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Kanji

Les kanjisa sont des signes issus des caractères chinois dont le rôle est d'écrire
une partie de la langue japonaise, chaque kanji ayant une ou plusieurs expressions
phonologiques possibles, appelées « lectures ».

Sommaire
1 Généralités
1.1 Nature et rôle
1.2 Avantages pratiques des kanjis
1.3 Inclusion des kanjis dans les caractères chinois
1.4 Nombre de caractères
1.5 Classification des kanjis
2 Caractéristiques graphiques
2.1 Tracé
2.2 Formes
2.3 Styles
2.4 Variantes graphiques
3 Lectures des kanjis
3.1 Lectures sino-japonaises (on) et japonaises (kun)
3.2 Importance du contexte
3.3 Catégories des lectures sino-japonaises
3.4 Vocabulaire sinoxénique
3.5 Apparition des lectures kun
3.6 Particularités des lectures kun
3.7 Ateji et jukujikun
3.8 Exemples de kanjis avec leurs principales lectures
3.9 Furigana
4 Politiques de l'État japonais concernant les kanjis
4.1 Premières tentatives de réformes
4.2 Tōyō-kanji (1946)
4.3 Jōyō-kanji (1981)
4.4 Formes standard pour l'impression (2000)
4.5 Liste actuelle des kanjis d'usage courant (jōyō-kanji)
4.6 Kanjis aujourd'hui autorisés pour les prénoms
5 Apprentissage des kanjis
6 Notes et références
6.1 Notes
6.2 Références
7 Voir aussi
7.1 Bibliographie
7.2 Articles connexes
7.3 Liens externes
Généralités
Articles connexes : Écritures du japonais et Caractères chinois.
Nature et rôle
Le mot « kanji » est la romanisation du terme japonais 漢字 (API : /kaɲd͡ʑi/
Écouter), lui-même issu de son homologue chinois 漢字 b ; il signifie caractère (字,
ji?) de l'ethnie han (漢, kan?), donc « caractère chinois » ou « sinogramme ».

Les kanjis sont indispensables pour lire et écrire le japonais où ils sont associés
aux kanas (les syllabairesc hiragana et katakana) ainsi que, dans une moindre
mesure, aux rōmaji (lettres latines pour les sigles, etc.) et aux chiffres arabes.
Ils sont parfois désignés par le vocable 真名 (mana?), qui est un antonyme de kana.

Exemple d'un texte mêlant kanjis (soulignés) et hiraganas


元号は、政令で定める。元号は、皇位の継承があった場合に限り改める。
Les caractères chinois sont à l'origine des logogrammes codant en règle générale un
mot ou un morphème de la langue chinoise archaïque. Par exemple, le signe 馬 est
utilisé pour représenter le mot chinois signifiant « cheval ». Les kanjis sont
naturellement dotés de ces valeurs sémantiques primitives et de leur dérivés —
auxquelles éventuellement s'ajoutent d'autres spécifiques à la langue japonaise —,
l'ensemble étant regroupé sous le concept de 字義 (jigi?), c'est-à-dire « sens du
caractère » ; les termes 意味 (imi?) et 意義 (igi?) sont aussi fréquemment usités.
Ces sens sont consultables à l'aide de dictionnaires.

Liste de sens liés à quelques kanjis1


年 année, époque, récolte
会 rencontrer, se réunir, occasion, compréhension, compter
自 soi-même, tout seul, commencement
天 ciel, astre, nature, empereur, climat, destin, kamis célestes
Face à un mot inconnu écrit en kanjis, il arrive qu'il soit possible d'en deviner
la signification, au moins approximativement, à travers l'observation des sens de
chacun des kanjis le composant. Par exemple, même sans connaitre le mot gogen, le
voir écrit en kanjis (語源) tout en sachant que 語 et 源 signifient respectivement «
mot » et « source », permet relativement aisément de comprendre que ce terme
correspond à « étymologie ».

Cette particularité conduit à opposer les kanjis aux syllabaires (kanas), puisque
ces derniers ne représentent intrinsèquement que des sons dépourvus de valeur
sémantique propre. Les deux se combinent dans le modèle kanji-kana-majiribun2 qui,
schématiquement, consiste à utiliser les kanjis pour écrire les radicaux, tandis
que l'habillage grammatical de la phrase (mots grammaticaux, désinences, etc.) est
écrit en kanas. Par exemple, le verbe « parler » (話す, hana‧su?)d voit son radical
écrit avec le kanji 話 e et sa terminaison avec le hiragana す.

Néanmoins, pour lire et écrire le japonais, le plus important est de connaitre les
lectures (読み, yomi?)3 des kanjis, qui chacune correspondent à une more du
japonais (par exemple fu, bu) ou à une série de mores (par exemple kaze, kaza, fū).
Aussi, dans la pratique ordinaire de la langue, les mots ou le contexte dictent-ils
directement les caractères à utiliser, sans qu'il soit nécessaire de se préoccuper
systématiquement de leurs sens intrinsèques. Par exemple, face au mot 経済, on ne
se soucie pas des sens respectifs de 経 et 済, sauf à vouloir faire une recherche
précise de son étymologief ; 経済 est identifié comme une unité, à savoir le mot
japonais keizai (qui signifie « économie »), impliquant de choisir la lecture kei
pour 経 g et la lecture zai pour 済.

En principe, chaque kanji possède une ou plusieurs lectures qui peuvent avoir en
commun un ou des sens ; les liens étymologiques entre ces sens peuvent être anciens
ou ténus, comme dans l'exemple ci-dessous.

Lectures et principaux sens du kanji 風


風 fū

ふう fu (buh)

ふ(ぶ) kaze

かぜ kaza

かざ
≈ « vent » 台風

tai‧fūi 屛風
byō‧buj 風,北風

kazek, kita‧kazel 風車

kaza‧gurumam
≈ « apparence » 風,風景

fūn, fū‧keio - - -
≈ « charme » 風致

fū‧chip 風情

fu‧zeiq - -
≈ « coutume »
ou « style » 風習,画風

fū‧shūr, ga‧fūs - - -
Avantages pratiques des kanjis
Malgré le fait qu'il soit possible, techniquement, de se passer des kanjis pour
écrire la langue nipponne (en écrivant tous les mots en kanas), le japonais, dans
sa pratique ordinaire, a recours à nombreux kanjis, en raison des multiples
avantages qu'ils offrent. Fondamentalement, le lien visuel direct qu'il y a entre
le signe et son ou ses sens renforce la capacité des textes japonais à transmettre
du sens de manière rapide et intense, ce qui de surcroît contribue à limiter la
dérive du sens des mots.

D'autre part, l'alternance de kanjis et de kanas aide à distinguer les mots malgré
l'absence quasi-systématique d'espaces au sein des phrases, comme dans la phrase
ci-dessous signifiant : « J'ai vu un chat blanc. ». Les kanjis 白, 猫, et 見
(respectivement « blanc », « chat » et « voir ») portent les principaux sens,
tandis que les autres caractères (hiraganas) sont des éléments grammaticaux. Cet
exemple illustre également le fait que les kanjis permettent généralement de
réduire le nombre de signes et donc la place prise par le texte.

En kanas : しろいねこをみた。
En kanas et kanjis : 白い猫を見た。
En outre, il existe en japonais de nombreux homophonest qui seraient aussi
homographes sans le recours à l’écriture en kanjis (un peu comme si « haut » et «
eau » avaient la même orthographe en français).

Exemples d'homophones
Kanji Kana Romanisation Traductions

指揮
士気 しき
"
" shiki
shi‧ki
" Cérémonie
Direction
Motivation
行動
公道
講堂 こうどう
"
" kō‧dō
"
" Action
Voie publique
Amphithéâtre

皮 かわ
" kawa
" Rivière
Cuir
Enfin, la polysémie de certains mots se traduit par des choix de kanjis différents
en fonction de la nuance exprimée, comme dans les exemples ci-dessous :

Mot Nuance 1 Nuance 2


yo‧i Dans le sens de « de bonne qualité » ce mot s’écrit :
良い Dans le sens de « bon moralement » ce mot s’écrit :
善い
fune Dans le sens de « embarcation de petite taille » ce mot s’écrit :
舟 Dans le sens plus général de « bateau » ce mot s’écrit :

Inclusion des kanjis dans les caractères chinois

榊 (Sakaki?).
L'origine des caractères chinois remonte, selon les plus anciens documents connus,
à l'écriture ossécaille de la fin de la dynastie Yin. C'est néanmoins plus tard
qu'ils furent importés au Japon, à une époque qui n'est pas clairement établie ; le
Kojiki (712) est le plus ancien livre japonais qui nous soit parvenuu, mais de
nombreuses monnaies, stèles ou sceaux témoignent d'une utilisation plus ancienne
des sinogrammes dans l'archipel japonais. Par ailleurs, la tradition considère que
l'on doit l'enseignement des caractères chinois auprès de la cour impériale
japonaise au lettré Wani, venu du royaume de Baekjev (en japonais Kudara) situé au
Sud-Ouest de la péninsule coréenne.

En raison des origines communes des signes utilisés au Japon et en Chine et des
profondes similitudes qui demeurent aujourd'hui encore sur les plans graphique et
sémantique, les kanjis sont classés dans un ensemble plus vaste désigné sous le
terme générique de « caractères chinois » (ou sinogrammes). Néanmoins, il existe
certaines spécificités nipponnes en termes d'apparence graphique (que l'on prenne
en compte ou non les réformes de l'écriture chinoise du xxe siècle) et de
sémantique, points qui seront présentés dans la suite de l'article.

On trouve aussi une petite proportion de kanjis dits kokuji, qui ont été forgés au
Japon. Par exemple, 榊 (sakaki?), qui désigne l'arbre présenté en offrande dans les
rites shintoïstes, est un kanji apparu au Japon ; il provient de la fusion des
caractères 木 et d'une variante de 神, respectivement « arbre » et « divinité »w.

Ainsi, en l'absence d'une stricte inclusion des kanjis dans l'ensemble formé par
les authentiques sinogrammes continentaux, il convient en toute rigueur de
considérer les kanjis comme un système singulier et propre à l'écriture japonaise
qui s'est progressivement éloigné de son modèle.

Nombre de caractères
Il n'existe pas de décompte précis et universellement reconnu permettant de dire
combien de kanjis existent.

Le jeu de caractères codés JIS X 0213, appartenant aux normes industrielles


japonaises (JIS), fut établi en 2000 puis révisé en 2004 et 2012x. Il contient plus
de 10 000 caractères considérés comme des kanjis, répartis en quatre niveaux, les
deux premiers contenant les signes les plus fréquents. Cependant, nombre de ces
kanjis ne sont que très rarement rencontrés.

Du côté des dictionnaires, le Dai Kanwa-Jiten (en) qui est un kanwa-jiten (漢和辞典?,
littéralement dictionnaire sino-japonais) contient plus de 50 000 caractères
différents, incluant des variantes graphiques ; leurs sens sont expliqués en
japonais, de même que les significations de nombreux termes composés de deux kanjis
ou davantage. Toutefois, les kanwa-jiten incluent de nombreux sinogrammes qui n'ont
jamais ou presque jamais été employés en dehors des textes dits kanbun (littérature
chinoise ou japonaise écrite dans la langue chinoise classique). Le nombre de 50
000 n'est donc pas nécessairement pertinent pour décrire l'usage contemporain des
kanjis, ces dictionnaires dépassant le cadre strict de la langue japonaise en tant
que langue vivante. En comparaison, le dictionnaire publié par la fondation
d'utilité publique The Japan Kanji Aptitude Testing Foundation contient environ 6
300 kanjis (cf. bibliographie), ces derniers appartenant dans leur grande majorité
aux deux premiers niveaux de la norme JIS X 0213. L'examen Kanken organisé par la
fondation a pour objet, dans sa version la plus ardue (niveau ikkyū), la
connaissance de l'ensemble des kanjis présents dans le dictionnaire. Comme
l'atteste le faible taux de réussite à cet examen, une partie non négligeable des
kanjis de ce dictionnaire n'est connue que par des personnes ayant des
connaissances particulièrement poussées en kanjis.

Quel que soit le mode de comptage retenu, presque personne ne connait tous les
kanjis. Il existe bien la liste officielle des jōyō-kanji (kanjis d'usage courant),
dont l'effectif se limite à 2 136, mais cela ne signifie ni que tout le monde
connait avec précision tous les kanjis officiels, ni surtout que tous les kanjis
extérieurs à cette liste (désignés par la catégorie dite hyōgai-kanji) sont de
facto inconnus du grand public. En effet, dans la pratique, il n'est pas du tout
rare d'utiliser des caractères hyōgai-kanji, en particulier pour écrire des noms
propres, des termes techniques ou des mots ou expressions littéraires. L'usage des
furigana, pour en préciser la lecture, est certes assez fréquent, mais il n'est pas
systématique. Le cas des noms propres mis à part, le recours à ces kanjis dépend de
facteurs comme le degré de publicité d'un document, l'existence d'un contexte
spécialisé ou de règles liées à une organisation, voire, les habitudes ou choix
individuels.

Classification des kanjis


Articles détaillés : Clé d'un sinogramme et Étymologie des caractères chinois.
Comme vu dans la section précédente, les kanjis forment un vaste ensemble de
plusieurs milliers de signes, d'où la nécessite d'avoir des méthodes de classement.

Comme pour les sinogrammes en général, tout kanji se découpe en une ou plusieurs
partiesy. Une décomposition fréquente consiste à séparer le caractère entre sa
partie gauche située sur l'emplacement hen et sa partie droite située sur
l'emplacement tsukuri (cf. table 1 ci-dessous). La partie qui est, par convention,
considérée comme principale est appelée « clé » (部首, bushu?).

Table 1 : Exemples de décompositions


Kanji Hen Tsukuri Clé Remarque
引 弓 丨 弓
依 亻 衣 亻 Variante de la clé 人
締 糸 帝 糸
竹 insécablez insécable 竹
則 貝 刂 刂 Variante de la clé 刀
順 川 頁 頁
Les clés se situent généralement sur l'un des sept emplacements classiques4 qui
incluent les emplacements hen et tsukuri (cf. table 2 ci-dessous). En outre,
certaines clés ont plusieurs formes possibles, souvent en fonction de l'emplacement
qu'elles occupent. Par exemple, la clé 手 voit sa forme changée en 扌 lorsqu'elle
est positionnée sur la partie gauche du caractère (hen). En japonais, il est
courant de désigner par des appellations distinctes chacune de ces variantes.

Les clés permettent de classer les kanjis dans les dictionnaires en format papier,
suivant l'ordre des clésaa, chaque dictionnaire contenant une table où les clés
sont rangées dans l'ordre du nombre de leurs traits. Selon les dictionnaires, le
nombre de clés et leurs affectations aux kanjis peuvent présenter quelques
différences, mais celles-ci demeurent tout à fait mineures ; aussi les principaux
ouvrages s'accordent-ils sur un effectif légèrement supérieur à deux-cents clés,
sans compter les variantes.

Table 2 : Exemples de clés


Clé Nom japonais de la cléab Emplacement de la clé Exemple d'utilisation
忄 (variante de la clé 心) risshinben À gauche (偏, hen?) 恒
阝 (variante de la clé 邑) ōzato À droite (旁, tsukuri?) 部
⻗ (variante de la clé 雨) amekanmuri Au-dessus (冠, kanmuri?) 雪
心 kokoro En dessous (脚, ashi?) 思
尸 shikabane En haut et à gauche (垂, tare?) 尽
廴 ennyō À gauche et en dessous (繞, nyō?) 延
門 mongamae Pourtour (構, kamae?) 間
Avec l'avènement de l'informatique, on trouve aussi des dictionnaires électroniques
qui utilisent les numéro des points de code (dans les standards JIS ou Unicode)
comme critère de classement et de recherche, voire qui offrent la possibilité de
chercher la lecture d'un kanji ou d'un mot à partir de caractères tracés à la main
(stylet, souris, etc.). En outre, des linguistes ont mis au point de nouvelles
méthodes pour classer et rechercher les kanjis, souvent utiles aux non-natifs,
comme la méthode SKIP du chercheur Jack Halpern qui consiste à reconnaitre
l'agencement entre les éléments constituants.

D'autre part, les grandes catégories étymologiques des sinogrammes que l'on trouve
dans les dictionnaires, à savoir les pictogrammes, les idéogrammes simples, les
idéogrammes composés et les idéophonogrammes, sont un attribut possible pour
indexer les kanjis.

Table 3 : Principales catégories étymologiques


Catégorie étymologique Exemples Remarques
Pictogrammes (象形文字, shōkei-moji?) 川 (rivière) ; 山 (montagne) ; 馬
(cheval) ; 木 (bois) ; 人 (personne) Ces représentations proviennent de dessins
d'objets ou d’êtres concrets.
Idéogrammes simples (指事文字, shiji-moji?) 一 (un) ; 二 (deux) ; 下 (dessous)
Représentations d'idées et non d'objets.
Idéogrammes composés (会意文字, kaii-moji?) 林 (bosquet) ; 森 (forêt) ; 休
(repos) Compositions avec les pictogrammes 木 et 亻 (亻 est un équivalent de 人).
Idéophonogrammes (形声文字, keisei-moji?) 伸 (allonger) ; 攻 (attaquer) ; 草 (herbe)
Ces caractères se décomposent entre une partie sémantique et une partie
sonore¹.
¹ Identifier la partie sonore d'un idéophonogramme permet souvent de déduire une
lecture sino-japonaise de ce kanji. Par exemple, les parties sonores de 伸 (shin),
攻 (kō) et 草 (sō), respectivement 申, 工 et 早, sont elles-mêmes des kanjis ayant
pour lectures sino-japonaises shin, kō et sō.

Caractéristiques graphiques
Tracé
Articles détaillés : Tracé d'un sinogramme et Calligraphie extrême-orientale.

Tracé en calligraphie chinoise.


Tracé en calligraphie nipponne.
Tout kanji se décompose en une somme de « traitsac » entre lesquels le stylo,
pinceau ou crayon est levé au-dessus du support.

Même s'il est possible qu'une personne sache, en pratique, lire un kanji sans en
connaitre par cœur la composition trait par trait, un kanji n'est pleinement
considéré comme connu que lorsque l'on est capable de l'écrire de mémoire tout en
respectant les caractéristiques canoniques de son tracé, à savoir l'ordread et la
forme des traits — au minimum dans le style régulier. Ces éléments sont enseignés
dans les écoles primaires et les collèges japonais dans une matière appelée shosha,
anciennement connue sous le terme de shūji. Les cours de calligraphie (shodō),
dispensés dans les lycées, abordent les styles cursifs et les grands calligraphes
du passé. Toutefois, la pratique de cette discipline ne se limite pas au domaine
scolaire, car la calligraphie, à haut niveau, constitue un art à part entière.

L'ordre usuel des traits pour le tracé des kanjis est généralement identique à
celui de leurs homologues chinois ; il existe néanmoins quelques exceptions (cf.
exemple ci-contre avec le sinogramme « rizière », 田) si on s'en refère notamment
au « Manuel pour l'instruction de l'ordre des traits5 » publié par le gouvernement
nippon en 1958. En outre, l'ordre des traits peut dépendre du style utilisé.

La manière de terminer un trait est une autre caractéristique importante


enseignée ; il existe essentiellement trois modes :

l'arrêt marqué (止め, tome?) ;


le crochet (rebond) (撥ね, hane?) ;
le fondu (払い, harai?)ae.

Illustration avec le kanji 持 de deux crochets, d'un fondu et d’arrêts marqués.
Néanmoins, dans de nombreux cas, plusieurs écoles coexistent, comme le trait
central de 木 (bois) qui, en style régulier manuscrit, peut se terminer soit par un
arrêt marqué, soit par un crochet6. Les autorités culturelles japonaises ont publié
en 2016 des directives rappelant la diversité des tracés au sein du style régulier
manuscrit, style qui est historiquement plus variable que le style d'impression
minchōtai, ce dernier n'ayant pas vocation à servir de référence vis-à-vis de
l'écriture manuscrite.

Enfin, le respect des distances entre les traits ou le respect de leurs tailles
relatives est une condition pour écrire les kanjis de manière lisible et
harmonieuse. En particulier, les proportions entre les différents éléments
constitutifs est un point qui retiendra l'attention du calligraphe.

Formes
Article connexe : Composition d'un sinogramme.
Dans le contexte de l’étude des kanjis, le terme français de « forme » renvoie
généralement aux concepts 字形 (jikei?) et 字体 (jitai?). Les jikei sont les
infinies variations possibles des réalisations concrètes des caractères, à travers
leurs représentations manuscrites et leurs glyphes7. En opposition, le concept de
jitai permet de regrouper les signes réels sous des entités abstraites mais
dénombrables.

Les formes, au sens de jitai, sont également qualifiées en japonais d'« ossatures8
». Par analogie, on trouverait le concept d'ossature d'une lettre permettant de
reconnaitre cette lettre qu'elle soit imprimée en italique ou non, ou encore dans
des polices différentes. Ces entités abstraites sont le moyen de distinguer les
kanjis entre eux lors du processus cérébral de la lecture du japonais ; elles sous-
tendent également les définitions des jeux de caractères pour l'informatique ainsi
que les normes japonaises qui portent sur les kanjis.
Par exemple, les formes 木 et 本 ne diffèrent que par un trait horizontal, mais
elles correspondent à deux kanjis parfaitement indépendants, signifiant
respectivement « arbre » et « livre ». De la même manière, les formes 土 (sol) et
士 (guerrier ou érudit) ne diffèrent que par les longueurs relatives de leurs
traits horizontaux, tandis que 粟 (millet) ne se distingue de 栗 (châtaigne) que par
la présence de deux petits traits.

À chaque kanji correspond une unique forme (jitai), sauf si plusieurs « variantes
graphiques » lui sont reconnues. Pour certains kanjis possédant plusieurs
variantes, l'identification des formes demeure un exercice sujet à interprétations,
avec de possibles divergences selon les époques, les sources ou les standards.

Exemple de flottement sur la notion de forme.


Exemple de flottement sur la notion de formeaf.
On peut noter que le standard Unicode a vu sa granularité affinée au fil des
révisions, c'est-à-dire qu'il est devenu possible d'afficher correctement un nombre
croissant de variantes en format « texte brut » sans dépendre des paramètres
régionaux ou de la police d'écriture.

Styles
Article détaillé : Styles de caractères chinois.
La notion de « style » (書体, shotai?), avec d'une part les « styles d'impression »
(déterminant notamment les polices) et d'autre part les « styles manuscrits »
(historiquement plus anciens), se définit comme un « système de caractéristiques et
de styles donnés [qui peut s'observer] lors de la représentation réelle des
caractères sur la base de leur ossature »9.

L'exemple ci-dessous illustre comment les caractéristiques graphiques de deux


styles différents ne vont pas jusqu'à modifier les formes (ossatures) des kanjis.

Variation styles kanjis.jpg


Historiquement, les styles sont naturellement d'abord apparus dans le domaine de
l’écriture manuscrite en Chine. Aujourd'hui, on trouve principalement les styles
réguliers (楷書, kaisho?) et cursifs (草書, sōsho?), ainsi que les styles
intermédiaires semi-cursifs (行書, gyōsho?). Les styles cursifs — ou les styles
semi-cursifs présentant un relatif haut degré de cursivité — sont de nos jours
généralement réservés à des activités spécifiques de calligraphie et sont donc mal
connus par le grand public. Inversement, le style régulier est le style enseigné
primordialement dans le système scolaire nippon, de même qu'il est souvent requis
d’écrire dans ce style pour remplir un formulaire.

Concernant les styles d'impression, le style dit minchōtai (明朝体?) est le style de
référence pour les polices d'impression japonaises ; il se caractérise en
particulier par des angles droits, des empattements, ainsi que des traits verticaux
généralement plus épais que les traits horizontaux. Ce style provient d'une
adaptation du style manuscrit « régulier » aux techniques chinoises d'impression,
en particulier à l'impression au bloc de bois qui florit dès l'époque des Song du
Nord. Le style se stabilisa à l’époque des Qing avant de reprendre son évolution
dans l'archipel nippon avec le développement des modes d'impressions importés
d'Occident (typographie) dans la seconde moitié du xixe siècle.

D'autre part, on trouve aussi le style goshikkutai (ゴシック体?) qui est un dérivé
du minchōtai avec moins d'ornements et des traits d'épaisseur uniforme. Enfin, le
style kyōkashotai (教科書体?), utilisé principalement dans les livres d’école, est
plus proche du style régulier manuscrit, afin de rendre la lecture des manuels plus
aisée pour les enfants qui apprennent concomitamment à lire et à écrire.
Variantes graphiques

邑 en style régulier : sept traits.

邑 en style sigillaire ancien : trois traits.


L'unicité des formes (ossatures) vue plus haut n'est cependant pas une constante
historique, notamment en raison des phénomènes suivants :

diminution du nombre de traits dans les styles cursifs ;


styles anciens — antérieurs au style régulier — induisant des ossatures différentes
(cf. exemple ci-contre avec le sinogramme 邑) ;
apparition de graphies populaires (par exemple 舘 pour 館) ;
réformes de simplification des caractères menées indépendamment au Japon et en
Chine (globalement moins radicales au Japon qu'en Chine).
Ainsi, quand bien même deux caractères seraient d'ossatures différentes, ils
peuvent, par leur origine commune, avoir les mêmes sens et les mêmes lectures. Ils
sont alors considérés comme appartenant à une même « classe de caractères » (字種,
jishu?)10, et sont des variantes graphiques (異体字, itaiji?) au sein de cette
classe. Dans le présent article, on confond les notions de « kanji » et de « classe
de kanjis » sauf lorsqu'il y a un intérêt didactique à les séparer.

Dans les dictionnaires, en principe, on trouve une entrée par classe ; pour une
entrée donnée, une « forme principale » (親字, oyaji?, littéralement « caractère
parent »)ag est présentée, les formes alternatives étant indiquées à l'intérieur de
l'entrée. Si on se limite aux styles d'impression contemporains, la plupart des
classes de kanjis n'ont qu'une ou deux forme(s) (une forme simplifiée et sa
contrepartie « traditionnelle » le cas échéant).

Exemples de formes d'impression traditionnelles et simplifiées pour des kanjis


d'usage courant
Classe Forme traditionnelle Forme simplifiée Remarques
Kanji « barrière » 關 関 (canonique) La forme simplifiée 関 a une
présence historique en Chine11, mais elle diffère du chinois simplifié 关
contemporain.
Kanji « tortue » 龜 亀 (canonique) L'usage de la forme 亀 est propre au
Japonah ; elle n'est pas répertoriée dans le dictionnaire chinois de référence
Kangxi.
Kanji « pays » 國 国 (canonique) La forme simplifiée 国 est commune aux
réformes chinoise et japonaise du xxe siècle.
Kanji « remplir » 塡 (canonique) 填 La forme simplifiée (populaire) 填 n'est
pas reconnue comme officielle au Japon.
Il existe d'autre part des kanjis qui ont évolué vers des formes (ossatures)
identiques ; autrement dit, un caractère peut résulter de la fusion de plusieurs
kanjis historiques, comme 予 qui contient les formes contemporaines des kanjis
traditionnels 予 (moi) et 豫 (avance), ces deux signes partageant de surcroit la
même lecture (yo). Un autre exemple est la paire de kanjis originellement distincts
en sens et en lectures (𠮟 ; 叱) qui, de par leur formes extrêmement similaires,
sont considérés comme des formes (ossatures) interchangeables du même kanji dans la
norme de 2010 sur les jōyō-kanji (kanjis d'usage courant).

Lectures des kanjis


Lectures sino-japonaises (on) et japonaises (kun)
Dans l'Antiquité, la langue chinoise écrite (kanbun), étudiée et utilisée par les
Japonais, eut une influence sur la langue nipponne, celle-ci intégrant les
prononciations associées en Chine aux sinogrammes. Cela donna naissance aux
lectures sino-japonaises des kanjis, dites lectures on (音読み, on'yomi?). La
correspondance n'est généralement pas directe entre les lectures on modernes et
leur origine chinoise. Cette prononciation d'origine n'a été qu'approximativement
rendue dans le système phonétique japonais, très différent de ceux de la Chine,
ignorant notamment les tons. De plus, le système phonétique japonais, bien que
relativement assez stable, a lui-même connu quelques évolutions à travers les
siècles.

D'autre part, lorsque le concept associé au sinogramme existait en japonais, il put


aussi être traduit et vocalisé suivant les mots de la langue nipponne originelle,
la lecture du caractère se faisant dans ce cas « à la japonaise » ; ce sont les
lectures dites kun (訓読み, kun'yomi?).

La plupart des kanjis ont de ce fait au moins deux lectures possibles : on et kun.
Ce n'est toutefois pas une règle absolue, et l'on trouve des kanjis sans lecture
kun comme 菊 (kiku, chrysanthème), ou sans lecture on comme 鰯 (iwashi, sardine) ;
ce dernier est un kanji créé au Japon. À l'inverse, un caractère comme 寸 (pouce,
unité de longueur de l'ordre de trois centimètres) n'avait pas d'équivalent dans le
vocabulaire japonais au moment de son introduction ; il n'a de ce fait qu'une
lecture on, à savoir sun.

En tendance, on constate que les mots écrits avec un seul kanji font plutôt appel à
des lectures kun, les lectures on étant au contraire fréquentes au sein des mots
composés de deux kanjis ou plus (熟語, jukugo?).

海 (umi?), mer (lecture kun)


綿 (wata?), coton (lecture kun)
海綿 (kai‧men?), éponge (lectures on ; comparer avec les lectures de son équivalent
海绵 dans des langues chinoises : hǎi‧mián en mandarin, hói‧mièn en hakka.)
Cependant, cette observation est à nuancer car il existe en particulier un grand
nombre de jukugo n'arborant que des lectures kun, à l'instar du mot 川上 (kawa‧
kami?, amont). Du reste, on trouve aussi de nombreux jukugo hybrides : par exemple,
en cuisine, 豚肉 (buta‧niku?, porc) et 鳥肉 (tori‧niku?, volaille) sont lus avec une
lecture kun du premier kanji et une lecture on du second ; on parle de lectures
yutō (湯桶読み, yutōyomi?). À l'opposé, on trouve les lectures dites jūbako (重箱読み,
jūbakoyomi?), qui suivent un modèle on + kun, comme avec le mot 番組 (ban‧gumi?,
programme).

En contraste avec le mandarin où, schématiquement, chaque sinogramme ne renvoie


qu'à une lecture mono-syllabique, en japonais, non seulement un kanji aura souvent
plusieurs lectures possibles, mais de surcroît elles seront fréquemment pluri-
syllabiques. On observe ainsi les tendances suivantes :

les lectures kun sont généralement pluri-syllabiquesai ; par exemple : umi, yama,
kaze ;
les lectures on sont souvent mono-syllabiques, c'est-à-dire monomoriques ou
bimoriques ; par exemple, kan, kō, shiaj. La langue japonaise possédant un
répertoire de syllabes (de mores) relativement limité, il s'ensuit que de nombreux
kanjis partagent des lectures on communes ; par extension, de nombreux mots
composés (jukugo) sont homophones. On note néanmoins que les lectures on pluri-
syllabiques ne sont pas particulièrement rares, comme niku, vu plus hautak.
Importance du contexte
La majorité des kanjis sont pourvus d'au moins deux lectures, mais cela peut aller
bien au-delà. Ainsi, certains kanjis d'usage courant peuvent avoir plus d'une
dizaine de lectures possibles. On trouve par exemple le kanji 生 (signifiant
notamment « la vie » ou « vivre ») dont les lectures officielles sont sei, shō, i‧
kasual, i‧kiru, i‧keru, u‧mareru, u‧mu, o‧u, ha‧eru, ha‧yasu, ki et nama, soit
douze lectures officielles.
Souvent, donc, déterminer la lecture d'un kanji suppose d'avoir identifié
correctement le mot pour lequel il est employé. Il faut pour cela observer un ou
plusieurs signes situés à son voisinage, voire juger plus largement en fonction du
contexte. Par exemple, 風, utilisé seul, peut soit faire référence à kaze (vent),
soit à fū (apparence) ; il est donc nécessaire de deviner en amont, par le
contexte, la valeur sémantique de 風 pour pouvoir le lire. Pour un composé
(jukugo), il convient d'abord d'identifier globalement le mot (souvent deux kanjis)
puis d'en déduire les lectures de chaque kanji. Cela ne supprime cependant pas
toutes les ambigüités, comme avec les composés suivants :

Exemples de composés ayant plusieurs lecturesam


Composé Lecture (1) → sens (1) Lecture (2) → sens (2)
仮名 ka‧mei → pseudonyme ka‧na → syllabaire japonais
赤子 aka‧go → bébé seki‧shi → peuple (du point de vue d'un monarque)
何人 nani‧bito ou nan‧pito → quiconque nan‧nin → combien de personnes
御所 go‧sho → palais impérial Go‧se → Gose (ville située dans la préfecture
de Nara)
一時 ichi‧ji → une heure (du matin ou de l'après-midi) it‧toki → un instant
Catégories des lectures sino-japonaises
Certains caractères et vocables ont été importés de Chine à plusieurs reprises, de
différentes régions ou à différentes époques ; de ce fait, une partie des kanjis a
plusieurs lectures on (lectures sino-japonaises) qui correspondent, dans certains
cas, à des sens différents.

On distingue ainsi :

les go-on (呉音, lectures des Wu), introduisant principalement des termes
bouddhistes. Selon la tradition, ces lectures auraient été importées du pays Wu,
dans la région de Shanghai, via la Corée, à l'époque des dynasties du Nord et du
Sud (317-589). Un nombre important de lectures go-on sont cependant passées dans le
vocabulaire courant comme 領 (ryō, territoire) ou 下 (ge, dessous) ;
les kan-on (漢音, lectures des Han, pris ici dans le sens de « chinois »),
introduits entre le viie et le viiie siècle, à l'époque des dynasties Sui et Tang.
Ils reflètent pour la plupart le langage de la capitale de l'époque, Chang'an
(aujourd'hui Xi'an). Il s'agit du groupe le plus nombreux et du plus systématique ;
les tō-on (唐音, lectures des Tang)an, introduits plus tardivement entre les
époques de Heian et d'Edo. On trouve par exemple la lecture ton du kanji 団, comme
dans 布団 (futon, matelas japonais), ou la lecture su de 子, comme dans 椅子 (isu,
chaise). En dépit de la longueur de la période, ces lectures sont relativement
rares, l'essentiel des apports depuis le continent ayant été fait auparavant ;
les kan'yō-on (慣用音, lectures d'usage), il s'agit historiquement de prononciations
populaires (souvent des versions erronées des lectures sino-japonaises orthodoxes
vues plus haut) qui sont devenues courantes et acceptées. Par exemple 輸
(transporter) a yu comme lecture d'usage.
Bien que les kokuji soient des caractères proprement japonais, un certain nombre
d'entre eux possèdent une lecture on, créée artificiellement par analogie avec un
sinogramme semblable. Par exemple, la lecture on affectée au kokuji 働, dō, est
identique à celle du caractère 動.

Enfin, on trouve des mots empruntés qui utilisent des lectures proches des langues
chinoises modernes voire contemporaines — par exemple des vocables liés à la
cuisine chinoise tels « riz frit » (炒飯, chāhan?), ou des noms de lieux.
Toutefois, ces lectures, lorsqu'elles diffèrent des lectures sino-japonaises des
catégories vues plus haut, se sont pas considérées stricto sensu comme des lectures
on ; c'est pourquoi il est recommandé de soit écrire ces mots en katakanas, soit de
leur ajouter des furigana, en dehors des cas les plus connus comme Hong Kong (香港,
Honkon?). Néanmoins, on notera que la majorité des noms propres chinois sont
généralement lus d’après les lectures on, et non d’après le mandarin : Mō Takutō
pour Mao Zedong (毛沢東), Shinkyō pour Xinjiang (新疆), Shisen pour Sichuan (四川),
etc.

Vocabulaire sinoxénique
Les mots issus des lectures on forment le « vocabulaire sinoxénique » du japonais,
aussi connu sous les termes japonais de 漢語 (kango) ou 字音語 (jiongo)ao. En plus du
vocabulaire chinois ayant pénétré la langue japonaise par le truchement des kanjis,
de nombreux nouveaux mots furent créés au Japon par des combinaisons originales de
kanjis (c'est-à-dire inexistantes en chinois de l'époqueap) prononcés avec leurs
lectures on. C'est pourquoi il n'est pas possible d'assimiler le vocabulaire
sinoxénique à du « véritable chinois dans la langue japonaise », dans la mesure où
une partie de ce vocabulaire est née au Japonaq. On peut de surcroît remarquer
qu'il existe quelques mots sinoxéniques qui sont plus fréquemment écrits en kanas
qu'en kanjis, en particulier des petits mots jouant un rôle grammatical. On trouve
par exemple 様 (dans l’auxiliaire 様だ, yō‧da) pour lequel la graphie en hiraganas
よう est généralement préférée.

D'autre part, une partie du vocabulaire sinoxénique a vu son orthographe réformée


(simplifiée) après la Seconde Guerre mondiale (cf. section sur les réformes
d’après-guerre). Cette démarche fut facilitée par le fait qu'il existe de nombreux
kanjis possédant des lectures on en commun. On peut citer les mots 意嚮 (ikō,
intention) et 掘鑿 (kussaku, forage), qui ont vu leur orthographe standard réformée
en 意向 et 掘削 ; en effet, 向 et 削 ont respectivement les mêmes lectures on que 嚮
et 鑿. Dans certains cas, la réforme a fait augmenter le nombre des sens associés à
un kanji ; par exemple, 風 s'est vu attribuer le sens d'« insinuer » en plus de ses
sens historiques, car il remplace 諷 (insinuer) dans le mot « satire » (fūshi), qui
s'écrit 諷刺 traditionnellement et 風刺 de manière réformée.

Apparition des lectures kun


Lorsque les sinogrammes ont commencé à être employés dans l'archipel nippon, les
documents s'écrivaient dans une forme de chinois connue sous le terme de kanbun ;
aussi les sinogrammes se lisaient-ils en utilisant les lectures on de l'époque. Un
texte lu de cette manière n'était cependant pas compréhensible pour un locuteur
japonais, dont la langue orale était complètement différente du chinois.

Les chroniques mythiques et historiques du Kojiki (712) furent écrites en kanbun,


mais elles comportent des passages (poèmes, annotations, etc.) en yamato-kotoba, la
langue japonaise primordiale antérieure aux influences du chinois. Ils sont écrits
phonétiquement avec les sinogrammes dits man'yōgana, c'est-à-dire que chaque more
est écrite avec un sinogramme dont une lecture équivaut à cette more,
indépendamment des sens de ce sinogramme. En particulier, lesdites annotations
constituent des relations entre un mot japonais primordial et un sinogramme
(autrement dit, ce sont des traductions) ; elles sont connues sous le terme de «
kun anciens » (古訓, kokun?), lesquels sont à la base de la technique kundoku12
consistant à lire du kanbun « à la japonaise » – ce qui, en outre, impose
généralement de changer l'ordre des mots.

À titre d'illustration, le mot chinois signifiant « nuage » se noterait, dans un


texte écrit en kanbun, 雲 ; un kokun de 雲 consisterait à l'annoter pour indiquer
que ce sinogramme signifie kumo (un mot japonais équivalent à « nuage »), en
apposant par exemple en petite taille les kanjis 久 et 毛, qui sont des man'yōgana
codant les sons (mores) ku et mo.

Par opposition au kanbun, les textes en langue japonaise — en particulier la langue


pratiquée à la cour impériale — étaient écrits phonétiquement avec les man'yōgana.
Ces textes en japonais commencèrent à intégrer des kokun dans un style connu
aujourd'hui sous le nom de senmyōtai dont le développement remonte au moins au
viiie sièclear. Par exemple, dans un texte en japonais, le mot japonais kumo, «
nuage », ne se coda plus avec deux man'yōgana pour ku et mo, mais il fut simplement
rendu par le sinogramme transcrivant le mot chinois ayant la même signification, à
savoir 雲. Dans ce cas, on dit que noter dans un texte en japonais le mot kumo avec
le caractère 雲 revient à faire une « lecture kun » de 雲. Initialement, pour un
même kanji, un très grand nombre de lectures kun avaient émergé ; les usages se
rationalisèrent progressivement, donnant les lectures kun actuelles.

Particularités des lectures kun


Certaines lectures kun, appelées kokkun (国訓?)13, présentent des divergences
sémantiques par rapport aux significations chinoises. Par exemple, le kanji 茸
possède la lecture kinoko qui renvoie au sens de « champignon », sens qui n'est
pourtant pas associé à ce sinogramme en chinois.

D'autre part, certains mots japonais qui renvoyaient à deux mots chinois distincts
sont écrits au moyen de kanjis différents suivant leur contexte d'emploi. Par
exemple, le verbe naosu (réparer, guérir) s'écrit 治す quand il s'agit de guérir
une personne, mais 直す quand il s'agit de réparer un objetas ; la lecture kun «
nao‧su » est commune aux kanjis 治 et 直.

Il existe, de manière plus anecdotique, en dehors des listes officielles mais


inventoriées dans les dictionnaires, des lectures kun de kanjis historiquement plus
récentes qui se basent sur des mots d'origine européenne et non sur le fond lexical
japonais yamato-kotoba ; par exemple 頁, qui peut se lire pēji (de l'anglais page,
page), ou 釦, qui peut se lire botan (du portugais botão, bouton), ne sont pas
particulièrement rares dans l'usage contemporain.

Ateji et jukujikun
Article détaillé : Ateji.
Des kanjis peuvent n'être employés que pour leur lecture, c'est-à-dire en faisant
fi de leurs sens propres. Il s'agit du phénomène des 当て字 (ateji?). Par exemple,
des mots tels やじ (yaji, huées) ou ごまかす (gomakasu, tricher) sont souvent écrits
avec des kanjis, respectivement 野次 et 誤魔化す ; les kanjis 野 (ya), 次 (ji), 誤
(go), 魔 (ma) et 化 (ka) sont employés pour représenter, sans liens sémantiques ou
étymologiques, les mores composant les radicaux de ces mots.

Ce phénomène ne se limite pas aux mots purement japonais, les ateji pouvant
transcrire en kanjis des termes issus de langues non-sinographiques. Ainsi, de
nombreux termes souvent liés au bouddhisme, conformément aux usages chinois, sont
des transcriptions phonétiques en kanjis de mots sanskrits ; par exemple, le clan
indien des Shakya — dans lequel est né le Bouddha — se transcrit 釈迦 (Shaka).

De même, quelques mots d'origine européenne dont la pénétration dans la langue


japonaise est ancienne, peuvent s’écrire phonétiquement en kanjis, même si la
plupart de ces mots sont le plus souvent écrits en katakanas de nos joursat. On
peut citer 合羽 (kappa, « veste imperméable », du portugais capa), 瓦斯 (gasu, « gaz
», du flamand gas), 珈琲 (kōhī, « café », du flamand koffie), etc. Les mots plus
récents, comme « Internet » (インターネット, intānetto), ne possèdent que leur
transcription en katakanas.

À l'inverse, les caractères de certains composés peuvent n'être employés que pour
la sémantique : dans ce cas, chaque kanji de ce composé pris individuellement n'a
pas de lecture propre, c'est uniquement le composé dans son ensemble qui possède
une lecture. On parle alors de 熟字訓 (jukujikun?) pour désigner ce type de
composés. Par exemple, le composé 太刀 (en français « grand sabre », composé des
kanjis « extrêmement » – ou « grand » – et « sabre ») est un jukujikun qui ne se
lit ni *futo‧katana (qui serait deux lectures kun) ni *tai‧tō (deux lectures on),
ni aucune combinaison hybride ; il est lu tachi, d'après le verbe 断つ (tatsu,
couper), sans aucun lien avec les lectures de 太 et 刀.

Les jukujikun incluent quelques mots d'origine européenne, dont certains demeurent
relativement fréquents de nos jours, comme 煙草 (tabako, tabac) – littéralement «
fumée-herbe ». De surcroît, le terme ateji peut inclure les jukujikun dans son
acception la plus large14.

Naissance des hiraganas, par l'écriture cursive de man'yōgana.


Les ateji (au sens strict) sont aussi appelés « emprunts (aux lectures)au,14 », et
se divisent entre « emprunts aux lectures on » (shakuon) et les plus rares «
emprunts aux lectures kun » (shakkun). Cette utilis

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