déclaré à ce propos : « Le


marketing, les services à la clientèle et les services de gestion des médias sociaux qui
cherchent à utiliser des avis, des fans et des « likes » afin d’améliorer la réputation de
BY

leur marque sur les médias sociaux doivent se méfier des conséquences potentiellement
négatives sur la réputation de leur entreprise et sur leur rentabilité ».
Généralement, nous pouvons distinguer deux types de faux avis :

– Les avis ou commentaires positifs ayant pour objectif de valoriser le travail de


l’entreprise citée.
– Les avis ou commentaires négatifs visant à dégrader l’image des produits ou
services des concurrents.

Si cette tendance à produire du faux va prendre de plus en plus d’importance, elle risque
finalement de se retourner contre les entreprises, auprès de ses consommateurs qui
s’estimeront trompés mais également de manière juridique.
Par exemple, en France, la loi sur les pratiques du marché contient des éléments
pouvant servir de base à des actions judiciaires. (“Loi du 6 avril 2010 relative aux
pratiques du marché et à la protection du consommateur, M.B., 12 avril 2010”).
L’article 91, 11°, interdit une entreprise d’utiliser un contenu rédactionnel dans les
médias pour faire la promotion d’un ou de plusieurs de ses produits sans l’indiquer
clairement dans le contenu, à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le
consommateur. L’article 91, 22°, interdit d’affirmer faussement ou donner l’impression
que l’entreprise n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité
professionnelle, ou se présenter faussement comme un consommateur.
Les entreprises risquent ainsi des sanctions monétaires par l’intermédiaire d’amendes
pouvant aller jusqu’à 60.000 euros. Il est à noter que les condamnations pénales
peuvent être prononcées non seulement à l’encontre de la société mais également de ses
dirigeants.
Les faux avis de consommateurs sont devenus un tel enjeu sur le Web qu’ils suscitent
une réflexion globale de la part des États et de certaines institutions.
En France, l’Association française de normalisation (AFNOR), a évoqué en décembre
2011 l’éventualité de créer une norme dont l’objectif sera de définir « les pratiques
garantissant la fiabilité de la collecte des avis des consommateurs » ainsi que de
« permettre de mieux identifier les auteurs des messages en croisant les avis laissés par
un même internaute afin de vérifier leur pertinence » (http://bit.ly/Wc8F0m).
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a publié en avril 2011 un rapport, le « National
Strategy For Trusted Identities In Cyberspace » (http://1.usa.gov/TlQzE8), dans lequel
M
il s’engage « à collaborer avec le secteur privé, les gouvernements d’État, locales,
SI
tribales et territoriales, et les gouvernements internationaux à fournir l’appui et l’action
nécessaire pour rendre l’écosystème de l’identité une réalité. Avec un effort concerté de
AS

coopération de toutes ces parties, les individus se rendront compte des avantages de
l’écosystème de l’identité à travers la conduite de leurs opérations quotidiennes dans le
cyberespace ».
BY

Pour répondre à ce contexte, les chercheurs de l’Université Cornell ont élaboré un


système informatique (http://bit.ly/TcvNaz) afin d’identifier les faux avis. Leur modèle,
issu du secteur du tourisme, utilise la sémantique des commentaires pour déterminer
s’il s’agit d’un message véridique ou inventé. Le taux de réussite des déchiffrages s’élève
à 90%, se basant sur une analyse de 160 commentaires.
Grâce à leur système, les chercheurs ont pu extirper quelques caractéristiques des vrais
et des faux avis.
Les vrais avis ont par exemple tendance à :

– emprunter un langage qui est davantage axé sur les sens ou sur le concret,
– contenir des détails sur les lieux physiques avec des termes comme
« petit », « salle de bain plancher », etc. (difficile d’avoir ces détails lorsque la
personne n’est jamais venue dans les lieux).

Les faux avis quant à eux tendent à :


– faire mention complète du nom de la société, du produit ou du lieu (les vrais avis
citent rarement les sources avec exactitude et préfèrent parler de faits concrets),
– faire grand usage des pronoms personnels « je » et « me » (penser que cela va
augmenter la vision de la crédibilité et de l’implication du client),
– insister sur les personnes qui les ont accompagnés (tourisme),
– employer plusieurs verbes relatifs au secteur d’activité de la société visée,
– recourir de manière récurrente aux points d’exclamation,
– utiliser excessivement des adverbes comme « très » ou « vraiment ».

M
SI
AS
BY

Réponse : 1. Vrai – Les vraies critiques décrivent souvent l’espace physique. 2. Faux –
Les fausses critiques utilisent plus de pronoms et d’adverbes. 3. Faux – Les fausses
critiques mentionnent souvent le nom complet de l’hôtel, contrairement aux vraies
critiques.
Les faux avis sont de ce fait de plus en plus soumis à l’expérience des internautes ou des
professionnels qui seront susceptibles de les identifier. Ces derniers ont évolué avec
leur milieu, ils se sont adaptés en développant au fur et à mesure des réflexes cognitifs.
Une entreprise démasquée, au-delà des risques juridiques, peut de ce fait provoquer une
crise.

Faux profils

De nombreuses entreprises pensent en terme d’audience, hérité de la communication


traditionnelle. Il s’agit de voir les résultats sous un angle quantitatif. Ainsi, afin de
montrer leur importance, certaines sociétés vont acheter ou créer des abonnés fictifs
pour gonfler leur communauté. Cette méthode est probablement la plus facile à
démasquer. Il suffit simplement d’observer l’évolution du recrutement de membres au
sein de la communauté et d’identifier des pics suspects. En 2012, lors de la campagne
aux élections américaine, le candidat Mitt Romney a suscité le courroux des internautes
après qu’il fut constaté certains faits douteux. Il a notamment été démontré que 80% de
ses abonnés sur Twitter avaient moins de trois mois d’existence.
Au delà de gonfler artificiellement sa communauté, l’utilisation de faux profils a
également pour objectif de supporter les efforts de communication, notamment lors
d’une crise. Lorsque la supercherie est mise à jour, cela affecte directement la cohésion
et la confiance des membres de la communauté. Les internautes sont généralement
attachés à des valeurs de déontologie et cette volonté de tromper sur sa nature même
baisse l’estime qu’ils portent à l’enseigne.
En février 2012, un blog tenu par des professionnels de la communication identifiait sur
la page d’Orangina des faux profils dans un article intitulé « Orangina trompe ses fans
sur Facebook ». Pour cela, les auteurs ont analysé les commentaires ayant fait suite à
des propos polémiques. Un post sur Facebook, publié par Orangina sur sa page officielle,
présentait une photographie d’Harry Potter avec pour légende : « Harry Potter c’est
M
n’importe quoi, encore la magie on veut bien, les balais qui volent pourquoi pas, mais
SI
un roux qui a des amis ? ». Ce post avait suscité de nombreux commentaires acerbes
pointant du doigt une forme de discrimination.
AS

Mais certains de ces commentaires apparurent très vite suspects tant ils défendaient la
marque avec ardeur. Après vérification des auteurs, et aveux de l’agence de
BY

communication officiant pour Orangina, il s’avérait qu’effectivement ces profils étaient


faux, créant ainsi une crise. Là encore, même si cet événement n’a certainement pas fait
chuter drastiquement les ventes de boissons, la marque ayant rapidement réagi en se
désolidarisant de son agence de communication, cet épisode reste une composante de
l’historique numérique de l’entreprise.

Partie 2 Repenser la structure interne de son entreprise


2.1 S’adapter ou disparaître ?
Dans une étude parue en août 2011, le groupe Altimeter a déterminé que 76% des crises
observées auraient pu être évitées ou minimisées si les sociétés avaient investit en
interne (http://bit.ly/Qqojkv). L’adaptabilité d’une entreprise à un nouvel
environnement ne doit pas reposer uniquement sur son approche philosophique. Le
corps doit suivre l’esprit. Penser les médias sociaux comme de nouvelles logiques de
communication n’a de sens s’il est impossible de mettre en application des actions.
Ainsi, lorsqu’une entreprise souhaite établir une présence sur les médias sociaux, elle
doit avant tout adapter sa structure interne afin de faciliter les processus de
communication. Par exemple, l’avènement du Web social a placé la circulation de
l’information sous le signe du temps réel. Il n’est de ce fait plus question pour
l’animateur de communauté de dépendre d’une hiérarchie lourde qui le ralentirait dans
son travail quotidien. Que l’on soit en crise ou non, et quelle que soit la nature des
propos, il faut pouvoir répondre aux internautes dans le temps qui est impartit, au
risque de laisser une situation perdurer voir échapper à tout contrôle. La structure
interne ne saurait être un barrage à la bonne tenue d’un dialogue et doit donc être
repensée selon ces nouveaux mécanismes.
Cependant, réorganiser l’entreprise à l’interne, ce n’est pas nécessairement laisser la
porte ouverte à toutes sortes de dérives : il faut également ériger des gardes fous. Ainsi,
les problématiques liées à « l’impulsivité émotive », à savoir la faculté de pouvoir réagir
instantanément à des avis négatifs sans avoir le recul nécessaire, sont à prendre en
considération. Il est par exemple fréquent de voir des animateurs de communauté, parce
que submergés par un flot de critiques acerbes, commencer à adopter une attitude
déplacée. Il est également possible d’observer des employés mettre en place, de manière
innocente, des actions de soutien qui seront finalement mal perçues.
Les entreprises demeurent aujourd’hui dans une structuration peu adaptées aux
mécanismes inhérents aux médias sociaux. Il est donc important de l’adapter aux
M
nouvelles logiques : toute la difficulté résidera donc dans la faculté à déléguer des tâches
SI
tout en s’assurant de la bonne conduite de ses salariés.
AS

Comme l’explique Cédric Deniaud, consultant en médias sociaux, « sur les médias
sociaux, il faut être agile au risque de devenir fragile ». L’agilité sous-entend pour
l’entreprise une propension à pouvoir muter selon les événements spécifiques, et
BY

notamment des crises. Identifier les personnes ressources faisant autorité et


susceptibles d’apporter une réponse cohérente, veiller à ce qu’aucun élément interne ne
vienne parasiter les efforts qui seront mis en place ou s’assurer que les animateurs de
communauté en charge puissent s’exprimer rapidement, sans barrières hiérarchiques,
sont autant d’enjeux qu’il faudra avoir pensé et appliqué en amont. Et face à ce chantier,
« le commencement est beaucoup plus que la moitié de l’objectif. », comme l’affirmait
Aristote.

2.2 Développer une culture sociale


Les entreprises qui arrivent le mieux à asseoir leur position sur les médias sociaux sont
celles qui parviennent à être vraiment sociales. Le communicant de la marque
informatique Dell, Richard Binhammer, a décrit lors de l’événement LeWeb en
décembre 2011 une entreprise sociale comme : « une entreprise où les médias sociaux
font éclater les cloisonnements et où la valeur du client et celle de l’entreprise
s’entrecroisent » (http://oran.ge/SWPWXx). La dimension sociale d’une entreprise
concerne donc l’ensemble de ses services, comme les ressources humaines ou le service
marketing. Cependant, une société ne devient pas sociale du jour au lendemain. Afin de
parvenir à retranscrire parfaitement cette sociabilité, l’entreprise doit être imprégnée de
cette idéologie en interne, d’où la nécessité de réaliser des formations ou des séances
d’initiations.
Le groupe Dell a par exemple parfaitement effectué cette transition, motivé notamment
par la crise « Dell Hell ». Lorsque le directeur général Michael Dell s’est demandé « nos
clients parlent de nous sur le Web. Alors pourquoi sommes-nous absents de la
conversation ? », une prise de confiance s’est manifestée. La société a dès lors mis en
place un centre d’écoute et de commande sur les médias sociaux. Dell est par ce biais
passé de 4.000 citations quotidiennes numériques par jour à 25.000 mentions, 5 ans
après le lancement de leur « listening command center ». Une escouade représentant
les différents secteurs d’activité du groupe a donc dû segmenter les demandes afin de les
transmettre aux personnes concernées. « Si quelqu’un envoie un micromessage via
Twitter dans lequel il dit qu’il n’aime pas notre site Web, ce n’est pas un problème qui
concerne le marketing, ni le support client. C’est un problème qui concerne le site Web et
qui, en conséquence, est redirigé vers les personnes appropriées » résume Richard
Binhammer.
Certaines entreprises décident même de mettre en place un réseau social d’entreprise
(RSE) afin de capitaliser les connaissances et de les faire converger sur une plateforme
adaptée. Un espace d’échanges, de concertations en interne gérées par des
professionnels de l’entreprise. M
SI
Devenir une entreprise sociale est donc coûteux (en temps et en ressources humaines),
AS

mais il s’agit d’une démarche nécessaire pour s’adapter aux médias sociaux.

2.3 Déployer une charte d’utilisation


BY

Les employés font partie du prisme identitaire d’une entreprise, au même titre que les
consommateurs : leurs paroles ou leurs actes représentent souvent un autre aspect de la
société, que cela soit positif ou négatif. Cela peut concerner par exemple une altercation
avec un supérieur ouvrant à des critiques sur Twitter. L’actualité des médias sociaux est
coutumière de licenciements pour cause de mauvaise conduite des salariés vis-à-vis de
leur société ou de certains membres hiérarchiques.
L’entreprise n’est pas à visage unique, elle est constituée d’un ensemble d’acteurs qui
forme un grand tout. Pour que la société avance de manière coordonnée, il est fortement
conseillé d’inculquer une « culture des médias sociaux », à savoir initier les employés
aux enjeux qui y sont inhérents. Par exemple, cela n’a de sens de brider les médias
sociaux en interne, pour éviter certaines indiscrétions, alors que nombre d’employés ont
probablement internet à la maison et s’expriment tout autant. Il faut au contraire que
ces derniers appréhendent les risques, afin qu’ils comprennent le poids de leurs propos
dans le prisme qui façonne l’identité numérique de leur entreprise.
En cas de crise, même les employés avec toutes les meilleures pensées du monde
peuvent parasiter les processus de communication : le poids de leurs paroles peut être
sujet à interprétation. Par exemple il se pourrait que certains prennent fait et cause
spontanément pour leur direction. Les internautes pourraient y voir une forme de
pression interne déguisée ce qui renforcerait l’image négative de la marque.
Quelle que soit la teneur ou l’intention de leurs propos, les salariés sont par conséquent
une menace potentielle. Ils peuvent ainsi être à l’origine d’une crise, ou l’amplifier alors
même qu’ils cherchaient à provoquer l’effet inverse. Il faut que l’ensemble de
l’entreprise avance dans une direction unique si elle veut être à même d’éviter ou de
gérer certains événements. Il n’est pas ici question de créer une dictature de la parole,
mais bien d’encadrer les pratiques liées aux médias sociaux par une initiation aux
enjeux et une formation aux usages. Ceci s’applique d’autant plus en situation de crise.
Il est souvent recommandé de mettre à disposition de ses salariés une charte
d’utilisation des médias sociaux, dont certaines parties pourront être imposées à
condition que d’autres soient liées à des conseils. Dans une interview accordée au
Journal du Net, Paul Hebert de la Commission Nationale de l’Informatique et des
Libertés (CNIL) déclare :
« La charte informatique ne doit pas se contenter d’interdire toute une série d’actions
aux salariés. Elle doit être accompagnée de mesures techniques et organisationnelles
efficaces pour garantir son application. De même, la sensibilisation et la formation des
M
salariés sont nécessaires : il faut aussi savoir faire preuve de pédagogie »
(http://bit.ly/QhEWjn).
SI
Il est essentiel de ne pas agir en terme de privation mais de prévention, par la mise en
AS

place, avant même d’hypothétiques événements, d’un ensemble de processus visant à


accompagner les salariés dans leur appréciation des médias sociaux.
BY

Généralement une charte sur les médias sociaux aborde plusieurs points tels que :

– Un volet quant à ce qui peut être publié ou non.


– La définition des rôles de tout un chacun lorsqu’il s’exprime au nom de la société,
d’où la nécessité d’identifier des éléments clés (par exemple, un ingénieur pourra
apporter des éléments de réponse sur son domaine, mais devra éviter de s’exprimer
sur des sujets qu’il ne maîtrise pas, du moins au nom de l’entreprise).
– Un volet d’information quant aux risques liés à la frontière vie personnelle/vie
professionnelle.
– Un volet sur le rappel à la loi, comme sur les notions de propriété intellectuelle
ou les risques inhérents à la divulgation d’informations stratégiques.

Attention cependant, une charte sur les médias sociaux ne saurait être efficace si elle se
présente sous la forme d’un texte qui serait trop long à lire. Elle devra être concise, mais
précise, en abordant principalement des règles élémentaires. L’objectif est de faciliter sa
lecture et donc son acceptation par les salariés. A vouloir trop entrer dans les moindres
détails, l’entreprise se risque à ce que ses employés ne fassent que survoler le document
sans prendre en considération les contenus élémentaires.
Un exemple intéressant est la charte sur les médias sociaux d’Intel qui se divise en
plusieurs parties : la conduite en ligne, la protection de la marque et le bon sens
(http://intel.ly/QhF4za).

M
SI
AS
BY

Le premier volet est lié à la présence en ligne, qui est plus du domaine des bonnes
pratiques à adopter. Il se décline sous le terme « diffusion », et aborde des thématiques
comme l’intégrité, la transparence et l’honnêteté, qui sont souvent des leitmotive en ce
qui concerne toute présence en ligne. La charte rappelle à ses employés que leur « Votre
honnêteté (ou votre mauvaise foi) sera rapidement remarquée dans l’environnement
des médias sociaux. Faites preuve d’éthique et d’intégrité dans votre façon de
représenter Intel. ». Lorsqu’ils s’expriment au nom de l’entreprise, cette dernière leur
conseil d’utiliser leur vrai nom et leur vraie fonction dans leur présentation
(transparence), de signaler s’ils ont un quelconque intérêt à défendre un point de vue
(honnêteté) et lorsqu’ils donnent une opinion en dehors de leur sphère professionnelle,
de signaler qu’ils le font de manière personnelle.
Le second volet concerne la divulgation d’information, et tombe indubitablement dans
le côté répressif. À juste titre, il se nomme « protection », ce qui implique une certaine
responsabilité de la part de l’employé. Intel indique que la transparence évoquée dans le
volet précédent ne doit pas mettre en péril la confidentialité de la société ou aller à
l’encontre des lois, et ce, même dans la sphère privée. En ce sens, il est interdit de
dévoiler ou d’aborder certains sujets secrets comme les litiges, les états financiers non
publiés ou des informations produits. De même, Intel met en garde en ce qui concerne
des attaques contre des concurrents (et Intel évidemment) et les conséquences
inhérentes. Enfin, tout ce qui est publié doit être véridique et non trompeur, les
réclamations devant être justifiées et approuvées. Intel rappelle qu’une fois publié, un
contenu peut facilement échapper à la marque, et qu’il faut donc faire état de prudence.
Le troisième volet concerne le bon sens. L’entreprise rappelle à ses employés que les
médias sociaux créent une barrière floue entre la sphère professionnelle et personnelle,
mais également entre ce qui est privé et public. Il faut donc faire preuve de
discernement et agir en prenant en considération ces problématiques. Intel rappelle
qu’en s’identifiant en tant que salarié de l’entreprise, l’employé sème un doute dans la
tête de ses interlocuteurs qui peuvent prendre ses propos comme une réflexion de la
société. Elle rappelle les règles inhérentes aux médias sociaux, comme le fait qu’ils sont
avant tout une discussion entre l’entreprise et ses consommateurs, que les propos ne
doivent pas déraper et qu’en cas d’erreur il est important de la reconnaître.

Étude de cas :

M
Historiquement, en France, il n’y avait, jusqu’en 2012, que trois
SI
opérateurs de téléphonie mobile : Orange, SFR et Bouygues.
Reposant sur un principe de licences accordées par l’état, le marché
AS

était fermé à toute autre forme de concurrence. Par ailleurs, en


2005, le Conseil de la Concurrence française avait condamné ces
opérateurs à une amende de plusieurs millions d’euros pour entente
BY

(http://bit.ly/Q69F0z). En 2009, l’ARCEP (autorité de régulation


des communications électroniques et des postes) a retenu la
candidature de Free pour une licence de téléphonie mobile
(http://bit.ly/Ps7VnC).
Free est à l’origine un fournisseur d’accès à internet qui a participé à
la démocratisation d’Internet en France en étant le premier à
proposer des offres « triple play » (soit téléphone, télévision et
internet) à faible coût. Il a de ce fait forcé les autres opérateurs
historiques à aligner leurs prix et leurs technologies afin de rester
compétitifs. Free est donc un acteur majeur qui a permis la
démocratisation du Web français.
L’arrivée en 2012 de Free Mobile repose sur les mêmes principes
commerciaux que pour l’offre d’accès Internet, avec des services à
faible coût afin de se différencier de ses concurrents. Cette posture
provoque inéluctablement l’ire des consommateurs qui voient là
une preuve supplémentaire d’entente entre les trois opérateurs
historiques sur les différents tarifs.
De nombreux internautes mécontents ont envahi les espaces
sociaux, notamment sur Facebook, des autres opérateurs afin de
témoigner de leur colère, et notamment pour menacer de supprimer
leur abonnement pour se tourner vers Free Mobile. Le processus de
communication du quatrième opérateur fonctionnait parfaitement,
insufflant une volonté de révolte de la part des clients de ses
concurrents, suffisante pour crée une crise sur les médias sociaux.
Cependant, parmi ces internautes, une femme va parasiter malgré
elle les actions de Free. À tel point que son nom va être propulsé
dans les sujets tendance de Twitter pour la France tant elle va
défrayer la chronique. Se faisant passer pour une consommatrice
lambda, elle argue sur la page d’un des opérateurs, SFR :
« AUCUN AUTRE MOYEN D’EXPRESSION :
SFR :
« – Pour changer de forfait : bim réengage...ment de 12 mois
minimum,

M
– Pour passer au Carré mini à 10 €, bim 150 € de frais de
migration »
SI
– Le plus petit forfait proposé sans réengagement ni frais : 4h + 40
AS

sms pour 34 € !!!


...et tout ça sans nouveau téléphone hein !!
BY

...Est-ce pour me remercier de mes 11 ans de fidélité ?


Après le foutage de gueule vous donnez dans la prise d’otage ! C’est
ça votre riposte ??????!!!!
NB : pour passer du prélèvement automatique à un autre mode de
paiement, frais 1,50 € mensuels ».
Huit heures auparavant, cette internaute avait déjà posté des
messages similaires sur la page de Bouygues. L’animateur de
communauté s’était très vite rendu compte que cette femme n’était
pas n’importe qui car elle travaillait en réalité chez le concurrent,
Free en l’occurrence.
« Hello Emmanuelle, bienvenue sur notre page super ouverte !
Rrrrooooh, c’est moche ça on me dit que vous travaillez chez Free,
pas très fair de venir recruter sur notre page ;) Allez on est sympa,
on garde votre post... ».
L’animateur de communauté a en effet rapidement identifié cette
« consommatrice » qui utilisait son vrai nom et prénom, son CV
étant disponible sur le réseau social professionnel Viadeo. Celle qui
sera appelée « La Troll de Free Mobile » va, à son insu, parasiter la
stratégie de son entreprise basée sur une mécanique très binaire
« gentil contre méchants » : Free Mobile contre les autres
opérateurs. L’intéressée a pourtant clamé qu’elle pouvait travailler
chez l’un et être cliente chez l’autre, le fait d’avoir utilisé la même
méthode sur deux espaces concurrents discrédite sa défense… et son
employeur.

2.4 Améliorer la circulation d’information


Une entreprise évoluant en vases clos, où les différents services ne communiquent que
trop peu entre eux est inéluctablement vouée à subir de sérieux revers sur les médias
sociaux. En 2010, Brand Science Institut a réalisé une étude européenne auprès de 563
personnes du marketing sur 12 pays différents (http://bit.ly/RlNiFx). L’étude identifiait
comme un facteur clé d’échec le fait que 4% des différents services partageaient entre
eux leur expérience sur les médias sociaux. L’amélioration des processus de circulation
de l’information permet d’anticiper de possibles crises ou d’agir avec efficience durant

M
les événements. Parmi les outils suggérés, l’entreprise peut déployer en interne un
réseau social afin d’améliorer les échanges et d’identifier des personnes ressources. Il
SI
faut être vigilant à ce que la circulation de l’information favorise des communications
AS

multidirectionnelles entre les différents services.


Instaurer une culture des médias sociaux, c’est également prendre en considération
l’usage commun qui en est fait et qui peut s’avérer stratégique. De nombreux employés
BY

suivent certaines actualités ou certains contenus en ligne. Leur expérience sur les
médias sociaux peut les confronter à des signes augurant une potentielle crise. Il faut
donc développer les réflexes pour qu’une fois une information jugée importante soit
identifiée, les salariés puissent la transmettre au service ou à la personne appropriée.
Ces derniers viennent donc compléter les outils de veille mis en place par l’entreprise,
car ils sont observateurs de secteurs qui peuvent ne pas avoir été jugés comme risqués.
Il faut prendre en considération que les employés ont accès à des contenus circulant
dans des cercles privés (amis, famille), qui ne sont de ce fait pas dans la sphère publique
et peuvent échapper à la vigilance.
Par exemple, une personne du service des ressources humaines identifie sur les médias
sociaux un événement qui pourrait donner lieu à une hypothétique crise (comme une
controverse nationale sur des méthodes de recrutement). Il doit pouvoir remonter
l’information rapidement à la personne ayant compétence, qu’il aura identifiée aisément
à l’aide d’outils adaptés. Améliorer les processus informationnels est donc vital pour
une entreprise.

2.5 Améliorer les processus décisionnels


Sur les médias sociaux, il est important de faciliter la prise de décision lors de la
publication de contenus ou d’éléments de réponses. Que l’entreprise soit confrontée à
une crise ou tout simplement en train de communiquer « normalement », il est
impératif que la chaîne de validation ne soit composée que d’un maillage très faible, afin
d’améliorer la fluidité des échanges dans le temps et l’espace.
Il faut pouvoir être en mesure d’apporter des éléments de réponse instantanés, aussi
naturellement qu’une discussion. Les barrières hiérarchiques, ou du moins de trop
longues étapes inhérentes à la validation des diverses publications doivent être
affranchies. Dans tous les cas, le risque principal de laisser des problématiques ouvertes
sans avoir apporter rapidement des éléments de réponse est de créer un sentiment de
frustration de la part du consommateur, car se sentant peu écouté, qui risque de devenir
de plus en plus virulent.
L’entreprise qui a peur de voir certains éléments de réponses attiser les événements, et
par là même qui cadenasse sa communication, risque de brider les échanges et de laisser
lui échapper les discussions. La psychose menant à un contrôle étroit des publications
peut s’avérer hautement préjudiciable, il faut savoir déléguer à des personnes de
confiance.

M
Repenser l’entreprise en interne, c’est donc revoir les processus de validation
communicationnels afin qu’ils répondent aux nouveaux mécanismes. L’entreprise ne
SI
doit pas oublier que les médias sociaux reposent sur des logiques d’interactions : les
AS

échanges doivent être fluides. Cette nécessité de réduire la chaine de validation ne doit
pas uniquement s’appliquer pendant la crise, mais dès lors que l’entreprise va
communiquer sur le Web social. L’animateur de communauté ne saurait devoir attendre
BY

une validation hiérarchique lourde pour pouvoir converser avec des internautes
mécontents. Ces derniers cherchent à apprécier une situation précise, ils n’auront pas la
patience d’attendre éternellement des réponses à leurs questions.

2.6 Identifier les personnes ressources pour créer une cellule de crise
Lors de toute communication de crise, une équipe forme la cellule de crise, également
appelée « war room ». Cette cellule de crise est pensée en amont dans le but d’être
activée dès lors que l’entreprise fera face aux événements. Il est important d’intégrer un
volet propre aux médias sociaux et d’identifier des personnes ressources à des
problématiques identifiées. Il ne faut pas créer des cellules de crises différentes selon
les supports, mais bien inclure une nouvelle dimension à celle existante afin de
coordonner l’ensemble des efforts, qu’ils soient en ligne ou hors-ligne.
L’entreprise devra de ce fait identifier des personnes qui seront en charge de gérer la
crise sur les médias sociaux et qui vont mettre en applications des actions de
communication adaptées. Il faut de ce fait prendre en considération les spécificités de
ces nouveaux supports afin de faire appel à des employés ayant des compétences
pertinentes, comme l’animateur de communauté.
L’ensemble des membres doit avoir appréhendé les différents mécanismes et enjeux liés
aux médias sociaux dans le but de contribuer à la bonne tenue des opérations dans
l’espace et le temps. Il est donc essentiel que chacun soit conscient de son rôle et des
processus en vigueur, afin qu’aucun ne vienne parasiter les efforts de communication.
Par exemple, une entreprise ne pourrait nommer un expert et que ce dernier pense
pouvoir se substituer à l’animateur de communauté pour échanger directement avec les
consommateurs. Des règles de communication et d’expression publiques doivent être
établies afin de faciliter la bonne coordination des opérations. La culture des médias
sociaux doit être forte dans la cellule de crise, les opérations hors ligne pouvant avoir
une incidence sur les perceptions en ligne, et inversement.
Par exemple, lors d’une crise uniquement sur les médias sociaux, il peut être évoqué la
présence :

– D’un responsable, ainsi qu’un assistant pour l’accompagner dans ses tâches. Cette
personne devra avoir une situation hiérarchique suffisante permettant d’affirmer
une autorité « naturelle ». La légitimité sera un facteur clé déterminant pour
encadrer les différents acteurs, tant internes qu’externes.
– De personnalités propres à l’entreprise pouvant être les plus hauts représentants,
M
comme le directeur présentant ses excuses publiques. Ces personnes
SI
n’influenceront que peu l’orientation de la communication, mais par leur position
délivreront un message important.
AS

– Des experts tant à l’interne qu’à l’externe. L’expert va apporter une réponse que
sera et sera jugée comme crédible à une problématique soulevée par sa qualité.
BY

– Des animateurs de communauté qui vont faire remonter leurs appréciations


d’une situation donnée et coordonner les différentes actions.
– Des spécialistes en analyse qui vont déterminer les sentiments exprimés afin de
prendre en considération l’efficience des actions opérées dans le temps. En ce sens,
ces derniers sont généralement une entreprise extérieure disposant d’outils
spécifiques et adaptés.
– D’un porte-parole auprès des journaux en ligne ou blogueurs afin d’apporter des
éléments de réponses officielles à des questions précises.

2.7 Comprendre la pensée de groupe


Il faut faire cependant attention, car les retours ou les avis des employés sur une
situation donnée peuvent être influencés par un phénomène appelé cohésion sociale
d’un groupe. Le psychologue Irvin Janis définit la pensée de groupe ainsi : « un mode de
pensée dont les gens usent lorsqu’ils sont profondément impliqués dans un groupe uni,
quand le désir d’unanimité des membres outrepasse leur motivation à juger
réalistement des solutions alternatives » (http://bit.ly/X18oNo).
Les décisions collectives sont basées sur une évaluation erronée de la situation. Bien
souvent, la subjectivité de la perception suffit à prendre des risques inutiles.
Nous dénombrons 8 symptômes de la décision collective :

– Illusion d’invulnérabilité : optimisme irréaliste dans le succès des actions du


groupe.
– Illusion d’erreur minoritaire : croyance populaire selon laquelle on ne peut
pas se tromper à plusieurs.
– Efforts collectifs de rationalisation : justification collective des décisions
antérieures du groupe même lorsqu’elles se sont avérées être des erreurs.
– Croyance à la moralité inhérente au groupe : les actions du groupe sont par
nature perçues comme conformes à la morale.
– Perceptions stéréotypées des dirigeants ennemis : la concurrence est
perçue comme hostile et est dévalorisée quant à son intelligence et sa morale.
– Pression à la conformité : les dissidents sont l’objet de pressions et tournées
en ridicule. Faire comme les autres.
M
– Autocensure à l’égard de toute déviance : les dissidents préfèrent taire leurs
SI
incertitudes et leurs critiques.
AS

– Illusion d’unanimité : L’autocensure et les pressions à l’uniformité favorisent


la perception illusoire d’accord total dans le groupe.
– Émergence de censeurs auto-désignés : Certains membres du groupe
BY

s’attribuent le rôle de protecteur du groupe contre les « mauvaises influences »


extérieures.

Il faut se méfier de l’unanimité (http://bit.ly/SWR9y6). Il s’agit en réalité davantage


d’un « consensus apparent » selon le sociologue Philippe Urfalino. Les individus ont
tendance à se cacher derrière le fait qu’ils pensent et ressentent la même chose. Cela ne
signifie pas que ce soit la solution à adopter. Ils ne se donnent pas la peine d’examiner
les divergences et les minorités.
C’est pourquoi une équipe de communicants, de managers ou de Community Manager
se doit d’être transparente et à l’écoute de chaque avis. Car c’est dans l’échange et les
différents que les meilleures décisions se prennent. Un intermédiaire peut de ce fait être
désigné pour écouter les idées de chacun pour les remonter au responsable. Il convient
parfois de mettre en place un droit de réponse anonyme comme une boite à idées afin
que chacun exerce son droit de parole.
En contre partie, il faut éviter des prises de décisions résultant d’une « autorité
monarchique ». Il est du devoir des salariés de pointer les mauvais choix des supérieurs
s’ils savent que la décision est mauvaise. Les prises de décisions ne doivent donc pas
être isolées et représentatives de la conviction d’un seul homme. Elles doivent tenter de
prendre le pas sur la personnalité d’un seul individu.

2.8. Interview d’Alexis Bernard


Responsable Communication 2.0 pour la SNCF

Comment la SNCF a procédé à sa mutation sur les médias sociaux ?


Tout a commencé en 2006 lorsqu’un incident de production a provoqué d’importants
retards. Déjà à l’époque, l’événement avait beaucoup fait parler de lui sur le Web, via
des forums et des blogs. Les thématiques des médias sociaux et du Web 2.0 ont donc
émergé suite à une crise. Cette prise de conscience s’est faite progressivement, mais ces
thématiques ont été très vite prises au sérieux.
À partir de cette expérience, nous avons décidé de monter une « veille Web ». Il existait
déjà à l’époque une veille médias, mais cette nouvelle surveillance visait davantage à
anticiper les signaux faibles. En 2006, une veille permanente et quotidienne a donc été
mise en place et effectuée par une agence prestataire, spécialiste de la veille et
disposant de meta-moteurs pour sonder le Web en profondeur. Cette stratégie

M
d’anticipation et de gestion de crise s’est structurée autour de 2007 et 2008. Si une
seule personne était allouée à ces missions aux débuts, un pôle pérenne regroupant 5
SI
personnes a été constitué en 2009. Depuis 2011, une nouvelle agence suit la SNCF sur
AS

ces thématiques d’image et de veille, élargissant ainsi les problématiques de veille et de


crise aux opportunités en ligne.
Toutefois, l’organisation des actions pour répondre à ces thématiques d’image a
BY

constamment évolué. Notre analyse s’est affinée et améliorée avec le temps et avec
l’intégration des nouvelles plateformes de communication. Aujourd’hui, cette veille
Web n’a pas vocation à dénicher des informations isolées et peu visibles, mais à faire
remonter ce que voient et ce que veulent les clients en fonction de la nature du sujet.
En plus d’une surveillance continue, une veille est dorénavant effectuée à chaud au
moment de la crise par l’astreinte Web SNCF, qui se base principalement sur Twitter,
Google Actu, ou Google blogs, et dont l’objectif est de faire remonter en temps réel ce
que voit les internautes sur le sujet.
Pour ne pas rester cantonnés à une stratégie de défense, nous avons créé un site
internet « Opinions & Débats » (http://debats.sncf.com/) en 2007 pour centraliser les
plaintes et les interrogations, tout en assurant une prise de parole officielle en réponse
aux sujets postés par les utilisateurs. N’importe quel internaute pouvait de ce fait poser
ses questions et proposer un débat sur ce site, ce qui nous permettait de toucher une
large audience sur une plateforme que nous maîtrisions. Quatre ans plus tard, le site
contenait 21000 pages de texte, soit un contenu extrêmement bien référencé en ligne
sur tous les sujets SNCF. Au départ dédié au débat autour de sujets de fond liés à
l’entreprise, les internautes ont graduellement fait dévier la plateforme vers de la
relation client. La relation client étant la première demande en ligne, il s’agissait de la
première chose à laquelle il fallait répondre. Nous avons donc axés nos efforts pour
répondre à ces attentes.
Mais au bout d’un moment, nous avons constaté qu’il y avait peu de débats productifs
qui émergeaient vraiment à travers cette interface, chacun créant son propre débat et
essayant de le faire vivre. En analysant ce phénomène de plus près, nous avons compris
qu’au-delà de la relation client, les usagers étaient principalement guidés par
l’actualité, c’est ce qui finalement se retrouvait au cœur des posts. De ce fait, la SNCF
opère actuellement une réorientation du site pour restituer l’actualité de la société et la
mettre au centre des échanges. Ces informations sont principalement issues des
médias en lignes, des blogs, de certains forums et de Twitter. L’idée est de rester à la
source de cette actualité pour faire baisser la pression et dégonfler les contrariétés.
La SNCF a donc créé un réseau d’experts en interne pour intervenir sur ce site internet
et créer du contenu qualitatif, factuel et pédagogique. Ils ont également pour vocation
de répondre aux interrogations des internautes, dans le but d’informer et de rassurer,
en renvoyant le client vers les contenus appropriés. Les contenus uniques créés sont
par la suite partagés sur Twitter pour toucher une large audience. Ce site nous a permis
de gagner en réactivité pour repérer des problèmes et y répondre.

M
La nouvelle version du site « Opinions & Débats » permettra à l’entreprise de créer des
sujets de discussion de manière pro-active. En fonction de la veille servant à écouter ce
SI
qu’il se dit et à dégager des problématiques, la SNCF recensera les informations qui
AS

intéressent les clients et orientera son discours en alimentant des conversations autour
des sujets sélectionnés de manière pédagogique.
La SNCF dispose de 3 axes principaux où les médias sociaux jouent un rôle
BY

prédominants :

– La relation client : Tout l’écosystème digital de la SNCF est basé sur la relation
client. Les études internes et autres cartographies ont donc révélé que cette
thématique représente le 1er sujet (en volume) de requêtes des internautes
évoquant l’entreprise. Dans notre organisation, nos prises de paroles via des
plateformes sociales se font principalement par des community managers, eux-
mêmes affiliés à des régions et des branches précises des secteurs d’activité de la
société. L’ensemble de ces démarches nous permet aujourd’hui de ne pas être
démunis lorsqu’une crise surgit. Notre maîtrise de la relation client permet de ne
pas parasiter nos initiatives de gestion de crise, et surtout de faire baisser la
pression.
– L’actualité et la réputation de l’entreprise : Les débats de fonds et les messages
sensibles pouvant provoquer une crise existent depuis longtemps. Nos études ont
confirmé que l’actualité SNCF était le premier sujet (en volume) de conversations
en ligne. Une communauté plus restreinte (même si elle reste large) qui débat
autour des derniers événements et qui commente beaucoup les sujets liés à
l’enseigne. Parmi ses membres, beaucoup de blogueurs, journalistes ou
associations d’usagers en lien avec les thématiques de la SNCF, qu’il faut écouter
pour orienter son discours.
– L’influence positive : Créer des contenus enrichissants et valorisants peut
contribuer à générer du positif autour de la marque, mais toujours en répondant à
des besoins ou des envies des internautes. Les principaux sujets potentiellement
positifs sont le recrutement, les bons plans promos, la marque en elle-même
(passionnées du train et de la marque SNCF au sens large) et les technophiles sur
des sujets comme l’open data et l’innovation.

Les médias sociaux se sont ainsi imposés d’eux-mêmes pour répondre à l’ensemble ces
problématiques. En ce sens, nous pouvons dire que les crises nous ont fait clairement
avancer, que ce soit en terme de positionnement ou de présence. En outre, chaque
perturbation nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement de ces interfaces
et de savoir les maîtriser pour améliorer notre communication. Twitter a pris une place
très importante dans la gestion de crise. Un fil Twitter dédié à la rubrique « questions
et réponses » (@SNCF_QR) est par exemple très actif. Nous disposons à présent d’une
multitude de comptes sur ce média pour répondre aux différentes problématiques
auxquelles nous devons faire face, comme @SNCF_infopresse pour les informations
M
presse, @SNCF_la_radio pour les grandes lignes ou @clt_VoyagesSncf pour la relation
client du site commercial voyages-sncf.com.
SI
L’exemple des campagnes présidentielles de 2012 est une bonne illustration de
AS

l’efficacité de ce système. La SNCF avait une actualité très chaude en tant qu’entreprise
publique. Une polémique a émergé sur les tarifs des billets vendus aux organisations
politiques pour gérer leurs déplacements. Le front de gauche a ainsi reproché à la SNCF
BY

de faire payer plus cher les billets aux militants de gauche qu’aux militants de l’UMP.
La veille mise en place a rapidement fait remonter le fait que certains militants étaient
très actifs sur le sujet. Face à cette attaque frontale, la SNCF a répondu de manière
factuelle sur « Opinions & Débats » en expliquant comment une organisation peut
affréter des trains et à quels tarifs, en précisant les différentes modalités pour payer les
trajets. Un éclaircissement transparent qui a montré qu’il n’y avait aucune différence
entre les différents partis. Le post a été relayé sur Twitter, ce qui a immédiatement
calmé le jeu. Deux ou trois ans auparavant, la SNCF aurai pu ne pas être en mesure de
désamorcer cette situation, car elle n’était pas vraiment préparée à ces modalités de
réponses. Les outils actuels n’étaient pas en ce temps utilisés et maîtrisés comme
aujourd’hui. Ces outils sont dorénavant pérennes dans l’entreprise, mais également
connus des utilisateurs et des clients.

Avez-vous envisagé des scénarios de crise afin d’anticiper d’hypothétiques


événements ?
Sur un sujet brûlant, nous aurons toujours des questions à traiter. Heureusement, les
évolutions menées en interne font que nous sommes à présent en mesure d’y répondre
et de diffuser le lien de la réponse un peu partout. Il s’agit d’un vrai plus, car il ne s’agit
pas d’un communiqué de presse formel et chronophage à élaborer, nous répondons à
une question qui se pose.
Toutefois, certains sujets délicats doivent être traités différemment. ll y a encore
quelques années, beaucoup de thèmes nous gênaient, nous préférions donc ne pas en
parler, ce qui créait un « sur-fantasme » sur le sujet, un « matelas réputationnel ». Au
final, nous nous retrouvions avec un sujet qui prenait beaucoup plus d’ampleur que ce
qu’il aurait dû être. Nous avons arrêté cette politique-là. La SNCF présente dorénavant
ces sujets en amont, même s’ils nous gênent un peu, pour être transparents. Mieux
vaut éviter une crise qui n’a pas lieu d’être.
Il n’y a pas de scenarii de crises à proprement parlé, mais notre équipe a répertorié une
trentaine de dossiers où la SNCF dispose d’un « matelas réputationnel » qui n’est pas
bon en ligne. Par exemple, le régime social des agents est un sujet qui revient
régulièrement sur la table et qui demande une attention toute particulière. Il y a
quelques années, un PowerPoint avait en effet beaucoup circulé sur internet, critiquant
le statut social des chemineaux, ce qui a créé une grosse émulation online autour de la
société. La SNCF doit donc traiter ces sujets là et faire de la pédagogie autour. L’objectif
premier est d’éliminer le « surfantasme » en présentant des contenus (vidéos, photos,
textes, créés et pilotés par le service presse). Si un événement extérieur à notre
M
communication créer un épicentre autour d’une thématique sensible en temps de crise,
SI
nous devons rapidement faire le pont entre les contenus ayant mis le feu aux poudres
et nos contenus déjà à notre disposition. Ces contenus sont activables à tout moment et
AS

déclinables sur la plupart de nos plateformes communicationnelles pour déminer la


situation. Ils peuvent être injectés dans le site internet de la SNCF, voire parfois être
BY

ajoutés de manière pérenne sur le site pour être bien référencés. L’idée est que nous
puissions répondre indirectement aux internautes cherchant des informations à ce
sujet.
Cette politique de prévention permet de faire baisser la pression pour être la source de
l’actualité et ne pas la subir.

Avez-vous mis en place des mécanismes à l’interne pour encadrer l’usage des
médias sociaux, comme des chartes ou des formations ?
La SNCF dispose de 240.000 salariés. Il est donc logique que beaucoup d’agents
s’expriment en ligne, et aisément concevable qu’il nous soit difficile de tous les
toucher. L’idée n’est évidemment pas de contrôler tout ce qu’ils disent, mais de repérer
ce qu’ils font et essayer de leurs donner les bonnes infirmations. Nous n’avons surtout
pas une volonté de les formater, ils sont libres de leurs réponses. D’après les études
menées, nous observons que dans les faits, ils prennent la parole pour parler de
l’entreprise surtout pour défendre leur métier. Ceci implique qu’ils ne défendent pas
nécessairement l’enseigne, mais leurs compétences. Globalement, le rendu est très
positif, nous estimons qu’environ 75% des interventions salariales contribuent à
procurer une bonne image de la SNCF. Au lieu de rester rigides sur l’anticipation des
crises, nous nous sommes rendu compte que ces témoignages représentaient une
opportunité. Il ne fallait donc pas leur interdire de parler et de défendre leurs idées.
Prenons l’exemple des récentes mutations du réseau ferroviaire français. Une stratégie
de rénovation des lignes a récemment nécessité d’importants travaux, ce qui a
forcément eu un impact sur la circulation et sur les horaires. Il a donc fallu réaménager
tous les horaires. Beaucoup de questions ont naturellement été posées, environ 2.000
sur le premier mois. Sur ces 2.000 questions, 1.200 ont été traitées directement par des
agents et des experts SNCF (chiffres certifiés), sans que l’on leur en donne ai donné la
directive. Nous ne sommes pas passés en interne pour demander aux salariés de
répondre aux clients. Ils ont répondu via notre site « Questions & Réponses »
(http://questions.sncf.com), et d’autres supports communicationnels à notre
disposition. Un chef de bord a même avoué avoir été à la rencontre des voyageurs ayant
des soucis à bord du train, pour leur donner son adresse mail et échanger avec eux pour
les rediriger vers les contenus expliquant les raisons de l’incident. Une modération de
terrain efficace, solidaire et collaborative.
Notre objectif consiste de ce fait à repérer ces forces vives pour leur dire qu’ils ne sont
pas seuls, et tenter de les fédérer. Toutefois, nous ne souhaitons pas en faire des
communicants, car leur légitimé tient avant tout au fait qu’ils soient contrôleurs, à la
M
vente ou à l’aiguillage. Par contre, il est de notre devoir de prendre contact avec eux
SI
pour les informer des canaux communicationnels sur lesquels ils peuvent prendre la
parole et créer des contenus s’ils le souhaitent.
AS

Néanmoins, des guidelines circulent en interne pour sensibiliser les services RH,
presse et autres sur ces thématiques online. Une charte numérique est même envoyée
BY

aux principaux intéressés, en plus de la charte éthique, davantage pour les informer sur
les enjeux digitaux que pour les restreindre dans leurs champs d’action. Une formation
digitale est également régulièrement dispensée aux équipes en charge de la
communication pour faire le point sur les évolutions des plateformes.

Vous avez fortement mis en avant le rôle de vos Animateurs de


Communauté, comme Yaëlle Teicher, pourquoi ce besoin d’humaniser la
relation ?
Yaelle a été embauché en 2009 par le distributeur commercial de la SNCF, le site
voyages-sncf.com. Ils ont décidé d’humaniser leur relation avec les clients en ligne par
le biais de cette femme. Cette stratégie visant à mettre en avant une personnalité
sympathique pour centraliser un certain nombre de traitements a apporté de très bons
résultats sur le rôle affectif avec la marque. Il ne s’agit pas d’une initiative directe de la
SNCF, même si notre entreprise a vu cela d’un bon œil. Cette démarche est un cas
unique, car la plupart des réponses réalisées par la SNCF dans le site de questions
réponses, sont présentées par le prénom d’un des agents, accompagnés d’un avatar
numérique.
La difficulté est que sur l’ensemble des plateformes investies, une seule personne ne
peut pas répondre à toutes les sollicitations. La SNCF représente tellement de
domaines d’expertises qu’il est difficile de les représenter au travers d’un seul individu,
sur l’ensemble des canaux communicationnels. Nous privilégions avant tout le travail
d’équipe pour gagner en réactivité.
Toutefois, la possibilité de créer des « web conseillers » virtuels, rattachés à leurs
spécialités, peut aider à dégager des interlocuteurs privilégiés et reconnus par les
communautés. C’est un angle à creuser.
Personnaliser la relation est toujours une stratégie efficace dès lors que les demandes
restent limitées, mais disposer de plusieurs interlocuteurs peut également favoriser la
pertinence et la rapidité du traitement d’un grand nombre de données.

Comment identifiez-vous les commentaires négatifs et comment réagissez-


vous ?
Tout dépend de l’information et du sujet abordé. Face à une personne qui nous tape
dessus à longueur de journée, l’objectif n’est pas nécessairement de lui faire changer
d’avis, mais davantage de parler à travers elle à son réseau pour capter son audience.
Faire en sorte que les personnes qui peuvent être intéressées par ce que cette personne

M
a à dire puissent être également intéressées par les solutions que l’on peut lui apporter.
L’essentiel est de rester visible à tous ces individus gravitant autour de ces cas isolés,
SI
pour les influencer positivement.
AS

Pour schématiser globalement, 3 systèmes fonctionnant en parallèle pour gérer les


commentaires négatifs :
BY

– Si le problème touche à l’image ou est d’ordre réputationnel, la réponse est


centralisée au siège social. Dès lors qu’un commentaire acerbe ou qu’une critique
massive est dirigée directement envers la société, nous ne cherchons pas à entrer
en conflit avec les personnes, mais à capter leur audience. Si la critique est d’ordre
émotionnel (insultes, etc.) nous ne répondons pas, car on n’attend pas la SNCF là-
dessus.
– Si le problème est d’ordre local, nous renvoyons les personnes concernées vers le
blog dédié à la ligne de train qui les intéresse. En effet, une base documentaire se
constitue sur les sujets géographiques, grâce à la mise en place de blogs locaux
(http://www.sncf.com/fr/contacts/blogs-communautes). L’expert et responsable
du blog est alors averti des questions, et peut traiter directement le problème. Ces
leviers locaux nous permettent généralement de dégonfler les sujets et d’éviter que
des plaintes isolées viennent s’ajouter à d’autres contrariétés similaires issues
d’une autre région. Cela permet de dissocier les mécontentements pour les
examiner plus facilement et pour éviter qu’elles ne se combinent les unes aux
autres, provoquant ainsi un problème majeur. Traiter en local ce qui doit être traité
en local en somme, pour se prémunir d’une alliance nationale.
– Si le problème vient d’un questionnement d’ordre technique, nous contactons
directement en interne des experts pour anticiper les retours et nous doter
rapidement des réponses. Par exemple, si des problèmes récurrents de productions
remontent en ligne dans une région précise, nous allons contacter les responsables
afin qu’ils nous informent de la situation et qu’ils nous transmettent les éléments
pour avertir les clients. Fort heureusement, la circulation de l’information en
interne est rapide.

L’idée de ce schéma organisationnel est de dépasser les médias pour ne pas dépendre
de leur vision des choses. Nous cherchons à divulguer la réalité et montrer nos efforts
pour que les clients en prennent conscience.

Avez-vous l’impression de mieux contrôler votre e-réputation depuis que


vous avez investi les médias sociaux ?
Même avec toutes ces précautions, la SNCF ne contrôle, pas tout, aucun organisme ne
le peut. Mais si nous ne pouvons tout contrôler, nous pouvons cependant maîtriser
tous nos sujets business. En ce sens, l’évolution de l’organisation nous a permis de
mieux anticiper les situations de crise et de mieux y faire face.

M
La SNCF a énormément avancé dans l’organisation de ses équipes. Car ce qui est le
SI
plus compliqué à mettre en place derrière ces outils et ces actions chronophages, c’est
l’organisation et les gens qui les gèrent. Les équipes sont aujourd’hui pérennisées avec
AS

des fiches de postes claires. Elles savent ce qu’elles doivent faire et comment utiliser
ces outils communicationnels. Nous rassemblons les gens qui travaillent sur ces
thématiques pour leur proposer des formations digitales et leur enseigner les bonnes et
BY

mauvaises pratiques, le maniement de Twitter, etc. Des réunions sont régulièrement


mises en place pour faire le point sur les nouveautés, dans le but de réaliser une mise à
niveau et de délimiter les éléments qui seraient intéressants à mettre en avant. Cette
organisation nous permet dorénavant, en cas de grosses crises, d’affronter le flux plus
facilement.
Même si le digital absorbe une bonne partie des canaux communicationnels, nous ne
diminuons toutefois pas nos actions sur les autres plateformes, la complémentarité du
numérique sur la communication déjà existante est une condition sine qua non pour
gérer une crise. En ce sens, le numérique appuie sur la stratégie déjà mise en place.
Nous préférons utiliser des canaux que nous maîtrisons, car plus nous utilisons de
plateformes différentes, et plus il y a de risques de commettre des impairs.
Notre plus grande satisfaction est d’être parvenu à se doter de plusieurs outils,
touchant toutes les typologies de clients et leurs usages, tout en prodiguant des
contenus homogènes. Seul la forme et le ton change selon les plateformes. C’est
pourquoi nous adoptons une stratégie multicanal (téléphone, flash info trafic, Web
radio, applications, etc.). Chaque client peut donc être informé partout et à tout
moment de l’état du trafic, des retards, etc. Les médias sociaux ont répondu à de
nouvelles attentent tout en trouvant une vraie complémentarité avec les autres canaux
existants, ce qui augmente considérablement notre champ d’intervention.
La maîtrise de nos supports de communication nous assure dorénavant une prise en
charge efficace des clients, ce qui nous confère une bonne réputation numérique. Car le
fait de répondre à un client bloqué permet d’apporter une solution immédiate. C’est
pourquoi une veille proactive est à présent mise en place sur Twitter pour repérer les
messages de clients coincés, leur demander leur numéro de trains, et les informer de
quoi il retourne.
Pour synthétiser, voici un exemple qui représente bien ce constat :
Fin juillet 2012, sur l’axe sud-est, un câble a été sectionné, ce qui a immobilisé toutes
les liaisons de cet axe, impactant ainsi 60.000 personnes. Les médias sociaux ont très
vite relayé l’information et les médias en ligne ont emboîté le pas.
À ce moment précis, la SCNF testait justement un remplacement de l’info trafic
générique par un suivi Twitter autour des TGV. L’avantage était que les gens qui
géraient et alimentaient ces comptes étaient au centre national des opérations
ferroviaires, donc au cœur du système. Ils ont donc pu renseigner les clients pour faire
baisser la pression. Les clients ont ainsi été informés sur la durée du retard, les
M
correspondances, les taxis ou bus à disposition pour les voyages de nuits, voire les si
SI
leur train allait être ravitaillé en nourriture et en eau si jamais le problème était plus
important.
AS

Une prise en charge humaine et individualisée sur le digitale via Twitter, qui a
largement contribué à atténuer le bruit autour de l’événement. Cette solution complète
BY

en effet le dispositif info trafic existant (que ce soit par l’application pour les
smartphones et par le site info-ligne). Twitter permet ainsi de toucher beaucoup
d’utilisateurs instantanément et de manière exhaustive sur le sujet. Un vrai bénéfice
pour la prise en charge client.
D’autre part, nous avons posté sur le compte Twitter presse de la SNCF, 1 heure après
le début de la crise, les photos du câble sectionné et des agents qui travaillaient autour.
Cette publication a généré une prise de conscience collective du problème, et la
reconnaissance d’un acte de malveillance et non de négligence. Ce contenu a été repris
et retweeté par beaucoup d’internautes, ce qui a propulsé ce message dans les tops
tweets, devant les médias en ligne (ce qui nous permettait d’être nous-mêmes à la
source de notre actualité). Le post incluait également un lien vers le site pour avoir
plus de détails sur les spécificités de la situation.
Au final la crise a duré toute la journée, mais par le canal Twitter, nous avons pu
prendre en charge la communication autour du sujet pour faire baisser la pression vis-
à-vis des médias, mais également vis-à-vis des clients.

2.9 Interview de Patrice Hillaire


Community Manager du Groupe La Poste
Comment la poste a procédé à sa mutation sur les médias sociaux :
L’histoire du Groupe La Poste et les médias sociaux a débuté en 2008. Nous avons tout
d’abord écouté et analysé ce que disaient nos clients sur internet. De cette analyse,
nous avons vite compris que les médias sociaux représentaient une véritable
opportunité de créer en ligne de la valeur avec nos clients et nos prospects. Pour être
présent là où nos clients nous attendaient nous avons segmenté nos approches.
Facebook pour le grand public avec un espace dédié au social CRM sous la forme d’une
application Questions/réponses et le développement de services pratiques comme le
suivi des envois postaux. Twitter avec @lisalaposte pour nous rapprocher des e-
commerçants, e-shoppers et des technophiles qui sont des publics clés pour le
développement de nos activités courrier/colis. @groupelaposte pour les parties
prenantes médias, experts…

Avez-vous envisagé des scénarios de crise afin d’anticiper d’hypothétiques


évènement ?
Nous sommes intégrés dans les processus de gestion de crise mis en place par le
Groupe La Poste. Certaines informations, avant de devenir des crises en passant dans
les médias plus traditionnels, peuvent apparaître comme des signaux faibles sur les
M
réseaux sociaux. Cela appelle des process de décision simples et réactifs, et apporter des
SI
réponses précises, cohérentes avec le temps des médias sociaux.
AS

Avez-vous mis en place des mécanismes en interne pour encadrer l’usage


des médias sociaux, comme des chartes ou des formations ?
BY

Parce que les médias sociaux ne sont pas que l’affaire des marketeurs et des
communicants, nous avons lancé en avril 2012 un dispositif interne pour acculturer,
responsabiliser et encourager les postiers à nous rejoindre dans cette aventure des
médias sociaux. Dans une entreprise importante comme l’est le groupe Le Poste, le
travail d’ « évangilisation » peut prendre du temps. Mais faire des postiers nos
premiers ambassadeurs est un objectif important pour nous.
Concrètement chaque postier a reçu un guide des bonnes pratiques des médias sociaux
qui donne très simplement les grands principes d’utilisation des médias sociaux. Une
vidéo au ton décalé a également été créée « Julien et la Thompagnie », que nous avons
également déposé sur YouTube. Enfin, pour les postiers qui dans leur fonction
prennent la parole au nom de La Poste, une charte des médias sociaux spécifique
explique la stratégie de présence du Groupe sur les médias sociaux et les objectifs
recherchés. Elle détaille les règles d’expression et modes de gouvernance pour les
collaborateurs qui seraient amenés à prendre la parole au nom du Groupe La Poste.
Elle vise à renforcer la cohérence des prises de paroles.

Lisalaposte est un véritable succès, comment pouvez-vous l’expliquer ?


Lisalaposte, dont le prénom Lisa est au passage le nom des machines à affranchir dans
les bureaux de poste, est devenu le personnage emblématique de La Poste sur twitter.
Nous avons voulu installer une nouvelle forme de relation client en ligne plus
responsable, complémentaire de nos dispositifs en place, à l’écoute des internautes et
au quotidien avec eux pour les informer et les orienter sur nos produits et services.
Nous avons choisi un positionnement qui nous ressemble, qui raisonne bien avec notre
identité et nos valeurs issues du service public. Enfin, nous nous sommes installés
progressivement en respectant les codes et les usages, en personnalisant les échanges,
en humanisant les messages et surtout en restant humble: sur les réseaux sociaux,
nous apprenons tous les jours ;-)

Avez-vous l’impression de mieux contrôler votre e-réputation depuis que


vous avez investit les médias sociaux ?
Nous avons vite compris que cette nouvelle forme d’opinion, en ligne, en marge de nos
outils barométriques classiques, est décisive pour la construction de notre image.
Depuis 4 ans, nous étudions attentivement tout ce qui se dit sur La Poste. Le spectre du
champ d’expression étant très large, nous avons choisi de concentrer nos échanges avec
nos clients professionnels et particuliers sur des lieux bien identifiés et référents de
prises de parole. Pour le reste, nous analysons attentivement l’évolution des
thématiques abordées. M
SI
Cette collecte d’information, son analyse, les points d’alerte, les retours d’expérience
AS

sont partagés avec nos correspondants métiers, marketeurs et communicants. Les


médias sociaux sont donc un des facteurs importants qui participent à notre e-
réputation. Il ne s’agit pas ici de mieux la contrôler, mais de mieux la comprendre, de
BY

créer les moyens de nouveaux échanges et engagements avec nos clients, pour la faire
évoluer.

Partie 3 Le risque
3.1 Qu’est ce qu’un risque
Avant d’établir une stratégie de communication de crise, l’entreprise doit apprécier des
risques afin de scénariser des réponses cohérentes. Le dictionnaire Larousse définit le
risque comme étant la « possibilité, probabilité d’un fait, d’un événement considéré
comme un mal ou un dommage ».
Dans un premier temps, l’entreprise doit percevoir et identifier les risques selon un
contexte et un environnement donné. Il est impératif d’intégrer dans le processus des
outils, des expertises ou des personnes qui pourront agir à la mise en place d’un
scénario de réponses. Par exemple la perception des risques pouvant varier d’un
employé à un autre, il est important de prendre en considération l’ensemble des
perceptions.
Une fois les risques déterminés, l’entreprise va devoir :

– les catégoriser afin d’évaluer les secteurs les plus susceptibles d’être touchés,
– mesurer leur probabilité et les fréquences qui y seraient inhérentes,
– les classer par ordre de priorité selon leur niveau d’importance.

Elle va pouvoir placer ces risques sur une matrice de criticité selon deux facteurs, la
gravité et la fréquence, déclinés chacun en quatre niveaux.

L’Encyclopédie du Management (http://bit.ly/SYERTX) détermine les quatre niveaux de


gravités comme suit :

M
– « Gravité de niveau 1 : des difficultés surviennent dans l’organisation et/ ou les
relations, mais leur résolution se fera naturellement dans le cours de l’action.
SI
– Gravité de niveau 2 : des problèmes organisationnels et relationnels créent des
AS

phénomènes de rancœur et d’injustice avec des conséquences à moyen et long


terme préjudiciable.
BY

– Gravité de niveau 3 : des dysfonctionnements importants qui altèrent de


manière significative et visible les prestations entraînant des manques à gagner et
une perte d’image parfois longue à compenser.
– Gravité de niveau 4 : l’entreprise est en situation de survie avec un risque de
fermeture ou de suppression d’activité. »

Une fois les risques segmentés, l’entreprise va alors pouvoir anticiper un plan de
réponse. Elle doit en premier lieu déterminer les objectifs à atteindre à court et long
terme pour chaque risque. Puis, elle va élaborer des options de réponses en prenant en
considération le travail établi en amont afin d’identifier une stratégie cohérente. Enfin,
elle va mettre en action sa stratégie, qu’elle va surveiller, évaluer et améliorer en
conséquence.

3.2 Interview Francine Charest


Professeure Université Laval et directrice générale de l’Observatoire des médias
sociaux en relations publiques

Qu’est-ce qu’une crise ?


Roux-Dufort (2000) définit la crise comme : « des ruptures brutales, dans lesquelles
plusieurs acteurs sont impliqués, qui nécessitent une attention immédiate dans un
climat de forte incertitude quant au déroulement des événements et aux conséquences
des décisions ».
Une crise génère un climat d’incertitude au sein de la structure car il y a une perte des
repères habituels. Cela implique que tout le monde est sous tension, à essayer de
minimiser les dégâts.

Comment identifie-t-on un risque ?


Nous pouvons identifier les risques dès les premiers signes avant-coureurs.
Malheureusement, 99% des entreprises attendent d’être confrontées à la crise, à savoir
lorsqu’il y a l’élément déclencheur. Cela leur empêche d’avoir une marge de manœuvre
plus grande. Et un temps de réaction plus long pour réagir.
Dès le premier commentaire, il faut donc saisir tout de suite ces signes avant-coureurs
avant que la crise ne se déclenche et que l’on en perde le contrôle. Ces derniers
s’identifient par les aléas.
Il existe deux types d’aléas : les aléas naturels, comme les tornades, et les aléas
M
anthropiques, comme des accidents liés à la dégradation de l’environnement par
SI
exemple.
L’importance du risque se mesure par la combinaison des aléas et du facteur
AS

vulnérabilité. Les facteurs de vulnérabilité son divisés en quatre types : vulnérabilité


physique ou matérielle, économique, sociale et environnementale. Par exemple, un
BY

ouragan est un aléa majeur. S’il se déroule dans l’océan, il est moins vulnérable.
Un risque, et son importance, s’identifient donc au travers au travers de ces deux
variables que sont les aléas et le facteur vulnérabilité. (Re : thèse doctorale Bérubé,
2012).

Comment met-on en place des scénarios de réponse ?


Pour Roux-Dufort, il y a plusieurs scénarios possibles. Il faut d’abord évaluer la
fréquence et la gravité, conditions de la mise en place d’un plan de gestion des crises.

1. Développement d’une culture de crise (prévoir des scénarios possibles, ex. un


client mécontent, un client fâché, une plainte, etc. selon 3 niveaux de gravité par
exemple.
2. Constitution d’une cellule de crise (un animateur de communauté comme porte-
parole de l’entreprise, entourée d’une équipe qui a l’expertise de la crise en
question et surtout les réponses à donner rapidement).
3. Mise en place d’une stratégie de relations publiques et médias : préparer des plans
préparatoires, etc. plan schématique de gestion des commentaires :
a/ Reconnaître le problème.
b/ Montrer que l’on prend en charge la crise.
c/ Générer un flux continu d’informations et occuper le terrain médiatique.
4. Préparation d’un manuel de gestion de crise et d’un annuaire d’urgence
(préparation d’étapes de communication à suivre). Exemple établir une politique
de gestion des communications sur les commentaires.
5. Simulation, retour d’expérience et audit.

Les processus de réponse aux commentaires


La section qui suit résume sous forme de tableaux le processus d’analyse des
commentaires selon leur nature, afin d’identifier clairement les actions à prendre par le
conseiller en communication.

M
SI
AS
BY

(avec l’aimable autorisation de l’Observatoire des Médias Sociaux)

Chaque tableau est divisé en plusieurs colonnes identifiant :

1. Contenu du commentaire.
2. Réponse : Est-ce qu’on offre une réponse au commentaire? Oui ou non. Si neutre
ou positif, une réponse n’est pas essentielle, lorsqu’il est impossible d’y offrir une
valeur ajoutée ou lorsque le délai de réponse est dépassé. Dans ces cas
uniquement, laisser filer sans offrir de réponse.
3. Délai : Délai d’intervention maximal suggéré. Dans une perspective 2.0, les délais
sont beaucoup plus courts et il n’est pas recommandé de suivre uniquement les
heures ouvrables pour traiter les demandes.
4. Contenu de la réponse ou action à prendre.
5. Exemples : les exemples de réponses proposés font parfois référence au document
« question-réponse » de la compagnie, présentant les réponses détaillées pour
chaque question précise. Il sera important d’effectuer une mise à jour de ce
document afin d’adapter le contenu des réponses à la logique des médias sociaux :
texte court et ton conversationnel. Pour illustrer l’adaptation des contenus aux
plateformes, un exemple de réponse est présenté pour les plateformes Facebook,
YouTube et les blogues, et un autre exemple est proposé pour Twitter.

Considérations pour la gestion des commentaires dans les médias sociaux

– Ton et conversation : Adopter un ton conversationnel tout en conservant un


discours officiel face à la situation, en évitant d’employer la 1re personne du
singulier (je, me, moi) et en utilisant le « nous », au nom de la compagnie.
– Qualité de la langue : S’assurer d’avoir une orthographe impeccable, car les écrits
restent même dans l’instantanéité.
– Approbation à l’interne : Lorsque nécessaire, faire approuver la réponse à
l’interne et citer les sources au besoin.

M
– Respect : Respecter les opinions des internautes.
SI
– Transparence : S’identifier en tant qu’employé de la compagnie et inscrire ses
initiales lorsqu’une réponse est offerte à un internaute.
AS

– Politesse : Vouvoyer les internautes et s’adresser à eux par la formule de


politesse et leur nom de famille, si possible.
BY

– Accessibilité et rapidité d’intervention : Écouter les internautes et répondre


rapidement aux commentaires, dans un contexte d’instantanéité de l’information.
– Concision : Émettre des réponses claires et concises, afin de répondre aux règles
d’écriture et d’échange de chaque plateforme sociale.
– Partage : Éviter l’autopromotion; partager des contenus intéressants et participer
aux conversations des internautes.
– Redirection : Les médias sociaux ne doivent pas être utilisés pour de longs
échanges « service client » avec les citoyens. Lorsqu’une deuxième réponse de la
part de la compagnie n’est pas suffisante pour terminer l’échange, ou lorsqu’une
information personnelle est demandée afin de régler le problème, demander à
l’internaute quelle est la meilleure façon de le rejoindre afin de régler la situation
plus efficacement, en « one-on-one » (courriel, numéro de téléphone, etc.), ou lui
demander de rejoindre le service à la clientèle en fournissant une adresse courriel
ou en envoyer un message direct sur Twitter.

Selon le degré de mécontentement, l’entreprise va devoir faire intervenir un certain


niveau d’instance. Ainsi, en cas de très haut risque, un mort par exemple, ce sera à la
plus haute instance, comme le président de représenter la société.
Dans un plan de réponse, il faut élaborer des scénarios que l’on fait évolués vers une
zone rouge (plusieurs niveaux, vert, jaune, rouge).
Il faut prendre en considération les procédures spécifiques à activer, les actions à
prendre en compte ou les moyens techniques à mettre en action. Il faut également
anticiper les ressources internes et externes à mettre en place. La cellule de crise peut
ainsi être composée d’une ou de plusieurs personnes, comme l’animateur de
communauté, selon la gravité des événements. Le plan de réponse doit également avoir
un cheminement de commentaires : qui va répondre à la question, comment, dans quel
délais.
Par exemple, l’entreprise peut se demander si un commentaire doit être retiré ou
analyser en prenant en considération le temps dont elle dispose. Plus le niveau de
risque est élevé, plus l’entreprise doit répondre rapidement, en dehors de la plateforme
et appuyé par une haute instance. À partir de là, elle doit établir avec l’internaute un
moyen de communication pour lui faire sentir qu’elle le prend en considération, qu’il
est important.
Afin d’assurer la crédibilité et la véracité des propos, l’entreprise doit mettre en
M
commun ses ressources. Lors de la crise, elle doit faire rapidement des fiches de suivi
SI
pour que tout le monde possède la même information au même moment et que tout
soit recoupé. Ce suivit doit être diffusé auprès des instances concernées afin qu’ils
AS

puissent suivre en temps réel.


Au final, il y a deux plans de réponses : un plan de gestion et un scénario. L’entreprise
BY

devra donc évaluer l’impact des signaux déclencheurs, des signaux d’alerte, et définir
les règles de conduite ainsi que des prescriptions particulières.

Peut-on se protéger contre tous les risques ?


Non. On ne peut pas se protéger contre tous les risques. Mais on peut prévoir des
scénarios à l’avance et faire des simulations. Élaborer une panoplie a l avance. Qu’est-
ce qu’on fait si facteur humain, physique, produit qui touche à l’environnement. On ne
peut pas empêcher ou se protéger contre les risques, mais on peut se préparer.
Il existe différentes phases :

– Phase de prévention : l’entreprise identifie les risques.


– Phase de préparation : l’entreprise conçoit des éléments de réponse.
– Phase d’action/ réaction : l’entreprise met en place des actions.
– Phase d’apprentissage : l’entreprise capitalise sur ce qu’elle en a appris.

Ce sont des processus toujours continus. On ne peut prévoir tous les risques mais on
peut généralement connaître leur nature, comment se prémunir et à partir de là,
élaborer des scénarios généraux adaptables à la situation.
Sur les médias sociaux, 90% des crises sont prévisibles, il y a donc une opportunité
d’établir des scénarios à l’avance, en étant pro actif. Les 10% restant sont improbables,
car ils correspondent à des variables qui seront spécifiques à la crise. Par exemple, lors
des scénarios, il est établi que l’entreprise peut être confrontée à une personne
mécontente. Cependant, la nature de son mécontentement ne peut être anticipée. C’est
elle qu’il faut documenter et analyser pour pouvoir le gérer.

Partie 4 Organiser une veille


4.1 Qu’est ce qu’une veille ?
D’après le Mercator, la veille est une « démarche organisée visant à améliorer la
compétitivité de l’entreprise par la collecte, le traitement d’informations et la diffusion
de connaissances utiles à la maîtrise de son environnement et à la prise de décision.
L’objectif étant d’identifier des propos négatifs ou infondés pouvant ouvrir la voie à une
potentielle crise afin de répondre de manière efficiente » (http://bit.ly/RhA78g).
M
Comme le souligne l’adage populaire, « il vaut mieux prévenir que guérir », il est
SI
stratégique de déployer un ensemble d’outils permettant de réaliser une veille sur les
volumes conversationnels concernant l’entreprise ou tout autre risque identifié. Cette
AS

veille devra s’effectuer avant, pendant et continuera après une crise afin de surveiller
dans le temps et l’espace l’évolution des efforts de communication. Ce n’est pas parce
qu’une crise est terminée qu’elle ne pourrait pas impacter sur l’image de l’entreprise. Il
BY

faut donc faire preuve de vigilance, quand bien même les événements seraient passés.
Une étude publiée par Satmetrix (http://bit.ly/OWpI6k) en mai 2012 portant sur les
entreprises américaines a mis en évidence que seulement 49% des répondants traquent
et effectuent un suivi des commentaires des consommateurs sur les médias sociaux, et
que 28% ne font rien. Pourtant, dans de nombreux de cas, une simple veille permet
d’éviter de subir une crise simplement par l’appréciation des réactions et par une
réponse adaptée. Il ne faut pas croire au mythe de l’inévitabilité : en fonction de la
typologie des événements (communicationnels et émotionnels surtout), il est possible,
la plus part du temps, d’apporter une réponse crédible qui va permettre d’enrayer le flot
de critiques. Mais pour cela, il faut identifier les conversations à leurs prémices,
lorsqu’elles n’ont pas fédéré suffisamment d’internautes, qu’elles n’ont pas encore de
visibilité et de viralité.
Cependant, l’entreprise ne pourra effectuer ce travail que sur des échanges publics. Elle
ne saurait, par leur nature, observer des conversations privées. Il faut donc prendre en
considération qu’en dépit de tous les efforts déployés, des éléments vont
inéluctablement échapper à la vigilance. Il est important de bien différencier ces
notions :
L’information publique est généralement catalysée dans les différents moteurs de
recherche et accessible facilement à tout un chacun. Elle correspond à des centaines de
milliards de pages dynamiques et statiques auxquelles il faut ajouter, selon les
technologies, des contenus sur les médias sociaux, comme Twitter ou Youtube par
exemple.
L’information semi-publique est présente sur des plateformes technologiquement
hermétiques. Elle n’est pas indexée dans les moteurs de recherche classique mais peut
être identifiée par un utilisateur enregistré ou au travers d’outils spécifiques. Par
exemple, les contenus publics Facebook ne sont pas indexés, mais accessibles aux
utilisateurs.
L’information privée peut se définir comme tous les échanges privés auxquels
l’entreprise ne pourra jamais avoir accès, comme des profils privés, des messageries
internes ou des tchats.

4.2 Rechercher
Une entreprise dispose aujourd’hui d’un ensemble d’outils gratuits ou payants lui
permettant d’identifier des discussions augurant une crise. Avant de mettre en place des

M
outils adaptés, la société doit dans un premier temps prendre en considération la
typologie des plateformes qu’elle va souhaiter surveiller. Si aujourd’hui les médias
SI
sociaux sont le premier réflexe lorsqu’il est évoqué des discussions consommateurs, il
AS

faut prendre en considération l’ensemble du Web social, comme les forums, les blogs ou
les Q&A par exemple, mais également des sites plus traditionnels comme les
plateformes d’actualités ou les moteurs de recherche. Il est important ne pas se focaliser
BY

uniquement sur les éléments les plus visibles, les plus citées, comme Twitter ou
Facebook, mais bien prendre en considération le panorama global du Web. Par exemple,
les entreprises voient souvent les forums comme des éléments désuets au motif que la
presse spécialisée ou les blogueurs n’en parlent plus. Pourtant, ce sont des plateformes
encore très actives et populaires, notamment chez les consommateurs.
De nombreuses entreprises ne se limitent qu’à une veille sur leur nom, produits ou
services, pensant que cette vigilance leur permettra d’identifier à temps des
informations à risque. Attention, ne se limiter qu’à sa réputation numérique est une
erreur. Il faut prendre en considération l’environnement global dans lequel la société
évolue, comme se tenir informé sur les actualités de domaines précis ou prendre en
considération les actions de certains concurrents. Ainsi, l’entreprise va pouvoir se placer
dans un contexte et anticiper que son nom puisse être associé à certains événements.
Par exemple, cela peut être le cas de processus de fabrications suscitant une polémique
dans les médias. En identifiant cette actualité en amont, l’entreprise pourra engager des
processus en interne afin de mettre un terme à ces pratiques. Elle pourra de ce fait, soit
ne plus être concernée, soit annoncer qu’elle a effectué des changements à la lumière de
faits.
L’entreprise va donc devoir veiller, sur le nom de l’entreprise, de ses produits ou de ses
services, sur des mots clés liés aux risques identifiés, et par l’identification de sources
d’informations, comme des blogs, des sites concurrents ou des plateformes d’actualité.
Au fur et à mesure de sa veille, la société va pouvoir compléter sa base de données, en
découvrant de nouvelles plateformes ou en appréhendant de nouveaux mots clés.

4.3 Collecter et surveiller


Une fois les sources ou les mots clés identifiés, l’entreprise peut automatiser sa veille à
l’aide de services payants ou gratuits, par des alertes courriels ou des agrégateurs de
contenu. Ces outils vont l’aider à prendre en considération et observer mécaniquement
un ensemble d’informations ayant émergé sur la sphère publique ou semi-publique afin
d’anticiper de potentielles crises.
Boite à outils : agrégateurs
Lorsque l’entreprise a identifié des sites Internet susceptibles d’apporter des éléments
augurant une crise, comme un blog ou un journal dédié à son secteur d’activité, elle
pourra les agréger au sein d’outils spécialisés. Pour cela, il faut que ces sites disposent
d’un flux RSS. Le flux RSS est une sorte de fil d’actualités produit automatiquement, ne

M
pouvant être lu que par un lecteur adapté, et qui peut contenir des informations
textuelles, vidéos ou photographiques. Il est généralement représenté par une icône
SI
orange.
AS
BY

De nombreux outils permettent d’agréger en un seul espace un ensemble de flux RSS, ce


qui permet à l’entreprise d’être plus efficace dans sa veille car elle va pouvoir organiser,
hiérarchiser et centraliser les informations en un seul espace. Il n’est donc plus
necessaire d’ouvrir un à un plusieurs sites jugés pertinents plusieurs fois dans la
journée.
Parmi les outils gratuits, nous recommandons Netvibes. Il permet d’organiser
facilement ses sources d’information sous forme d’onglets afin de faciliter la lecture
selon des thématiques établies. Chaque source d’information se présente sous la forme
d’un bloc, la technologie AJAX utilisée permettant de bouger ce bloc afin d’organiser
l’espace de travail. La grande malléabilité de l’outil offre finalement une hiérarchisation
intuitive des données.
De nombreux « widgets » complémentaires sont proposés à l’utilisateur, à savoir des
modules développés par des tiers, des entreprises ou Netvibes, qui viendront compléter
les actions de veille (comme un module de recherche sur le réseau social
photographique Flickr).

Google propose également un autre agrégateur, appelé Google Reader, qui est lui aussi
très pertinent car connecté au réseau social Google + (qui tend de plus en plus à devenir
une plateforme sociale d’entreprise). Ainsi, une veille pourra être réalisée et partagée
auprès d’une liste de contacts établis (pouvant être des personnes de la war room par
exemple).
M
SI
AS
BY

Boite à outil : alertes sur les indexes


L’entreprise peut, en complément, utiliser des alertes courrielles pour identifier
l’apparition soudaine de contenus dans les indexes des moteurs de recherche sur des
mots clés spécifiques.
Par exemple, Google propose un outil gratuit appelé Google Alert
(http://www.google.com/alerts). Il permet d’être averti dès lors qu’une information
répondant à certains mots clés (nom de l’entreprise, risques) est indexée par le moteur
de recherche. L’entreprise cependant sélectionner les sources, comme par exemple les
blogs, les actualités, les vidéos, les discussions ou encore les livres. Attention cependant,
le service ne se concentre que sur l’index de Google, certaines informations publiques
ou semi-publiques pouvant dès lors lui échapper. Il ne faut pas se limiter à l’observation
sur un seul support, mais bien varier les différentes sources (par exemple Bing ou
Yahoo).

M
SI
AS

Boite à outil : veille sur les médias sociaux


Enfin, il existe plusieurs possibilités pour sonder les informations présentes sur les
BY

médias sociaux. Manuelle, à savoir en utilisant les moteurs de recherches intégrés à ces
plateformes, ce qui prend un certain temps, ou par l’automatisation au travers de
services dédiés. Un outil que nous recommandons est Hootsuite, qui offre la possibilité
de réaliser une veille en temps réel sur des sites comme Twitter ou Google+ et de
pouvoir répondre aux commentaires. En spécifiant des mots clés, Hootsuite va effectuer
une recherche sur les volumes conversationnels sur les médias sociaux sélectionnés.
Plus les mots clés spécifiés seront pertinents, plus la veille sera efficace.
Il y a beau avoir un ensemble d’outils gratuits ou payants, il faut comprendre qu’ils ne
sont pas les plus imperméables : certaines informations peuvent inéluctablement
échapper à la surveillance. Il est recommandé de varier les solutions afin d’obtenir un
spectre large et d’effectuer de temps à autre une veille de manière manuelle et non
automatisée.

4.4 Stocker et analyser


Il est important de stocker les éléments de veille afin de pouvoir les partager avec les
différents services, ou pour pouvoir les corréler dans le temps. Il n’est pas ici question
de réaliser un ensemble de marque-page directement dans le navigateur, ce qui serait
vite ingérable. Il faut pouvoir organiser l’ensemble en un tout cohérent.
Attention cependant, les différents éléments récoltés et stockés lors d’une veille ne
sauraient être analysés par des algorithmes car ils nécessitent une mise en contexte. Par
exemple, les sentiments, tout comme les subtilités du langage (telle l’ironie), sont à ce
jour beaucoup trop complexes. Les outils opèrent une classification dénuée de sens car
reposant sur une analyse opérée par des processus mécaniques. L’être humain va donc
occuper une place stratégique dans l’appréciation des informations, en les remettant
dans un contexte précis que lui seul, ou collectivement, appréhende. Seul un être
M
humain est à même de comprendre le sens premier des échanges, de mettre en
SI
corrélation des actualités avec des processus internes à l’entreprise, ou d’identifier des
éléments augurant une crise par une juste appréciation du contexte.
AS

Christophe Deschamps, dans le livre numérique collaboratif (http://bit.ly/RzMaOX)


« Regards croisés sur la veille dédié à la veille » identifie plusieurs points capitaux dans
BY

le choix de la solution de stockage :

– Capitaliser : retrouver, compléter l’information.


– Diffuser : pouvoir produire des documents à partir de la veille.
– Collaborer : pouvoir partager, échanger autour des informations.

Boite à outil
Un outil gratuit, mais disposant d’une solution « premium », que nous recommandons
est le site en ligne Diigo. Ce dernier propose un ensemble de fonctionnalités simplifiant
le stockage, l’organisation, la diffusion et la collaboration autour d’informations
sauvegardées.
Diigo répond parfaitement aux points capitaux exprimés par Christophe Deschamps.
Parmi les diverses fonctionnalités, nous noterons la possibilité de :

– Sauvegarder des liens.


– De les organiser par tags.
M
– De pouvoir échanger dans des groupes de discussion.
SI
– De pouvoir exporter et stocker sa veille sur un blog (qui pourra être privé).
AS

Diigo offre également une barre d’outils intégrable sur les navigateurs Web (Firefox,
Chrome, Explorer) qui permet notamment :
BY

– Sauvegarder et taguer des liens.


– De surligner certains passages et d’apposer des notes.
– De partage ou d’envoyer l’information à des tiers.

4.5 Interview Terry Zimmer


Consultant et enseignant dans les domaines de la veille, de la communication
et de la réputation en ligne

La veille est-elle fortement présente dans les entreprises ?


La veille s’est démocratisée ces dernières années. Cela a commencé il y a près de vingt
ans avec le développement de l’intelligence économique sous l’impulsion des pouvoirs
publics.
Il y a eu des rapports fondateurs (rapport Martre et rapport Carayon), différents
services ministériels en charge du développement de l’intelligence économique en
France et un énorme travail de sensibilisation, de pédagogie et d’accompagnement de la
part des préfectures, des régions, des CCI, de la gendarmerie, de la DCRI,…
Les pouvoirs publics ont joués un rôle essentiel même si l’on a pu parfois s’impatienter
devant l’avancée des travaux. Mais comme dans une entreprise, l’intégration de la veille
est affaire de changement de mentalité, de pédagogie et de personnes. C’est donc un
processus long qui exige indulgence et persévérance.
Les choses se sont accélérées depuis le milieu des années 2000 et la démocratisation
des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Internet, réseaux
sociaux, mobilité et instantanéité ont fait basculer le monde dans la société de la
donnée (big data) et tout le monde doit s’y mettre, de gré ou de force. Citoyens,
consommateurs, employés, fans, concurrents,… tout le monde peut désormais
s’exprimer simplement et publiquement, cela change absolument toutes les règles du
jeu.
Sans parler des grandes entreprises qui globalement font de la veille convenablement,
beaucoup de chefs d’entreprise savent aujourd’hui ce qu’est la veille et son intérêt, ce
qui est une victoire en soi, malheureusement la crise que nous traversons a
probablement ralentit considérablement l’investissement car elle n’est pas encore
considérée comme un poste de dépense prioritaire.
M
Les entreprises ayant mis en place une veille observent-elles un spectre
SI
suffisamment large (médias sociaux, moteurs de recherches, actualités) ?
AS

Tout dépend de l’entreprise, de son secteur d’activité, de ses besoins en informations et


des types de veille qu’elle doit déployer pour y répondre (veille image, veille
concurrentielle, veille législative,…). Faire de la veille pour faire de la veille est inutile,
BY

la démarche doit s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise et ses résultats pris en


compte pour amener à des décisions. La définition des besoins est donc une étape
fondamentale qui est souvent complexe et demande une vraie expertise. C’est
seulement une fois ses besoins définis que l’on va déployer l’éventail de sources le plus
large possible sous contraintes de budget, de temps et de capacité d’analyse.
La veille, en quelques années, est passée de chercher une aiguille dans une botte de
foin à trouver les aiguilles les plus pertinentes dans une botte d’aiguilles. Les
compétences du veilleur ont donc évoluées très rapidement.
Ce qu’on appelle l’information blanche qui est l’information ouverte disponible pour
tous est relativement bien suivie car relativement simple d’accès, le piège est de se
satisfaire de remonter une grande quantité de données (économie de l’abondance)
alors que nous cherchons de l’information (économie de la rareté). L’information grise,
à plus haute valeur ajoutée, est difficilement accessible mais légale et demande plus
d’efforts pour la suivre ou la produire (capacités d’analyser et synthétiser l’information
blanche, visite de salons, contacts informels, renseignement humain, travaux
universitaires,…). L’information noire qui est l’information interne soumise au secret
doit pouvoir être également utilisée finement même si nous vivons encore dans une
ère où « l’information est le pouvoir » pour les décideurs.
Globalement, plus l’information se fonce, moins le spectre de surveillance se déploie
avec efficacité et aisance au sein des entreprises. C’est à ce niveau que les efforts
doivent être portés.

Une veille permet-elle de se prémunir d’une crise ?


S’en prémunir non, ce serait mentir. Elle peut permettre :

– de réduire le risque d’apparition d’une crise ;


– de la voir venir ou l’anticiper pour en limiter l’impact lorsqu’elle se produira ;
– d’avoir un tableau de bord en temps réel pour voir son évolution et adapter ses
actions et sa communication lorsqu’elle se produit ;
– d’en mesurer ses conséquences et alimenter la réflexion sur les façons d’agir
après qu’elle se soit produite.

Il y a deux points intéressants à prendre en considération en ce qui concerne une crise :

M
– la veille peut nous être d’aucun secours (ce qui ne nous exonère pas de la mettre
en place) ;
SI
– la crise peut parfois être transformée en opportunité.
AS

Le cas de l’animateur Arthur et de son émission « Ce soir avec Arthur » en est un


excellent exemple. Arthur lance cette émission en novembre 2010 en « s’inspirant très
BY

fortement » du Late Late Show américain de Craig Fergusson. Celui-ci, informé, se


moque d’Arthur en le menaçant, sur le ton de l’humour, de le poursuivre en justice.
C’en suit un énorme bad buzz pour l’animateur, moqué et décrédibilisé. Arthur met en
place une communication de crise en trois étapes où il assume publiquement les
similitudes, il tourne en parodie le générique de son émission et il se rend enfin aux
Etats-Unis, invité dans l’émission plagiée.
Résultats : Arthur parait sympathique et tout le monde a su qu’il faisait une nouvelle
émission qui jusque-là passait inaperçue.
Une veille durant cette période ne lui aurait pas été d’un grand secours, elle lui aurait
appris qu’il s’était fortement inspiré d’une émission américaine (ce qu’il devait savoir)
que l’animateur américain l’avait su et moqué (ce qu’il a dû savoir très vite sans
système de veille) et qu’il faisait l’objet d’un bad buzz (et savoir qu’on est plus moqué
sur Facebook, sur Twitter ou à la télévision n’a finalement pas grande importance à ce
moment-là).

En quoi se différencie le facteur humain du facteur outil dans la prise en


considération des résultats ?
L’humain qui n’a pas d’outil conserve son cerveau, un outil qui n’a pas d’humain est
d’une absolue inutilité.
Un outil n’est utile que s’il augmente l’humain qui l’utilise. Soit en lui faisant gagner
du temps qu’il n’a pas, soit en mettant en œuvre une puissance de calcul qu’il ne
possède pas.
Nous sommes souvent technophiles dans nos métiers, c’est une qualité nécessaire pour
se tenir informé des évolutions et nous rendre plus efficace mais cela peut devenir
préjudiciable lorsque l’on fait trop confiance aux outils et aux indicateurs.
L’humain doit être paresseux à bon escient en utilisant les outils mais il doit mettre en
œuvre ce qui fait sa force par rapport à une machine : son libre-arbitre, son esprit
critique et la connaissance de son besoin ou de celui de son décideur pour répondre à la
question posée.

Quels outils préconisez-vous ?


Aucun sans connaitre préalablement les besoins en informations de l’entreprise.
Passé ce préalable, il existe d’excellents logiciels payants et gratuits. M’étant spécialisé
sur les seconds, je vous invite à vous pencher sur Infomous (outil de cartographie
M
sémantique), Tweet Archivist (outil d’analyse et de reporting pour Twitter), Twitter
SI
(comme outil de curation et de crowdsourcing), LinkedIn (comme outil de veilles
sectorielle et métier), Hootsuite (comme tableau de bord et de gestion de ses différents
AS

comptes), Yahoo Pipes (comme outil de filtrage), Diphur (comme outil de surveillance
d’un site ou d’une page web), Google Translate (comme outil de traduction) et
BY

Scrapbook (add-on Mozilla qui permet de capturer des sites ou des pages Web afin de
les mettre en mémoire).
La liste pourrait être bien plus longue mais au risque de me répéter, l’outil n’est rien
sans l’humain (expertise, méthode et management) et il doit s’insérer parfaitement
dans l’ensemble du cycle de l’information.
Chapitre 3
Stratégie d’un plan de communication
Les médias sociaux ont profondément modifié la communication de crise en incluant
une couche sociale, et par là même virale. Le facteur temps est encore plus déterminant,
auquel il faut dorénavant ajouter les nouveaux mécanismes inhérents au Web tel qu’il
est aujourd’hui, notamment le rôle central des internautes. Ces derniers vont avoir
autant de poids, si ce n’est plus, que la presse traditionnelle : commentaires en temps
réels, partages, actions communes…
Toute personne morale ou physique a dorénavant potentiellement autant d’outils
d’expressions à sa disposition que les plus grandes entreprises. De plus, les
consommateurs se fédèrent autour d’espaces publics ayant une forte visibilité (comme
un blog ou une page Facebook), constituant une masse hétéroclite pouvant influencer
les processus décisionnels de puissantes multi-nationales.
L’entreprise ne devra pas attendre que des événements se produisent pour agir, elle doit
M
avoir mis en place un ensemble de processus en amont afin de faciliter la bonne
conduite d’actions efficientes en aval. Il est de ce fait stratégique de réfléchir à un plan
SI
de gestion de crise, ce dernier ayant pour objectif de faciliter la mise en application
AS

d’une stratégie de communication.


L’entreprise devra prendre en considération qu’en dépit de risques identifiés, une crise
BY

pourrait être le fait de facteurs qui n’auront été, ou ne pouvaient être, pris en
considération. Il y a de ce fait une nécessité de penser sa stratégie comme adaptable à
un ensemble de situations possibles.
Convenons-en, il n’existe pas de solution miracle à mettre en place lors d’une
communication de crise tant celle-ci est dépendante d’un ensemble de facteurs propre à
une situation donnée. Il faut savoir identifier les risques, réaliser une médiation, et
lorsque la crise se déclenche de manière exponentielle, ne pas agir trop hâtivement afin
d’observer les faits et adapter ses actions en conséquence.

Partie 1 Où et quand ? Comprendre les notions de temps et


d’espace
1.1 Les différentes phases
En communication de crise, un facteur clé qui va manquer crucialement à l’entreprise
(et potentiellement expliquer son échec) est le facteur temps. Sur les médias sociaux,
cette notion de temporalité prend encore plus de sens car ces espaces répondent à des
logiques de temps réel et de viralité abrogées de frontières physiques (par exemple la
mobilité). Chaque internaute est potentiellement un canal de diffusion en continu,
disposant de son propre espace et de sa propre audience.
Si une crise peut apparaître subitement sur les médias sociaux, très souvent elle ne dure
pas. Comme le résumait Luc Dupont, professeur agrégé au département de
communication de l’Université d’Ottawa : « c’est l’avantage des médias sociaux. Les
tempêtes sont très soudaines, mais elles disparaissent aussi vite »
(http://bit.ly/UQH4nt). Cependant, il peut être fortement préjudiciable de ne pas réagir
au motif de penser que les réactions vont se taire d’elles-mêmes. D’une part, ce serait un
risque car un nouvel élément peut embraser les discussions là où agir rapidement aurait
permis d’endiguer le phénomène. D’autre part, il faut penser sur le long terme,
appréhender l’image de l’entreprise dans le temps et ne pas se cantonner à l’instant
présent (comme l’impact des traces négatives dans les moteurs de recherche).
Le plan de communication de crise devra prendre en considération les différentes
phases rencontrées sur les médias sociaux afin de définir des processus de
communication adaptés.
Généralement, sur les médias sociaux il existe trois étapes communicationnelles liées
aux crises : la phase de médiation, ou les prémices aux événements, la phase d’analyse
M
ou l’appréhension des événements, et la phase d’action, soit une réponse crédible et
mesurable afin d’ajuster les efforts communicationnels.
SI
AS
BY

1.2 Phase de médiation ou de prise en compte objective


Comme le suggère son nom, la phase de médiation est l’ouverture d’un premier
dialogue avec les consommateurs. Les crises sur les médias sociaux sont généralement
soudaines, et rarement prévisibles. Cela est dû en partie à la nature virale et émotive de
ces plateformes, qui facilitent une réaction en chaine amplifiée et dénuée de recul quant
à un fait avéré ou suggéré. En une poignée de minutes, la toile peut s’embraser sans
qu’aucun indice n’ait pu présager une crise.
La phase de médiation est une courte période, mais probablement la plus stratégique.
C’est durant cette étape que l’entreprise va apporter une première réponse crédible,
empêchant la crise de naître réellement si elle n’est pas grave ou contenant les critiques
si les événements sont importants.
Généralement, nous pouvons distinguer deux types d’événements :

– La crise est mineure, l’entreprise peut rapidement y mettre un terme en


répondant aux attentes.
– La crise est majeure, la médiation permet d’enclencher une première approche en
attendant d’avoir suffisamment de recul pour pouvoir dé-ployer des actions
cohérentes.

En juin 2011, une fausse photographie a circulé sur Twitter (pourtant datée de 2010)
montrant une affichette signée McDonald indiquant « suite à des problèmes de vols, les
clients afro-américains doivent désormais payer un supplé-ment de 1,50 dollars à
chaque achat ». Cela a provoqué un profond émoi chez les internautes, poursuivit par le
succès d’un hashtag #SeriouslyMcDonald’s fortement utilisé par des consommateurs
mécontents. McDonald a simplement réagi rapidement en indiquant sur ce média en
précisant qu’il s’agissait d’un faux document. Le restaurateur n’a pas eu besoin de
M
mettre en place un long dispositif car il a réagi rapidement en apportant une réponse
SI
crédible dans le temps et l’espace adéquat.
Lors de la construction d’une stratégie de communication de crise, il faut prendre en
AS

considération au moment de la scénarisation, la mise en place d’un message succinct,


comme des excuses. Attention cependant, à trop se précipiter, certaines équipes se
BY

perdent en excuses alors que l’entreprise n’est en aucun cas responsable des
événements.
Il faut de ce fait prendre en considération les personnalités ayant autorité pour
s’exprimer au nom de l’entreprise (directeur, ingénieur) ainsi que les moyens qui
peuvent être mis en œuvre rapidement (réalisation de visuels nécessitant la présence
d’un graphiste).
L’US Air Force a par exemple réalisé un schéma de réponse afin d’anticiper une crise,
agissant ainsi lors de la phase de médiation. Dans ce schéma, l’armée préconise trois
étapes fondamentales dans la prise de décisions :

– L’analyse : L’analyse vise à appréhender des éléments relatifs à l’US Air Force
(voir chapitre 2).
– L’évaluation : L’évaluation passe par l’appréciation du message, qu’il soit négatif,
positif ou neutre et de l’émetteur.
– La réponse : La réponse est la phase finale qui doit apporter une réponse
cohérente.
Pour l’US Air Force, afin que la réponse soit jugée comme crédible, elle doit reposer sur :
La transparence : La personne ressource doit s’identifier comme appartenant à
l’entreprise et ne doit pas chercher à tromper sur sa nature.
La citation : Les sources doivent être citées en y incluant des liens, des vidéos, des
images ou d’autres références
Le recul : La personne en charge de la réponse doit prendre son temps pour répondre
de manière la plus juste possible.
Le ton : Le ton doit être reflet de la société et non celui de la plateforme
L’influence : La personne doit s’appuyer sur des blogs référents ayant de forts liens
avec l’US Air Force.
L’intérêt d’une veille trouve ici tout son sens. Observer les mouvements sur les médias
sociaux peut minimiser les impacts inhérents à cette phase et éviter une trop grande
propagation des messages, à condition d’avoir préparé en amont la publication de
contenus pouvant s’adapter à la situation observée (en l’occurrence un message
d’excuse par exemple). En tentant de mettre en application des actions de
communicationn dénuées d’un contexte, l’entreprise risque de trop se précipiter et
M
d’apporter une réponse inadaptée aux attentes et à la situation. Il faut donc envoyer un
SI
premier message simple et analyser les conséquences ainsi que les réactions afin
d’apprécier la nécessité de poursuivre les efforts.
AS

La précipitation est probablement l’erreur la plus fréquemment observée. De


nombreuses crises sont corrélées à un premier communiqué publié à la va-vite qui va
BY

finalement embraser la toile et créer un effet inverse qu’à celui recherché. Il faut
évidemment écouter, observer ce qu’attendent les internautes pour pouvoir y répondre
de manière pertinente. La phase de médiation est une période charnière dans toute
communication de crise, celle qui est la plus assujettie au temps. L’entreprise ne devra
pas se précipiter, et à l’inverse, ne devra pas trop prendre son temps au risque de voir la
situation empirer (ce qui n’est évidemment pas toujours le cas).
Certaines entreprises passent directement à la phase suivante, la phase d’organisation,
préférant attendre de voir comme les événements se déroulent plutôt que de prendre le
risque d’envenimer la situation. Il y a cependant un réel danger autour de ce choix.
D’une part dans le fait de laisser une situation échapper là où une prise en considération
et une simple réponse auraient pu atténuer le bruit et d’autre part par le fait que cela
puisse dégager une mauvaise image auprès de ses consommateurs.

1.3 Phase d’analyse ou d’organisation


La phase d’analyse correspond à la période où la crise commence à croître de manière
exponentielle. Dès lors qu’elle devient virale. C’est durant cette étape que le volume
conversationnel autour des événements atteint son paroxysme, et qu’il devient donc
observable dans son ensemble. Il est important de ne pas se précipiter mais de prendre
en considération l’évolution de la crise afin d’identifier tous les paramètres qui y sont
inhérents. Trop d’empressement pourrait nuire au bon déroulement des actions de
communications et envenimer les débats.
L’entreprise doit avoir défini en amont des scénarios, anticipé d’hypothétiques réponses,
et identifié des personnes ressources (dans 9 cas sur 10 ces personnes ont déjà un
mandat en interne pour les crises « classiques »). La phase d’organisation a pour
objectif d’associer cette préparation avec une réalité observable afin d’appliquer des
actions efficientes. La réponse à une crise est généralement dans les propos même des
internautes, il est important de ne pas chercher à imposer sa vision mais plutôt de se
conforter aux attentes en les corrélant avec la position de l’entreprise.
La phase d’analyse doit donc identifier les différents acteurs de la crise, les foyers
conversationnels, la teneur des discussions et le type de solutions à déployer afin de
décider du genre de réponse à apporter. Ce travail d’observation doit permettre de
définir une stratégie adaptée, de trouver une solution réaliste qui satisfasse les
différentes parties tout en préservant l’intégrité de image de l’entreprise.
C’est à ce moment là que la cellule de crise prend pleinement ses fonctions. Elle doit
analyser les sentiments exprimés afin d’établir un discours cohérent qui sera crédibilisé
M
par des personnes faisant autorité (directeur, ingénieur) en adéquation avec le niveau de
la crise (un directeur général n’interviendra pas sur un bad buzz) et relayé par un porte-
SI
parole (animateur de communauté, chargé de communication Web). Pour cela,
AS

l’ensemble des membres de la « war room » doit travailler de concert à la bonne tenue
des opérations.
BY

1.4 Phase d’application ou de résolution


La phase de résolution est probablement l’étape la plus délicate, car elle correspond à
l’application d’une stratégie de communication de crise selon une situation observée. La
précédente phase organisationnelle est déterminante car elle doit aider à mieux
comprendre les paramètres de la crise. À partir des observations, l’entreprise doit être à
même d’adapter des processus et des actions de communication définis avant les
événements. Elle ne pourrait avoir laissé certaines problématiques de côté et engagé un
dialogue comportant certains risques.
Ainsi, en cas de dysfonctionnement d’un produit, les actions préconisées pourront
concerner l’implication d’un expert de l’entreprise. Selon les observations, il pourra être
décidé de la personnalité à faire intervenir, du ton à adopter, de l’espace pour
s’exprimer, de la typologie du contenu à utiliser (vidéo, schéma…). En juillet 2012,
l’opérateur de téléphonie mobile Orange subit une panne générale qui va fortement
impacter sur son réseau. Dès lors, face aux critiques, ce dernier met en avant le
caractère inéluctable et imprévisible de ce type d’événement, mais surtout met à
l’honneur sa réactivité. Ainsi, quelques jours seulement après le début de la crise,
Orange a mis en ligne une vidéo (http://dai.ly/RdcPjL) présentant le déroulement précis
des opérations, infographie à l’appui. Il est évident que ce type de contenu ne pouvait
être réalisé en amont et qu’il a fallu attendre un retour à la normale pour le concevoir et
le publier en prenant en considération l’ensemble des spécificités techniques inhérentes
aux réparations.
La phase de résolution débute lorsque la crise est à son apogée, car elle tend à réduire le
volume conversationnel et atténuer les critiques. Dans le cas contraire, cela voudrait
dire que ses actions ont eu l’effet inverse que celles escomptées et que l’entreprise doit
agir en conséquence. L’échec ne doit pas être considéré comme une fatalité. Bien au
contraire, il doit servir de base pour apprécier les dysfonctionnements inhérents aux
actions de communication (comme le ton, les propos…) et ajuster sa stratégie.
Contrairement à la phase de médiation, l’entreprise dispose d’une influence
relativement faible (parce que les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever). Il lui
faudra donc redoubler d’efforts de communication pour inverser la tendance ou
s’appuyer sur d’autres acteurs si elle veut infléchir sur la perception globale.
Attention, la résolution d’une crise s’étale dans le temps, notamment parce qu’elle
touche à l’image de l’entreprise. Il ne s’agit pas uniquement de faire taire les critiques, il
faut également observer les hypothétiques soubresauts dans le but d’empêcher une
nouvelle crise de naître sur les cendres de la précédente. Cela signifie que les réactions
M
des internautes doivent être constamment surveillées, analysées et appréciées, afin
d’ajuster les actions de communication.
SI
AS

1.5 Phase d’apprentissage ou d’adaptation


Une fois les événements passés, l’entreprise va devoir opérer une mutation afin
d’améliorer son fonctionnement. La crise doit lui servir de modèle pour identifier des
BY

dysfonctionnements. La phase d’apprentissage doit donc permettre de rendre plus forte


la structure face aux différents événements L’entreprise va devoir prendre en
considération objectivement les éléments, tels les processus de communication mis en
oeuvres, (décisions ou actions), afin d’identifier des défaillances.
Roux-Duffort (La gestion de crise : Un enjeu stratégique pour les organisations)
considère deux options d’apprentissage :

– L’option régressite, où « l’organisation considère que la crise a été trop


exceptionnelle pour présenter une opportunité d’apprentissage »
– L’option progressiste, à savoir qu’une crise « constitue l’opportunité d’une
modification structurelle de l’organisation ou du système dans lequel elle éclate ».

L’entreprise doit tirer un enseignement des crises qu’elle subit au risque d’être
confronté un jour à de nouveaux événements qui lui échapperaient. Les crises sont en
effet une formidable opportunité d’apprendre de ses erreurs et de rectifier ses processus
en conséquence. Par exemple, Total a beaucoup appris de ses erreurs lors de la crise de
l’Erika, une marée noire survenue en 1999. Cet apprentissage lui a permis d’être plus
réactif lors d’explosion de l’usine AZF en 2001 qui cause de nombreuses victimes. Par
exemple, si lors de l’Erika, le président Thierry Desmarest n’était venu sur les lieux de
l’accident qu’après les pressions exercées par le gouvernement, il est arrivé le jour
même lors de la catastrophe suivante.

1.6 L’espace
Si réagir dans le temps est un impératif, il faut également prendre en considération
l’espace, à savoir la plateforme la mieux adaptée pour diffuser une réponse cohérente et
efficace. Quand bien même l’entreprise peut avoir mis en place des actions de
communication adaptées à une situation donnée, son discours risque de résonner dans
le vide si elle venait à l’appliquer au mauvais endroit.
Les médias sociaux ne doivent pas être un réflexe mais bien une réflexion. Il n’est pas
rare de voir des entreprises faisant face à un certain mécontentement ouvrir des espaces
de discussion sur des plateformes en fonction du nombre d’utilisateurs sans se soucier
si leur cible y sera présente ou active.
Ces réflexes de ne voir que par les sites ayant de fortes communautés d’utilisateurs
reposent en partie sur des processus de communication liés à l’audience, comme la

M
télévision, les journaux ou encore la radio. Sur les médias sociaux, il faut penser par la
relation pour pouvoir influencer la perception des internautes par des réponses
SI
adaptées. Il y a donc un risque important d’appliquer une stratégie qui ne saurait
AS

prouver sa pleine efficacité, soit parce que l’espace n’est pas adapté technologiquement
ou tout simplement parce que la cible ne s’y trouve pas.
Avant même de lancer les processus de communication sur Internet, l’entreprise doit
BY

par conséquent analyser l’origine du bruit et localiser les lieux de sa propagation. Pour
cela, elle devra agir avec célérité en utilisant des outils de veille pour espérer identifier
des foyers conversationnels (qu’ils soient positifs, négatifs ou neutres) traitant de la
crise. Cette phase est essentielle pour déterminer les espaces qui seront les plus à même
pour mettre en place des actions de communication.
Ces espaces peuvent être aussi bien les médias sociaux que les forums, les journaux
d’information en ligne ou les blogs. Le fait est qu’il existe quantité d’espaces où une
crise peut prendre de l’ampleur. Pour faire une analogie, les pompiers s’évertuent
d’abord à éteindre le foyer principal, ils ne s’intéressent pas en premier lieu à des
bâtiments annexes au motif qu’ils sont plus visibles du grand public. Si l’entreprise se
positionne sur un espace vide où elle ne sera pas entendue, elle risque de laisser la crise
se propager au travers d’autres médias moins importants en terme de nombre
d’utilisateurs mais au potentiel viral certain.

Étude de cas :

Le 27 mai 2010, la Commission Nationale Informatique et Liberté


(CNIL) adresse un avertissement à la société Acadomia spécialisée
en soutien scolaire. Le motif est la présence de commentaires
injurieux apposés aux profils de certains élèves par ses employés
dans certains fichiers internes.
Pour répondre à la crise, Acadomia a dans un premier temps publié
un communiqué s’attaquant à la CNIL et à leur rapport (phase de
médiation). Puis reconnaissant ses erreurs, la société a décidé de
repositionner son image par un second communiqué exprimant ses
regrets sur les agissements de certains de ses employés (phase
d’action). Enfin, Acadomia a ouvert une page Facebook et publié
rapidement sur son mur une vidéo de son directeur, Philippe
Coléon, invitant les internautes à s’exprimer, à échanger. Si la
démarche est louable, force est de constater qu’Acadomia a échoué.
Le bilan en effet est pauvre : peu de fans, peu d’interactions. Pour
quelle raison ? La cible n’était pas les élèves dénigrés mais bien les
parents. Ces derniers, pour se renseigner et échanger avec Acadomia
auront certainement été faire un tour sur le site institutionnel et
non sur une page Facebook. C’est ici typiquement un problème
M
d’espace lié à un certain empressement et une mauvaise analyse des
SI
attentes de la cible.
AS

Partie 2 Qui ? Identifier les protagonistes


BY

2.1 De la nécessité d’identifier les protagonistes


Une crise est toujours dépendante d’un ensemble d’acteurs, qu’ils en soient à l’origine
ou qu’ils l’alimentent. Lors de la création d’un plan de réponses, afin d’établir des
scénarios cohérents, l’entreprise devra avoir pris en considération une typologie de
personnalités physiques ou morales susceptibles d’entrer en résonance avec un risque
identifié. Par exemple, si le risque concerne l’écologie, la société devra prendre en
considération la forte probabilité que des associations entrent en scène. Cependant,
comme évoqué dans le chapitre précédent, il se peut que de nouveaux éléments propres
à un événement ou agissants de manière fortuite, puissent apparaître au cours de la
crise. Prendre en considération la typologie des internautes est nécessaire afin d’éviter
d’être pris au dépourvu en cas de faits non anticipés.
L’entreprise va identifier les acteurs selon leur rôle dans le déroulement de la crise.
Ainsi, ils peuvent :

– Être à l’origine.
– Influencer les actions de communication, positivement ou négativement.
– Entretenir une certaine image dans le temps.

L’identification des différents types de protagonistes d’une situation de crise et leur


réaction face aux événements permettra à l’entreprise d’adapter son discours selon une
réalité observable en intégrant la nature du litige. Chaque acteur peut avoir des
approches différentes qu’il faudra identifier afin de répondre de manière adaptée. Ainsi,
l’on peut parler d’attitudes destructives (nuire), constructives (engager le dialogue),
protectrices (aider la marque) ou spectatrices (s’informer sans agir).

2.2 Consommateurs et Internautes


Une crise est généralement suscitée et /ou alimentée par des internautes mécontents,
dont une partie seront des consommateurs de la marque. Il est important d’apprécier la
typologie de ces internautes pour comprendre leurs attentes et leurs rôles.
Étant donné que les médias sociaux offrent la possibilité de pouvoir s’exprimer et de
fédérer pour se faire entendre, un effet boule de neige se met rapidement en place. C’est
pourquoi un internaute contrarié publiant une diatribe sur son blog peut voir des
centaines de personnes soutenir ses propos dans les commentaires. La crise par la suite
peut s’exporter sur d’autres supports, comme sur Twitter ou Facebook, et être rejointe
par des tiers en nombres croissants. M
SI
Les médias sociaux touchant principalement à l’émotionnel, il y a de fortes probabilités
que des internautes n’étant pas consommateurs se joignent aux événements, et qu’ils
AS

deviennent naturellement majoritaires. Cela peut s’expliquer par le fait que la crise peut
les toucher sur certains aspects (exemple de l’environnement) ou parce que le discours
BY

les dérange. Il existe de nombreuses raisons pouvant pousser des internautes n’ayant
jamais consommé de produits à venir se joindre aux consommateurs. Cependant, leurs
revendications vont généralement dans le sens commun : répondre aux attentes des
consommateurs, c’est répondre aux attentes des internautes.
Selon Dawar et Pillutla, il existe plusieurs variables qui vont avoir un impact sur la
réaction des consommateurs, mais également applicable aux internautes en général :
Distance temporelle avec la crise : Un internaute ne va pas réagir de la même façon s’il
prend connaissance d’une crise le jour même de sa naissance, une semaine après ou un
mois après. Son désir de participer ou d’apporter son point de vue en sera directement
influencé.
Sensibilité du consommateur : Un consommateur peut être indifférent ou choqué par
une crise, selon si cette dernière se rapporte à des valeurs, croyances ou passions qui le
concernent. De même, un individu très investi dans une communauté pourra être
beaucoup plus vindicatif si la marque qu’il affectionne s’avère être un imposteur, ou
manque à ses promesses.
La réaction de l’entreprise : C’est ce qui va aiguiller le plus la perception des
internautes. Ils attendent de voir comment la marque va réagir. Cette réponse peut
apaiser ou au contraire accentuer davantage la crise.
L’historique de la relation marque/client : Si une entreprise a déjà connu des crises
auparavant, il y a fort à parier que les internautes seront moins indulgents avec la
société. Les événements du passé peuvent s’harnacher à l’image de l’entreprise et
revenir d’actualité beaucoup plus tard, pour refaire du bruit.
Contexte social : Le contexte joue énormément sur la susceptibilité et l’émotion des
individus. Si les journaux télévisés ne parlent que du chômage, l’entreprise devait éviter
de communiquer sur un plan de licenciement par exemple.
Les internautes réagissent différemment face à une crise, mais ils ne vont pas agir de la
même manière, au même niveau. Ainsi, certains internautes vont être plus actifs, là où
certains seront dans des logiques de relais.
Le cabinet Forester dresse une échelle d’engagement des internautes sur la toile, qu’il
met à jour régulièrement. L’édition 2012, qui porte sur le troisième trimestre 2011
dresse ainsi un portrait intéressant des acteurs du web social :

– Les créateurs (24% aux USA et 23% en Europe) : corresponds aux internautes qui
créent et publient des contenus, qu’ils soient textuels, vidéo, musicaux ou
photographiques. M
SI
– Les conversationnels (36% aux USA et 26% en Europe): ils ne font que mettre à
jour des statuts, que ce soit sur des réseaux sociaux (Facebook) ou des micros blogs
AS

(Twitter).
– Les critiques (36% aux USA et 33% en Europe): ils publient des avis sur des
BY

produits, des commentaires sur des blogs, des mises à jour sur des wiki ou
participent aux forums.
– Les collectionneurs (23% aux USA et 22% en Europe) : ils utilisent les flux RSS,
ajoutent des tags à des photos.
– Les sociables (68% aux USA et 50% en Europe): Ils maintiennent les profils à
jour et visitent les réseaux sociaux.
– Les spectateurs (73% aux USA et 69% en Europe) : ils lisent des blogs, écoutent
des podcasts, regardent des vidéos, lisent des forums ou autres types de contenus.
– Les inactifs (14% aux USA et 69% en Europe) : ne font rien de ce qui est évoqué
plus haut.

Il faut bien comprendre que la relation d’un consommateur avec une entreprise varie
selon les individus, de même que la relation d’un individu à un autre. Tous ne réagissent
pas nécessairement de la même manière, certains se positionnant comme acteur
principal, d’autres comme figurant venu grossir les rangs et enfin, pour beaucoup, des
spectateurs. Plusieurs variables sont à prendre en considération, on ne saurait définir
un comportement global aux internautes. Par exemple, plus l’entreprise aura créé une
relation de confiance, plus son discours sera inexorablement jugé comme crédible.
Fasse à une crise, nous pouvons voir émerger trois types de comportements :
La passivité
La plupart des internautes demeurent passifs, au sens où ils ne chercheront pas à
s’exprimer, mais plus à apprécier une situation donnée, de manière plus ou moins
assidue. Cela dépendra évidemment de la nature de la crise, de la façon dont ils se
sentiront proches des problématiques. Ce n’est pas parce qu’ils ne prennent pas la
parole qu’ils ne sont pas juges ou qu’ils n’ont pas de volonté de boycotter une marque
dans le réel. Au contraire, ils vont se forger une opinion qu’ils ne confronteront pas, ou
n’étaleront pas sur la place publique pour tout un tas de raisons qui leur sont propres,
mais qui sera probablement influencée en partie par ce qu’ils liront. Il faudra donc
prendre en considération dans l’application de sa stratégie de communication cette cible
tacite, notamment par la diffusion d’informations claires, transparentes et ludiques. Le
message va s’adresser principalement à cette catégorie. Sur Internet, nous parlons de la
règle des 1% : 90% d’internautes passifs, 9% de relais et 1% d’actifs.
Les « bourreaux » de la marque

M
« L’origine du terme [Boycott] vient du nom de Charles Cunningham Boycott (1832-
1897), intendant d’un riche propriétaire terrien de l’Irlande de l’Ouest (comté de Mayo)
SI
durant le XIXe siècle qui traitait mal ses fermiers et subit un blocus de leur part » -
AS

Wikipédia.
Lors d’une crise, certains internautes seront plus actifs que d’autres, voire plus
vindicatifs. Ces internautes, que l’on pourrait appeler « bourreaux », vont être très
BY

présents dans les discussions générales. Ils peuvent critiquer les actions de
communication, mais également toute autre forme de contenus relatifs aux
événements. Ainsi, il n’est pas rare de voir ces internautes venir commenter un média
en ligne ou un blog traitant de la crise pour faire état de leur émotivité.
S’ils agissent de cette manière, c’est avant tout parce qu’ils ont été affectés par les
événements et qu’ils pensent que leur acharnement participera à faire plier la marque.
Ce peut être un sentiment de colère par rapport à une défaillance de produit (crise
structurelle), une émotivité face à une idéologie affichée (crise émotionnelle) ou un
malaise par rapport à une communication avortée (crise communicationnelle).
Contrairement aux Trolls, que nous abordons plus loin dans ce chapitre, ils ne sont pas
dans des logiques destructrices mais constructives : ils souhaitent ardemment que la
situation se règle. C’est pour cette raison qu’ils vont user de tout leur poids pour faire
entendre leur voix, relançant la marque ou soutenant d’autres acteurs de la crise.
L’appel au boycott est probablement la remarque qui sera la plus vue dans leurs
commentaires. Afin d’appuyer leurs propos, certains n’hésiteront pas à se revendiquer
comme des consommateurs fidèles ou des prospects. Cependant, force est d’admettre
que peu iront jusqu’au bout de leurs paroles.
Généralement, ces internautes cessent d’être vindicatifs à partir du moment où leurs
revendications ont été prises en considération et qu’ils observent un changement allant
en ce sens. En somme, ils sont probablement les acteurs plus oppressants, mais leurs
demandes ne sont pas dénuées de fondements.
Les avocats de marque
Généralement, nous parlons d’avocats de la marque pour définir des internautes actifs,
qui participent aux efforts de communication. Ils se retrouvent dans les valeurs de
l’entreprise et en parlent positivement autour d’eux, voir agissent sur certains espaces
pour la promouvoir.
Par exemple, lorsque la magazine satirique Charlie Hebdo a publié un numéro spécial
sur l’Islam en 2011, une crise apparue, que ce soit du côté des musulmans qui se
sentaient attaqués dans leur foi que de ceux qui jugeaient comme provoquant de telles
attaques sur un sujet aussi sensible (pour exemple les caricatures de Mahomet en Suède
valent aujourd’hui à certains dessinateurs d’être placés encore aujourd’hui sous
protection policière).
La page Facebook du journal a donc été envahie pour exprimer une certaine colère et de
vifs échanges éclatèrent contre ceux qui invoquaient la liberté d’expression. Finalement,
M
le réseau social a tout simplement retiré les droits d’administration au journal, laissant
SI
l’espace à l’abandon, sans modération, sur une certaine période. Il y avait deux
positions, trois si l’on compte la neutralité, et la condamnation des actes de Charlie
AS

Hebdo n’était pas unanime. Si de prime abord nous pourrions penser que des avocats de
la marque ont été présents lors des échanges, il faut se concentrer sur le cœur du débat
pour comprendre que c’était la notion de liberté d’expression qui était avant tout
BY

défendue.
Il faut le prendre en considération, très souvent ces avocats de la marque se taisent lors
d’une crise.
Selon le niveau de la crise, une entreprise déjà présente sur les médias sociaux qui a
réussi à créer une vraie relation avec les internautes aura plus de possibilités de voir des
« avocats de la marque » se distinguer. Cependant, il ne faut pas se leurrer, ce ne seront
jamais l’ensemble des membres de la communauté qui vont agir en héros salvateurs,
loin de là. Parmi eux, très peu seront de réels avocats de la marque et le poids de leurs
actions sera, généralement, assez relatif. Ils peuvent cependant s’avérer une aide utile
après les événements, un soutien intéressant dans l’amélioration de la réputation
numérique après crise.

2.3 Les nouveaux influenceurs


Depuis de nombreuses années, les entreprises font appel à des influenceurs pour
supporter leurs efforts de communication, qu’ils soient des célébrités ou des personnes
faisant autorité dans leur domaine. D’après le Mercator, « les influenceurs comprennent
les préconisateurs qui recommandent, les prescripteurs dont les choix s’imposent aux
acheteurs, et les leaders d’opinion, à titre professionnel (par exemple les journalistes)
ou du fait de leur autorité naturelle. »
Le prophétique Andy Warhol proclamait en 1968, dans le catalogue d’une exposition au
Modernamuseet de Stockholm : « dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de
célébrité mondiale ».
Les médias sociaux ont participé à l’avènement d’une nouvelle catégorie d’influenceurs,
composés d’individus ordinaires. Ceux qui sont appelés « blogueurs influents », à savoir
des personnes diffusant des contenus textuels, vidéos ou photographiques sur un blog,
et disposant d’une forte audience, sont représentatifs de ce phénomène, Les Agences de
Relations Presses se sont de plus en plus intéressé à ces individus ayant une forte
communauté afin de réaliser des opérations commerciales (concours, communiqués).
Cependant, depuis de nombreuses années, la visibilité est souvent confondue avec la
réelle influence. De plus en plus de professionnels requalifient ces influenceurs en tant
que « blogueur référent », à savoir des individus étant connus et reconnus dans un
domaine précis. Ils ne peuvent souvent pas changer l’appréciation générale, se posant
principalement dans un rôle de relayeur d’actions de communication.
Les entreprises commencent à comprendre la réelle notion d’influence et de ses enjeux.
M
C’est l’impact des propos, et notamment leur propension à influencer la perception
SI
d’autrui, qui fait d’un internaute un réel influenceur, quelque que soit la taille de sa
communauté. En ce sens, l’influence ne saurait se limiter à la seule audience ou à la
AS

seule visibilité : un influenceur peut être invisible de prime abord.


Pour répondre à la demande des entreprises de pouvoir identifier des influenceurs
BY

parmi la masse d’apparence hétérogène que représentent les internautes, certaines


solutions ont fait leur apparition, comme Klout ou PeerIndex. Ces outils utilisent des
algorithmes complexes pour attribuer un score d’influence à un internaute standard
selon des catégories identifiées mécaniquement. Par exemple, Klout a longtemps
considéré comme facteurs clés :

– La portée : nombre de personnes influencées (partages, likes).


– L’amplification : nombre d’interactions liées aux contenus de l’internaute.
– Le réseau : si l’internaute influence des influenceurs.

Toutefois, de nombreux spécialistes remettent en question ces indices. Un point


important souvent relevé est qu’il est impossible d’apprécier de manière algorithmique
des sentiments ou certaines subtilités du langage, comme l’ironie. Par exemple, si un
internaute évoque qu’il part en voyage et qu’une personne de sa communauté lui
répond simplement par un « bon départ », Klout considérera qu’il y a influence, ce qui
est loin d’être vrai.
Preuve de l’importance grandissante de ces indices, nous pouvons observer une
augmentation du nombre de sociétés qui prennent en compte le score d’influence dans
leurs démarches de recrutement. L’enseigne Quéchua a ainsi posté durant l’été 2012
une offre de stage de communication Web où le postulant devait avoir un score Klout
supérieur à 35. Un critère qui a beaucoup interrogé les professionnels du domaine, voire
qui a décrédibilisé l’enseigne sur son analyse des enjeux 2.0.

Dans un rapport d’Altimeter « The Rise of Digital Influence », l’auteur Brian Solis
évoque très clairement la problématique pour les scores d’influence d’identifier des
influenceurs :

M
« Bien que ces outils utilisent des algorithmes sophistiqués pour calculer un score, ils ne
prennent pas en compte toutes les complexités de l’influence et la nature des relations
SI
entre les gens au sein des réseaux sociaux ».
AS

La société qui se trouve confrontée à une crise doit de ce fait identifier, parmi ses
détracteurs, les individus ayant une réelle influence afin d’établir d’ouvrir des
discussions privées. Il est possible que certains aient été identifiés en amont, lors de la
BY

phase de scénarisation. Cependant, il y a de fortes chances que les plus virulents et ceux
posant le plus de problèmes soient inconnus. Car l’influence peut être éphémère et
naître lors d’un événement pour différents motifs. Lors de la campagne américaine en
2008, un citoyen ordinaire, Samuel Joseph Wurzelbache, alpague devant les caméras le
candidat Barack Obama sur des questions liées à l’imposition. Il devient alors « Joe Le
Plombier », qui sera réutilisé par le camp adverse des républicains, devenant de ce fait
un influenceur.
Toujours dans son rapport Brian Solis pointe du doigt la facilité, et par la même la
fainéantise, des entreprises qui utilisent ces indicateurs sans chercher à appréhender la
réalité de l’influence ainsi établie. Il n’y a pas de recette miracle pour identifier des
influenceurs, il faut rechercher et observer les comportements.
Par exemple, la société peut appréhender les volumes conversationnels inhérents à la
crise sur des espaces publics ou semi-publics afin d’identifier les internautes suscitant le
plus d’interactions et de commentaires. Il peut également être possible d’identifier un
internaute sur la page Facebook de la marque, qui posterait régulièrement et recevrait
des approbations d’autres internautes.
Lors de la phase de scénarisation, il est fortement envisageable que l’entreprise n’ait pas
réussi à identifier certains influenceurs pour quelque raison qu’il soit (il peut être à
l’origine dans un autre environnement, ou n’être influent que sur l’instant pour la
qualité de ses propos ou son autorité professionnelle). L’objectif est alors de les intégrer
au processus de communication, soit en leur apportant une réponse crédible, soit en les
faisant porte-parole de la marque.
Nous recommandons fortement de prendre en considération les deux types
d’influenceurs :

– Ceux qui ont de l’audience et peuvent ainsi relayer la réponse de l’entreprise.


– Ceux qui ont une réelle influence et peuvent ainsi modifier la perception de tiers,
même à un faible niveau.

Pour identifier les personnalités à forte audience, nous ne pouvons que recommander le
classement ebuzzing. Ce dernier offre un classement de blogs jugés comme les plus
influents (basés principalement sur le nombre de rétro-liens) selon différentes
catégories. Cependant, les blogueurs donnant une opinion, à la différence des
journalistes qui publient une information, il est possible que certains se refusent à
diffuser un simple communiqué de presse. L’entreprise devra de ce fait identifier une
M
manière adaptée pour diffuser son message (vidéo humoristique par exemple).
SI
Pour identifier des influenceurs, la meilleure méthode est de se focaliser sur les
indicateurs clés de succès (KPI), comme par exemple :
AS

– nombre de retweets : identifiez sur les mots clés de la crise les internautes ayant
BY

étés le plus retweetés. Appréciez si c’est la valeur du tweet ou bien l’autorité de


l’internaute qui est plébiscitée.
– nombre de likes : sur Facebook, identifiez les internautes qui viennent vous
critiquer ainsi que le nombre de likes qu’ils reçoivent.
– nombre de commentaires : sur les blogs, identifiez les internautes ayant écrit des
articles sur les événements et ayant reçu un grand nombre de commentaires allant
dans leur sens.

Il est évident qu’un simple communiqué impersonnel exprimant la démarche de


l’entreprise ne trouvera qu’une fin de non-recevoir. Les influenceurs doivent être
engagés dans les processus de communication et leurs opinions doivent être prises en
considération. Il faut donc, durant la phase préparatoire, identifier ceux qui pourraient
s’avérer être une aide précieuse, selon un domaine spécifique (si l’entreprise vend des
fleures, demander à un blogueur du domaine des nouvelles technologies s’avérera
inefficace).
Il faut également noter que dans certains cas, des influenceurs œuvrant dans d’autres
sphères vont par ailleurs s’immiscer dans le débat (par exemple Maître Eolas dans le cas
pratique sur le licenciement de Cora, chapitre 1). Les influenceurs peuvent répondre aux
mêmes logiques que les internautes évoqués dans le point précédent, à savoir se sentir
affecté par une crise : ils sont humains.

Étude de cas :

En 2007, le fournisseur d’électricité et de gaz Poweo lance une


campagne sur Internet au travers d’un dessin animé mettant en
scène le rugbyman Sébastien Chabal. Dans cette vidéo, ce dernier
récupérait son énergie en mettant ses doigts dans la prise électrique.
Cette vidéo a suscité un tollé sur la toile, plus de 500 blogs
réagissant de manière négative. Faits reprochés : les enfants voyant
cette vidéo seraient susceptibles de copier les gestes de la star. Selon
Gregory Pouy, consultant en médias sociaux « cette campagne a
commis l’erreur de montrer un trop grand décalage entre la
réalisation enfantine du film, son discours et sa cible ».
Face à cette crise communicationnelle, Poweo a donc retiré sa vidéo
au bout de trois jours mais a surtout présenté ses excuses aux

M
blogueurs en leur envoyant un mail. Cette stratégie a plutôt été
appréciée ces derniers.
SI
« Monsieur,
AS

Nous sommes sensibles à votre réaction et nous employons dès


aujourd’hui à retirer la vidéo de tous les sites sur lesquels on peut la
BY

trouver. Cette animation, exclusivement destinée au Web, se voulait


un clin d’œil à la Coupe du monde de rugby et au formidable
parcours des Bleus, à travers l’une de ses figures emblématiques.
Nous prenons très au sérieux l’émotion suscitée et avons décidé
d’interrompre cette campagne publicitaire. Nous restons à votre
disposition et vous remercions encore pour votre démarche.
Bien cordialement,
Ivan Roussin
Directeur de la Communication »

2.4 Les concurrents


Sur les médias sociaux, il n’y a pas de restrictions quant à l’orientation des contenus
aussi contraignantes que pour les autres médias : comprenez qu’il n’y a pas d’organisme
régulateur. Par exemple, en France l’ARPP, l’Autorité de régulation professionnelle de la
publicité, n’a aucun pouvoir sur les publicités qui pourraient émerger sur la toile.
Certains organismes, comme la sécurité routière, profitent de ce « vide » pour lancer
des campagnes qu’ils ne pourraient proposer sur les écrans de télévision car
certainement censurées (vidéos choquantes).
Par conséquent, les attaques subtiles des concurrents surfant sur une crise sans pour
autant dénigrer l’entreprise (qui tomberait alors sous le coup de la loi) ne sauraient être
soumises qu’à un certain ordre moral. Évidemment, la notion d’éthique sera soumise à
l’appréciation des internautes, qui pourraient alors élever la voix, d’où une certaine
frilosité à user de ces procédés.
Si certains concurrents n’hésiteront pas à surfer sur la crise de manière plus ou moins
subtile pour dénigrer et accentuer la perception des événements, d’autres le feront
simplement pour profiter de l’attention subite. Dans ce cas, l’effet qui peut se produire
est de désamorcer la situation en influençant la perception des internautes. Attention, il
est tout de même très rare qu’une entreprise tente de profiter d’une crise pour dénigrer
son concurrent.

Étude de cas :

En 2010, Apple lance l’iPhone 4, qui rapidement suscite nombre de

M
critiques relatives à des problèmes techniques. En effet, selon la
manière dont l’utilisateur tenait son téléphone intelligent, il pouvait
SI
être observé une baisse du signal de réception. Steve Jobs, l’ancien
AS

PDG d’Apple, dans une conférence pour faire taire les critiques,
après avoir admis et minimisé le problème, s’attaque à la
concurrence pour démontrer que ses concurrents sont également
BY

perfectibles.
Surfant sur la crise, son concurrent, Samsung, décide d’utiliser les
médias sociaux pour attaquer Apple. S’estimant dénigrée, la marque
envisage donc de récupérer les utilisateurs mécontents de leur
iPhone 4 en organisant une contre offensive.
Samsung va alors identifier les internautes influents sur Twitter se
plaignant des problèmes de réceptions en leur répondant
publiquement que la marque va leur offrir un téléphone de sa
gamme, le Galaxy S. En 4 jours, l’opération va être reprise dans plus
de 65 journaux en ligne, dont CNN, le Guardian ou encore Wired.
Elle a généré plus de 65.000 mentions sur Twitter.

2.5 Associations ou ONG


Les associations ou ONG peuvent être à l’origine d’une crise, et par là même, participer
à leur entretien jusqu’à obtenir ce qu’elles désirent. Particulièrement efficaces, elles
s’attaquent avant tout à l’émotionnel, et par leur communauté déjà sensibilisée, peuvent
s’appuyer sur un ensemble d’internautes afin d’accroitre la viralité de leurs actions.
Certaines se sont d’ailleurs spécialisées dans des opérations utilisant efficacement
l’ensemble des outils disponibles sur le net. C’est le cas notamment de Greenpeace dont
on pourrait citer de nombreux faits d’armes dont l’emblématique KitKat de Nestlé.
Il faut cependant comprendre une chose qui n’apparaît pas au premier regard et qui
peut parfois créer un fossé entre réalité et fiction. Il arrive souvent que l’internaute ait
l’impression que l’association ou l’ONG agit avant d’avoir engagé des pourparlers.
Il faut être lucide, ces dernières, dans la majorité des cas, entrent en contact avec les
services concernés et n’agissent que si elles perçoivent qu’elles n’ont pas été écoutées.
Ces discussions demeurent de l’ordre de l’indicible, par échanges privés. Ce n’est que
lorsque les pourparlers n’ont pas abouti que l’association va mettre en place sa stratégie
de communication. L’internaute ne voit généralement que la face émergée de l’iceberg,
sans se demander ce qu’il y a eu en amont.
Il faut comprendre que les associations ou ONG ont généralement une certaine
expérience des opérations commandos, elles connaissent parfaitement les mécanismes
cognitifs. Leur message utilise généralement des éléments émotionnels connus. Par
exemple, les associations utilisent régulièrement le blanchon, c’est-à-dire le petit du
M
phoque, pour s’opposer au droit de chasse au Canada. Or, d’après la loi, il est strictement
interdit de tuer ces bébés. Ils utilisent donc des stratégies émotionnelles pour susciter
SI
l’adhésion au message, quand bien même la représentation du discours est
AS

volontairement faussée.
Identifier des associations susceptibles de porter préjudice pourra permettre d’établir un
contact aux premiers signes.
BY

Étude de cas :

En 2010, Greenpeace a publié un rapport intitulé « Pris en Flagrant


délit ». Ce rapport dénonçait certains groupes tels que Nestlé
d’utiliser de l’huile de palme et de participer, de ce fait, à la
destruction des forêts indonésiennes et de l’habitat des
orangoutans.
Green Peace a lancé une grande opération de communication sur les
médias sociaux dont elle s’est faite la spécialiste. Au travers d’un
site dédié à cette opération, l’ONG a détourné de manière « trash »
une publicité existante qu’elle placée sur Youtube.
Le caractère émotionnel de l’affaire (les orang-outan notamment) a
largement commencé à faire parler de l’affaire. Mais c’est surtout la
gestion épouvantable de la crise par Nestlé qui va leur conférer la
meilleure publicité. Dans un premier temps, la multinationale fait
retirer la vidéo du site Youtube. Dès lors, Greenpeace la republie sur
Viméo et appelle les internautes à massivement la partager, ce
s’empresseront de faire.
Dans un second temps, après que l’affaire fut remontée jusqu’aux
médias et largement partagée, de nombreux internautes ont alors
envahi les espaces numériques de Nestlé, postant des critiques
acerbes ou détournant les logos de KitKat en Killer pour exprimer
leur colère et tenter de faire plier la marque. Les premières
réactions de l’animateur de communauté ne furent pas non plus des
plus pertinentes et la crise perdura.
Résultats, de sa publication en mars à mai, la vidéo a été vu plus 1,5
millions de fois sur Viméo, à quoi il faut ajouter toutes les autres
présentes sur différents supports et reprises par des internautes.
Enfin, le manager de communauté a décidé durant quelques jours
de laisser la page à l’abandon avant de revenir présenter des excuses
au nom du groupe et affirmer avoir accepté les termes.
Ce qu’il faut savoir c’est que Greenpeace avait lancé une première
opération en 2008 sur Unilever, concurrent direct de Nestlé, au
M
travers d’une campagne similaire. Unilever réagit rapidement et
rompt ses contrats avec le deuxième fournisseur mondial Sinar Mas.
SI
Kraft Food, autre concurrent lui emboitera le pas. Nestlé aurait donc
AS

dû anticiper une potentielle attaque et réagir en conséquence.


« En décembre dernier, Greenpeace avait notamment fourni à
Nestlé des preuves des activités illégales menées par le géant
BY

indonésien Sinar Mas. Ces informations ont conduit plusieurs


entreprises à résilier leurs contrats d’approvisionnement,
notamment Unilever et Kraft » (http://bit.ly/W7josO).
En ce sens, afin de désamorcer la crise, Nestlé aurait dû bien plus
tôt écouter Greenpeace et prendre en considération la menace. Il
faut bien comprendre que l’objectif des associations ou des ONG
n’est généralement pas de nuire pour nuire. Si le dialogue n’a pas
été engagé en amont, il faut alors le faire en aval. Il s’agit ici d’un jeu
à deux tableaux, d’un côté le visible, à savoir les médias sociaux où il
va falloir répondre aux internautes, et de l’autre l’indécelable, les
pourparlers engagés avec l’association pour trouver une sortie de
crise. Ce ne sera qu’au travers de cette dernière que l’entreprise
pourra trouve une issue.

2.6 Entreprises n’ayant aucun rapport


Un phénomène plus rare, mais qui peut être intéressant d’observer, est la présence de
personnes privées ou morales n’ayant aucun rapport avec l’en-
treprise mais qui vont s’immiscer dans les processus de communication. Le volume
conversationnel autour d’une crise offrant une excellente visibilité pour qui souhaite
surfer dessus, il peut arriver dans des cas exceptionnels que des entreprises
opportunistes s’immiscent dans les événements. Ils sont soit animés par un désir de
participer à quelque chose de global, répondant alors à un effet de foule qu’ils suivront,
soit par la volonté de « surfer » sur un événement. Dans la majorité des cas, il n’y a
aucune volonté de nuire mais bien de profiter de la visibilité d’un événement. La plupart
du temps, ces acteurs participent au désamorçage d’une crise en la détournant et en
affichant un élément humoristique. Nous pourrions même dire qu’il s’agit parfois d’une
démarche bon enfant.

Étude de cas :

En 2010, Twitter est victime d’un ver de réseau (sorte de virus pour
vulgariser) qui se propage avec rapidité à de nombreux comptes,
rendant impossible l’utilisation du site de microblogging. Très vite,
les internautes lancent des messages d’avertissement pour prévenir
M
leurs communautés et les médias s’emparent de l’affaire. Ainsi, le
SI
journal l’Express décrit le phénomène comme des :
AS

« Des bandes noires ou des lettres géantes ont déjà envahi les
écrans des internautes. Impossible de cliquer sur quoi que ce soit :
plus d’accès au profil, par exemple. Pour peu que l’internaute
BY

survole un message « vérolé » avec sa souris, des twitts


incompréhensibles sont automatiquement publiés. »
Parmi le flot conversationnel concernant les événements où
subsiste un mélange d’énervement et d’inquiétude quant à la
possibilité que le virus ait récupéré des informations sensibles,
Nivea (marque de cosmétique) diffuse un tweet humoristique qui
sera fortement relayé :
« Contre les bandes noires de Twitter on y travaille encore mais
contre les points noirs on sait faire »
Nivea a surfé sur le bruit entourant la crise qui touchait Twitter
pour diffuser un message qui allait toucher une communauté très
ciblée.

2.7 Trolls, haters et autres émotionnels


Le Troll est une figure emblématique du Web social. Il s’agit d’un internaute qui est un
perturbateur craint car il représente à lui seul les méandres du lest en terme de contrôle.
Manque de savoir-vivre, passion pour l’anarchie, ou véritable volonté de nuire, cette
pratique a été hissée au rang de véritable discipline.
Face à un comportement qui appartient dorénavant à la culture du Web, le troll a
aujourd’hui une représentation graphique depuis 2008, date où des dessins numériques
sont partagés sur la plateforme 4Chan’s. Le 19 septembre, un internaute donne une
identité visuelle au trolling (http://bit.ly/RiRyIY), qui va très rapidement s’imposer
comme la référence officielle.

Étymologiquement, le troll se rapproche d’une figure anthropologique bien connue des


historiens : le trickster. « D’autres sociétés que la nôtre ont connu des figures qui
ressemblent beaucoup aux trolls. Bien avant le Web on connaissait la figure

M
anthropologique du trickster. Ce terme anglais désigne le dieu qui joue des tours aux
êtres humains. C’est un personnage qui est capable de bouleverser certains équilibres –
SI
que l’on connaissait même dans des mythologies très anciennes. » (Extrait de Jean-
Olivier Pain (2011) On en parle : interview avec Antonio Casilli, Radio Suisse Romande
AS

[RSR]).
On rencontre ainsi cette figure de « fripon », d’être divin ou semi-divin dans plusieurs
BY

traditions religieuses. Un acteur inatteignable qui s’amuse en jouant des tours aux
hommes et bouleverse les codes socio-culturels. Dans le panthéon grec c’est Hermès,
dans la mythologie scandinave c’est Loki, dans le candomblé brésilien c’est Exu, pour les
Indiens d’Amérique c’est le Coyote, etc.
Selon l’anthropologue Biella Coleman : « les trolls seraient l’incarnation Web du
trickster. Il s’agit de figures ambivalentes, porteuses de bruit, de désordre, de
mouvement. Dieux de la communication et de l’éternel malentendu, les trickster trollent
les êtres humains et – ainsi faisant – ils ont un pouvoir démiurgique sur la réalité qu’ils
transforment et reconfigurent. » (Article “Hacker and Troller as Trickster”, paru sur
Social Text en 2010).
Sur la toile, les professionnels de l’internet s’accordent à définir plusieurs typologies du
troll. Mais pour schématiser, nous distinguons plusieurs caractéristiques récurrentes
pour les hiérarchiser :
Le troll néophyte
Le troll néophyte est un troll qui s’ignore. Ses interventions mettent en lumière un non-
respect de la nétiquette (règle informelle définissant un code de conduites, de règles et
de politesse) et du bon déroulement de la discussion, sans véritable intention de nuire.
Ces trolls peuvent être de simples internautes qui, pour répondre avec humour à un
premier troll, parasitent la conversation par des informations disruptives. On peut ainsi
désigner comme troll néophyte tout individu qui rentre dans le jeu d’un vrai troll. Ils
sont en quelque sorte les victimes et les coupables collatéraux du désordre qui règne.
Malgré sa bonne foi apparente, il refusera qu’on le traite de troll car il pense avoir
raison. Il peut s’en suivre un effet domino qui va venir gangrener le débat.
Le troll rancunier / revendicatif
Ici, le troll à un message à faire passer. Il ne parle pas pour rien dire, mais vient polluer
des discussions annexes inappropriées pour plaider sa cause. Il veut faire prendre
conscience à l’internaute lambda qu’un problème lui déplait, et se défoule sur les
forums et sur les supports de l’entreprise pour se faire entendre.
Dans la plupart des cas, il s’agit d’un usager mécontent concernant le produit ou le
service d’une entreprise. Il veut déverser sa frustration en communiquant de façon
abusive et vindicative sur les supports virtuels de la société. L’humour et l’ironie
peuvent être ses modes de communication préférés.

M
Certaines entreprises sont ainsi plus exposées à des frustrations récurrentes comme les
SI
institutions célèbres (la poste...). Pour traiter ces petits pics, il faut rester vigilant et
réactif afin que leurs interventions bénignes ne constituent pas un malaise général.
AS

Le troll engagé
Ce troll a un but précis et compte bien le faire savoir. Il cherche à créer la polémique
BY

pour instaurer un désordre et profiter de cette confusion pour enfoncer la marque. Par
déception, rejet, vexation, ou simple amusement, il va s’adonner à un travail de sape
pour anéantir un forum ou tout débat productif. Sa technique est de déclencher des
« flamewars » pour enclencher un effet papillon néfaste et nauséabond.
Quelques récurrences chez ces énergumènes :

– Mauvaise foi à toute épreuve


– Entêtement prononcé
– Ironie insidieuse
– Manque d’auto-dérision

Comment l’entreprise peut-elle réagir face à ces internautes ?


Déjà, il faut accepter le fait que n’importe qui peut devenir un troll, mais que tout le
monde peut ne pas en devenir un. En ce sens, derrière chaque action se cache une
motivation sous-jacente. Même si on leur accorde souvent le fait qu’ils cherchent à
envenimer la situation à chaque effort de l’entreprise, il faut également les considérer
comme des acteurs inhérents à la vie des débats.
Suite à la conférence « Vivre avec les trolls », à la Cantine numérique de Paris, Mathieu
Lubrun synthétisait :
« Pour les journalistes et les community managers, le troll est forcément une personne
avec qui la négociation est difficile, voir impossible, et qu’il faut éradiquer ou voir
comme un agent perturbateur. Le sociologue Antonio Casilli donne une définition du
troll plus proche de l’empêcheur de penser en rond qu’il faut accueillir dans
l’écosystème d’internet comme un élément essentiel. Sa définition même du troll s’en
ressentait puisque, comme il l’exposait lui-même, contrairement à une vision
psychanalytique qui voit le troll comme un narcissique pervers, ou l’anthropologue qui
le voit comme militant d’un mouvement de type anonymous ou du parti pirate, par
exemple, sa définition est sociologique donc conditionné par le cadre du post et non par
la personne. Tout le monde peut être un troll et celui se définit comme une menace par
rapport à la société qui l’entoure et dans laquelle il poste. De plus, le troll est là pour
nous montrer que le monde nous échappe et pour briser le petit monde du Web
participatif qu’il décrit comme « une machine à moudre les opinions »
(http://bit.ly/RTIMk2).

M
Malheureusement, raisonner un troll peut souvent être une cause perdue d’avance. Et il
est du devoir de l’entreprise et des gestionnaires de communautés d’identifier le profil
SI
des internautes menaçants. Si la raison veut que chaque commentaire intempestif mais
AS

constructif soit appréhendé et traité, la logique impose que les messages purement
agressifs et violents doivent être laissés pour compte, voire supprimés.
Voici quelques règles d’or à respecter avec les trolls :
BY

– Ignorer les messages des trolls est la meilleure contre-attaque. Comme le dit
l’adage : « ne nourrissez pas le troll ».
– Éviter à tout prix de donner raison au troll. Les messages du type « sur ce point tu
as raison mais... », sont à proscrire car ils s’en servent de point d’ancrage pour
d’autres interventions.
– Ne pas revenir en arrière sur ces propos et garder un discours cohérent. Le troll
cherche à éclater l’unanimité qui peut régner autour du discours de l’entreprise. Ce
que les trolls préfèrent, ce sont les contradictions entre administrateurs, qui
renforcent leur position.
– Bannir les discussions autour de la liberté d’expression. Le troll va toujours finir
par se réfugier autour d’une plainte de censure de la part de la société et se
positionner en victime. En rentrant dans son jeu, le modérateur repart à la case
départ et débute un nouveau tour de piste pénible et fastidieux.

Mais en parallèle des trolls, d’autres acteurs plus inattendus peuvent tout aussi bien
s’approprier le rôle de troll. C’est le cas des internautes émotionnels. Les émotionnels
régissent à des propos de seconds degrés et se sentent investit d’une cause pour
défendre les plus faibles et les opprimés. Ce peut-être également les gardiens de causes
humanitaires ou associatives qui visent à maintenir la justice et l’équité. Au-delà des
considérations morales, ce rejet peut également avoir un lien évident avec le domaine de
la santé.
On peut citer en exemple la marque H&M qui en 2012 a lancé une campagne
promotionnelle pour les maillots de bain, avec des mannequins beaucoup trop bronzés.
L’association de lutte contre le cancer de la peau a alors fait entendre sa voix pour
dénoncer les risques d’exposition au soleil. Les mannequins qui visiblement avaient
passé 3 ans de vacances au soleil ont donc été en partie retirés de la circulation, que ce
soit à la télévision ou sur les affiches publicitaires.
La santé est un domaine ou il n’y a pas le droit à l’erreur. Si dans le domaine judiciaire,
le doute va en faveur de l’accusé, pour la santé, il n’est pas louable et des produits sont
retirés de la vente à la moindre suspicion. Certains fabricants de jouets ont ainsi dû
détruire des stocks entiers de belles poupées à cause d’un élément chimique, ou de
pièces pouvant être avalées. C’est pourquoi dans certains domaines il faut penser à tout.
Dans cet ordre d’idée, avez-vous déjà remarqué que les bouchons des stylos bic avaient
un trou à leur extrémité ? La société a en effet pensé à créer une poche d’air si par
malheur un enfant venait à ingérer le bouchon. M
SI
2.8 Médias d’Actualités
AS

Dans toute crise, l’influence des médias est importante car ce sont eux qui vont être les
premiers à diffuser une information. Sur Internet, ils ne seront pas nécessairement dans
BY

ce rôle, s’imposant parfois en tant que simple relayeur. Si une crise débute par des
internautes, l’entreprise ne devra pas se focaliser uniquement sur ces derniers mais bien
prendre en considération l’impact des journaux en ligne.
La masse d’information produite par les internautes contenant inexorablement des
erreurs, les médias en ligne apparaissent comme « certificateurs ». Ils ont le rôle de
rendre officiels des faits supposés lorsque ceux-ci le nécessitent. Par exemple, à la mort
de Michael Jackson, les internautes avisés par les médias sociaux, notamment Twitter,
attendaient un article d’une source crédible pour prendre acte du décès de l’artiste. En
cas de crise, il est donc important d’identifier si elle a été relayée par ces canaux car ils
vont donner un caractère officiel.
Attention cependant, les journaux en ligne étant dans une logique de scoop, et le web
étant en temps réel, il est possible qu’ils soient également à l’origine de crises là où il n’y
a rien. Par exemple, en septembre 2012, le journal en ligne Metro France diffuse une
information quant à une probable erreur technique sur Facebook qui diffuserait sur le
profil de certains utilisateurs (donc accessible à leur réseau) des messages censés se
trouver dans la boite courriel (donc privés). L’actualité a été immédiatement reprise par
les plus grands journaux nationaux, comme Le Monde ou Le Figaro. Cependant, il
s’agissait d’une erreur d’appréciation, les messages incriminés étant antérieurs à 2009,
il s’agissait juste d’une mauvaise perception due au fait que la plateforme a beaucoup
changée en trois ans. Il n’y avait pas de faute à proprement parlé de Facebook, les
journaux ont donc fauté. Qui plus est, comme l’expliquent les ingénieurs, la messagerie
et le profil sont deux systèmes indépendants, un bug n’aurait donc pas pu les connecter
aussi facilement. Les journaux, dans leur précipitation, ont donc créé une crise qui a eu
de sérieuses conséquences. D’une part, elle a rendu sceptiques les internautes sur les
intentions de Facebook, qui a de ce fait perdu une partie de leur confiance, et d’autre
part d’amener le gouvernement à agir.
La diffusion, et donc la portée d’un article, est à l’appréciation des internautes qui le
partageront à leur communauté. Certaines fois, quelques lignes peuvent avoir des
conséquences dramatiques dès lors qu’il y a un phénomène de viralité qui s’enclenche.
Le problème est que ces médias privilégient l’affirmatif au conditionnel. Les internautes
prennent de ce fait les informations comme des vérités générales.
S’ils sont diffuseurs d’une information, la neutralité peut ne pas être l’apanage de
certains. Les journaux d’actualités peuvent prendre parti, ou jouer la corde sensible pour
favoriser le partage d’informations. L’objectif de tout média est l’audience, et sur les
médias sociaux, elle se traduit par la faculté à favoriser l’émotionnel pour chercher la
viralité. Certains n’hésiteront pas à susciter l’émotion chez son lectorat en relayant une
M
crise sous un angle qui ne serait pas objectif, mais critique.
SI
Il peut donc arriver que certains médias en ligne soient à l’origine d’événements, que ce
AS

soit volontairement ou involontairement. Dans tous les cas, l’entreprise, au travers de


son porte parole, devra entrer en relation avec le journal, notamment par un
communiqué ou une interview, afin d’apaiser la situation et d’apporter une réponse
BY

crédible.

Étude de cas :

Lassond – Oasis est une importante entreprise Québécoise


produisant des boissons, qui part facilement en croisade juridique
pour défendre le nom de sa marque.
En ce sens, elle porte plainte contre Deborah Kudzman à qui elle
reproche l’utilisation du mot « Oasis » pour désigner ses produits à
l’huile d’Olive : Olivia’s Oasis. Madame Kudzman a beau avoir gagné
son procès, elle se retrouve avec des frais juridiques importants qui
impliqueraient une potentielle faillite.
Le samedi 7 avril, à 5 heures, un article de « La Presse » fait état de
ces problèmes financiers en prenant clairement position et en
jouant sur les émotions de cette bataille qui oppose David à Goliath.
Résultat, à 9 heures, une crise éclate, les internautes envahissant les
espaces de l’entreprise (Facebook) ou s’exprimant sur d’autres
plateformes (Twitter) pour faire état de leur colère. Nous sommes
alors face à une crise émotionnelle. À 13 heures, l’article est relayé
plus de 1.000 fois sur Facebook et le hashtag #Oasis rentre dans les
trendingstopics de Twitter.
À 17 heures, Lassonde – Oasis publie un premier communiqué sur
sa page Facebook. Le message, mal perçu par les internautes car
froid et hautain, obtiennent en quelques minutes plus d’une
centaine de commentaires négatifs. Parmi les propos, il est un
particulièrement mal perçu : « comme l’a reconnu la Cour d’appel, il
est essentiel de protéger nos marques de commerce pour éviter de
créer des précédents. ». Une telle attitude de se positionner comme
une victime aura évidemment un effet contraire à celui recherché.
À 20 h 30, un second commentaire est publié où Lassonde – Oasis
s’engage à dédommager madame Kudzman, prenant en
considération les revendications des internautes. Le lendemain, un
dimanche, le dirigeant en personne accompagné de cadres se rend à
son domicile. Cette visite est suivie d’un témoignage du président,
Jean Gattuso publié sur le Facebook de l’entreprise :
M
« J’ai été personnellement la rencontrer dimanche après-midi. Je lui
SI
ai exprimé mes regrets relativement à la tournure des événements
AS

et nous avons conclu une entente. Je lui ai également offert du


mentorat de manière à développer son entreprise. Je tiens à vous
informer que Lassonde va revoir ses façons de faire dans le futur.
BY

Vos commentaires ont été entendus. »


Quelques heures après des nouvelles plateformes seront déployées,
notamment un blog et un compte Twitter pour le dirigeant. Le
nombre de commentaires sur les publications sur Facebook et les
autres médias sociaux a rapidement baissé en intensité et en
volume.
Lassonde a réagi de manière pertinente et rapide, les trois phases
décrites précédemment (médiation, analyse et réalisation) ayant été
appliquées en moins de 24 heures. Il faut remettre cette gestion de
crise dans un contexte particulier, à savoir un long week-end de
Pâques où un grand nombre d’employés devaient être absents au
moment où les internautes ont commencé à envahir les médias
sociaux. Il y a donc ici un facteur clé de succès dans la mise en
application d’une communication de crise, le temps de réaction.
Tout au long de cet épisode, le journal n’a cessé de diffuser et suivre
l’information en relayant des analyses de spécialistes de la
communication.
2.9 Les technautes
Certains internautes connaissent parfaitement les rouages des médias sociaux, et
pourront être tentés de les activer dans le cas d’une crise. Cela peut se faire par
militantisme comme cela ne peut être que par pur amusement, déconnecté de toute
animosité, simplement pour participer à quelque chose qui dépasse leur personne.
Ces profils d’un nouveau genre disposent d’une palette d’outils dont ils savent
détourner le sens premier ou tirer profit des mécanismes sous-jacents afin d’optimiser
la viralité de leurs actions. Ce sont presque des néo-communicants qui peuvent
participer à la création d’un « buzz dans le badbuzz ». Pour faire une analogie, ce serait
comme s’ils avaient la possibilité de créer temporairement une nouvelle chaine de
télévision disposant d’une meilleure audience que celles utilisées par l’entreprise.
Il existe de nombreuses typologies quant à ces techniciens, cependant, nous avons jugé
plus pertinent d’aborder cinq classes très représentatives pour apprécier leurs différents
niveaux d’interventions.
Les humoristes - spécialistes des mécanismes viraux

M
Ceux que l’on pourrait qualifier « d’humoristes » ont un profil atypique car ils sont
représentatifs d’une contre-culture que nous abordons au chapitre 5, la culture du lol,
SI
soit l’utilisation de codes socioculturels propre à une certaine communauté dont la
AS

viralité n’est plus à prouver.


Les mécanismes reposent ici sur la proportion à susciter le rire, sur la faculté à
BY

détourner un message pour le rendre drôle. Mais si l’humour peut dans certains cas
dédramatiser une situation, il peut également s’avérer particulièrement corrosif.
Par exemple, dans le cas de KitKat évoqué dans ce chapitre, de nombreux internautes
avaient détourné le logo pour le transformer en Killer. Il existe de ce fait de nombreuses
formes de guérillas dont l’objectif est de susciter un engouement afin de favoriser
l’adhésion au message et son partage.
Deux plateformes sont particulièrement utilisées pour détourner un message, Youtube
et Tumblr. Le premier, une plateforme de partage de séquences animées s’il est bon de
le rappeler, est l’un des sites internet fortement utilisés pour les parodies vidéo. Le
second, qui s’apparente à un blog, va quant à lui servir à référencer, stocker et
cataloguer les différentes parodies graphiques existantes.
L’entreprise devra de ce fait être vigilante sur ces supports et prendre en considération
la tournure, la forme et le fond du message. Dans certains cas négatifs, ces parodies
permettront d’apprécier des éléments qui nécessitent d’être intégrés dans la
communication. Par exemple, dans le cas de la marée noire de BP, une vidéo parodiait
l’équipe de la direction qui venait de renverser une tasse de café et n’arrivait pas à
endiguer la tâche, créant une situation absurde. Cela soulevait l’incompétence des
dirigeants, sentiment fortement partagé par bon nombre d’internautes, et donc un point
probablement à améliorer.
Un autre exemple pourrait être celui du lieutenant John Pike qui s’est fait connaître lors
d’une manifestation des indignés, à savoir le collectif « Occupy Wall Street », à
l’université de Californie, à Davis. Alors que les manifestants ont été arrêtés, et son
sagement assis, le policier les a aspergés de gaz lacrymogène (http://bit.ly/Q6LK11).
La vidéo, vue plus de 1,7 million de fois, a suscité la colère des internautes qui ont
détourné le geste pour le tourner en ridicule. John Pike est devenu alors un même, cible
de toutes sortes de créations humoristiques centralisées sur un Tumblr
(http://peppersprayingcop.tumblr.com/). Il est devenu le symbole de l’oppression subie
par le mouvement Occupy Wall Street.

M
SI
AS
BY

L’humour passe également par le détournement de comptes officiels. Dans le cas de BP,
un faux compte lié aux relations presse a rassemblé, au final, sur Twitter plus de monde
que le compte officiel. Il a même été par moment confondu par les journalistes
tellement il arborait l’identité visuelle de la marque.
Ces détournements sont donc intéressants car ils permettent également de prendre la
température, prendre en considération rapidement une vision globale afin d’affiner son
message et son ton. Si l’humour potache ou bon enfant domine, alors peut-être faudra-t-
il surfer sur la tendance. Si à l’inverse, il s’agit de revendications claires, d’une mauvaise
image de l’entreprise, alors il faudra prendre en considération les aspects négatifs
comme des points à améliorer.
Les mémoristes - les spécialistes de la recherche
Internet a beau être une mémoire collective, Wikipédia n’a pas la science infuse et
Google n’offre pas toujours l’information la plus pertinente. Il existe cependant une
catégorie d’internautes qui ont acquis un savoir dans la recherche d’antécédents en
maximisant leurs recherches. Cette dernière va attaquer l’entreprise directement sur
son histoire, en la confrontant avec son présent. Cela peut concerner des crises passées
ou des périodes sombres de son histoire.
Toute entreprise a des squelettes dans son placard, à plusieurs niveaux. Il est par
exemple possible, pour qui connaît bien les mécanismes de Google, d’utiliser certaines
formules pour chercher directement des documents secrets sur certains serveurs.
Ces internautes savent trouver de l’information, et ils n’hésiteront pas à rappeler à la
marque ses antécédents, à mettre sa sombre histoire sur la place publique. Il est
toujours important d’identifier des recoins guère reluisants dans l’ADN de la marque
afin de définir en amont des réponses à y apporter.
Les hacktivistes - les spécialistes des supports officiels
Il existe tout un ensemble de hackers qui disposent de compétences leur permettant de
faire tomber des plateformes hébergées par l’entreprise, comme les sites internet
institutionnels, les blogs ou des solutions sur lesquels étaient placées des informations.
Certains collectifs se sont même formés, comme Anonymous pour ne citer que le plus
célèbre. M
SI
Différentes méthodes peuvent exister dans leur croisade. Très généralement, ils
AS

utiliseront des outils simples de type déni de service. L’objectif ici est de surcharger les
serveurs hébergeant les plateformes en simulant un grand nombre de visites afin de
rendre inaccessible les informations. Cette méthode est la plus simple, la plus rapide à
BY

mettre en place mais également la plus accessible à tout un chacun. Pour participer à
l’opération collective, tout internaute ne doit disposer que d’une connexion internet et
d’un logiciel fourni gratuitement.
Mais il existe d’autres méthodes, comme l’injection SQL, qui permettent au hacker de
prendre le contrôle de tout site internet (et par conséquent d’afficher ce qu’il souhaite),
voir de « déphaser » ou plus vulgairement détruire la plateforme pour la remplacer par
un message de son choix.
Lors d’une communication de crise, l’entreprise devra par conséquent s’attendre à voir
également certains internautes tenter de briser les solutions mises en place. Attention,
même si cela est très rare, il ne faut rien négliger, s’assurer qu’aucune faille ne soit
présente, et surveiller de près le comportement de ses espaces.
Il vaut mieux, de ce fait, prévenir les personnes déléguées à l’hébergement (prestataire
externe, direction des services informatiques à l’interne) de possibles mouvements. Ils
devront être particulièrement vigilants durant cette période.
Les mécanistes – les spécialistes des plateformes
Certains internautes disposent d’un bagage technique, voire de compétences, leur
permettant d’aller bien au-delà de la simple expression. Ils connaissent parfaitement les
mécanismes sous-jacents aux médias sociaux leur permettant de causer des dégâts
considérables.
Avec une facilité déconcertante, ils peuvent ainsi faire supprimer temporairement des
pages Facebook ou des comptes Twitter par des actions combinées. Ils connaissent bien
les rouages de ces plateformes et n’hésiteront pas à user de leurs connaissances pour
infliger de sérieux dégâts.
De même, ils connaissent les mécanismes leur permettant d’influencer sur les résultats
de recherche, pouvant créer de ce fait de sérieux dégâts d’images. Nous évoquons dans
le chapitre 6 ces problématiques.

Étude de cas :

Le politicien Frédéric Lefebvre était connu pour la teneur de ses


propos ubuesques quant à Internet. Il était devenu source
d’amusement de la part des internautes qui voyaient en ses propos
plus une personne joviale.

M
Cependant, quand bien même il provoquait l’hilarité, ses propos
SI
pouvaient semer le doute et il constituait une certaine menace.
Lorsqu’il arriva sur Twitter ses premiers mots furent à l’encontre
AS

des journalistes et provoquèrent indéniablement un bruit négatif.


Une personne conspuée pour ses prises de position contre Internet
BY

qui use d’espaces qu’il décriait pour proférer des diatribes à


l’encontre de la communauté, il n’en fallait pas plus pour que les
internautes passent à l’attaque.
« Les mini-messages de Twitter, c’est pour faire chic, mais c’est pas
là que ça se passe ».
Très vite, ses propos polémiques suscitent une vague d’indignation,
confortée par son statut de membre du gouvernement. En moins
d’un jour, les internautes se fédèrent pour reporter le compte de
Frédéric Lefebvre comme un spam, Twitter le suspendant par voie
de fait.

Partie 3 Comment ? Typologie des solutions de réponses


3.1 De la nécessité d’ouvrir des espaces
Afin de répondre aux commentaires, l’entreprise va devoir déployer des solutions lui
permettant d’assurer une présence virtuelle. Elle peut ainsi créer des profils sur certains
médias sociaux si elle n’était pas présente jusque-là, ou déployer des solutions plus
coûteuses, mais maîtrisées, lui permettant de les adapter à sa stratégie.
De nombreux facteurs vont influencer le choix de la plateforme adoptée, comme la
nécessité de communiquer sur du long terme ou du court terme, la rapidité de mise en
œuvre, ou encore l’usage qui est prévu. Un blog n’a pas la même utilité ni la même
finalité qu’une page Facebook.
Prendre en considération la typologie des solutions existantes lors de la conception du
plan de réponse permet à l’entreprise de ne pas se trouver prise de court lors de la crise.
Ainsi, des processus pourront avoir été établis pour faciliter l’ouverture rapide d’un
espace sur le site corporatif, adaptable selon la situation observée.
Le principal problème des entreprises lors d’une crise est de penser, pour beaucoup,
qu’il suffit simplement d’ouvrir un compte sur les médias sociaux, de s’exprimer et de
ne plus l’utiliser pour faire taire les critiques dans le temps. Ouvrir des comptes lors des
événements, dédiés uniquement aux événements serait une erreur là où d’autres
solutions pourraient apparaître comme plus pertinentes, voir même complémentaires.
Le choix de la solution pour répondre efficacement est stratégique, plusieurs
M
plateformes pouvant être utilisées à des niveaux différents de la crise. Il faut prendre en
SI
considération le rôle principal de chaque solution pour agir avec efficience.
AS

3.2 Les médias sociaux


Depuis maintenant de nombreuses années, les spécialistes du marketing et les
BY

journalistes tentent de donner une définition crédible aux « médias sociaux ». Il faut
comprendre qu’à l’origine, cette expression, au même titre que « réseaux sociaux »,
avait pour objectif de coller une étiquette sur un phénomène identifiable. Cependant,
avec un nombre de plus en plus croissant de plateformes, ainsi qu’une popularisation du
terme, il devient de plus en plus compliqué de leur donner une définition générale. Le
consultant Frédéric Cavazza dresse chaque année un panorama des solutions existantes
qu’il s’évertue à classer selon un ensemble de paramètres, ce qui permet d’apprécier leur
évolution dans le temps.
Nous pourrions présenter les médias sociaux comme un type de plateformes
appartenant au Web Social permettant aux internautes de se constituer un profil autour
duquel seront articulés un ensemble de médias. Une approche intéressante est celle
d’Andreas Kaplan « un groupe d’applications basées sur Internet qui s’appuient sur les
fondements idéologiques et technologiques du Web 2.0, et qui permettent la création et
l’échange de contenu généré par l’utilisateur ».
Une entreprise qui ne dispose pas encore de profil devra prendre en considération,
comme nous l’évoquions en premier point, le meilleur canal pour s’exprimer.
Cependant, les comptes ne doivent pas se limiter à la crise, ils doivent être pensés dans
le temps. Dès lors que l’entreprise va ouvrir un compte, elle devra le faire dans le temps
et s’investir afin qu’en cas de nouveaux énervements impromptus, elle dispose d’une
page lui permettant de centraliser les discussions.
Par leur visibilité, Facebook et Twitter apparaissent souvent comme la solution la plus
pertinente alors qu’ils peuvent s’avérer au contraire peu adaptés à une situation précise.
L’entreprise devra prendre en considération un ensemble de facteurs, quant à la cible
par exemple, mais également quant à leur pertinence technologique.
Par exemple, si l’objectif est de diffuser une vidéo présentant des excuses publiques,
Twitter n’apparaît pas comme la solution par excellence car il fera vite disparaître dans
le flux d’information cette dernière. Les internautes s’abonnant donc au profil ne
verront pas nécessairement le média. À l’inverse, la nouvelle Timeline de Facebook
permet de mettre en avant, mais pour une durée limitée, un contenu particulier.
Si les médias sociaux sont devenus un passage obligatoire à l’expression émotionnelle
des internautes, ils ne seront pas la solution à tout événement. Il ne faut pas voir les
médias sociaux comme l’élément salvateur pour chaque communication de crise.
Beaucoup d’entreprises font l’amalgame sans prendre en considération leur utilité.
D’autres solutions plus adaptées peuvent exister, ces dernières pouvant même s’intégrer
en complémentarité.

3.3 Les espaces dédiés M


SI
Les espaces dédiés sont des technologies développées et déployées par l’entreprise. Ils
AS

sont bâtis afin de répondre à des besoins spécifiques que les technologies des sites
généralistes, comme Facebook, ne peuvent permettre. Ils permettent à l’entreprise de
répondre à un besoin précis qui s’étale dans le temps. Ils sont généralement adaptés à
BY

des crises structurelles.


Généralement, ces types de plateformes sont déployés lors de crises extrêmement
graves. Elles nécessitent certains coûts de production mais ont pour objectif de
centraliser l’ensemble des conversations en un seul espace qui sera maîtrisé par
l’entreprise.
Ces espaces dédiés peuvent reprendre des technologies déjà existantes telles que :
Les Q et A : Les Questions & Réponses sont une plateforme où l’internaute peut poser
une question et d’autres lui répondre. L’objectif est avant tout de valoriser la meilleure
réponse parmi celles qui ont été proposées. Elles sont une sorte de forum avancé, où la
discussion est fortement orientée vers la forme interrogative et donc l’entraide.
Les DiggLikes : Les DiggLikes sont des plateformes basées sur le principe du célèbre
site Digg. Ils servent par exemple à ce qu’une communauté soulève et mettent en valeur
des questionnements (organisationnelles, techniques, etc.), et propose des solutions à
des problématiques précises.
Les forums : Les forums existaient bien avant les médias sociaux et sont, avec le mail,
l’une des premières formes du Web social. Ils peuvent être intéressants d’être déployés
car ces canaux permettent un échange autour d’une idée précise, mélangeant des
intervenants faisant autorité (ingénieur) ou des consommateurs apportant leur vision.
Ces espaces sont encore fortement utilisés et il ne faut pas négliger leur potentiel viral,
voire en déployer pour son propre usage.
Un forum a la particularité de disposer de modérateurs qui pourront aider à contenir le
bruit pour peu que l’on entre en discussion avec ces derniers et que l’on explique
clairement ses intentions.

Étude de cas :

En 2005 Jeff Jarvis, blogueur influent, écrit une note sur son blog
pour se plaindre du service consommateur de Dell.
Au-delà du simple billet, ce sont des centaines de commentaires ou
autres récits qui viennent agrémenter ou faire écho a ce billet. Une
véritable révolte s’instaure sous le terme de « Dell Hell » et embrase
la toile : les consommateurs expriment leur agacement. Cette fronde
sera reprise par de nombreux médias en ligne, comme FastCompany
ou Zdnet.
M
SI
Face à ce flot de commentaires, Dell amorce de profondes
mutations, en interne, mais décide de mettre en place un espace
AS

dédié afin de faire participer les consommateurs, à la manière d’une


boite à idée virtuelle.
BY

En février 2007, la société annonce le lancement de l’Idea Storm


« comme un moyen de parler directement à nos clients ». Les
consommateurs sont invités à proposer des solutions, et à voter
pour celles leur paraissent les plus significatives. De son côté, Dell
s’engage à les appliquer dans la limite du raisonnable (par exemple,
l’une des propositions plébiscitées était de déplacer l’administration
sur la lune).
En mai 2012, le site comptabilisait plus de 17.000 idées reçues, plus
de 700.000 votes et 95.000 commentaires. Dell pour sa part a mis
en application, toujours à cette date, plus de 700 idées. Il faut
évidemment souligner que Dell est une très grosse entreprise et que
par conséquent ces chiffres doivent être remis à une certaine
échelle. Cependant, il s’agit réellement d’un véritable succès.
Toujours en 2012, le site amorçait une nouvelle version afin de
prolonger son expérience utilisateur. La technologie repose une fois
de plus sur des logiciels Saleforce.
En utilisant des médias sociaux généralistes, le géant des
ordinateurs portables n’aurait sans nul doute pas réussi à proposer
ce type de service participatif, Facebook ou Twitter ne permettant
pas de filtrer efficacement les contenus selon leur popularité.
En déployant cette solution adaptée, Dell a ainsi amélioré son image
et ses processus fonctionnels. Il a par la suite invité le blogueur
influent Jeff Jarvis à venir faire état des modifications opérées en
interne, ce dernier publiant alors une note plus élogieuse (rapport à
l’influenceur).

3.4 Les blogs


Apparus au milieu des années 90, les blogs ont longtemps été considérés comme des
journaux intimes en ligne à vocation personnelle. Ils ont pourtant largement dépassé ce
simple rôle, et ce depuis de nombreuses années. Professionnels, ils offrent une tribune
pour améliorer l’image de l’entreprise au travers du regard d’une personne faisant
autorité (comme le président ou un ingénieur).
Il est intéressant de voir à quel point il se créer un paradoxe entre la perception de
l’outil et son utilité. Par exemple, dans une étude parue sur le site emarketer, de
M
nombreux professionnels témoignent d’une perte d’appétence pour le blog alors que
SI
dans cette même étude ils reconnaissent pourtant son fort potentiel.
AS

En outre, il est amusant de constater que les meilleurs succès s’opèrent avec les vieux
outils. Les blogs peuvent être particulièrement adaptés aux solutions de crise lourde car
ils permettent de tenir un « journal » des dispositions prises et de leur évolution.
BY

En ce sens, les blogs peuvent être une solution mais ne sauraient être la solution.
Lorsque l’on observe bien leur évolution sur le sujet, il est clair qu’un dirigeant ne
s’épanchera pas des années sur un événement, et qu’il y mettra probablement fin
quelques semaines ou mois après la résolution des problèmes.
Sur le long terme, il est de ce fait préférable de faire venir l’information de la base vers
le haut, plutôt que l’inverse.
En communication de crise, ils permettent d’affranchir les barrières hiérarchiques en
confrontant une personne faisant autorité avec les consommateurs. Ces derniers
pouvant exprimer pleinement leur point de vue au travers des commentaires.
Les blogs vont crée des contenus sur des mots clés spécifiques qui pourraient faire
ressortir de vieilles affaires. Nous conseillons donc de mettre un blog en place afin
d’accompagner la crise, si cette dernière dure, mais d’y mettre un terme une fois tout
ceci terminer. D’une part, il y a peu de chance que le lectorat suive, ce seront par
conséquent des efforts mis en place qui ne serviraient pas à grand-chose. D’autre part,
un site internet dédié aux nouveaux processus nous apparaît comme plus pertinents car
cela sort du cadre de la crise.
Les blogs permettent également d’échanger en commentaire avec des internautes, de
leur répondre sur des thématiques nébuleuses ou sulfureuses.
Exemple : en avril 2008, Lessieur essuie une grave crise. Le Canard Enchaîné,
hebdomadaire français, révèle qu’une part importe d’huile végétale achetée à un
fournisseur Urkrainien est en fait de l’huile minérale fabriquée à partir d’hydro carbure.
Les blogs et les forums reprennent l’affaire, et Lessieur lance un blog de crise
www.lesieur-info.fr dont les publications se sont terminées en 2010, soit deux ans après
la crise mais faisant suite à une très faible publication (deux à trois posts par an à partir
de 2009).

3.5 Les sites corporatifs


Obnubilées par la frénésie des médias sociaux, de nombreuses entreprises oublient
d’utiliser leur meilleur atout pour informer leurs consommateurs : leur site
institutionnel. Le premier réflexe de nombreux internautes pour comprendre les
événements ne sera pas d’aller sur la page Facebook ou sur le compte Twitter de la
société, mais bien de se renseigner directement au travers de Google.
Les sites institutionnels sont trop peu utilisés pour répondre à une crise alors qu’ils sont
M
idéaux pour diffuser un message, pour expliquer des faits et présenter des preuves. Ces
SI
outils sont représentent espaces faisant référence dans la perception que les internautes
ont des marques, ils les représentent. Ces vitrines étant maîtrisées mais également plus
AS

malléables, elles offrent en outre une meilleure marche de manœuvre que les médias
sociaux.
BY

L’entreprise pourra, si elle le juge nécessaire, ouvrir un espace particulier sur on site
corporatif afin d’entrer en contact et de communiquer auprès d’un large public. Cela est
d’autant plus vrai lorsque la crise a débuté dans le réel et s’est propagé sur le virtuel.
Comme nous l’évoquions dans ce chapitre, une majorité d’internautes sont passifs sur
le web. Ils demeurent silencieux et se posent en observateurs cherchant à se faire une
opinion. Ils ne souhaitent que s’informer des événements et vont naturellement aller
sur les moteurs de recherche pour identifier des sources pouvant les leur expliquer. Le
fait que ces acteurs puissent rester muets ne légitime pas le fait que de nombreuses
entreprises ne pensent pas à communiquer auprès de ces derniers.
Néanmoins, dans le cadre d’une erreur de communication, il ne sera évidemment pas
nécessaire de publier une longue note sur son site. À l’inverse, s’il s’agit de quelque
chose de structurel amené à perdurer dans une certaine longueur, l’utilisation du site
vitrine peut s’avérer somme tout important.
Pour l’heure, de nombreuses entreprises oublient, en cas de communication de crise,
d’ouvrir un espace sur cette vitrine, ce qui peut s’avérer préjudiciable.
Partie 4 Quoi ? Typologie des réponses
4.1 Typologie des réponses
À partir des différentes crises que nous avons étudié pour réaliser cet ouvrage, nous
avons déterminé qu’il existe quatre grands types de réponses à une crise sur les médias
sociaux : le dialogue, la modération, le silence et le bruit. Ces réponses interviennent dés
le début des événements, lors de la phase de médiation, et peuvent de ce fait évoluer
selon l’appréciation de la situation lors de l’étape d’analyse.
Par conséquent, nous pouvons observer que les entreprises n’émettent pas qu’un type
de réponse, dans la mesure où une stratégie nécessite souvent des ajustements. Il y a
donc une combinaison de différentes réponses face aux événements, comme par
exemple un silence suivi d’un dialogue.
Ces types de réponses vont déterminer le rapport de force entre l’entreprise et les
internautes. Si lors de la phase de médiation la société peut influencer les événements
car ils sont naissants et ont peu de visibilité, il lui est difficile d’agir lors de la phase
d’organisation.
La transparence et le bruit sont des communications maîtrisées qui s’adaptent
M
fortement à des crises structurelles ou émotionnelles. Il est important ici de ne pas
SI
laisser le bruit s’échapper et de bien démontrer une volonté de changement.
La modération et le silence sont des communications subies, qui peuvent être utilisées
AS

dans certaines crises communicationnelles. Il peut être intéressant de laisser le bruit se


faire et s’étouffer de lui-même si les réactions à très court terme démontrent qu’il n’y a
BY

pas nécessité à agir.


De même, la transparence et le silence sont des communications douces, elles laissent
une grande part aux réactions des internautes. À l’inverse, le bruit et la modération sont
fortes, elles placent l’entreprise au dessus des internautes.
Le dialogue :
Le dialogue est le fait d’ouvrir une discussion avec les internautes suite aux
événements. Il y a une volonté de s’exprimer et de laisser les internautes faire de même.
Cette réaction peut se présenter sous la forme d’une acceptation de la situation et des
conséquences qui y sont inhérentes, sous la forme d’un déni légitime pour mettre un
terme à une rumeur ou sous la forme d’un déni illégitime car en inadéquation avec une
réalité observée. Ce déni illégitime peut avoir pour objectif de tromper sur sa propre
nature ou témoigne d’un fossé entre la réalité de l’entreprise et celle de ses
consommateurs.
Le dialogue peut s’ouvrir sur du court terme, dès lors qu’il met fin aux événements,
mais il peut également se dérouler sur le long terme à partir du moment où le cœur de
métier a été touché et nécessite une communication.
La modération :
La modération est le fait d’enclencher une action dont le but est de supprimer ou
d’empêcher les commentaires des internautes. L’objectif recherché est de stopper le
bruit lié à la crise de manière soudaine en empêchant les espaces occupés par
l’entreprise de devenir un lieu de protestation. Cependant, il faut bien prendre en
considération que la modération ne peut se faire que sur des espaces maîtrisés.
La modération laisse la communication s’échapper et ne permet pas d’imposer sa propre
ligne de conduite. L’entreprise devient dépendante des assauts des consommateurs et
doit donc faire en fonction de ce flot.
Le bruit :
Le bruit est un artifice dont l’objectif est de créer un nouvel événement maîtrisé afin
d’améliorer son image ou de détourner les regards. Il est souvent utilisé en deuxième
réponse, une fois la situation calmée afin de se réapproprier les événements. Dans les
exemples cités dans ce chapitre, le fait de mettre en place une plateforme comme l’a fait
Dell est typiquement un cas de bruit. Plutôt que de faire simplement acte de
transparence, la société a crée un nouvel événement en annonçant une solution
novatrice qui allait servir son image.
M
Plus rarement, le bruit peut servir à couper court à toute forme de crise en détournant
SI
l’attention par quelque chose de plus provoquant. Cette forme est très peu utilisée car
AS

elle comporte un risque d’alimenter encore plus la crise et de servir les détracteurs.
Dans ce cas-ci, le bruit vise avant tout à mettre un terme rapide à un bad buzz, de le
modifier par la force en utilisant des leviers émotionnels.
BY

Il y a de ce fait deux utilisations du bruit qui n’ont pas la même finalité. Sur le court
terme, en matière de première réponse, le bruit a pour vocation d’éteindre rapidement
l’incendie en créant un « contre buzz », à savoir en détournant les regards. Sur le long
terme, en deuxième réponse, il a pour objectif d’attirer l’attention et de se réapproprier
la crise afin d’en tirer des éléments positifs pour son image.
Le silence :
Le silence est le fait d’ignorer les événements naissant en attendant qu’ils se tassent,
d’éviter toute confrontation directe. Cependant, face à une crise naissante, de
nombreuses entreprises sortent de leur silence dès lors qu’elle prend une tout autre
ampleur.
Le silence sur du long terme n’est pas très courant pour deux raisons. De nombreuses
entreprises disposent d’espaces sur les médias sociaux et les internautes ont une forte
propension à envahir les espaces des marques pour s’exprimer. Il devient difficile alors
de les ignorer et de continuer à diffuser des informations qui seraient prises à parti, les
commentaires négatifs apparaissant sur des contenus entrant dans le contexte.
Une des autres raisons du silence peut être liée à l’apparition d’une crise plus
conséquente qui viendrait vampiriser l’impact négatif en détournant les conversations.
La marque n’a pas eu ou n’a pas souhaité réagir et les événements se sont très
rapidement éteints.

Étude de cas :

En 2011, l’agence de communication Fred&Farid subit les foudres de


sa profession lorsqu’il est découvert qu’elle usait de pratiques peu
éthiques sur la toile, notamment en gonflant artificiellement par
l’achat de followers sa communauté sur le site Twitter.
Plutôt que de chercher à s’expliquer, l’agence a demandé, en privé, à
ses employés ainsi qu’à certains contacts de mettre en ligne des
photographies de doigts d’honneurs, ce que l’on a appelé « finger
war ». Le résultat a été intéressant, car en faisant état de leur
émotion, les internautes participant à la crise ont été frappés de
cette réponse inattendue et se sont concentrés sur cette action, la
commentant, et pour certains, y participant.

M
Il faut comprendre que Fred&Farid a toujours entretenu une image
de « mauvais garçon », et que ce doigt d’honneur adressé à ses
SI
détracteurs correspondait à leur image de marque. Ce fut donc une
AS

véritable réussite, car son bruit a permis d’occulter la crise.


BY

4.2 Solution privilégiée


Face au flot de critiques, l’entreprise pourrait réagir instinctivement en clôturant, en
supprimant ou en ignorant les commentaires des internautes. Il est évident que ces
solutions ne sont pas celles que nous préconisons. Du point de vue de l’entreprise, cela
risque de la placer en situation de faiblesse. Lors de la phase de résolution, elle s’expose
à une perte d’influence sur les événements.
La modération injustifiée ou encore le silence, sont de ce fait des réponses à éviter car
elles représentent un aveu tacite des faits. L’entreprise risque notamment de créer un
fossé avec les internautes qu’il sera de plus en plus difficile à combler. Si la crise prend
par la suite de l’ampleur, l’attitude méprisante de la société peut réduire son champ
d’action car son image aura été écornée. Penser qu’une situation se calmera peut
s’avérer véridique, mais ce serait ignorer l’image qui pourrait se dégager et perdurer,
mais surtout prendre un risque que la situation devienne hors de contrôle là où le
dialogue aurait pu apporter une solution efficace et rapide. Il faut de ce fait se placer
sous l’angle des internautes.
Du point de vu utilisateur, la modération n’apparaît pas comme éthique. Elle créer un
sentiment de frustration du fait de ne pouvoir s’exprimer. Les internautes vont devenir
plus virulents, et risquent de s’attaquer à d’autres espaces que l’entreprise ne pourrait
modérer, comme sur Twitter par exemple. La modération canalise les rancunes car le
fait que les consommateurs ne soient pas autorisés à partager leurs émotions créer une
envie de crier plus fort.
Il existe notamment deux types de modération. Soit l’entreprise empêche
automatiquement tous les commentaires, ce qui risque de pousser les internautes à
créer d’autres espaces pour se faire entendre. Soit l’entreprise modère manuellement
selon le type de message, et elle s’expose aux limites temporelles imposées par les
heures de travail. Le ou les animateurs de communauté devant à un moment donné
dormir, ou prendre congé, l’espace serait alors hors de contrôle durant une courte
période suffisamment préjudiciable.
Dans son livre « Réussir son blog professionnel », Thomas Parisot évoque les déboires
du site TF1 News. Un employé de la chaine de télévision avait envoyé un courriel, en son
nom propre, à son député pour évoquer sa désapprobation quant au projet Hadopi. Son
licenciement par TF1 suite à sa prise de position personnelle avait alors suscité une vive
émotion. La chaine a communiqué sur son site des explications, subissant de nombreux
commentaires négatifs. Préférant supprimer manuellement ces derniers, TF1 News s’est
exposé aux limites temporelles. Dès lors que le modérateur avait fini sa journée, nous
M
pouvions assister à des pics de commentaire négatifs. PCInpact.com a schématisé ce
SI
phénomène qui témoigne des risques encourus.
AS

Le silence est un dédain affiché, notamment si l’entreprise continue de communiquer.


C’est ignorer les internautes, ne pas les considérer. Ils risquent donc de faire également
plus de bruit afin d’être entendus. Malheureusement, la tension est quelquefois si forte
BY

qu’il vaut mieux attendre avant de prendre la parole. Ainsi, chaque mot prononcé par
l’entreprise pourra être un tremplin pour justifier des plaintes et relancer des critiques.
Dans de rares occasions, il est ainsi préférable de ne pas chercher à se mettre à
découvert. La devise de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe « The less is more » (le
moins est plus) peut de ce fait être une stratégie payante. En attendant que le temps soit
plus clément, l’organisation doit rassembler ses forces vives et élaborer un plan de
communication pour répondre efficacement. La préparation est primordiale pour éviter
d’envenimer les choses. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut rester les bras croisés
en attendant que sa page Facebook se transforme en « no Man’s land ».
Ce que nous préconisons est d’ouvrir un dialogue. Cela va s’avérer salvateur car il
permet à l’entreprise de maîtriser son discours, de garder une certaine influence.
Cependant, un dialogue doit être transparent, il ne doit pas occulter certains faits ni
même chercher à les manipuler à son avantage.
Sur les médias sociaux, une société pourra difficilement tromper les internautes. Il ne
faut pas oublier que les faits sont toujours vérifiables ou que le détournement d’une
réalité (truquer des photos par exemple) serait un trop grand risque au motif que des
professionnels pourraient faire partie des individus mécontents. Face à un fait évoqué,
l’entreprise va soit démontrer son caractère faux, si c’est le cas, en apportant des
preuves, soit reconnaître ses erreurs et s’engager à mettre en place des actions
vérifiables.
L’objectif sur les médias sociaux n’est pas d’imposer sa propre vision des événements,
mais bien de répondre aux interrogations des internautes. Ainsi, le dialogue s’inscrit
dans une logique d’échanges, c’est pourquoi il est souvent la solution la plus
recommandée car il a pour but d’asseoir des faits vérifiés et vérifiables. Il doit prendre
en considération les commentaires exprimés afin de répondre de manière cohérente.
Les internautes doivent être mis en avant, il ne faut pas les dénigrer mais au contraire
les solliciter.
En 2009, des employés de Domino’s Pizza se filment en train de jouer avec la nourriture
qu’ils vont servir aux clients. La marque a immédiatement réagi, d’abord en licenciant
les fautifs et en portant plainte, ceci accompagné d’un communiqué expliquant qu’ils
n’étaient pas représentatifs des autres salariés.
Puis dans un second temps, le directeur général, Patrick Doyle, dans une vidéo sur
Youtube, a présenté non seulement des excuses, mais il a également remercié les
internautes pour leur vigilance, jouant implicitement sur leur égo.
M
SI
4.3 Interview de Stéphane Puchois
Co-fondateur associé du cabinet conseil The Persuaders
AS

En quoi les médias sociaux ont ils changé la stratégie de communication de


crise ?
BY

La vitesse de contagion change la donne, les médias sociaux sont un accélérateur et un


catalyseur lors des crises, qu’elles soient nées sur Internet ou offline. Dans la très
grande majorité des cas, les grandes entreprises imaginent que la gestion de crise sur
les médias sociaux doit être traitée par les équipes en charge du community
management ou en charge des dispositifs digitaux (communication ou marketing) ce
qui est évidemment une erreur : les processus de gestion de crise existent, les
workflows décisionnels existent, il est nécessaire d’y intégrer un nouvel espace
monitoré et sous gouvernance : Internet. Nous distinguons quatre niveaux de crises
possibles médias sociaux : les fails, les bad buzz, les crises et l’actualité subie.

Les entreprises se trouvent-elles souvent dépourvues lorsqu’une crise


éclate ?
La majorité des crises possibles sont déjà identifiées par les entreprises pour les avoir
déjà vécu la plupart du temps, ce qui est nouveau c’est plus l’amplification et la
visibilité de la crise pour le plus grand nombre, le Web social agit comme une caisse de
résonance. Ce qui fait qu’elles ne réagissent pas assez vite est assez simple à expliquer :
les équipes en charge du digital sont malheureusement très rarement intégrées aux
processus de gestion de crise, ces processus étant construit sur d’autres réflexes et sous
d’autres autorités hiérarchiques et sont trop rarement remis en cause. Pour éviter les
dissonances dans la prise de parole (et les conflits de compétences) il convient de ne
pas réinventer des processus ou de paralléliser des procédures spécifiques mais de
construire sur les processus existant et de les élargir pour prendre en compte les
espaces conversationnels.

Comment réagir lorsque les premiers balbutiements sont identifiés ? Doit


on les ignorer ou au contraire les prendre tous au sérieux ?
La qualification des risques potentiels est à traiter bien avant d’être en position de
devoir se poser la question : « on répond ou on ignore ? ». Mizaru, Kikazaru et Iwazaru
les 3 petits singes de la sagesse ont fait des émules dans les entreprises et selon les
Japonais du XIVe siècle « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire : à celui qui suit
cette maxime, il n’arrivera jamais rien ». Cela ne colle plus avec les usages de notre
époque, la clarté et la transparence sont des valeurs de l’internaute. Si une marque
utilise les espaces sociaux pour entrer en contact avec des prospects et des clients, elle
se doit de répondre lorsqu’elle est mise en cause sur ces mêmes supports. On doit
toujours considérer un client qui s’exprime, même s’il est seul, il nous a accordé sa
M
confiance en achetant un produit ou en utilisant un service de l’entreprise donc on doit
lui répondre. N’oublions pas que c’est lui qui paye les salaires et qui fait que
SI
l’entreprise existe.
AS

Existe t-il des signaux indiquant que les critiques sont susceptibles de se
transformer en une crise ? Comment les repérer ?
BY

Une crise pour une entreprise n’est pas forcément une crise pour une autre, une
centaine de citations négatives pour un opérateur téléphonique n’ont pas le même
poids qu’une centaine de citations négatives pour une entreprise de l’industrie
pharmaceutique par exemple. Là aussi il faut définir ce qui est une crise et définir des
seuils et des indicateurs en fonction du risque pour l’entreprise. C’est en écoutant la
teneur des citations autour des univers de la marque que l’on a la possibilité d’activer
une cellule interne de gestion de crise. Mais sur les médias sociaux, très souvent c’est
une crise qui est déjà engagé dans le monde réel qui se répand, l’anticipation de la
propagation sur ce support devrait déclencher une annonce proactive par les marques
mais c’est très rarement le cas, les communicants ayant horreur du négatif.

Quelle attitude est selon vous la plus adaptée pour répondre à une crise ?
Il faut assumer, si c’est une erreur de la marque elle sortira grandit si elle s’explique ou
s’excuse, si c’est une cause exogène (conjoncturelle, concurrentielle ou autres) et/ou
que ce n’est pas du fait de la marque, il est utile de le faire savoir et d’assumer ses
positions. Dans tous les cas il faut expliquer le « pourquoi » et si c’est du fait de
l’entreprise, annoncer des actions correctives. Les marques ont un droit de réponse, les
internautes veulent l’entendre et il faut l’utiliser. Il est extrêmement compliqué de ne
pas répondre et de vouloir continuer à communiquer avec la même posture que celle
adoptée avant la crise, les internautes continueront à demander des réponses. Winston
Churchill a dit « la responsabilité est le prix à payer du succès ». Si vous êtes mis en
cause il faut assumer ses responsabilités et entrer dans la conversation.

Quelle réponse vous apparaît comme la plus pertinente ?


Traiter ses clients avec empathie et comprendre leurs demandes. Revenir aux
fondamentaux du commerce ; un petit commerçant fera tout pour satisfaire un client
mécontent et éviter un mauvais bouche-à-oreille. Suivez son exemple, rien de plus.

M
SI
AS
BY
Chapitre 4
Place et rôle du community manager
Depuis quelques années, nous assistons à une effervescence des médias pour la
fonction de « community manager » (ou animateur de communauté), qui est une
mutation du rôle de « modérateur » apparu aux débuts de l’Internet sur les forums. Ce
métier est plébiscité par de plus en plus d’entreprises car il est devenu un élément
essentiel à la bonne conduite d’actions de communications sur les médias sociaux,
notamment en période de crise.
En 2010, l’APEC a reconnu officiellement le métier de community manager et a tenté de
délimiter ses champs d’action : « Le community manager (animateur de communautés
web) a pour mission de fédérer les internautes via les plateformes Internet autour de
pôles d’intérêts communs (marque, produits, valeurs...), d’animer et de faire respecter
les règles éthiques de la communauté. Il apporte de l’information aux membres de la
communauté et fait produire du contenu par les internautes de manière à développer la

M
présence de la marque de l’entreprise sur Internet » (http://bit.ly/OYzy7V).
Malgré cette tentative de délimitation, les missions des animateurs de communauté
SI
sont très variées. Il s’agit encore d’un métier qui peine à se délimiter car nouveau. Il
AS

persiste donc un flou quant à aux véritables fonctions de cette profession : comme le
soulignent les experts, il y a autant de community managers que de formes de
community management. Idéalement, le profil de ce professionnel implique d’être
BY

réactif, curieux et doté d’une certaine empathie.


Lors d’une crise, ce sont les animateurs de communauté qui représenteront l’entreprise
et seront directement confronté aux internautes. Ils doivent de ce fait avoir appréhendé
la philosophie de la marque qu’ils représentent ainsi que la culture de la communauté
qu’ils animent. En ce sens, il est avant tout un traducteur qui va transformer un
message corporatif en un discours adapté et inversement : il relaye à l’externe les
actualités internes, et fait remonter les plaintes et critiques externes au sein de
l’entreprise. Le community manager doit également rester fidèle et cohérent au
positionnement décidé par la société et à l’homogénéité de sa communication, en ligne
et hors ligne.

Partie 1 Exemples positifs


1.1 Étude de cas : Tanguy Bouygues Telecom
Une communication de crise, si elle est menée avec un certain succès, peut mettre en
lumière le rôle du community manager. Un très bon exemple est le cas de Tanguy, le
responsable web de Bouygues Telecom qui a géré la crise inhérente au lancement de
Free Mobile évoquée dans le chapitre 2.
Lorsque les événements se sont déroulés, Tanguy, ainsi que son équipe, ont
parfaitement absorbé les critiques et ont su être suffisamment réactif pour ne pas
sombrer dans le flot de publications. Lors d’une interview donnée à Gregory Pouy,
Tanguy explique ainsi qu’il a dû faire face à un afflux majeur de commentaires : la page
Facebook de Bouygues Telecom est passée d’une moyenne d’une centaine de messages
par jour à plus de 5.000 lors des événements (http://bit.ly/SV5e8P).
La société a été le seul des trois opérateurs à laisser les internautes s’exprimer durant
toute la crise. Le ton des réponses du community manager a également beaucoup joué.
Tanguy a utilisé l’humour pour répondre aux clients, signant ses messages de son
prénom pour créer une certaines proximité (il s’exprimait auparavant au nom de la page
de Bouygues Telecom). La personnalité de l’animateur joue indéniablement dans la
perception de la transparence d’une marque sur les médias sociaux. Ce rapport aux
autres a trouvé ici un parallélisme cohérent avec le positionnement de l’entreprise.

M
SI
AS
BY

Au final quand le community manager sait répondre aux demandes et combler les
attentes, il reçoit souvent une forme de compensation, voire de récompense. Dans ce
cas, Tanguy a eu des pages Facebook à son effigie suite aux événements. Une sorte de
remerciement pour avoir géré avec succès une étape difficile. Le fait est que les gens ont
beaucoup plus d’estime pour un community manager qui sort la marque d’une situation
délicate que pour un de ses pairs qui ne rencontre aucune difficulté. « La véritable
grandeur d’un homme ne se mesure pas à des moments où il est à son aise, mais
lorsqu’il traverse une période de controverses et de défis » disait Martin Luther King.
Cette épreuve qu’il a traversée avec et contre certains internautes représente ainsi un
gage de respect et de crédibilité.
Dans l’interview accordée à Gregory Pouy (http://bit.ly/OGVvGZ), Tanguy analyse ce
M
qui a été la force de la stratégie de réponse, à savoir la réactivité. Pour lui, le community
SI
manager doit très bien connaître son sujet, savoir de quoi il parle, connaître son
entreprise par cœur, et avoir accès à des niveaux de validation très élevés quand il se
AS

trouve en situation de crise.


Cette démarche ne peut selon lui se faire que lorsque l’équipe est intégrée à l’entreprise.
BY

En effet, un débat existe entre les professionnels quant à savoir si un community


manager doit être internalisé ou externalisé. Théoriquement, il est fortement conseillé
d’internaliser son community management, mais dans les faits, toutes les sociétés n’ont
pas forcément le budget nécessaire ou les ressources internes. L’essentiel, c’est que le
community manager doit pouvoir obtenir rapidement des réponses des décideurs pour
être réactif et s’adapter au mieux à la situation de crise. En outre, il doit être acclimaté à
l’atmosphère de l’entreprise afin de véhiculer naturellement les valeurs défendues par
celle-ci.
Tanguy explique également que pour connaître une entreprise par cœur, porter ses
valeurs, les comprendre et les exprimer clairement, il faut être là depuis longtemps. Il
faut une connaissance et un attachement à l’entreprise. Cette personne n’est pas
nécessairement une personne du marketing, en ce sens elle peut simplement être aux
côtés de l’animateur de communauté pour l’aider dans l’application de réponses
cohérentes.
Il est évident que pour avoir travailler plus de 15 ans pour Bouygues Telecom, Tanguy a
été le plus apte à répondre efficacement aux demandes des internautes tout en gardant
une cohérence entre les attentes et la ligne éditoriale de l’entreprise qu’il représentait.
Étant parfaitement intégré au sein de la société, il a pu avoir des contacts directs avec
des décideurs et prendre des décisions cruciales très rapidement. Un laissez-passer qui
lui a conféré une marge de manœuvre confortable afin d’être extrêmement réactif et
force de proposition.
Retenons également que les émotions les plus simples sont souvent celles qui ont le
plus d’impact. « La simplicité est la sophistication suprême » a annoncé Léonard de
Vinci. En effet, les internautes apprécient préfèrent souvent la personnalité
sympathique et la réactivité du community manager à sa faculté à s’exprimer par un
argumentaire pertinent.

1.2 Interview de Loïc Chauveau


Directeur Social Media chez Marcel (Publicis)

Quelle est la responsabilité du community manager en tant de crise ?


Le Community Manager a différents rôles en temps de crise : un rôle de veille d’une
part, car c’est à lui qu’incombe en partie l’écoute des conversations qui entourent la
marque sur les médias sociaux, en particulier sur les espaces officiels de la marque. Il

M
fait donc partie de ceux qui doivent, au besoin, remonter des conversations négatives
entourant la marque, ses services ou ses produits, sa gestion RH, etc.
SI
Dans un second temps, le Community Manager a un rôle clef, puisque c’est lui qui va
AS

devoir apporter une réponse aux attaques que subit la marque : une réponse qui devra
être drivée par les équipes les plus à même de l’apporter côté marque (juridique ? RH ?
Conformité produit ?), mais qui devra obligatoirement être retravaillée, modelée par le
BY

« CM » afin que la manière d’apporter cette réponse ne soit pas en totale rupture avec
la ligne éditoriale observée d’habitude, ce qui pourrait provoquer des retours négatifs.
Un rôle de monitoring, enfin, pour remonter, classifier, et identifier les verbatims clefs
qui feront suite à cette prise de parole, afin de nourrir l’équipe gérant la crise.

Quelles devraient être les premières réactions / actions du community


manager venant de repérer un commentaire acerbe et dérangeant ?
Un Community Manager, à mon sens, ne doit jamais travailler seul, être laissé en roue
libre sur des espaces aussi importants pour une marque. Il doit être encadré au
quotidien par une personne senior, ayant un minimum de recul, d’expérience dans la
gestion de crise. Un Social Media Strategist ou un Head of Social Media a qui il
remontera le verbatim marquant, et avec qui du coup il décidera des actions à mener,
en concertation avec la marque bien entendu.
Mais une chose est sûre : en cas de crise, le sang-froid est d’or. Il ne faut jamais réagir
tout de suite, prendre tout le temps de l’analyse, de la réflexion, le temps de trouver les
bons mots, la bonne tournure, sous peine de louper son coup.
Afin de penser la marque et répondre efficacement aux grondements, avec
qui le community manager doit-il s’associer ? Quels sont les autres acteurs
de la gestion de crise ?
Globalement, côté agence, le tryptique idéal est constitué d’un social media strategist,
d’un community manager, et de la personne en charge de la marque au niveau
commercial (Directeur Conseil / Directeur Associé).

Vers quelles actions les efforts du community manager doivent-elle tendre


après avoir subi une crise ou un bad-buzz ?
J’aurais tendance à dire qu’il faut tendre en frontal vers une « non-action », ralentir le
rythme des publications voir les stopper, se faire discret afin d’éviter de donner des
occasions de taper sur la marque. Laisser en quelque sorte le souffle retomber. En
coulisse, le CM et le social media strategist ont tout intérêt à effectuer un monitoring
très important, analyser chaque conversation, message, article de blog posté, etc. Car
parfois, une crise peut reprendre de plus belle, et il faut donc être prêt à réagir.

Quelles seraient les meilleures qualités et compétences d’un community


manager pour faire face à une crise sur les médias sociaux ?
M
L’expérience, sans conteste. Les profils juniors ont bien souvent tendance à réagir à
SI
chaud, ils n’ont pas encore cette capacité à prendre du recul, de la hauteur. Une très
bonne connaissance de sa communauté ensuite, et donc une présence sur la marque
AS

assez ancienne, afin de bien comprendre la manière dont cette communauté vit, réagit,
échange. C’est à ce prix qu’il trouvera les bons mots, les bonnes tournures de phrases,
BY

qui permettront de désamorcer la situation efficacement.

Quels outils peuvent permettre aux community manager de surveiller de


près la réputation numérique de l’entreprise ?
À date, peu d’outils existent, et c’est bien dommage. Beaucoup d’outils existent pour
écouter le Web, de manière globale, mais presque aucun outil n’existe pour écouter
tout ce qui se raconte sur Facebook par exemple. Alors que, malgré la récente
« trendysation » de twitter, ça reste le support hébergeant le plus de conversations.

Quel cas de gestion de crise vous a-t-il le plus marqué ? Quel rôle le
community manager y a-t-il joué ?
La plus belle gestion de crise qui ait existé est pour moi celle de Domino’s Pizza.
L’entreprise était attaquée de toutes parts sur le Web, tous les internautes
s’accordaient à dire que leurs produits étaient immangeables. Les patrons de la firme
ont fait amende honorable, ont reconnu leurs lacunes dans une vidéo publiée sur
YouTube, ont appelé les internautes (qui s’étaient tant déchaînés à les attaquer) à les
aider à refaire de leur marque une référence en terme de pizza. Ils ont réussi à
transformer un engagement destructeur en un engagement utile pour la marque.
Partie 2 Éviter certains pièges
2.1 Le community manager est avant tout humain
Face à la déferlante de questions, urgences, insultes ou félicitations, il n’est pas toujours
évident de répondre à toutes les sollicitations en temps de crise. Toutefois, les
internautes associent indubitablement l’entreprise au community manager, peut
importe s’il est responsable de la faute qui a tout déclenché. Il ne doit pas prendre pour
soit les critiques, quand bien même les internautes s’adressent directement à lui : il
n’est qu’un avatar de la marque.
Durant ces moments de stress, la pression peut jouer des tours et la patience peut
parfois faire défaut. Le community manager est alors susceptible de se sentir acculé et
de succomber à ses sentiments.
C’est là tout le paradoxe : il doit sans cesse chercher à provoquer l’émotion chez les
internautes mais ne pas se laisser provoquer par elle. Ce constat met en lumière une
ambivalence constante entre le contrôle et l’ouverture aux autres. L’idée est donc de ne

M
jamais répondre sur le coup d’une émotion, de prendre du recul afin de se détacher
d’une situation. Les maladresses ou faux pas peuvent très vite arriver, et il est souvent
SI
trop tard pour faire machine arrière. Il est de ce fait généralement recommandé
AS

d’accompagner le community manager lors d’une crise, en l’entourant de personnes qui


vont le soutenir dans ses actions communicationnelles, mais également
émotionnellement.
BY

Afin de se protéger lors d’événements impromptus, il peut en amont rédiger une charte
à l’intention des membres de sa communauté afin d’établir des règles de bonne
conduite. Ces indications peuvent constituer un allié de poids lors d’échanges
tumultueux, car le community manager pourra ainsi légitimer ses actions. Car plus les
raisons de ses actes sont obscures et plus les internautes auront de raisons de se
montrer incisifs. Attention cependant à ne pas rédiger un document qui pourrait
apparaître comme de la censure. Son écriture ne doit pas se borner à une liste
d’interdits, mais bien initier, en abordant par exemple la thématique du respect d’autrui,
à savoir de l’entreprise mais également des autres membres de la communauté.

2.2 L’enjeu du biais de confirmation


Le média Internet est le miroir et le réceptacle de la plupart des croyances populaires,
stéréotypes et autres préjugés. Chaque marque doit donc vivre avec l’étiquette dont son
historique l’a affublé. Car l’entreprise a un passé, un présent et un futur. Et comme le
soulignait l’illustre Winston Churchill, « un peuple qui oublie son passé se condamne à
le revivre ». En ce sens, même si les faits reprochés peuvent ne jamais avoir été vérifiés,
les internautes retiennent ce qui est dit, ce qui est partagé, ce qui est exposé par les
médias. La marque doit donc faire de même, étouffer les faux semblants et apprendre de
ses erreurs.
En plus de l’exposition de l’entreprise, le community manager doit également faire face
à des ennemis plus insidieux. Des mécanismes archaïques de l’être humain. Le « biais
de confirmation » (terme inventé par le psychologue britannique Peter Wason) est ainsi
à la fois un réflexe qui peut servir ou desservir la cause de l’entreprise. Cette théorie
stipule que la croyance en des valeurs nous force à chercher et trouver d’autres
éléments qui convergent en ce sens. Les internautes émettent donc des hypothèses sur
les produits, services de la marque à partir de leurs croyances sociales. Et si ces
« connaissances » ne jouent pas en faveur de la société, alors les a priori viendront
appuyer ce constat.
Concrètement, si un internaute a eu des échos négatifs à propos d’un aspect précis de la
marque, il fera plus attentions aux détails parvenant à la même conclusion. D’autre part,
s’il trouve la communication d’une entreprise trop rigide ou distante, il sera plus
réceptif aux détails lui montrant qu’il a raison. C’est précisément pour cela que
l’animateur de communauté doit animer efficacement les plateformes sur lesquelles il
communique. Se montrer sous son meilleur jour, en adoptant un ton adapté ou en
améliorant des aspects conspués, contribue à véhiculer une image positive. C’est
pourquoi la communication du community manager peut faire déchanter les plus
réticents, et conforter les plus aimants. M
SI
Prenons une expérience simple pour démontrer ce constat. Des sujets dits « naïfs »
AS

doivent appeler des inconnus. Nous leur montrons une photo de la personne qu’ils vont
contacter juste avant l’appel. Si la photo présente une belle femme, les hommes
prennent une voix suave et adoptent une attitude agréable, disponible et reçoivent des
BY

feedbacks positifs. Même constant avec les femmes qui contactent un bel homme. Les
sujets pensent « non seulement cette personne est belle, mais en plus elle est
sympathique ». À contrario, avec la photo d’une personne disgracieuse, les sujets vont
adopter un ton distant et nonchalant qui va générer des retours plutôt négatifs. Ils
penseront alors « non seulement cette personne est laide, mais en plus elle n’est pas
sympathique ». Cette expérience démontre clairement sue nous agissons couramment
de manière à valider nos hypothèses.
Les internautes peuvent parfois fonctionner de cette façon sur Internet. L’expérience
avec l’entreprise, l’avis de tiers ou même une rumeur impliquant la marque constituent
un postulat de base sur lequel va se greffer tout un tas d’hypothèses. Qu’elles soient
fondées sur des stéréotypes, des retours de proches ou par une expérience vécue, les
internautes vont tenter inconsciemment de vérifier ces suppositions pour en avoir le
cœur net.
Nous pouvons également supposer que certains internautes fonctionnent selon le
principe du « rasoir d’Ockham » (http://bit.ly/RmMW4F). Ce terme scientifique
inventé par Guillaume d’Occam décrit un principe de parcimonie de la pensée : « quand
on dispose de plusieurs thèses en compétition qui permettent de prédire exactement les
mêmes choses et qu’on ne peut les départager, la plus simple est la meilleure... Jusqu’à
preuve du contraire ». En d’autres termes, les individus choisissent généralement
l’explication la plus simple pour décrire la réalité qu’ils perçoivent, ce qui implique
l’usage de bon nombre de raccourcis sournois et trompeurs envers l’entreprise.

2.3 Éviter la dissonance cognitive


Cet « aveuglement » est en réalité un mécanisme de défense pour éviter la dissonance
cognitive. Ce terme définit par Festinger soutient que l’individu cherche à éviter toute
dissonance (quand un élément implique la négation d’un autre) pour harmoniser son
rapport à l’environnement. L’internaute cherche de ce fait à confirmer des informations
consonantes, afin de se doter de croyances sociales « autoréalisatrices » qui rassurent.
Au final, il sera moins enclin à ouvrir le dialogue si le climat est déjà délétère. Ces actes
visent à légitimer son positionnement.
Néanmoins, la possibilité pour les marques de rentrer en contact direct avec leur
communauté peut permettre d’ébranler ces idées reçues. Le community manager doit
être préparé à ces a priori. Il doit tout faire pour rendre caduque cette théorie et
retourner la situation à son avantage, selon le dicton « un client mécontent est un client
potentiel ». Car si les individus s’attendent à un résultat binaire, le fait qu’il diffère de ce
M
qu’ils attendaient peut créer un impact plus puissant que la simple confirmation d’une
SI
intuition. Si une entreprise parvient à rallier un internaute à sa cause, il sera plus
susceptible d’en parler à son entourage, car il s’agit d’un retournement de situation
AS

marquant pour la personne. Il en parlera certainement en ces termes : « je ne m’y


attendais pas, mais j’ai été agréablement surpris ».
BY

Il est dit souvent qu’un client mécontent est potentiellement un ambassadeur de


qualité. Mais ce n’est pas qu’un mythe. La bonne surprise marque un effet durable et
une volonté de partager cette expérience. À contrario, une mauvaise réaction peut
sceller presque irrémédiablement les chances de reprendre le contrôle de la situation si
l’entreprise ne revient pas vers l’internaute pour lui prouver qu’il a tort. Les internautes
peuvent d’ailleurs prendre parfois un plaisir malsain à pousser la marque dans ses
retranchements et se rallier à d’autres usagers mécontents pour faire pression. Un
phénomène de contagion sociale de masse qui peut procurer un sentiment de
déresponsabilisation et de désinhibition générale : « puisque cette personne a dit ça, je
peux dire ça ». Au final, nul n’est responsable puisque tout le monde est coupable. Un
engrenage crescendo de paliers qui peut produire un éboulement de la stratégie de
l’entreprise. « Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent responsable » expliquait le
poète et écrivain Stanislaw Jerzy Lec.

2.4 Les risques du contexte


Outre le fondement de la crise, le community manager doit également faire face à des
dimensions sociétales peu évidentes à gérer. La question du weekend ou des jours fériés
est un cas d’école qui démontre la vulnérabilité des marques lorsque les crises
interviennent durant des jours particuliers. Les internautes ont des besoins immédiats
et en cas de problèmes majeurs, ils attendent d’obtenir des réponses très rapidement.
Après la catastrophe nucléaire de Foukoushima en 2011, les Français souhaitant revenir
dans l’hexagone ont contacté Air France pour demander des tarifs préférentiels afin de
les aider dans cette étape difficile. Ils ont alors utilisé en masse les médias sociaux pour
contacter le géant de l’aviation. Malheureusement, ils se heurtèrent au silence. La
raison ? Le community manager était en week-end.
Évidemment, cela pose la question de la vigilance 24h24, 7J/7 qui reste presque
impossible pour une entreprise lambda. Si elle en a les moyens, la société peut engager
plusieurs veilleurs à différents moments de la journée afin d’avertir les supérieurs des
événements qui se trament (sans qu’ils s’en aperçoivent). La solution la plus simple est
encore d’utiliser un système de notifications automatique à chaque mention ou
publication sur les supports de communication de la marque. Une alerte par mail sur
son ordinateur ou sur son mobile est ainsi programmée, ce qui peut permettre à
l’animateur de communauté de négocier rapidement les premiers instants d’une crise.
Retenons simplement que les individus sont beaucoup moins tolérants lorsqu’ils ne
reçoivent pas de feedback à leurs sollicitations, surtout durant des moments délicats. Et
peu importe si eux ne travaillent pas le weekend, ils attendent une réponse de la marque
M
dans les plus brefs délais. Il est d’ailleurs vital pour les marques dites « fonctionnelles »
SI
d’informer leurs clients de l’état des produits/services. Une politique spécifique à la
réaction des internautes entre alors en jeu : « Attendre ? Non. Patienter ? Possible.
AS

Savoir ? Toujours. ». Si dans la plupart de ces cas, les plaintes sont isolées et
individuelles, une réponse personnalisée au ton adapté peut très souvent adoucir les
BY

mœurs.

Partie 3 Quand la crise devient ingérable


3.1 Le point de non-retour, le point Godwin
Malgré tous ces recommandations et pièges à éviter, il arrive parfois (rarement) que la
situation devienne tout simplement incontrôlable. Il se peut ainsi que chacune des
actions du community manager envenime la situation en engendrant un retour de
flamme. Dans ces moments, le moindre effort se retourne contre la société et conforte
le positionnement de ses détracteurs.
Comment peut-on en arriver là ?
Cela peut effrayer, mais plus il y a d’émulation et plus les propos deviennent
extrémismes. Le plus souvent, des causes annexes viennent se greffer aux propos. La
religion par exemple s’intègre très souvent dans des débats à la base plus superficiels.
Ce point de non-retour qui sclérose le débat est défini par le point Godwin.
Le point Godwin (créé par Mike Godwin) (http://bit.ly/SQiyjn) pose l’hypothèse selon
laquelle « une discussion qui dure peut amener à remplacer des arguments par des
analogies extrêmes. L’exemple le plus courant consiste à comparer le thème de la
discussion avec une opinion nazie ou à traiter son interlocuteur de nazi ». En effet, les
discussions peuvent arriver à un stade irréversible où le débat originel est enseveli et les
revendications annexes prennent totalement le pas sur le reste. Un dérapage qui peut
vite devenir incontrôlable, car le community manager doit faire face à une situation
explosive. La plateforme de discussion peut alors se transformer en un recueil de débats
religieux et idéologiques, à savoir des domaines où il n’est pas forcément compétent et
légitime pour prendre la parole. La difficulté réside dans le fait que chaque individu a
tendance à vouloir raisonner autrui sur ces thématiques, ce qui supplante totalement la
discussion initiale.

M
Hormis le nazisme, cette loi désigne surtout le fait que des causes universelles comme
le racisme ou la politique peuvent converger dans des discussions animées et devenir un
SI
lieu de débat sensible. L’autre difficulté réside dans le fait que bon nombre de ces
AS

thèmes sont abordés dans un rapport défensif, souvent associé à une illusion de
stigmatisation : « vous n’avez pas traité ma demande car je suis noir ». Mieux vaut
couper court en répondant aux individus sur le fond et pas sur la forme. Un
BY

désamorçage qui peut être périlleux, mais qui prévient de bien des dangers. Comme le
disait si bien le philosophe Friedrich Hölderlin « C’est quand le danger est le plus grand
que le salut est le plus proche ».

3.2 Les sujets tabous et sensibles


De même, certaines problématiques sont très sensibles, et les aborder entraîne la
marque sur un terrain très glissant. La marque de prêt-à-porter Eram a par exemple
connu un « bad buzz » à cause d’une campagne publicitaire autour des familles
recomposées, incluant des parents homosexuels. Il existe des barrières psychologiques
sociétales qui provoquent le scandale. Une communication numérique autour de sujets
sensibles ou tabous doit donc être minutieusement étudiée.
D’où l’importance capitale pour l’entreprise de connaître sa communauté et d’instaurer
une relation de confiance avec elle. Une communauté n’est pas qu’un ensemble de
chiffres, mais un ensemble d’individus singuliers. Par conséquent, il est du devoir du
community manager d’identifier les interlocuteurs privilégiés pouvant être des leaders,
tout en répondant aux sollicitations des internautes qui participent aux échanges. Il faut
se faire des alliés et tenter de rallier à sa cause les prospects.

3.3 Que faire quand tout semble perdu ?


Toutefois même avec cette préparation, les « assaillants » sont parfois trop nombreux.
Dans le cadre d’un bad buzz retentissant ou d’une catastrophe qui amènent à une crise
médiatisée, une avalanche de plaintes irascibles peut déferler sur les supports de
communication de la marque. Dans ce cas, il ne faut surtout pas abandonner ses
espaces. L’entreprise doit se préparer à affronter et à anticiper un maximum les
M
questions, points faibles sur lesquels elle va être mise en défaut. Durant les
SI
événements, la modération prend tout son sens. « Plutôt que de maudire les ténèbres,
allumons une chandelle, si petite soit-elle... » disait le philosophe Chinois Confucius.
AS

Savoir répondre aux sollicitations permet en effet de faire comprendre que l’entreprise
prend ses responsabilités et qu’elle est ouverte au dialogue. Savoir écarter les discours
haineux ou insultants conduit à un rejet d’un débat endémique. Ici, le tri des demandes
BY

est obligatoire pour hiérarchiser le degré d’importance de la requête. Mieux vaut


privilégier les propos argumentés qui acheminent le débat vers l’obtention d’une
solution.
Attention, le community manager ne doit surtout pas supprimer tous les commentaires
qui ne lui plaisent pas. Le politicien Belge Herman Van Rompuy explique ainsi : « nos
problèmes sont surmontables. C’est par étape que nous y parviendrons. L’important est
de maintenir le cap. Le plus grand danger, c’est le repli sur soi qui mène à l’angoisse, à
la paralysie ». Les internautes observent les réactions de l’entreprise, et toute volonté
de censure ou de malhonnêteté générera un regain de reproches. Toutefois, les
commentaires purement malveillants ou les élucubrations de trolls (voir chapitre 3)
peuvent être supprimés. Les internautes savent reconnaître ces messages et ne
tiendront pas rigueur à la société. Tel qu’évoqué dans les points précédents, nous
rappelons qu’il faut toujours veiller à prévenir lorsqu’un message est supprimé en
légitimant son acte.

3.4 Le cas Charlie Hebdo


Le journal satirique Charlie Hebdo a ainsi connu une crise incontrôlable en 2011 après
la publication d’un numéro spécial sur l’Islam. L’hebdomadaire s’est attiré les foudres
de la plupart des musulmans de France qui voyaient à travers cette initiative une
trahison, voire pour certains une déclaration de guerre contre l’Islam. Il s’est également
attiré les remontrances de ceux qui jugeaient comme provocantes de telles attaques sur
un sujet aussi sensible (pour exemple les caricatures de Mahomet en Suède qui valent
aujourd’hui à certains dessinateurs d’être placés encore aujourd’hui sous protection
policière).
Habitués aux débats houleux et mouvementés, le journal n’a ce pendant pas réussi à
contenir les personnes se sentant blessées dans leur foi. Leurs plateformes de
communication se sont trouvées envahies de discussions autour de la religion et de la
liberté d’expression. Par exemple, la page Facebook du journal a été submergée par les
internautes afin d’exprimer une certaine colère, provoquant de vifs entre les différentes
parties. Les défendeurs de la liberté d’expression ont tenté de prendre part au débat,
mais ils ont très vite été débordés, chaque publication suscitant des commentaires plus
ou moins agressifs. Un langage de sourd qui a duré pas moins de 2 semaines,
empêchant le journal de passer à autre chose. Finalement, le réseau social a tout
simplement retiré les droits d’administration au journal, laissant l’espace à l’abandon,
sans modération, sur une certaine période.
M
SI
AS
BY
Chapitre 5
Une culture du Web qui se nourrit des crises
et qui entretient les bad buzz ?
Internet est souvent présenté comme une intelligence collective, une encyclopédie
vivante, catalyseurs de multiples connaissances. Toutefois, le Web est également une
source de divertissement sans fin. Il est vrai, sur Internet, les internautes recherchent
avant tout à ressentir des émotions fortes, comme du rire, des larmes, de la solidarité,
des railleries.
C’est pourquoi la toile apporte régulièrement son lot de figures médiatiques. Car bon
nombre de célébrités d’aujourd’hui naissent et éclosent sur la toile. Nous pensons
notamment au fameux Justin Bieber qui est devenu le symbole de cette génération
numérique. En France, la chanteuse Lorie ou encore Grégoire ont pu s’acheminer vers
le succès uniquement grâce au soutien des internautes. Mais ce coup de projecteur
digital peut également apporter son lot de désillusions. Car si les internautes peuvent
M
être dithyrambiques pour saluer un jeune talent, ils peuvent tout aussi bien se fédérer
SI
les uns aux autres pour participer à un lynchage sur les médias sociaux.
Le dernier exemple en date nous vient des États-Unis où une jeune adolescente
AS

nommée Rebecca Black a sorti en 2011 un single « Friday » qui a rapidement été
qualifié de « pire chanson jamais écrite ». Il est vrai les paroles sont légères, la mélodie
BY

douteuse, les performances vocales discutables et que le clip n’arrange rien. Mais
l’adolescente de 13 ans a dû faire face à un persiflage généralisé. Son nom est même
devenu entre 2011 et 2012 le terme le plus recherché sur Google. En quelques mois, son
clip est visionné plus de 150 millions de fois et 70% des appréciations sur Youtube sont
négatives. Après quelques 2.5 millions de commentaires dégradants autour du clip, ils
sont finalement désactivés. Des parodies en tous genres ont logiquement vu le jour pour
surfer sur ce « bad buzz ». Un phénomène planétaire donc, qui prend plaisir à se
moquer ouvertement d’une enfant jusqu’ici encore inconnue de tous. Peut-on dire que
cet effet est un réflexe incontrôlable sur Internet ?
Il semblerait que oui. La culture Web se délecte de ces souffre-douleurs qui
représentent des cibles faciles à la merci de tous. Un sentiment profond de rabaissement
qui peut chercher à équilibrer les rapports de force entre des célébrités et de parfaits
inconnus.
Pour les entreprises, le phénomène est sensiblement le même. Lors d’événements
difficiles, si les déboires ou les polémiques gravitant autour d’une société sont
médiatisés, il y a fort à parier que les internautes vont tous regarder dans sa direction.
Et ils ne vont pas nécessairement chercher à la congratuler, bien au contraire.
Cette réaction s’explique par un phénomène de « conformisme implicite », soulignant
qu’il est souvent plus facile de se moquer avec les autres que de se dresser contre ses
pairs pour défendre l’entité en cause. Un effet témoin de déresponsabilisation qui
privilégie ordinairement l’accablement à la rescousse (http://bit.ly/OtJfJW).
Les communautés numériques peuvent de ce fait s’amuser à proposer d’elles-mêmes
des contenus viraux pour rebondir autour de ces manifestations sociales. Une manière
de s’approprier le succès d’une actualité par l’humour et la dérision. Cette initiative se
trouve renforcée par le fait que le pseudonymat peut dissiper les limites du raisonnable.

Partie 1 La culture du lol et du détournement


1.1 Une identité propre
Chaque crise ou bad buzz a sa propre identité, sa propre histoire, son propre contexte ou
son propre environnement. Ses causes et conséquences peuvent varier, mais nous
pouvons tout de même observer certains mécanismes récurrents, quelle que soit la
nature des évènements.

M
Si nous imaginons souvent que l’erreur vient de l’entreprise, il ne faut pas oublier que le
Web regorge de communautés d’internautes friands de « sensationnalisme » et de
SI
distraction. Des émulations souterraines qui vont vite faire surface dès lors qu’elles
AS

trouvent un écho à travers un événement malencontreux lié à une enseigne. La


créativité et l’imagination peuvent alors s’engouffrer dans cette faille pour faire de cette
faiblesse le foyer d’une contagion sociale. Il s’opère alors par ce biais une
BY

réappropriation des caractéristiques de la crise qui brise les frontières du politiquement


correct, pour le plus grand plaisir des curieux.
Comme nous l’évoquions en introduction, les entreprises sont profondément
antisociales au sens où elles vont utiliser les médias sociaux sans se soucier de ses
codes, de ses valeurs. Pourtant, de tout temps, une communication a toujours nécessité
la compréhension des cultures sociétales pour mieux diffuser son message. Que ce soit
pour anticiper une crise, ou pour contrer ses effets, l’entreprise doit donc avoir
appréhendé un ensemble de phénomènes propres à la culture Web si elle veut
communiquer avec efficience.

1.2 Le succès populaire des mêmes


Un même internet est une idée simple propagée à travers le Web. Cette idée peut
prendre la forme d’une image, d’une vidéo, d’un site internet, d’un hashtag, ou
simplement d’une phrase ou d’une expression. Ce même est propagé par plusieurs
personnes par le biais des réseaux sociaux, des blogs, des messageries instantanées, des
actualités, et par d’autres services internet.
Étymologiquement, le terme de même a été proposé pour la première fois par Richard
Dawkins dans « Le Gène égoïste » (1976) et provient d’une association entre gène et
mimesis (du grec « imitation »). Dawkins souligne la parenté de son terme avec le mot
français « même ». Les mêmes ont été présentés par Dawkins comme des réplicateurs,
comparables à ce titre aux gènes, mais responsables de l’évolution de certains
comportements animaux et des cultures. Il postule que tout comme les gènes qui
transmettent des caractéristiques biologiques, il existe des éléments culturels qui se
transmettent d’une personne à l’autre et sont, là encore comme les gènes, soumis à des
mutations. Avec le développement du Web, le mot acquiert un sens plus restreint dans
le langage courant : celui d’un objet culturel, le plus souvent humoristique
(http://bit.ly/UQIBtO), qui se diffuse très vite au sein d’une communauté en ligne.
Chacun des membres de cette communauté pouvant se réapproprier l’objet et en créer
sa propre version.
Le même internet est donc un phénomène qui fait un buzz à grande échelle et qui peut
avoir différentes représentations. Il peut désigner être une image ou une vidéo, un son
ou une musique, une phrase, une expression ou même un mot, une personnalité, des
animaux, des chiffres…
Voici quelques exemples :

M
– Les photos et vidéos de chats (lolcats).
SI
– Les Rick Roll (http://bit.ly/TlTtZP) (redirection vers une chanson précise).
AS

– Les trollfaces (visage du troll).


– Les VDM (Vie de Merde).
BY

– Les Chuck Norris Facts : « Chuck Norris a réussi à compter jusqu’à l’infini. Deux
fois ».
– This is sparta (du film 300).

Quelques espaces communautaires sont connus pour leur forte production de mêmes,
comme le forum d’images non modéré 4chan (et plus particulièrement son sous-forum
/b/), mais aussi des agrégateurs sociaux comme Reddit. Les mêmes ont également leurs
propres encyclopédies en ligne, comme le site Know your Meme, qui retrace l’histoire
des mêmes les plus populaires.
Des sites de partages comme Tumblr ou 4chan accueillent ainsi des communautés
d’internautes friands de ces déclinaisons. Certains utilisateurs peuvent s’amuser à
constituer une galerie d’images cocasses ou parodiant une communication désastreuse
d’une entreprise sur le Web.
Les mêmes font partie de la culture Web, certains devenant même des références. Il
n’est pas rare de voir des parodies s’appuyer sur ces mêmes pour faire tourner en
dérision une entreprise suite à un bad buzz. Une manière de générer des représentations
codifiées à fort pouvoir viral.
La publicité a bien compris le rôle fédérateur des mêmes et autres symboles de la
communauté Web, et les utilise comme des codes de ralliement pour jouer sur le
marketing viral. Wolkswagen a par exemple créé une publicité faisant directement
référence à la saga Star-Wars, une référence dans la culture Geek. Un pari affectif qui a
porté ses fruits (des millions de vues sur Youtube) mais qui peut également comporter
certains revers. C’est pourquoi ses détracteurs ont pu se rapproprier ces codes sociaux et
rentrant dans le jeu de l’enseigne. Greenpeace a ainsi largement repris la campagne de
Wolkswagen en y intégrant toute la mythologie de Star Wars pour rassembler et
sensibiliser encore davantage la communauté sous-jacente.
Mais toucher sentimentalement les internautes n’est pas aussi simple que cela. Car s’ils
apprécient autant ces références, ils sont intransigeants si une marque commet un
impair dans ces déclinaisons marketing. Certaines maladresses démontrent une volonté
marketing de s’inspirer des succès d’Internet sans forcément s’attarder sur les détails.
L’utilisation de mêmes peut donc constituer des déclencheurs de buzz, mais également
des bad buzz si l’entreprise n’a pas appréhendé la mythologie qui y est liée.

1.3 La mode des « Fails »


Parallèlement aux buzz, une tendance a émergé vers le grand public pour devenir une
M
notion passe-partout. Il s’agit des « fails », ou autrement dit, des échecs. Désignant
SI
étymologiquement un raté stupide et/ou un échec amusant, son utilisation a dépassé les
frontières de la culture Geek pour s’imposer comme un terme usuel. Le fait de se
AS

tromper, pour un détail ou pour un point crucial reste un « fail ». Cette notion s’est
donc imposée comme une norme pour désigner un clin d’œil moqueur. Le « fail » est de
ce fait une déclinaison de la crise, au même titre que le bad buzz.
BY

Plus généralement, cette tendance souligne une culture de la raillerie voire du sarcasme
qui apparaît distrayante. Ceci étant dit, cette nonchalance sans véritable arrière pensée
peut constituer les prémices d’une crise. Car l’ironie et le second degré peuvent parfois
laisser place à de l’humour noir, et à des articles sur le vrai problème soulevé au travers
de la plaisanterie. Le « fail » comporte ainsi plusieurs réalités en fonction de
l’interprétation qui en est faite. En ce sens, nous observons une distinction entre un
simple « fail » et un « epic fail » qui renvoie à la hiérarchisation par « degré de bêtise ».
Les représentants de l’entreprise ne doivent pas négliger cette culture, convoitant des
sensations fortes et désireuses de trouver de nouvelles histoires croustillantes. Car
même si une entreprise peut oser se dénoncer subtilement pour une petite faute
anodine en la caractérisant par un « fail », certains internautes peuvent provoquer une
crise autour de la marque avec certaines productions hilarantes.
Ce fut le cas de la société de prêt-à-porter Célio, qui en 2011, a voulu surfer sur un
succès populaire pour faire parler d’elle. En élaborant une vidéo de science-fiction sur la
thématique Star Wars, l’enseigne était certaine de provoquer le buzz tant attendu. Ce fut
une erreur, car une multitude d’internautes ont remarqué une anomalie. Un des
vaisseaux présents dans la vidéo appartenait à une autre saga (Battlestar Galactica en
l’occurrence). Un détail pour certain, un scandale pour les puristes. Les fans se sont
alors empressés de diffuser la nouvelle sur les médias sociaux, et l’information est
rapidement devenue incontrôlable. Cette négligence a laissé place à une accumulation
d’images et d’écrits pour se moquer de cet amalgame fait par la marque. Cette
maladresse toute simple montre bien que certaines sociétés cherchent souvent à utiliser
des thèmes fédérateurs en omettant de se documenter. Une indolence face à la réflexion
qui leur a valu un beau « Célio Fail » (http://bit.ly/TGWw41), terme qui subsiste encore
sur les moteurs de recherche.

1.4 La place des contenus graphiques


Dans l’écosystème des détournements, les montages photo sont certainement le fer de
lance du mouvement humoristique. De par leur facilité de réalisation, de partage et de
consultation, les photos truquées ou détournées pullulent sur la toile, notamment lors
de crises. Surfant sur les tendances du moment et sur les succès virtuels, les photos sont
devenues un véritable moyen d’expression et de revendication à part entière. L’essor des
plateformes privilégiant le visuel comme Instagram ou Pinterest est révélateur de la
prédominance et de l’engouement des contenus graphiques. Par exemple, en juillet 2012
la société d’analyse Diffbot a observé 750.000 liens partagés sur Twitter à travers le
M
monde. Elle a constaté que 36% constituaient des images, 16% étaient des articles et 9%
des vidéos.
SI
Outre l’oisiveté divertissante, les détournements visuels constituent surtout une belle
AS

opportunité pour s’inviter dans la crise médiatique que connaît la marque. Nous
pouvons même penser que ces illustrations font partie intégrante de l’ADN des bad
buzz. Car dans les faits, une crise est fréquemment accompagnée d’un florilège de
BY

détournements pour souligner les désagréments et les maladresses de la marque.


Mais les personnalités publiques et les événements de l’actualité sont également
concernés par ce phénomène. Ainsi, durant le débat télévisuel de mai 2012 entre les
deux candidats aux élections présidentielles françaises, des centaines de parodies
fleurissaient déjà sur la toile, et ce, au moment même du direct. Les photos de
campagnes ou les portraits officiels des présidents et acteurs politiques ont également
subi la créativité des internautes.
Ce qui est le plus étonnant, c’est que cette démarche parodique est devenue un vrai
réflexe, à tel point que dans certains cas, les internautes cherchent même à provoquer le
bad buzz là où il n’y en a pas forcément. L’image de campagne de la candidature de
Nicolas Sarkozy « La France Forte » a été parodiée à outrance. Et comme souvent dans
ces cas-là, si le contenu n’est pas relatif à une faute réalisée en amont, les internautes
intègrent souvent des éléments annexes pour susciter ou souligner un bad buzz. Lors de
l’une de ses interventions télévisuelles, le président de la République française
s’exclama « le capitaine ne doit pas quitter le navire », alors que dans l’actualité, le
paquebot Costa Concordia venait de s’échouer. Quelques heures plus tard, sa photo de
campagne présentant une mer à l’horizon est détournée, et voit s’ajouter le paquebot
pour faire écho à ses propos. Les éléments médiatiques du moment viennent en ce sens
très souvent se greffer aux images originales.

1.5 La place de la vidéo


La vidéo est le média viral par excellence. Alliant le sonore au visuel, elle est la source
idéale de distraction et donc de partages. Youtube, fondé en 2005 et racheté en 2006 par
Google pour 1,65 milliards de dollars, est le leader des plateformes de stockage vidéo,.
Ses statistiques mondiales (http://www.youtube.com/t/press_statistics) mettent en
lumière l’importance de cette plateforme dans la propagation de contenus vidéo :

– Plus de quatre milliards de vidéos sont regardées chaque jour.


– Plus de trois milliards d’heures de vidéo sont regardées chaque mois
– 100 millions de personnes s’expriment chaque semaine sur YouTube
(avis, partages, commentaires, etc.).
– 500 années de vidéo YouTube sont regardées chaque jour sur Facebook et plus de
700 vidéos YouTube sont partagées sur Twitter toutes les minutes.

M
Lors d’une crise, la vidéo peut avoir deux objectifs : soit pour attaquer une marque, soit
SI
pour qu’elle se défende. L’enjeu est de se servir de la viralité offerte par ce format pour
faire entendre sa voix, que ce soit la critique des internautes ou la réponse de
AS

l’entreprise.
Dans le cas d’une crise, les amateurs de détournement vidéo surfent sur cette
BY

médiatisation pour laisser parler leur imagination et proposer des courts-métrages


ironiques. Pour reprendre l’exemple de l’arrivée de Free Mobile sur le marché de la
téléphonie mobile, le buzz autour de ce lancement a connu bon nombre de parodies
vidéos. Parmi elles, une vidéo détournant le film « La Chute » d’Oliver Hirschbiegel, où
les opérateurs historiques (Orange, Free et Bouygues) sont confrontés à la colère
d’Adolph Hitler, a connu un franc succès (plus de 250.000 vues). Cette vidéo est un
même, car ce détournement du film constitue une référence dans la culture du Web. En
avril 2010, face au nombre de versions existantes sur Youtube, le distributeur
Constantin Film demandait à la plateforme de les retirer. Dans ces cas-là, les vidéos
peuvent accabler la marque, ou au contraire dédramatiser la situation en apportant un
peu d’humour.
1.6 Les « hoax »
Les hoax sont de fausses informations qui circulent sur Internet pouvant déboucher sur
une crise. Il s’agit de canulars informatiques ou de rumeurs créées dans le but de
générer un intérêt autour d’une information ou d’une marque.
M
Souvent utilisées sous la forme de mails, d’articles ou de chaînes de liens relayés à
SI
outrance, ces élucubrations ont trouvé une certaine pénitence avec la viralité des médias
AS

sociaux. Les outils de veille dénichent ces informations et donnent plus de chance à la
propagation de la rumeur. Ici, il ne s’agit pas de spams envoyés automatiquement, mais
bien de messages transmis manuellement par des internautes. Les individus pensent
BY

avoir trouvé un scoop et relaient les informations sans s’attarder sur leur véracité.
Au-delà des appels à l’aide fictifs ou des astuces pour se partager 500.000 b avec un
étranger, les hoax peuvent également atteindre une marque. Car certains hoax peuvent
avoir été élaborés volontairement dans le but de causer du tort à une entreprise.
Par exemple en 2011, une information selon laquelle les e-mails seront taxés est
parvenue à beaucoup d’oreilles, notamment sur le Web. Un PDF (soi-disant
confidentiel) de la société La Poste a été publié sur Internet, présentant le projet de
taxation des courriels. Se reposant sur le véritable projet d’un député qui avait présenté
cette idée en 2006, ce document inclut également la mention d’une taxe Google. Paru
un certain 1er avril, l’information a pourtant été prise très au sérieux par les internautes,
qui se sont indignés massivement contre cette nouvelle. En réalité l’auteur du PDF,
avait simplement repris la proposition de loi de 2006 du député, en modifiant les dates
pour la réactualiser et en collant le logo de La Poste.
Difficile de connaître les motivations intrinsèques des instigateurs de ces hoax tant les
cas sont différents. Le fait est que leurs efforts se voient récompensés par la naïveté des
internautes, qui ne prennent que rarement en considération la véracité de l’information.
De ce fait, la difficulté majeure est que très rapidement, les sources originelles de ce
hoax sont ensevelies sous le flux des relais, ce qui créer une vérité parallèle
consensuelle. Sans compter que le contenu du message devient rapidement un prétexte
pour s’inscrire dans la réalisation d’un acte social de partage. La mécanique virale est
donc rapidement mise en marche.
Le hoax repose sur des mécanismes cognitifs qui ne sont pas simplement inhérents au
Web car on les retrouve également dans la vie réelle. Par exemple, sur Twitter, il est
fréquent de voir annoncer et relayer en abondance la mort de célébrités alors que ces
dernières vont bien. Avant même l’avènement des médias sociaux, ces pratiques
existaient déjà. Ainsi, à la fin des années 1960, une rumeur se diffuse dans certains
cercles selon laquelle le chanteur des Beatles Paul McCartney serait mort dans un
accident et aurait été remplacé par un sosie. Le poids des images est encore une fois
important dans la transmission de ce mythe, car les pochettes des albums du groupe
furent une grande source d’inspiration pour crédibiliser cette information. Des signes
ont ainsi été sortis de leur contexte, comme la fameuse plaque d’immatriculation sur
l’album Abbey Road « LMW 28 IF », censé signifié « Living McCartney Would be 28
IF ». À ce sujet, Paul McCartney répondra simplement : « Qu’est-ce que j’apprends ? Je
suis mort ? Pourquoi suis-je toujours le dernier à être mis au courant de tout ? ».
Les hoax reposent sur des mythes qui vont obtenir une plus grande portée grâce à la
M
viralité offerte par les nouvelles technologies : gagner de l’argent facilement, aider la
SI
veuve et l’orphelin, découvrir la mort d’une célébrité avant les autres…
AS

Nous pourrions penser que les hoax sont sans conséquence pour les entreprises
impliquées malgré elles. Quand bien même ces épisodes affabulatoires n’ont rien de
dramatique en l’état, il ne faut pas sous-estimer la réaction des internautes face à un
BY

éventuel démenti de la marque. Si le hoax porte sur une nouvelle que ses clients
attendent depuis longtemps, la société n’a peut-être pas envie de leur annoncer qu’ils
ont eu tort de se fourvoyer.
Cette technique de divertissement ou de pression témoigne en tout cas de la
prédominance d’une culture du second degré sur la toile. L’improbable et l’attendu
égayent la curiosité. Ce constat dépeint une toile qui ne se prend pas au sérieux, mais
qui ne réalise pas toujours les risques potentiels que ces informations représentent.
Il n’est donc pas toujours évident de démêler le vrai du faux, l’entreprise devant faire
preuve de vigilance si elle était victime de telles pratiques. Pour initier les internautes,
des plateformes comme « Hoaxbusters » proposent de répertorier et de signaler ces
canulars qui défilent sur la toile. Un moyen de prévention et d’entraide dont l’entreprise
pourra se saisir pour démentir une information nuisible et non fondée.

1.7 Google Bombing


Le Google Bombing est une technique qui a émergé il y a quelques années, basée sur
une connaissance des logiques de référencement naturel. Encore assez méconnue, cette
pratique se relève percutante et souvent accablante. Partant du constat que la notion
d’e-réputation est primordiale pour être crédible sur le Web, le meilleur moyen de nuire
à l’image d’une entreprise ou d’une personne est de faire ressortir, au travers des
moteurs de recherche, des résultats négatifs qui lui seraient associés.
Ainsi, en 2009, Nicolas Sarkozy s’est vu référencer sur les termes « trou du cul du
Web ». L’internaute n’avait qu’à taper ces mots clés sur Google pour tomber sur son
nom dans les premiers résultats. Pour François Hollande en 2012, il s’agissait de
« incapable de gouverner ».
Ces pratiques sont souvent le résultat d’un désamour revendiqué. Dans les faits, le
bombardement Google vise le plus souvent des figures médiatiques, surtout les
hommes politiques. Au final, les recherches émises sur le nom de la personne ou de
l’entité peuvent être envahies de ces liens péjoratifs.
L’opérateur historique du Maroc « Maroc Telecom » a par exemple longtemps souffert
de ce phénomène. En tapant « voleur Maroc » (http://bit.ly/R44Dnw) (ou Cheffara
Maroc), Google renvoyait vers la page de leur site internet.
Comment est-ce possible d’attribuer ces termes à un site qui n’a à la base rien à voir
avec eux ? Il existe plusieurs techniques, mais la plupart du temps, une multitude de
liens hypertextes sont créés pour pointer vers un site en utilisant un mot ou une
M
expression péjorative. En associant ces nombreux liens à un nom de personne, le
SI
moteur de recherche finit par rendre visible cette corrélation dans les résultats. Il ne
s’agit pas là d’une fraude, d’un piratage ou d’une faille de Google, mais de l’exploitation
AS

du fonctionnement du moteur de recherche.

1.8 Les hacks


BY

Les hacks représentent une modification volontaire du contenu d’un site ou d’une
plateforme Web, voire même sa fermeture momentanée. Qu’il s’agisse d’une attaque
directe contre l’enseigne ou juste d’une facétie de mauvais goût, ce détournement n’est
pas à sous-estimer, car la marque doit réagir rapidement et rendre des comptes.
Si le hack peut être conséquent à une crise pour appuyer la gronde des internautes, il
peut également en être à l’origine. La difficulté pour les entreprises est que les individus
ne cherchent pas à connaître les causes ou l’origine du problème, ils veulent une
réponse. Ils attendent surtout une communication irréprochable et transparente dans
ces moments de flottement. Délicat en effet de prouver qu’il s’agit bien d’un hack, alors
que s’acheminer vers des réponses de déresponsabilisation ne satisfait que très
rarement la communauté. Fuir ses responsabilités (même si le blâme n’émane pas de
l’entreprise), c’est donc condamner la société. Dans ces cas de figure, assumer et gérer
les embarras s’avère être la meilleure solution.
Parfois, ces hacks peuvent être des assauts organisés par des groupuscules de
professionnels de l’informatique (même s’ils sont rares), vis-à-vis d’entreprises. Nous
pensons naturellement au groupe très médiatisé qui se fait appeler « Anonymous », une
alliance virtuelle pour protéger les droits des internautes. Pour se faire entendre et
respecter, ils n’hésitent pas à modifier le contenu de sites Web gouvernementaux ou
privés selon leurs revendications. En règle général, leurs actes sont toujours motivés par
une faute d’une entreprise ou par une responsabilité non assumée. Le groupe
Anonymous a su s’imposer comme un courant médiatique et leurs attaques, menaces, et
éclairages sur les défauts des entreprises sont extrêmement partagés sur la toile. Cette
alchimie s’avère être un cocktail dangereux pour les sociétés visées.
Alors, pourquoi réaliser une telle action ?
En étudiant la question, nous découvrons qu’il existe plusieurs motivations pouvant
expliquer ces hacks :

– Montrer la faiblesse de la sécurité des sites, ou sa supériorité technique pour


accéder à des données confidentielles.
– Passer un message à une marque pour lui faire pression (poser un ultimatum par
exemple, comme les Anonymous).
– Nuire à l’image de la marque ou à provoquer une faute.
– Défendre les intérêts d’un tiers, ou de la loi (d’où la raison de la fermeture du site
Megaupload)
M
SI
La plateforme de téléchargement « Playstation Network » de Sony a par exemple été
prise d’assaut en 2011 par des pirates informatiques qui ont dérobé les informations
AS

personnelles de pas moins de 77 millions d’utilisateurs en un temps record (nom,


adresse, coordonnées bancaires). Face à l’ampleur de la crise, Sony a mis plus de 41
BY

jours pour réactiver son service. Cela a donc été problématique pour les joueurs, mais
surtout pour la confiance qu’ils attribuent à la marque. Sony a donc dû faire face à la
remise en cause de son service et aux désabonnements d’un grand nombre
d’utilisateurs. Car lorsque les notions de sécurité ne sont plus assurées (issues du
deuxième palier de la pyramide de Maslow après la santé), c’est tout les autres besoins
qui sont remis en questions à leur tour. Au final, Sony avoue avoir subi une perte nette
de 2,3 milliards d’euros suite à ce piratage.
L’année 2012 a été particulièrement propice à cette forme de piratage, notamment pour
les médias sociaux. LinkedIn a ainsi été touchée par des hacks en 2012, dans le but de
récolter les mots de passe des utilisateurs. L’entreprise a très bien réagi en annonçant
promptement le problème, en assurant qu’ils concentreraient leurs efforts dans le
renforcement de la sécurité des comptes, mais également en informant tous les
utilisateurs du problème par l’intermédiaire d’un message directement sur leur site
internet. Fait intéressant, les internautes sont devenus solidaires et des outils ont
rapidement été confectionnés pour savoir si son mot de passe avait bien été dérobé.

1.9 Le trash talking


Encore assez méconnu sur la toile car souvent cité dans le milieu sportif, le trash talking
se révèle être une technique assez efficace pour qui sait bien l’utiliser. Désignant l’art de
parler en mal d’une personne ou d’une entité, l’art de critiquer ouvertement et à
outrance peut donner l’illusion de s’attribuer une part de la notoriété de la cible visée.
Nous pouvons faire un lien avec la métaphore des « stalkers » (fans obsessionnels
dangereux) qui peuvent vouloir faire partie de l’histoire de leur star préférée en
réalisant des actes insensés. David Chapman, le tueur de John Lennon a ainsi déclaré
vouloir rentrer dans la postérité en associant son nom à tout jamais avec la légende du
chanteur.
Sans aller jusque-là, les amateurs de trash talking peuvent être motivés par trois
facteurs :

– La déconcentration (chercher à provoquer des erreurs).


– La nuisance (parasiter un message).
– La fragilité (appuyer là où ça fait mal).

Il peut s’agir d’un blogueur sulfureux qui passe son temps à critiquer ouvertement une
marque et à démontrer qu’il a raison, ou bien d’un membre de Youtube qui poste des
vidéos « clash » et des articles salés en pointant directement des acteurs reconnus.
M
Le point commun réside dans la recherche du conflit avec une entité populaire. La
SI
recherche d’une confrontation avec cette personne ou entreprise permet de s’attirer
AS

l’attention. Ici, le débat est invectif mais rarement constructif, la notion de troll n’est pas
si éloignée. À la différence près que la personne n’hésite pas à montrer son visage et à
utiliser son vrai nom, car elle cherche la reconnaissance. Il s’agit souvent de personnes
BY

en mal de reconnaissance, qui tentent par ces initiatives de se faire connaître par tous
les moyens, quitte à ce que ce soit en de mauvais termes.
Nous pouvons ainsi penser que la plupart d’entre elles n’ont aucune raison fondée pour
attaquer l’enseigne. Ces internautes voient en la marque un trem-plin, un moyen de
s’afficher en profitant de la visibilité de l’entreprise. Mais ce genre d’attaques
constituent de très faibles risques de crise pour les marques. Car si les communautés
virtuelles se divertissent de ces ébats conflictuels à ciel ouvert, elles savent
pertinemment que ce genre d’internaute n’est pas toujours crédible.

Partie 2 Quels enseignements les entreprises doivent tirer de cette


culture Web ?

2.1 Interview de Flavien Chantrel


Chargé de projet Web Communautaire chez RegionsJob
La publicité se nourrit de notre quotidien. Censée nous représenter, elle explore les
différentes facettes de nos personnalités pour mieux s’adapter à nos attentes. Tout est
donc récupéré par la pub : modes vestimentaires, éléments de langage, sous-cultures…
Mais pas toujours avec réussite. On a tous des exemples en tête de jeunisme avéré ou
de spots maladroits se trompant de cible. Les créatifs voient l’évolution de la société
par le prisme de leur propre vécu, ce qui peut poser des soucis d’interprétation quand le
travail de documentation n’est pas assez soigné. Cette question est encore plus
épineuse quand on aborde le domaine de l’Internet, et en particulier de la culture
même, à savoir une accaparation collective d’une image ou d’un thème décliné à
l’infini, généralement avec humour.

Le consensus mou, ennemi de la culture web


Internet est un reflet déformé de notre société, où chaque sous-culture dispose de
repères et de codes bien particuliers dont la représentation est exagérée. La demi-
mesure est rare, on affirme à l’excès pour mieux se différencier. La confrontation entre
l’univers commercial et cette réalité qui ne connait que peu de limites peut être
explosive. La culture des mêmes est un mélange de nombreux mouvements tendant
vers plusieurs buts communs, dont la détente et les revendications identitaires sont les
plus récurrentes. Tous les moyens sont bons pour affirmer une pensée ou pour faire
M
rire, même les plus choquants. Les frontières entre bon goût et vulgarité ne sont pas les
mêmes que celles couramment observées dans notre société. Comment exploiter cela
SI
pour produire des publicités destinées à être présentées au grand public ? Reste à
AS

savoir ce que l’on cherche : le consensus mou, qui ne choquera pas la ménagère de
moins de 50 ans, ou une reproduction plus fidèle des modèles qui fonctionnent en
ligne. La première solution est bien sûr celle qui ressort le plus souvent. Mais passer
BY

l’esprit des mêmes au Prozac pour les besoins d’une publicité est le meilleur moyen de
se mettre toute une communauté à dos sans pour autant atteindre le reste de sa cible.

Rendre un même mainstream, c’est aussi le rendre ringard


Internet, c’est l’heure du temps réel. La temporalité n’est pas du tout la même que dans
notre vie quotidienne. Le cycle de vie des buzzs et autres coups de cœur du moment est
rapide. Un jour adorés, ils seront très vite détestés. Le plus souvent pour deux raisons
principales. La première consiste bien sûr en une surexposition à un sujet donné. Un
peu à la manière d’une chanson qu’on écoute en boucle, on se lasse très vite de certains
phénomènes. Il faut dire que l’afflux massif d’adaptations d’une même image ou d’un
même concept par les internautes du monde entier peut vite donner le tournis. La
deuxième raison en découle directement. Une fois que le phénomène a beaucoup
tourné, tout le monde le connait. La chose devient mainstream, à savoir connue par le
grand public. Les adeptes de la première heure s’en écarteront vite et passeront à autre
chose. Le problème avec la production d’une campagne publicitaire, c’est le temps
nécessaire à sa préparation. Même en découvrant le sujet souhaité suffisamment tôt, il
y a fort à parier que ce dernier sera déjà passé aux oubliettes le temps de décliner votre
concept. Et même si ce n’est pas le cas, une campagne de grande ampleur finira elle-
même de rendre le sujet obsolète et grand public.

Attention au décalage temporel


Une marque qui s’aventure sur le terrain de la culture Internet le fait généralement
pour une bonne raison. Certaines affinités avec sa cible, par exemple. Mais vouloir
devenir branché en utilisant des techniques ringardes, c’est le meilleur moyen de se
tirer une balle dans le pied. Il serait dommage de se mettre à dos ses principaux clients
potentiels pour avoir mal interprété et mal retranscrit ce que l’on pensait être dans le
vent. Le fossé générationnel à une époque où tout va si vite peut se creuser à toute
allure. A titre d’exemple, voici une petite liste non exhaustive de la ringardise en
matière de reprises de mouvements Internet. Tout le monde ayant droit à l’erreur, nous
ne citerons personne…

– Les lipdubs : le lip dub a été à la mode une quinzaine de jours il y a 5 ans.
Pourtant, chaque semaine une entreprise remet en ligne une vidéo reprenant le
concept plus ou moins fidèlement (rappelons qu’un vrai lip dub doit se tourner en
un plan-séquence, ce qui est rare dans les faits). Cela suscite au mieux
l’indifférence, au pire les quolibets.

M
– Les happenings : la troupe ImprovEverywhere a fait grand bruit en multipliant
SI
les happenings. Une action avait fait grand bruit : Freeze Grand Central, où des
centaines de personnes se figeaient à la gare de New York en même temps,
AS

suscitant une surprise incroyable pour les personnes présentes et non informées.
Ils avaient également réalisé une excellente vidéo de comédie musicale improvisée
dans l’espace de restauration d’un centre commercial. De nombreuses publicités
BY

gravitent désormais autour de ces concepts. Mais la plupart n’ont aucune


originalité et tombent comme un cheveu sur la soupe… Exemple typique d’un buzz
vidé de sa substance pour des fins publicitaires.
– Le montage à la Bref : un montage rythmé, des tournures de phrase qui
reviennent, des plans qui n’excèdent pas 2 secondes… Bref a des codes bien
particuliers qui ont fait son succès. Depuis le début de l’émission, les parodies sont
légion et les « hommages » dans la publicité aussi. Problème, cela ne fait plus rire
personne depuis des mois… Cela s’applique aussi au SAV des émissions…
– Les copies de Norman fait des vidéos : une caméra dans une chambre d’étudiant,
un jeune qui parle de problèmes existentiels de manière humoristique. Les clones
de Norman sont nombreux. Mais tous n’ont pas son talent, et les sous-Norman
présents dans certaines publicités sont tout sauf réussis.
– La récupération systématique de Star Wars ou des chats : tu veux qu’une
publicité fonctionne sur le Web ? Il suffit de mettre un chat ou une référence à
Star Wars, ce sont les deux passions des geeks. Oui mais bon, il y a de la
concurrence, donc si le pitch tient là-dessus autant s’abstenir… Surtout quand on
confond Battlestar Galactica et Star Wars comme l’a fait récemment une marque…
– La mise en abime : dernière mode, se moquer des codes, notamment de ceux
faits dans l’exemple précédent. Ils sont nombreux à s’y essayer actuellement, mais
attention à l’effet d’usure. La pub qui se moque de la pub, ce n’est pas nouveau, et
il faut pouvoir se le permettre.

Dans tous les cas, mieux vaut connaître parfaitement son sujet quand on cherche à
reprendre des codes si particuliers. D’autant que parmi leurs autres caractéristiques, on
retrouve la gratuité. Une valeur peu compatible avec la reprise d’un phénomène Web
par une marque… L’apriori négatif de la récupération sera réel, l’entreprise venant
empiéter sur un terrain de jeu qui n’est pas le sien et sur lequel elle n’est pas
nécessairement la bienvenue.

Pour que cela fonctionne : ADN de marque et continuité


Une marque ne débarque pas de nulle part sur le Web pour y piller ses mêmes et les
réutiliser dans ses publicités. Pour que cela fonctionne, il faut que l’ADN de marque
soit compatible avec cette culture. Cela va plus loin que la simple communication, c’est
l’image de l’entreprise qui est prise en compte et son rapport général à ses clients et au
Web. On ne fait pas un coup, on construit une relation. Plus généralement, les suiveurs
ne font pas recette.
M
SI
Avoir toujours un coup d’avance, savoir anticiper les retours, jouer avec ses erreurs et
détourner les codes : la marque doit être capable de prendre le jeu à son compte. Avec
AS

les risques inhérents à ce type de communication qu’il faut savoir assumer… Cela ne
fonctionne pas à chaque fois, et les succès critiques ne sont pas les succès
commerciaux ou viraux. Et inversement.
BY

2.2 Le rôle des sentiments dans les campagnes Web


À force de trop vouloir devenir le prochain « Charlie Bit my finger » (une des vidéos les
plus consultées du web) ou toute autre tendance qui buzz, certaines marques tentent le
pari osé de lancer des campagnes ambiguës, voire éthiquement contestables. Plusieurs
entreprises ont ainsi dû assumer leur audace après avoir réalisé des campagnes
discutables.
Voici 3 exemples de marque qui prouvent que les sentiments de la culture web peuvent
accompagner ou dénigrer le succès d’un produit :
Petit Bateau :
L’enseigne de prêt à portée petit Bateau, qui jouit globalement d’une bonne image
auprès du grand public, a sorti en 2010 une collection qui a fait grand bruit. Parmi les
vêtements présentés pour la gamme des jeunes enfants, une série de bodys sérigraphiés
présentant des caractéristiques de l’homme et de la femme ont fortement déplu. La fille
y est présentée comme « Jolie, têtue, coquette, amoureuse » et le garçon comme « fort,
courageux et rusé ». Autant dire que l’usage de ces clichés n’a pas été du goût des
internautes et des parents qui y ont vu du sexisme. Indignation, contestation de masse
sur la page Facebook de la marque, devenue pour l’occasion un lieu de pèlerinage pour
les trolls et les curieux. Pourtant, la marque n’a pas arrêté la commercialisation de leurs
bodys. Démarche soutenue par d’autres internautes qui eux dénonçaient la dictature du
« politiquement correct ». Comme quoi, chaque crise ou bad buzz à ses détracteurs et
ses alliés.

M
SI
AS

Veet :
La marque de produits dépilatoires Veet a confondu originalité avec mauvais goût en
BY

2011 lorsqu’elle lance la vidéo virale « Mon Minou tout doux ». S’adressant à la base à
des cibles adultes, la campagne se présente pourtant comme un hymne aux très jeunes.
En mettant en scène une chatte chantant « quand mon minou est tout doux, il aime être
caressé partout », l’entreprise oublie que le second degré n’est pas le propre des jeunes
enfants, et que les sous entendus sont déplacés. Scandale sur le Web, les adultes
s’insurgent contre l’ambivalence de la campagne. Ceci démontre bien que les sujets
tendancieux et déplacés ne font pas toujours bon ménage (même si c’est un fait, le sexe
fait vendre). En mêlant des jeux de mots contestables avec un écrin trop enfantin, Veet a
donc subi les foudres des internautes, et a rapidement dû supprimer cette vidéo et revoir
leur stratégie de communication. Le site « mon Minou tout doux » n’est bien
évidemment plus en ligne, mais la vidéo a évidemment été largement reprise et circule
encore sur la toile. Voici la réponse du communiqué officiel de Veet après la suppression
de la vidéo : « les gens trouvaient cette pub trop ambigüe alors on a préféré arrêter pour
ne pas créer des incompréhensions. Cette campagne visait un public assez jeune, les
moins de 30 ans ».
Kit Kat :
Dernier exemple en date, Kit kat qui a dû supprimer l’image promotionnelle de son
compte Instagram en 2012. Certains internautes ont rapidement repéré que le
déguisement arboré sur l’image ressemblait étrangement à un Ours prénommé
« Pedobear ». Cet ours est un même qui a été imaginé en 2005 pour représenter

M
ironiquement les pédophiles sur Internet. Parmi les reproches qui circulèrent sur la
toile, un internaute, Aaron Howland, énonça ce principe : « Écoutez, Nestlé, si vous
SI
voulez utiliser internet, embauchez des gens qui comprennent internet ».
AS
BY

Quelles leçons retenir à partir de ces quelques exemples ?


Se lancer dans une communication Web ne s’improvise pas. Tout doit être réfléchi et la
tendance générale au divertissement ne doit pas conduire à la négligence ou à la
nonchalance. La marque doit en priorité penser à ce que ses cibles désirent, attendent,
ressentent. Elle doit également prendre en considération les codes régissant la culture
Web et ne pas pervertir le contenu de leur message pour bénéficier de plus de vus.
L’incohérence entre le positionnement de l’enseigne et son initiative est souvent mal
perçue.
Ces cas de figure représentant davantage des dérapages, il y a rarement un impact
visible sur les ventes de la société. Il s’agit là de maladresses qui se soldent par une
visibilité accrue et une e-réputation à réparer. Retenons que le ressenti et la
compréhension des internautes lors de l’accueil d’un message promotionnel comptent.
Car le Web peut activement participer à déclencher une dynamique de rejet voire de
rébellion envers la marque, la forçant parfois à faire machine arrière. Les bonnes
intentions ne font pas toujours le poids fasse à la perception d’une campagne marketing.

2.3 Les prédispositions affectives des internautes en temps de crise


En plus de ces caractéristiques inhérentes aux actions de l’entreprise, les internautes
disposent d’emblée de prédispositions affectives envers certaines situations types,
comme le conflit entre une grosse entreprise et un internaute inconnu. L’empathie
ressentie envers les plus petits partis fait ressurgir le fantasme de David contre Goliath
et conduit souvent les individus à se ranger du côté du plus faible, auquel ils
s’identifient davantage. Nous pouvons remarquer de temps en temps ce phénomène
dans les médias traditionnels lorsqu’une personne porte plainte contre une grosse
enseigne. Vu ses faibles chances d’obtenir gain de chose (coûts financiers), la population
soutient couramment la démarche du plus faible.
En 2012, le magazine Madame Figaro a fait les frais de ces instincts de protections
M
sociétaux lors d’un « psychodrame juridoco-numérique » médiatisé. Suite à l’ouverture
SI
d’un blog par une enseignante nommé « la classe de Mme Figaro » (en lien avec son
patronyme), la société de presse l’a menacé de l’assigner en justice si elle ne fermait pas
AS

son site. Face à cet ultimatum, la femme a décidé de rendre publiques les menaces et de
modifier le nom de son blog : « je n’ai pas la carrure ni les moyens d’affronter ces gens
en justice, j’ai donc pris la décision de modifier le nom de mon blog ». Toutefois, son
BY

témoignage a touché les individus. Après avoir obtenu gain de cause, le Figaro n’avait
pourtant pas entrevu la controverse qui avait germé sur les réseaux sociaux, notamment
par l’intermédiaire d’un article du site Rue89. La page Facebook du magazine est alors
envahie par des messages virulents de personnes outrées face à la proportion
démesurée de leur démarche. Les soutiens à l’enseignante sont légion et le magazine n’a
d’autres choix que d’esquisser une explication sur les médias sociaux. Ils finissent par
publier un communiqué de presse devant la pression où ils déclarent « regretter le
malentendu ». Là encore, des articles, photos et autres détournements d’internautes ont
participé à ce rassemblement. Une autre preuve que le ressenti peut peser
irrémédiablement dans la balance pour amener une situation de crise.

2.4 Une culture Web ambivalente


Parallèlement à ces problématiques de perception, il est un autre fait à prendre en
considération. Les internautes sont attirés par des situations de clashs, de critiques
ouvertes et de prises de position sans compromis. Seulement, les raisons de ces
échauffourées mettent en lumières un degré d’acceptabilité contradictoire.
À l’heure où les campagnes chocs à la télévision ne bouleversent presque plus personne,
des pratiques usuelles du web occasionnent des levées de boucliers. Face à des
campagnes numériques osées, voire sanglantes, l’impact du message reste souvent
limitée. Les « appels à la peur » (http://bit.ly/Qqwrl7) (comme les publicités de
prévention routière) peuvent en effet se heurter à un rejet des personnes recevant ces
messages. Un réflexe défensif inconscient qui rend hermétique l’individu lorsque son
esprit perçoit une volonté de choquer pour choquer. À contrario, quand une enseigne
ose utiliser un sujet tabou ou sensible pour réaliser une campagne, les internautes
voient cette démarche d’un mauvais œil. Car certaines des thématiques abordées
peuvent mettre mal à l’aise et renvoyer à des problématiques de confidentialité, de gêne
ou de débats sociétaux.
Sur le Web, il existe donc un décalage entre une violence explicite et une indignation
implicite, qui annonce une prédisposition à être choqué pour des choses qui ne le
méritent pas forcément.
Nous pouvons donc penser que nous sommes habitués à nous indigner pour des choses
futiles, et à le faire savoir, car le déballage public nous divertit. Les individus aiment voir
certaines marques en difficultés, car cela les renvoie au fait qu’elles ne sont pas
invulnérables, et qu’elles peuvent être fragilisées par leurs avis. Une appétence pour les
maladresses qui n’est pas sans rappeler le succès indéfectible des bêtisiers, de chutes et
autres lapsus. M
SI
D’autre part, il existe une fascination pour ceux qui osent dire tout haut ce que tout le
AS

monde pense tout bas. Ces « porte-paroles autoproclamés » peuvent ainsi représenter
des symboles de contestation et faire écho à un désir de contestation. C’est pour cette
raison que les protestations de blogueurs contre certaines marques sont régulièrement
BY

soutenus par des communautés d’internautes.

Partie 3 La culture Web et l’effet des foules


3.1 La preuve sociale pour influencer et guider nos actions
Les crises et les buzz diluent diamétralement la responsabilité de l’individu au profit
d’une communauté qui grogne. Nous nous désinhibons totalement car les autres ont
déjà fait des choses que nous n’aurions jamais osé faire seuls. Un élan euphorique qui
fait ressortir un effet primitif, laissant libre court à nos instincts archaïques.
L’influence online est insidieuse. Nous ne participons pas à la médiatisation d’une crise
pour éviter d’être rejetés, mais bien pour nous intégrer volontairement dans cette
dynamique. Les internautes ne se résument pas à l’affirmation d’Albert Einstein :
« pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons, il faut avant
toute chose être soi-même un mouton. »
Ce qui explique que les gens s’intéressent à une crise relève de la théorie de la preuve
sociale. Cette idée repose sur le fait que l’on chercher à utiliser des informations sur la
conduite de ses pairs pour déterminer notre propre conduite et savoir ce qui est « bon »
et nécessaire de faire. Le psychologue Milgram a mis en lumière ce phénomène grâce à
une expérience (http://bit.ly/RlQeSJ) très simple :
À New York, en pleine rue, des sujets complices s’arrêtent en même temps et se mettent
soudainement à tous regarder vers un point en hauteur au niveau du sixième étage d’un
immeuble, sans raison apparente, pendant 60 secondes. Résultats, sur 1.500 sujets : 4%
des passants s’arrêtent également pour regarder et 10% en poursuivent leur chemin
lorsqu’il n’y a qu’un seul complice. Avec 10 complices, les chiffres passent à 30% de gens
qui les imitent directement et 80% qui le font en continuant leur route. Cette
illustration démontre clairement que plus les gens pointent les doigts dans une
direction et plus on regarde ce qui est désigné. C’est ce déterminisme comportemental
que l’on retrouve sur Internet.
Il convient cependant d’apporter une nuance avec le numérique. Les internautes sont
beaucoup plus influencés par leurs proches, car il n’y a pas de relation visuelle avec les
inconnus devant son écran. Il existe donc une analyse inconsciente du stimulus en
fonction de la crédibilité que l’on accorde à la source. L’affinité et le vécu sont des
éléments déterminants pour savoir qui sont nos contacts les plus proches. Seulement en
réalité, la facilité avec laquelle nous pouvons entrer en contact avec de parfaits inconnus
M
éclate les frontières de notre réseau. Les partages réalisés auprès de notre « entourage
SI
proche » sur Facebook sont donc tout relatifs. Notons également que les internautes
accordent davantage de crédit aux propos de personnalités ou « d’experts » reconnus
AS

dans un secteur d’activité donné. Une vision sélective qui peut nous faire prendre les
propos d’inconnus comme argent comptant.
BY

Les communautés virtuelles sont ainsi régies comme des foules, des masses compactes
composées d’individualités, mais qui avancent souvent à l’unisson par une âme
collective, dotée de ses propres règles. Des normes que nous pourrions juger
impensables individuellement sont ainsi banalisées au sein du groupe social, par un
effet de normalisation.

3.2 Les micro-communautés


Dans le cas de réclamations, de manifestations ou de coups de gueule, les gens n’ont
plus besoin de sortir dans la rue brandir des pancartes. Internet permet dorénavant de
militer sans quitter son bureau, tout en prônant son appartenance à une communauté
défendant une certaine culture du Web. Mieux, il permet aux groupuscules de
s’organiser pour rendre ses actions plus efficaces et former un tout homogène. Ce
pouvoir de ralliement s’est d’ailleurs vu lors du printemps arabe. Les médias sociaux et
la logique de partage insufflent à toute information une dynamique de bouche-à-oreille
pour propulser le message au plus grand nombre, et créer un prosélytisme latent qui fait
le plein de forces vives.
Internet est en ce sens le géniteur d’une généalogie d’internautes toujours plus
nombreux. Pour répondre à une quête identitaire immuable, cette foule se ramifie en
communautés. Les internautes s’affilient à des groupes sociaux d’appartenance et/ou de
préférences. Chaque internaute évolue donc dans une galaxie virtuelle qui lui est propre.
Il dispose de références sociales sur lesquelles fonder ses jugements, et ses actions.
Nous nous suivons, nous échangeons, nous recommandons.
Néanmoins, les réseaux numériques tendent à intégrer des connaissances, voire de
parfaits inconnus, et à démocratiser les relations superficielles peu porteuses de sens.
C’est pourquoi le caractère trop généraliste de certains médias de masse conduit
certains internautes à se réunir autour de réseaux sociaux de niches, et de plateformes
micro-communautaires. La volonté de fuir un ressenti de « solitude collective » pour
compter sur des interactions sociales plus qualitatives que quantitatives (Dominique
Cuvillier, “100 tendances d’aujourd’hui et pour demain”). Un rapprochement affectif,
pour instaurer des communautés dans des communautés.
De même, la cristallisation de notre vie professionnelle et publique dans notre vie
personnelle et privée amène les internautes à recréer des espaces confinés
(http://bit.ly/Ps9Pog) et de qualité à l’intérieur même d’un réseau. Les groupes
Facebook peuvent ainsi représenter des micro-communautés.
Ces microcosmes transmettent ainsi le sentiment de se sentir appartenir à une
M
communauté façonnée de liens puissants auxquels nous croyons. En intégrant un
groupuscule d’internautes, nous partageons des valeurs, des croyances, des attentes.
SI
Même si les micro-communautés sont le plus souvent peu visibles, ses membres sont
AS

régulièrement plus soudés et actifs que la moyenne des autres communautés.


Ces plateformes d’échanges d’informations revendiquent souvent l’usage d’une culture
Web qui lui est propre. 4chan ou Tumblr représentent par exemple des micro-
BY

communautés qui fonctionnent de manière autonome, où chaque membre peut avoir


un rôle défini. Une vie souterraine qui peut par exemple s’activer sans que nous le
sachions, à la confection de contenus notamment humoristiques, pouvant constituer les
futures normes de la culture Web ou les ingrédients des bad buzz de demain.

3.3 Le fonctionnement des foules


Les foules ont des règles qui ne sont pas les mêmes que celles que notre code de
conduite personnel. La psychologie des communautés virtuelles témoigne d’une
virulence et d’une impunité due au manque de frontières physiques. Il est donc logique
que lors de crises online, les groupuscules d’usagers mécontents et les manifestants se
sentent plus que libre d’exprimer leur point de vue, quitte à aller dans les extrêmes pour
se faire remarquer.
Dans chaque groupe, il existe des leaders. Que cette entité sociale soit composée de 4 ou
de 10.000 membres, les leaders sont les porteurs des messages et les moteurs
motivationnels. Pour être sensible à une cause et la défendre, il faut donc intégrer la
réclamation et la faire sienne. C’est pourquoi les internautes ont besoin de leaders
moraux pour guider leur perception de la crise. Il peut en découler un processus
d’identification amenant certains membres à devenir des porte-paroles. Un système
d’imitation qui s’opère sur les nouvelles recrues arrivées par la marée du buzz. Petit à
petit, un passage de témoins se met en place et les rôles évoluent pour créer une
généalogie ramifiée en branches toujours plus nombreuses.
Ces liens virtuels vont progressivement créer une contagion sociale qui va amener les
internautes à suivre le mouvement et à parler de la crise à leur entourage. Les outils à
notre disposition font que nos moyens d’avoir accès à la connaissance se sont
démultipliés. De plus, chacun de nos amis virtuels dispose lui-même de son propre
réseau. Un cocktail détonant.
Le bouche-à-oreille massif reposant sur la viralité met en exergue un phénomène
d’hypnose sociale, dès lors que les informations deviennent des courants de pensée à
suivre pour montrer que l’on est dans le coup. La crise n’est à ce stade que le support
d’un outil pour communiquer auprès de ses contacts, et son message est relégué à un
rôle de connecteur social. Pourtant, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre
et si l’entreprise ne réagit pas, elle peut vite s’en mordre les doigts.

3.4 Le besoin de désigner des coupables

M
Dans le cas de crise et de bad buzz, le pouvoir des foules peut se traduire par une
volonté de désigner des coupables et de les sanctionner. « L’homme est un loup pour
SI
l’homme » affirmait le philosophe Thomas Hobbes. S’il n’y a pas de coupable désigné, il
AS

faut généralement en trouver un. C’est pourquoi les scandales médiatiques portent
rarement le nom d’une enseigne. Ordinairement, il s’agit du nom d’une personne
désignée comme responsable ou d’un lieu étiqueté comme le théâtre d’une catastrophe.
BY

Cette recherche perpétuelle de dissociation à la marque peut amener à la proclamation


de boucs émissaires. Peu importe la véracité de la culpabilité, il faut que quelqu’un paye
pour les torts occasionnés.
Cette volonté de punir relève d’un besoin de rationaliser les interrogations et de lever
les doutes. Il est plus facile de comprendre le contexte comme nous l’entendons, à notre
manière et de clôturer un épisode sur une note qui convient à tous. Il est en ce sens plus
facile de tourner la page quand nous sentons que justice a été rendue. Cela nous donne
étrangement bonne conscience, même si nous suspectons que l’entité qui en pâtit n’est
pas le seul responsable.
Cette rationalisation de la culpabilité et de la responsabilité, certains internautes
peuvent en faire les frais. Et la virulence virtuelle peut conduire l’entreprise que cette
personne représente à être ternie par cette mésaventure. Ce fut le cas avec la jeune
femme de Free mobile qui avait voulu passer inaperçu en critiquant les concurrents sur
leur page Facebook (voir chapitre 2). L’affaire avait tout de suite fait le tour du Web et le
nom de la jeune femme est même devenu un trending topic (sujets les plus discutés sur
Twitter). Au-delà de la surprise de la découverte, un véritable lynchage s’est opéré
autour de cette histoire, et la femme a subi la fureur de la webosphère. Nul besoin de
préciser que son nom a été associé à un multitude de contenus discréditant sa
réputation numérique.
De surcroît, une crise ou un bad buzz reste avant tout une histoire unique. Au sein de
cette trame scénariste se trouvent des protagonistes bien définis. Si le plus souvent ils
sont représentés sous la forme des logos immatériels et d’entités graphiques aux
frontières floues, certaines entreprises font le choix de mettre en avant une personnalité
de chair et d’os. D’autres en revanche sont désignés contre leur gré pour s’associer à une
crise et être le « héros » du récit. Ces acteurs malgré eux deviennent ainsi des symboles
qui caractérisent et représentent le déroulement de la crise.

M
SI
AS
BY
Chapitre 6
L’image de l’entreprise après la crise
Le volume conversationnel produit durant une crise va laisser des traces numériques
qui resteront présentes sur le Web pendant un certain temps et pourront impacter sur
l’image de l’entreprise, sur sa e-réputation. Si les consommateurs « pardonnent »
généralement rapidement aux marques, les résultats sur les moteurs de recherche
peuvent être lourds de conséquences, notamment auprès des prospects, des
fournisseurs et autres acteurs gravitant autour de la structure. Une communication de
crise doit de ce fait prendre en considération l’impact des événements dans le temps et
ne pas se limiter à l’instant présent.
L’entreprise ne doit pas se limiter à améliorer son identité numérique, la manière dont
elle se présente, mais prendre en considération sa réputation numérique, la manière
dont elle est perçue. Elle doit comprendre que sur le Web, une crise ne se limite pas à
une période précise, mais s’étale dans le temps de manière presque imperceptible,

M
certains éléments demeurant visibles et nuisibles si rien n’est mis en place.
Il est stratégique que l’entreprise concentre ses efforts afin d’identifier et d’apprécier la
SI
persistance de traces négatives, afin d’apporter une réponse cohérente qui ne parasitera
AS

pas les actions de communication mises en place durant les événements. Un ensemble
de règles technologiques et tacites vont forcer l’entreprise à penser une stratégie sur le
long terme, mais également sur le court terme.
BY

L’objectif après une crise ou un bad buzz est donc d’identifier les traces numériques non
maîtrisées et non maîtrisables, d’agir en conséquence en prenant en considération un
ensemble de paramètres et d’agir selon les outils à disposition.

Partie 1 Les enjeux de la réputation numérique


1.1 Google mémoire du Web
Avec Internet, apprécier une perception commune est accessible à tout un chacun,
notamment grâce aux moteurs de recherche qui vont dresser un panorama émotionnel
public. Ces outils donc sont déterminants dans la représentation de la réputation
numérique en corrélant à un nom d’entreprise un ensemble de contenus (liens, images,
vidéos) produits par des tiers.
Chris Anderson du magazine Wired conceptualisa l’importance des moteurs de
recherche, notamment de Google : « votre marque n’est pas ce que vous en dites, mais
ce que Google en dit ». Google est le moteur de recherche le plus connu, même s’il
existe des concurrents comme Bing, de Microsoft ou Baidu (qui s’adresse avant tout au
marché Chinois). Ils permettent aux internautes d’accéder à des informations relatives à
des mots clés au travers d’un ensemble de résultats. Ils proposent également un
ensemble d’outils pour affiner la recherche.
Google repose sur le principe d’indexation automatique de contenus publics, refusant
toute intervention humaine dans ses différents processus. Ce refus de toute manœuvre
manuelle ayant pour objectif de manipuler l’index est très important : l’entreprise ne
pourra demander le retrait de contenus indésirables. Elle recevrait une fin de non-
recevoir. Elle devra de ce fait agir en conséquence : soit les faire disparaître de manière
légale, soit les repousser plus loin dans les résultats de recherche.
L’entreprise doit donc comprendre le fonctionnement et les fonctionnalités des moteurs
de recherche afin d’en tirer un avantage stratégique. Il s’agit d’une discipline marketing
appelée SEM, pour Search Engine Marketing, qui est composé principalement de deux
branches :

– Le SEO (Search Engine Optimization) qui correspond aux techniques de


référencement naturel des contenus, à savoir les rendre compréhensibles des
moteurs de recherche

M
– Le SEA (Search Engine Advertising) qui correspond à la communication payante,
à savoir l’achat de liens sponsorisés, sur les moteurs de recherche, comme le
SI
programme Google Adwords.
AS

Malgré l’avènement des médias sociaux, les moteurs de recherche restent le premier
réflexe des internautes pour s’informer sur une société. Ils sont ainsi de plus en plus à
BY

pratiquer le « Name Googling », qu’ils soient des concurrents, des journalistes, des
candidats, des consommateurs ou des prospects. Le Name Googling, qui doit son nom à
Google, est le fait de réaliser une recherche sur un nom de personnalité morale ou
physique, les résultats offrant un panorama émotionnel que l’on qualifie de réputation
numérique. Une crise, par le volume conversationnel généré et indexé, va donc avoir un
impact conséquent sur l’image de la société.
Mais les résultats ne sont qu’une partie du prisme identitaire. Il est important de
prendre en considération l’ensemble des fonctionnalités offertes aux internautes. Ainsi,
afin d’aider ses utilisateurs, Google propose de nombreux outils ayant pour objectif
d’affiner la recherche. Ici, ce ne sont pas les résultats qui comptent, mais les requêtes.
Par exemple, Google a mis en place Google Suggest afin de proposer des mots clés
complémentaires, dont le fonctionnement est présenté comme suit :
« Ces recherches sont déterminées, par le biais d’un algorithme, en fonction d’un
certain nombre de facteurs purement objectifs (dont la popularité des termes de
recherche), sans intervention humaine. Toutes les requêtes de prédiction affichées ont
déjà été saisies par des utilisateurs de Google. La base de données de la saisie semi-
automatique Google est régulièrement mise à jour afin de proposer les dernières
requêtes du moment » (http://bit.ly/RmOKL1).
Google Suggest s’appuie donc sur les requêtes globales pour aider l’internaute à affiner
ses champs de recherche. Une crise soulève de nombreux commentaires, mais
également des requêtes sur les moteurs pour en savoir plus. Par exemple, dans le cas de
la crise de « l’homme nu » ayant touché La Redoute (que nous étudions en chapitre 7),
des traces numériques perduraient plusieurs mois après les événements au travers de
cet outil.

M
SI
AS
BY

Autre exemple parmi les options de Google, les recherches associées, qui permettent
d’identifier des mots clés associés à l’entreprise pouvant lui nuire. Ces dernières, tout
comme les propositions de Google Suggest, étant automatiques, elles ont par ailleurs
souvent été traduites en justice pour diffamation à cause de termes qui étaient corrélés
à certaines entreprises.

Lorsque l’entreprise subit une crise, il faut donc prendre en considération l’impact des
conversations dans les moteurs de recherche ainsi que les requêtes effectuées. Les
actions de communication ne devront pas se limiter uniquement aux résultats, mais
bien influencer sur le comportement des internautes.

1.2 Identité numérique et réputation numérique


Sur le Web, il est important de différencier et de comprendre les notions de réputation
numérique et d’identité numérique. Ces notions, trop souvent confondues, peuvent être
représentatives du fossé entre la perception d’une entreprise sur elle-même et celle des
internautes. Par exemple, une société se présentant comme écologique pourra être
confrontée aux avis d’internautes la percevant comme polluante.
Lors d’une crise, les volumes conversationnels vont à l’encontre de l’image globale que
souhaite véhiculer l’entreprise car ils pointent un dysfonctionnement. Après avoir
appréhendé le panorama émotionnel catalysé par les moteurs de recherche, la société va
probablement chercher à améliorer sa présence en ligne. Elle va notamment affiner son
image en prenant en considération les événements, comme par exemple renforcer son
caractère écologique après une crise liée à l’environnement. Cependant, elle va devoir
faire la distinction entre sa présence et son aura.

– La notion d’identité numérique correspond à la manière dont l’entreprise va se


présenter sur le Web. Cela sous-entend un ensemble de contenus maîtrisés
répondant à une stratégie globale qui vont servir à forger son image de marque
(comme par exemple un site corporatif).
– La notion de réputation numérique, ou d’e-reputation, correspond à la manière
M
dont les internautes perçoivent une entreprise au travers de contenus publics
SI
catalysés par les moteurs de recherche ou de contenus semi-publics éparpillés sur
le Web social.
AS

La réputation numérique est un prisme émotionnel à multiples facettes, certains


contenus étant valorisants, d’autres moins voire préjudiciables. Si l’entreprise dispose
BY

d’outils lui permettant de se présenter sur le Web social au travers d’un contenu
maîtrisé, comme un profil, elle ne dispose d’aucune solution pour empêcher la
publication de commentaires acerbes.
Avant même de songer à agir sur sa réputation numérique, il est important de penser sa
présence en ligne de manière cohérente. Dans le livre « E-reputation : stratégies
d’influences », les auteurs Edouard Fillas et Alexandre Villeneuve identifient quatre
grandes forces de l’identité numérique :

– La cohérence : l’ensemble des contenus présents sur l’ensemble des espaces


doit entrer en résonance, afin de modeler une image et un message commun.
– La preuve : il ne suffit pas d’affirmer, encore faut-il démontrer. Une identité
numérique, et par là même son message se forge sur des contenus réels, comme
des photographies ou des articles de presse.
– La connexion : il est important d’être relié à son domaine de référence, de voir
ses contenus ou ses liens repris par des acteurs de son environnement.
– L’historique : l’identité numérique se forge au gré du temps, par des
publications ou des interventions. Il est de ce fait important d’orienter les traces
numériques de notre fait vers un ensemble cohérent.

Des traces liées à la crise peuvent également entrer en résonance avec l’actualité et
resurgir inopinément, d’où l’importance d’avoir mis en place un dispositif de veille. Par
exemple, les événements peuvent très bien être devenus des « cas d’écoles », à savoir
érigés comme un modèle, que cela soit négativement ou positivement. Par exemple en
mars 2012, Total a subi une avarie sur une de ses plateformes pétrolières. Les médias
traditionnels firent alors référence à la catastrophe de BP (étudié dans le chapitre 7),
faisant ainsi ressurgir des traces liées à une crise pourtant terminée.

L’entreprise doit donc apprécier les conséquences d’une crise sur sa réputation

M
numérique en utilisant le cheminement naturel des internautes : les moteurs de
recherche. Ainsi, elle sera à même de définir une stratégie de communication dont
SI
l’objectif, à terme, sera de créer un ensemble cohérent au service de son image entre son
AS

identité et sa réputation numériques.

1.3 Interview Camille Alloing


BY

Chercheur en innovations digitales

La réputation numérique des entreprises est-elle née d’une nécessité ou d’un


devoir ?
La réputation, en ligne ou non, a toujours existé. Le fait d’évaluer une entité,
d’exprimer une opinion voire une opinion sur l’opinion n’est pas né avec le Web. Ce qui
différencie principalement aujourd’hui la réputation sur le Web de celle hors Web est
que l’on peut voir, lire, appréhender les opinions exprimées.
Gérer sa réputation en tant qu’entreprise a donc toujours été une nécessité. Et cela l’est
encore plus dans un environnement ultra-concurrentiel où la prise de décision du
consommateur se fait dans un brouhaha d’informations, de commentaires, de données
en tout genre. La nécessité de faire un choix passe donc par l’appui de certains
marqueurs prescriptifs aujourd’hui clairement visibles sur le Web : les like, tweets,
notes, commentaires, etc. Marqueurs qui au final traduisent ce que les autres
internautes « pensent » de l’entreprise ou de ce que les plates-formes Web traduisent
des activités des activités en ligne de ces entreprises.
Ne pas prendre en compte ces formes d’évaluations revient à avancer les yeux fermés
dans un environnement numérique en constant changement. Au-delà de certains
impacts clairement visibles sur le chiffre d’affaires par exemple, prendre en compte sa
réputation en ligne permet de mieux saisir le contexte dans lequel l’entreprise va
communiquer.

Quels sont les risques inhérents à la réputation numérique après une


communication de crise ?
Après une communication de crise, les risques sont multiples. L’un des plus importants
est de ne pas avoir répondu aux attentes de tous ses publics. En effet, la réputation
n’est pas globale : chaque individu, chaque groupe auront une perception différente
d’une même situation. Ne proposer qu’un seul message, ne pas s’appuyer sur les codes
propres à chaque communauté/réseau que l’on souhaite cibler amène le risque de voir
sa communication sans effet.
Ensuite, on ne maîtrise pas sa communication. Les informations ou contenus diffusés
ne vont pas s’arrêter aux cibles premières de la communication. C’est dans la reprise, la
rediffusion à d’autres publics que ceux visés par la communication de crise qu’un
risque potentiel peut apparaitre. Ce qui rassurera l’actionnaire pourra à l’inverse
inquiéter un fournisseur. Ce qui répondra aux craintes d’une catégorie de clients
M
viendra peut-être perturber la perception d’une autre catégorie. Être attentif au fait que
SI
la déformation du message inhérente à sa transmission et à son adaptation au contexte
de chaque communauté n’est pas préjudiciable au discours global voulu par l’entreprise
AS

est nécessaire.
Enfin, une crise (d’un point de vue de la réputation) est un changement net de la
BY

perception qu’un groupe aura de l’entreprise. Il est donc nécessaire d’une part
d’identifier les différents groupes et la façon dont ils perçoivent ce qui est critique dans
les actions ou les discours de l’entreprise. Et d’autre part de prendre en compte après la
crise et la communication qui l’accompagne que le jugement que porteront ces groupes
soient empreint de l’expérience qu’ils viennent de vivre ou dont ils ont eu l’écho.

Quels peuvent être les effets secondaires d’une communication de crise sur
la réputation numérique d’une entreprise ?
Les effets secondaires peuvent donc être une non-compréhension du message véhiculé
par l’entreprise pour endiguer la crise par une partie de son public. Ainsi que la
nécessité de réadapter son discours, de redéfinir les connaissances à partir desquelles
les internautes vont juger les actions futures de l’entreprise, leurs points de repère. Car
c’est là que le Web joue un rôle intéressant : il mémorise et rend visible certains faits
« historiques ». Ne pas prendre en compte ces faits par la suite, ne pas prendre
conscience qu’au-delà de la mémoire des individus celle du Web est existante, amène le
risque d’être en décalage avec les attentes des internautes.

Quelles stratégies les entreprises peuvent-elles adopter afin d’améliorer leur


e-réputation ?
Les stratégies se trouvent à plusieurs niveaux.

– Niveau 1 : le fonctionnement interne de l’entreprise. Si l’on vend un mauvais


produit, si l’on a un service défectueux, ou encore un dysfonctionnement récurant
dans certains de ses process, alors très clairement les retours d’expérience des
clients (ce que cherchent majoritairement les internautes avant d’acheter) ne
pourront être que négatifs. La réputation dépend des actions de l’entreprise, autant
que celles-ci soient en adéquation avec l’image que l’entreprise souhaite renvoyer
(fiabilité, écoute, réactivité, etc.).
– Niveaux 2 : la prise en considération de l’environnement. Le Web peut être vu
comme un territoire de communication très particulier… Puisqu’il regroupe en lui-
même de multiples territoires, avec des codes, des rites, des formes d’interactions
bien particuliers. Vouloir s’exprimer sans prendre en compte les points de repère
de l’internaute (ce sur quoi il se base pour évaluer le discours et les actions des
entreprises) revient à prendre le risque de ne pas être compris, d’être en décalage.
S’inspirer de l’existant, du contexte où l’on souhaite développer ses « valeurs »
d’entreprise, est nécessaire pour instaurer un dialogue (la communication passant
M
par la compréhension de l’autre, ici l’internaute).
SI
– Niveaux 3 : le développement de sa présence par la communication. Définir sa
AS

présence sur le Web (quel message, sur quelle plate-forme, avec quelle régularité,
quel public, etc.) est ensuite l’étape essentielle. Cela passe par une communication
choisie en fonction des publics, la diffusion de contenus avec une réelle valeur
BY

ajoutée (ne pas faire une vidéo pour faire une vidéo par exemple), la mise en place
d’espaces pour interagir avec le public si cela est nécessaire. Bref, le
développement et la mise en place d’une réelle stratégie de communication
prenant en compte les spécificités du Web.
– Niveaux 4 : le CRM. Enfin, si la réputation émerge des relations que l’on a avec
son public, il parait nécessaire de définir la manière dont l’on va interagir avec ce
public : de manière directe ? Sur un support développé par l’entreprise ? Par le
biais d’un community manager ou directement avec les services de l’entreprise ?
Une approche qui ne doit pas être une priorité, mais une conséquence de
l’observation de l’environnement aussi bien qu’une partie intégrante de la stratégie
de communication.

Au final, chaque niveau doit ensuite interagir pour enrichir l’autre : le CRM doit
impacter le fonctionnement de l’entreprise, l’environnement la communication, la
communication le CRM, etc.

Pensez-vous que les entreprises ont suffisamment intégré ces différents


niveaux dans leurs plans de crise ?
Sans avoir une connaissance de tout ce qui se fait à ce niveau, par expérience je vois
que les étapes de remise en question du fonctionnement interne et de connaissance de
l’environnement sont trop souvent délaissées. Les entreprises ont tendance à créer des
profils pour créer des profils, à embaucher un community manager pour entretenir ces
dits-profils ou répondre de manière plus ou moins aléatoire aux internautes.
Cela peut marcher avec des entreprises qui ont un fort « capital marque » (et qui
vendent du sucre ou du rêve par exemple). Pour les autres, bien souvent, le Web se
résume à un canal de communication de plus, et elles n’exploitent pas assez la richesse
en termes de connaissances et d’informations dont le Web recèle. Ce qui est dommage
d’un point de vue du développement tout d’abord. Ensuite, cela amène souvent
l’entreprise à changer continuellement son fusil d’épaule, à ne pas travailler sur le long
terme, mais en « mode campagne » avec plus ou moins le risque de voir apparaitre…
une crise.

Une bonne réputation numérique met-elle à l’abri d’un bad buzz ?


Non, puisqu’une réputation est mouvante, et comme je le soulignais plus haut, elle est
différente en fonction des groupes voire des individus. Au mieux, la défaillance
amenant la crise peut être perçue comme temporaire ou comme non volontaire. Au
M
pire, cela crée justement une forte déception puisque l’entreprise avait bonne
SI
réputation.
AS

Le rôle de l’e-réputation se joue-t-il lors d’un contexte particulier ou d’un


ensemble historique ?
BY

L’e-réputation se constitue au fil du temps, des échanges, des discours et des actions de
l’entreprise. L’e-réputation est un état de fait : à tel moment, dans tel contexte, pour tel
public, pour tel produit/service/action de l’entreprise, les opinions et évaluations qui
en sont faites sont celles-ci. C’est donc un ensemble historique qui prend du sens dans
un contexte. Plus clairement : l’expérience que j’ai vécue avec cette entreprise prendra
du sens lorsqu’un internaute se trouvera confronté à une expérience similaire. Le fait
de partager mon expérience (ou la connaissance que j’ai en provenance d’un proche par
exemple) pour répondre à une attente clairement identifiée n’aura pas le même impact
que si je la partage hors contexte.
L’e-réputation est un marqueur prescriptif jouant fortement dans l’établissement d’une
relation (entre une entreprise et un client dans notre cas). Savoir mettre en avant tel ou
tel marqueur au bon moment (ou essayer de le générer) est donc à définir en fonction
des stratégies des entreprises.

Pensez-vous que les entreprises ont suffisamment intégré cette phase dans
leurs plans de crise ?
Les entreprises semblent aujourd’hui chercher à identifier une e-réputation globale,
qui appuierait leurs stratégies à tout moment, dans tous les contextes possibles, pour
tous les publics. Encore une fois, définir le contexte dans lequel l’entreprise va
s’exprimer ou agir, et dans lequel elle va être ensuite évaluée est essentiel. Cela est plus
long, plus complexe, mais in fine beaucoup plus efficace sur le long terme. Car il serait
illusoire de croire que le Web va disparaître comme il est apparu. Au-delà des effets de
mode, des discours et recettes toutes faites, une approche plus artisanale me semble
nécessaire.

Quels conseils donneriez-vous à des entreprises souhaitant améliorer leur


réputation numérique ?
En termes de conseils, et pour ne pas être trop redondant avec les questions
précédentes, je dirais qu’une mise à plat de ses stratégies (marketing, commerciales,
communication, etc.) est une première étape incontournable. Dupliquer à l’identique
ce qui se fait hors Web est généralement une erreur.
Ensuite, et à l’inverse, prendre en compte que chaque entreprise part avec un capital de
réputation acquis hors Web et que celui-ci va en partie conduire l’expression des
opinions des internautes. Bref : aborder Internet comme un moyen de se reconnecter
avec son public, de comprendre ce qui motive ses prises de position face à l’entreprise
afin d’affiner au mieux les relations que l’on souhaite y développer.
M
SI
AS

Partie 2 Comment agir ?


2.1 Google n’est pas un ami
BY

Après une crise, l’entreprise devra déployer un ensemble d’actions dont l’objectif sera
d’atténuer l’impact négatif des traces numériques dans les moteurs de recherche. Pour
cela, elle va devoir mettre en place une stratégie sur le court terme et sur le long terme
afin de faire émerger dans les résultats et dans les fonctionnalités des éléments positifs.
Comme évoqué en début de ce chapitre, Google a toujours refusé de modifier
manuellement ses résultats de recherche, préférant aller en justice plutôt que d’agir sur
son index, ce quelle que soit la nature de la crise. Par exemple, ces dernières années, les
présidents français ont été associés à des termes péjoratifs à plusieurs reprises. La
réaction de Google face à ce Name Bombing permet de comprendre la politique du
moteur de recherche par rapport à des contenus dégradants :
« nous ne sommes pas plus enthousiasmés par l’idée de modifier manuellement nos
résultats pour empêcher de telles informations d’apparaître ».
Si une société subit une crise, il y a donc de fortes chances que Google se refuse à
modifier manuellement ses résultats au motif que son image est ternie par des contenus
nuisibles. L’entreprise va donc devoir user de leviers légaux pour faire disparaître les
traces indésirables.
2.2 Droit contre règles tacites
L’appel au droit peut paraître comme une solution évidente, mais l’entreprise devra agir
avec déontologie si elle veut échapper à une nouvelle crise. Certaines actions, même si
elles sont légales, paraîtront comme allant à l’encontre de règles morales tacites. Les
internautes pourraient alors se fédérer contre de tels procédés et enclencher de
nouveaux événements.
Face au flot de traces numériques, de nombreuses entreprises décident d’en appeler à la
loi afin de faire effacer des contenus compromettants. Contrairement à une idée
répandue, le Web n’est pas une zone de non-droit : un internaute proférant des insultes
à l’encontre de tiers est tout autant condamnable que dans le réel. Cependant, lorsque
les commentaires semblent justifiés, et qu’importe le ton employé tant qu’il ne tombe
pas dans l’injure, faire appel à la justice n’est pas la meilleure des solutions dans la
mesure où il risque de se produire l’effet inverse de celui escompté. Si porter plainte ou
menacer de le faire est légal, ces actions ne sont en aucun cas perçues comme éthiques
par les internautes, Internet étant associé dans la culture populaire à la notion de liberté
d’expression. Il y a donc d’un côté la loi et de l’autre certains codes implicites imposés
naturellement depuis les débuts du Web.

M
Par exemple, le terme « nétiquette » apparaît dans les années 90, aux débuts d’Internet
tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il s’agissait alors d’un code de conduite
SI
implicite définissant les règles de présence sur les premiers supports « sociaux », d’un
AS

utilisateur vis-à-vis d’autres utilisateurs. Parmi ces règles, il est à noter des exemples
comme la proscription des majuscules, signifiant implicitement qu’une personne crie,
ou encore l’interdiction d’user du langage SMS de type « bjr » (signification de
BY

« bonjour »).
D’autre part, effacer des traces en allant à l’encontre des codes de bonne conduite peut
avoir des conséquences dramatiques qui vont amplifier leur visibilité.
Il existe deux analogies pour dépeindre les phénomènes inhérents à cette « censure
légale » :
L’effet Barbara Streisand
L’encyclopédie en ligne Wikipédia donne une définition de l’effet Streisand : « l’effet
Streisand est un phénomène internet qui se manifeste par l’augmentation considérable
de la diffusion d’information ou de documents faisant l’objet d’une tentative de retrait
ou de censure » (http://bit.ly/RlQVvc).
Les faits qui ont donné lieu à cette dénomination remontent à 2003. À l’époque, le
photographe Kenneth Adelman prend des photographies de la côte de Malibu pour le
compte du « California Coastal Records Project », dont la mission est la surveillance de
l’érosion des côtes Californienne. Il n’y avait aucune démarche de type paparazzi, mais
l’un des clichés apparaît être la maison d’une célèbre chanteuse, Barbara Streisand. Elle
attaque en justice le photographe, l’hébergeur du site et l’hébergeur de la photographie
afin d’empêcher sa diffusion.
Ces derniers décident de diffuser le contenu de l’assignation, et contactent blogueurs et
médias pour faire connaître l’affaire. Des centaines d’articles sont alors publiés ce qui
participe à la large diffusion de la photographie, soit l’effet inverse à celui escompté.
Selon le Mercury News (http://bit.ly/RTKlhX), presque 420.000 internautes ont donc
visité le site Web où cette photo était présente. Il est amusant de penser que sans cette
procédure judiciaire démesurée, personne n’aurait sans doute remarqué cette image
(http://bit.ly/RCHNmp).
L’effet flamby
Un terme qui pourrait faire sourire, si derrière cette apparente note humoristique, ne se
cachait pas un fait avéré qui peut nuire à l’entreprise. Il correspond à la reprise de
contenus menacés par la censure sur diverses plateformes pour en assurer la pérennité.
Pour illustrer cet effet, il est pris en exemple un Flamby qu’une personne écraserait avec
une batte de baseball et dont les morceaux se retrouveraient éparpillés sur les murs
(http://bit.ly/WchBTr). Les traces ne sont pas effacées, elles se sont multipliées.
Par exemple, un article sur une affaire est publié, mais la justice décide qu’il ne pourrait
en être ainsi et condamne l’hébergeur de retirer les contenus illégaux. Les internautes
M
décident donc de réaliser une sauvegarde des données en republiant ces contenus sur
SI
leurs propres espaces pour assurer leur survie et montrer à l’entreprise qu’elle ne
pourra jamais triompher : un contenu présent à l’origine sur une seule plate forme se
AS

retrouve donc démultiplié au grand détriment de l’entreprise.


« L’effet Flamby » est un peu similaire à l’effet Streisand, à ceci prêt qu’il est plus
BY

revendicatif. Il y a ici une volonté des internautes de lutter contre une action jugée
comme allant à l’encontre des codes éthiques. L’effet Streisand repose quant à lui sur
une curiosité naturelle quant à des faits qui feraient l’objet d’un délit.
Il est important pour l’entreprise de comprendre que les traces négatives ne sauraient
disparaître au motif qu’elle a la loi avec elle. Par conséquent, c’est à elle de mettre en
place des actions pertinentes dans le temps afin de modifier sa réputation numérique.

2.3 Créer une stratégie sur le court terme et le long terme


L’entreprise ne pouvant agir auprès de Google, ni réellement faire appel à la loi sous
peine d’obtenir un effet inverse à celui escompté, sauf cas de force majeure, va devoir
mettre en place des actions sur le court terme et le long terme. L’objectif est
d’influencer les résultats présents dans les différentes fonctionnalités de Google pour
faire ressurgir des contenus positifs.
Cependant, le référencement de ces contenus ne se fait sur l’instant, mais dans le temps.
L’entreprise va devoir temporairement mettre en place des actions rapides à déployer
reposant sur le principe d’achat de liens sponsorisés. Ces derniers n’auront pas le même
impact, mais ils permettront d’affirmer une première présence pertinente.
Google propose un programme publicitaire AdWords qui va afficher des liens
commerciaux en fonction de requêtes précises (principe du SEA). Lors d’une crise, ou
une fois celle-ci passées, l’entreprise va pouvoir identifier et déterminer des mots clés
nuisibles afin d’acheter une ou plusieurs annonces. Ces dernières dirigeront les
internautes ayant cliqué dessus vers une page spéciale, appelée également « landing
page », présentant de manière transparente la crise et la réponse qui y aura été apportée.
Par exemple, consécutivement à la crise de la marée noire, la compagnie pétrolière BP
avait acheté pour plus de 10.000$ par jour des mots clés sur les moteurs de recherche,
Yahoo, Google ou encore Bing afin d’orienter les internautes vers une page explicative.
Cela n’est au final qu’une faible partie du budget alloué, qui selon ABC News était de
l’ordre de 50 millions de dollars pour l’ensemble des médias.

Les AdWords permettent d’apporter rapidement une visibilité sur les prises de position
et de décision de l’entreprise face à la crise. Cependant, ces liens publicitaires ne
M
sauraient être la solution sur du long terme. Ils sont d’une part onéreux, et d’autre part,
ils n’empêchent pas les contenus négatifs d’apparaître en deuxième ou troisième
SI
position dans les résultats de recherche.
AS

Sur le long terme, il faut donc mettre en place une stratégie de contenu dont l’objectif
sera de créer des contenus originaux dans le temps (blogs, vidéos, livres blancs) qui vont
BY

être mieux référencés que certains éléments nuisibles. Pour cela, l’entreprise devra
mettre en place des plateformes qu’elle maîtrise, comme un blog ou un site corporatif
dédié, et utiliser tous les leviers de l’optimisation pour les moteurs de recherche, c’est-à-
dire du SEO (Search Engine Optimization).
Cependant, l’entreprise ne pourra pas mettre en place des centaines de sites Internet
optimisés afin de maîtriser la première page de résultat, car cela représenterait un trop
grand volume de production et ne sera pas « naturel ». Elle pourra néanmoins réaliser
des actions spécifiques, comme des partenariats avec des blogueurs ou des contenus
viraux comme un livre blanc, afin de diversifier les sources la mentionnant.
Si les techniques de référencement peuvent modifier les résultats de recherche, elles
n’auront qu’un impact limité sur les outils d’aide à la recherche de Google. Il peut donc
être intéressant pour une entreprise de mettre en place des actions ponctuelles afin
d’amener les internautes à créer des volumes de requêtes sur son nom qui seront prises
en considération, comme des jeux concours par exemple.
Enfin, ce n’est pas parce que les commentaires acerbes sont mal référencés qu’ils ont
disparu. L’entreprise devra avoir y apporter des éléments de réponses, témoins de sa
prise de conscience face aux événements et de sa dimension humaine. Un internaute
peut utiliser certaines combinaisons de mots clés et avoir pour résultat des critiques
négatives. Si aucune réponse n’a été apportée, alors sa perception sera que l’entreprise
ne prend en considération les avis de ses consommateurs. D’où l’utilité de repérer et de
réfléchir aux termes et aux expressions qui désignent l’entreprise qu’elle souhaite
améliorer.
Il est à noter que dans certains cas, l’entreprise pourra ne pas souhaiter s’exprimer
publiquement pour certaines raisons. Par exemple, dans le cadre d’un licenciement, la
société pourrait avoir des raisons légitimes, qui ne sauraient être rendues publiques
pour des motifs liés à la confidentialité, comme un salarié surpris en train de boire de
l’alcool sur son lieu de travail. Dans ces cas précis, l’entreprise répond généralement de
manière privée à ses détracteurs. Or, il est important de témoigner de cet échange, en le
mentionnant au travers d’un commentaire tel que « nous vous avons répondu de
manière privée ». Ainsi, les internautes qui seraient confrontés à cette discussion
comprendront que la situation a été traitée en privé. Il ne faut jamais laisser un dialogue
ouvert, mais toujours montrer qu’une réponse y a été apportée, qu’elle soit publique ou
privée.

2.4 Interview Cyril Rimbaud


M
Digital Strategist et Creative Technologist chez Curiouser
SI
Les blogueurs sont-ils devenus des fédérateurs de crises pour les marques ?
AS

Il est important de distinguer blogueurs opportunistes (que je vais appeler blogueurs


SEO) et blogueurs indépendants ou libres. Le blogueur opportuniste va écrire un billet
BY

pour créer ou favoriser le trafic sur son blog pour revendre de la publicité (liens
sponsorisés, affiliation ou bannières). Chacun de ses billets, du titre jusqu’au texte, va
donc être optimisé pour prendre le moins de temps possible à construire tout en
intéressant un public ciblé. Le blogueur indépendant a, quant à lui, des motivations
très personnelles (valorisation de son expertise professionnelle, besoin de
communiquer sur une cause, etc.).
Ces deux profils ne vont pas du tout agir de la même façon en cas de crise de marque.
Le blogueur SEO (spécialisé marketing) va propager très rapidement la crise sans
analyse ou alors très légère ; son objectif étant de faire venir des visiteurs sur son site
grâce à un titre racoleur, et un article réalisé à base de copier-coller ou de traduction
d’article américain. Le blogueur SEO étant souvent un spécialiste de la propagation
d’article (d’où l’appellation SEO), il va diffuser son billet sur toutes les plateformes
possibles (notamment les réseaux sociaux) pour tenter de se positionner rapidement
dans les moteurs de recherche et réussir à obtenir une de diffusion naturelle de
l’article : un buzz (et dans ce cas-là, un bad buzz pour la marque).
Le blogueur indépendant va, lui, chercher à comprendre un peu plus le problème, voire
à analyser la situation. Forcément, cette analyse va prendre du temps et son article
sortira quelques jours, voire quelques semaines après celui du blogueur SEO.
Néanmoins, l’article sera mieux apprécié par les professionnels et peut calmer ou
réactiver un bad buzz éventuel.
Ce blogueur indépendant est également susceptible d’être à l’origine d’une crise de
marque avec un article pertinent et bien construit. Dans ce cas, si la polémique qu’il
soulève peut intéresser le grand public, elle est en mesure d’être rapidement reprise par
des blogs SEO et engendrer un bad buzz de marque.
Pour une marque, suivre les blogs est donc devenu primordial, car ils sont le reflet de
dysfonctionnement réel de la marque ou de rumeurs sur Internet.

Comment dénoncer des pratiques de marques en restant objectif ?


Cette question n’est pas nouvelle. Elle se pose pour les journalistes depuis que la
profession existe. Elle est même plus compliquée que cela, car elle s’articule autour des
notions de transparence, de vérité et d’information :

– Le journaliste doit-il chercher la vérité ?


– Le journaliste doit-il raconter en toute transparence (subjectivité) les
évènements ?
M
– Le journaliste n’est-il qu’un simple canal de restitution d’information ?
SI
Ces interrogations sont toutes justes, car il n’y a pas qu’un seul type de journalisme. Et
AS

pour les blogueurs, c’est la même chose. Il n’y a pas qu’un seul type d’écriture de blog :

– Le blogueur SEO, lui, va se retrancher derrière la restitution d’information. Il


BY

peut écrire n’importe quoi sans vérification, car il prétend à un rôle de simple
transmetteur d’information. Pourquoi pas ? Certains médias traditionnels le font
aussi.
– À l’opposé, d’autres blogueurs les indépendants vont chercher la vérité. Analyser,
disséquer un phénomène, une attitude. Ils sont rares, mais, par leur audience
pointue, sont capables d’influencer un bad buzz en le dégonflant ou au contraire en
le relançant.
– Et puis, entre les deux extrêmes, on trouve les blogueurs qui relaient
l’information en la passant au crible d’une analyse critique personnelle. On
retrouve ici l’attitude des journalistes traditionnels, qui vérifient l’information le
plus possible avant de la transmettre ; coincés entre leur envie d’être le plus
objectif possible, et leurs moyens et temps disponibles.

Chacun de ces blogueurs a, à l’instar du journaliste traditionnel, une vision différente


de l’objectivité et de son rôle. La dénonciation d’une marque sera basée sur cette vision
personnelle.

Quelles peuvent être les réclamations d’une marque après une attaque
directe ?
Il y a à peine quinze ans, la réaction des marques était assez classique devant une
attaque directe : elle lançait ses avocats pour attaquer en diffamation celui qui osait
faire ça. Dans ce cas, l’accusé avait soit les moyens de faire face au procès, soit il devait
se confronter au jugement (amende, obligation de réponse, etc.). On peut ajouter que
face à un particulier désargenté, les grandes marques et leurs nombreux juristes
avaient toujours l’avantage (on ne connait pas les class action en France). Le tout,
associé à un bon communiqué de presse, permettait aux grandes marques d’être
presque intouchables.
Et puis, au début des années 2000, Internet a montré aux marques que le réflexe
« juridique + communiqué de presse » ne fonctionnait pas toujours (on peut citer
l’exemple des antivols Kryptonite par exemple). Dans ce cas, à quoi peut servir
d’envoyer une équipe d’avocats pour gagner un procès, si la vérité finit par inonder
Internet, et finalement les consommateurs et donc les ventes ? Une question devenue
certitude après l’affaire Streisand de 2007, où la loi obligea un photographe à enlever
de son site Web une photo de la maison de Barbra Streisand, photo qui se retrouvera
sur tous les sites de blogueurs SEO le lendemain. Bilan de l’opération : un procès certes
gagné, mais une diffusée photo partout sur Internet (photo qui n’a d’ailleurs d’autre
intérêt qu’avoir voulu être dissimulée). M
SI
Depuis, les nombreux cas de bad buzz ont pu apprendre 2 principes aux marques :
AS

– On ne peut plus faire taire une personne en passant par la loi


– Les internautes aiment les belles histoires et sont prêts à soutenir les gentils
BY

contre les méchants

À partir de ces 2 principes, les marques peuvent avoir plusieurs réactions en cas
d’attaque :
chercher l’origine du problème (le blogueur a peut-être raison malgré tout), discuter
d’égal à égal avec le blogueur (vous êtes sur son terrain, l’insulter ou le menacer ne va
pas faire avancer votre cause), et pourquoi pas, répondre officiellement par un
communiqué de presse (et même légalement – vous avez peut-être raison et vos
consommateurs peuvent vous soutenir).
Mais comme dans toute situation de gestion de crise, il est évident que la qualité de
votre réponse dépendra de votre préparation. Les marques préparées, qui ont identifié
leurs faiblesses et anticipé ces problèmes, auront forcément un coup d’avance.

Quels moyens l’internaute peut-il mettre en œuvre pour se défendre face à


ce retour de flamme ?
Cela va dépendre exclusivement de l’internaute, de son capital sympathie, et de son
réseau.
Un exemple récent où un internaute a été attaqué par une actrice célèbre pour avoir
mis des photos personnelles d’elle en ligne. Des médias ont immédiatement fait
circuler la rumeur comme quoi l’actrice « censurait un site amateur ». Or, en fouillant
un peu, on s’aperçoit vite que le soi-disant site amateur est un blog SEO qui a pour
objectif de se rémunérer sur la publicité en créant du trafic à base de rumeurs, de
photos de paparazzi et de titres racoleurs.

Ce faux bad buzz s’est donc assez rapidement tu car qui va prendre parti
pour de la presse people en ligne ?
À l’opposé, l’attaque (qui s’est transformé en menace d’attaque) en diffamation que
m’a envoyée une agence de publicité que j’avais pu critiquer sur mon blog, s’est
transformé en vrai bad buzz pour eux. Après seulement un tweet disant que j’étais
attaqué, l’article originel a été republié sur plusieurs gros sites (effet Streisand), un
sentiment d’injustice s’est propagé sur Twitter jusqu’à créer un trending topic mondial
(#teamcyroul, 3eme après Justin Bieber–hé !), et l’article incriminé s’est retrouvé en
deuxième position sur Google en tapant le nom de l’agence. Un vrai engouement de la
profession qui voulait absolument faire gagner David, le blogueur indépendant, contre
Goliath, la cruelle agence toute puissante. Le résultat : des avocats sympas m’ont
M
défendu, des journalistes ont pris mon parti, et l’agence a été forcée d’abandonner son
attaque sous peine de faire durer le bad buzz.
SI
Ces deux exemples montrent bien que tout dépend du type de blogueur attaqué,
AS

proportionnellement à l’injustice de l’attaque.


Le blogueur SEO, face à une attaque de marque, ne pourra qu’accepter ses conditions.
BY

Sachant que, rémunéré par les marques, il va de toute manière très rarement les
critiquer.
Le blogueur indépendant, lui, va posséder d’autres armes face à la marque dans le cas
où il est de bonne foi. Notamment la transparence, en racontant ses malheurs sur son
blog ou sur ses réseaux sociaux.
On peut se souvenir de l’affaire Olivier Martinez contre le blogueur Eric Dupin qui
avait suscité une très mauvaise publicité pour l’acteur Martinez. Les blogueurs prenant
parti pour le sympathique Eric avaient en effet lancé une campagne de Google bombing
« J’aime pas Olivier Martinez ! ». À la fin, Eric Dupin s’est fait peut-être condamner
(une amende), mais Olivier Martinez a perdu sa crédibilité auprès des lecteurs des
blogs.
Donc face à une attaque illégitime de marque, le blogueur doit compter sur sa
transparence et sa réputation. À lui de faire en sorte qu’elle soit bonne, il a tout à y
gagner.

L’attaque des marques envers les personnes qui les ont « dénoncés » est-elle
une cause louable ?
Cela va dépendre de la légitimité de la cause. Certaines marques ont raison d’attaquer
des blogs ou des médias qui leur font du mal, dévoilent leur vie privée, ou répandent de
fausses rumeurs. Internet est un reflet de notre société. On trouve donc des bonnes et
des mauvaises personnes, de bons et de mauvais blogueurs. Les marques peuvent et
doivent manifester leurs droits sur Internet comme ailleurs.
Néanmoins, encore trop de marques appuient sur la gâchette juridique dès que la
moindre critique leur est adressée, sans même chercher à la vérifier. La faute en
incombe souvent aux services juridiques eux-mêmes qui vont reproduire sur Internet,
ce qu’ils faisaient avant depuis des dizaines d’années sans savoir qu’il s’agit d’un autre
monde qui a d’autres lois.
J’ai pu constater cet éloignement des ressources juridiques face à Internet lors d’une de
mes formations en gestion de crise. Après un des exemples de la dérive d’une
réputation de marque après un bad buzz, je posais la question classique du « et vous,
qu’auriez-vous fait ? ». La responsable juridique de ce groupe indiqua tout de suite
qu’elle aurait fait un procès à ceux qui avaient lancé la rumeur. Il a fallu lui dire que ça
n’aurait pas arrangé les choses à ce moment là, bien au contraire, que ça allait faire
empirer l’incompréhension des publics sur Internet, et le sentiment d’injustice
« grandes marques contre petits consommateurs » que ces histoires génèrent, elle n’en
M
démordit pas. Le travail de cette responsable juridique était de faire des procès contre
SI
ceux qui menaçaient sa marque, Internet ou pas. Dans cet exemple, la marque étant
dans son droit, le procès était évident et immédiat.
AS

Un moment très intéressant, où les autres responsables ont compris qu’en cas de
problème de réputation sur Internet, ils feraient d’abord un constat entre eux et ne
BY

contacteraient le service juridique qu’en dernier recours.


Une résolution que trop peu de marques utilisent encore aujourd’hui.
Chapitre 7
Cycle de vie d’une crise et études de cas
Sur les médias sociaux, l’apparence éphémère de certaines crises pourrait faire penser
qu’elles sont soudaines, alors qu’elles ont en réalité toujours une histoire. Chaque crise
est dotée d’un cycle de vie, il y a un avant, un pendant et un après. Une chronologie qui
voit des représentations sociales s’immiscer dans son parcours et qui dépend en grande
partie de l’action de l’entreprise pour désamorcer la situation. Car plus les négligences et
les maladresses sont nombreuses et plus la crise risque de durer.
Lorsque nous évoquons un bad buzz, souvent nous ne traitons pas des faits, mais plutôt
des échos qui nous parviennent. Finalement, la perception que nous avons d’une crise
n’est presque jamais objective, ce qui peut expliquer la formation d’une vérité parallèle.
Dans les faits, c’est précisément cette élaboration d’une vision consensuelle qui
prédomine, et qui peut aggraver la situation. C’est pourquoi l’entreprise doit être
sensibilisée à ces concepts pour pouvoir les enrayer. Elle doit savoir anticiper les signes

M
avant-coureurs, prendre en considération les éléments déclencheurs et leurs
conséquences, et anticiper sa réputation numérique future.
SI
Afin de schématiser ces différentes étapes, nous avons voulu nous attarder sur trois
AS

phénomènes sociologiques conscients, et inconscients, jouant un rôle dans le


développement et la mémorisation des crises et des bad-buzz. De la confection d’une
information officieuse à la formation d’un terme fédérateur, jusqu’à la rétention de ces
BY

épisodes sensibles, ces concepts procurent une réelle influence sur les opinions et les
attitudes, ainsi que sur les prises de décisions collectives.
Pour avoir une vision concrète du cycle de vie d’une crise, nous avons également voulu
nous attarder sur deux études de cas. Ces exemples permettront d’observer la
matérialisation des bonnes et des mauvaises pratiques en terme de gestion de crise.

Partie 1 Les représentations sociales avant, pendant et après une


crise
1.1 Avant la crise : la rumeur
La rumeur est un composant que toute communication doit prendre en considération.
Les commérages, les ragots et les informations officieuses constituent des éléments
attrayants, car ils renvoient à la notion de confidentialité. Sur Internet, les marques
n’échappent pas à cette déferlante d’infos/intox. Les internautes sont devenus des relais
d’opinions pouvant faire germer une information néfaste pour l’enseigne, même si cette
dernière n’a jamais été vérifiée. Il faut donc savoir étouffer les élans d’affabulation afin
d’éviter d’être confronté à une crise.
« Rumor » signifie en latin « bruit qui court, bruits vagues, opinions courantes ». Ce
terme doit sa paternité à un phénomène de sonorité qui émane d’une foule, oscillant
autour du clivage entre vérité et fausseté. Selon le psychologue R. Knapp, il s’agit d’une
« déclaration destinée à être crue, se rapportant à l’actualité et rependue sans
vérification ».
Ce qui fait la force des rumeurs, c’est que les individus et les internautes ne ressentent
pas le besoin de vérifier l’exactitude de l’information avant de la relayer à leur réseau. La
rumeur naît, existe et circule en toute impunité, composant un tableau psychosocial.
Elle représente ainsi une porte ouverte vers des croyances erronées pouvant porter
préjudice à l’e-réputation d’une entreprise. « Désigner nommément le mal, c’était le
faire exister, en rechercher la cause, c’était avouer son inquiétude, s’exposer aux
rumeurs » disait le romancier Franck Pavloff.
Ces rumeurs sont encore plus dangereuses si elles portent sur une thématique sensible
comme la discrimination, les licenciements, etc. Certains sujets font ressortir l’aspect
émotionnel de l’inconscient collectif. Si une marque est suspectée de faire travailler de
jeunes enfants à l’autre bout du monde pour confectionner ses produits, ou d’avoir
M
refusé l’accès au transport à une personne pour une caractéristique physique, elle risque
d’être confrontée à la colère des internautes. Et comme l’écrit si bien Victor Hugo « la
SI
rumeur approche, l’écho la redit ».
AS

Le psychologue Rouquette propose un modèle (http://bit.ly/RTKwK3) en 1990 rendant


compte des dimensions psychologiques et sociologiques de la rumeur : le syndrome de
rumeur.
BY

Il désigne 4 caractéristiques définissant une rumeur :

– L’instabilité : Le message véhiculé est malléable, car il dispose par nature de


traits personnalisables sous le prisme de la personnalité de la personne qui le
relaie. La constitution d’une rumeur révèle donc en amont, de l’élaboration d’un
message difforme. Lors de la transmission, chaque destinataire va modifier ce qu’il
a entendu ou lu, soit par oubli ou par ajout. Leurs préoccupations produiront une
« bonne forme » cognitive qu’ils relaieront à leur tour. La rumeur est un produit
régulant un processus de productions mentales.
– L’implication : Les transmetteurs de l’information doivent être concernés par le
message pour la partager. Ils scrutent la webosphère pour parvenir à une
observation qui va confirmer une de leurs hypothèses personnelles. Que leurs
motivations soient factuelles, idéologiques ou purement identitaires, ils utilisent
leur intuition pour trouver des scoops, ils s’impliquent directement dans le
façonnement d’un message malléable. Il existe différents degrés d’implication,
variant selon la nature et le nombre de caractéristiques mises en jeu. Par exemple,
plus le message va renvoyer à une caractéristique spécifique, relative aux individus,
plus ils vont être attentifs envers le message. Leur perception de l’information va
donc découler de la compréhension qu’ils en ont. De plus, plus les caractéristiques
sont valorisantes et plus elles vont représenter un enjeu pour mettre en avant des
signes d’appartenances sociales. Les individus seront alors encore plus impliqués
pour relayer la rumeur.
– La négativité : Les rumeurs sont rarement véhiculées pour rapporter des
nouvelles optimistes. En règle générale, elles sont plus relatives à des fautes, des
menaces et des situations aversives. La négativité des contenus révèle ainsi un trait
universel qui facilite la dénonciation plus que la congratulation. Les rumeurs
positives ou d’espoirs n’impliquent pas nécessairement une dimension d’alerte ou
de captation d’attention, car nous les percevons comme des nouvelles relatives à un
déroulement « logique ».
– L’attribution : Une rumeur n’est pas la signalisation d’un événement, mais le
compte-rendu de la signalisation d’un événement. Il ne s’agit pas d’un témoignage
objectif, mais du témoignage d’un témoignage. En ce sens, chaque rumeur est un
discours rapporté, subjectif; qui n’est pas directement vérifiable. Chaque message
ingéré, véridique ou non, va donc être perçu à travers le prisme de notre système de
valeurs, de notre perception de l’environnement. Nous rendons inconsciemment le
M
message compatible avec notre vision du monde et élaguons les détails qui ne vont
SI
pas dans ce sens. Le relais de la rumeur sera donc fortement orienté selon la
culture, le réseau ou les croyances de l’individu. D’autre part, chaque internaute va
AS

attribuer un certain degré de crédibilité à la source qui émet ce message. Cette


analyse dépend de facteurs variés comme l’appartenance sociale de la source ou de
BY

l’aura que nous lui attribuons.


M
SI
AS

À l’origine perçue comme un mode de transmission linéaire de vive voix, la rumeur est
BY

devenue un mode de communication à part entière sur la toile. Avec la technologie qui
évolue sans cesse, l’internaute lambda peut faire des pronostics et s’imaginer le futur
proche. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir les prévisions d’experts ou des articles à
sensations décrivant les fonctionnalités d’un appareil attendu. Ce besoin de poser des
constatations comme des vérités générales témoigne d’une impatience et d’une crainte
face au changement. La rumeur devient en ce sens une représentation comblant une
absence, un manque. Les spécialistes imaginent comment sera Facebook en 2015, quels
seront les médias sociaux à la mode, etc.
Mais dans le cas de crise, des informations peuvent être véhiculées sous forme d’ironie,
de blagues ou de faux témoignages et être prises comme un fait avéré par bon nombre
d’internautes. La dynamique de partage peut alors s’enclencher sur des bases erronées.
Face à une attente précise, le moindre signe est guetté, et dès lors qu’un propos nuancé
est perçu comme une réponse à ce signe, les gens commencent à partager l’information
en présentant cette information comme véridique.
C’est le cas de Burger King, qui à partir d’un article anodin sur le blog nommé
FastandFood imaginant la possible installation de l’enseigne en France, a vu tous les
influenceurs relayer cette « fausse nouvelle » sans la moindre officialisation de
l’enseigne. À partir de l’article original (sans source ni référence) vient alors se greffer
une succession de billets et de papiers sur la blogosphère, qui supplantent totalement
l’article du premier blog et qui annoncent officiellement qu’un Burger King va ouvrir à
la gare Saint-Lazare à Paris. Des journalistes ont même repris l’information sans vérifier
les sources et ont exposé ces supputations comme des faits avérés. Face à l’émulation
qui s’opère autour de cette possible ouverture, aucun communiqué ne vient acquiescer
ou démentir, ce qui laisse les internautes dans le flou, et la voie libre aux esprits
fantaisistes. C’est pourquoi un utilisateur de Twitter a fait parler de lui en affirmant être
entré sur le chantier du futur Burger King. Là encore, le message est fortement relayé,
donnant naissance par la même occasion à des montages visuels (les « fakes »)
circulant sur le Web. Si bien que d’un œil extérieur, cette nouvelle était jugée crédible.

M
SI
AS
BY

Pour comprendre comment naît et évolue une rumeur, Allport Et Postman, deux
psychologues, ont décidé de mettre en lumière l’évolution de la transmission d’un
message. Dans une de leurs expériences, les sujets tests devaient simplement observer
un dessin et rapporter à une personne ce qu’il avait perçu. Ainsi de suite. Les résultats
démontrent que de relais en relais, l’information subit un certain nombre de
distorsions, elle se transforme en une rumeur. Ce qui est intéressant de noter, c’est que
l’information prend une forme définitive à partir du septième relais. À ce moment,
l’information est devenue suffisamment courte pour être répétée de façon mécanique.
La réduction maximale semble même être atteinte après seulement quatre relais. Ceci
démontre que plus l’information est courte et concise, plus elle a de chance d’être
reproduite à l’identique. Cette stabilisation s’explique aussi par le fait que la possibilité
de travail d’élaboration et de construction de l’imaginaire diminue du fait de la
disparition de la plupart des détails amenant à l’interprétation. Un savoir de sens
commun qui élimine progressivement les détails « accessoires » pour ne garder que les
éléments centraux.
Le message évolue donc progressivement selon un mécanisme de réduction pour aller
vers une structure plus simple, devenant ainsi plus facile à intégrer. Cette réduction
s’opère dans une logique de conservation des éléments jugés centraux et essentiels. La
prédominance et la mise en avant des informations générales mettent ainsi en lumière
un effet d’accentuation. Néanmoins, cette construction sociale est souvent le miroir
déformé de la réalité. L’information qui est transmise au plus grand nombre est alors
plus une rumeur qu’une information factuelle.
Il existe une troisième phase de la création d’une rumeur : l’effet d’assimilation. Les
ajouts, erreurs, oublis ou exagérations trouvent leur source dans le fait que les
individus, en se relayant successivement l’information, l’assimilent en la rendant
compatible avec leur système de valeurs, de normes et d’attitudes. Les influenceurs qui
relaient des informations relaient surtout leur perception de la chose. Et cette
perception engage souvent l’intégration de stéréotypes, de préjugés, de catégorisation
sociale et donc de subjectivité.

M
Ces aspects de réduction, d’accentuation et d’assimilation constituent la consolidation
de la rumeur. Ils la rendent plus solide, résistante et donc plus apte à être diffusée. Mais
SI
outre ces considérations d’ordres humaines, une rumeur ne va s’enraciner que si le
AS

contexte lui est favorable.


Le psychologue Rouquette soutient d’ailleurs que la rumeur ne peut devenir féconde
que si le climat social est propice à sa gestation. Le plus souvent, la « population » d’une
BY

rumeur représente un public qui partage des connaissances et des attentes communes à
un instant T. La sortie des nouveaux produits d’Apple par exemple déchaîne toujours les
passions. Même si le public est hétérogène (statuts sociaux, sexe, âge), ils partagent
l’espace d’un moment une histoire collective commune avec la marque. Ils regardent
tous la même chose et tentent de trouver des indices, parfois là où il n’en a pas, pour en
savoir plus sur ce qu’ils désirent.
Pour les marques, il convient donc en amont de :

– Imaginer et rédiger des scénarios de crise potentielle basés sur la rumeur pouvant
survenir dans un secteur d’activité.
– Mettre en place une surveillance continue des conversations de consommateurs
autour de la marque sur les réseaux sociaux.
– Ne pas hésiter à discréditer la rumeur si elle est totalement infondée en trouvant
sa source.
– Utiliser le canal approprié, là où est née et continue d’exister la rumeur, tout en
répondant individuellement aux questions des internautes.
– Contacter rapidement les journalistes spécialistes de son domaine pour nier
explicitement la rumeur et prouver qu’elle est infondée.

1.2 Pendant la crise : le nexus


À l’apogée des contestations, les voix ont besoin de thèmes fédérateurs pour se faire
entendre. Les mots et slogans sont alors judicieusement choisis et utilisés à outrance. Si
bien qu’au final, une phrase, une expression ou un mot finissent souvent par
représenter ce mouvement de protestation. « sous les pavés la plage », « le 11
septembre », « le printemps arabe », « l’octobre rouge », « Bloody Sunday » sont autant
de termes qui se sont enracinés dans les mémoires collectives. Concernant les crises de
marques sur le web, nous pouvons citer « Kryptonite » ou « l’homme nu » qui
symbolisent à elles seules l’essence des crises numériques. L’affaire Kerviel est quant à
lui un nexus renvoyant aux banques, etc.
Ce terme représente tout aussi bien l’historique de la crise que la cristallisation des
valeurs et des opinions représentées par la consternation des consommateurs. Une
expression qui peut entraîner l’adhésion ou la répulsion de toute une communauté. Ce
mot qui est bien plus qu’un simple mot, c’est le Nexus.

M
Étymologiquement, le mot nexus provient de l’association de deux mots latin :
SI
– « necto » signifiant lier, unir, entrelacer.
AS

– « nodus » désignant un nœud.

Afin de créer des repères dans un mouvement de contestations, les individus ou les
BY

médias vont tendre à s’approprier des mots clés, des termes porteurs afin de créer des
référents linguistiques représentant un sens commun. Les nexus correspondent à des
« nœuds affectifs », inhérents à un grand nombre de personnes qui neutralisent
temporairement leurs différences inter-individuelles pour favoriser le rassemblement.
Servant à la base de marque-page historique, l’abondance de contenus issus du Web a
provoqué un besoin de marqueurs, pour surligner les passages de crise. L’infobésité
induite par la démultiplication des messages a ainsi créé un besoin de se repérer dans
ces manifestations sociales. Les bad buzz se sont ainsi trouvé de parfaites loupes avec
les nexus. Même si cette instauration de néologismes sociétaux n’est pas
systématiquement utilisée, nous observons qu’ils occupent une place de plus en plus
prédominante.
Lorsqu’une marque subit une crise, de nombreux écrits vont émerger pour analyser les
faits. Les nexus sont par conséquent des mots clés utiles pour les internautes qui
souhaitent avoir un synopsis de ce qui s’est passé.
Afin de mieux comprendre ce concept de nexus, voici quelques-unes de ses
caractéristiques :
– Un caractère collectif puisqu’ils sont intégrés par une population ou une société
donnée. D’après Rouquette, ce sont des « noyaux de sens irraisonnés qui ont
valeur de référentiels pour une communauté donnée à une époque donnée »
(http://bit.ly/TGZ3eE).
– Une mise à l’écart momentané des différences intra-groupales et / ou inter-
groupales s’effectue de manière temporaire pour faire face à une situation qui les
dépasse. On peut citer par exemple le fait que, lorsque le front national
(mouvement nationaliste) est passé au second tour aux élections présidentielles
françaises de 2002, les sympathisants de gauche comme de droite ont uni leurs
forces pour s’y opposer.
– Les nexus ont un impact maximal lorsque la situation est conflictuelle, car leurs
existences sont vouées à la désignation d’un événement précis. Dès lors que le
problème est résolu ou réglé, il perd irrémédiablement son impact. Plus tard, il
reste simplement dans les mémoires comme un symbole.
– Un nexus est une construction sociale qui tend à s’inscrire dans le réel. Ce
concept à la base imaginaire finit pat exister de lui-même. Il peut alors être utilisé
comme référence pour désigner un événement similaire.
M
– Les nexus sont désignés par un terme précis et unique. Il n’y a pas d’équivalent
SI
même si les mots désignent la même chose. Le drame des tours jumelles de
Manhattan est représenté par « le 11 septembre » et pas par « l’attaque terroriste
AS

d’Al-Quaida ».

Pour les marques subissant une crise, il est impératif de repérer l’émergence de termes
BY

rassembleurs et de tenter de les enrayer. La puissance des hashtags sur twitter constitue
d’ailleurs un moyen rapide et puissant de générer ces nexus pour informer les
internautes. De plus, les bad buzz et les crises portent souvent des appellations qui sont
largement reprises par les médias. On parle du « cas X », de « l’affaire X » etc. Il est
donc de l’intérêt des entreprises de s’y intéresser de près.
D’autre part, certains nexus ayant eu une sonorité médiatique puissante survivent
souvent à leur déroulement. Des appellations universelles comme le « 11 septembre »
deviennent alors des biens communs, des représentations sociales pouvant décrire de
nouveaux phénomènes (le terrorisme en l’occurrence). On observe d’ailleurs cette
mutation dans les journaux qui usent et abusent des formules types « le 11 septembre
de... ». Les entreprises doivent donc être extrêmement vigilantes à ce que les nexus qui
les concernent ne dépassent pas l’âge du dénouement de la crise, et que leur pérennité
ne soit pas remise en cause si le terme dénigre la société.
Dans le cas de BP, le Nexus est « Deep Water Horrizon ». Ainsi, si nous tapons ces mots
clés sur les moteurs de recherche, il y a fort à parier que nous y trouvions un article
traitant de ce bad buzz. Néanmoins, l’avantage de ce nexus est qu’il n’implique pas une
corrélation visible à ceux qui ne connaissent pas l’affaire. En effet, les nexus les plus
néfastes sont ceux qui comportent le nom de l’enseigne. Voilà pourquoi il est vital de ne
pas impliquer la dénomination de l’entreprise dans ce procédé sociétal. Il est toujours
préférable d’avoir subi une crise portant le nom d’une personne, d’un lieu ou d’une date
plutôt que le nom de la marque.

1.3 Après la crise : les mémoires collectives


Lorsque nous dressons un panorama des opérations marketing observées, nous
évoquons surtout les grands succès ou les gros échecs, les critiques dithyrambiques ou
les crises consternantes. Nous parlons notamment d’études de cas (Dell, Nestlé, etc.). Ce
phénomène est induit par un mécanisme collectif qui privilégie la mémorisation
d’événements aux pôles extrêmes, positifs et négatifs.
La mémoire humaine est un outil extraordinaire, qui nous sert à chaque instant. D’après
le psychologue Maurice Halbwachs, la mémoire fonctionne sous la forme de « cadres
sociaux » constituant des repères (le langage, l’espace, le temps) pour comprendre notre
environnement (http://bit.ly/RTKJNi). Pourtant, la mémoire sociale, elle, ne résulte pas
toujours des faits vérifiés, mais bien de ce dont la société se souvient.
Généralement, lorsqu’un événement hors du commun s’est déroulé, il y a quatre façons
de s’en souvenir :
M
SI
– Nous nous en souvenons fidèlement et les faits avérés sont préservés.
AS

– Nous ne nous en souvenons pas du tout, à part quelques notions.


– Nous nous en souvenons dans une version altérée, faites d’avis et de rumeurs
BY

extérieures.
– Nous nous en souvenons avec un ou plusieurs éléments que nous avons nous-
mêmes intégrés ou supprimés sans le savoir.

Sur Internet, les crises en chassent souvent une autre. Si bien que pour la conscience
collective, il est généralement difficile de garder une perception objective de ce qui a pu
se dérouler. Comme le disent les historiens, l’objectivité en tant que telle n’existe pas,
puisque le fait de relater des faits induit obligatoirement l’intégration de la subjectivité
du conteur. Socialement, c’est la même chose, mais en pire, car nous sommes non
seulement influencé par notre mode de pensée, mais également par celui d’autrui (la
vision des médias, de nos proches, des internautes, etc.). Cette mémoire sociale fluctue
majoritairement entre les faits qui nous sont exposés, notre proximité envers la marque
et la personnalité de l’internaute. Si bien que pour faire la part des choses, il faut parfois
regarder au-delà des apparences.
La mémoire sociale ne fonctionne pas de la même manière que la mémoire individuelle
(court et long terme) [Haas, V. & Jodelet, D. (1999). Pensée et mémoire sociale. In J.P.
Pétard, Manuel de psychologie sociale (pp. 111-160), Paris : Edition Boréal]. Elle se
définit plus comme un confectionneur de significations, qui dépend directement d’un
contexte social. Karl Marx soutenait d’ailleurs : « Qu’est-ce que la société, quelle est sa
forme ? Le produit de l’action réciproque des hommes... Posez telle société civile, et vous
aurez tel État politique, qui n’est que l’expression officielle de la société civile ». En ce
sens, si les médias parlent d’accidents d’avion, nous prêterons à coup sûr plus
d’attention aux prochains accidents d’avion. Par essence, cette mémoire sociale se
tourne davantage vers les faits hors-norme puisque c’est que qui sort du lot qui se
mémorise le mieux aux yeux de la société.
Selon l’historien Pierre Nora, la mémoire sociale se définit comme « le souvenir ou
l’ensemble des souvenirs conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par
une collectivité vivante de l’identité de laquelle le sentiment du passé fait partie
intégrante ».
Les mémoires collectives sont donc la matérialisation de ces significations et codes
(http://bit.ly/UVDLG8). Le 11 septembre par exemple est un bien sociétal qui
retranscrit ses représentations sociales à tous. Seulement en prenant du recul, nous
pouvons nous rendre compte que les faits retenus sont essentiellement des repères qui
nous ont été dictés pour aiguiller notre mémoire. Lors d’une crise, nous nous référons
naturellement aux écrits sur les causes, puis aux articles sur les répercussions, et enfin
aux messages transmis par la marque en question. Toutefois toutes ces sources sont-
M
elles vraiment fiables ? Connaissons-nous les vrais éléments de l’histoire ou avons-nous
SI
été influencés pour en avoir une vision altérée ?
AS

Le psychologue britannique Frederic Bartlett a mis en évident le fait que la


complémentarité des regards conduit à l’élaboration d’un schéma narratif faisant état
d’un consensus. Si les informations qui nous sont transmisent ne sont pas
BY

obligatoirement véridiques, elles sont en plus modelées suivant leur confrontation à


notre propre système de valeurs, de normes. Afin d’illustrer ce constat, le psychologue a
réalisé une expérience simple (Bartlett, F.C. (1932). Remembering. A study in
experimental and social psychology. Cambridge : University Press.). Il a montré à un
sujet une représentation graphique (laissant penser à un hibou égyptien) qu’il devait
retranscrire de mémoire. Le sujet suivant voyait le dessin de cette retranscription et
devait faire de même, ainsi de suite. Le résultat montre clairement que l’évolution des
dessins souligne un effet de « conventionalisation social ». Les avis convergent vers un
consensus relatif à la culture sociale du sujet. Le hibou s’est progressivement
transformé en chat, car cet oiseau ne correspondait pas réellement à la société dans
laquelle vivaient les sujets test. Le chat en revanche est un repère plus facile à intégrer.
C’est donc un dessin de chat qui est retenu à la fin de l’expérience, alors qu’il n’en
comportait pas à la base. Dès lors, le dessin ne va plus être, car il correspond à une
information facile à intégrer et à retranscrire. Bartlett appelle cet effet la reproduction
sérielle (http://bit.ly/PsaHck). Cette théorie met en lumière la simplification culturelle
des éléments relatés lors de la construction de la mémoire sociale.
M
SI
AS
BY

Au final, pour une même crise ou un même incident culturel, les différentes populations
peuvent ne pas avoir la même perception de ce qui s’est déroulé. Pourtant, il n’y a
qu’une vérité, les faits avérés. Les mémoires collectives peuvent en ce sens représenter
des trompes l’œil.
D’après la psychologue Française Valérie Haas, ces mémoires collectives ont quatre
grandes caractéristiques :

– Elles sont le symbole des expressions et des modes d’organisations de la société.


– Elles sont le fruit de représentations sociales médiatisées et partagées.
– Elles témoignent d’événements que des gens ont vécus chronologiquement.
– Elles convergent vers une construction sociale et symbolique de la réalité.

Dans cet ordre d’idée, les internautes peuvent se souvenir de quelque chose de faux et
l’intégrer dans leur rapport à la marque. Nous ne retenons ce qui nous a le plus marqués
ou ce qui a été le plus partagé, sans forcément chercher à savoir si ces informations sont
véridiques. Entre l’histoire et la réalité, il y a un pont. Lors de crises, l’émulation qui en
découle sur la toile constitue davantage des récits que des témoignages fidèles. La
marque elle-même peut essayer de dissimuler les vrais motifs de ces consternations,
pour peu qu’elles soient gênantes. L’inconscient collectif va alors ne garder qu’une
dimension de la vérité.
Toute cette dynamique peut de ce fait donner naissance à de faux souvenirs.
L’appropriation de faits erronés risque alors d’entacher la marque, même s’il pouvait ne
rien y avoir en amont. De plus, il peut subsister un effet de confusion lorsque deux
événements se produisent conjointement. Un internaute peut très bien intégrer un
élément de la crise A dans la crise B par exemple.
Néanmoins, un internaute peut faire confiance à ce que Brown et Kozin appellent « la
mémoire flash » (“Manuel Visuel de Psychologie Sociale – Sylvain Delourée -Editions
Dunod –2010”). Les études menées autour des mémoires collectives insistent sur le fait
M
que les événements traumatisants pour l’individu vont être parfaitement encodés et
SI
donc mémorisés. Selon Rubin et Kozin, il s’agit d’un souvenir qui survient à la suite
d’un événement surprenant, générant des émotions intenses et importantes
AS

socialement, un souvenir clair et détaillé, presque comme la réalité elle-même.


Généralement, ce phénomène se produit lors de fortes déconvenues, qui nous touchent
personnellement (un rapport conflictuel avec une marque par exemple). L’individu
BY

dispose alors d’un souvenir précis et imagé. Bien entendu, une marque doit sûrement
avoir pris part aux événements pour provoquer une telle réaction émotionnelle.
Toutefois, la découverte d’une information peu glorieuse peut provoquer une
consternation générale qui peut simultanément graver les faits dans la mémoire de
nombreux internautes. Il s’agit alors de « mémoire flash de masse » d’après le
psychologue Rosa.
En résumé, la mémoire collective s’avère nettement sélective et trompeuse, puisqu’un
souvenir évoqué ou communiqué n’a pas pour but de garantir l’objectivité, mais de
partager une réalité commune (Haas, V. Approche psycho-sociale d’une reconstruction
historique. Cahiers internationaux de psychologie sociale). À partir du moment où la
mémoire est partagée, elle remodèle souvent le passé à son image. De plus, un souvenir
peut tout aussi bien perdre de sa signification quand il est assimilé au temps présent. Le
souvenir et l’actualité ne font pas toujours bon ménage. Les composantes d’une crise
sont de ce fait à relativiser dans le temps. Une « face cachée de la mémoire » selon
Valérie Haas, à prendre en considération par les marques, puisqu’elles écrivent leur
histoire dans l’esprit des consommateurs (http://bit.ly/Q6h681).
Partie 2 Études de cas
2.1 Réussi : La Redoute
Situation
La Redoute.fr est un site Internet marchand, leader en ligne dans les domaines de la
mode et de la décoration, avec plus de 7 millions de visites uniques en moyenne par
mois (http://bit.ly/Wcj0JJ). Il est une déclinaison du catalogue papier qui vit le jour en
1928.
Comme de nombreux sites marchands, chaque produit est associé à des photographies
les présentant afin que l’internaute puisse apprécier ce qu’il achète. La Redoute.fr
propose une technologie, au travers d’un outil « loupe », qui permet de zoomer sur un
produit pour en saisir les moindres détails. C’est ainsi qu’un ou plusieurs internautes
découvrirent un élément dissimulé en arrière-plan d’une des images accompagnant des
tee-shirts, ayant apparemment échappé aux équipes de La Redoute.
Déroulement des faits
À partir du 4 janvier est diffusée l’information sur les médias sociaux, et notamment

M
Twitter, qu’un homme nu apparaît sur une des photographies promotionnelles de La
Redoute.fr. Pour promouvoir des tee-shirts, l’image mettait en scène des enfants jouant
SI
sur une plage, à ceci près qu’un nudiste sort de l’eau en arrière-plan.
AS

Le jour même, La Redoute publie un communiqué d’excuses via son compte Twitter et
sa page Facebook. Ce dernier, trop informel et détaché des internautes, n’empêche pas
la crise de se propager massivement. Le volume des conversations sur les espaces
BY

publics ne cesse de grimper, suscitant des sentiments négatifs quant à la signification


implicite du cliché. Le lendemain, d’autres acteurs extérieurs se joignent aux
événements, afin de profiter du fort nombre de discussions, en détournant de manière
humoristique la crise de « l’homme nu », participant de ce fait à modifier la perception
générale du phénomène. La Redoute publie alors un second communiqué, se voulant
plus drôle, qui aura l’effet désiré : participer au désamorçage de la crise.
Le volume des conversations autour de l’événement tend à s’effondrer et à retrouver un
rythme normal lorsque le 8 janvier, un nouveau détournement, cette fois d’un
concurrent relance le volume des conversations. Le 9 janvier, l’affaire finit par se tasser,
chassée par une autre nouvelle, le lancement en France d’un quatrième opérateur de
téléphonie mobile (Free Mobile).
M
SI
(Avec l’aimable autorisation de Relatia)
AS

Une crise soudaine et fortement relayée


La crise aura en tout et pour tout duré 7 jours, ce qui est dans la moyenne des crises
émotionnelles observées sur les médias sociaux. Sur l’ensemble des événements, le
BY

volume des conversations publiques liées à la marque et pouvant être analysé a


augmenté de 1 400% par rapport au volume observé habituellement. Il y a donc eu
beaucoup de bruit, de manière soudaine, autour de cette histoire d’homme nu. Une crise
a généré un phénomène de « projecteur » sur la marque en propulsant son nom sur le
devant de la scène médiatique.
Les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans la propagation de l’information,
une grande majorité du bruit public s’étant fait sur Twitter (69,4%) et Facebook (19,3%).
Il ne faut cependant pas négliger l’impact de la presse qui a relayé les événements
(4,4%) et des autres espaces communautaires comme les forums (2,1%).
(Avec l’aimable autorisation de Relatia)

Expression des sentiments


Lorsque l’affaire apparaît, les sentiments sont mitigés et tendent plus vers la
consternation. Il faut comprendre, un homme nu derrière des enfants évoque
inexorablement la notion de pédophilie. Si les internautes sont de prime abord choqués,
l’arrivée dans la crise d’un ensemble d’acteurs va profondément modifier sa perception
globale, et ce, de manière fulgurante.

M
Comme nous l’évoquions dans les chapitres précédents, de nombreux protagonistes
peuvent intervenir dans la crise à des niveaux différents et influencer le sentiment
SI
exprimé. Dans certains cas, ils peuvent avoir un impact négatif par des opérations de
dénigrement, mais dans d’autres cas, comme ici, ils peuvent participer à désamorcer une
AS

situation en utilisant principalement le comique.


Très rapidement, de nombreux internautes ont détourné l’événement pour le rendre
BY

humoristique, participant à désamorcer la crise. La « culture du lol » s’est accaparé


l’image pour la détourner de son sens premier, soit plaçant l’homme nu dans des
situations burlesques qui seront soit cataloguées sur des Tumblr dédiés, soit au travers
de phrases courtes, mais percutantes de type « oh mon dieu des enfants ».
Des entreprises ont également participé à désamorcer la crise, notamment :

– Tippex, qui produit des correcteurs (ou efface-encre), est une société qui n’avait
rien à voir avec La Redoute, mais qui a profité de cet effet « projecteur » pour
diffuser une fausse publicité décalée.
– Les 3 Suisses, qui sont les concurrents directs, ont préféré jouer la carte de
l’humour en rappelant qu’ils vendaient des maillots de bain. Il n’y a pas eu
d’attaque, mais bien plus un clin d’œil astucieux.

Lorsque nous observons la courbe des sentiments, mise en relation avec l’arrivée des
différents acteurs et le ton finalement adopté par La Redoute, nous nous rendons
compte à quel point des personnes morales ou physiques extérieures peuvent
contribuer à atténuer une crise. Évidemment, tout dépend du niveau de gravité des
événements. Ainsi s’il devait y avoir des morts, l’humour noir ne ferait qu’alimenter les
foudres des consommateurs.

M
SI
AS
BY

(Avec l’aimable autorisation de Relatia)

Un bad buzz bénéfique ?


La crise de « l’homme nu » aura permis de multiplier le recrutement des fans par 10
pour la simple journée du 5 janvier, soit une plus value de 1 100 fans. Les deux
messages relatifs à la crise ayant généré quant à eux une moyenne de 1 500
commentaires, soit 8 fois la moyenne observée en générale. À cela s’ajoute également
une activité multipliée en moyenne par 6 sur l’ensemble de la crise.
La crise a donc permis de recruter des fans sur la page Facebook et de stimuler son
activité. En apparence du moins. Avec de tels chiffres, nous pourrions penser qu’une
telle crise peut-être bénéfique puisqu’elle n’est pas réellement dangereuse et qu’elle
génère une activité et un recrutement important.
Oui, mais une fois la crise passée, le taux d’engagement est retombé à 20% ! Pourquoi ?
Tout simplement, car les personnes qui vont rejoindre la page ne le font que par
curiosité, ou pour participer à cette manifestation médiatique. Après quoi, ils
demeureront fan de la page, car ils n’auront pas le réflexe de se désabonner. Ainsi, le
nombre d’interactions reprend son cours normal, mais le taux d’engagement étant
proportionnel à la taille de la communauté, ce dernier baisse inexorablement.
Au final, une crise ne fait que grossir les communautés ce qui n’est évidemment pas le
but recherché. Elle recrute pas ou peu d’internautes qualifiés. Les crises gonflent
simplement les statistiques le temps d’un éclat de voix.
La contre attaque
Le 1er février, après avoir laissé les discussions s’atténuer, notamment suite à d’autres
événements (lancement de l’offre mobile de Free), La Redoute a décidé de lancer un
jeu-concours afin de ne pas subir dans le temps l’image néfaste de « l’homme nu »,
mais également pour surfer à son tour sur la visibilité apportée par les événements. La
directrice de la communication, Anne-Véronique Baylac, dans une vidéo diffusée sur
Youtube, en appelle aux internautes pour retrouver d’autres clichés disséminés par ses
services sur le site. Un jeu-concours qui va permettre aux internautes de prendre du
recul par rapport aux événements. En quelques jours, cette vidéo a été vue plus de 190
000 fois. Les 14 photos ont été trouvées, quant à elles, en moins de 24 heures.
M
Cette contre-attaque a permis à la Redoute de se reprendre le contrôle de sa marque et
SI
de se réapproprier « l’homme nu » afin qu’il devienne une composante de leurs logiques
de communication. Il n’est plus un élément nuisible gâchant le cliché, il fait parti d’une
AS

stratégie, au même titre que les photographies absurdes postées ça et là sur le site
internet.
BY

Après le buzz
Au 25 janvier, quelques jours après la fin des événements, il a été calculé que 4 résultats
sur 10 présents sur la première page de résultats Google pour une recherche sur le
terme « La Redoute » évoquaient l’homme nu.
Plusieurs mois après la fin de la crise, des traces subsistaient toujours. Ainsi, en mai
2012, soit presque quatre mois après la campagne, Google Suggest proposait en termes
de recherche sur les mots clés « La Redoute », la terminologie « homme nu » en
complémentarité. En d’autres termes, un internaute cherchant des informations ou
simplement à accéder au site en ligne se retrouvait avec cette suggestion.
Interrogations
La question méritée d’être posée : un bad buzz peut-il être bénéfique ? Au final, il
permet d’augmenter le nombre de conversations autour de sa marque ou de ses produits
et donc de sortir de l’ombre. Lorsque les choses paraissent trop grosses pour être
crédibles, comme dans le cas présent, il arrive fréquemment qu’un doute s’immisce au
point de se demander si l’élément nuisible était souhaité.
De nombreuses interrogations subsistent quant à la réalité de la crise. En effet, nous
pourrions nous demander comment un tel élément a pu ne pas être perçu par les
équipes chargées de la mise en ligne. Sachant que cet homme nu n’apparaît pas dans le
catalogue papier. Certains ont affirmé, pour avoir eux-mêmes participé à des prises de
vues avec leurs enfants, que tout était fait en sorte pour que cela n’arrive pas. Enfin, le
fait de relancer l’affaire par un jeu-concours alors que les discussions s’étaient tassées
apparaissait pour beaucoup comme une preuve que La Redoute n’avait rien laissé au
hasard. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont pensé que la crise a été orchestrée afin de
faire parler de la Redoute. Un bad buzz étant également et avant tout un buzz.
Attention tout de même, pour cela il aurait fallu que la marque de tee-shirts accepte de
s’exposer à une déferlante médiatique. De plus, la photographie n’est pas anodine, car,
comme évoqué précédemment, elle renvoie irrémédiablement à la notion de pédophilie.
Il aurait été plus prudent (et aurait eu le même impact) de placer cet homme nu derrière
des personnes adultes. Il paraît peu probable qu’une marque vendant des habits
d’enfants soit prête à laisser son image se ternir pour faire la propre promotion de son
revendeur.
Cette interrogation met cependant en évidence un fait : La Redoute a parfaitement
maîtrisé la situation, sa gestion de la crise est en soi un exemple à suivre.

2.2 Raté : DeepWater Horizon M


SI
Situation
AS

Avant de commencer à analyser la communication de crise de BP, il faut prendre en


considération le repositionnement d’image qui avait été réalisé quelques années
auparavant. À la fin des années 2000, l’entreprise cherche à améliorer sa notoriété, les
BY

compagnies pétrolières étant fortement représentées dans l’imagerie populaire comme


des pollueurs, donc de manière péjorative. En 1997, Lord John Browne, alors directeur,
déclare : « nous sommes tous citoyens d’un même monde, et nous devons prendre nos
responsabilités pour son futur ». Au début des années 2000, BP, qui signifiait alors
« British Petroleum » change son identité pour se rebaptiser « Beyond Petroleum » (au-
delà le pétrole). Sur son site Internet, la marque explique ce changement comme suit :
« “Au-delà du pétrole“, résume notre marque de la manière la plus succincte et ciblée
possible. C’est à la fois ce que nous défendons et une description pratique de ce que nous
faisons. »
L’identité visuelle change, le logo passant d’un bouclier à un tournesol, symbole
d’écologie. La communication est alors en marche pour ce qui sera une opération de
lifting qui durera plusieurs années.
Déroulement des faits
Le 20 avril 2010, Deep Water Horizon, une plate forme pétrolière louée par la
compagnie B.P forant dans le golf du Mexique explose. Elle entraîne la mort d’une
dizaine de personnes et engendre une catastrophe naturelle sans précédent dans cette
région. La marée noire provoque très vite une situation de crise, et BP réagit
M
immédiatement sur Internet et sur le terrain.
SI
Rapidement, le PDG de BP, Tony Hayward, déclare dans une interview à la BBC : « nous
assumons notre responsabilité, nous nettoierons, nous paierons »
AS

(http://bbc.in/UVE2J0). Cette déclaration, portée sur la transparence et l’acceptation de


son rôle majeur dans la catastrophe, va permettre d’anticiper le discours du président
BY

Barack Obama qui interviendra quelques jours plus tard. Contrairement à d’autres
affaires du même type, comme l’Erika, la compagnie pétrolière n’a pas cherché à
remettre la faute sur un tiers, mais s’est placée comme seul responsable.
En se positionnant de cette manière, BP coupe court à toute critique. Toujours dans
cette logique de transparence, le président va également déclarer à Reuters : « nous
assumons l’entière responsabilité de la marée noire et nous nettoierons, et lorsque des
personnes présenteront des requêtes légitimes pour demander des indemnisations,
nous les honorerons. Nous allons être très, très énergiques là-dessus »
(http://bit.ly/RhGcBH).
Sur le terrain, Tony Hayward va à la rencontre des principaux acteurs touchés par le
drame, et BP diffuse en continu des communiqués pour faire état de la situation. Des
milliers de collaborateurs ainsi que de nombreux bénévoles sont formés et envoyés sur
place pour participer au nettoyage. Les pêcheurs du golfe du Mexique sont également au
centre du dispositif. Ils sont informés sur les avancés, bénéficient d’une aide juridique
et peuvent prétendre à une indemnisation dans l’un des nombreux bureaux ouverts
pour l’occasion. En occupant ainsi le terrain médiatique, BP souhaite devenir
l’interlocuteur privilégié et empêcher les associations de défense de l’environnement
venir parasiter ses efforts de communication. Comme l’explique Olivier Cimelière, la
stratégie est bien rodée : « ceci est d’autant plus frappant que les habitants de la région,
les premiers concernés font globalement preuve d’une passivité assez étonnante, voire
d’une attitude mutique » (http://bit.ly/R44Gjf).
Sur le Web social, BP lance une grande offensive. Sur son site institutionnel, l’entreprise
ouvre une section spéciale afin de traiter le sujet, de faire état des avancées. En
partenariat avec le gouvernement, la société met en place une plateforme dédiée à la
catastrophe afin de relayer de nombreuses informations, de les agréger et d’intégrer une
dimension « médias sociaux » : http://www.deepwaterhorizonresponse.com
Très vite, la société réactive sa page Facebook jusqu’ici peu utilisée, se lance à la
conquête de Twitter de Flickr et occupe Youtube. Des vidéos sont ainsi publiées pour
faire état des avancées, de la situation sur place. À cela s’ajoute une cartographie de la
catastrophe, des informations sur les techniques qui seront mises en place pour y
mettre un terme. Tout est fait pour publier la moindre information, dans un souci de
transparence, en intégrant toute la puissance du Web social.
Comme le souligne l’Observatoire des Crises : « tous ces outils permettent une fluidité
de la communication de la compagnie et donnent l’apparence d’une interactivité avec
les internautes, voire d’une certaine transparence dans l’information »
(http://bit.ly/RlSQ2P).
M
SI
De l’avis des communicants, les premières démarches de BP en terme de
communication de crise furent exemplaires, méritant d’entrer dans les meilleures
AS

études de cas. Comme le souligne Thierry Libaert (http://bit.ly/SQl0Gx), professeur de


communication de l’environnement à l’université de Louvain :
BY

« Dans une catastrophe écologique, ce qui reste dans les mémoires ce n’est pas tant
l’événement déclencheur, mais la façon dont la crise a été gérée : pour Tchernobyl, on se
souvient du nuage qui ne traversait pas les frontières, pour le sang contaminé du
« responsable mais pas coupable », pour l’Erika, de Total qui essayait de se défausser
sur l’armateur. Le naufrage du Ievoli Sun en 2000, affrété par Shell, avait amorcé un
tournant dans l’histoire des catastrophes pétrolières. Cette fois, la communication de
crise choisie par BP est ambitieuse, professionnalisée et offensive. Mais l’entreprise
pouvait-elle faire autrement ? »
Il ajoute également que BP a parfaitement appliqué les règles de communication :

– Responsabilité : « Assumer, ne pas se défausser. Si BP a dans un premier


temps tenté de mettre en cause le propriétaire de la plate-forme pétrolière,
Transocean, la compagnie a rapidement décidé d’assumer. »
– Empathie : « Savoir se mettre dans la logique des victimes et du public. C’est ce
qu’elle fait en embauchant les pêcheurs pour aider à nettoyer. »
– Transparence : « Si les entreprises ne peuvent pas être transparentes sur tout,
elles peuvent montrer qu’elles sont à l’écoute. Le site « Deep Water Horizon
Response », monté avec les autorités américaines, est une réponse. »
– Analyse : « Tirer des leçons pour l’avenir. BP ne l’a pas encore fait, mais
gageons que ce sera le cas dans 48 heures. »

La société a donc, dans un premier temps, parfaitement réagi, en occupant les différents
espaces (en ligne et hors ligne) au travers d’actions transparentes. Cependant, très vite
la situation va lui échapper, car la crise va durer, ce qui semble ne pas avoir été prévu.
Une crise qui dure, BP perd ses moyens
Comme l’explique l’Observatoire des Crises, si BP a au début parfaitement géré la crise
en appliquant des méthodes responsables, elle a malheureusement modifié sa
communication en associant un discours de réassurance. Elle a tenté de réduire l’impact
de la marée noire, spéculant de ce fait sur l’avenir. Ainsi, au fur et à mesure que les
efforts déployés pour boucher les brèches rencontraient des échecs, BP continuait
d’assurer que tout n’était qu’une question de temps, perdant inéluctablement sa
crédibilité, effritant un peu plus la patience du grand public. Comme l’explique
l’Observatoire des Crises :
« En situation de crise, l’entreprise ne peut pas se permettre de spéculer sur l’avenir.
M
Soit elle affirme que tout est maîtrisé parce que les informations qu’elle possède le
SI
démontrent, soit les informations et données qu’elle détient sont partielles (ce qui est
souvent le cas lors d’une crise) et elle doit opter pour une communication plus
AS

prudente, s’appuyant uniquement sur les faits. »


Si la société tente de minimiser dans un premier temps l’impact de la marée noire, elle
BY

va franchir un cap en tentant de modifier la perception du grand public par l’utilisation


de méthodes visant à les tromper sur les faits. La société va par exemple mentir sur le
volume de fuel qui se serait échappé, ou minimiser l’impact de la crise. Par exemple, le
directeur de BP va évoquer dans une interview au Guardian :
« Le golfe du Mexique est un très grand océan. La quantité de pétrole et de dispersant
que nous y mettons est minuscule, par rapport au volume d’eau total ».
L’échec de BP s’explique en grande partie par son incapacité à mettre en place ses
promesses et, face au flot de critiques, à chercher à travestir la vérité. Une des
techniques utilisées va créer une fronde des internautes. Lors de sa communication de
crise, BP a désiré mettre en ligne des photographies représentant ses équipes qui
travaillaient au colmatage de la brèche. Cependant, plusieurs internautes remarquèrent
un trucage grossier, et le firent savoir. La crédibilité de l’entreprise atteint alors son plus
bas niveau, car elle a été prise sur le fait. En cherchant à détourner la vérité, la société a
créé une véritable rupture avec les internautes, brisant la confiance établie lors des
premières heures de la crise.
Dans une interview au Washington Post (http://wapo.st/OYBX2s), le porte-parole de BP
tente de justifier l’utilisation de photographies truquées :
« Normalement nous n’utilisons Photoshop que pour corriger les couleurs et les
contrastes ». Dans ce cas, ils ont copié et collé trois images issues d’écrans de contrôle
sous-marins sur la photo originale, par-dessus les trois écrans qui n’émettaient pas de
vidéo à ce moment-là.
Il faut comprendre qu’aujourd’hui les internautes constituent une foule hétéroclite, et
que parmi ces derniers, nous pouvons retrouver des graphistes ou autres spécialistes de
l’image, par exemple. Tromper les consommateurs n’est pas une bonne idée,
notamment sur le Web, car lorsque la supercherie est découverte, elle peut venir
amplifier la crise et briser le lien de confiance. Cette tentative de tromperie rend
également les consommateurs méfiants et suspicieux sur la bonne foi des décideurs. Les
prochaines publications seront accueillies avec un certain scepticisme.
De plus, la société cherche de plus en plus à sauver son image, au détriment de toute
considération pour ce qu’il se passe sur place, ce qui va l’amener à perdre pied. BP lance
par exemple une campagne de spots télévisuels pour améliorer sa notoriété. Cette action
sera critiquée par le président Barack Obama avertissant l’entreprise que les fonds
débloqués devaient servir avant tout à régler la situation, non à faire de la promotion.
En agissant ainsi, la société va s’attirer les foudres du grand public, car elle n’apparaît
plus comme se souciant de l’environnement comme elle l’avait fait au début de la crise,
mais bien de son image. M
SI
BP a finalement succombé aux détournements et actions « classiques » des internautes
AS

au fur et à mesure de ses déconvenues :

– vidéos parodique, dont l’une présentant l’équipe de direction incapable de


BY

nettoyer une tache de café,


– opérations de Greenpace dont un concours de détournement de logo, avec site
dédié et album Flikr, « Behind the Logo » (http://bit.ly/RCJQGU),
– faux comptes Twitter, et notamment celui parodiant les relations presses de
l’entreprise (https://twitter.com/BPGlobalPR) ayant plus d’abonnés que les
comptes officiels, les internautes lancent de grandes opérations afin de faire
pression sur l’entreprise,
– appels au boycott, avec des sites internet dédiés à des pétitions.

La place du président : TONY HAYWARD


BP a tenté de faire passer toutes ses démarches de gestion de crise par l’intermédiaire de
son directeur. Cette stratégie est classique, car dans une telle situation, c’est bien au
directeur de représenter la société. Cependant, Tony Hayward n’était pas l’homme de la
situation. En premier lieu il y a une fracture entre la mentalité des Américains qui
attendaient un président actif avec le célèbre flegme anglais. Cette différence culturelle
a joué un rôle important dans les sentiments exprimés pour Tony Hayward. Mais au-
delà de ces divergences, le président de BP a également multiplié les bourdes, ce qui lui
a valu le sobriquet de « Tony La Gaffe ». Il a donc grandement participé à l’échec de la
communication de crise par son attitude et ses mots.
En effet, si au départ son implication était de bon augure, son omniprésence a fini par
irriter le grand public. Tony Hayward est présent partout, dans les médias et sur place, à
tel point que certains commencent à se moquer de cette approche. Par exemple, le
dessin animé South Park va reprendre cette démarche de manière satirique, en
parodiant à l’extrême la vidéo des excuses du PDG diffusée sur Youtube, le présentant
même nu sur une peau de bête devant une luxueuse cheminée.
Cette réaction démontre que même si une source d’autorité doit prendre la parole, elle
peut étouffer à elle seule l’ensemble des actions de l’entreprise, notamment si cette
personne n’a pas été formée aux règles de la communication. Il est donc important de
composer avec un ensemble d’acteurs ayant été initié aux pratiques de la prise de parole
en public.
En mauvais communicant, Tony Hayward ainsi multiplié les bourdes. Par exemple, le
30 mai il a déclaré annoncer sur NBC, à propos des familles des victimes décédées
pendant l’explosion :
« Nous sommes désolés pour le bouleversement que cela a provoqué dans leurs vies.
M
Personne ne veut plus que moi que cela se termine. J’aimerais retrouver ma vie
SI
d’avant ».
AS

Le fait de comparer sa propre situation, malmené par une crise, à la détresse des
familles ayant perdu un proche a suscité la colère de ces dernières, mais également du
grand public. Le président de BP présentera ses excuses par la suite, sans pour autant
BY

changer sa mauvaise image.


Tony Hayward a également eu des paroles déplacées quant à l’impact de la marée noire.
Ainsi, il expliquait sur Sky News :
« Je pense que l’impact environnemental de ce désastre sera probablement très, très
modeste. C’est impossible de le dire pour le moment, et nous effectuerons, dans le cadre
de l’après-catastrophe, une évaluation environnementale très détaillée. Mais tout ce que
constatons pour le moment suggère que l’impact environnemental d’ensemble sera très,
très modeste ».
Enfin, le président de BP va créer un autre scandale en s’accordant en pleine crise des
vacances, qu’il passera à faire une régate à bord d’un voilier. Entre ses déclarations et
ses actions, la personnalité de Tony Hayward a joué un rôle important dans la
perception des événements par le grand public.
En juillet 2010, il est donc poussé à la démission, remplacé pour la première fois par un
américain, Robert Dudley, probablement pour redorer l’image de l’entreprise auprès des
États Unis.
Conclusion
Comment expliquer qu’une crise si bien maîtrisée au départ n’a pas été gérée avec la
même facilité sur le long terme ? Probablement parce que BP avait mis en place des
scénarios sur le court terme, sans anticiper que la crise pouvait s’installer dans le temps.
En ne prenant pas en considération dans les schémas des processus de communication
à mettre en place au cas où les événements dureraient, la société a perdu rapidement
son influence. Elle a multiplié les erreurs de communication, appuyée
malheureusement par un PDG qui n’était pas apte à tenir un rôle de porte-parole.
Plusieurs facteurs n’ont pas été pris en considération et peuvent expliquer ce
déraillement rapide des actions mises en place.

M
SI
AS
BY
Chapitre 8
Ouverture et conclusion
Les médias sociaux ont sacralisé la parole des internautes, ces derniers ayant
dorénavant le pouvoir de s’exprimer, de commenter, de partager, de se fédérer,
d’analyser ou encore de détourner des événements. Même les puissantes multi-
nationales, malgré des budgets conséquents dédiés à la communication, sont bien
souvent obligées de plier sous la pression du grand public: Nestlé, Dell, Domino’s Pizza,
Apple… la liste est longue.
Comme nous l’évoquions en introduction, si le Web 2.0 n’est pas en soit une révolution,
la démocratisation d’outils permettant à tout à chacun de pouvoir exercer une pression
populaire forçant l’entreprise à se repenser à tous les niveaux. Afin de pouvoir faire face
aux nouvelles formes de crises, cette dernière va devoir inexorablement s’adapter, à
savoir opérer une réflexion de fond, tant dans sa manière de comprendre les nouvelles
règles de communication que de les appliquer.

M
L’intégration de nouveaux processus, tout comme l’appréciation d’une culture propre au
Web, avec ses codes implicites et ses communautés hétérogènes, sont des éléments qu’il
SI
est impossible d’ignorer à l’heure actuelle. Cependant, comme le conclut Thierry Libaert
AS

dans son rapport sur les crises en 2011 :


« À constater les noms des organisations confrontées aux crises, et alors que tout
BY

indique que les crises se développent dans leur fréquence et leur intensité, il est
inquiétant de constater le faible niveau de préparation aux crises et d’observer le
sentiment de sidération qui prévaut dans les organisations. »
Pour comprendre cette peur des médias sociaux, il faut prendre en considération une
célèbre énigme : « lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour
l’entendre, fait-il du bruit ? ». Trop d’entreprises pensent qu’une absence sur les médias
sociaux va leur permettre d’échapper à la colère de leurs consommateurs, au bruit.
Cependant, ce n’est pas parce qu’elles ne l’entendent pas qu’il n’existe pas : l’ignorer
c’est finalement le laisser s’amplifier.
Il faut poser le problème à l’inverse. Les médias sociaux sont une opportunité pour qui
sait écouter et réagir en conséquence. Ils permettent aux internautes de faire remonter
des dysfonctionnements, que ce soit dans le produit, dans le service ou même dans la
philosophie de l’entreprise. Comprendre ces discussions, c’est indéniablement
s’améliorer pour peu que la société réagisse par un discours et des actions crédibles.
Cette propension à écouter et à prendre en considération les commentaires les plus
négatifs va rejaillirent sur l’image, augmentant de ce fait le capital de la marque définit
comme suit par le Mercator :
« Valeur de la marque due à sa capacité à générer des opinions, des attitudes et des
comportements spécifiques auprès de ses clients (tels que la notoriété, la fidélité,
l’affinité, la qualité perçue, l’image perçue, la différenciation…), qui lui permettent de
vendre à un prix supérieur, et d’obtenir des volumes plus importants ou de générer des
revenus de licence. Des tentatives sont faites pour évaluer la valeur monétaire de ce
capital de marque. »
Mais attention, l’environnement du Web n’est pas figé, il est en constante mutation : les
crises d’aujourd’hui ne sauraient prendre en considération les paramètres de demain. Il
est pourtant important d’anticiper l’avenir, d’identifier certaines grandes tendances qui
se dessinent pour ne pas être pris au dépourvu.
L’entreprise va donc devoir apprécier les évolutions cognitives et technologiques qui
vont influencer sur la morphologie des crises, afin d’ajuster sa présence en ligne et hors
ligne. Comme le disait le président français François Mitterrand, « il y a toujours un
avenir pour ceux qui pensent à l’avenir. »

Partie 1 Le Web est en train de franchir une étape

M
Internet opère depuis quelques années une grande mutation, vers un Web sémantique
SI
que certains appellent Web 3.0. Cette notion de Web sémantique a été inventée par Tim
Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web et directeur du World Wide Web
AS

Consortium (« W3C »). Il définit ce terme comme : « un Web de données qui peuvent
être traitées directement et indirectement par des machines pour aider leurs utilisateurs
à créer de nouvelles connaissances ». En d’autres termes, il s’agit d’une assistance
BY

automatique pour aider l’internaute à enrichir les contenus et trouver des informations
complémentaires.
Par exemple, en mai 2012, Google annonce « Knowledg Graph », une base de
connaissances reliée à son moteur de recherche, intégrant ainsi la sémantique dans ses
résultats. Le principe est de relier des informations les unes aux autres afin d’aider
l’internaute à apprécier un ensemble. Google peut ainsi savoir quand est né Leonard De
Vinci mais il peut également le relier à ses œuvres d’arts. Il peut également répondre à
certaines questions, comme « qui est la femme de Barack Obama ? ».
Johanna Wright, chef de produit chez Google, déclara à propos de cette avancée : « nous
sommes au début d’une transformation qui va nous faire passer d’un moteur
d’information à un moteur de savoir ». D’après Google, ce serait pas moins de 500
millions d’objets (comme des personnes ou des lieux) et 3,5 milliards de faits qui
seraient connectés entre eux. Une mutation s’opère donc pour rendre le Web plus
complet, n’étant plus basée uniquement sur des liens entre différentes pages, mais bien
de concepts reliés entre eux.
Nous pourrions nous interroger sur le devenir des crises avec un « moteur de savoir ».
Google Knowledg Graph n’en est qu’a ses débuts mais déjà nous pouvons augurer que
des problématiques naîtront.
Par exemple, un internaute peut poser une question comme « quel est le plus gros
scandale de ces dernières années », ou s’informer simplement sur une entreprise pour
se voir proposer des informations sur un membre de la hiérarchie ayant été jugé
coupable de malversations. Les traces numériques inhérentes à une crise pourraient
ainsi être liées à l’entreprise dans l’encyclopédie Google.
Un autre risque peut résider dans l’histoire de la marque. Il faut comprendre que Google
ne maîtrise pas l’ensemble de son catalogue, il va le puiser dans des sites tiers, comme
Wikipédia, qui ont vocation à présenter des faits objectifs écris par des internautes.
Certaines marques ont une lourde histoire, qu’elles préféreraient cacher. Par exemple,
sur la fiche Wikipédia de l’entreprise Hugo Boss, nous pouvons lire « En 1931, Hugo
Ferdinand Boss adhère au Parti nazi. Il est le dessinateur-créateur des uniformes des
S.A. et des S.S. De 1933 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, la société Hugo
Boss contribue à la confection des uniformes militaires du Troisième Reich, notamment
ceux des SS, des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht. Pour assurer sa production,
elle a recours à de la main-d’œuvre de travailleurs forcés, français et polonais pour la
plupart, ainsi qu’à des déportés en provenance de camps de concentration. »

M
SI
Partie 2 Les internautes sont en train de franchir une étape
AS

Les internautes commencent à avoir un tout autre rapport avec le Web, devenant de
plus en plus aguerris à la maîtrise des technologies et des mécanismes sous-jacents.
BY

L’augmentation des mauvaises pratiques (faux profils, faux commentaires) visant à


tromper sur la nature d’une information a eu pour incidence d’enclencher des processus
d’apprentissage. Les internautes sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des
commentaires qu’ils consultent ou même de certaines promesses marketing. Une étude
menée en septembre 2012 par Tesntrust-Easy Panel auprès de 1038 personnes
représentatives de la population française a ainsi mis en évidence que si 9 répondants
sur 10 jugent les commentaires utiles, les trois quarts pensent que certains de ces avis
sont faux. Il y a un certain scepticisme qui s’instaure, lié à une meilleure
compréhension de l’environnement.
En cas de crise, l’entreprise ne saurait tenter de modifier une perception globale au
travers de techniques visant à manipuler l’opinion des internautes. Ces derniers étant de
plus en plus initiés, ils sont à même de comprendre certaines techniques de
manipulation par l’identification plus ou moins inconsciente de signes révélateurs. Face
à ces internautes de plus en plus adaptés, l’entreprise n’a d’autre choix que d’adopter
une attitude franche au risque de créer une situation qui pourrait lui échapper.
Mais l’internaute ne fait pas que développer des réflexes liés à la perception, il
s’accapare également les outils existants. Ainsi, les crises seront probablement de plus
en plus confrontées à des internautes connaisseurs de techniques de « guérilla
numérique ». Par exemple, cela peut être le fait de savoir qu’un animateur de
communauté ayant moins de chance d’être présent en soirée, il y a là une probable
opportunité lancer une opération de dénigrement. Cela peut également être la faculté à
prendre des captures d’écrans pour étayer ses propos (sachant que l’entreprise peut les
effacer) ou même le fait de signaler un profil pour des motifs contraires à l’éthique
d’une plateforme dans le but de le faire clore. La connaissance des outils permet aux en
effet aux internautes de porter un plus grand préjudice qu’une simple expression
commune.
L’entreprise doit prendre en considération cette adaptabilité car elle va probablement
devoir composer de plus en plus avec des actions visant à déstabiliser sa présence et sa
parole. Elle devra de ce fait elle-même s’informer sur les risques existants, prendre en
considération des mécanismes d’auto défense, comme par exemple, identifier en amont
les processus à enclencher pour rouvrir un profil qui aurait été fermé.

Partie 3 Les technologies sont en train de franchir une étape


Les technologies vont de plus en plus envahir notre quotidien, rendant inéluctables des

M
crises encore plus nombreuses, soudaines et imprévisibles. La meilleure illustration
pour rendre compte de ce phénomène est la mobilité, à savoir l’équipement en
SI
smartphone et en tablettes. Par exemple, malgré des problèmes de livraison, il s’est
AS

vendu 5 millions d’iPhone 5 en trois jours, et l’analyste Charlie Wolf, de Needham & Co.
estime que près de 20 millions d’iPad ont été vendus au cours du deuxième trimestre
2012. La technologie mobile sous-entend des passerelles en temps réel entre deux
BY

univers, le virtuel et le réel. La réalité augmentée est l’exemple typique de


l’affranchissement entre ces deux mondes : « la superposition d’un modèle virtuel 3D
ou 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel ».
La mobilité est l’avenir des crises, car de plus en plus d’individus vont être équipés et
vont développer des réflexes. Ainsi, tout mobinaute peut dorénavant prendre des
photographies ou des vidéos n’importe où, n’importe quand, et les envoyer en temps
réel sur Internet. Il apparaît comme évident que l’avenir des crises sur les médias
sociaux reposera également sur le comportement des employés dans le monde réel.
En décembre 2011, un particulier publie une vidéo sur Youtube issu de sa caméra de
surveillance devant sa propriété. Nous pouvons y voir un livreur du groupe Fedex qui
vient livrer une télévision à écran plat jeter le carton par-dessus le grillage pour aller
plus vite. La vidéo ne tarde pas à faire le tour du Web, étant visionnée des millions de
fois.
Face à ce malaise, la firme Fedex (http://bit.ly/RCK0hA) a rapidement réagit en
plusieurs temps :

– Une personne respectée et source d’autorité en la personne du manager Mathew


Thornton s’est exprimé deux jours après l’incident au nom de l’ensemble des
employés de Fedex lors d’une vidéo.
– L’enseigne a assumé sa responsabilité en dédommageant la victime et en lui
présentant des excuses, ainsi qu’à l’ensemble de leurs clients.
– La firme a décrit sa culture d’entreprise et a rappelé ses engagements (« It’s just
not who we are »). Elle a expliqué que ce cas exceptionnel reste une exception et
qu’il ne faut pas faire de généralité.
– La vidéo a également été diffusée en interne pour que chaque salarié prenne
conscience des répercutions de tels agissements. L’employé fautif est désormais
affecté à d’autres tâches, en attendant d’éventuelles sanctions plus lourdes.

Si la mobilité est déjà en marche, d’autres technologies ne sont pas encore arrivées
qu’elles peuvent déjà susciter un intérêt dans leur hypothétique rôle à jouer lors de
crises. Nous en avons sélectionnés trois qui nous apparaissaient comme les plus
pertinentes.

3.1 La télévision connectée

M
Dans un rapport de septembre 2012, la CNIL définit clairement les enjeux de la
télévision connectée :
SI
« Le terme de télévision connectée désigne la convergence entre la télévision
AS

traditionnelle et l’internet. En pratique, cela couvre à la fois les téléviseurs connectés à


internet, les services de télévision qui interagissent avec le Web et les contenus télévisés
BY

reçus par d’autres terminaux que la télévision (smart-phones, tablettes, ordinateurs,


consoles de jeux). Avec la télévision connectée, on passe donc d’une utilisation dite
« passive » de la télévision, où le téléspectateur n’a accès qu’à un nombre limité de
programmes, à une télévision interactive, grâce à laquelle le téléspectateur dispose
d’une infinité de choix de programmes, de contenus personnalisés et la possibilité de
partager en direct ses impressions. »
La télévision connectée n’en est actuellement qu’à ses balbutiements. D’après une étude
de NPD DisplaySearch (http://bit.ly/RTLPJ6) parue sur 14 pays, seuls 18% des
consommateurs seraient équipés de cette technologie.

3.2 Interview de Fadhila Brahimi


Dirigeante et fondatrice de FB-Associés, spécialiste en stratégie de présence
et de Fabien Bareti, Responsable Marketing Digital, expert de la télévision
connectée & sociale

Qu’est que la télévision connectée ?


De la télévision connectée à la télévision sociale
Vous ne regarderez plus la télévision comme avant : passivement installé devant votre
écran, assis confortablement dans votre canapé, seul ou avec vos proches, en zappant
avec une télécommande les programmes suggérés à heures fixes par votre magazineTV.
La télévision d’aujourd’hui est numérique, interactive, sociale, enrichie et mobile. Un
profond changement de l’expérience audiovisuelle qui se manifeste par le fait que la
télévision est :

– Réceptive par internet. La connexion à la TV peut se faire à partir d’un boîtier


connecté à l’internet (Box ADSL, consoles de jeux, GoogleTV, apple TV, etc).
– Accessible à partir de tous les écrans (Tablette, gsm, ordinateur) voire par un
grand écran TV qui intègre de fait l’internet dans sa technologie (SmartTV).

Selon Médiamètrie (mai 2012), « au premier trimestre 2012, ce sont 10,7% des foyers
français soit près de 3 millions qui sont désormais équipés de ce nouvel écran. Une
augmentation significative en un trimestre : +40% » qui devrait continuer
(http://bit.ly/RTLTIH).

Quelle sont les problématiques de la TV connectée en 2012 ?


M
Cette révolution technologique accompagne une révolution des usages et des services.
SI
La télévision est désormais :
AS

– Enrichie par de nombreux services comme le Replay (possibilité de revoir un


programme), la VOD/SVOD (le programme payant à la carte ou par abonnement)
ou la possibilité d’accéder à des informations complémentaires (ex, accéder à la
BY

biographie dans un artiste qui se produit) et en parallèle grâce à un affichage qui


départage votre écran en deux ou encore des contenus crées spécifiquement pour
le Web (ex, Capote200 avec Bref).
– Interactive lorsqu’elle vous permet de répondre en direct à un sondage et d’en
voir le résultat en ligne ou d’acheter le film ou l’album d’un artiste pendant que
vous l’écoutez ou encore de poser une question à un invité lors d’un débat.

En regardant C’est dans l’air vous pouvez visionner : les 5 dernières émissions en
rattrapage, participer à la « Question du jour » et accéder aux résultats des votes des
téléspectateurs en temps réel, poser des questions en direct au journaliste et aux
invités, en savoir plus sur le thème de l’émission du jour, découvrir les biographies des
invités du jour, retrouver les livres associés à l’émission.
La nouvelle chaîne BeInsport et l’émission « Médias, le magazine » ont crée
spécifiquement des applications appelées « Second écran » pour proposer des contenus
additifs.
Père Fourras a même sa page Facebook et communique en amont et en aval avec les
télénautes.
Appuyée par la révolution du Web Social et l’explosion des médias sociaux (Twitter,
Facebook, etc), le téléspectateur multitasking (faire plusieurs choses en même temps)
devient un télénaute. Il choisit ses programmes en fonction de l’humeur de son réseau
(le programme papier est remplacé par la recommandation sociale) car il détecte les
programmes les plus commentés (l’influence remplace l’audience) grâce à des
applications (ex, TVCheck) ou bien par sites dédiés (ex, devantlatélé.com) ou encore
avec l’affichage en direct des commentaires twitter et facebook sur sa SmartTV.
Nikos Aliagas a marqué au fer rouge les grands débuts de la Sociale TV, en proposant
une véritable interaction avec les télénautes avec l’émission TheVoice (participation
aux votes, contenus web spécifiques, chat en ligne avec la communauté des fans, etc).

Quels pourraient être les impacts de la TV connectée sur les crises ?


La télévision réinventée est devenue sociale
Elle bouleverse nos habitudes (http://bit.ly/TcF81R) : c’est un rendez-vous avec notre
réseau puisque nous ne la regardons plus seul et n’avons plus besoin d’attendre la
pause café au bureau pour commenter un match. Une étude de septembre 2012, du
groupe Horowitz Associates, rapporte que 24% des adultes de 18 à 34 ans et 30% des

M
jeunes de 15 à 17 ans ont commencé à regarder une émission parce qu’ils ont lu ou vu
quelque chose sur Internet ou dans les médias sociaux.
SI
En somme, la Social TV se résume par trois révolutions : échanger en direct avec sa
AS

communauté, gagner des lots ou des invitations grâce à la Gamification (service de jeux
participatifs) et personnaliser son expérience télévisuelle en choisissant son
programme, ses heures d’écoute, etc.
BY

La socialisation de la télévision invite le télénaute (en affichant même le Hashtag –


mot clef – de l’émission dans un bandeau ) à devenir acteur en temps réels ou en
différés leur donnant plus de pouvoir sur le partage d’opinion voir en proposant sa
propre chronique (Touche Pas à mon poste) ce qui permet tant aux chaînes qu’aux
journalistes et animateurs télé d’orienter leurs contenus en fonction de la demande
avec immédiateté mais d’être soumis immanquablement à la loi de la masse.
À ce titre, le couple TV-Twitter a considérablement joué dans la campagne
présidentielle 2012 où l’on a pu constaté une accentuation de la télévision spectacle
prise au dépourvu des statistiques en provenance des médias sociaux. Voire une
explosion de Tvréalité exploitait l’ego des personnes qui se prolonge sur le web. On
peut se demander si « L’amour est dans le pré » serait le programme le plus plébiscité
sur les médias sociaux sans les tweets acides de Justine.

Dans l’affaire du « Tweet de Valérie Trierweiler » qui a alimenté qui ?


La TéVolution est en marche
C’est une explosion du temps de visionnage puisque nous sommes passés de 2h45 par
jour à moins de 5 heures. (Propos rapporté à Les Cross Video Days des 12 et 13 juin
2012, « Social TV, un booster pour la TV », « Smart TV face au second écran »,
« Connectée, Sociale, Participative ou la TV nouvelle génération »…
http://bit.ly/OtMDEC).
De nouveaux acteurs se précipitent aux portes de la télévision: des opérateurs
producteurs de leur propre contenu (box), aux géants du Web (Google, Apple) en
passant par ce que l’on appelle les “companions” (applications) au milieu des motion
makers et les influencers-blogueurs-twitternautes et facebookers. Tout cela bouleverse
le marché de la publicité, la déontologie et fait émerger de nouveaux enjeux :
Ne risque t-on pas de nous enliser vers la télévision de consommation « séduction » au
dépend de l’investigation et de l’information « hors-peopolarisation ? » Quid des
programmes non socialisables ? Qui des chaînes, des producteurs, des annonceurs, des
applications, des opérateurs… va le mieux capter ce nouveau marché ?

3.3 Les lunettes sociales ou la technologie portable


La technologie portable, ou appelée communément wearable, est selon Thad Starner,
l’un des pionniers de ce domaine, un « ordinateur pouvant être porté sur soi qui
M
interagit avec l’utilisateur en continu selon le contexte et agit en tant qu’assistant à
SI
diverses tâches. »
AS

En début 2012, Google a présenté le projet Glass. Il s’agit de lunettes reliées aux services
de Google (Google+, Google Maps…) reposant sur le principe de réalité augmenté. Si ces
lunettes ne devraient pas être pour le grand public avant certaines années, elles
BY

augurent cependant de potentielles crises.


Demain, il sera probablement possible pour des individus de filmer de manière
immersive des situations qui leur déplaisent, comme un vendeur vindicatif, et de les
mettre en ligne instantanément. L’entreprise devra donc prendre en considération cette
évolution technologique dans la formation de ses salariés : leur conduite est un risque
non négligeable pouvant avoir des répercussions sur les médias sociaux.
En 2012, Steve Mann, un ingénieur Canadien, a subi des déboires avec des employés de
McDonald. L’homme est l’inventeur du « Digital Eye Glass », une technologie dont
l’objectif est d’aider les personnes ayant des difficultés oculaires à mieux percevoir les
choses au travers de la réalité augmentée (cette invention a par ailleurs influencé le
projet Google Glass). Steve Mann lui-même est atteint de difficultés, et il utilise donc
les lunettes dans un but avant tout médical (il dispose en plus d’une lettre de son
médecin). De passage à Paris, en famille, Steve Mann décide d’aller se restaurer dans un
McDonald, où ses étranges lunettes vont susciter de violentes réactions. Dans
l’altercation pour le mettre dehors, les employés ont cassé le dispositif qui normalement
efface les images au fur et à mesure. Le résultat est sans appel, les clichés stockés par
accident vont se retrouver sur la toile et faire débuter à une véritable crise. Sur son
blogue, Steve Mann avertit (http://bit.ly/WvxKnb) : « Les dernières actualités m’ont
décrit comme « le père de l’informatique portable » dans le contexte de diverses
versions de fabrication commerciale similaires à mes « glass eye », tels que ceux
fabriqués par des sociétés comme Google, Olympus, etc. De sorte que cette technologie
devient grand public, McDonald pourrait avoir besoin de s’habituer à elle ».

3.4 Les technologies de reconnaissance faciale


L’avenir des crises pourra cependant trouver une réponse salvatrice dans les
technologies de reconnaissance faciale. Ces dernières pourraient à terme permettre
d’ajuster un message dans le monde réel selon l’identification de consommateurs
mécontents.
En effet, le visage humain constitue un enjeu important pour les marketers qui y voient
une nouvelle manière de mieux communiquer. Si ce procédé peut paraître futuriste, il
faut savoir qu’actuellement, la technologie de détection faciale est en train de rendre
possible le fait de mesurer et d’analyser en temps réel la physionomie des passants,
comme leur tranche d’âge, leur sexe ou leur attention pour un message publicitaire.
Cette technologie peut permettre une machine (comme un iPad) de présenter à un
consommateur des produits qu’il devrait normalement acheter en fonction de ses
caractéristiques physiques.
M
Kraft et Adidas l’utilisent pour proposer des recettes aux macaronis aux mères occupées
SI
et des chaussures de marche aux acheteurs âgés.
AS

Par exemple Plan UK, un groupe de charité pour les enfants, a lancé une publicité sur
les arrêts de bus dans le cadre de leur campagne « Parce que je suis une fille ». Le
logiciel de reconnaissance faciale déterminait le sexe des personnes pour délivrer un
BY

message ciblé. Les femmes voyaient un clip de 40 secondes, tandis pour les hommes, il
était affiché un message les invitant à visiter le site Web du groupe.
Mais selon de nombreux spécialistes, la prochaine génération de systèmes de détection
faciale pourrait aller beaucoup plus loin dans cette collecte de données. Un algorithme
pourrait juger si le passant semble heureux, triste, malade, en bonne santé, ou nerveux.
Imaginons maintenant que tous ces appareils puissent un jour faire appel, par la
reconnaissance faciale, à certaines données inhérentes aux médias sociaux. Cela n’est
pas nécessairement impossible dans la mesure où des logiciels existent déjà sur les
plateformes. Nous pouvons imaginer des communications de crise parfaitement
adaptées aux consommateurs faisant la liaison entre le virtuel et le réel. Le scénario
pourrait alors être le suivant :
Un événement suscite la colère des internautes, que ce soit une erreur de
communication ou un dysfonctionnement structurel. Pour améliorer son image,
l’entreprise se constitue une banque de données basée sur les médias sociaux où elle
identifie les individus qui ont été les plus critiques, leur localisation ou leurs intérêts. À
l’aide de panneaux publicitaires, dans le monde réel, pourvu de la technologie de
reconnaissance faciale, elle peut déployer des messages adaptés selon un certain
profilage. Un internaute ayant posté un commentaire négatif suite à la crise peut se
retrouver ajouté dans une base de données qui va l’identifier alors qu’il passe dans la
rue. Le message publicitaire, grand public, change alors pour prendre en considération
des informations personnelles et ainsi adapter la forme de la réponse en conséquence.
Non seulement l’entreprise adresse un message personnalisé hyper ciblé, mais elle peut
également l’adapter selon certaines données et la physionomie de l’internaute.
Pour l’heure, les autorités veillent à garantir la protection de la vie privée. En septembre
2012, Facebook, afin de répondre à l’agence irlandaise de protection des données, a
suspendu temporaire la reconnaissance faciale sur sa plateforme. Cependant, le réseau
social indique chercher, « une façon appropriée d’obtenir le consentement des
utilisateurs pour de type de technologie selon les règles européennes ». Ce qui est
technologiquement possible n’est pas toujours socialement et juridiquement
admissible. Il faut cependant s’attendre à ce que cette technologie revienne sur le devant
de la scène une fois ces barrières surmontées.
L’avenir des crises sur les médias sociaux sera probablement consécutif à des
internautes initiés aux outils, disposant de technologies abrogeant les frontières entre le
réel et le virtuel et naviguant sur un Web leur permettant de relier par la sémantique
l’entreprise à un ensemble de contenus. Nous avons là tous les enjeux d’une crise, la
M
nécessité de répondre rapidement de manière honnête et adaptée tout en veillant à sa
SI
réputation numérique dans le temps.
AS
BY
Le dernier mot
Nous avons souhaité orienter cet ouvrage d’une manière particulière : aborder la notion
de communication de crise sur les médias sociaux tout en offrant une vision globale de
l’environnement du Web social et de ses aspects cognitifs. Notre objectif est de
permettre à toute entreprise de disposer d’une vision suffisamment large pour adapter
ses actions en fonction d’un contexte qui lui est propre.
Nous espérons que vous avez pris autant d’intérêt à le lire que nous à l’écrire.
Comme le mentionnait l’éminent Confusius : « je ne cherche pas à connaître les
réponses, je cherche à comprendre les questions ».

M
SI
AS
BY
Directeur de publication : Xavier WARGNIER
Retrouvez moi sur :
www.facebook.com/xavierwargnier
http://twitter.com/xavierwargnier
http://fr.linkedin.com/in/xavierwargnier

Couverture : Christophe Dussoliet


Illustration Couverture : Pixelery -123rf.com

M
ISBN : 978-2-918866-46-6
SI
Dépôt légal : Octobre 2012
AS

Editions Kawa
88, Chemin des Perrières - 74290 Bluffy - France
BY

Conception graphique et réalisation : Christophe Dussoliet


www.dussoliet-creation.com

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