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Les kanjisa sont des signes issus des caractères chinois dont le rôle est d'écrire
une partie de la langue japonaise, chaque kanji ayant une ou plusieurs expressions
phonologiques possibles, appelées « lectures ».
Sommaire
1 Généralités
1.1 Nature et rôle
1.2 Avantages pratiques des kanjis
1.3 Inclusion des kanjis dans les caractères chinois
1.4 Nombre de caractères
1.5 Classification des kanjis
2 Caractéristiques graphiques
2.1 Tracé
2.2 Formes
2.3 Styles
2.4 Variantes graphiques
3 Lectures des kanjis
3.1 Lectures sino-japonaises (on) et japonaises (kun)
3.2 Importance du contexte
3.3 Catégories des lectures sino-japonaises
3.4 Vocabulaire sinoxénique
3.5 Apparition des lectures kun
3.6 Particularités des lectures kun
3.7 Ateji et jukujikun
3.8 Exemples de kanjis avec leurs principales lectures
3.9 Furigana
4 Politiques de l'État japonais concernant les kanjis
4.1 Premières tentatives de réformes
4.2 Tōyō-kanji (1946)
4.3 Jōyō-kanji (1981)
4.4 Formes standard pour l'impression (2000)
4.5 Liste actuelle des kanjis d'usage courant (jōyō-kanji)
4.6 Kanjis aujourd'hui autorisés pour les prénoms
5 Apprentissage des kanjis
6 Notes et références
6.1 Notes
6.2 Références
7 Voir aussi
7.1 Bibliographie
7.2 Articles connexes
7.3 Liens externes
Généralités
Articles connexes : Écritures du japonais et Caractères chinois.
Nature et rôle
Le mot « kanji » est la romanisation du terme japonais 漢字 (API : /kaɲd͡ʑi/
Écouter), lui-même issu de son homologue chinois 漢字 b ; il signifie caractère (字,
ji?) de l'ethnie han (漢, kan?), donc « caractère chinois » ou « sinogramme ».
Les kanjis sont indispensables pour lire et écrire le japonais où ils sont associés
aux kanas (les syllabairesc hiragana et katakana) ainsi que, dans une moindre
mesure, aux rōmaji (lettres latines pour les sigles, etc.) et aux chiffres arabes.
Ils sont parfois désignés par le vocable 真名 (mana?), qui est un antonyme de kana.
Cette particularité conduit à opposer les kanjis aux syllabaires (kanas), puisque
ces derniers ne représentent intrinsèquement que des sons dépourvus de valeur
sémantique propre. Les deux se combinent dans le modèle kanji-kana-majiribun2 qui,
schématiquement, consiste à utiliser les kanjis pour écrire les radicaux, tandis
que l'habillage grammatical de la phrase (mots grammaticaux, désinences, etc.) est
écrit en kanas. Par exemple, le verbe « parler » (話す, hana‧su?)d voit son radical
écrit avec le kanji 話 e et sa terminaison avec le hiragana す.
Néanmoins, pour lire et écrire le japonais, le plus important est de connaitre les
lectures (読み, yomi?)3 des kanjis, qui chacune correspondent à une more du
japonais (par exemple fu, bu) ou à une série de mores (par exemple kaze, kaza, fū).
Aussi, dans la pratique ordinaire de la langue, les mots ou le contexte dictent-ils
directement les caractères à utiliser, sans qu'il soit nécessaire de se préoccuper
systématiquement de leurs sens intrinsèques. Par exemple, face au mot 経済, on ne
se soucie pas des sens respectifs de 経 et 済, sauf à vouloir faire une recherche
précise de son étymologief ; 経済 est identifié comme une unité, à savoir le mot
japonais keizai (qui signifie « économie »), impliquant de choisir la lecture kei
pour 経 g et la lecture zai pour 済.
En principe, chaque kanji possède une ou plusieurs lectures qui peuvent avoir en
commun un ou des sens ; les liens étymologiques entre ces sens peuvent être anciens
ou ténus, comme dans l'exemple ci-dessous.
ふう fu (buh)
ふ(ぶ) kaze
かぜ kaza
かざ
≈ « vent » 台風
tai‧fūi 屛風
byō‧buj 風,北風
kazek, kita‧kazel 風車
kaza‧gurumam
≈ « apparence » 風,風景
fūn, fū‧keio - - -
≈ « charme » 風致
fū‧chip 風情
fu‧zeiq - -
≈ « coutume »
ou « style » 風習,画風
fū‧shūr, ga‧fūs - - -
Avantages pratiques des kanjis
Malgré le fait qu'il soit possible, techniquement, de se passer des kanjis pour
écrire la langue nipponne (en écrivant tous les mots en kanas), le japonais, dans
sa pratique ordinaire, a recours à nombreux kanjis, en raison des multiples
avantages qu'ils offrent. Fondamentalement, le lien visuel direct qu'il y a entre
le signe et son ou ses sens renforce la capacité des textes japonais à transmettre
du sens de manière rapide et intense, ce qui de surcroît contribue à limiter la
dérive du sens des mots.
D'autre part, l'alternance de kanjis et de kanas aide à distinguer les mots malgré
l'absence quasi-systématique d'espaces au sein des phrases, comme dans la phrase
ci-dessous signifiant : « J'ai vu un chat blanc. ». Les kanjis 白, 猫, et 見
(respectivement « blanc », « chat » et « voir ») portent les principaux sens,
tandis que les autres caractères (hiraganas) sont des éléments grammaticaux. Cet
exemple illustre également le fait que les kanjis permettent généralement de
réduire le nombre de signes et donc la place prise par le texte.
En kanas : しろいねこをみた。
En kanas et kanjis : 白い猫を見た。
En outre, il existe en japonais de nombreux homophonest qui seraient aussi
homographes sans le recours à l’écriture en kanjis (un peu comme si « haut » et «
eau » avaient la même orthographe en français).
Exemples d'homophones
Kanji Kana Romanisation Traductions
式
指揮
士気 しき
"
" shiki
shi‧ki
" Cérémonie
Direction
Motivation
行動
公道
講堂 こうどう
"
" kō‧dō
"
" Action
Voie publique
Amphithéâtre
川
皮 かわ
" kawa
" Rivière
Cuir
Enfin, la polysémie de certains mots se traduit par des choix de kanjis différents
en fonction de la nuance exprimée, comme dans les exemples ci-dessous :
榊 (Sakaki?).
L'origine des caractères chinois remonte, selon les plus anciens documents connus,
à l'écriture ossécaille de la fin de la dynastie Yin. C'est néanmoins plus tard
qu'ils furent importés au Japon, à une époque qui n'est pas clairement établie ; le
Kojiki (712) est le plus ancien livre japonais qui nous soit parvenuu, mais de
nombreuses monnaies, stèles ou sceaux témoignent d'une utilisation plus ancienne
des sinogrammes dans l'archipel japonais. Par ailleurs, la tradition considère que
l'on doit l'enseignement des caractères chinois auprès de la cour impériale
japonaise au lettré Wani, venu du royaume de Baekjev (en japonais Kudara) situé au
Sud-Ouest de la péninsule coréenne.
En raison des origines communes des signes utilisés au Japon et en Chine et des
profondes similitudes qui demeurent aujourd'hui encore sur les plans graphique et
sémantique, les kanjis sont classés dans un ensemble plus vaste désigné sous le
terme générique de « caractères chinois » (ou sinogrammes). Néanmoins, il existe
certaines spécificités nipponnes en termes d'apparence graphique (que l'on prenne
en compte ou non les réformes de l'écriture chinoise du xxe siècle) et de
sémantique, points qui seront présentés dans la suite de l'article.
On trouve aussi une petite proportion de kanjis dits kokuji, qui ont été forgés au
Japon. Par exemple, 榊 (sakaki?), qui désigne l'arbre présenté en offrande dans les
rites shintoïstes, est un kanji apparu au Japon ; il provient de la fusion des
caractères 木 et d'une variante de 神, respectivement « arbre » et « divinité »w.
Ainsi, en l'absence d'une stricte inclusion des kanjis dans l'ensemble formé par
les authentiques sinogrammes continentaux, il convient en toute rigueur de
considérer les kanjis comme un système singulier et propre à l'écriture japonaise
qui s'est progressivement éloigné de son modèle.
Nombre de caractères
Il n'existe pas de décompte précis et universellement reconnu permettant de dire
combien de kanjis existent.
Du côté des dictionnaires, le Dai Kanwa-Jiten (en) qui est un kanwa-jiten (漢和辞典?,
littéralement dictionnaire sino-japonais) contient plus de 50 000 caractères
différents, incluant des variantes graphiques ; leurs sens sont expliqués en
japonais, de même que les significations de nombreux termes composés de deux kanjis
ou davantage. Toutefois, les kanwa-jiten incluent de nombreux sinogrammes qui n'ont
jamais ou presque jamais été employés en dehors des textes dits kanbun (littérature
chinoise ou japonaise écrite dans la langue chinoise classique). Le nombre de 50
000 n'est donc pas nécessairement pertinent pour décrire l'usage contemporain des
kanjis, ces dictionnaires dépassant le cadre strict de la langue japonaise en tant
que langue vivante. En comparaison, le dictionnaire publié par la fondation
d'utilité publique The Japan Kanji Aptitude Testing Foundation contient environ 6
300 kanjis (cf. bibliographie), ces derniers appartenant dans leur grande majorité
aux deux premiers niveaux de la norme JIS X 0213. L'examen Kanken organisé par la
fondation a pour objet, dans sa version la plus ardue (niveau ikkyū), la
connaissance de l'ensemble des kanjis présents dans le dictionnaire. Comme
l'atteste le faible taux de réussite à cet examen, une partie non négligeable des
kanjis de ce dictionnaire n'est connue que par des personnes ayant des
connaissances particulièrement poussées en kanjis.
Quel que soit le mode de comptage retenu, presque personne ne connait tous les
kanjis. Il existe bien la liste officielle des jōyō-kanji (kanjis d'usage courant),
dont l'effectif se limite à 2 136, mais cela ne signifie ni que tout le monde
connait avec précision tous les kanjis officiels, ni surtout que tous les kanjis
extérieurs à cette liste (désignés par la catégorie dite hyōgai-kanji) sont de
facto inconnus du grand public. En effet, dans la pratique, il n'est pas du tout
rare d'utiliser des caractères hyōgai-kanji, en particulier pour écrire des noms
propres, des termes techniques ou des mots ou expressions littéraires. L'usage des
furigana, pour en préciser la lecture, est certes assez fréquent, mais il n'est pas
systématique. Le cas des noms propres mis à part, le recours à ces kanjis dépend de
facteurs comme le degré de publicité d'un document, l'existence d'un contexte
spécialisé ou de règles liées à une organisation, voire, les habitudes ou choix
individuels.
Comme pour les sinogrammes en général, tout kanji se découpe en une ou plusieurs
partiesy. Une décomposition fréquente consiste à séparer le caractère entre sa
partie gauche située sur l'emplacement hen et sa partie droite située sur
l'emplacement tsukuri (cf. table 1 ci-dessous). La partie qui est, par convention,
considérée comme principale est appelée « clé » (部首, bushu?).
Les clés permettent de classer les kanjis dans les dictionnaires en format papier,
suivant l'ordre des clésaa, chaque dictionnaire contenant une table où les clés
sont rangées dans l'ordre du nombre de leurs traits. Selon les dictionnaires, le
nombre de clés et leurs affectations aux kanjis peuvent présenter quelques
différences, mais celles-ci demeurent tout à fait mineures ; aussi les principaux
ouvrages s'accordent-ils sur un effectif légèrement supérieur à deux-cents clés,
sans compter les variantes.
D'autre part, les grandes catégories étymologiques des sinogrammes que l'on trouve
dans les dictionnaires, à savoir les pictogrammes, les idéogrammes simples, les
idéogrammes composés et les idéophonogrammes, sont un attribut possible pour
indexer les kanjis.
Caractéristiques graphiques
Tracé
Articles détaillés : Tracé d'un sinogramme et Calligraphie extrême-orientale.
Même s'il est possible qu'une personne sache, en pratique, lire un kanji sans en
connaitre par cœur la composition trait par trait, un kanji n'est pleinement
considéré comme connu que lorsque l'on est capable de l'écrire de mémoire tout en
respectant les caractéristiques canoniques de son tracé, à savoir l'ordread et la
forme des traits — au minimum dans le style régulier. Ces éléments sont enseignés
dans les écoles primaires et les collèges japonais dans une matière appelée shosha,
anciennement connue sous le terme de shūji. Les cours de calligraphie (shodō),
dispensés dans les lycées, abordent les styles cursifs et les grands calligraphes
du passé. Toutefois, la pratique de cette discipline ne se limite pas au domaine
scolaire, car la calligraphie, à haut niveau, constitue un art à part entière.
L'ordre usuel des traits pour le tracé des kanjis est généralement identique à
celui de leurs homologues chinois ; il existe néanmoins quelques exceptions (cf.
exemple ci-contre avec le sinogramme « rizière », 田) si on s'en refère notamment
au « Manuel pour l'instruction de l'ordre des traits5 » publié par le gouvernement
nippon en 1958. En outre, l'ordre des traits peut dépendre du style utilisé.
Enfin, le respect des distances entre les traits ou le respect de leurs tailles
relatives est une condition pour écrire les kanjis de manière lisible et
harmonieuse. En particulier, les proportions entre les différents éléments
constitutifs est un point qui retiendra l'attention du calligraphe.
Formes
Article connexe : Composition d'un sinogramme.
Dans le contexte de l’étude des kanjis, le terme français de « forme » renvoie
généralement aux concepts 字形 (jikei?) et 字体 (jitai?). Les jikei sont les
infinies variations possibles des réalisations concrètes des caractères, à travers
leurs représentations manuscrites et leurs glyphes7. En opposition, le concept de
jitai permet de regrouper les signes réels sous des entités abstraites mais
dénombrables.
Les formes, au sens de jitai, sont également qualifiées en japonais d'« ossatures8
». Par analogie, on trouverait le concept d'ossature d'une lettre permettant de
reconnaitre cette lettre qu'elle soit imprimée en italique ou non, ou encore dans
des polices différentes. Ces entités abstraites sont le moyen de distinguer les
kanjis entre eux lors du processus cérébral de la lecture du japonais ; elles sous-
tendent également les définitions des jeux de caractères pour l'informatique ainsi
que les normes japonaises qui portent sur les kanjis.
Par exemple, les formes 木 et 本 ne diffèrent que par un trait horizontal, mais
elles correspondent à deux kanjis parfaitement indépendants, signifiant
respectivement « arbre » et « livre ». De la même manière, les formes 土 (sol) et
士 (guerrier ou érudit) ne diffèrent que par les longueurs relatives de leurs
traits horizontaux, tandis que 粟 (millet) ne se distingue de 栗 (châtaigne) que par
la présence de deux petits traits.
À chaque kanji correspond une unique forme (jitai), sauf si plusieurs « variantes
graphiques » lui sont reconnues. Pour certains kanjis possédant plusieurs
variantes, l'identification des formes demeure un exercice sujet à interprétations,
avec de possibles divergences selon les époques, les sources ou les standards.
Styles
Article détaillé : Styles de caractères chinois.
La notion de « style » (書体, shotai?), avec d'une part les « styles d'impression »
(déterminant notamment les polices) et d'autre part les « styles manuscrits »
(historiquement plus anciens), se définit comme un « système de caractéristiques et
de styles donnés [qui peut s'observer] lors de la représentation réelle des
caractères sur la base de leur ossature »9.
Concernant les styles d'impression, le style dit minchōtai (明朝体?) est le style de
référence pour les polices d'impression japonaises ; il se caractérise en
particulier par des angles droits, des empattements, ainsi que des traits verticaux
généralement plus épais que les traits horizontaux. Ce style provient d'une
adaptation du style manuscrit « régulier » aux techniques chinoises d'impression,
en particulier à l'impression au bloc de bois qui florit dès l'époque des Song du
Nord. Le style se stabilisa à l’époque des Qing avant de reprendre son évolution
dans l'archipel nippon avec le développement des modes d'impressions importés
d'Occident (typographie) dans la seconde moitié du xixe siècle.
D'autre part, on trouve aussi le style goshikkutai (ゴシック体?) qui est un dérivé
du minchōtai avec moins d'ornements et des traits d'épaisseur uniforme. Enfin, le
style kyōkashotai (教科書体?), utilisé principalement dans les livres d’école, est
plus proche du style régulier manuscrit, afin de rendre la lecture des manuels plus
aisée pour les enfants qui apprennent concomitamment à lire et à écrire.
Variantes graphiques
Dans les dictionnaires, en principe, on trouve une entrée par classe ; pour une
entrée donnée, une « forme principale » (親字, oyaji?, littéralement « caractère
parent »)ag est présentée, les formes alternatives étant indiquées à l'intérieur de
l'entrée. Si on se limite aux styles d'impression contemporains, la plupart des
classes de kanjis n'ont qu'une ou deux forme(s) (une forme simplifiée et sa
contrepartie « traditionnelle » le cas échéant).
La plupart des kanjis ont de ce fait au moins deux lectures possibles : on et kun.
Ce n'est toutefois pas une règle absolue, et l'on trouve des kanjis sans lecture
kun comme 菊 (kiku, chrysanthème), ou sans lecture on comme 鰯 (iwashi, sardine) ;
ce dernier est un kanji créé au Japon. À l'inverse, un caractère comme 寸 (pouce,
unité de longueur de l'ordre de trois centimètres) n'avait pas d'équivalent dans le
vocabulaire japonais au moment de son introduction ; il n'a de ce fait qu'une
lecture on, à savoir sun.
En tendance, on constate que les mots écrits avec un seul kanji font plutôt appel à
des lectures kun, les lectures on étant au contraire fréquentes au sein des mots
composés de deux kanjis ou plus (熟語, jukugo?).
les lectures kun sont généralement pluri-syllabiquesai ; par exemple : umi, yama,
kaze ;
les lectures on sont souvent mono-syllabiques, c'est-à-dire monomoriques ou
bimoriques ; par exemple, kan, kō, shiaj. La langue japonaise possédant un
répertoire de syllabes (de mores) relativement limité, il s'ensuit que de nombreux
kanjis partagent des lectures on communes ; par extension, de nombreux mots
composés (jukugo) sont homophones. On note néanmoins que les lectures on pluri-
syllabiques ne sont pas particulièrement rares, comme niku, vu plus hautak.
Importance du contexte
La majorité des kanjis sont pourvus d'au moins deux lectures, mais cela peut aller
bien au-delà. Ainsi, certains kanjis d'usage courant peuvent avoir plus d'une
dizaine de lectures possibles. On trouve par exemple le kanji 生 (signifiant
notamment « la vie » ou « vivre ») dont les lectures officielles sont sei, shō, i‧
kasual, i‧kiru, i‧keru, u‧mareru, u‧mu, o‧u, ha‧eru, ha‧yasu, ki et nama, soit
douze lectures officielles.
Souvent, donc, déterminer la lecture d'un kanji suppose d'avoir identifié
correctement le mot pour lequel il est employé. Il faut pour cela observer un ou
plusieurs signes situés à son voisinage, voire juger plus largement en fonction du
contexte. Par exemple, 風, utilisé seul, peut soit faire référence à kaze (vent),
soit à fū (apparence) ; il est donc nécessaire de deviner en amont, par le
contexte, la valeur sémantique de 風 pour pouvoir le lire. Pour un composé
(jukugo), il convient d'abord d'identifier globalement le mot (souvent deux kanjis)
puis d'en déduire les lectures de chaque kanji. Cela ne supprime cependant pas
toutes les ambigüités, comme avec les composés suivants :
On distingue ainsi :
les go-on (呉音, lectures des Wu), introduisant principalement des termes
bouddhistes. Selon la tradition, ces lectures auraient été importées du pays Wu,
dans la région de Shanghai, via la Corée, à l'époque des dynasties du Nord et du
Sud (317-589). Un nombre important de lectures go-on sont cependant passées dans le
vocabulaire courant comme 領 (ryō, territoire) ou 下 (ge, dessous) ;
les kan-on (漢音, lectures des Han, pris ici dans le sens de « chinois »),
introduits entre le viie et le viiie siècle, à l'époque des dynasties Sui et Tang.
Ils reflètent pour la plupart le langage de la capitale de l'époque, Chang'an
(aujourd'hui Xi'an). Il s'agit du groupe le plus nombreux et du plus systématique ;
les tō-on (唐音, lectures des Tang)an, introduits plus tardivement entre les
époques de Heian et d'Edo. On trouve par exemple la lecture ton du kanji 団, comme
dans 布団 (futon, matelas japonais), ou la lecture su de 子, comme dans 椅子 (isu,
chaise). En dépit de la longueur de la période, ces lectures sont relativement
rares, l'essentiel des apports depuis le continent ayant été fait auparavant ;
les kan'yō-on (慣用音, lectures d'usage), il s'agit historiquement de prononciations
populaires (souvent des versions erronées des lectures sino-japonaises orthodoxes
vues plus haut) qui sont devenues courantes et acceptées. Par exemple 輸
(transporter) a yu comme lecture d'usage.
Bien que les kokuji soient des caractères proprement japonais, un certain nombre
d'entre eux possèdent une lecture on, créée artificiellement par analogie avec un
sinogramme semblable. Par exemple, la lecture on affectée au kokuji 働, dō, est
identique à celle du caractère 動.
Enfin, on trouve des mots empruntés qui utilisent des lectures proches des langues
chinoises modernes voire contemporaines — par exemple des vocables liés à la
cuisine chinoise tels « riz frit » (炒飯, chāhan?), ou des noms de lieux.
Toutefois, ces lectures, lorsqu'elles diffèrent des lectures sino-japonaises des
catégories vues plus haut, se sont pas considérées stricto sensu comme des lectures
on ; c'est pourquoi il est recommandé de soit écrire ces mots en katakanas, soit de
leur ajouter des furigana, en dehors des cas les plus connus comme Hong Kong (香港,
Honkon?). Néanmoins, on notera que la majorité des noms propres chinois sont
généralement lus d’après les lectures on, et non d’après le mandarin : Mō Takutō
pour Mao Zedong (毛沢東), Shinkyō pour Xinjiang (新疆), Shisen pour Sichuan (四川),
etc.
Vocabulaire sinoxénique
Les mots issus des lectures on forment le « vocabulaire sinoxénique » du japonais,
aussi connu sous les termes japonais de 漢語 (kango) ou 字音語 (jiongo)ao. En plus du
vocabulaire chinois ayant pénétré la langue japonaise par le truchement des kanjis,
de nombreux nouveaux mots furent créés au Japon par des combinaisons originales de
kanjis (c'est-à-dire inexistantes en chinois de l'époqueap) prononcés avec leurs
lectures on. C'est pourquoi il n'est pas possible d'assimiler le vocabulaire
sinoxénique à du « véritable chinois dans la langue japonaise », dans la mesure où
une partie de ce vocabulaire est née au Japonaq. On peut de surcroît remarquer
qu'il existe quelques mots sinoxéniques qui sont plus fréquemment écrits en kanas
qu'en kanjis, en particulier des petits mots jouant un rôle grammatical. On trouve
par exemple 様 (dans l’auxiliaire 様だ, yō‧da) pour lequel la graphie en hiraganas
よう est généralement préférée.
D'autre part, certains mots japonais qui renvoyaient à deux mots chinois distincts
sont écrits au moyen de kanjis différents suivant leur contexte d'emploi. Par
exemple, le verbe naosu (réparer, guérir) s'écrit 治す quand il s'agit de guérir
une personne, mais 直す quand il s'agit de réparer un objetas ; la lecture kun «
nao‧su » est commune aux kanjis 治 et 直.
Ateji et jukujikun
Article détaillé : Ateji.
Des kanjis peuvent n'être employés que pour leur lecture, c'est-à-dire en faisant
fi de leurs sens propres. Il s'agit du phénomène des 当て字 (ateji?). Par exemple,
des mots tels やじ (yaji, huées) ou ごまかす (gomakasu, tricher) sont souvent écrits
avec des kanjis, respectivement 野次 et 誤魔化す ; les kanjis 野 (ya), 次 (ji), 誤
(go), 魔 (ma) et 化 (ka) sont employés pour représenter, sans liens sémantiques ou
étymologiques, les mores composant les radicaux de ces mots.
Ce phénomène ne se limite pas aux mots purement japonais, les ateji pouvant
transcrire en kanjis des termes issus de langues non-sinographiques. Ainsi, de
nombreux termes souvent liés au bouddhisme, conformément aux usages chinois, sont
des transcriptions phonétiques en kanjis de mots sanskrits ; par exemple, le clan
indien des Shakya — dans lequel est né le Bouddha — se transcrit 釈迦 (Shaka).
À l'inverse, les caractères de certains composés peuvent n'être employés que pour
la sémantique : dans ce cas, chaque kanji de ce composé pris individuellement n'a
pas de lecture propre, c'est uniquement le composé dans son ensemble qui possède
une lecture. On parle alors de 熟字訓 (jukujikun?) pour désigner ce type de
composés. Par exemple, le composé 太刀 (en français « grand sabre », composé des
kanjis « extrêmement » – ou « grand » – et « sabre ») est un jukujikun qui ne se
lit ni *futo‧katana (qui serait deux lectures kun) ni *tai‧tō (deux lectures on),
ni aucune combinaison hybride ; il est lu tachi, d'après le verbe 断つ (tatsu,
couper), sans aucun lien avec les lectures de 太 et 刀.
Les jukujikun incluent quelques mots d'origine européenne, dont certains demeurent
relativement fréquents de nos jours, comme 煙草 (tabako, tabac) – littéralement «
fumée-herbe ». De surcroît, le terme ateji peut inclure les jukujikun dans son
acception la plus large14.