Vous êtes sur la page 1sur 121

2 am

m e
de

a
ogr
p r

n
au
ve

i
u
no

l a t p
n
tio
L C A

a
•o
tin

i
L A

V Guide
pédagogique
AVERTISSEMENT

Vous venez de télécharger gratuitement le Guide Pédagogique du manuel


Via Latina 2de (Option) – édition 2020.

Nous vous rappelons qu’il est destiné à un usage strictement personnel. Il ne peut
ni être reproduit ni être mutualisé sur aucun site (site d’établissement,
site enseignant, blog ou site de peer to peer), même à titre grâcieux.

Deux raisons principales :

- Éviter de rendre le fichier accessible aux élèves dans les moteurs de recherche.
- Respecter pleinement le droit d’auteurs. En effet, l’ensemble des guides
pédagogiques et livres du professeur mis à votre disposition sont des œuvres de l’esprit
protégées par le droit de la propriété littéraire et artistique.

Nous vous rappelons que selon les articles L 331-1 et L 335-4 du Code de la propriété
intellectuelle, toute exploitation non autorisée de ces œuvres constitue un délit de contrefaçon
passible de sanctions de natures pénale et civile, soit trois ans d’emprisonnement et 300 000
euros d’amende.
chapitre introducteur
Ce premier chapitre est conçu pour répondre à la grande en Europe, constitue une entrée qui, à coup sûr, intéressera
hétérogénéité des élèves entrant en classe de seconde. Les les élèves. Après deux doubles-pages permettant aux élèves
groupes de latin sont en effet constitués d’élèves provenant de savoir lire et écrire le latin, les élèves sont invités à parcourir
de collèges divers et d’élèves grands commençants. Le l’histoire de la langue latine, et ainsi à mesurer la place qu’elle
chapitre répond à ce temps nécessaire de fédération d’un a occupée, et occupe toujours, dans les domaines aussi divers
groupe autour d’une dynamique commune. La découverte que la politique, la littérature, la pensée philosophique, les
de la langue latine, non seulement en tant que système, mais sciences ou la vie quotidienne.
comme origine des langues romanes actuellement parlées

SUR LA VOIE DU LATIN p. 8-11

DÉCHIFFRER UNE INSCRIPTION


• SENATVS POPVLVSQVE ROMANVS / DIVO TITO DIVI VESPIANI F(ILIO) / VESPIANIO AVGVSTO
Transcription en minuscules : senatus populusque romanus / divo tito divi vespiani f(ilio) / vespianio augusto
Traduction : « Le Sénat et le peuple romain pour le divin Titus Vespasien, Auguste, fils du divin Vespasien ».

Lire à voix haute


1. Il est possible de demander aux élèves d’écrire le début de chaque texte pour qu’ils/elles se rendent
compte qu’en latin, à l’exception des doubles consonnes et du h, toutes les lettres se prononcent.
L’orthographe latine ne constitue donc pas une difficulté.
Voici les textes lus dans l’audio 1 ; pour aider les élèves à s’approprier le texte latin, en s’aidant
de la traduction française, l’on peut les inviter à mettre des barres de séparation entre les groupes
syntaxiques constituant une unité de sens.
TRADUCTION
Extrait de récit : Apulée, Les Métamorphoses (II, 21). Mineur, j’étais parti de Milet pour assister aux Jeux Olym-
Pupillus ego Mileto profectus ad spectaculum Olym- piques et, comme je désirais découvrir aussi cette région
picum, cum haec etiam loca provinciae famige- où nous sommes, de cette illustre province, après avoir par-
rabilis adire cuperem, peragrata cuncta Thessalia couru toute la Thessalie sous des oiseaux de malheur, je
fuscis avibus Larissam accessi. Ac dum singula parvins à Larissa. Et pendant qu’errant, mon viatique ayant
pererrans, tenuato admodum viatico, paupertati meae fort minci, je cherche un remède à ma pauvreté, j’aperçois
fomenta conquiro, conspicor medio foro procerum au milieu du forum un grand vieillard. Il se tenait debout
quemdam senem. Insistebat lapidem claraque voce sur une pierre et d’une voix distincte il disait publiquement
praedicabat, siqui mortuum servare vellet, de pretio que, si quelqu’un voulait garder un mort, il pouvait donner
liceretur. Et ad quempiam praetereuntium : « Quid hoc, son prix. Alors à un passant : « Qu’est-ce que j’apprends ?
inquam, comperior ? Hicine mortui solent aufugere ? » dis-je. Ici les morts ont-ils l’habitude de s’enfuir ? » « Tais-
« Tace, respondit ille, nam oppido puer et satis peregri- toi, répondit-il, car tu es encore un enfant et tu es bien un
nus es meritoque ignoras Thessaliae te consistere, ubi étranger : tu ignores, c’est normal, que tu te trouves en
sagae mulieres ora mortuorum passim demorsicant, Thessalie où les sorcières mordent ici et là sur le visage des
eaque sunt illis artis magicae supplementa. » morts ce qui manque à leurs pratiques magiques. »

Dialogue : Cicéron, Divisions de l’art oratoire (I, 1 à 4).


Les Partitiones Oratoriae sont un manuel de rhétorique écrit par Cicéron (peut-être fin 46,
début 45) pour son fils Marcus. L’ouvrage se présente sous la forme d’un dialogue entre
le fils et son père.
Cicero filius. Studeo, mi pater, Latine ex te audire ea quae mihi tu de ratione dicendi Graece
tradidisti – si modo tibi est otium et si vis.
Cicero pater. An est, mi Cicero, quod ego malim quam te quam doctissimum esse ? Otium
autem primum est summum, quoniam aliquando Roma exeundi potestas data est ; deinde ista
tua studia vel maximis occupationibus meis anteferrem libenter.
Cicero filius. Visne igitur, ut tu me Graece soles ordine interrogare, sic ego te vicissim eis-
dem de rebus Latine interrogem ?
Cicero pater. Sane, si placet. Sic enim et ego te meminisse intellegam quae accepisti et tu
ordine audies quae requires.

Chapitre introducteur •7
TRADUCTION
Ciceron fils. Je désire, mon père, t’entendre dire en latin ce que tu m’as transmis en grec sur la
théorie de l’éloquence, si toutefois tu en as le loisir et si tu le veux.
Ciceron père. N’y a-t-il rien, mon Cicéron, que je désire plus que te voir le plus savant possible ?
Quant au loisir, d’abord il très grand, puisque m’est donnée la possibilité de quitter une jour-
née Rome ; ensuite, je ferais passer volontiers tes études avant mes occupations même les plus
sérieuses.
Ciceron fils. Veux-tu donc, comme toi tu as coutume de m’interroger régulièrement en grec,
que de même moi, à mon tour, sur les mêmes questions, je t’interroge en latin ?
Ciceron père. Certainement, si cela te plaît. De cette manière en effet je verrai moi si tu as
retenu ce que tu as appris et toi tu écouteras régulièrement ce que tu demanderas.

Poésie : Ovide, Fastes (II, v. 411-420).


Arbor erat (remanent vestigia) : quaeque vocatur
Rumina nunc ficus Romula ficus erat.
Venit ad expositos, mirum, lupa feta gemellos.
Quis credat pueris non nocuisse feram ?
Non nocuisse parum est, prodest quoque. Quos lupa nutrit,
Perdere cognatae sustinuere manus.
Constitit et cauda teneris blanditur alumnis,
Et fingit lingua corpora bina sua.
Marte satos scires : timor abfuit. Ubera ducunt
Nec sibi promissi lactis aluntur ope.

TRADUCTION
Il y avait un arbre (il en reste des vestiges) : cet arbre que l’on nomme maintenant
figuier Ruminal était le figuier de Romulus.
Vint auprès des jumeaux exposés, miracle, une louve accouchée.
Qui croirait que la bête sauvage n’a pas nui aux enfants ?
Ne leur a pas nui c’est peu dire, elle leur est aussi utile. Ceux que la louve nourrit,
des mains parentes décidèrent de les perdre.
Elle s’arrête, caresse de sa queue les tendres nourrissons,
et façonne de sa langue les deux corps.
Tu reconnaîtrais les enfants de Mars : ils n’avaient pas peur. Ils tètent les mamelles
et se nourrissent au moyen d’un lait qui ne leur était pas destiné.

Découvrir la phrase latine


1. Il serait judicieux que le professeur lise au préalable à voix la phrase, comme c’est le cas dans la deuxième phrase où il
haute les phrases, en insistant sur la fin des mots. est placé en deuxième position. Le COD ne suit pas le verbe
2. Les mots puer et placenta présentent des terminaisons qu’il complète dans la dernière phrase. Le complément de
différentes dans chacune des trois phrases. l’adjectif précède le nom qu’il complète dans la deuxième
phrase.
3. L’ordre des mots latin ne correspond pas à l’ordre des
mots français. Le verbe est placé à la fin de chacune des 4. La fonction des mots en latin n’est donc pas indiquée par
trois phrases. Le sujet n’apparaît pas toujours au début de la place des mots dans la phrase, mais par leur terminaison.

TRADUCTION
La déclinaison des mots cas du nominatif et du vocatif, qui se décline ainsi : au nomi-
Combien les noms ont-ils de cas ? Six. Lesquels ? Le nomi- natif hic magister, au génitif hujus magistri, au datif huic
natif, le génitif, le datif, l’accusatif, le vocatif, l’ablatif. C’est à magistro, à l’accusatif hunc magistrum, à l’ablatif ab hoc
ces cas qu’à tous les genres, les noms, les pronoms et les par- magistro ; et au pluriel : au nominatif hi magsitri, au génitif
ticipes se déclinent de cette façon : magister est un nom de horum magistrorum, au datif his magistris, à l’accusatif hos
genre masculin, de nombre singulier, de forme unique aux magistros, au vocatif o magistri, à l’ablatif ab his magistris.

8 • Chapitre introducteur
5. Le terme qui désigne les différentes formes que prennent 8. Les formes à surligner du mot magister sont : magister,
les mots latins est « casus ». magistri, magistro, magistrum, magistro.
6. Le latin compte six cas (« sex casus »). Les formes à surligner des différentes formes prises par le
7. Les noms des six cas sont : nominativus (nominatif), mot magister sont : nominativo, genetivo, dativo, accusativo,
genetivus (génitif), dativus (datif), accusativus (accusatif), ablativo.
vocativus (vocatif), ablativus (ablatif). Les élèves ne manqueront pas de remarquer que le vocatif
Il est bon ici d’indiquer aux élèves que l’ordre donné par le manque à l’appel. Il faut alors leur signaler que la forme
grammairien Donat n’est pas l’ordre canonique que suivent du vocatif est pour le nom magister identique à celle du
les grammaires françaises du latin, qui est le suivant : nomi- nominatif.
natif, vocatif, accusatif, génitif, datif, ablatif. En Allemagne
ou en Italie, l’on a conservé l’ordre de Donat.

Lire un texte
1. Les cinq occurrences à souligner du mot familia sont : 4. Asinus asinum fricat. Asinus ad lyram. Doctus cum libro similis
familiae (l. 1), familiam (l. 3), familiae (l. 4), familia (l. 5), asino. Pons asinorum est.
familiam (l. 5). 5. Le proverbe « l’âne frotte l’âne » s’emploie pour désigner
2. Les fonctions de chaque occurrence du mot français deux personnes qui se complimentent mutuellement de
« famille » sont respectivement dans l’ordre d’apparition : façon exagérée.
CDN (l. 1), COD (l. 4), apposition au nom « terme » (l. 5), CC - L’expression périphrastique « un âne à la lyre » désigne un
de lieu (l. 6), CC de lieu (l. 7). individu maladroit, empoté, lourdaud.
3. Les correspondances sont les suivantes : familiae (l. 1) = - La comparaison « un savant avec un livre est pareil à un âne »
CDN ; familiam (l. 3) = COD ; familiae (l. 4) = CDN (dans le texte désigne un individu qui fait étalage d’un savoir qui ne lui est
latin, apposition dans la traduction française), familia (l. 5) = pas propre, puisé dans des ouvrages qu’il n’a pas écrits.
CC de lieu ; familiam (l. 5) = CC de lieu. - La métaphore « c’est un pont aux ânes » désigne une
Les élèves remarqueront qu’une même terminaison peut difficulté apparente de compréhension qui vient du refus,
correspondre à plusieurs fonctions françaises. de la paresse ou de la bêtise de celui qui ne comprend pas.
Elle vise aussi à piquer son orgueil pour lui donner envie de
comprendre.

LE LATIN AU FIL DES SIÈCLES p. 12-17

Pendant l’Antiquité
1. a) duellum (latin archaïque) et bellum (latin classique) signifient « guerre ».
b) relatio (latin classique) et relatus (latin post-classique) signifient « rapport officiel ».
c) sepulcrum (latin classique), conditorium (latin post-classique) et tumba (latin tardif) signifient « tombeau ».
2. a) exercitus (latin archaïque : exercice, tourment ; latin classique : armée).
b) auctor (latin classique : garant ; latin post-classique : auteur).
c) dominus (latin classique : propriétaire, maître ; latin post-classique : amant ; latin tardif : Seigneur).

Les langues romanes, filles du latin


1. Voici la traduction en français moderne du début des ainsi transformé dans les différentes provinces occidentales
Serments de Strasbourg : « Pour l’amour de Dieu et pour le de l’Empire romain en dialectes, appelés latin vulgaire
peuple chrétien et notre salut commun, à partir d’aujourd’hui, (de vulgus, la foule, le peuple). C’est de ces dialectes que
autant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce sont nées les langues romanes. Une des raisons avancées
mien frère Charles […] ». pour expliquer cette évolution tient dans ce qu’on appelle
2. Les mots manquant dans l’ordre des colonnes, et de haut en la « paresse articulatoire » qui vise à prononcer les mots
bas, sont : lingua – nuit – cantar – italien – espagnol – llave – avec le minimum d’efforts, ce qui conduit à une inéluctable
cantar – cantar – cantar. déformation. À l’inverse, on constate aussi un phénomène
de différenciation pour distinguer des mots devenus trop
3. Les voyelles sont moins stables que les consonnes, moins proches par leur prononciation.
affectées par les évolutions phonétiques.
5. Cette activité place l’élève dans la position d’un apprenti
4. Sans entrer les débats savants de la phonétique historique, linguiste en lui faisant mener une sorte d’enquête lexicale. Il est
il est possible de constater que les mots sont déformés au fil possible de la prolonger par une activité orale en demandant
des générations. Chacune en effet reçoit les sons et les restitue aux élèves de présenter le résultat de leur recherche.
à sa manière, en fonction d’influences diverses. Le latin s’est

Chapitre introducteur •9
Au Moyen Âge (ix e -xiv e s.)
1. La traduction des premiers mots du premier poème est un poème latin composé par le Frère Franciscain Jacopone
« Jour de la Colère, ce jour-là ». Le Dies Irae est hymne litur- da Todi (vers 1228-1306). Le poème évoque la souffrance de
gique qui fut chanté lors de la messe des funérailles jusqu’au Marie au moment de la crucifixion de son fils Jésus-Christ.
XXe siècle. Il évoque le jour du jugement de Dieu, manifestant Propositions de versions : Vivaldi (1712), Pergolèse (1736),
sa colère à la fois dévastatrice et réparatrice en rétribuant le Boccherini (1781, 1800), Dvořák (1877), Poulenc (1950)...
bien et le mal.
2. La lecture doit être précédée d’un repérage des effets
Propositions de versions : version médiévale (fr.wikipedia.org/ stylistiques particulièrement visibles : retour des mêmes
wiki/Dies_ir%C3%A6#Le_po%C3%A8me), Marc-Antoine sonorités, anaphore de « an », et surtout le chiasme (v. 1
Charpentier, dans sa Messe pour les Trépassés à 8 (1670), amor/dolor, v. 2 et 6 dolor/amor, v. 5 jucundus/dolor) qui sert
Mozart, Requiem (1791), Verdi, Requiem (1874)... de structure au poème pour rendre, de la manière la plus
La traduction des premiers mots du second poème est « Elle transparente qui soit, l’intensité de l’amour sacré éprouvé par
se tenait là, la Mère en proie à la douleur ». Le Stabat Mater est Bernard de Clairvaux.

TRADUCTION
3. Comme dans le texte précédent, cet extrait de poème est composé de vers courts et
Si amour est douleur, traite de l’amour. Mais il ne s’agit plus d’une aspiration à un sentiment sublime. Le poème
si douleur est amour, met en scène une jeune bergère (puella veut dire aussi maîtresse en latin) qui dévergonde
j’ignore l’un et l’autre ; un jeune clerc (« sholarem »). Elle l’invite aux plaisirs de la chair, ouvertement suggérés par
je ne sens que ceci : le rythme et l’allitération de la gutturale [k] alternant avec les assonances en [i] et en [y].
agréable est douleur, Le poème constitue bien une provocation, non seulement parce qu’il est licencieux, mais
si douleur est amour. surtout parce qu’il est écrit en latin, la langue de la culture et de l’Église.

À la Renaissance (XV e-XVI e s.)


1. Les Adages sont des citations commentées, puisées dans la Après des études de droit, Jan Everaerts, né en 1511, nommé
littérature grecque et latine. Le texte est écrit en latin, langue en latin Jean Second, devient en 1534 secrétaire auprès de
universelle d’alors, tout comme sont traduites en latin les l’archevêque de Tolède. C’est dans cette ville qu’il rencontre
citations grecques (« Les proverbes grecs que nous citons, la blonde Nérée à qui sont consacrés Les Baisers, composés en
nous les avons presque tous traduits en latin »). Érasme rend 1534-1535. De santé précaire, il meurt d’un accès de fièvre en
compte ici très clairement du projet humaniste. Il entend 1536. L’amour que célèbre Jean Second est celui des amants.
contribuer à la diffusion du savoir, hérité de l’Antiquité : La grande sensualité du poème lui confère, sans aucune
« je souhaite que la connaissance de la littérature grecque se obscénité, un caractère érotique. L’intensité du sentiment
répande partout […] ». Cette volonté de proposer des textes amoureux est exprimée par la brièveté des vers, par les
accessibles au public est une préoccupation de toute l’œuvre anaphores (« centum basia », « quot », « istis »), par les images
d’Érasme. Notons pour finir que les Adages furent imprimés hyperboliques (v. 5 -6) et par une description très évocatrice
en seize éditions du vivant d’Érasme, qui les reprit et les des manifestations physiques du désir (v. 7-10).
augmenta à dix reprises. Le souhait de faire redécouvrir à
l’Europe la culture gréco-latine fut donc pleinement atteint. TRADUCTION
2. Giovanni Pontano (v. 1426-1503) fut un très haut notable Plein de baisers par centaines
de la ville de Naples, alors régie par les rois espagnols. Il ne fut Plein de baisers par milliers
pas seulement un homme politique influent, mais aussi un
Et autant de milliers de milliers
humaniste reconnu. Dans son ouvrage De amore conjugali,
Giovanni Pontano célèbre le mariage, en tant qu’expression Qu’il n’est de gouttes d’eau dans la mer de Sicile,
d’un amour naturel et respectueux. Le poème donne à voir Qu’il n’est d’étoiles au ciel,
une scène de famille touchante. Comblé par la naissance de À tes joues qui s’empourprent
son fils, Pontano témoigne, de façon simple et naturelle, de À tes lèvres qui se gonflent
son amour paternel. Il regarde dormir son fils bercé dans les
À tes yeux qui bavardent
bras de sa jeune épouse, tandis que leur chienne, Luscula, s’est
couchée à ses pieds. Le bercement est suggéré par le rythme Je te les donnerais en un élan continu,
des vers et la douceur des sentiments par les nombreuses Ô belle Nérée !
apostrophes affectives et par les diminutifs (tenelle, ocellos).

10 • Chapitre introducteur
À l’époque moderne (XVII e-XIX e s.)
1. intra muros ou intra-muros : « à l’intérieur des murs ». in extremis : « à la dernière extrémité, à ses derniers mo-
Originellement, l’expression désignait l’espace d’une ville ments ». Si l’expression est attestée en français en 1708 pour
fortifiée délimité par des murs. Aujourd’hui, elle désigne le décrire la situation d’une personne « à l’article de la mort », à
centre d’une ville par distinction de sa banlieue. partir du XIXe s., elle se généralise pour indiquer la réalisation
statu quo ou statu quo ante… : « dans la situation où (les au dernier moment d’une action.
choses étaient) auparavant ». Si l’expression est attestée en casus belli : « cas de guerre ». L’expression est apparue dans la
français en 1764, c’est à partir du XIXe s. qu’elle est employée seconde moitié du XIXe s. pour désigner un acte de nature à
de façon courante pour désigner un état actuel et figé d’une motiver, pour un gouvernement, une déclaration de guerre.
situation. manu militari : « par la force militaire. » L’expression est
alter ego : « un autre soi-même ». L’expression a été employée apparue à la fin du XIXe s. pour le désigner le recours à la force
par les psychologues du XIXe s. pour désigner une dissociation armée ou à la force publique.
de la personnalité. D’une façon générale, l’expression désigne persona grata : « personne bienvenue ». L’expression est
un personne dont les pensées et le comportement sont apparue dans la langue diplomatique du XIXe s. pour signifier
similaires à une autre, puis une personne de confiance, un à une personne étrangère qu’elle est autorisée à séjourner
ami, susceptible de tout accomplir à notre place. sur le territoire national. D’une façon générale, elle marque
a fortiori : « par une (cause) plus forte », « à plus forte (raison) ». le bon accueil fait à une personne. Aujourd’hui, l’expression
Cette expression constitue une surenchère. Elle est utilisée opposée, persona non grata, est hélas plus fréquente, non
pour conclure de la vérité d’une proposition plus manifeste seulement dans la langue diplomatique, mais aussi dans le
que celle d’une autre. langage courant.
memento : « souviens-toi ». Si le mot désigne depuis le Moyen sine die : « sans (fixer le) jour ». L’expression est apparue
Âge une prière de souvenir, le sens d’ « agenda », de « carnet au XIXe s. dans la langue administrative et juridique pour
pour se souvenir », d’ « aide-mémoire » n’est apparu qu’au indiquer l’absence de date fixée pour une autre réunion, pour
XIXe s. une autre audience. L’expression s’applique aujourd’hui pour
ex aequo : « à égalité ». L’expression est apparue au XIXe s. indiquer le renvoi ou l’ajournement de toute réunion.
dans les collèges à l’occasion de la distribution des prix qui se curriculum vitae : « course, déroulement de la vie ». L’ex-
faisaient en latin. D’une façon générale, elle décrit aujourd’hui pression désigne, depuis la fin du XIXe s. et le début du XXe s.,
la situation de personnes arrivées en même temps ou ayant l’ensemble des indications concernant l’état civil, les diplômes
le même rang. et l’expérience professionnelle d’une personne. Elle désigne
en même temps le document portant ces informations.

2. Baudelaire apprécie la poésie latine, et plus particulièrement les TRADUCTION


poètes tardifs (cf. chronologie, p. 12). Cette poésie est selon lui « propre
Traduction des vers de Baudelaire :
à exprimer la passion telle que l’a comprise et sentie le monde poétique
moderne » (note qui accompagne le poème dans l’édition de 1857). Ce qui était immonde, tu l’as brûlé ;
On ne sait rien de cette Françoise à qui est dédié le poème (« Louanges Ce qui était le plus grossier, tu l’as aplani ;
pour ma Françoise »). Elle est une incarnation de la femme qui, ici, permet Ce qui était faible, tu l’as affermi.
de dissiper les tentations nocives ou morbides qui menacent le poète. Dans la faim, tu es mon auberge,
Elle est décrite comme une divinité aux pouvoirs purificateurs, qui
Dans la nuit, tu es ma lampe,
élève vers l’idéal. Cette action régénératrice est contenue dans les trois
Guide-moi toujours en droite ligne.
parfaits (cremasti, exaequisti, confirmasti) et dans les trois termes positifs
métaphoriques (taberna, lucerna, guberna), mis en relief par les anaphores
(quod, in) et par la brièveté et le rythme binaire des vers.

Rimbaud a quatorze ans quand il écrit, dans le cadre TRADUCTION


d’une composition, le poème « Ver erat » (« C’était le Traduction des vers de Rimbaud :
printemps »). Il est alors élève au collège municipal de Voici que le ciel s’ouvrit devant moi dont, soudain la vue
Charleville. On y perçoit l’imprégnation de la poésie fut frappée de stupeur, Phébus, volant sur une nuée d’or,
latine et des poètes romantiques contemporains
me tendait de sa main divine le plectre sonore.
(convocation des éléments primordiaux de la
nature, présence du dieu tutélaire Apollon, image
Alors il écrivit sur ma tête céleste ces mots en lettres de feu :
du poète inspiré). On mesure aussi la facilité avec « TU SERAS POÈTE »... Dans mes membres se glisse
laquelle Rimbaud compose. Mais, même si l’on alors une chaleur inouïe, comme, brillante de pur cristal,
peut être frappé par l’affirmation d’une vocation l’eau limpide de la fontaine s’enflamme aux rayons du soleil.
(« TU SERAS POÈTE »), le topos de l’enthousiasme
poétique et le caractère convenu et impersonnel des
images manifestent une réalisation scolaire. Les vers
de Rimbaud ne peuvent donc pas être comparés aux
vers plus personnels et plus modernes de Baudelaire.

3. Les trois mots français correspondant aux noms latins des végétaux présentés sont : ortie,
violette et chêne.

Chapitre introducteur • 11
Toujours vivant !
Devises des pays et des villes
- Sur le Grand sceau des États-Unis, présenté ici, l’on peut lire - Rustica : « de la campagne ». Conformément à son titre, le
la devise E pluribus unum dont la traduction littérale est « un magazine fut à sa création, en 1928, consacré à la campagne.
seul à partir de plusieurs ». Cette devise y figure depuis 1782. Il est aujourd’hui un magazine de jardinage.
Elle évoque l’unification des treize colonies indépendantes
en un État unifié. Elle apparaît aussi sur les billets de banque Dans le commerce
et, au plafond de la rotonde du Capitole, sur la fresque de - Audi : « écoute » (impératif présent du verbe audire). C’est
l’apothéose de George Washington, premier président du en entendant, lors d’une réunion de travail, son fils réciter
pays. la formule de sagesse audiatur et altera pars (« que l’autre
- Le blason de la ville de Paris porte l’inscription Fluctuat partie soit aussi écoutée »), que le fondateur de la firme
nec mergitur, que l’on traduit habituellement par « Il est automobile, August Horch, rapprocha son nom horch
battu par les flots, mais ne sombre pas ». Cette devise, (impératif de horchen signifiant « écouter » en allemand) du
parmi d’autres, avait déjà cours à la fin du XVIe s., mais c’est verbe latin audire. À partir de 1910, les automobiles produites
le baron Haussmann, alors préfet de la Seine, qui en fit la par Horch se nommèrent Audi.
devise officielle de la Ville de Paris, le 24 novembre 1853.
- Vademecum : « viens avec moi ». L’expression apparaît en
Elle symbolise la vitalité de Paris, capable de surmonter toutes
français à la fin du XVIIIe s. pour désigner un livre (guide,
les épreuves infligées par l’histoire.
manuel, aide-mémoire, répertoire) que l’on garde sur soi,
à portée de la main. La marque a été créée en 1892 pour
En littérature
vendre des dentifrices fabriqués à partir de plantes. Le choix
- Harrius Potter et philosophi lapis : « Harry Potter et la pierre de l’expression traduit la volonté de souligner le caractère
philosophale ». Cf. article de Jacques Elfassi « Harry Potter indispensable du produit et sa facilité à être emporté avec
en latin » disponible sur le site Anabases : https://journals. soi, où que l’on aille.
openedition.org/anabases/2537
- Capti : « Piégés » (participe parfait passif). Capti est le premier Dans le cinéma
volet d’une série de romans que l’universitaire américain - Ad astra : « Vers les étoiles ». Ad astra est un film de science-
Stephen Berard (né en 1948) publie en latin, inspirés par fiction, sorti en 2019, coécrit et réalisé par le réalisateur James
l’univers fantastique d’E.T.A. Hoffmann. Il y explore, avec Gray (né en 1969). Il met en scène l’aventure de l’astronaute
fantaisie et humour, mêlant les formes d’écriture antiques Roy McBride en quête de son père disparu. Le personnage
à des formes modernes, la manière dont les êtres humains voyage jusqu’aux confins du système solaire où il va devoir
peuvent être capti, c’est-à-dire « piégés » ou « altérés ». résoudre un mystère qui menace la survie de la Terre.
- Morituri : « Ceux qui vont mourir » (participe futur). Morituri - Invictus : « invaincu ». Invictus est un film réalisé par Clint
est un roman publié en 1997, par l’algérien Mohammed Eastwood. Nouvellement élu à la présidence du pays en
Moulessehoul (né en 1955) sous le pseudonyme féminin 1994, Nelson Mandela tente par le sport de réconcilier les
Yasmina Khadra (prénoms de son épouse). Marqué par la Sud-Africains, longtemps divisés par l’Apartheid. On le voit
guerre civile des années 1980-1990, à laquelle il participa en transmettre au capitaine de l’équipe de rugby, les Springboks,
tant qu’officier, il s’élève dans ses livres contre l’intolérance. le poème Invictus de l’anglais William Ernest Henley, qui
Dans Morituri, ce combat s’incarne dans le personnage du marqua toute sa vie d’opposant – invaincu – à l’Apartheid.
commissaire Llob qui lutte contre la barbarie de l’intégrisme
religieux et les ravages de la corruption. Le titre annonce Sur la toile
d’emblée la noirceur du roman. - Vicipaedia : transcription latine de Wikipedia, nom formé
à partir de l’hawaïen wikiwiki (rapide) et du grec paedia
Dans la presse
(παιδεία, éducation, connaissance). Depuis 2002, une version
- Melissa : Melissa est une nymphe qui découvrit le moyen latine de Wikipédia est disponible. Au 10 février 2019, elle
de récolter le miel. Le mot grec μέλισσα signifie précisément comptait 130 000 articles et un million d’articles vus par mois.
« abeille ». Publiée six fois par an, Melissa est une revue https://la.wikipedia.org/wiki/Vicipaedia:Pagina_prima
d’histoire et de philologie rédigée en latin, fondée à Bruxelles
en 1986 par Guy Liccope et son épouse Françoise Deraedt. - Ephemeris : « journal ». Le mot latin vient de l’adjectif grec
La métaphore que constitue le titre est une invitation à faire ἐφημερίς qui signifie de « chaque jour ». Ephemeris est un
son miel des articles contenus dans la revue. Site de la revue : journal en ligne, créé en 2004, rédigé entièrement en latin et
www.fundatiomelissa.org/fundatiomelissa/Periodicum. consultable à cette adresse : http://ephemeris.alcuinus.net
html

a Il est possible de prolonger l’activité par une recherche de la présence d’autres mots latins
dans notre quotidien.

12 • Chapitre introducteur
LES OUTILS du traduc
teur p. 18-19

Lire et utiliser le dictionnaire


• Le prénom Félix vient d’un adjectif latin qui signifie Troisième flèche rouge : Le contenu des crochets indique
« heureux ». une construction particulière du verbe. Ici il est précisé que le
verbe definio peut se construire avec la proposition infinitive.
1. L’extrait du dictionnaire Gaffiot présente deux noms
(definitio, definitiuncula), un verbe (definio), un adjectif Quatrième flèche rouge : L’abréviation entre crochets
« [rhét.] » indique un sens technique du mot. Elle précise ici
(definis) et deux adverbes (definienter, definite, definitive).
son sens dans le domaine de la rhétorique.
2. Première flèche rouge : l’abréviation « tr. » indique que
Cinquième flèche rouge : L’abréviation entre crochets
le verbe definio est transitif, c’est-à-dire qu’il admet un
« [chrét.] » indique que le dernier sens du verbe a été donné
complément d’objet.
par les chrétiens. C’est donc un sens tardif (cf. frise chrono-
Deuxième flèche rouge : l’abréviation entre crochets « [fig.] » logique p. 12).
précise que le deuxième sens du verbe definio est un sens
3. Definita est à traduire par « délimitée » (sens premier du
figuré.
verbe definio) ; definitionem par « definition » (deuxième sens
Les deux lignes bleues : les suites de mots en gras et en italique du mot definitio).
sont des citations d’auteurs proposées comme exemples.
Elles sont suivies de références bibliographiques données a Pour une description plus précise de l’organisation des
de façon abrégée. La première citation est extraite des articles du Grand Gaffiot, l’on peut exploiter aussi le mode
Partitiones oratiorae de Cicéron, la seconde du De bello Gallico d’emploi fourni en page XV de l’ouvrage, ainsi que la liste des
de César. Elles sont explicitées au début du dictionnaire aux abréviations donnée aux pages XVI à XVIII.
pages XXIII à XLI.

Savoir utiliser les ressources en ligne


1. La lecture constitue une première compréhension du texte. étymologiques, inévitables dans l’apprentissage du latin
Elle permet d’échafauder des hypothèses. On peut inviter les pour un élève parlant une langue romane.
élèves à écrire ce qu’ils/elles ont compris de la description que 3. Peu de mots doivent leur paraître étrangers, parce que
fait Ovide de la formation du monde. Le travail de traduction la volonté est de les faire réfléchir sur la transparence et ses
permettra ainsi de confirmer ou d’infirmer leurs hypothèses. écueils.
2. Le texte a été choisi pour la transparence des mots qu’il 4. Ce travail de recherche de vocabulaire peut se faire
contient. L’on peut demander aux élèves de donner les soit au CDI soit en salle informatique, si l’on décide de
mots français qui leur ont fait souligner les mots latins. ne faire consulter que les ressources en ligne. Il permet
La consultation du dictionnaire leur fera ainsi observer la d’accompagner les élèves selon une approche différenciée,
conservation ou l’évolution sémantique des mots latins en en fonction de leur aisance à manipuler les dictionnaires et
français. Il faudra veiller cependant aux faux rapprochements les outils informatiques.
5. Traduction des vers d’Ovide :

Au départ, il y avait la masse confuse des choses sans ordre,


les astres, la terre, la mer présentaient un unique aspect ;
bientôt le ciel fut placé au-dessus des terres, le sol fut entouré d’eau,
et le chaos vide se répartit entre ses divers éléments.

Il faut accepter des traductions littérales ou approximatives. Il s’agit moins de traduire


élégamment que de témoigner de sa compréhension du sens des mots en contexte.
L’on peut inviter les élèves à confronter leurs traductions par binômes, puis collectivement.

a L’extrait peut donner à matière à un premier repérage de la conjugaison du verbe sum et


de ses différentes traductions en français (il est, il existe, il se trouve, il y a, il est à = il possède...).

Chapitre introducteur • 13
CHAPITRE
1 Méditerranée : vOyager, explorer, découvrir

ouverture p. 20-21

Parce qu’elle est à la fois le berceau et le creuset des moderne et contemporain. Deux textes offrent deux aspects
civilisations fondatrices de la culture européenne, la distincts du voyage (iter) dans l’Antiquité : celui touristique en
Méditerranée est un objet d’étude commun aux programmes Sicile, auquel invite Sénèque, et celui effectué par nécessité,
des trois niveaux d’enseignement du lycée. Cet objet d’étude plus proche des difficultés rencontrées par les voyageurs de
permet de donner aux élèves « la connaissance des grands l’Antiquité.
repères géographiques et culturels » nécessaires à une
compréhension avertie du monde contemporain. Son • Aux confins du monde habité : terres connues et
caractère obligatoire dans le traitement du programme a inconnues : trois textes font réfléchir sur le concept de fines.
déterminé son placement en tête de cet ouvrage. Le chapitre Ils donnent un panorama de la manière dont les extrémités
aborde les quatre entrées du programme. septentrionales et méridionales suscitent à la fois le mépris et
la fascination des hommes de l’Antiquité. Une double page
• «  Notremer  »  : une mosaïque de peuples, un explore le mythe de l’Atlantide tel qu’il a été forgé dans les
espace polycentré : deux textes accompagnés de cartes textes antiques, puis ses réécritures aux époques moderne et
permettent l’appropriation des concepts géographiques contemporaine.
de mare (mare internum, mare externum, oceanus…) et
d’orbis terrarum. Deux autres textes mettent en lumière la • Accueil et hospitalité : étrangers et exilés : le rituel
fascination exercée par les cultures grecque et égyptienne de l’hospitium est abordé dans une double page. L’origine
sur la civilisation romaine. Une carte linguistique actuelle grecque du rituel est rappelée à partir d’un extrait fameux
invite à comparer les peuplements antique et contemporain de l’Odyssée, puis exploré à travers un exemple et un contre-
du bassin méditerranéen. exemple tirés de la littérature latine. Dans une confrontation
de parcours malheureux antique, moderne et contemporain,
• Voyages et périples héroïques : une double page est des textes et des documents montrent la permanence de
consacrée à la figure incontournable d’Énée, à son périple l’expérience douloureuse de l’exil (ex(s)ilium), dont peuvent
et à sa postérité comme référence culturelle dans les monde être victimes les étrangers.

Entrées possibles dans le chapitre

- Approche par la géographie physique : l’appropriation de de réactiver les connaissances acquises sur la fondation
la manière dont les hommes de l’Antiquité se représentent légendaire de Rome, abordée au collège en cours d’histoire,
le monde peut s’effectuer en commençant par la p. 22 ou de français ou de latin. En contre-point, l’on peut faire lire le
l’activité 1 de la p. 39 ou bien la double page de grammaire voyage burlesque relaté par Horace p. 29, ou tragique évoqué
p. 40-41 (approche cosmographique générale), puis se par Cicéron p. 35. Avant ou après ces contre-points possibles,
poursuivre par les p. 30-31 (exploration des frontières), et se les textes des p. 28 et 24 permettent d’effectuer des voyages
prolonger par la réflexion du mythe de l’Atlantide p. 32-33. culturels, proches de ceux que peuvent proposer les agences
L’atelier du traducteur p. 46-47 peut être le support au bilan de tourisme. Les pages de grammaire 42 et 43, associées à
des acquis. l’activité étymologique de la p. 38, peuvent être travaillées à
tout moment du parcours pour faire le point sur les verbes
- Approche par la géographie humaine : la géographie liés au lexique du voyage.
humaine peut fournir une variation du parcours précédent.
La situation des peuples de l’Antiquité peut s’effectuer - Approche par l’interrogation sur les raisons du voyage : ce
à partir des p. 22 et 23. Elle pourra être suivie par une parcours est une variation plus précise du premier. Dans un
comparaison avec le peuplement actuel de la Méditerranée dialogue constant entre Antiquité et monde contemporain,
à travers les activités proposées à la p. 25. En parallèle, les l’on peut faire s’interroger les élèves sur les motivations qui
pages de grammaire portant sur les démonstratifs hic, iste, poussent les hommes à voyager. La gradation des causes
ille fourniront une aide précieuse à la lecture des textes. Un s’impose comme fil conducteur du parcours. Les élèves
temps peut ensuite être consacré à la découverte des peuples découvriront alors que les voyages antiques sont de même
situés aux extrémités du monde (p. 30 et 31). La deuxième nature que ceux d’aujourd’hui : voyages d’agrément (p. 28),
activité lexicale proposée en p. 39 pourra être associée à voyages professionnels (texte de la p. 35), voyages-missions
cette découverte. (texte 1 de la p. 22, voyages d’Énée p. 26), voyages provoqués
par l’exil (p. 26 et p. 36-37). La page lexicale (p. 38) et les pages
- Approche par le thème du voyage : le thème du voyage de grammaire p. 44 et 45 pourront être travaillées en parallèle
constitue un parcours d’exploration dynamique du chapitre. de ce parcours.
La figure d’Énée, présentée aux p. 26-27, peut être l’occasion

14 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


Présentation des documents et problématisation
La mosaïque en tesselles noires et blanches, exposée dans hommes dont on devine les épreuves qu’ils ont endurées
le musée de Rimini, donne à voir l’intensité de l’activité pour traverser, au péril de leur vie, l’espace qui sépare l’Afrique
maritime dans l’Antiquité. Pas moins de trois embarcations se de l’Europe.
suivent, sur lesquelles s’affairent des marins et des rameurs. La lecture comparée des deux documents doit amener les
Si les hommes de l’Aquarius sont aussi en pleine action, ce élèves à s’interroger à la fois sur les différences de peuplement
n’est pas pour le transport de marchandises, mais pour venir du bassin méditerranéen, antique et contemporain, mais aussi
aux secours de migrants. La photo donne une image moins sur la valeur symbolique que revêt cette mer aux yeux de
amène de la Méditerranée. La frise des dauphins contraste ceux qui l’ont sillonnée et qui la sillonnent encore. Ce sont ces
avec l’alignement des gilets de sauvetage, portés par des différents regards qui doivent nourrir la réflexion des élèves.

lecture « Notre mer » : une mosaïque de peuples, un espace polycentré

Dans les pages Lecture, les onglets de questions sont indépendants les uns des autres.
Il est donc possible de les traiter dans l’ordre que l’on souhaite ou de ne traiter que ceux
que l’on souhaite. Ce dispositif permet d’envisager une approche différenciée des textes.

1 Une mer unique pour une multitude de peuples (p. 22)


Sous le nom d’Ampelius, nous est parvenu un aide-mémoire d’après Denys le Périégète font entrer d’emblée les élèves
de géographie et d’histoire, que l’auteur destine à un jeune dans la conception antique du monde en en permettant
adolescent du nom de Macrin. Nous ne savons rien de plus une appropriation dynamique pour tous les élèves, latinistes
sur cet auteur, ni ne sommes en mesure de dater précisément confirmés comme débutants.
l’ouvrage. L’extrait du Mémorial d’Ampelius et la carte réalisée

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


Le cercle des terres que nous habitons est divisé en trois parties, ayant
chacune leur nom : l’Asie, qui est entre le Tanaïs et le Nil ; la Libye, qui
• Cartographie antique sur le site Terra
antiqua : http://terra.antiqua.free.fr/
est entre le Nil et le détroit de Gadès ; l’Europe, qui est entre ce détroit carto-graphie.html
et le Tanaïs. En Asie, les nations les plus renommées sont : les Indiens,
les Tartares, les Perses, les Mèdes, les Parthes, les Arabes, les Bithy-
• Histoire de la cartographie, exposition
virtuelle de la BNF : http://expositions.bnf.
niens, les Phrygiens, les Cappadociens, les Ciliciens, les Syriens, les fr/cartes/
Libyens. En Europe, les nations les plus renommées sont : les Scythes, Rappelons que, même si des esprits
les Sarmates, les Germains, les Daces, les Mésiens, les Thraces, les comme Hipparque de Samos (IIe s. av. J.-C.)
Macédoniens, les Dalmates, les Pannoniens, les Illyriens, les Grecs, ont pu percevoir l’organisation du système
les Italiens, les Gaulois, les Espagnols. En Libye, les nations les plus solaire tel que nous le connaissons
renommées sont : les Éthiopiens, les Maures, les Numides, les Car- aujourd’hui, le géocentrisme, consacré
thaginois, les Gétules, les Garamantes, les Nasamones, les Égyptiens. par Ptolémée à la fin de l’Antiquité,
a prévalu jusqu’à Copernic.

Lire
1. Quatre parties se dégagent clairement du texte. Une quae est inter… » ; « Europa, quae est inter… »), les répétitions
première présente les trois continents du monde connu (« In Asia clarissimae gentes » / « In Europa clarissimae gentes » /
d’alors (l. 1 à 5). Les trois dressent la liste des peuples qui « In Libya clarissimae gentes ») et les énumérations (l. 5-6, 7-8
habitent respectivement l’Asie (l. 5 à 6), l’Europe (l. 6 à 8) et la et 9-10) visent à faciliter l’acquisition des connaissances. Une
Libye (l. 8 à 10). fois repérés la structure du passage et ces effets rhétoriques,
2. La rigueur du texte répond au souci didactique d’Ampelius, volontairement appuyés, les élèves, latinistes confirmés
dans ce manuel destiné à un jeune garçon nommé Macrin. Les ou débutants, seront en mesure de lire le texte latin sans
parallélismes de construction (« Asia, quae est inter… » ; « Libya, chercher à le traduire.

Langue
1. Les trois dernières phrases sont toutes construites pluriel (« gentes »). Compte-tenu de la nature descriptive
de la même manière : une phrase simple annonce une du texte, les élèves déduiront assez facilement l’absence
énumération de peuples. Cette phrase simple présente, du verbe « être ». L’on peut alors leur dire qu’il est très
elle aussi, une construction identique : un complément souvent sous-entendu en latin, puis leur donner la forme
circonstanciel de lieu qui varie (« in Asia », « in Libya », conjuguée (« sunt »). La proximité orthographique avec la
« in Europa »), puis un même groupe nominal, constitué forme française qui en est issue ne manquera pas d’être
d’un adjectif au superlatif (« clarissimae ») et d’un nom au relevée.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 15


2. Les trois verbes de l’extrait (« colimus », « dividitur », 3. Le présent de l’indicatif indique que le texte est tiré d’un
« est ») sont conjugués au présent de l’indicatif. Dans cette ouvrage théorique portant sur la géographie. Dans ce
description géographique du monde, tel qu’il était conçu manuel, rédigé à l’attention du jeune Macrin, dédicataire de
du temps d’Ampelius, ce présent a valeur de vérité générale. l’ouvrage, l’auteur, Ampelius, présente de façon synthétique
les connaissances d’alors.

Comprendre
1. Le premier tracé doit constituer un demi-cercle allant du ne porte plus aujourd’hui le même nom (Libya/Afrique).
fleuve Tanaïs au Nil. Le deuxième part du Nil jusqu’au détroit 2. Une première distinction apparaît entre les mers
de Gadès (Gibraltar). Le dernier rejoint le détroit de Gadès extérieures à l’orbis terrarum, qui portent le nom d’oceanus,
au fleuve Tanaïs. Deux constatations sont principalement et les mers à l’intérieur du cercle des terres, toutes désignées
attendues. La première, évidente au regard de la carte, est que par le terme mare, à l’exception de pontus (Euxinus Pontus),
le monde antique forme un cercle autour de la Méditerranée, emprunté au grec. Les différents noms de mers font
comme l’indique la première expression du texte (« orbis supposer que ce qui correspond au bassin méditerranée
terrarum »). La seconde fait remarquer que le monde antique était alors perçu de façon fragmentée, et non comme un
ne compte que trois continents (Asia, Libya, Europa), dont un espace maritime unique.

prolongements

• Travail sur l’onomastique des mers et des fleuves : il peut être d’Ampelius et ceux mentionnés sur la carte. Puis de les répartir
demandé de comparer les noms modernes des mers, des fleuves entre les élèves de la classe ou du groupe, afin qu’ils/elles effectuent
et du détroit avec ceux donnés dans l’Antiquité pour voir ceux qui une recherche sur l’exactitude de la situation géographique,
se sont maintenus et pour quelles raisons. telle que la donne Denys le Périégète, sur la manière dont ils étaient
perçus par les Romains, sur ce que nous en savons aujourd’hui
• Travail sur les peuples de l’Antiquité : il est d’abord possible de faire et sur ce qu’ils sont devenus.
vérifier la correspondance entre les peuples énumérés dans le texte

2 Les peuples soumis de l’orbis terrarum (p. 23)


L’extrait de l’Histoire auguste et la carte montrant les provinces de l’Empire romain à son apogée
visent à faire comprendre une situation unique dans l’Histoire de l’humanité, celle d’un peuple
ayant le sentiment de dominer presque la totalité du monde connu, celui de l’orbis terrarum.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Après avoir obtenu le pouvoir, [Hadrien] se comporta aus- C’est au IIe siècle, sous Trajan, que l’Empire romain
sitôt selon l’ancienne coutume et œuvra pour maintenir atteint son apogée. Siècle de prospérité pour les villes
la paix sur le monde. En effet, alors que faisaient défec- qui sont les plaques tournantes de la civilisation romaine ;
tion ces nations que Trajan avait soumises, les Maures ne le latin est alors la langue la plus parlée de l’Empire.
cessaient pas d’attaquer, les Sarmates portaient la guerre, Pour voir l’évolution de l’Empire, voir L’Histoire par les cartes :
les Bretons ne pouvaient être tenus sous la domination des origines à sa chute de Rome : https://www.youtube.
romaine, l’Égypte était pressée par des séditions, la Lybie com/watch?v=Y0ZqYwf1aj4
enfin et la Palestine montraient un esprit de rébellion.

Lexique
1. Les mots latins du texte correspondant à « nation » et Le mot imperium vient du verbe impero qui signifie
« pouvoir » sont respectivement « nationibus » (l. 3) et « imperium » « réquisitionner, commander ». Imperium signifie
(l. 1). « commandement », « pouvoir absolu », puis de façon très
2. Le mot natio vient du verbe nascor qui signifie « naître ». Il concrète « l’étendue territoriale sur laquelle s’exerce la
signifie à l’origine « naissance », puis dans le langage agricole, domination politique ». L’imperium est de fait le pouvoir
« mise bas, portée des animaux », et enfin « l’ensemble des suprême détenu par le roi sous la Royauté romaine, puis
individus nés à la même époque et dans un même pays. » Le attribué à certains magistrats (préteur, consul et dictateur)
mot apparaît en français au XIIIe s. dans ce dernier sens latin, sous la République, enfin dans les seuls mains de l’empereur
avant de revêtir le sens politique qu’on lui donne aujourd’hui. sous l’Empire. Le mot latin est passé en français au XIe s.
À partir du mot « nation » ont été formés avec un sens sous la forme d’ « empire ». Est apparu en même temps
essentiellement politique, au XVIe s., l’adjectif « national », le mot « empereur », issu du mot latin imperator, lui-même
au XVIIIe s. le concept de « nationalisme », au XIXe s. l’adjectif issu d’imperium. Au XIIIe s., apparaît l’adjectif « impérial » et
« nationaliste », le nom « nationalité », dans la seconde moitié l’adverbe « impérialement », au XVe s. l’adjectif « impérieux »
du XIXe et au début du XXe s. les mots liant économie et et l’adverbe « impérieusement », au XVIe s. l’adjectif
politique, « nationaliser » et « nationalisable. » « impérialiste », sur lequel est forgé, à la fin du XIXe s., le
concept d’« impérialisme ».

16 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


Comprendre
Les six sujets à traduire sont : les Maures, les Sarmates, les actuelle de Volgorad au nord. Les Bretons vivent sur le
Bretons, l’Égypte, la Lybie, la Palestine. territoire de l’actuelle Angleterre. Le lieu de vie de ces deux
Les Sarmates et les Bretons ne bordent pas la Méditerranée. ensembles de peuples évoque non seulement les limites de
Les Sarmates occupent l’espace compris entre l’actuelle mer l’Empire, mais aussi celles du monde connu. L’Égypte, la Lybie
Noire et l’actuelle mer Caspienne à l’est et jusqu’à la région et la Palestine forment les limites orientales de l’Empire.

Interpréter
Le texte atteste du double défi auquel sont confrontés Romains sont confrontés au désir d’expansion vers l’ouest des
les Romains pour garder les quelques cinq millions de km² Sarmates. Les quatre autres régions énumérées, la Bretagne,
que constitue l’Empire à son apogée. Il évoque d’abord la l’Égypte, la Lybie et la Palestine, sont certes des régions
difficulté de prévenir les attaques extérieures, celles des conquises, mais dont l’éloignement par rapport à Rome,
Maures et des Sarmates. Les frontières (le limes) prennent en centre du pouvoir, soit à l’extrême nord pour les Bretons, soit
effet des formes différentes, du réseau de routes et de fortins à l’extrémité orientale pour les trois autres territoires, rend
au mur passant par la palissade. Il est impossible d’édifier compliqué le maintien sous le joug romain et donc favorise
une enceinte fortifiée dans le désert africain et donc difficile les désirs récurrents d’indépendance.
de ne pas empêcher les attaques des Maures. À l’est, les

prolongements viva voce


Travail sur les peuples de l’Antiquité : il est possible de faire compléter Pas de difficulté particulière pour lire à voix haute ce texte.
la carte à l’aide de celle de la page de gauche pour que les élèves Comme il est indiqué dans la consigne, il faut veiller à ce que les élèves
identifient les peuples soumis et les peuples vivant à l’extérieur fassent ressortir le rythme du catalogue dressé à partir de la ligne 4.
du limes de l’Empire. Ce travail de repérage peut être prolongé Le martèlement de la voix doit bien faire se répondre les sujets
par une recherche sur la manière dont les peuples indépendants de début de phrase et les verbes placés à la fin.
étaient perçus par les Romains, sur ce que nous en savons
aujourd’hui et sur ce qu’ils sont devenus.

3 Des cités admirées des Romains (p. 24)


Le regard porté par les Romains sur les cultures grecque et égyptienne montre que les relations
entre les peuples de la Méditerranée antique sont complexes, qu’elles ne sont pas fondées
exclusivement sur l’hostilité. Même si l’approche ethnocentrique est la norme dans l’Antiquité,
les Anciens savent reconnaître ce qu’il y a d’admirable dans la culture des autres peuples.

TRADUCTION
Songe que tu es envoyé dans la province d’Achaïe, dans cette véritable et pure Grèce, dans laquelle
en premier, croit-on, la culture humaine, et même l’agriculture ont été découvertes ; tu es envoyé
pour rétablir la situation de cités libres, c’est-à-dire envoyé chez des hommes vraiment hommes,
chez des hommes libres vraiment libres, qui ont conservé ce droit donné par la nature par leur cou-
rage, leurs mérites, leur sens de l’amitié, enfin par leur engagement et leur religion.

Traduire
1. Les verbes à encadrer sont : cogita (l. 1), missum (l. 1), esse 2. Il faudra sans doute aider les élèves à traduire la subor-
(l. 3), creduntur (l. 3), missum (l. 3), datum (l. 5), tenuerunt (l. 6). donnée infinitive de la première ligne (« te missum [esse] »)
Les prépositions à encadrer sont : in (l. 1), in (l. 2), ad (l. 3), ad pour éviter le blocage à l’entrée du texte.
(l. 4), a (l. 5).

Comprendre
1. Pline le Jeune reprend de façon anaphorique le participe autant de créations qui signalent un degré d’élévation de
parfait passif « missum » (l. 1 et 2), la préposition « in » (l. 1 et l’homme par rapport aux autres êtres vivants. C’est cette
2), et sur le mode de la surenchère, le nom « homines » (l. 4) et capacité de réflexion et d’indépendance d’esprit auxquelles
l’adjectif « liberos » (l. 5). rend hommage Pline par la double surenchère des mots
2. Le passage constitue une véritable déclaration d’amour « homines » et « liberos ». Voilà pourquoi, par les anaphores de
à la civilisation grecque à laquelle les Romains savent qu’ils la préposition « in » et du participe « missum », Pline souligne
sont redevables dans bien des domaines. Ceux que cite la grande chance de son ami Maximus de se voir confier une
ici Pline sont les arts, l’agriculture et la science politique, mission dans le berceau de la culture.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 17


Interpréter
1. Ammien Marcellin salue la splendeur des bâtiments qui 2. Malgré leur profonde admiration pour les civilisations
embellissent de nombreuses villes (Athribis, Oxyrynchos, grecque et égyptienne, Pline le Jeune et Ammien Marcellin
Thmuis, Memphis, Alexandrie). Il décrit les éléments restent avant tout des habitants de l’Empire romain. Dans
architecturaux et décoratifs du temple de Sérapis, dont le les qualités que Pline le Jeune célèbre chez les Grecs,
caractère imposant est souligné au moyen d’une prétérition l’on retrouve des valeurs proprement romaines, notamment
(« quod licet minuatur exilitate verborum,… tamen… »). Dans le courage (virtus), valeur première de tout Romain, l’amitié
la suite du texte qui prolonge l’extrait proposé, l’historien (amicitia), valeur au cœur des relations sociales romaines et
rend hommage aux penseurs et aux scientifiques égyptiens l’esprit d’engagement (foedus). Quant à Ammien Marcellin,
dont les Grecs, comme Pythagore ou Anaxagore, se seraient l’évocation de la magnificence du temple de Sérapis lui
inspirés. Il signale aussi la permanence de l’esprit scientifique rappelle celle du Capitole, dont il souligne le caractère éternel
alexandrin, soutenu par la dernière dynastie de pharaons, (« quo se venerabilis Roma ine aeternum attolit »), suggérant
d’origine grecque, les Ptolémées. C’est donc en tant que par-là son indépassable supériorité.
civilisations fondatrices que Pline le Jeune et Ammien
Marcellin évoquent qui la Grèce, qui l’Égypte.
prolongements
Il est possible prolonger l’examen de l’extrait d’Ammien Marcellin par une lecture intégrale du chapitre qu’il consacre
à l’Égypte (XXII, 16). Cette lecture peut donner matière à l’élaboration de notices culturelles pour tous les noms propres
évoqué dans le chapitre. Ce travail d’explicitation peut être élaboré en collaboration avec le professeur-documentaliste.

4 La Méditerranée, une mosaïque de langues (p. 25)


La carte présentée ici des langues parlées sur le pourtour de la Méditerranée ne manquera pas
de faire réfléchir les élèves, pour cette raison que la langue est constitutive de l’identité, aujourd’hui
comme dans l’Antiquité. La carte a été simplifiée pour ne pas la surcharger. N’apparaissent pas
les dialectes, comme le provençal ou l’occitan pour ne donner que des exemples concernant la France.
1. Split (Croatie) – Tel Aviv (Israël) – Marseille (France) – Αθήνα du VIIIe s. (cf. p. 12-13). Parallèlement, l’arabe s’est diffusé
(Grèce) – Istanbul (Turquie) – Alger (Algérie) – Napoli (Italie). dans tout le nord de l’Afrique à la suite de sa conquête par
2. Bienvenue ! : France les Omeyyades, à la fin du VIIe s. et au début du VIIIe s. Les
! ‫ םיאבה םיכורב‬: Israël langues slaves parlées dans les Balkans ont été écrites à
Kαλώς ήρθατε ! : Grèce partir du IXe s. en alphabet cyrillique, inspiré de l’alphabet
Benvenuto! : Italie grec. La langue grecque est restée la langue officielle de
Hoşgeldin ! : Turquie l’Empire byzantin, puis s’est maintenue en Grèce pendant la
¡Bienvenido! : Espagne domination ottomane du XVe au XXe s. Les langues turques
Dobro došli! : Croatie et caucasiennes sont un héritage de l’Empire ottoman,
‫ ! مكب ابحرم‬: Algérie. notamment le turc actuel. Enfin, l’hébreu est la langue
officielle de l’État d’Israël, créé au sortir de la Seconde Guerre
3. L’examen de la carte laisse clairement distinguer cinq
mondiale, en 1948.
ensembles linguistiques. Ces ensembles se sont constitués
à différents moments de l’histoire. Les élèves peuvent 4. Si le latin vit encore à travers les langues romanes, il est
convoquer leurs acquis du collège pour retrouver les aussi présent au Maghreb par l’apprentissage du français,
différentes périodes pendant lesquelles les langues qui sont langue héritée de la colonisation. L’alphabet latin est aussi
à l’origine de ces groupes linguistiques. Les langues romanes présent en Turquie depuis son adoption depuis le début du
(portugais, français, castillan, catalan, italien, roumain) sont du XXe s.
issues du latin vulgaire et se développent à partir de la fin

prolongements
En s’inspirant de l’activité proposée, les élèves à choisissent deux ou trois mots, par exemple liés au vocabulaire
géographique. Ils/elles cherchent ensuite leurs équivalents dans les langues parlées sur le pourtour méditerranéen.
On leur demande en production finale de présenter de façon ludique le résultat de leur recherche en prenant
pour support un diaporama animé.

pistes pour construire un portfolio


La présence de l’architecture romaine dans les pays du bassin méditerranéen peut donner
matière à une recherche stimulante, et d’une certaine manière, fédératrice du groupe.
Pour favoriser la dynamique de recherche, il faut procéder à rebours de l’histoire, envisager
le travail sous la forme d’une enquête. Les élèves choisissent et analysent d’abord un bâtiment
moderne, puis recherchent et analysent ses modèles antiques. Les travaux pourront être
mutualisés en faisant apparaître sur une carte les différents bâtiments analysés.

18 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


lecture Voyages et périples héroïques

1 Les voyages d’Énée (p. 26)


Comment ne pas évoquer la figure d’Énée, et à travers elle, celle d’Ulysse, quand on parle
de « périples » en Méditerranée ? La page vise à réactiver et à mettre en perspective
ces deux figures déjà rencontrées au collège.

TRADUCTION
A. « Mais fuyez, malheureux, fuyez et rompez l’amarre loin du rivage.
[…] Cent autres habitent çà et là sur ces rivages sinueux,
Cyclopes abominables, et errent sur les hautes montagnes. »
B. Alors mon père, faisant défiler les souvenirs des vieux héros :
« Écoutez, ô chefs » dit-il « et apprenez vos espérances.
La Crète, île du grand Jupiter, s’étend au milieu de la mer. »
C. « Dites-moi, Dardanides (car nous n’ignorons ni votre ville
ni votre race, et nous avons entendu parler de la course que vous avez menée sur la mer),
que demandez-vous ? »
D. « Ô reine, […]
nous Troyens malheureux, ballottés par les vents sur toutes les mers,
nous te prions : écarte de nos navires les incendies abominables,
épargne une race, et examine de plus près notre situation. »
E. Déjà le long des remparts plus distinctement le feu
se fait entendre, et plus près de nous les incendies roulent leurs fumées.
« Allons donc, cher père, place-toi sur notre cou. »

Informations supplémentaires

• Rappelons que l’écriture de l’Énéide répond à la volonté radiophonique, France Culture, 2011 : https://www.youtube.
com/watch?v=B2gywinJVTk
de donner à Rome une épopée nationale (imitée de
l’épopée grecque) pour en célébrer le destin et par-là « Virgile – Ultime Hommage », France Culture, 1985,
légitimer le pouvoir d’Auguste, commanditaire de l’œuvre. en deux parties :
• Pour aller plus loin : 1/2 https://www.youtube.com/watch?v=q5G3ae3at1U
« Virgile – Les grands textes fondateurs : L’Énéide », émission 2/2 https://www.youtube.com/watch?v=jZhuYe1HEdA

Langue
1. À l’exception de « advertitis » (C, l. 2), qui est un parfait, tous 2. Virgile souhaite faire vivre au lecteur l’épopée du héros
les verbes des extraits sont au présent. Énée et des personnages qui l’entourent. Il dynamise son
Les présents de l’indicatif à entourer sont : habitant (A, l. 2), récit en recourant à deux emplois distincts du présent. Il
errant (A, l. 3), ait (B, l. 2), jacet (B, l. 3), nescimus (C, l. 1), petitis (C, donne à entendre ses personnages à travers des prises de
l. 3), oramus (D, l. 3), auditur, volvunt (E, l. 2). paroles directes, signalées par les guillemets, au présent
d’énonciation. Ce présent d’énonciation est d’autant plus
Les présents de l’impératif sont : fugite (A, l. 1), audite, discite dynamique que la majorité des verbes sont conjugués à
(B, l. 2), dicite (C, l. 1), prohibe (D, l. 3), parce, aspice (D, l. 4), age, l’impératif. En dehors des paroles rapportées, le présent de
care, imponere (E, l. 3). narration vise à rendre vivantes les actions décrites au cœur
du récit.
Lire
1. A/3 – B/2 – C/5 – D/4 – E/1.
2. Trois tracés sont à ajouter, l’un de Délos à l’île de Crète, l’autre de Buthrotum à l’Etna
et un dernier de Drepanum à Carthage.

Culture
1. L’Odyssée relate le périple accompli pendant dix longues qui puisse rivaliser avec les épopées homériques. Telles sont
années par le grec Ulysse, à la suite de la guerre de Troie. les intentions à l’origine de la composition du poème. De
Même s’il est difficile d’identifier les lieux où Ulysse s’est fait, les Romains y trouvent une filiation divine et glorieuse
rendu, la géographie de l’Odyssée relevant pour une (Énée est le fils de la déesse Vénus) et le moyen d’affirmer une
grande part de l’imaginaire, l’on peut constater que le identité culturelle propre. Selon l’esthétique de la mimèsis
périple du héros troyen est bien distinct du héros grec. (imitation), Virgile conçoit son poème en prenant pour
2. Écrire l’Énéide, c’est donner à Rome une épopée nationale modèle les épopées grecques. Mais il marque son originalité

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 19


en les imitant à rebours, constituant ainsi avec son modèle une Ce récit guerrier, de la conquête du Latium jusqu’à la création
sorte de chiasme. Dans les six premiers chants, Virgile raconte du royaume de Lavinium, fait bien sûr écho à l’Iliade. Dans les
les voyages d’Énée, depuis son départ de Troie en flammes, relations complexes entretenues entre Rome et la Grèce, la
jusqu’à son arrivée dans le Latium où il est chargé par les figure d’Énée s’impose aux yeux des Romains comme une
dieux de fonder la nouvelle Troie. Ce voyage et les aventures forme de revanche prise par les Troyens sur les Grecs, après
qui le jalonnent constituent une réécriture de l’Odyssée. Dans la destruction de Troie. Énée est non seulement celui qui a
les six derniers chants, le poète raconte les combats livrés par sauvé les Pénates de l’incendie, mais il est celui qui leur a
Énée et ses compagnons contre les Latins et leur chef Turnus. donné un siège nouveau et destiné à dominer le monde.

prolongements
Pour mieux faire prendre conscience du principe d’imitation, on peut demander aux élèves de comparer,
dans un premier temps, la structure de l’Énéide à celle de l’Iliade et de l’Odyssée, puis, lors d’une seconde étape,
le circuit suivi par Énée à celui, reconstitué, d’Ulysse.

2 Les postérité d’Énée (p. 27)


Comme il est attendu dans les programmes, Énée compte parmi les « grandes figures mythologiques »
constitutives de la culture attendue d’un élève de seconde, d’autant plus qu’il est, avec Romulus,
l’une des figures fondatrices de Rome.

Informations supplémentaires
Les Pénates de Rome : les deux Pénates de Rome seraient et tenant une lance et un bouclier (cf. Énéide, II, v. 166-168)
ceux qu’Énée aurait rapportés de Troie. Quels étaient-ils qui assurait la protection de Troie tant qu’elle s’y trouvait.
précisément ? Que représentaient-ils ? Plusieurs versions Pénates, Palladium et objets sacrés (« sacra »), enveloppés
avaient cours. Virgile, lui, reste vague. S’ajoute à ces dans des linges et gardés dans des vases de terre, étaient
Pénates le Palladium (légende postérieure à Homère) : conservés dans le temple de Vesta.
une statue protectrice de Pallas ceinte de bandelettes

Confronter
1. Le personnage en bas à gauche est Énée. Il est vêtu 2. La direction indiquée par les regards du fils, Ascagne-
en guerrier grec : tunique, plastron, bouclier et casque à Iule, du père, Énée, et de l’aïeul, Anchise, forme un triangle
panache, qui n’est pas sans rappeler celui d’Hector, tel qu’il qui souligne le lien de filiation et l’intensité dramatique de la
est décrit dans l’Iliade. Tous ses efforts s’emploient à maintenir scène représentée. Les corps des trois personnages penchent
en équilibre sur ses épaules le vieillard. Son regard est comme tous vers la droite, direction indiquée par le garçon. Dans
aspiré par le geste du vieil homme recevant les statuettes. l’urgence de l’incendie de la ville, il s’agit d’en sauver l’âme,
Le vieillard, juché sur les épaules d’Énée, est son père Anchise. incarnée par les statuettes, pour la faire vivre ailleurs. Si
Il porte un vêtement bleu et une sorte de manteau rouge dont l’on fait entrer les Pénates dans le jeu des regards, c’est un
Énée se sert pour le maintenir. Ces couleurs rappellent son quadrilatère qui se dessine, ce qui confirme la gravité de
statut de roi (Anchise était roi de Dardanie). Elles contrastent l’instant et l’importance accordée par les trois personnages
avec la précarité (parties du corps mis à nu) et l’instabilité masculins aux précieuses statuettes. Dans tous les cas, Créüse
de sa situation. Rappelons qu’Anchise est devenu invalide est isolée du groupe masculin. La blancheur grisâtre de son
pour s’être vanté de ses amours avec Aphrodite : Zeus le vêtement, son teint blafard et le vide de ses yeux annoncent,
rendit boiteux d’un coup de foudre. Anchise aurait 80 ans au de façon prémonitoire, son destin fatal. Énée doit en effet
moment de la fuite de Troie. être libre pour épouser Lavinia, la fille du roi Latinus à son
arrivée dans le Latium.
L’enfant, Ascagne-Iule est le fils d’Énée. Il attire l’attention
de son père en posant la main sur la sienne et lui indique la 3. Le tableau pourrait constituer une illustration du dernier
direction à suivre. Le mouvement qui l’anime et le vert de sa extrait (E) proposé sur la page de gauche. Si l’incendie n’a
tunique indiquent l’espoir de l’avenir dont il est le symbole. pas été représenté, la position du père sur les épaules de son
fils (« cervici imponere nostrae ») est bien retranscrite. Ce geste
La seule femme du groupe est Créüse, la femme d’Énée. Elle
constitue une manifestation fondamentale de la civilisation
est entièrement couverte d’un voile blanc qui fait songer à
un linceul. Son visage est pâle, marqué par l’angoisse ; son romaine : la pietas. Le jeu des regards, la délicatesse avec
regard semble absent. Elle remet les statuettes derrière laquelle Anchise reçoit les statuettes, la main posée du fils sur
lesquelles elle semble s’effacer. celle de son père sont autant de manifestations de ce respect
sacré des ancêtres. En donnant sa version de cet épisode de
Les deux statuettes figurent un roi et un guerrier, autrement l’Énéide, Lionello Spada s’inscrit, lui aussi, dans une filiation
dit deux incarnations de la noblesse (par le sang et par artistique. Il traite un sujet classique de la grande peinture. Le
le courage). Ce sont les deux Pénates de Rome. Ils sont style de ce tableau rappelle le style de l’académie bolonaise
emmaillotés pour signifier leur préciosité. des Incamminati des peintres Carraci qu’il fréquenta dans
sa jeunesse. Dès lors, le choix du sujet peut se comprendre
comme un hommage rendu à ses maîtres.

20 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


4. La référence à l’épisode de la fuite de Troie signale que la la phrase qui suit l’extrait, Jean-Paul Sartre affirme qu’il n’a
connaissance de l’Énéide faisait partie de la formation classique pas de Surmoi (lequel se développe selon les psychanalystes
du temps de Jean-Paul Sartre. Le mythe lui sert de métaphore en prenant pour modèle moral les parents et en s’opposant
filée (« écrasé », l. 2, « sur le dos », l. 3, « à cheval sur leurs fils », aux désirs et aux pulsions). Il n’a pas eu besoin de « tuer
l. 4) pour expliquer sa situation d’orphelin de père et, de le père », pour faire référence à un autre mythe utilisé en
façon paradoxale, la liberté que lui a donnée cette disparition psychanalyse (cf. complexe d’Œdipe). Le recours à la légende
prématurée. Parce qu’il a su définitivement se détacher d’Énée souligne la grande richesse des mythes antiques. Leur
de cette absence, il ne l’a pas vécue comme une ombre plasticité permet à chacun d’y trouver des éléments pour
« invisible » et écrasante. Cette mise à distance est exprimée mieux comprendre le monde dans lequel il évolue et pour
par l’antonomase à laquelle procède Sartre en mettant le mieux se comprendre. Ce caractère palingénésique du texte
pluriel aux noms propres d’Énée et d’Anchise. D’ailleurs, dans de Virgile atteste donc de son caractère fondateur.

prolongements pistes pour construire un portfolio


Il peut être demandé aux élèves de rechercher une La représentation d’Énée fuyant Troie en flammes est un topos
réécriture du mythe d’Énée en dehors des domaines de la peinture d’histoire à l’époque classique, comme elle l’était
graphique ou pictural (sculpture, musique, cinéma…) déjà dans l’Antiquité. Ce thème est donc facilement exploitable
et d’en faire la présentation orale à la classe. pour la réalisation de portfolios variés et esthétiquement réussis.
Pour trouver un recensement des représentations de ce motif,
consulter le site de l’académie de Nancy-Metz : http://www4.ac-nancy-
metz.fr/langues-anciennes/Textes/Virgile/Anchise.htm

3 La Sicile, une île à visiter (p. 28)


La page est conçue comme une visite guidée de la Sicile et de sa capitale antique, Syracuse.
Elle informe ainsi les élèves sur le caractère très ancien du voyage d’agrément, tel que nous
le pouvons le pratiquer aujourd’hui.

Informations supplémentaires
La consolatio, exercice canonique de rhétorique, se prête pas de nous. Marcia, la destinataire de cette consolation,
bien au discours parénétique que pratique Sénèque dans avait d’autant plus besoin d’être exhortée à dépasser
toutes ses œuvres philosophiques. On y retrouve la même le deuil qu’elle perdit dans la fleur de l’âge deux
exhortation à ne pas s’affliger de la mort qui ne dépend de ses quatre fils.

Langue
1. Les traductions à entourer sont : « l’île elle-même » (ipsam richesse des beautés que compte la Sicile et qu’il vaut la peine
insulam), « cette fameuse Charybde, plane » (stratam illam d’aller voir.
fabulosam Charybdin), « la très célèbre… fontaine… Aréthuse » 3. Le verbe « videbis » est conjugué à la deuxième personne
(celebratissimum... fontem... Arethusam), « port si sûr » (portum du singulier du futur de l’indicatif. Il présente comme certain
quietissimum), « l’immense cité elle-même » (ipsam ingentem l’enchantement de Marcia si elle décide d’effectuer le voyage
civitatem). que préconise le philosophe. Son emploi revêt presque une
valeur injonctive. Il s’agit pour Sénèque de convaincre Marcia
2. Tous ces groupes nominaux sont à l’accusatif. Ce sont les de partir, et par le voyage, de dépasser le chagrin du deuil.
COD du verbe anaphorique « videbis », répété pas moins de Cette exhortation est conforme à la morale stoïcienne, telle
cinq fois (l. 3, 8, 13, 16, 20). Cette anaphore vise à souligner la que Sénèque la présente dans ses Lettres à Lucilius.
Comprendre
1. Les noms à surligner sont : insulam (l. 4), Charybdin (l. 10), 3. Les élèves ne manqueront pas de rapprocher le texte de
fontem Arethusam (l. 13-14), portum (l. 16), civitatem (l. 23). Sénèque des guides touristiques. Comme eux, il indique
le chemin à suivre (l. 1-2), tout en décrivant le paysage (l. 2-3
2. Les adjectifs à souligner sont : ipsam (insulam, l. 4), fabulosam et 8-12) et en apportant des compléments d’information
(Charybdin, l. 10), celebratissimum (fontem Arethusam, l. 13-14), de nature scientifique, agrémentés d’une citation à valeur
quietissimum (portum, l. 16), ipsam ingentem (civitatem, l. 23). d’autorité (l. 5-7), ou de nature historique (l. 20 à 22). Il énumère
Tous ces adjectifs sont mélioratifs. Le déterminant-adjectif les curiosités à ne pas manquer en soulignant ce qui les rend
« ipsam » insiste sur la réalité de la beauté à voir. Les adjectifs incontournables : la fontaine Aréthuse est très célèbre (l. 13-14),
« fabulosam » et « ingentem » et les superlatifs « celebratissimum » le port de Syracuse est d’un calme exceptionnel (l. 16), la cité et
et « quietissimum » mettent en avant le caractère exceptionnel son territoire sont impressionnants par leur étendue (l. 23-25).
des lieux à visiter. À travers eux, Sénèque cherche à susciter la Enfin, il donne des indications sur le climat et le bon moment
curiosité de Marcia, et donc son désir de partir pour détourner pour se rendre en Sicile (l. 25-26). Le ton enthousiaste du texte
son esprit du deuil de ses enfants. peut même être comparé aux discours publicitaires modernes.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 21


Culture
1. Les principaux vestiges grecs encore visibles à Syracuse 3. Les personnages qui ont marqué la ville de Syracuse sont
sont : les temples d’Apollon, de Zeus et d’Athéna ; le théâtre d’abord ses dirigeants, appelés tyrans. Parmi eux, l’on peut
grec ; l’autel de Hiéron II ; les latomies (carrières qui servirent mentionner : Denys l’Ancien (405-367) qui rendit la cité
de prison) ; la fontaine Aréthuse. puissante, Timoléon (344-337) qui restaura le prestige de
Les principaux vestiges romains encore visibles à Syracuse la cité par la construction de bâtiments monumentaux, ou
sont : le gymnasium romain ; l’amphithéâtre romain ; la Hiéron II (269-215), qui chercha à préserver la ville lors des
nécropole ; le nymphée. guerres puniques, en s’alliant aux Carthaginois, puis aux
Romains.
2. Fondée en 733/732 av. J.-C. par les Corinthiens qui
s’établirent dans l’île d’Ortygie, Syracuse est l’une des Syracuse est aussi célèbre par d’autres figures. À deux reprises
premières fondations grecques en Sicile. Elle devint sous le (en 388, puis en 387), Platon y séjourna et tenta, en vain, de
tyran Denys l’Ancien (405-367) une grande puissance qui convaincre Denys l’Ancien d’instaurer un gouvernement
conquit presque toute l’île. Elle fut alors l’une des cités les juste. Elle fut la ville natale d’Archimède (287-212), qui y fut
plus importantes de la Grande Grèce. Après un lent déclin, assassiné en plein travail, alors inconscient de la prise de la
Syracuse, en 212 av. J.-C., tombe aux mains des Romains qui ville par les Romains. Cicéron enfin, qui fut questeur à Lilybée
firent de la Sicile une province romaine. Syracuse passe alors en 75, accepta en 70 de défendre les Siciliens – dont les
au second plan. Syracusains – contre la mauvaise gestion et les crimes commis
par Verrès, alors qu’il était propréteur en Sicile de 73 à 71.
prolongements

• À la manière de Sénèque, l’on peut demander au élèves de choisir nécessairement plus brève, de l’invitation à la visite. Les élèves pourront
s’aider de la construction relative simple du texte de Sénèque
une région ou une ville antique, de rechercher ce qui la distingue
par son cadre et/ou par les curiosités qui pourraient retenir l’attention • La première activité de recherche de l’onglet « Culture » peut donner
matière à la réalisation d’un portfolio iconographique. Signalons que
d’un visiteur. Puis, dans une seconde étape, les élèves rédigent un petit
le seul temple d’Athéna qui, après avoir été transformé en mosquée
texte pour donner envie à leurs camarades de se rendre dans le lieu
au VIIe s., est aujourd’hui la cathédrale de Syracuse constitue à lui seul
choisi. Une troisième étape pourrait être consacrée à une transcription,
un portfolio particulièrement saisissant.

4 Un aller pour Brindes (p. 29)


Par un contraste volontaire, la page rend compte de la longueur et des difficultés des voyages dans
l’Antiquité. Elle fournit aussi l’occasion de faire le point sur les moyens de transports alors en usage.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Et déjà le jour était là quand nous sentons que la barque n’avance pas Ce voyage eut lieu en 37 av. J.-C. Octave
du tout, jusqu’à ce qu’un de nous, à la cervelle vive, saute à terre et envoya à Brindes une délégation pour
travaille, avec une branche de saule, la tête et les reins de la mule et négocier avec Sextus Pompée qui soulevait
du batelier. À la quatrième heure à peine, nous sommes enfin débar- alors la Sicile contre les triumvirs. Horace
qués. Nous nous lavons le visage et les mains dans ton eau, Feronia ! accompagne son ami Mécène, l’un des
Puis, après déjeuner, nous nous traînons sur trois milles et nous négociateurs. La durée du voyage semble
montons au pied d’Anxur, posée sur ses rochers qui brillent au loin. avoir été de treize jours.

Comprendre
1. Loci Roma (v. 1) Aricia (v. 1) Forum Appi (v. 3) Anxur (v. 22)

Dies Dies 1 Dies 1 Dies 2 nox (v. 9) Dies 3 (v. 15)


« hoc iter […] divisimus » (v. 5)
2. Le trajet de Rome au Forum Appius, passant par Aricia en la technique du halage. Le halage consiste à faire avancer le
suivant la voie Appienne, représentant une distance totale de long d’une rivière, d’un canal, au moyen d’une corde tirée à la
40 km a été effectué en deux jours. Horace signale qu’un jour force des bras, comme le montre le relief de Cabrières-d’Aigues
suffit en temps normal pour un voyageur à pied déterminé ou, comme dans le texte, par des équidés, en l’occurrence une
(v. 5-6). Compte-tenu de leur rang social, les voyageurs ont mule. Horace n’indique pas le moyen de locomotion de la
donc effectué cette première étape dans une voiture à cheval, dernière étape décrite. Il signale là encore l’extrême lenteur
ralentie par la densité du trafic, fréquente sur cette portion de la montée (« subimus », v. 21) vers Anxur, comme l’indiquent
de la voie Appienne, où seuls deux chars pouvaient se croiser l’emploi métaphorique du verbe « repimus » (v. 21) et la mention
entre les trottoirs. Les voyeurs embarquent ensuite sur le canal de la faible distance parcourue (« millia tria », soit environ
parallèle à la voie Appienne, souvent coupée à cet endroit par 4,5 km). L’on peut supposer qu’ils voyagent soit dans un chariot
les marais Pontins. Leur embarcation rudimentaire, une barque soit, plus probablement, à dos de mulets.
non pontée (lintris), est tirée, durant la nuit, par une mule selon

22 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


Traduire
Les nominatifs à souligner sont peu nombreux dans la mesure « subimus », v. 21). Il s’agit donc de faire remarquer aux élèves
où le sujet de la plupart des verbes est compris dans les verbes que les verbes dépendent presque tous du même sujet sous-
conjugués à la première personne du pluriel (« sentimus », entendu. Seuls les deux nominatifs « dies » (v. 16) et « unus » (v. 17)
v. 17, « exponimur », v. 19, « lavimus », v. 20, « repimus, » v. 21, entrainent des verbes à la troisième personne du singulier.

Culture
La majorité des déplacements s’effectuent à pied. Les Romains plaustrum, carpentum, carrus, carruca, raeda…). Sur l’eau,
les plus riches se font transporter en chaise à porteurs (sella on utilise toutes sortes d’embarcation du radeau au navire
gestatoria) ou en litière (lectica). Selon l’état carrossable des (ratis, cymba, linter, scapha, phaselus, navis, carina, actuaria,
routes, on utilise des mulets ou des chariots tirés par un à triremis…).
quatre équidés. Plusieurs types de chariots sont utilisés selon Un site indépendant donne à voir une représentation des types
la distance et le nombre de passagers (currus, essedum, cisium, de voitures à cheval : http://jch-autoedition.com/?q=node/83

prolongements

• Les activités 1 et 2 de l’onglet Comprendre peuvent être prolongées les étapes du voyage en les marquant d’un symbole ou un dessin
inspiré du texte, et de la même façon les moyens de locomotion utilisés.
sur l’ensemble de la satire fournie en traduction. Les élèves auront ainsi
une vision complète du trajet allant de Rome à Brindes et des moyens de • Le travail de recherche sur les moyens de transport dans l’Antiquité
romaine peut donner matière à la réalisation d’une exposition, menée
voyager dans l’Antiquité romaine. Pour rendre encore plus concret
en collaboration avec le professeur-documentaliste.
le travail, il peut être demandé aux élèves de visualiser sur une carte

lecture Aux confins du monde habité : terres connues et inconnues

1 Aux confins de l’Europe (p. 30)


Cette première page portant sur les « confins du monde habité » fait découvrir aux élèves la perception
qu’avaient les Romains des habitants du territoire correspondant aujourd’hui à l’Angleterre.

TRADUCTION Informations supplémentaires


De tous ces peuples [bretons], les plus civilisés, de loin, sont ceux C’est à l’occasion du récit détaillé des deux
qui habitent la Cantium, région qui est toute maritime ; ils ne diffé- expéditions qu’il a conduites en 55, puis en 54
rent pas beaucoup des mœurs des Gaulois. La plupart des peuples av. J.-C., dans ce que les Romains appelaient
de l’intérieur ne sèment pas de blé ; mais vivent de lait et de viande alors la Britannia, que César décrit ces peuples
et sont vêtus de peaux. De fait tous les Bretons se teignent avec du du Nord (De bello Gallico, IV, 20-38 et V, 1-23).
guède, qui produit une couleur bleue, et par cet aspect ils sont plus La description de la Bretagne se trouve
horribles dans la bataille ; ils ont les cheveux longs, toutes les parties précisément dans le livre V, aux paragraphes
du corps rasées à l’exception de la tête et de la lèvre supérieure. 12 à 14.

Traduire
1. Traduction des ablatifs : « ex his omnibus [Britannis] » : de Les cinq premiers groupes à l’ablatif sont des compléments
tous ces [Bretons] – « a Gallica… consuetudine » : des mœurs circonstanciels ; les deux derniers sont des ablatifs de qualité.
gauloises – « lacte et carne » : de/par/au moyen de lait et de 2. Il faudra sans doute faire repérer au préalable les pronoms
viande – « vitro » : de/par/au moyen de guède – « in pugna » : relatifs (qui, quae, quod) et les traduire avec les élèves pour
dans la bataille – « capillo… promisso » : aux cheveux longs – faciliter la traduction du texte.
« omni parte… rasa » : toute partie rasée.

Interpréter
L’acteur-réalisateur Mel Gibson fait revivre, à sa manière, recourent à la couleur bleue (« caeruleum efficit colorem ») pour
l’écossais William Wallace, que l’exécution de sa compagne paraître plus effrayants (« horridiores ») à leurs ennemis lors de
par les Anglais pousse à prendre la tête d’une rébellion. Ces batailles. Comme l’indique le lexique, les Bretons tiraient ce
événements sont inspirés de faits réels, survenus en Écosse bleu d’une plante, la guède (« vitrum »), appelée aussi le pastel
à la fin du XIIIe siècle. Le film a obtenu en 1996 cinq Oscars des teinturiers. Les guerriers de la tribu des Pictes, dont le
dont celui du maquillage. De fait, comment oublier le visage nom viendrait du participe pictus (peint), allaient au combats
de l’acteur peint de bandes bleues ? L’alternance du bleu et nus, après s’être aussi couverts de peinture. Le réalisateur
du blanc constitue un renvoi évident au drapeau écossais. a concentré toutes ces références culturelles pour garantir
Mais ce goût pour le bleu semble plus ancien, si l’on se réfère l’effet visuel et la charge symbolique du maquillage de son
au texte de César. L’auteur latin mentionne que les Bretons personnage.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 23


Comprendre
1. Dans son De bello Gallico, César veut montrer aux Romains primitives : la teinture de guerre bleue appliquée sur le visage,
la nature des peuples qu’il a dû affronter pour mener à bien préalable au combat (l. 9-10), et leur manière originale de traiter
l’agrandissement du territoire contrôlé par Rome. Son ouvrage leurs poils. Les Bretons se laissent pousser les cheveux et la
ne se borne donc à une suite de récits d’expéditions et de moustache, mais se rasent tout le reste du corps (l. 11-12).
batailles, mais il témoigne d’une multitude d’approches, 2. Cette description est loin de répondre à l’objectivité
comme c’est le cas de tous les ouvrages de l’Antiquité, qualifiés attendue de tout discours ethnographique moderne. César
d’historiques. Après avoir situé géographiquement la Bretagne ne peut s’empêcher d’affirmer la supériorité de la civilisation
aux confins nord du monde connu (cf. paragraphe traduit du romaine, la sienne, sur celles des Bretons, considérés comme
texte), César s’attarde à décrire les mœurs des Bretons, non des barbares. C’est bien la civilisation romaine qu’il prend
pas de façon objective, mais avec son point de vue de Romain pour critère pour décréter les Bretons de la côte plus humains
civilisé. De fait, il établit une hiérarchisation des peuples qui (« humanissimi », l. 5) que les Bretons de l’intérieur. C’est encore
vivent sur cette île. Il constate d’abord la proximité du mode le raffinement des Romains qu’il compare implicitement à
de vie des Bretons de la côte avec celui des Gaulois (l. 6-7), plus l’étrange coutume des Bretons de se teindre en bleu, de se
proche de celui des Romains. Il s’attache ensuite à souligner laisser pousser les cheveux ou de se raser tout le corps. César,
l’absence d’agriculture chez les Bretons de l’intérieur (l. 7-9). comme tous ses contemporains, n’échappe pas au regard
Il met enfin à distance tous les Bretons en évoquant deux ethnocentrique, Rome étant, pour lui, le centre du monde
pratiques culturelles communes dont on sent qu’il les juge connu et le parangon de tout mode vie civilisé.

prolongements

L’ouvrage de César, La Guerre des Gaules, peut être proposée en lecture cursive dans
une traduction de poche, et les peuples évoqués dans l’ouvrage donner matière à des exposés.

2 Aux extrémités du monde (p. 31)


Cette deuxième page portant sur les « confins du monde habité » amène les élèves
à comparer les extrémités septentrionale et méridionale du monde connu.
Cette exploration donne l’occasion de rappeler des notions de cosmographies antiques.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Donc maintenant, à droite, les tribus des Estes sont baignées par la rive La lecture des textes sera précédée
de la mer Suévique, lesquels ont les mœurs et le physique des Suèves, et utilement d’un rappel de la conception
une langue très proche de celle de la Bretagne. Ils vénèrent la Mère des du monde selon les Anciens
dieux. Comme symbole de leur religion, ils portent des images de san- (géo-centrisme, course du Soleil d’est
gliers : valant armes et protection pour tout, elles mettent en sécurité le en ouest…). L’on peut s’appuyer pour
serviteur de la déesse même au milieu des ennemis. Rare est l’usage du ce faire sur la carte présentée page 22.
fer, fréquent celui des bâtons. Ils cultivent le blé et les autres fruits plus
patiemment que ne le fait la paresse habituelle des Germains.

Langue
1. Tous les verbes sont à la 3e personne du pluriel : adluuntur « quibus ritus habitusque Sueborum », il faut sous-entendre est,
(voix passive) – venerantur (voix déponente) – gestant (voix ou sunt, s’il y accord avec le sujet le plus proche. Dans la phrase
active) – laborant (voix active). « Rarus ferri, frequens fustium usus », le verbe sous-entendu du
2. Dans les deux cas, le verbe sous-entendu est le verbe être, sujet « usus » est est.
comme c’est fréquemment le cas en latin. Dans la subordonnée 3. Voir la traduction.

Comprendre
1. Malgré les incertitudes et les approximations de la 2. La description que propose Tacite tend à faire des Estes un
géographie antique, les peuples mentionnés touchent aux des nombreux peuples que compte la Germanie. Ils en ont,
extrémités du monde, comme le confirme l’évocation du selon lui, les mœurs et le physique (l. 7). Ils pratiquent, comme
coucher du Soleil dans le texte de Tacite (l. 1 à 3). Les Suiones les Germains, l’agriculture (l. 11-12). Mais ils s’en distinguent par
(actuelle Scandinavie) sont à placer sur une des îles situées leur langue, que Tacite juge plus proche de celle des Bretons
au-dessus de la Germanie, les Suèves au niveau du mot (l. 7-8), par leur religion en vénérant une déesse-mère (l. 8).
« Germanie » et les Estes (actuels pays baltes) un peu plus à l’est. Surtout, en ignorant l’usage du fer et des bâtons (l. 10-11) – ce
Les Panachéens sont à situés dans l’angle droit du continent qui est très surprenant –, ils paraissent un peuple pacifique
constitué par la Libyia (actuelle Afrique). Les Pygmées sont à en opposition avec les Germains qui constituent une menace
placer à l’ouest des Panachéens, au sud des Égyptiens. permanente aux frontières de l’Empire.

24 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


Interpréter
1. Si on ne connaît pas les raisons qui ont poussé Tacite, vers 2. Mais ces descriptions ne sont pas soumises aux exigences
98, à écrire un panorama ethnographique et géographique d’objectivité de l’ethnographie moderne. Les auteurs latins
des tribus vivant au-delà du Rhin, sa Germanie constitue une rendent compte des informations qu’ils ont collectées avec
source documentaire non négligeable sur les peuples du leur point de vue de Romains. Tacite accorde une supériorité
nord. Tout aussi riche en informations est la Chorographie aux Estes dans le travail agricole, sans doute parce qu’il se
écrite par le géographe Pomponius Mela, entre 43 et 44, dans rapproche du mode de culture et des productions qui ont
laquelle il propose un parcours descriptif du monde habité. cours dans l’Empire. Pire, il fustige la paresse (« inertia », l. 12)
Les deux auteurs prennent soin de situer les peuples qu’ils des Germains en la matière. Cette sympathie de Tacite pour les
évoquent. Tacite situe, de la façon la plus précise possible, Estes se ressent également dans les détails qu’il apporte en ce
les Estes en donnant des repères connus (le peuple germain qui concerne leur religion, signalée uniquement dans un rôle
des Suèves, le coucher du Soleil, les Bretons). Pomponius positif de protection (« tutela », l. 10). Pomponius Mela, quant
Mela décrit, lui aussi, de façon très précise, la forme prise à lui, reproduit des informations plus proches du merveilleux
(l. 1-2) par ce que l’on appelle aujourd’hui la corne de l’Afrique, que du pur exotisme. Les Ophiophages sont un peuple qui se
considérée comme l’extrémité sud du monde antique. Tous nourrit de serpents (l. 4). Plus merveilleux encore, les Pygmées
deux donnent des informations sur le physique des peuples ont été victimes des grues qui ravageaient leurs récoltes
(semblable aux Suèves pour les Estes ; signalement de la (l. 5-6). Ce combat merveilleux des Pygmées contre les grues
petite taille des Pygmées), sur leur mode de vie (religion et a constitué un motif pictural récurrent dans l’Antiquité gréco-
agriculture pour les Estes ; nutrition pour les Panachéens et romaine. On le trouve notamment sur le pied du fameux
agriculture pour les Pygmées) et sur la faune qui entoure ces « vase François », conservé dans le Musée archéologique
peuples (sangliers pour les Estes ; bêtes, oiseaux et serpents national de Florence, ou sur un détail de la mosaïque de
en nombre pour les habitants du sud de Libye). Neptune de l’ancienne cité d’Italica en Andalousie.
prolongements
• La Germanie de Tacite, texte bref, peut être proposée en lecture cursive dans une traduction de poche,
et les peuples évoqués dans l’ouvrage donner matière à des exposés.
• Un travail de recherche et de synthèse pourra prolonger la lecture du texte de Pomponius Mela. Les élèves
sont invités à rechercher les origines de ce combat légendaire entre les Pygmées et les grues. Ils/elles collectent
des textes et des représentations traitant ce motif, puis rendent compte de la fascination qu’il exerçait sur les Grecs
et les Latins dans une synthèse illustrée.

3 La légende de l’Atlantide (p. 32)


Dans cette page, les élèves remontent à l’origine du mythe de l’Atlantide, en découvrent une explication
moderne, tout en mesurant la place du latin dans le discours scientifique à l’époque moderne.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Une légende raconte que la cité des Athéniens a résisté jadis à des troupes Le mythe de l’Atlantide apparaît
innombrables d’ennemis qui, parties de l’océan Atlantique, avaient déjà investi dans deux dialogues de Platon
l’Europe et l’Asie entières. Ce détroit était alors en effet navigable, ayant dans le Timée (24e-25d) et le Critias.
son ouverture comme un vestibule une île, détroit que l’on appelle les Colonnes Les récits mêlent cosmographie
d’Hercule. Cette île, dit-on, était plus grande que la Libye et l’Asie réunies ; à ancienne et imaginaire. Pour mieux
partir d’elle un accès s’ouvrait vers les autres îles situées à proximité, et de ces en comprendre la géographie,
îles vers tout le continent qui à l’opposé s’étend voisin de la mer véritable. […] il est possible de consulter la carte
Après cela, il se produisit, l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit, un gigan- proposée par Luc Brisson dans
tesque tremblement du terre et un débordement des eaux, de telle sorte que la sa traduction du Timée, GF, 1992
(p. 393).
terre en s’ouvrant engloutit tous les combattants, et que l’île de l’Atlantide sous
un vaste tourbillon s’enfonça.

Lire
Sans tenir compte de la coupure dans la citation latine, dans la traduction du texte de Platon. Buffon cite cette situation
indiquons que Buffon ne cite pas la totalité du mythe. Il cite géographique précisément par qu’il la discute dans la suite de
les éléments qui intéressent sa démonstration scientifique. Les son texte. Il cite également les raisons données par Platon pour
verbes traditur (l. 1) et fertur (l. 3) lui permettent tout à la fois expliquer la disparition de l’île-continent, parce qu’il considère
d’abréger le texte et de signaler le caractère légendaire du récit. que les phénomènes naturels à l’origine de cette catastrophe
Il donne tout d’abord le début du récit de Platon (« Les écrits sont semblables à ceux qui se sont réellement produits
disent en effet que votre cité... la Libye et l’Asie réunies. », l. 1 (« Mais dans le temps qui suivit... disparut dans la mer. », l. 18-24 /
à 7 / « Traditur Atheniensis... fuisse », l. 1 à 8). Les élèves doivent « Post haec ingenti terrae motu… sub vasto gurgite mergeretur. »,
remarquer ici que l’équivalent de fin de la phrase latine (« per l. 9-11). Notons enfin qu’il a supprimé les éléments politiques
quam ad alias proximas insulas… mari vicinam. ») a été coupé du mythe, inutiles pour sa réflexion de naturaliste.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 25


Lexique
Conformément au titre de l’ouvrage de Buffon, Preuves de la celle qui ferme l’orbis terrarum, autrement dit le monde
théorie de la Terre, le vocabulaire qui domine l’extrait qu’il cite habité, situé tout autour de la Méditerranée. Les frontières
de Platon est celui de la géographie physique. Platon situe de cette géographie réelle sont comme agrandies par le
géographiquement l’Atlantide par rapport aux principaux mythe de l’Atlantide. Le détroit des Colonnes d’Hercule
éléments naturels connus à son époque. Il évoque les n’est plus un verrou ; il devient une voie d’accès (« aditus »,
trois continents (« Europam Asiamque », l. 2, « Libya », l. 4) navigable (« navigabile », l. 1), vers un quatrième continent
l. 8) et l’océan Atlantique (« Atlantico mari », l. 1). Cette mer (« continentem », l. 9), celui que constitue l’île de l’Atlantide
Atlantique est qualifiée de véritable mer (« vero mari », l. 9), (« Atlantis insula », l. 11), et autour duquel gravitent d’autres
car elle embrasse le cercle des terres à la différence du mare îles (« alias proximas insulas », l. 4). Enfin, la disparition de ce
internum. Dernier élément géographique réel mentionné est continent fabuleux s’explique par des phénomènes naturels,
le détroit (« fretum », l. 2), dont le texte souligne l’impropriété tremblement de terre (« terrae motu », l. 9-10), inondation
du nom, au regard de l’existence de l’Atlantide. En effet, la (« jugi... illuvione », l. 10) et dépression sous-marine (« gurgite »,
périphrase « Herculis columnae » (l. 3) donne à voir une porte, l. 11) qui font également partie du lexique géographique.

Comprendre
1. Dans le Timée et le Critias, Platon poursuit la discussion à scientifiques (la présence d’éléments fossiles, animaux
propos de la cité idéale initiée dans la République. Le mythe et végétaux communs entre les continents européen et
prend donc place au sein d’une réflexion politique dont le but américain, l. 14-15) qu’il conclut à la « vraisemblance » (l. 12) de
est de savoir quelle est la meilleure façon d’organiser une cité l’effondrement de l’Atlantide, espace terrestre qu’il suppose
et quelles qualités doivent posséder les citoyens. De fait, c’est être aussi grand que l’océan Atlantique (l. 12-13). Dès lors,
bien la confrontation de deux modèles de cité que le récit comment ne pas donner un fond de vérité au mythe quand
oppose. Platon fustige l’arrogance de la cité de l’Atlantide on sait que la terre a subi des modifications considérables
(« avec arrogance », l. 2, le texte grec emploie le terme ὕβρις). dans sa morphologie, à la suite de mouvements naturels
Quittant son aire géographique (« de l’extérieur du monde », gigantesques, tels que les tremblements de terre ou la
l. 4, « depuis l’océan Atlantique », l. 4-5), la cité l’Atlantide se montée et la baisse du niveau des mers ?
lance dans le projet démesurée d’ « asservir » (l. 13) le monde 2. Malgré des visées distinctes, Platon et Buffon font un
entier (« votre territoire, le nôtre et tous les peuples de ce même usage du mythe de l’Atlantide. Ils s’en servent
côté-ci du détroit », l. 14-15). Au moment où commence le tout à la fois comme point de départ de leur réflexion,
récit, elle a déjà envahi « l’Europe et l’Asie entières » (l. 3). politique ou scientifique, et comme élément de preuve.
Face à elle, se dresse la seule cité des Athéniens dont le La cité de l’Atlantide constitue pour Platon un contre-
prêtre égyptien salue le « mérite » et la « force » (l. 17). La exemple d’organisation politique. L’on peut aussi y avoir
victoire des Athéniens symbolise celle de la démocratie sur une dimension morale dans l’idée qu’il s’agit d’un modèle
un système monarchique (« une puissance royale », l. 9) dont à ne pas suivre. Le mythe fonctionne de fait comme une
le texte illustre l’inéluctable dégénérescence. Le cataclysme fable, avec son histoire et la leçon à tirer de son dénouement
final, en même temps qu’il est donné comme un châtiment dramatique et funeste. Même si Buffon semble d’abord livrer
divin (cf. Critias, 121c), permet d’inscrire le récit dans l’espace le mythe, puis, comme se doit tout bon scientifique, en faire
palingénésique du mythe. l’analyse, l’on sent que c’est à rebours de cette démarche qu’il
Quand Buffon évoque le mythe de l’Atlantide, il le débarrasse le convoque. Le mythe de l’Atlantide s’impose davantage
de sa dimension politique pour ne s’intéresser qu’aux aspects comme le moyen de prouver les changements considérables,
géologiques, conformément au sujet de son ouvrage visant à qui ont affecté la terre au cours de son histoire, que comme
examiner les Preuves de la théorie de Terre. Il ne cite du mythe sujet d’analyse scientifique. C’est d’ailleurs ce que confirme
que ce qui peut nourrir son approche naturaliste : la situation la phrase volontairement très générale qui précède l’extrait :
géographique de l’île mythique (l. 2 à 9) et sa disparition « [...] il est arrivé des changements brusques et subits par les
(l. 9-11). C’est d’ailleurs en s’appuyant sur des observations inondations et les tremblements de terre ».

prolongements

• Pour s’assurer de la compréhension des textes, il est possible de demander aux élèves d’imaginer une carte
sur laquelle ils figureront l’île de l’Atlantide. Pour les aider, on les invite à partir de celle proposée en p. 22.
• En s’inspirant du texte de Platon, on peut demander aux élèves d’inventer une île imaginaire à un autre endroit
autre que celui de l’Atlantide mais placé dans le monde tel que les Romains se le représentaient (cf. carte p. 22).
Selon une approche différenciée, le petit texte sera demandé en français, en français avec des mots latins incorporés,
ou complètement en latin. Les élèves peuvent s’aider du lexique de la p. 38 et du dictionnaire Olivetti présenté p. 19.

26 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


4 L’Atlantide retrouvée (p. 33)

L’extrait de Jules Verne et la planche de bande dessinée fournissent deux exemples


de réécritures qu’a suscitées le mythe fécond de l’Atlantide. C’est donc à ce processus
d’imitation et de recréation que les élèves sont amenés à réfléchir.

Informations supplémentaires
On connaît le rôle fondateur joué par Jules Verne dans le mariage de la science et du roman.
Le roman Vingt mille lieues sous les mers donne l’occasion de faire redécouvrir aux personnages
et aux lecteurs le mythe de l’Atlantide. La bande dessinée de Gary Gianni, parue en 2018, constitue
un second niveau de réécriture du mythe, puisqu’elle est une adaptation du roman de Jules Verne.
Il faudra bien attirer l’attention des élèves sur ce point.

Confronter
1. Jules Verne s’est attaché à restituer le cadre antique. Les édifices et, notamment celle des temples, rappelle l’arrogance
vestiges de la ville que découvrent les personnages sont de la cité évoquée par Platon, son caractère belliqueux semble
empruntés à l’architecture grecque – « temples » (l. 3), « arcs » atténué. Les « murailles » (l. 13) mentionnées par Jules Verne
(l. 3), « colonnes » (l. 4), « acropole » (l. 7-8), « Parthénon » sont relégués dans l’obscurité du bas de la planche.
(l. 8) – et, ce qui constitue un anachronisme par rapport au texte 2. La vision de l’Atlantide ravive les connaissances culturelles et
de Platon, romaine : « architecture toscane » (l. 5-6), « aqueduc » scientifiques du narrateur (il s’agit de Pierre Aronnax, professeur
(l. 7). Les infrastructures portuaires (l. 9-11) et défensives (l. 12-13) suppléant au Muséum national d’Histoire naturelle), à
rappellent la puissance commerciale (« vaisseaux marchands », commencer, bien sûr, par le souvenir de la lecture des dialogues
(l. 11) et militaire (« trirèmes de guerre » (l. 11-12), « murailles » de Platon, source du mythe (l. 35-38). En énumérant les auteurs
(l. 13) de la cité engloutie telle que la décrit Platon. En revanche, qui ont réfuté le mythe (l. 23-24), puis ceux qui l’ont admis
la comparaison avec la ville de Pompéi constitue un nouvel (l. 26-28), Jules Verne, à travers la pensée de son personnage,
anachronisme qui vise à éveiller l’imaginaire du lecteur. Dans la fait revivre les débats qu’a suscités le mythe chez les savants de
fin de l’extrait, Jules Verne propose, en guise de rappel, un bref l’Antiquité jusqu’à son époque. Toutes ces références donnent
et fidèle résumé du mythe (l. 30-34), tel que le raconte Platon. une sorte de caution scientifique au roman.
Enfin, en une sorte d’hommage au texte source, il cite les deux
3. Dans les deux documents, le lecteur et le spectateur sont
dialogues de Platon, le Timée et le Critias, dans lesquels la
associés au regard porté par les personnages. Comme eux, ils
paternité du mythe est attribué à Solon (l. 36-39).
sont comme aspirés par la vision inattendue et fascinante de la
La représentation que donne le dessinateur américain Gary
cité engloutie au fond de la mer. Le récit amène progressive-
Gianni (né en 1954) de l’Atlantide reprend le même pouvoir
ment à la révélation du mythe. Il fait d’abord parcourir au lecteur
évocateur que celui contenu dans le texte de Jules Verne.
les ruines (l. 1 à 15), puis lui fait partager les interrogations du
On y retrouve la même stupeur de la découverte et le même
narrateur (« Où étais-je ? Où étais-je ? », l. 16), et lui fait lire en
émerveillement chez les personnages, placés en position
même temps l’inscription en majuscules « ATLANTIDE » (l. 20).
de spectateurs, en haut à gauche de l’image. Le noir de leur
Gary Gianni est parvenu, lui aussi, à plonger le spectateur dans
silhouette cherche à confondre leur regard avec le nôtre
son dessin. Le caractère impressionnant du cadre (hauteur
dans une fascination commune (cf. le deuxième phylactère).
du première plan, collines, élévation des bouillonnements et
Les éléments décrits dans le roman se retrouvent, mais avec
de la concrétion en arrière-plan) et l’éclairage en clair-obscur
quelques variantes qui signalent une relecture personnelle du
crée une atmosphère propice au merveilleux. À la lecture du
texte. L’image donne bien à voir la vision d’une cité engloutie,
texte comme à la vue de l’image, le lecteur non seulement
moins « ruinée, abîmée, jetée à bas » (l. 1-2) que dans le texte
« ressuscit[e] » (l. 15) la cité disparue, mais la fait vivre en lui-
de Verne. Seul le centre de la ville est endommagé et le toit des
même, selon son propre imaginaire.
grands temples a disparu. L’architecture des bâtiments est plus
homogène, plus proche de l’original grec. Si la multitude des

prolongements

Il peut être demandé aux élèves d’appareiller le texte de notes pour expliquer toutes les références données par Jules Verne.
Le travail consistera dans une première phase de recherche à identifier les noms propres, puis à trouver la lecture
du mythe correspondant à chacun d’eux. Dans un second temps, les élèves rédigent les notices de façon synthétique.

pistes pour construire un portfolio


Le mythe de l’Atlantide fournit une matière riche (littérature, cinéma, bandes dessinées,
jeux vidéo...) pour la constitution d’un portfolio textuel ou iconographique.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 27


lecture Accueil et hospitalité : étrangers et exilés

1 Bienvenue à toi, ô étranger ! (p. 34)


La page vise à faire connaître l’importance de l’hospitalité dans l’Antiquité gréco-latine, à l’origine
de la tradition d’accueil commune à tout le bassin Méditerranéen. Les deux textes font découvrir
le rituel de l’hospitalité en permettant aux élèves de bien saisir le double sens du mot hospes.

TRADUCTION
Sans tarder, mon maître, portant avec lui un petit sac et des outres vides, s’installant à même mon dos
nu s’engage dans un trajet de soixante stades. Une fois cette distance de chemin parcourue, nous arri-
vons au domaine indiqué, et là, aussitôt, l’hôte, aimable, fait participer mon maître à un repas copieux.

Comprendre
1. Le rituel de l’hospitalité consiste d’abord à accueillir proposer le coucher, comme l’indique le mot « repos » (l. 5)
l’étranger, quel qu’il soit avant même de demander son nom. dans le texte d’Apulée. Eumée prépare à cette fin une couche
L’hôte prend généralement les mains du voyageur et le guide confortable (l. 3-4). Celui qui a été reçu se doit de recevoir
jusqu’à sa maison. C’est ce que fait le porcher Eumée. Il invite son hôte dès que l’occasion se présente, ce dont profite
le mendiant à pénétrer dans sa cabane (l. 1), tout comme le précipitamment (« nec moratus », l. 9) le maître du narrateur,
maître du narrateur, dans le texte d’Apulée, fait entrer chez lui dans le texte d’Apulée (l. 9 à 13). C’est le rituel du don et du
le bourgeois égaré « avec amabilité » (l. 4), bourgeois dont on contre-don.
ne nous dit pas le nom. Ensuite, l’hôte doit offrir un repas, si 2. Le porcher Eumée énonce clairement l’obligation sacrée
possible copieux, gage de respect et d’honneur. Le participe que représente le rituel de l’hospitalité. « Mépriser un hôte »
passé « rassasié » (l. 1) et l’expression « selon ton cœur » (l. 1) (l. 7), c’est connaître un acte sacrilège dans la mesure où tout
indiquent qu’Eumée se montre généreux envers l’étranger. visiteur est considéré comme « envoyé » par Zeus, quel que soit
Le bourgeois du texte d’Apulée a droit à moins de libéralité, son statut (« étrangers et mendiants », l. 8). L’assistance et les
comme l’indique la qualification négative « non confortable » biens que l’on apporte à un visiteur octroie la bienveillance du
(l. 5). À l’inverse, il offre en retour un copieux repas (« opipari dieu des dieux, cadeau éminemment plus inestimable que ce
prandio », l. 13) à son hôte quand il le reçoit. Une fois qui peut être offert. C’est le sens des derniers mots d’Eumée :
l’hospitalité dûment établie, l’hôte peut demander au terme « notre don est petit mais cher » (l. 8). À l’inverse, ne pas
du repas son identité au voyageur. Cette étape est seulement respecter les lois sacrées de l’hospitalité, c’est prendre le risque
annoncée dans l’extrait de l’Odyssée. Enfin, l’étranger se voit d’un châtiment terrible.

Interpréter
1. Dans les deux cas, l’étranger est accueilli favorablement. Le 2. Ulysse reconnaît en Eumée un hôte non seulement
porcher Eumée fait entrer le mendiant dans sa cabane (l. 1), lui respectueux des lois de l’hospitalité, voulues par Zeus, mais
aménage un endroit confortable (l. 3-4) et s’apprête à lui offrir sincèrement généreux envers le mendiant qu’il est. Eumée
un repas qui le restaure pleinement (l. 1). Le maître du narrateur n’hésite pas en effet à offrir sa propre couche (l. 4). Cet accueil
fait lui aussi bon accueil au bourgeois égaré (« avec amabilité », chaleureux et conforme au rituel est d’ailleurs salué par Ulysse
l. 4) et lui procure de quoi être réconforté du mauvais temps (l. 5-6). À l’inverse, le maître du narrateur, dans le texte d’Apulée,
et de son égarement dans la nuit : « il reçut le secours d’un s’il accueille avec amabilité le bourgeois, ne lui fournit que le
repos non confortable mais nécessaire. » (l. 5-6). Quand le « nécessaire » (l. 6). Il a manifestement moins le sens du partage
bourgeois reçoit à son tour le maître du narrateur, il est reçu de et du don que le porcher Eumée, pourtant tout aussi modeste
façon aimable (« comis », l. 13) et bénéficie d’un copieux repas que lui. Cette moindre grandeur d’esprit se confirme dans la
(« opipari prandio », l. 13). précipitation qu’il met à se faire rendre l’hospitalité (l. 9-11).

Lexique
1. L’expression « comis hospes » peut se traduire par « aimable ancien français (XIe s.) le même sens que celui d’« hôpital », puis
hôte ». il prit, au XIIIe s., le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Le mot
2. Le mot hospes a tout d’abord donné le mot « hôte » qui, « hospitalité » (« action d’accueillir des hôtes »), attesté au XIIe s.,
comme en latin est polysémique. Il peut désigner soit « la vient du mot latin hospitalitas, lui-même formé à partir de
personne qui donne l’hospitalité », soit « la personne qui la l’adjectif hospitalis. Sur le mot hospitium, dérivé d’hospes et
reçoit ». Le mot hospes a donné l’adjectif latin hospitalis, qui signifiant en latin « hospitalité » ou « logement d’un hôte », a
possède la même polysémie (« relatif à celui qui reçoit » ou été créé au XVIIe s. le mot « hospice » (maison que des religieux
« relatif à celui qui est reçu »). L’adjectif latin a donné le mot destinent à l’accueil des pèlerins, puis maison pour accueillir
« hôpital », qui désignait anciennement un lieu d’accueil pour des orphelins, des vieillards ou des infirmes). Enfin, notons que
les gens dans le besoin, puis pour les malades. Sont apparus le mot hospes a donné, de façon paradoxale, le mot « otage »
ensuite, au XIIe s., le mot « hospitalier » (« qui accueille volontiers dans le sens premier de « garant d’une promesse, d’un traité ».
des hôtes »), et au XIXe s. « hospitaliser » et « hospitalisation ». L’otage politique logeait en effet dans la maison de celui qui
L’adjectif latin hospitalis a également donné, parallèlement voulait s’assurer la bonne exécution de l’engagement pris par
au mot « hôpital », le mot « hôtel ». Le terme avait d’abord en le parti adverse.

28 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


prolongements

L’étude du rituel antique de l’hospitalité peut être prolongée par l’examen de sa permanence dans les sociétés
méditerranéennes. Il est une vertu dans le christianisme et l’islam. La comparaison entre hospitalité antique
et sa perpétuation dans le monde contemporain peut être traitée à travers la réalisation d’un portfolio.

2 Un crime contre l’hospitalité (p. 35)


L’anecdote racontée par Cicéron vise à donner un contrepoint particulièrement saisissant
au rituel de l’hospitalité. Pour dynamiser l’approche du texte, les élèves sont placés dans
la situation de l’enquêteur.

TRADUCTION
Quant à l’aubergiste […], comme il avait repéré l’un des voyageurs, bien sûr celui qui avait de l’argent,
la nuit, quand il sentit qu’ils dormaient déjà très profondément sous l’effet de la fatigue, il vint à eux
et tira de son fourreau le glaive placé à côté de celui des voyageurs qui était sans argent, tua l’autre,
lui déroba son argent, replaça le glaive ensanglanté dans le fourreau et retourna lui-même se coucher
dans son lit.

Informations supplémentaires
Dans son traité rhétorique sur l’invention (De inventione), Cicéron donne cette anecdote
comme exemple de cause à discuter dans le cadre du genre judiciaire. L’accusé est-il coupable
ou non ? Tel est l’enjeu du débat contradictoire.

Comprendre
Cette activité amène les élèves à lire le texte au moyen de l’aide lexicale sans le traduire.
Il s’agit d’une lecture-compréhension. Ils doivent entourer le mot « caupo » (l. 7) et/ou « aubergiste »
(l. 15) pour désigner le meurtrier, et le mot « gladium » (l. 8 ou 9) et/ou « glaive » (l. 11 ou 16).
Pour montrer la succession des gestes accomplis par l’aubergiste-assassin les élèves doivent entourer :
« accessit » (l. 8), « gladium… eduxit » (l. 9-10), « illum alterum occidit » (l. 9), « nummos abstulit » (l. 9),
« gladium cruentum in vagina recondidit » (l. 10) et « ipse se in suum lectum recepit » (l. 10).

Traduire
1. Le sujet de tous les verbes au parfait est au début de l’extrait à traduire à la ligne 7 : il s’agit
de « caupo » (l’aubergiste). Les parfaits à surligner sont : sensit (l. 8), accessit (l. 9), eduxit (l. 9), occidit (l. 9),
abstulit (l. 9), recondidit (l. 10), recepit (l. 10).
2. Penser à inviter les élèves à s’aider des mots outils dans le rabat.

Interpréter
1. Le crime commis par l’aubergiste est d’abord condamnable une tunique blanc cassé, ceinte à la taille et une cape de
moralement parce qu’il a pour seul motif l’appât du gain et couleur plus sombre, attachée à l’épaule. Ce type de manteau
qu’il est commis d’une façon particulièrement lâche. Il est aussi rectangulaire, qui pouvait être attaché de diverses manières à
condamnable d’un point de vue religieux, car il jette à bas les l’épaule, est une lacerna. L’absence de chaussures, la couleur
règles d’hospitalité. Ce sacrilège est d’autant plus abominable blanc sale de sa tunique, signalent son manque de ressources.
que le criminel est un aubergiste, autrement dit une personne Sa tenue et la présence d’un bâton laissent à penser qu’il
qui a fait de l’hospitalité son activité professionnelle. s’agit d’un voyageur ou d’un vagabond. La position assise de
2. Avant qu’ils émettent des hypothèses, les élèves sont invités la femme est sans doute celle habituellement exigée par son
à décrire la fresque. La femme porte une tunique blanc cassé activité. L’identité du personnage féminin est discutée : femme
à manches courtes, constituée d’une autre pièce de tissu blanc donnant une aumône à un mendiant, sorcière/magicienne
qui enveloppe sa poitrine et tombe sur son côté droit. La donnant une potion, femme donnant un verre d’eau à un
tunique cache ses genoux et ses pieds. Elle porte un chapeau à voyageur, diseuse de bonne aventure. En tout cas, l’image
bords larges et à sommet pointu, sans doute pour la protéger montre les difficiles conditions de ceux qui voyagent ou qui
du soleil. Elle tend la main pour remettre au personnage sont condamnés à errer par les rues ou sur les chemins.
masculin un objet (coupe d’eau ?). L’homme porte également
prolongements

Le texte peut donner matière à plusieurs activités orales. Les élèves peuvent, par exemple, l’apprendre et le dire
à plusieurs en ménageant le suspense. Ils/elles peuvent aussi s’en inspirer pour écrire un interrogatoire
avec questions et réponses en latin.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 29


3 L’expérience de l’exil (p. 36)
L’exil est abordé sous différents aspects dans cette page pour susciter la réflexion des élèves.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Texte de Cicéron : Après son rôle de premier plan lors de l’affaire Catilina en tant que consul,
L’exil n’est pas un châtiment, mais Cicéron devient de plus en plus isolé face à l’action des triumvirs (Pompée,
un refuge et un port pour le sup- César, Crassus). Il doit affronter seul en mars 58 av. J.-C., ses ennemis politiques,
pliant. En effet, parce qu’on veut à la tête desquels se trouvent le consul Gabinius et le tribun de la plèbe Clodius
Pulcher, lequel dépose une projet de loi punissant tout magistrat ayant fait
fuir une peine ou une calamité, là on
exécuter un citoyen sans jugement. C’est bien sûr Cicéron qui, pour avoir fait
change de sol, c’est-à-dire qu’on en exécuter les partisans de Catilina sans procès, est visé. Le 11 mars, Cicéron quitte
fait sa résidence et son lieu de séjour. Rome. Clodius fait détruire sa maison du Palatin. Le discours pour défendre
son client Cécina dans une affaire de succession a été prononcé par Cicéron
une dizaine d’années avant son exil. Nous ne savons rien de l’issue du procès.
Texte de du Bellay : En avril 1553, Joachim du Bellay accompagne comme secrétaire son oncle
Qu’est-ce que, de fait, l’exil sinon le cardinal du Bellay, chargé par Henri II d’une mission diplomatique à Rome,
d’avoir abandonné ses astres fami- alors le centre de la politique européenne. Malade (tuberculose pulmo-
liers, sa patrie et ses propres lares ? naire ?), atteint d’un début de surdité, engagé dans une succession difficile
à la mort de son frère (d’une quinzaine d’années son aîné, sous la tutelle
Pour la troisième année, le Soleil,
duquel il passa à la mort de ses parents), du Bellay suit donc son oncle
rapidement, a accompli sa révolu- à Rome, plein d’enthousiasme à l’idée d’y rencontrer les humanistes les
tion, depuis que je suis contraint de plus renommés et d’y découvrir enfin la Rome antique.
m’engager sur des routes si longues,
À Rome, du Bellay accumule les déceptions : « Je suis venu si loin, /
de passer ma vie, au loin, étranger,
Pour m’enrichir d’ennui, de vieillesse et de soin, / Et perdre en voyageant
sous des toits inconnus, et de ne me le meilleur de mon âge. », Les Regrets, sonnet XXXII. Parallèlement aux sonnets
souvenir qu’avec peine de mon cher écrits en français, dont on sait qu’il fera la promotion dans sa Défense et
Liré. illustration de la langue française, du Bellay compose aussi des poèmes en latin.
Ce choix s’explique par la volonté de participer au renouveau humaniste
dont la langue internationale est la latin. C’est aussi une façon de s’inscrire
dans la tradition de la poésie latine de l’exil (cf. Ovide).
Comprendre
1. Cicéron gagne par étapes Brindes où il embarque pour la 3. Cicéron est dans la situation du voyageur suppliant. Il
Grèce. Il débarque au port de Dyrrachium avant de rejoindre compte sur le réseau de relations de son ami Atticus, tissé dans
Thessalonique en Macédoine. Cicéron ne passera donc pas par le cadre de l’amicitia, valeur fondatrice de la société romaine,
l’Épire qui se situe le long de la mer Ionienne en Grèce du Nord. pour faciliter son voyage. Avoir Atticus avec lui, c’est lui garantir
2. Cicéron est victime d’un exil de nature politique. Il est le bon accueil que pourraient lui faire les amis de son ami
poursuivi par la vindicte de ses ennemis politiques parmi (« ta protection et celle de tes amis »), assurance non négligeable
lesquels se trouve Clodius qui a déposé « une proposition de loi » quand on sait qu’il est délaissé par les triumvirs, alors maîtres
l. 2) contre lui. Il doit donc s’exiler, ce qu’il désigne par le mot de la politique romaine.
euphémistique de « voyage » (l. 2). Voilà pourquoi il sollicite la
« protection » (l. 4) d’Atticus et de ses amis.

Interpréter
1. Cicéron présente de façon positive l’exil dans l’extrait de son l’angoisse d’un homme qui n’est plus une figure politique de
discours prononcé en faveur de son client Cécina. De façon premier plan.
paradoxale, il indique que l’exil n’est pas à vivre comme un 3. La priorité de Cicéron est d’échapper à la perte de son statut
châtiment (« supplicium » l. 1, « poenam » l. 2), mais comme le politique et donc civique au sein de la cité. Il s’inquiète de
moyen d’y échapper, ce que le souligne la double métaphore « la proposition de loi » (l. 2) qui le vise et sollicite des appuis
« perfugium, portusque supplici. » (l. 2). Par rapport à la (l. 4). Sa pensée est pragmatique, comme l’indique l’emploi
catastrophe (« calamitatem », l. 3) que représente une peine du mot « intérêt » (l. 1). Il cherche à rendre ses conditions
civile, l’exil offre un nouveau lieu de résidence sécurisé d’exil les meilleures possibles. Du Bellay, quant à lui, vit très
(« sedem », l. 4). Cette approche théorique contraste avec le ton douloureusement l’éloignement de ses proches et de sa terre
inquiet de la lettre de Cicéron. L’expérience vécue de l’exil lui natale. Un réseau de mots donne à sentir la nostalgie qui étreint
en donne une toute autre vision. La demande de protection le poète : la métaphore « sidera nota » (v. 1), le renforcement par
qu’il formule suppose que l’exil n’est pas le lieu aussi sûr qu’il l’adjectif « proprios » (v. 2) du mot emblématique du foyer « lares »
le décrit dans l’extrait de son discours. (v. 2), et le sens affectif du déterminant possessif « mei » (v. 6)
2. Les élèves doivent conclure assez facilement que la lettre pour signifier son attachement à son village natal. Le sentiment
a été écrite avant le discours. De fait, une dizaine d’années d’un temps qui passe lentement (v. 3) et l’éloignement
sépare les deux textes. Le premier est marqué par l’assurance (« longas... vias », v. 4) en des lieux inconnus (« ignotis… tectis »,
d’un homme politique en plein cursus honorum, le second par v. 5) redoublent la douleur que provoque l’exil.

30 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


Traduire
1. Tous les verbes principaux des deux textes sont au présent celui d’une vérité générale, mais un présent d’énonciation qui
de l’indicatif. Le présent des verbes du texte de Cicéron sont rend compte d’une expérience douloureuse. Toutefois, en
des présents de vérité générale. Cicéron propose en effet une faisant partager au lecteur la nostalgie du poète pour sa patrie
définition (« exsilium... est », l. 1) de l’exil qu’il donne comme et ses proches, ce présent d’énonciation revêt lui aussi une
universelle. Même si du Bellay semble proposer, lui aussi, dimension universelle.
une définition de l’exil pour répondre à la question qui ouvre 2. Il faudra sans doute aider les élèves à identifier les
l’extrait (« quid namque exolium est… ? », v. 1), la description interrogatifs (quid, quam) du poème de du Bellay.
qu’il en donne apparaît plus personnelle. Le présent n’est pas

prolongements

Il peut être demandé aux élèves de proposer leur propre définition de l’exil, en français, en français avec des mots latins
incorporés ou en latin, selon une approche différenciée. Une mutualisation des définitions peut constituer une séance
d’oral dynamique : chacun lit sa définition (éventuellement la traduit, si elle est écrite exclusivement en latin) et l’explique.

4 Difficile passeport pour l’exil (p. 37)


L’exil reste, hélas, un sujet d’actualité. Les documents proposés visent à élargir et à nourrir la réflexion
sur cette question initiée à partir des textes de la page de gauche. L’extrait du roman du contemporain
Louis-Philippe Dalembert et le dessin de Plantu ne manqueront pas de faire réagir.

Confronter
1. La Méditerranée est d’abord pour Dima un milieu inconnu, la Méditerranée. La précarité de sa situation contraste par la
une vaste étendue, par rapport à laquelle l’île de Lampedusa fermeté de la terre ferme symbolisée par les deux chaises sur
semble « un grain de sable » (l. 1-2) et l’Italie un horizon bien les dossiers desquels sont figurées les cartes de la France et de
lointain (l. 2). La Méditerranée est ensuite un milieu hostile l’Afrique.
qu’elle appréhende. Elle ne semble pas très confiante dans 3. Dans la lettre de Cicéron, le poème de du Bellay, l’extrait
les « prévisions maritimes » (l. 5), d’autant qu’elle n’a « jamais du roman de Louis-Philippe Dalembert et le dessin de Plantu,
pris de bateau de sa vie » (l. 6-7). Voilà pourquoi elle a « glissé l’exil est vécu douloureusement. L’exilé éprouve tout d’abord
des cachets contre le mal de mer dans son sac à main. » (l. 12). le sentiment profond d’être un étranger. Du Bellay le ressent
La Méditerranée est aussi le lieu de l’illégalité pour « rejoindre très intensément. Le mot peregrinus est fortement mis en
l’Europe par des voies clandestines » (l. 11), un passage évidence au milieu du vers 5. La détresse du personnage de
cependant obligé vers la promesse d’un « meilleur avenir » Plantu fait bien percevoir aussi ce sentiment de déracinement.
(l. 19). De fait, Dima imagine qu’elle sera relativement bien Si le narrateur du roman ne le décrit pas explicitement, il donne
accueillie dans « un pays du nord de l’Europe » (l. 18), en tant à le percevoir à travers l’évocation du périple forcé de Dima et
que « réfugiée de guerre » (l. 17). Du moins, c’est ce qu’on lui de sa famille, contrainte de fuir Alep pour Damas, puis Damas
a dit : « ces sociétés étaient, paraît-il, plus tolérantes envers les pour la Tunisie, avant de rejoindre l’Europe. Au sentiment
musulmans. » (l. 19). d’être étranger, s’ajoute l’angoisse. Cicéron est inquiet pour
2. Rappelons que l’adjectif mediterraneus, signifiant « qui sa sécurité (l. 3-4), tout comme Dima, qui est à la merci des
est au milieu des terres », se trouve associé au mot mare passeurs dont elle se méfie (l. 5-6, 21-23). Le personnage du
seulement au IIIe s. ap. J.-C. dans le De mirabilibus mundi du dessin de Plantu est perdu, prêt à sombrer d’hébétude et
grammairien géographe Solinus. C’est Isidore de Séville qui d’épuisement. Ces sentiments sont amplifiés par la perception
au début du VIIe s. lance la généralisation du terme. Le grand négative du temps et de l’espace. Du Bellay (v. 3-4), comme
écart accompli par l’émigré donne à voir cette zone du milieu, Dima (« Chaque heure paraissait une semaine », l. 14), ressent le
cet endroit intermédiaire, que représente la Méditerranée temps comme immobile. Cicéron redoute de traverser l’Épire
séparant l’Europe de l’Afrique. Cet espace maritime semble (l. 1) comme un pays hostile. Quant au personnage de Plantu, il
infranchissable. L’émigré, suffisamment stylisé pour que est suspendu dans le vide. Dans les quatre documents, l’accueil
l’on y reconnaisse aussi bien un Maghrébin qu’un homme est un horizon très flou. Il est très incertain pour Cicéron et
issu de l’Afrique noire, est comme paralysé, au-dessus de la Dima, comme l’indique l’emploi du futur et du conditionnel.
Méditerranée, comme au milieu d’un gué infranchissable. L’accueil fait à du Bellay ne lui fait pas oublier le lieu natal. Enfin,
À travers ce dessin de presse, Plantu dénonce la difficulté et il est inexistant dans le dessin de Plantu.
les dangers que représente pour un africain la traversée de

prolongements
On peut inviter les élèves à réinvestir les acquis sur le rituel de l’hospitalité pistes pour construire un portfolio
dans un travail d’écriture. Ils/elles choisissent l’un des personnages des documents Le poème de du Bellay pourrait constituer un
(Cicéron, du Bellay, Dima, le personnage de Plantu), puis imaginent l’accueil point de départ pour un portfolio intertextuel
qui pourrait lui être fait conformément à l’esprit qui préside à l’hospitalité antique. qui comparerait un ou deux Poemata avec
Ils/elles pourront bien sûr s’appuyer sur l’accueil chrétien ou musulman, héritier un ou deux sonnets des Regrets.
de cette longue tradition.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 31


au cœur des mots p. 38-39

Étymologie

Mots latins Mots français Mots étrangers


obvius, a, um : qui se trouve sur obvier à : parer à trivial (allemand, anglais,
le passage, qui va au-devant de trivial : courant ; vulgaire espagnol, catalan, portugais)
trivium, ii, n. : carrefour viatique : argent, triviale (italien)
viaticum, i, n. : provisions, argent provisionspour le voyage vehikel (néerlandais)
de voyage véhicule : moyen de transport vehicle (anglais)
via, ae, f. : chemin, route, voie vehículo (espagnol)
vehiculum, i, n. : moyen de transport, veicolo (italien)
véhicule

veho , is, ere, vexi, vectum : transporter

Mot latin Mots étrangers


vector, oris, m. : celui qui transporte vektor (allemand)
ou qui est transporté, passager vector (anglais et espagnol)
Mots français vettore (italien)
vecteur bektop (russe)

activité 1
Dans l’ordre d’apparition, sont à placer mundus, mare préciser un espace maritime, les Romains lui adjoignent un
oceanum, orbem terrarum. adjectif. L’adjectif oceanum renvoie à la mer extérieure qui fait
Comme le mot grec équivalent et cité dans le texte (κόσμος, le tour du monde connu, par opposition au mare internum (la
l. 2), mundus désigne l’ordre de l’univers. Il est donc porteur Méditerranée), subdivisé en d’autres espaces maritimes plus
d’une idée d’organisation. C’est bien dans ce sens que restreints (mare Ionium, mare Hadriaticum, mare Tyrrhenum…).
l’emploie Ampelius. Le mundus est la totalité des quatre L’expression orbis terrarum désigne de façon très visuelle la
éléments (« universitas rerum »), agencés selon un ordre manière dont les Romains se représentaient le monde connu.
déterminé qui lui donne sa forme. Ils le voyaient comme une bande de terres en forme de demi-
Le terme mare désigne la mer dans un sens général. Pour cercle enroulé autour de la Méditerranée (cf. carte p. 22).

activité 2
Le mot natio vient du verbe nascor qui signifie « naître ». Il enfin « honorer ». C’est dans ce dernier sens qu’il est employé
désigne ici « l’ensemble des individus nés à la même époque ici. Il faut donc traduire le verbe colunt par « honorent ».
et dans un même pays », en l’occurrence en Gaule au moment Mercure est un dieu à consulter pour tous ceux qui envisagent
où César entreprend sa conquête. Il faut donc préciser que de voyager sans s’égarer. Le voyage implique d’emprunter
le mot latin n’a pas le sens politique du mot français qui en des routes, sens du mot « viarum » et de suivre d’une façon
est issu. Pour éviter toute confusion, il vaudrait donc mieux général de bons chemins, de bons itinéraires, sens du mot
traduire l’expression comme suit : « L’ensemble des peuples « itinerum ». Le mot iter vient du verbe eo et indique un
[des Gaulois] ». mouvement d’avant. Le mot via (route) est quelque sorte la
Le verbe colo signifie d’abord « cultiver », puis « habiter » et manifestation concrète du mot iter (chemin).

activité 3
Le passage décrit bien les valeurs sur lesquelles les Romains fait allusion Cicéron. L’adverbe « sancte » (l.3) rappelle que le
construisent leur réseau au sein de la société romaine. rituel d’hospitalité est un devoir sacré, car placé sous l’autorité
L’amicitia, ici désignée par le terme de « necessitudo » (l. 2), est de Zeus-Jupiter. Mais, ce qui rend plus forte encore la relation
ce lien très étroit qui unit deux individus et les engage dans entre Lyson de Patras et Cicéron, c’est que la « necessitudo »
une assistance réciproque. L’« hospitium » (l. 2) consolide ces est devenue « familiaritas » (l. 4 et 7). La proximité des deux
liens d’amitié entre hôtes (« hospite », l. 5) par la pratique du hommes est telle qu’ils ont le sentiment de faire partie de la
don et du contre-don, les bons offices (« officiis », l. 5) auxquels même famille.

32 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


grammaire Les déclinaisons latines p. 40-41 memento

G p. 143
La page vise à fédérer les groupes de latin souvent hétérogènes en début de seconde.
Il fait découvrir de façon progressive le système flexionnel. Au collège, les élèves ont découvert,
mémorisé et manipulé les déclinaisons latines. L’on peut passer directement à l’étape 2,
si le groupe ne compte pas de grands débutants.

étape 1 • Les différences sont les suivantes :


• terra : féminin – nauta : masculin – castra : neutre - les nominatif et vocatif sont variables pour les
imparisyllabiques, en is (m/f), al/ar (neutre) pour les
étape 2 parisyllabiques ;
• Les mots sont donnés au dictionnaire au nominatif. - l’ablatif singulier est en -i pour les neutres parisyllabiques ;
•mundus, i, m. : deuxième déclinaison – situs, us, m. : quatrième - les nominatif et vocatif pluriels neutres sont en -ia pour les
déclinaison – latus, eris, n. : troisième déclinaison. parisyllabiques, en -a pour les imparisyllabiques ;
• L’élément qui permet de connaître la déclinaison d’un mot - le génitif pluriel est en -ium pour les parisyllabiques et
est le génitif. en -um pour les imparisyllabiques.

étape 3 Pour aller plus loin


• Les mots orbis et mare ont le même nombre de syllabes Les mots urbs et animal comptaient une syllabe de plus
au nominatif avant de la perdre (urbis et animale). La
au nominatif et au génitif singulier, tandis que les mots
regio et iter ont une syllabe de plus au génitif singulier qu’au différence de syllabes entre le nominatif et le génitif n’est
nominatif singulier. donc que le fait de l’évolution de la langue. Voilà pourquoi
ces mots se déclinent comme les parisyllabiques. Ce sont
• Les mots qui ont le même nombre de syllabes aux nominatif en quelque sorte de faux imparisyllabiques, appellation
et génitif singulier sont appelés parisyllabiques, les autres que l’on trouve dans certaines grammaires.
imparisyllabiques.

Réponses aux exercices

1. piscis, is, m. : 3e déclinaison – liquor, oris, n. : 3e déclinaison – cursus, us, m. : 4e déclinaison –


profundum, i, n. : 2e déclinaison – aqua, ae, f. : 1re déclinaison – fons, fontis, m. : 3e déclinaison.

2.
Genre Génitif sg. Déclinaison
portus masculin portus 4e déclinaison

pelagus neutre pelagi 2e déclinaison

Ægyptus féminin Ægytpti 2e déclinaison

litus neutre litoris 3e déclinaison

Oceanus masculin Oceani 2e déclinaison

Nilus masculin Nili 2e déclinaison

3. humus, i, f. (accusatif singulier) : 2e déclinaison – humum 4. Mers : sujet – Océan : attribut du sujet – contours : sujet
collis, is, m. (accusatif pluriel) : 3e déclinaison – colles inversé – monde : CDN du nom « contours ».
ager, agri, m. (ablatif singulier) : 2e déclinaison – agro • Maria majora sunt Oceanus et Atlanticum, quibus orbis
mons, montis, m. (génitif pluriel) : 3e déclinaison – montium nostri terminantur anfractus.
materies, ei, f. (ablatif singulier) : 5e déclinaison – materie
aequor, oris, n. (nominatif pluriel) : 3e déclinaison – aequora 5. Terrarum : CDN du nom orbis – orbis : sujet – partes : CC de
tellus, uris, f. (datif singulier) : 3e déclinaison – telluri lieu – Europam : nom apposé au nom partes – Asiam : nom
latus, eris, n. (accusatif singulier) : 3e déclinaison – latera apposé au nom partes – Africam : nom apposé au nom partes.
• Tout le cercle des terres est divisé en trois parties, l’Europe,
l’Asie, l’Afrique.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 33


grammaire Les déclinaisons latines p. 42-43 memento

G p. 149-154
La page vise à fédérer les groupes de latin souvent hétérogènes en début de seconde.
Il fait découvrir de façon progressive la morphologie verbale. Au collège, les élèves ont découvert,
mémorisé et manipulé les conjugaisons latines. L’on peut passer directement à l’étape 2,
si le groupe ne compte pas de grands débutants.

étape 1 étape 2
Les terminaisons communes sont : Radical du présent : l’on doit retirer la terminaison en -as (1re),
- 1re : les terminaisons actives en -o, -as, -are ; et passives en en -es (2e), en -is (3e, 3e mixte, 4e).
-or, aris, ari. Radical du parfait : l’on doit retirer la terminaison en -i.
- 2e : les terminaisons en -eo, -es, ere ; et passives en -eor, eris, Radical du supin : l’on doit retirer la terminaison en -um.
eri.
- 3e : les terminaisons en -o, -is, -ere ; et passives en -or, eris, i. étape 3
- 3e mixte : les terminaisons en -io, -is, -ere; et passives en -ior, vivo : radical du présent
eris, i. vivebam : radical du présent
- 4e : les terminaisons en -io, is, -ire ; et passives en -ior, iris, iri. vivam : radical du présent
vixi : radical du parfait
vixeram : radical du parfait
vixero : radical du parfait

Réponses aux exercices

1. Conjugaison Forme
maneo, es, ere 2e manebis
pervenio, is, ire 4e perveniebas
peragro, as, are 1e peragramur
linquo, is, ere 3e linquuntur

2. Temps Personne Voix


navigabantur imparfait 3 epl.
e
............. passive
appellemur futur 1.............
re
epl. passive
flectunt présent 3 epl.
e
............. active
laberis présent 2.............
e
esg. passive
sidebatis imparfait 2 epl.
e
............. active

3. Les mots à replacer sont dans l’ordre d’apparition : jubet – des personnages, comme ici l’interpellation du pilote à Énée
obliquat – fatur – fremunt – consurgunt – cogitur – sufficimus (cf. les sept derniers présents : fremunt, consurgunt, cogitur,
– superat – vocat – reor. sufficimus, superat, vocat, reor).
• L’Énéide est l’épopée nationale écrite par Virgile. Elle relate le • Les verbes spondeat, sperem correspondent, au regard de
périple d’Énée de Troie au Latium où il doit fonder la nouvelle la traduction française, à l’expression de l’irréel du présent
Troie. Le récit est le plus souvent au passé. Mais pour faire (exprimé au subjonctif en latin). Les verbes sequamur
vivre l’intensité dramatique de certains passages, Virgile et vertamus sont traduits en français par les impératifs
emploie le présent narration (cf. les trois premiers présents : « suivons-la et changeons » (l’ordre est exprimé ici en latin par
jubet, obliquat, fatur), ou transcrit en style direct les paroles le subjonctif).

34 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


grammaire Hic, iste, ille p. 44-45 memento

G p. 145
La page fait découvrir deux points grammaticaux fréquemment rencontrés dans les textes
latins et souvent délicats à traduire : les démonstratifs hic, iste, ille et leurs différents emplois,
ainsi que l’ablatif, cas correspondant à bon nombre de compléments circonstanciels en français.

étape 1
• La terminaison du génitif singulier est en -ius et celle du datif en -i.
• Les terminaisons du datif et du génitif pluriel est -is.

étape 2
• Le démonstratif hic indique une proximité dans l’espace et le temps, le démonstratif iste
une mi-distance, le démonstratif ille un éloignement.
• Les démonstratifs hic et iste peuvent être traduits par des possessifs.

Pour aller plus loin


Le démonstratif iste peut revêtir une valeur péjorative ; le démonstratif ille une valeur
méliorative ou laudative.

Les compléments circonstanciels à l’ablatif memento

• L’ablatif est le cas par lequel le latin exprime la plupart des circonstances qui précisent une action. G p. 142
En l’occurrence, les ablatifs expriment dans l’exemple le lieu (in via), l’accompagnement (cum amico),
la cause (metu), le moyen (pedibus), la manière (prudentia).

Réponses aux exercices

1. Genre Nombre Cas Transformation


Haec Romana fém./neutre sg./pl. N./N.-Acc. Hae Romanae/Hoc Romanum
Isto Ægyptio masc./neutre singulier Ablatif Istis Ægyptiis
Illorum Gallorum masc./neutre pluriel Génitif Illius Galli
Has Asiaticas féminin pluriel Accusatif Hanc Asiaticam
Illi Britannae/Illa Britanna
Illis Britannis fém./masc./neutre pluriel D./Abl.
Illi Britanno/ Illo Britanno

2. Haec ex Africa exit fame . Celle-là a quitté l’Afrique en raison de la famine.


Peragrabatis isto equo totam Siciliam. Vous parcouriez toute la Sicile avec ce cheval.
Videre volo cum fratre hujus illam Ægyptum. Je veux voir cette fameuse Égypte avec mon frère.
Ille manebit in Asia ista regione . Celui-là restera dans cette région de l’Asie.
In Italia amore illius manebimus. Nous resterons par amour pour lui en Italie.

3. - La foudre est venue s’abattre de ce puissant palais sur ma tête.


- J’ai mérité cet/mon exil en raison de ma légèreté.
- Celle-là/Elle aggrave mes tourments ; celle-là/elle les allège :
elle les aggrave par ce fait qu’elle est absente : elle les allège par le fait qu’elle me donne de l’amour.
- Peut-être un jour moins sévère pour nous et pour lui,
César, avec le temps, sera vaincu.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 35


r
L ' A T E L I E R du traducteu p. 46-47

Apulée décrit le monde habité

Le texte proposé permet de réinvestir les acquis culturels sur le biais de l’analyse logique que le travail de traduction
la représentation du monde selon les Romains, le lexique et s’enclenche. Un temps est ensuite consacré au vocabulaire,
les points grammaticaux abordés dans le chapitre. relativement transparent dans l’extrait. Les étapes 2 à 4
Parce qu’il ne pose pas de difficulté dans la saisie globale de sont interchangeables, ce qui permet de mettre en place
son sens lors d’une première lecture, le texte permet, dès des groupes de travail différents au sein de la classe, ou
ce premier chapitre, de confronter les élèves à une phrase d’envisager le travail selon une approche différenciée.
complexe, fréquente dans les textes latins. C’est donc par

étape 1
- Quis dicit ? (le destinateur) : l’auteur du texte, Apulée.
- Cur dicit ? (ses intentions) : décrire le monde connu au temps des Romains.
- Cui dicit ? (le destinataire) : au lecteur curieux de géographie.
- In quo opere dicit ? (le genre du texte) : dans un ouvrage théorique à visée didactique.

étape 2
PHRASE 1
Proposition principale
In divisione terrarum orbis Asiam et Europam et cum his vel [...], praeterea Africam accepimus.
Subordonnée circonstancielle de comparaison
(même verbe que la principale, mais sous-entendu)
sicut plures [geographi] (Le verbe sous-entendu est acceperunt).

PHRASE 2
Première proposition indépendante
Europa ab Herculis columnis usque Ponticum et Hyrcanium mare ac flumen Tanain fines habet.
Seconde proposition indépendante juxtaposée
qui comporte deux verbes principaux coordonnés

première partie de la proposition avec reprise seconde partie de la proposition reliée


sous-entendue du verbe et de son COD à la première partie par le coordonnant -que.
de la première proposition indépendante. constringiturque Oceani cingulo et societate nostri maris.
Asia ab isdem angustiis Pontici maris usque ad alias angustias.

une subordonnée relative se rattache à cette première partie.


quae inter Arabicum sinum et interioris ambitum pelagi jacent.

étape 3 étape 5
sicut : comme – praetera : en plus – usque : jusqu’à – Dans la division du cercle des terres, nous avons compris
angustiae, arum, f. : défilé, (ici) détroit – usque ad = l’Asie et l’Europe, et avec elles aussi, comme la plupart [des
usque – sinus, us, m. : golfe – pelagus, i, n. : haute mer – géographes], l’Afrique en plus.
ambitus, us, m. : pourtour – jaceo, es, ere, jacui, citurus :
s’étendre – constringo, is, ere, constrinxi, strictum : enserrer –
L’Europe a ses frontières des colonnes d’Hercule jusqu’à la
cingulum, i, n. : ceinture mer Pontique, Hyracanienne et au fleuve Tanaïs,
l’Asie a ses frontières du même détroit de la mer Pontique
étape 4 jusqu’à l’autre détroit
- l’Asie et l’Europe, et avec elles aussi […] l’Afrique en plus qui s’étend entre le golfe d’Arabie et le pourtour de la mer
- jusqu’à la mer Pontique, Hyracanienne et au fleuve Tanaïs intérieure,
- entre le golfe d’Arabie et le pourtour de la mer intérieure
- par l’Océan et la communauté de notre mer (= par la mer et elle est enserrée par l’Océan et la mer que nous avons en
que nous avons en commun) commun.

36 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


fo lio
construire mon port p. 48-49

Diptyque iconographique
Le Nil, fleuve emblématique de la Méditerranée, lieu de moderne, un tableau du peintre Paul Klee évoquant son
l’épanouissement de l’une des plus grandes civilisations séjour en Égypte. L’étude comparée des deux représentations
antiques, constitue un sujet qui permet d’aborder, de du Nil amène les élèves à comprendre la permanence de la
façon concentrée, tous les thèmes du chapitre (la diversité fascination exercée par l’Égypte sur l’imaginaire occidental.
des peuples, l’exotisme, le voyage, l’accueil de l’autre). Le Le premier exemple de portfolio proposé à la réalisation est
diptyque proposé met en résonance une mosaïque et une donc un diptyque iconographique, plus accessible en début
peinture, l’une antique présentant une scène nilotique, l’autre de seconde, parce qu’il invite à manipuler des images.

a ÉTAPE 1 : Voir l’introduction.

a ÉTAPE 2 : Les scènes nilotiques sont un thème fréquent Description de la mosaïque : N’a été reproduit qu’un
de la peinture et de la mosaïque romaines. Elles témoignent fragment du vaste tableau que constitue cette mosaïque
de l’influence de cet orient exotique et fascinant que (5,85 m sur 4,31 m) qui montre le Nil en crue. Il s’agit de la
représente l’Égypte. Elles visent aussi, par contraste, à plus ancienne scène nilotique que nous ayons retrouvée.
affirmer la culture romaine. D’ailleurs, les représentations Elle met en scène des tableaux de la vie égyptienne dans
égyptisantes, loin d’être fidèles, sont des reconstructions une flore et une faune caractéristiques. Le fragment retenu
selon un point de vue romain. montre une longue barque surmontée d’un abri, conforme
aux modèles retrouvés dans les tombes égyptiennes. À
Les mosaïques sont réalisées à partir de petits cubes de
son bord, des rameurs, deux hommes en station debout
couleur, appelés tesselles (opus tessellatum). Par l’affinement
(soldats ? pilotes ?) et un homme qui semble vouloir
de leur technique et le choix de leurs sujets, les mosaïstes
sortir de l’abri. En bas à gauche, on devine une tonnelle
cherchèrent à rivaliser avec la peinture.
que pointent du doigt deux personnages. La flore (joncs,
La mosaïque, comme la peinture, avait trois fonctions : une nénuphars) et surtout la faune (hippopotames, crocodile et
fonction pratique (niveler le sol d’un support facilement ibis ?) permettent clairement d’identifier le Nil. Les couleurs
nettoyable), un rôle esthétique (embellir la maison) et (les bleus, les verts, les marrons), le mouvement des eaux et
surtout une fonction sociale (montrer sa culture, sa richesse des êtres vivants, font vivre la scène de façon réaliste.
et son rang social).
https://egyptophile.blogspot.com/2015/09/mosaique-de-
L’œuvre du peintre suisse Paul Klee (1879-1940) est riche par
scenes-sur-le-nil.html
la grande variété de ses sources, de ses thèmes d’inspiration
et de ses formes. Parallèlement à une carrière d’enseignant Description du tableau de Paul Klee : Le Nil est rappelé par
(au Bauhaus de Weimar de 1920 à 1931, puis à l’Académie le nénuphar au bas de la toile et la forme de la barque. On
des Beaux-arts de Düsseldorf de 1931 à 1933), Klee n’a y distingue des rameurs et un pilote maniant le gouvernail.
jamais cessé de peintre. Il profite de ses vacances pour Les différents bleus évoquent aussi le fleuve. Les signes qui
voyager principalement dans le bassin méditerranéen qu’il jalonnent la toile font penser à des hiéroglyphes. Le fond
affectionne pour ses couleurs. Le voyage qu’il effectue en est constitué de formes géométriques, le plus souvent
Égypte du 17 décembre 1929 au 17 janvier 1930, lui laisse rectangulaires, formant une sorte de patchwork.
des impressions qui influencent la dernière période de son Lire aussi la description d’Annie Paradis, « À l’écoute de
œuvre, marquée par la maladie attaques de sclérodermie) Paul Klee, Les choses sont-elles (aussi) corps de violons ? »,
et l’image de la mort. Ses toiles deviennent de plus en plus septembre 2009 https://journals.openedition.org/terrain/
métaphysiques : les motifs figuratifs occupent une place 13761
réduite au profit des notations hiéroglyphiques réalisés en
larges traits.

a ÉTAPE 3 : Les deux représentations donnent une image On ne sait si Paul Klee a vu la mosaïque de Palestrina.
apaisée du Nil. Animaux et hommes semblent vivre en Toutefois, les élèves ne manqueront pas de rapprocher les
harmonie dans une nature généreuse. Le mouvement qui quadrilatères qui constituent le fond du tableau des tesselles
anime les deux œuvres invite à la détente, à la rêverie. de la mosaïque. Un autre rapprochement est possible
entre la présence de scènes religieuses sur l’ensemble de
Ce qui apparaît de façon centrale dans les deux repré-
la mosaïque et l’image de le mort que rappelle la barque.
sentations c’est l’exotisme et la fascination pour la civilisation
On songe à la barque solaire de Khéops découverte en 1954
égyptienne. De fait, l’égyptomanie en Occident commence
dans la nécropole de Gizeh. La barque, dans le contexte
dès l’époque romaine. Ce qui diffère à l’évidence tient dans
gréco-latin, fait penser aussi à celle du nocher Charon.
la tendance à l’abstraction chez Klee qui contraste avec
Dans tous les cas, l’on perçoit dans le tableau de Klee cette
l’intention réaliste de la mosaïque. Les hommes sont aussi
réflexion métaphysique, emplie de lumière et de sérénité,
plus présents dans le tableau que dans la mosaïque.
sur les mystères de l’existence.

Méditerranée : voyager, explorer, découvrir • 37


Proposition de critères d’évaluation

« L’évaluation du portfolio peut se faire par étapes et porter, au libre choix du professeur,
sur l’élaboration, la production finale ou la présentation orale. » B.O.
Voici une proposition de critères d’évaluation pour chaque étape du travail, de l’élaboration
à la production finale.

En amont de la confrontation
Savoir répertorier (bibliographie et sitographie), sélectionner, lire et prendre en notes
les documents trouvés
Savoir contextualiser de façon précise les œuvres
Savoir analyser de façon détaillée les œuvres
Être capable d’émettre des hypothèses interprétatives
Savoir confronter ses impressions aux commentaires scientifiques
Pendant le travail comparatiste
Savoir sélectionner et fixer des critères de comparaison
Savoir mener de façon précise la confrontation
Savoir dégager des lignes de force pour organiser la comparaison
Pendant la réalisation
Savoir opérer des choix pour faire ressortir les éléments retenus de la confrontation
Savoir tenir compte du format imposé (cf. p.138)
Être capable de choisir une organisation claire et dynamique
Faire preuve de créativité

faire le bilan du chapitre


Ce temps de bilan permet de faire le point sur la compréhension et les acquis des élèves
sur la chapitre. Sa réalisation parachève l’appropriation de l’objet en amenant les élèves
à le mettre en perspective. Il prépare ainsi les élèves qui choisiront la spécialité en classe
de première, notamment à l’exercice de l’essai.
On attend bien sûr que les élèves suivent la démarche formelle indiquée. Ils/elles doivent aussi
savoir aborder avec pertinence et justesse les connaissances acquises, notamment celles relatives
aux mots-concepts. On veille à la manière dont les élèves font dialoguer les documents travaillés
ou lus au cours du chapitre. Les parties du plan peuvent être inspirées par les sous-thèmes
de l’objet d’étude. Enfin, un soin particulier doit également être apporté à l’expression
et à la correction de la langue.

38 • Méditerranée : voyager, explorer, découvrir


CHAPITRE
2 L´homme et l´animal

ouverture p. 50-51

La question animale est au cœur des préoccupations du s’interroger sur la nature même de l’homme. Des mosaïques
monde contemporain. Dès lors, il paraît tout à fait opportun antiques enrichissent ce questionnement.
et motivant d’amener les élèves latinistes à examiner la
nature du regard porté par les Romains sur les animaux, • Regards de l’homme sur l’animal : animaux réels,
les relations qu’ils établissent avec eux, les réflexions et les animaux fabuleux ; encyclopédies et bestiaires :
créations qu’ils leur inspirent. Car réfléchir sur l’animal, c’est dès l’Antiquité, des penseurs approchent le monde animal
aussi « s’interroger sur sa condition ». de façon naturaliste. Les animaux fournissent la matière à
des ouvrages scientifiques, « encyclopédies et bestiaires ».
• L’homme, un animal comme les autres ? : une Le choix de la baleine permet d’autant mieux de rendre
première double-page, à travers trois textes, présentés sous compte de ce premier travail de description scientifique que
des appareillages différents, montre que les Grecs et les le plus gros mammifère nourrit peurs et fantasmes, comme
Romains non seulement ont conscience des ressemblances le montre la légende d’Andromède mise en regard de deux
physiologiques entre l’homme et l’animal, mais qu’ils les extraits théoriques. La même ambivalence de l’homme à
interrogent. Il en va de même pour l’intelligence animale. Les l’égard de l’animal est traitée à travers la confrontation entre
élèves sont amenés à prolonger le débat antique établi entre un extrait antique qui fait l’éloge du chien et deux extraits de
Cicéron et Pline l’Ancien à travers une invitation à confronter film qui en dénoncent la dénaturation.
les textes antiques avec des documents modernes.
• Des animaux et des hommes : amis ou ennemis ? :
• Mutations, transformations, monstres et hybrides : le chapitre achève de montrer la complexité des relations
à travers la lecture du fameux extrait de Pétrone, présenté entre l’homme et l’animal. La description par Pline du
de manière à susciter l’envie de lire le texte, les élèves comportement de l’éléphant ou de la panthère pour se sau-
découvrent l’ancienneté du mythe du loup-garou. Ils/elles ver pose la question de savoir qui, de l’homme ou de l’animal,
en mesurent l’extrême fécondité à l’époque contemporaine représente un danger plus grand pour l’autre. Un texte de
dans une page de confrontation présentant deux documents Porphyre et un tableau de Rubens explorent le débat sous
de natures différentes (texte et BD). La question des hybrides l’angle de l’utilité de l’un par rapport à l’autre. À l’inverse
est plus troublante encore, car plus proche des cas réels de des histoires d’amitiés fortes, entre un dauphin et un jeune
malformation. Les sirènes et les centaures ont été choisis, garçon, ou entre fauves et hommes, invitent les élèves à
parmi les cas de monstruosité mythologique, parce qu’ils font nuancer les réponses apportées aux questions précédentes.

Entrées possibles dans le chapitre


- Approche par l’étude du vivant : les manifestations du amitiés (texte d’Aulu-Gelle p. 66, texte de Kessel p. 67, statue
vivant, autrement dit le sens étymologique même du mot p. 53). La mise en perspective de ce parcours peut s’effectuer
animal (anima), peuvent servir de point d’articulation d’un en posant plus avant la question des ressemblances, celles du
parcours dynamique, accessible à tous les élèves. L’entrée corps (p. 52) et celles de l’esprit (p. 55). En guise de conclusion,
peut se faire par la diversité des formes de vie : d’abord la vie l’examen de l’image du zoo de Beauval (p. 51) s’impose
sous-marine de la baleine, à l’aise dans l’eau malgré sa taille comme un support polémique propre à faire réagir les élèves
(p. 60), puis, celle organisée de la société des abeilles (texte de et leur faire convoquer les acquis du parcours.
Pline l’Ancien, p. 54), première étape du rapprochement avec
l’homme, enfin, celle harmonieuse des chiens avec l’homme - Approche philosophique par le plaisir des histoires : le récit
(p. 62) – à laquelle peut être associé l’examen de la mosaïque reste un moyen efficace d’accrocher les élèves. Les figures des
de la villa d’Hadrien en page d’ouverture (p. 50). Les questions sirènes et des centaures peuvent servir à poser la question de
de la ressemblance corporelle (p. 52), puis intellectuelle (p. 55) la monstruosité. Le poursuite du questionnement s’effectue
avec l’homme découleront naturellement de ce parcours à partir de la double page consacrée aux phénomènes de
zoologique, dont elles constitueront l’étape réflexive, lycanthropie et d’anthropolycie (p. 56-57). De l’homme et de
réclamée par l’intitulé même de l’objet d’étude. l’animal, qui est le monstre ? La lecture des descriptions de
la baleine et l’examen des fantasmes qu’elle suscite (p. 61)
- Approche par l’examen des comportements : l’homme et donnent l’occasion d’une première réponse d’ordre pure-
les animaux ont des comportements, voire des sentiments, ment naturaliste (p. 60). L’étude comparée du texte de
qui les rendent très semblables. Ce constat peut servir de fil Virgile (p. 69), du texte de Porphyre (p. 66) et des tableaux
conducteur à une exploration de l’objet d’étude. Hommes d’Arcimboldo (p. 55) et de Rubens (p. 67) apportent une
et animaux sont sujets à la peur, car vulnérables (texte de réponse d’ordre naturelle. Enfin, la réponse d’ordre éthique
Lucrèce p. 53 pour les hommes, texte de Pline l’Ancien pour les peut prendre appui sur la double page soulevant la question
animaux p. 64). Hommes et animaux sont capables de grande de l’intelligence animale d’une part (p. 54-55), et, de l’autre, les
violence, pour se nourrir ou se défendre (texte de Porphyre document qui dénoncent des formes de la barbarie humaine :
p. 66, texte de Virgile p. 69, tableau de Rubens, p. 67, films le texte d’Aulu-Gelle (dans sa première partie) – que peuvent
p. 63). Mais hommes et animaux sont aussi capables d’une illustrer les mosaïques de la p. 52 – et les extraits de films (p. 63).
grande tendresse les uns envers les autres, de vivre de vraies

L’homme et l’animal • 39
Présentation des documents et problématisation
Le panneau de mosaïque présenté est un emblema, sorte Elle se tient sur le pont et observe fixement le petit tableau,
de tableau voulant rivaliser avec la peinture. Il fait partie face à la statue, dans une attitude recueillie qui est celle des
d’un ensemble provenant de la Villa Hadriana à Tivoli, et se fidèles, d’autant que le cadre apaisé du lieu fait songer un bois
trouve aujourd’hui conservé dans les musées du Vatican. Il a sacré (lucus). C’est donc l’animal qui vénère la statue ; il est en
été associé à quatre autres panneaux lors d’un montage à la quelque sorte l’incarnation vivante de la présence de l’homme
fin du XIXe siècle. Il décorait initialement la grande pièce de dans le tableau. Dans la photo, prise au zoo de Beauval en
la Villa, appelée « le triclinium des Centaures ». Dans un cadre 2015, l’animal est lui aussi en position de spectateur : il regarde
bucolique (paysage montagneux, ponctué par quelques les visiteurs venus le voir comme une curiosité. Le couple de
arbres et par quelques plantes en bordure d’un ruisseau), des pandas, prêté par la Chine, constitue, avec leur petit, né en
chèvres se reposent ou broutent les herbes. Le personnage 2017, les seuls spécimens de leur espèce en France.
masculin n’est pas un chevrier, mais la statue du dieu Dionysos, La mise en abyme sur laquelle sont construites les deux
reconnaissable à sa couronne de pampres, à son thyrse (bâton images ne manquera pas susciter les réactions des élèves.
surmonté d’une pomme de pin) et à la grappe de raisin qu’il Le comportement parallèle des hommes et des animaux
tient dans sa main droite. Un bâton est planté à côté du doit amener naturellement au questionnement porté par
rocher servant de piédestal à la statue, faisant probablement l’objet d’étude. L’homme et l’animal ont-ils la même nature ?
office de borne. Posé debout, contre le piédestal, un petit Éprouvent-ils des sentiments communs ? Qu’est-ce qui
tableau (pinax) présente un fond bleu sur lequel se détache distingue véritablement l’homme de l’animal ? Enfin, quelles
une forme difficilement identifiable (peut-être une forme réflexions découlent de la manière dont l’homme regarde
féminine ?). Tout l’intérêt de l’image tient dans l’attitude de la l’animal ?
chèvre, animal rituellement sacrifié en l’honneur de Dionysos.

lecture L’homme, un animal comme les autres ?

Dans les pages Lecture, les onglets de questions sont indépendants les uns des autres.
Il est donc possible de les traiter dans l’ordre que l’on souhaite ou de ne traiter que ceux
que l’on souhaite. Ce dispositif permet d’envisager une approche différenciée des textes.

1 Le corps des animaux (p. 52)


L’étude comparée de l’homme et de l’animal s’effectue de façon très concrète par l’examen
de ce qu’ils ont à l’évidence en commun : leur corps. C’est l’occasion de voir, ou revoir,
le vocabulaire anatomique latin, directement passé en français.

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


Tous les animaux ont un cerveau et du sang. [...] Même si leur visée est bien différente,
Chez tous les autres animaux, le cœur est au milieu de la poitrine, pour philosophique pour l’un, plus
l’homme seulement, il est sous la mamelon gauche. […] encyclopédique pour l’autre, les textes
Sous cet organe le poumon est l’atelier de la respiration qui attire et d’Aristote et de Pline l’Ancien constituent
rejette l’air. […] une source documentaire précieuse
L’intestin chez certains animaux commence à la bouche et y retourne, sur l’état de connaissances biologiques
comme chez la seiche ou le poulpe. Chez l’homme, il est attaché au bas de leur temps.
de l’estomac et est semblable à celui du chien. […] Sur le projet de Pline l’Ancien, lire l’article
De fait, les espèces de singes présentent une imitation parfaite de d’Alfred Ernout : www.persee.fr/doc/
l’homme, dans la face, les narines, les oreilles, les cils. bude_0004-5527_1951_num_1_1_4964

Traduire
Voir la traduction.

Lexique
Si Aristote s’intéresse aux animaux, c’est pour comprendre « animalibus ceteris » (l. 2). Tous les animaux sont en effet
l’origine du mouvement. Or, le mouvement étant commun à pourvus de sang (« sanguinem », l. 2) et des mêmes « parties »
l’homme et à l’animal, la rigueur philosophique oblige donc à organiques, parmi lesquelles figurent celles citées dans l’ex-
considérer que l’on ne peut séparer les deux catégories pour trait de Pline : « cerebrum » (l. 1), « cor » (l. 2), « pulmo » (l. 3),
une compréhension globale. C’est le sens de la première partie « intestinum » (l. 4). Pline signale même que des parties exter-
de la phrase (l. 1-2), lancée comme un défi à l’intelligence nes du corps des hommes et de certaines espèces de singes
humaine. Pour un philosophe qui entend faire preuve de vérité sont de forme identique : « facie, naribus, auribus, palpebris »
objective, l’homme est donc constitué de « la même manière » (l. 6-7). Voilà pourquoi, le philosophe « doit » donc s’attacher
que tous les autres animaux, expression qui revient deux fois à l’étude de l’anatomie, inséparable de celle du mouvement.
dans le texte de Pline l’Ancien : « omnia… animalia » (l. 1) et

40 • L’homme et l’animal
Interpréter
Les deux images renvoient à un élément essentiel de la vie son courage... L’ours est en effet l’un des animaux destinés
des Romains : les jeux du cirque. La première vignette montre aux spectacles sanglants de chasse, proposés dans l’arène.
un fragment d’une peinture en forme de trapèze (1,12 m x 1,5 L’on constate la même volonté de représenter avec réalisme
m), découverte en octobre 2019, lors de la récente campagne le corps blessé de l’animal. Du sang sort abondamment
de fouilles à Pompéi. Un gladiateur blessé implore la pitié de de la poitrine dans laquelle est fichée une lance. Pour le
son adverse de droite (ici non représenté), qui s’apprête à lui spectateur moderne, la vision de ces deux corps souffrants
porter le coup fatal. Le réalisme des blessures est saisissant : le inspire un même sentiment de pitié. Il perçoit la souffrance
sang coule de son poignet et de sa poitrine ; une partie tombe du gladiateur que la douleur fait ployer, comme celle de
à terre, une autre coule le long de sa jambière. La deuxième l’ours, qui le contraint à se recroqueviller. Cette communauté
vignette est un panneau de mosaïque, situé dans le couloir de sorts face à la violence – ici, de nature exclusivement
d’accès de la « Maison de l’Ours », que l’on peut à nouveau humaine –, et à la mort, constitue une preuve incontestable
visiter depuis 2016. La formule de salutation « HAVE », inscrite d’une proximité physiologique entre le corps de l’homme et
en haut à gauche, n’est pas sans relever l’humour noir du celui des animaux.
propriétaire, à moins qu’il n’ait simplement voulu signaler

prolongements

• Le travail lexical proposé peut être étoffé par la recherche et le classement d’autres mots latins que l’on
retrouve dans le vocabulaire médical contemporain. Le lexique présenté en p. 68 peut être un point de départ.
Une présentation vivante de ce vocabulaire à partir du dessin d’un écorché pourra plaire à certains élèves.
• Il peut être aussi demandé un petit travail d’écriture en latin qui consistera en la rédaction de brèves
légendes pour les deux vignettes. Les élèves pourront utiliser le dictionnaire Olivetti, présenté en p. 19,
pour trouver les mots latins qui leur manquent.

2 L’homme, le plus vulnérable des animaux ? (p. 53)


Comme les textes de la page de gauche, l’extrait de Lucrèce et la sculpture fournissent un support
riche pour une séance de problématisation sur l’homme et l’animal au sein de la nature. Ils peuvent
donc, eux aussi, servir d’entrée dans le chapitre.
En posant la question de la vulnérabilité de l’homme au sein de la nature, Lucrèce, le matérialiste
épicurien, souligne que la nature des choses, titre de l’ouvrage, ne peut être le résultat d’une volonté
divine, tant elle compte d’imperfections. Pourquoi les dieux auraient-ils fait l’homme si fragile ?

Lire
1. Les trois parties correspondant aux paragraphes sont : supplémentaire à la non-intervention des dieux dans la
v. 1 à 4 – v. 5 à 10 – v. 11 à 17. création de la nature des choses. Cet argument est constitué
2. Les v. 1 à 4 sont à relier au paragraphe précédé de la lettre par la salve des interrogations rhétoriques qui suivent. Les
B ; les v. 5 à 10 au paragraphe précédé de la lettre A ; les v. 11 adverbes « tum porro » (v. 5) marquent une surenchère dans
à 17 au paragraphe précédé de la lettre C. la démonstration. L’extrême vulnérabilité du nouveau-né est
donnée comme paroxysme des exemples des défauts de la
L’argumentation de Lucrèce est signalée par l’emploi nature. Surtout quand on l’oppose, opposition signalée par
des connecteurs logiques. L’adverbe « praeterea » (v. 1) la conjonction adversative « at » (v. 11), à la progéniture des
indique que le début de l’extrait annonce un argument animaux, qui a beaucoup moins de besoins.

Comprendre
Pour dénoncer les imperfections de la nature Lucrèce avance, conflictuel, mais bien naturel. En effet, les petits des animaux
entre autres, deux oppositions entre l’homme et l’animal. sont plus rapidement autonomes que les petits humains,
La première tient dans la vision négative de l’animal, perçu lesquels ont besoin de jouets, d’affection et des soins d’une
comme un ennemi de l’homme, ce qu’énonce clairement nourrice (v. 12-13). D’une façon générale, les hommes ne
l’expression « humanae genti infestum » (v. 2). L’homme doit se peuvent s’accommoder de leur nudité qui les fragilise. Voilà
défier du monde animal, où qu’il se trouve (« terra marique », pourquoi il leur faut des « vestes » (v. 14) pour protéger leur
v. 2). L’expression généralisante « genus… ferarum » (v. 1), corps, et des « moenia » (v. 15) pour protéger leur communauté.
sa qualification d’« horriferum » (v. 1), soulignent que cet Au terme de l’extrait, la juxtaposition de l’adjectif « omnia » et
antagonisme est bien dans l’ordre naturel des choses. D’où de l’adverbe « large », mis en valeur en fin de vers (16), achève
l’incompréhension contenue dans la question rhétorique : de pointer ce favoritisme de la nature envers les animaux
« cur [natura] alit atque auget ? » (v. 3). Pire, la nature semble au détriment des hommes, et donc en faveur de la thèse de
même plus généreuse envers les animaux. Ce deuxième Lucrèce.
aspect constitue la seconde opposition, qui n’est pas d’ordre

L’homme et l’animal • 41
Interpréter
1. Cette statue en marbre blanc, datée du Ier s., réalisée à qu’elle nous renvoie à notre propre condition d’homme, sou-
partir d’un original grec du IIIe s. av. J.-C., a été trouvée en mis aux maladies (« morbos », v. 3) et à la mort (« mors », v. 4).
1990 à Nîmes, lors des fouilles des Halles centrales. Elle est 2. La statue met en scène une relation inversée entre l’homme
aujourd’hui exposée au Musée de la Romanité de la ville. et l’animal par rapport au texte de Lucrèce. L’animal n’a pas
Elle représente un enfant tenant fermement dans ses bras fui ; il est un compagnon de vie, en l’occurrence de jeu. Outre
un petit chien dont la race est difficilement identifiable. La les chiens de garde (cf. p. 62 dont vidéo), les Romains ont chez
nudité de l’enfant rappelle l’évocation dans le texte de celle eux des chiens de plus petite taille, qui servent d’animaux
du nouveau-né (« nudus », v. 6). Elle rappelle aussi celle des de compagnie (catuli). De nombreuses stèles montrent des
hommes en général qui doivent se vêtir pour se protéger enfants en compagnie de ces chiens. L’enfant de la sculpture
des saisons (v. 14). La manière dont le jeune enfant serre le traite manifestement le petit animal comme un jouet. Il le
petit chien contre sa poitrine est ambivalente : elle manifeste serre contre sa poitrine, avec une légère cruauté comme le
la volonté d’affirmer sa force pour se détacher du besoin laisse imaginer son rictus. D’ailleurs, le petit chien, apeuré
d’affection qui lui est pourtant encore nécessaire, besoin par cet emprisonnement (yeux grand ouverts et oreille
symbolisé dans le texte par le dévouement de la nourrice droite baissée), semble lancer comme un appel à l’aide au
(v. 13). Ce geste donne aussi à sentir son extrême vulnérabi- spectateur. Ce groupe s’inscrit dans un thème particulier
lité, le chien faisant office en quelque sorte de bouclier, néces- de la sculpture hellénistique, abondamment copiée par les
sité de protection évoquée à travers l’image des « moenia » Romains, jouant sur l’ambivalence de l’action de l’enfant, à la
dans le texte (v. 15). Malgré la pression que l’enfant fait subir fois victime potentiel et bourreau : un enfant nu étrangle une
à l’animal, cette statue nous touche, non seulement parce oie, un autre tient d’une main un serpent (cf. thème d’Hercule
qu’elle présente une forme d’innocence, mais surtout parce enfant), ou comme ici presse contre lui un petit chien.

prolongements

• Pour faire travailler davantage le texte latin, on peut demander • L’iconographie antique présentant un enfant et un animal est riche.
aux élèves de le résumer à partir de la questions suivante : Elle peut donner matière à la réalisation de portfolios très visuels,
pourquoi les hommes sont-ils vulnérables selon Lucrèce ? au sein desquels la confrontation entre monde antique et monde
On précise aux élèves qu’ils/elles doivent reprendre le plus possible contemporain permettra l’exploration active du questionnement
les mots du texte. Ils/elles complètent leur manque de vocabulaire soulevé par l’objet d’étude.
en utilisant le dictionnaire Olivetti présenté en p. 19.

3 L’homme, un animal supérieur ? (p. 54)


Même si la supériorité est un fait acquis pour les hommes de l’Antiquité, l’observation
attentive de comportements animaux a amené certains auteurs à nuancer cette certitude.
Comme l’annonce le titre de la page, le débat ne date pas d’hier.

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


Traduction du texte de Cicéron : Les abeilles ont intéressé les hommes,
Nous l’emportons en effet le plus sur les bêtes sauvages en ce que nous non seulement pour le miel qu’elles leur
communiquons entre nous et que nous pouvons exprimer nos senti- procurent, mais aussi pour l’organisation
ments en parlant. de leur société. C’est ce dernier aspect
qui plaide en faveur d’une intelligence
animale. Rappelons que c’est (en plus
du lait de la chèvre Amalthée) du miel
Traduction du texte de Pline l’Ancien :
des abeilles que fut nourri Zeus-Jupiter
Elles extraient le miel, suc très doux, très délicat et très bon pour la sur l’île de Crète (cf. Virgile, Géorgiques,
santé. Elles fabriquent des rayons et de la cire aux mille usages pour la IV, v. 152).
vie, elles tolèrent le travail, réalisent des ouvrages, ont une organisation
politique, des conseils en privé aussi, et des chefs en commun et, ce qui
est le plus admirable, elles ont des règles sociales.

Culture
1. L’image est extraite d’un ouvrage médiéval sur la santé, écrit autant d’indices de l’intervention humaine. Ces clisses d’osier
au XIV e s. Elle présente trois ruches en osier disposées sur un tressé, héritées de l’apiculture romaine, sont les formes les plus
plateau. La forme rectangulaire du plateau, les deux morceaux fréquemment représentées sur les manuscrits médiévaux.
de bois qui le soutiennent aux extrémités, la table bordée d’une L’inconvénient de ces paniers tient en que l’on devait détruire
sorte drap tissé sur laquelle repose le plateau, le tressage des partiellement l’essaim pour récolter le miel.
ruches en osier sur une armature de vannerie, les ouvertures Pour plus détails, lire l’article très complet de Perrine Mane,
rectangulaires pratiquées dans les clisses apparaissent comme « Abeilles et apiculture dans l’iconographie médiévale »

42 • L’homme et l’animal
(1991) : http://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/ décrit à la manière d’un naturaliste dans son Histoire naturelle
pdf/az1991n14-15a2.pdf, et J.-R. Mestre et G. Roussel, Ruches (XI). Virgile, enfin, élève les abeilles au rang de motif littéraire
et abeilles, Architecture, Traditions, Patrimoine (2005). en leur consacrant tout le livre IV de ses Géorgiques. Les
2. Celui qui élève les abeilles pour en récolter le miel se nomme liens entre abeilles et littérature se manifestent aussi dans la
un apiculteur. Deux mots latins constituent ce terme : le mot comparaison récurrente de l’éloquence à la douceur du miel.
apis signifiant « abeille » et cultura signifiant « culture ». L’apicul- À ce propos, plusieurs auteurs, dont Pline lui-même, racontent
teur est donc littéralement celui qui « cultive » les abeilles. No- que ce sont les abeilles qui sont à l’origine de l’éloquence de
tons que le miel est pendant l’Antiquité la seule source de sucre. Platon : « Elles se posèrent sur la bouche de Platon alors encore
enfant, annonçant cette suavité de son éloquence si douce. »,
3. Nous sont parvenus plusieurs ouvrages qui abordent les Histoire naturelle, XI, 17.
abeilles et l’apiculture. Les agronomes, comme Varron (De Pour en savoir plus, lire l’article d’Alban Baudou « Les Abeilles et
l’agriculture, III) ou Columelle (L’Économie rurale, IX) donnent Mélissa, du symbole universel à l’hapax mythologique »,
des conseils d’apiculture. L’encyclopédiste Pline l’Ancien les http://journals.openedition.org/etudesanciennes/955

Comprendre
1. Cicéron est le plus grand orateur de l’Antiquité romaine. de comparant pour décrire l’organisation de la ruche. Les
Il doit sa carrière à sa remarquable maîtrise de l’éloquence. abeilles ont une république (« rem publicam habent », l. 7),
La parole est en effet l’instrument indispensable pour tiennent des conseils privés (« consilia privatim », l. 7), ont
accéder à la culture générale, nécessaire pour tout Romain des chefs (« duces », l. 7) et des règles sociales (« mores », l. 8).
qui veut se lancer dans une carrière de premier plan. Voilà Elles sont donc capables d’une forme de communication
pourquoi il reprend l’argument traditionnel en faveur de la entre elles, à l’image de la nôtre (cf. le « inter nos », l. 2, du
supériorité humaine sur les animaux. Selon lui, c’est la parole texte de Cicéron) – ce qui a été démontré, notamment depuis
qui manifeste l’intelligence humaine ; c’est par la parole les célèbres travaux de l’éthologue Karl Von Frisch (1886-
(« dicendo », l. 2) que nous avons la capacité de communiquer 1982). Comme les hommes, elles témoignent d’une forme
nos idées (« conloquimur inter nos ») et d’exprimer nos d’industrie en s’adonnant au travail (« laborem tolerant », l. 6) :
sentiments (« exprimere... sensa », l. 2). elles construisent des rayons et de la cire (l. 5). Elles peuvent
Pline l’Ancien exprime sa fascination pour les abeilles. Il aussi être comparées à des agriculteurs par leur production de
souligne le paradoxe entre leur petite taille et leurs grandes miel (« mella contrahunt », l. 4). Mais, toutes ces compétences
capacités (l. 10-12). Il leur accorde la première place parmi les ne conduisent pas le naturaliste à inverser la hiérarchie des
animaux pour leur intelligence, car elles sont capables de espèces. Si les abeilles sont des animaux – si peu comparables
produire du miel (« mella contrahunt », l. 4) en s’organisant en aux autres –, c’est uniquement pour servir les hommes,
société (« rem publicam habent », l. 7). « puisqu’elles sont nées pour le genre humain. » (l. 2-3). Le
déterminisme de la formulation montre que Pline l’Ancien ne
2. L’admiration de Pline l’Ancien pour les abeilles ne
songe même pas à un quelconque avilissement des hommes
contredit pas l’affirmation d’excellence de l’homme sur
au profit d’un représentant du monde animal.
l’animal. D’ailleurs, c’est bien la société des hommes qui sert

Traduire
1. Songer pour cette activité à inviter les élèves à utiliser les outils et les ressources présentés en p. 19.
2. Voir la traduction.

prolongements

• Pour explorer la question de l’intelligence animale, la lecture du texte de Pline l’Ancien peut être prolongée
par un autre extrait de son Histoire naturelle présentée en p. 54. Les élèves identifient les manifestations d’intelligence
et leur nature, puis cherchent si la science moderne a infirmé ou confirmé les observations et les hypothèses
de l’auteur latin.
• La lecture cursive ou suivie du IV des Géorgiques de Virgile dans une édition bilingue (collection « classiques
de poche » aux Belles Lettres) peut constituer un prolongement d’autant plus culturel qu’il contient une variation
du mythe d’Orphée et d’Eurydice.

viva voce
Pour rendre la prestation dynamique, il faut inviter les élèves à présenter succinctement l’ouvrage et son auteur pour
se concentrer sur la lecture du texte (en totalité en latin, puis en français, ou en faisant alterner le latin et le français).
Il faut aussi les inviter à justifier et à expliquer l’extrait retenu.

L’homme et l’animal • 43
4 Même corps, même âme ? (p. 55)
Les trois documents proposés appartiennent à des époques différentes. Par leur confrontation
avec les textes de la page de gauche, ils invitent à aller plus loin dans la réflexion sur les formes
d’intelligence animale en s’attachant à la délicate question de l’âme. Un rappel des sens du mot âme
à partir de son étymologie, fournie dans le Quid de la p. 52, est sans doute un préalable nécessaire.

Informations supplémentaires

• La théorie de la métempsycose (ou métempsychose) • Le petit texte de Voltaire intitulée Aventure indienne
fait partie de la pensée grecque. Platon l’expose à (1766) participe du combat incessant de l’écrivain-
plusieurs reprises dans ses dialogues : Phédon (81b), philosophe contre l’intolérance. Voltaire se sert
le Ménéxène (81a), La République (614a-621b), le Phèdre de la théorie de la métempsycose pour faire constater
(248d), le Gorgias (525c). Le mot grec μετεμψύχωσις à Pythagore que la cruauté entre bêtes sévit aussi
signifie étymologiquement « déplacement de l’âme ». chez les êtres humains. Après plusieurs crimes commis
Elle consiste dans le passage d’une âme dans un autre par des animaux (araignées mangeant des insectes,
corps. La paternité de cette théorie est généralement puis mangées par des hirondelles, puis mangées
attribuée à Pythagore : « On raconte que, le premier, par des éperviers), le sage grec tombe sur deux hommes
il a découvert que l’âme, en changeant de cours de destin, qu’un tribunal religieux hindou a condamnés au bûcher
revêt à plusieurs reprises différentes formes animales. », pour hérésie. « Pythagore jugea que depuis l’herbe jusqu’à
Diogène Laërce, Vie, doctrines et sentences l’homme il y avait bien des sujets de chagrin. Il fit pourtant
des philosophes illustres, VIII, 14. Même si les textes anciens entendre raison aux juges, et même aux dévotes ;
sont contradictoires à ce sujet, l’image d’un Pythagore, et c’est ce qui n’est arrivé que cette seule fois. Ensuite
initiateur du végétarisme, s’est construite au fil des siècles, il alla prêcher la tolérance à Crotone ; mais un intolérant
comme conséquence de la métempsycose : « On dit que, mit le feu à sa maison : il fut brûlé, lui qui avait tiré deux
passant un jour près d’un chien qui était en train d’être Indous des flammes. Sauve qui peut ! ».
battu, il en prend pitié et dit ces mots : « Arrête, ne le
frappe plus, car c’est l’âme d’un mon ami, je la reconnais
• S’il est difficile de donner une interprétation certaine
des tableaux composites du peintre maniériste italien
en entendant sa voix. » (Diogène Laërce, Vie, doctrines Arcimboldo (1527-1593), il en ressort un goût manifeste
et sentences des philosophes illustres, VIII, 36). pour la caricature, mais aussi pour le bizarre,
la monstruosité, le morbide, dans l’esprit des cabinets
de curiosités de son temps.

Confronter
1. Les élèves doivent facilement remarquer que le texte menacés d’être brûlés pour avoir tenu des propos hérétiques.
de Voltaire se présente comme une fable. Il est en quelque Le recours à l’animal n’est donc qu’un moyen détourné
sorte la mise en pratique de la conséquence issue de pour faire réfléchir les hommes sur leur comportement, en
l’exposé théorique proposé par le poète latin Ovide. S’il y l’occurrence, sur les crimes commis par leur intolérance.
a conservation et transmigration des âmes d’un corps à un 2. La nature morte d’Arcimboldo apparaît sous le couvercle
autre, humain ou animal (« elle passe des bêtes aux corps d’un plat en argent que soulèvent des mains. Le caractère
humains, et notre âme passe dans le corps des bêtes », l. 2), copieux du plat s’impose aussitôt par l‘amoncellement des
il faut donc bien admettre que tout corps peut être le viandes rôties, parmi lesquelles on distingue clairement
réceptacle d’une âme, y compris celui d’une huître. Voltaire un cochon et une volaille. Mais une observation attentive
met scène, de façon ironique, la formation de cette théorie confirme le trouble que le spectateur ressent en découvrant
dans l’esprit de Pythagore à travers une anecdote. Recourant la toile. Pour confirmer son impression, il suffit de la re-
à l’anthropomorphisme de la fable, Voltaire fait de l’huître un tourner pour qu’apparaisse un visage d’homme surmonté
porte-parole des récriminations de son espèce à l’encontre d’un casque à panache que forment les feuilles de chêne.
de la barbarie humaine qui les dévore « par douzaines à leur Le titre renvoie donc davantage à ce visage qu’aux mains.
déjeuner » (l. 11-12). Ce discours inattendu provoque une Ce cuisinier en impose par son allure. Le casque et son nez
prise de conscience qui aboutira à l’interdit alimentaire, dont aquilin que forme le corps de la volaille lui donnent un air
l’Antiquité a fait de Pythagore l’initiateur, rappelé par Voltaire aristocratique, voire souverain. Cette technique de la pein-
au début de l’extrait : « cette admirable loi par laquelle il est ture réversible contenant une figure anthropomorphique
défendu de manger les animaux nos semblables. » (l. 3-5). est fréquente à l’époque d’Arcimboldo. Les interprétations
Contrairement à Pline l’Ancien, Voltaire ne salue pas du tableau sont nombreuses (cf. Jeannine Guérin Dalle
l’intelligence animale. Il n’affirme pas non plus la supériorité Mese, « Le Bibliothécaire, le Cuisinier et le Jardinier, ou
de l’homme, comme le fait Cicéron. Il n’adhère pas davantage Arcimboldo l’ambigu » (2000), http://journals.openedition.
à la théorie de la métempsycose, telle que l’expose Ovide. org/italies/2241). Certains y ont vu une possible illustration
Il la tourne même en ridicule par le plaidoyer de l’huître, de la théorie de la métempsycose en soulignant l’ironie de
par la demande de pardon et les pleurs de Pythagore. Le la métamorphose du cuisinier en repas. Elle serait alors à
mollusque choisi par Voltaire n’est ici qu’un prétexte et la mettre en lien avec l’esprit du XVIe s. établissant un lien entre
fable qu’un préambule à l’aventure qui occupe les deux tiers macrocosme et microcosme, et soulignant la proximité de
restants du conte : Pythagore sauve du bûcher deux hommes nature entre l’homme et l’animal.

44 • L’homme et l’animal
3. La confrontation des textes et des illustrations de la double- créer, d’éprouver des sentiments ? Ces questions amèneront
page doit servir de point de départ et d’argument aux débats inévitablement celle des droits des animaux défendus par
qui agitent le monde contemporain. Elle doit amener les la pensée animaliste. Il faudra définir de façon précise les
élèves à définir le concept d’ « intelligence » en parlant des concepts d’animalisme, de spécisme, de véganisme...
animaux. Les animaux sont-ils capables d’apprendre, de
prolongements pistes pour construire un portfolio
La nature morte d’Arcimboldo, ou une autre
Un travail d’invention peut être demandé en prenant comme source
d’inspiration l’extrait de Voltaire. Les élèves choisissent un animal, œuvre parmi l’abondante production moderne
puis imaginent un court dialogue en français, ou en français avec ou contemporaine, peut fournir l’un des supports
des mots latins incorporés, ou complètement en latin. L’approche d’un diptyque iconographique. Le genre était déjà
sera ainsi différenciée. Les élèves peuvent s’aider du lexique pratiqué par les Romains. Les nature mortes présentant
de la p. 38 et du dictionnaire Olivetti présenté p. 19. Ce travail des animaux, peintures ou mosaïques, étaient placées
d’écriture permettra d’évaluer la compréhension de la page. le plus souvent sur les murs du triclinium, la pièce
où se prenaient précisément les repas.
Voir Jean-Michel Croisille, La Nature morte
dans la peinture romaine, Paris, 2015.

lecture Mutations, transformations, monstres et hybrides

1 Histoire de loup-garou (p. 56)


La célèbre histoire de loup-garou, racontée dans le Satiricon, donne l’occasion d’habituer les élèves à lire
un texte latin de façon suivie. L’alternance des parties en latin avec des parties traduites doit permettre
de maintenir l’attention des élèves, d’autant que le phénomène de transformation est accrocheur.

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


La lune brillait comme en plein midi. Nous arrivons entre les tom- Beaucoup d’incertitudes (sur l’auteur
beaux : mon homme commence à aller vers les stèles ; moi je m’as- – peut-être un certain Petronius Arbiter –,
sieds en chantonnant et je compte les stèles. Puis quand je me re- sur la date) autour du roman lacunaire qui
tournai vers mon compagnon, celui-là se déshabilla et posa tous ses nous est parvenu sous le titre du Satiricon
vêtements au bord de la route. J’avais le souffle dans le nez ; j’étais (ou Satyricon). Par son titre, le texte renvoie au
figé comme un mort. Quant à lui, il urina autour de ses vêtements, genre bigarré de la satire, genre proprement
et subitement se changea en loup. […] Après s’être changé en loup, il romain, mais le caractère décousu de sa
commença à hurler et s’enfuit dans les bois. structure, le mélange des sujets et des tons,
[…] rappellent aussi la tradition du conte milésien,
héritée de la Grèce. Le sermo Milesius désigne
... car un loup est entré dans la villa et toutes les bêtes comme un
un conte ou un recueil d’histoires, reliées
boucher il les a saignées. Cependant il ne rit plus, même s’il s’est entre elles de façon souple, qui mêlent
enfui ; car notre esclave avec sa lance lui a transpercé le cou. fantastique et érotisme. Dans le Satiricon,
[…] c’est le festin offert par Trimalcion, ancien
Mais quand j’arrivai à la maison, gisait mon militaire dans son lit esclave devenu riche affranchi, qui donne
comme un bœuf, et un médecin soignait son cou. Je compris qu’il l’occasion de raconter des histoires dont
s’agissait d’un loup-garou. celle du loup-garou.

Langue
1. Trois temps alternent dans les passages en latin. Dans un latin compte trois présents de narration : venimus (l. 1), coepit
récit d’aventures fantastiques, comme il est attendu, ce sont (l. 2), numero (l. 3). Par l’accélération qu’ils donnent au récit, ces
les parfaits que l’on trouve en nombre. On n’en compte pas présents, au commencement de l’histoire, déclenchent le pro-
moins de quatorze : respexi (l. 3), exuit (l. 3), posuit (l. 3), factus cessus d’identification, indispensable à tout récit fantastique.
est (l. 6, deux occurrences), coepit (l. 7), fugit (l. 7), intravit (l. 17), 2. L’analyse logique de la dernière phrase invite les élèves
misit (l. 18), derisit (l. 18), fugit (l. 18), trajecit (l. 19), veni (l. 23), à mettre en évidence le fonctionnement de la proposition
intellexi (l. 24). Ces parfaits décrivent la succession des actions infinitive, point de grammaire abordé dans l’une des pages de
accomplies par les personnages de façon ponctuelle. Ils grammaire du chapitre (p. 74). « Intellexi » est le verbe principal,
maintiennent en alerte l’attention du lecteur. L’on dénombre introducteur de la proposition infinitive « illum versipellem
quatre imparfaits : lucebat (l. 1), stabam (l. 5), jacebat (l. 23), esse ». Cette proposition infinitive a son sujet à l’accusatif
curabat (l. 24). Ils constituent des ponctuations fortes, sortes (« illum »), son verbe à l’infinitif (« esse ») et son attribut
d’arrêts sur image, dans le cours du récit, soit pour en décrire logiquement à l’accusatif (« versipellem »), car accordé avec
le cadre (« lucebat », l. 1), soit pour donner à voir la paralysie le sujet « illum ». Enfin, le présent de l’infinitif indique la
du narrateur (« stabam », l. 5), soit pour décrire la scène finale concomitance des actions entre le verbe introducteur
(« jacebat », l. 23, « curabat », l. 24). Enfin, le premier passage en (« intellexi ») et le verbe de la subordonnée infinitive (« esse »).

L’homme et l’animal • 45
Traduire
Les mots en gras sont soit des coordonnants (« deinde », l. 3, « at », l. 5, « enim », l. 17 et 19, « tamen », l. 18)
soit des subordonnants (« postquam », l. 6, « ut », l. 23) qui doivent aider à la traduction.

Comprendre
1. Les éléments qui nourrissent le fantastique jalonnent tout le indice du fantastique. Il peine à croire la transformation de son
texte. L’atmosphère étrange est installée d’emblée par un ca- compagnon de route en loup (l. 5-7). Incapable d’expliquer
dre propice au surgissement du surnaturel : c’est la pleine lune rationnellement le phénomène, il est envahi par la peur, dont
(l. 1) et l’action se déroule dans un cimetière (« monimenta », l. 1, le récit, non sans ironie, s’attarde à décrire les symptômes
« stelas », l. 2). Le fantastique est ensuite provoqué par les physiques : la paralysie (« stabam tanquam mortuus », l. 5),
actes incompréhensibles du compagnon du narrateur : il se la pâleur excessive (« j’entrai avec l’aspect d’un cadavre »,
déshabille en plein cimetière (l. 3-4) et urine sur ses vêtements l. 12, « mes yeux étaient morts », l. 14), la sudation (« la sueur me
(l. 5). Viennent enfin des coïncidences étranges : d’une part, coulait entre les fesses », 13). Parallèlement aux symptômes
entre la transformation difficilement croyable en loup du physiques, sont aussi détaillées les conséquences psychi-
militaire (l. 6-7) et le massacre par un loup de toutes les bêtes ques : la perte des repères avec la réalité (« je ne savais pas
de l’amie du narrateur (l. 16), et d’une autre, entre la blessure où j’étais », l. 7), l’emballement de l’imagination qui provoque
faite au loup par l’esclave (l. 16-17) de la villa et celle du une surréaction (« je tirai mon glaive et sur toute la route
militaire (l. 23). j’abattis les ombres », l. 10-11). La révélation finale, loin de
2. Conformément aux principes du fantastique, le récit dissiper le fantastique, le redouble. Si, au terme du récit, le
s’effectue selon un point de vue interne. Le lecteur vit les narrateur semble retrouver ses esprits en voyant dans le
événements à travers les yeux du narrateur, en ressent les militaire un loup-garou, le lecteur, qui ne peut se satisfaire de
émotions. L’incompréhension du narrateur est un autre cette explication surnaturelle, reste très dubitatif.

prolongements
Pour faire travailler la proposition infinitive, on demande aux élèves de réécrire des parties du texte en style indirect
en commençant par : « Niceros dicit… » ou « Niceros dixit… ». Les parties à réécrire sont proposées de façon progressive
et selon une approche différenciée. On sensibilise bien sûr les élèves à la concordance des temps (cf. p. 74 et leçon 27 p. 159).

2 Entre hommes et loups (p. 57)


Les documents proposés sur cette page invitent à réfléchir sur les raisons de l’extrême fécondité
du motif du loup-garou depuis l’Antiquité. Ce dialogue instauré entre textes du passé et documents
contemporains sur cet exemple d’hybridité particulièrement emblématique ne manquera pas
d’intéresser les élèves.

Informations supplémentaires

• Le Loup-garou est une nouvelle faisant partie d’un recueil, les pouvoirs. Mais la peau le rend fou et le contraint à fuir
publié de façon posthume. On y retrouve l’imagination le village, d’autant qu’il est poursuivi par Sigurd, le fils que
et la fantaisie caractéristiques de l’univers de Boris Vian. Gunnulf eut avec une louve, à qui devait revenir de droit
•Dans la bande dessinée Versipelle, Isabelle Bauthian la peau. Il faudra faire remarquer aux élèves que le titre
de la bande dessinée reprend le terme latin employé
et Anne-Catherine Ott proposent une variation du loup-
garou. Le jeune viking Harding tue lâchement le meneur pour désigner le loup garou.
de loups et sorcier, Gunnulf. Malgré l’avertissement de • Le texte de Pline atteste de l’esprit critique des Anciens
Gunnulf, il revêt sa peau de Versipelle pour s’en approprier à l’égard du phénomène.

Confronter
1. L’on retrouve dans l’extrait de la nouvelle de Boris Vian les 2. Les deux textes adoptent un même point de vue interne,
mêmes procédés caractéristiques du fantastique. L’action se même si les personnes choisies sont distinctes (la première
passe également une « nuit de pleine lune » (l. 1), un cliché personne du singulier pour le texte de Pétrone, la troisième
du récit de transformation. Comme le narrateur du texte de pour le texte de Vian). C’est à travers le regard du narrateur
Pétrone, le personnage de Vian éprouve des symptômes que le lecteur suit le militaire (l. 1 à 3), assiste à son rituel de
physiques (« grelottant de fièvre », l. 2, « titubant », l. 8) et transformation (l. 3 à 7), est saisi d’une incompréhension qui
des sentiments inhabituels (« surpris par l’effet étrange qu’il tourne à la peur panique (l. 8 à 14), mène en quelque sorte
ressentait », l. 3-4). Les deux récits décrivent tous deux une l’enquête (l. 14 à 24), et finit par conclure à la double nature
métamorphose. Dans le texte de Pétrone, le compagnon du du militaire (l. 24). Dans le texte de Vian, le lecteur découvre
narrateur se transforme en loup (« lupus factus est », l. 6), tandis progressivement la nouvelle apparence du loup Denis en
que le loup Denis dans la nouvelle de Boris Vian se transforme même temps que lui, pas à pas : son réveil fiévreux et étrange
en homme : « sous ses yeux se dressait le corps malformé d’un (l. 1 à 8) et la découverte de son nouveau corps (l. 8 à 21).
de ces hommes », l. 19-20). Dans le texte de Pétrone, l’acceptation par le narrateur de la

46 • L’homme et l’animal
réalité de la transformation du militaire en loup-garou (l. 24) exemple. L’homme peut aussi souhaiter disposer de facultés
met un terme à l’identification du lecteur. L’explication non animales dont il est privé, comme le jeune Harding dans la
rationnelle à laquelle il aboutit jette un doute sur la crédibilité bande dessinée Versipelle. L’animal peut aider l’homme à
de son histoire. Son intention n’est-elle pas avant tout de réfléchir sur sa propre nature. Le choix de mettre à revers le
distraire son auditoire (rappelons que l’histoire est racontée mythe du loup-garou donne une dimension non seulement
lors du banquet de Trimalcion) ? À moins qu’il veuille humoristique, mais aussi satirique à la nouvelle de Boris
simplement attirer l’attention sur lui, ou, plus grave, qu’il ne Vian. L’anthropolycie, très mal accueillie par le loup Denis,
soit atteint de quelque folie… Le narrateur de la nouvelle de renverse la hiérarchie admise entre homme et animal.
Boris Vian a embrassé d’emblée le monde merveilleux dont L’apparence physique de l’homme (« une figure étrange
il se fait le témoin et dans lequel il souhaite entraîner son lui faisait face, blanchâtre, dépourvue de poils », l. 13-14,
lecteur. Il n’est pas surpris qu’un loup s’appelle Denis, qu’il « corps malformé », l. 19) est dévalorisée par rapport à celle
ait à disposition un « phare hérité quelques mois auparavant de l’animal (« beaux yeux de rubis », l. 15, « riche pelage noir »,
d’une Mercedes affolée » (l. 5-7) et qu’il puisse se transformer l. 18). L’homme se révèle même un être peu doué pour
en humain. Le narrateur de la nouvelle de Vian cherche donc l’amour (« maladresse amoureuse », l. 20-21). Enfin, l’animal
avant tout à solliciter l’imaginaire du lecteur. peut renvoyer l’homme à sa propre folie, à sa propre barbarie,
3. Les textes et les documents de cette double page comme le montre de façon saisissante le graphisme de la
s’inscrivent dans une longue tradition du rapport ambigu bande dessinée. L’imaginaire permet donc à l’homme de se
que l’homme peut entretenir avec l’animal, entre peur et mettre à la place de l’animal, d’envisager toutes sortes de
fascination. C’est ce dont la création artistique témoigne. relations avec lui (songer à rappeler ici le mythe fondateur de
L’homme se méfie naturellement de l’animal dont les la louve allaitant Remus et Romulus), mais aussi de réfléchir
réactions sont imprévisibles, d’autant qu’il peut être une sur lui-même, montrant par là une faculté de création, qui
proie ou un nuisible pour lui (cf. le massacre du bétail caractérise son espèce. C’est d’ailleurs cette capacité à
accompli par le loup dans le texte de Pétrone). L’imaginaire s’écarter de la réalité que l’encyclopédiste Pline l’Ancien
humain se nourrit de cette peur ancestrale dont le mythe du souligne, par une alternative pleine d’humour, dans le court
loup-garou est un exemple emblématique. La description extrait donné de son Histoire naturelle.
de la frayeur du narrateur de Pétrone en fournit un bon

prolongements pistes pour construire un portfolio


Chaque élève choisit une transformation Les Métamorphoses d’Ovide constituent une banque de textes extrêmement
(lycanthropie ou anthropolycie) riche pour fournir des supports antiques en vue de la réalisation d’un diptyque
et la rédige en latin. Le texte de Pétrone, textuel autour des phénomènes de mutations et de transformations. Il faudra
accessible par son caractère narratif, attirer l’attention des élèves sur la manière dont le texte d’Ovide épouse dans
peut fournir une aide précieuse. son écriture le processus de la métamorphose.
Les élèves peuvent aussi s’aider
du lexique de la p. 68 et du dictionnaire Voir sur le site Méditerranées : http://mediterranees.net/litterature/ovide/
Olivetti présenté p. 19 pour trouver metamorphoses/progression.html
le vocabulaire qui leur manque. Voir aussi Françoise Frontisi-Ducroux, « L’invention de la métamorphose »
(2009), www.cairn.info/revue-rue-descartes-2009-2-page-8.htm#

3 D’où viennent les Sirènes ? (p. 58)


S’arrêter sur la représentation antique de la Sirène permet d’élargir la représentation qu’en ont
les élèves, essentiellement construite à partir du conte d’Andersen, porté à l’écran par les studios
Walt Disney. C’est l’occasion aussi de revoir le symbole qu’incarne cet hybride dans l’Odyssée.

TRADUCTION
Vous, filles d’Achéloüs,
d’où pourriez-vous tenir ces plumes et ces pattes d’oiseaux avec ces visages de jeune fille ?
Est-ce que parce que, alors que Proserpine cueillait des fleurs printanières,
vous étiez du nombre de ses compagnes, doctes Sirènes ?
Après l’avoir recherchée en vain sur toute la terre,
et que sans arrêt les flots éprouvèrent votre sollicitude,
vous avez souhaité pouvoir vous maintenir au-dessus des eaux au moyen de rames,
vous avez eu des dieux favorables et
vous avez vu vos membres vous couvrir subitement de plumes dorées.
Cependant pour que ce chant mélodieux, né pour caresser les oreilles,
et ce si grand don du visage ne perdent pas l’usage de la langue,
ils vous ont laissé votre visage de jeune fille et votre voix humaine.

L’homme et l’animal • 47
Informations supplémentaires
• L’écriture des Métamorphoses marque un tournant dans la carrière poétique d’Ovide. Il laisse
la légèreté de la poésie érotique pour la poésie érudite et les thèmes mythiques et religieux,
les formes brèves et disjointes pour le poème long, le distique pour le vers de l’épopée, l’hexamètre
dactylique. Il s’agit d’un ouvrage somme à valeur étiologique, dans la lignée des compilateurs
en vogue. Commencé vers 1 ou 2 après J.-C., le livre est tout juste achevé quand Ovide est exilé.
• Devant la mosaïque des Sirènes, c’est Ulysse attaché au mât de son navire qui a été volontairement
coupé pour mieux faire voir l’une des rares représentations romaines de ces êtres fabuleux.

Traduire
1. L’analyse logique de la phrase en gras invite les élèves à pluriel), son verbe à l’infinitif (« posse ») qui entraîne un autre
mettre en évidence le fonctionnement de la proposition infinitif (« insistere »).
infinitive, point de grammaire abordé dans l’une des pages Traduction : « vous avez souhaité pouvoir vous maintenir
de grammaire du chapitre (p. 74). « Optastis » (v. 8) est le verbe au-dessus des eaux au moyen de rames. » Il s’agit d’attirer
principal, introducteur de la proposition infinitive « posse super l’attention des élèves sur l’extrême concision de la langue
fluctus alarum insistere remis » (v. 7). Cette proposition infiniti- latine dont la logique permet d’éviter les répétitions par les
ve a son sujet à l’accusatif, (ici sous-entendu, car il est le même sous-entendus.
que celui du verbe introducteur, soit la deuxième personne du 2. Voir la traduction.

Interpréter
Ovide n’est pas aussi clair qu’Hygin sur la cause de la deux cents vers plus haut dans le chant. Mais l’éloignement
transformation des Sirènes. Il ne dit pas explicitement qu’elles est tel que c’est bien celle du poète que le lecteur entend,
n’auraient pas empêché l’enlèvement de Proserpine. On peut d’autant que Calliope est la muse de la poésie épique.
toutefois deviner ce grief dans la subordonnée « cum legeret L’évacuation de la cause traditionnellement donnée pour
vernos Proserpina flores / in comitum numero, doctae Sirenes » expliquer la transformation des Sirènes se comprend
(v. 3-4). Mais le recours à l’interrogation double (« unde… mieux dès lors. Les Sirènes ont abandonné la recherche de
an… », v. 1 à 4), accentuée par le subjonctif à valeur de Proserpine pour s’adonner au chant, autrement dit elles ont
potentiel (« geratis », v. 2), met à distance cette version héritée quitté une amitié mythologique (« in numero comitium »,
de la tradition. Par ce tour interrogatif, Ovide renvoie d’abord, v. 4) pour une amitié poétique. Comme le poète, elles sont
de façon implicite, et un peu ironique, aux nombreuses savantes (« doctae Sirenes », v. 4), c’est-à-dire qu’elles ont les
versions recensées par l’érudition des mythographes connaissances nécessaires à la perpétuation de la mémoire.
alexandrins – dont l’extrait d’Apollodore est un exemple. Une preuve supplémentaire de cette fraternité que se donne
Il cherche surtout à ouvrir le champ des interprétations le poète à lui-même tient dans l’hybridité : les Sirènes ont
relatives à cette métamorphose des Sirènes. L’apostrophe obtenu des dieux de conserver leur visage pour être en
directe (« vobis », v. 1) – très rare dans tout le poème –, vise mesure de chanter de concert avec le poète au sein même du
à souligner la proximité entre la « vox humana » (v. 12) des poème. C’est donc une relecture personnelle et poétique que
Sirènes et celle du poète. En fait, il s’agit de la voix de Calliope livre ici Ovide de l’origine de la transformation.
qui participe à l’affrontement entre Muses et Piérides, lancé

Culture
1. Les deux documents s’accordent sur l’apparence physique (Odyssée, XII, v. 165-200). En effet, selon la légende, elles attirent
des Sirènes, mais avec des variantes. La mosaïque, retrouvée les marins dont les bateaux se brisent sur leurs rochers, puis
dans le péristyle d’une maison de Dougga, donne à voir la les dévorent. Le poète alexandrin Apollonios de Rhodes (IIIe s.
description établie par le mythographe Apollodore. On y voit av. J.-C.), dans son épopée des Argonautiques (IV, v. 885-919),
les trois Sirènes ayant au lieu de jambes des pattes d’oiseaux, et raconte que Jason et ses compagnons, partis sur le navire
le haut du corps de forme humaine. À noter toutefois que les Argo, à la conquête de la toison d’or, durent aussi affronter
Sirènes de la mosaïque ont des ailes que ne mentionne pas le les Sirènes. Ils en triomphèrent grâce au chant d’Orphée qui
mythographe. L’une, assise, tient de sa main droite une lyre, la surpassa leurs voix, et ainsi évita aux marins de diriger le navire
deuxième chante, la dernière tient dans chacune de ses deux vers les rochers.
mains des sortes de flûtes. La description d’Ovide propose 3. Dès l’Antiquité, les figures mythologiques donnent matière
une variante. Selon lui, les Sirènes n’ont gardé de leur corps de à une pléthore d’interprétations. Représentées sur les tombes,
jeune fille que le visage pour conserver leur chant mélodieux. les Sirènes accompagneraient, de leurs hymnes funèbres, les
C’est d’ailleurs ainsi qu’elles sont représentées sur les cérami- morts dans les Enfers et les protégeraient des mauvais esprits
ques grecques (voir le site Méditerranées : http://mediterra- (rôle apotropaïque). Les pythagoriciens voient dans le chant
nees.net/mythes/ulysse/epreuves/sirenes/daremberg.html). des Sirènes, le symbole de l’harmonie des sphère, précisément
2. La mosaïque de Dougga a volontairement été reproduite parce qu’elles conduisent les âmes après la mort. De façon plus
de façon partielle. Sur la partie droite qui n’a pas été présentée prosaïque, les Sirènes peuvent aussi symboliser les embûches
figure Ulysse attaché au mât de son navire, entouré de ses de la navigation, et au-delà de la vie. De façon métaphorique,
compagnons qui doivent avoir les oreilles bouchées avec de elles peuvent aussi incarner la tentation de la connaissance.
la cire pour ne pas entendre le chant séduisant des Sirènes C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la fraternité

48 • L’homme et l’animal
établie par Ovide entre sa voix de poète et celle des Sirènes pleines de désirs pour les héros qu’elles pleurent. Enfin, d’une
(« doctae Sirenes », v. 4). Signalons une double interprétation façon générale, les Sirènes symbolisent l’appel de l’ailleurs,
érotique. Les Sirènes incarneraient la tentation de la défloraison la tentation de l’inconnu. Voir Maurizio Bettini, Luigi Spina,
(les Sirènes sont créatures restées vierges). Elles seraient aussi Le Mythe des Sirènes, Belin, 2010.

prolongements

• Un petit travail d’écriture possible consisterait à demander • Le texte d’Ovide pourrait nourrir un diptyque textuel dans le cadre de
aux élèves de légender la mosaïque en deux ou trois courtes phrases. la réalisation d’un portfolio. Les réécritures modernes et contemporaines
Ils/elles pourraient bien sûr se servir du vocabulaire du texte d’Ovide, du mythe ne manquent pas (les poèmes « Lul de Faltenin » d’Apollinaire
du lexique p. 68 et du dictionnaire Olivetti, présenté en p. 19. dans Alcools, ceux de Desnos « Sirène », « Siramour », « Ma sirène »
de Desnos dans Destinée arbitraire, les nouvelle Le Silence des Sirènes
de Kafka et Le Professeur et la sirène de Lampedusa, la pièce de théâtre
Ondine de Giraudoux, le roman Ulysse de Joyce…).

4 Les centaures : mi-monstres mi-hommes (p. 59)


Par l’association d’un buste humain et du corps de l’un des animaux les plus proches de l’homme,
et pour l’avoir accompagné dans son évolution, le centaure est une figure hybride qui saura susciter
la réflexion des élèves, d’autant que la mosaïque proposée attire l’œil.

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


Hercule, alors qu’il était venu en hôte chez le roi Dexaménus, qu’il Le nom d’Hygin sous lequel nous est parvenu
avait défloré sa fille Déjanire et qu’il s’était engagé à la prendre pour un recueil de fables mythologiques est mal
femme, après son départ, le centaure Eurytion, fils d’Ixion et de identifié. Peut-être serait-il à assimiler à Caius
Nubis, demanda pour femme Déjanire. Le père de cette dernière, Julius Hygianus, le bibliothécaire d’Auguste ?
craignant sa violence, lui promit de la lui donner. Au jour fixé, il L’écriture essentiellement narrative
vint avec ses frères aux noces. Hercule survint, tua le Centaure et de ces textes brèves les rend accessibles
emmena sa promise. à des élèves de seconde.

Langue
1. Le repérage des deux propositions subordonnées relatives (l. 4) pour le second. Dans les deux cas, le temps de l’infinitif
vise à familiariser les élèves avec ce type construction, fré- est le futur. C’est l’occasion de faire remarquer aux élèves
quente en latin. La première se trouve aux lignes 2-3 : « se eam que la périphrase caractéristique de l’infinitif futur n’est pas
uxorem ducturum ». Elle est introduite par la périphrase « fidem complète. Le verbe esse est à chaque fois sous-entendu.
dedisset » (l. 2). La seconde se trouve à la ligne 5 : « se daturum ». L’emploi du futur précipite la succession des événements.
Elle est introduite par le parfait « pollicitus est » (l. 5). La défloraison de Déjanire entraîne immédiatement la
2. Parce qu’elles présentent une similitude de construction, demande en mariage d’Eurytion auprès de son père qui la lui
l’observation de ces deux propositions subordonnées accorde tout aussi immédiatement. L’accélération du récit est
infinitives est très formative. Dans les deux cas, le sujet à accrue par le parallélisme de construction des propositions
l’accusatif est le pronom réfléchi « se » qui renvoie au sujet du infinitives et par le fait que la seconde soit l’immédiate
verbe introducteur « Hercules » (l. 1) pour le premier et « pater » réponse à la première.

Traduire
1. Dexaménus est le père de Déjanire. Le centaure Eurytion est le fils d’Ixion et de Nubis. Hercule
et Eurytion sont rivaux parce qu’ils veulent tous deux épouser Déjanire. Déxaménus donne
sa fille à Eurytion par peur de sa violence. Pirithous est le futur époux d’Hippodamie, fille d’Adraste.
2. Voir la traduction.

Interpréter
1. Cette célèbre mosaïque est sans doute une copie romaine sont enfoncées dans le corps du centaure à terre. Sur un rocher
d’un original grec datant de la période hellénistique (II-IIIe s. surélevé, un léopard s’apprête à bondir sur le centaure mâle.
av. J.-C.). Elle provient du triclinium du bâtiment principal de Sur le bras gauche de ce centaure, est suspendue une peau de
la villa d’Hadrien à Tivoli. Elle fut découverte lors des fouilles panthère, renvoi au monde dionysiaque, mais aussi au léopard,
entreprises au XVIIIe s. sur le site. Elle est actuellement conservée comme une trace d’un ancien combat. Le cadre naturel
à Berlin. La scène représente la lutte de deux centaures, se contribue à dramatiser la scène. Il est constitué de rochers
défendant contre une attaque de fauves (un lion, un tigre et qui servent l’action (point d’appui pour la panthère, arme
une panthère). Un centaure, qui est parvenu à se débarrasser défensive pour le centaure). L’arrête rocheuse du premier plan
du lion, menace d’écraser un rocher sur le tigre dont les griffes fait songer à une falaise, ce qui redouble l’effet dramatique. La

L’homme et l’animal • 49
végétation maigre confirmerait cette hypothèse. Le spectateur tarder la main de sa fille au centaure Eurytion par peur de sa
s’identifie aux centaures, d’une part par la mise en lumière violence (« vim timens », l. 5). Les centaures invités aux noces de
de leurs bustes humains, de l’autre par la menace de mort Pirthous et Hippodamie transforment le festin de mariage en
que représentent les fauves. La position du centaure couché, champ de bataille, pour avoir bu par inadvertance du vin (l. 9
subissant la pression des griffes du tigre faisant jaillir du sang, à 11). Les centaures sont au départ des êtres brutaux, aimant le
l’impossibilité de savoir s’il vit encore, en raison du bras qui vin (pourtant contre-indiqué) et la sensualité. Ils symbolisent
cache volontairement son visage, sont autant d’éléments qui les instincts primaires de l’homme. La mosaïque atteste donc
suscitent la pitié. C’est donc à une humanisation de ces êtres d’une évolution dans la représentation du centaure. Certes, ils
hybrides que semble procéder la représentation. sont montrés parmi une nature sauvage en train de se battre,
2. À l’exception de quelques-uns (le centaure éducateur mais ce ne sont plus eux les agresseurs. Leur hybridité n’est plus
Chiron ou Pholos, le centaure sage qui accueillit Héraclès repoussante, elles inspirent de la pitié. Le visage du centaure
après la capture du sanglier d’Erymanthe), les centaures du est même empreint d’une certaine douceur, ce qui contribue à
texte d’Hygin ont les réactions violentes qui les caractérisent redoubler la compassion du spectateur.
dans la mythologie grecque. Le roi Dexaménus accorde sans Voir le site Méditerranées : www.mediterranees.net/
mythes/centaures/daremberg.html
prolongements

• Les élèves peuvent proposer une phrase latine en guise de légende pour la mosaïque. Ils/elles peuvent se servir
du vocabulaire du texte d’Hygin, du lexique p. 68 et du dictionnaire Olivetti, présenté en p. 19.
• Cette mosaïque peut être le point de départ d’un diptyque iconographique confrontant représentation antique
et représentation moderne ou contemporaine de la figure du centaure. La fascination exercée par cet hybride a nourri
l’imaginaire des artistes. On aura aucune peine à trouver des images à confronter dans le domaine de la peinture,
la sculpture, le cinéma ou la bande dessinée.

lecture Regards de l’homme sur l’animal :


animaux réels, animaux fabuleux ; encyclopédies et bestiaires

1 Regards scientifiques sur la baleine (p. 60)


Le choix de la baleine pour explorer la double approche, scientifique et mythologique, que les Romains
portent sur l’animal est particulièrement emblématique, par le caractère exceptionnel de l’animal.
Les textes de Pline l’Ancien et celui d’Isidore de Séville livrent une même description naturaliste
de la baleine, dégagée de toute vision imaginaire. Elles rendent compte de l’état des connaissances
sur l’animal durant l’Antiquité.

TRADUCTION
Traduction du texte de Pline l’Ancien :
Le plus gros animal dans la mer Indienne [...] est la baleine, dans l’océan des Gaules, ce souffleur
se dresse comme une colonne immense, et plus haute que les voiles des navires, rejette une sorte de
déluge. […] Les baleines pénètrent aussi dans nos mers. […] Les baleines ont des évents au front ;
c’est pourquoi nageant à la surface de l’eau, elles soufflent en l’air des nuages de pluie. Elles res-
pirent de l’aveu de tous ainsi que très peu d’autres animaux marins, qui ont un poumon parmi leurs
viscères.

Traduction du texte d’Isidore de Séville :


Quant aux baleines, ce sont des bêtes d’une taille immense, qui tirent leur nom de leurs jets et diffu-
sions d’eau ; de tous les autres animaux en effet elles projettent plus haut leurs jets d’eau ; « ballein »
en effet signifie en grec « lancer ».
Les cétacés sont nommés « to kétos » et « ta kètè », en raison de leur énormité. Ce sont en effet des
espèces gigantesques d’animaux monstrueux et leurs corps sont semblables à des montagnes.

Lexique
Ce qui caractérise à première vue la baleine, c’est sa taille. Outre les noms (« magnitudinis »,
l. 1 et « immanitatem », l. 7) présents dans le texte d’Isidore de Séville, des adjectifs insistent
sur cette taille hors norme. Pline l’Ancien emploie successivement l’adjectif magnus au superlatif
(maximum », l. 1), « ingentis » (l. 3) – que l’on retrouve chez Isidore de Séville (« ingentia », l. 7),
et l’adjectif altus au comparatif (« altior », l. 3). L’on trouve aussi chez Isidore de Séville l’adjectif
« immensae » (l. 1).

50 • L’homme et l’animal
Lire
1. Le mot employé par Isidore de Séville a perdu la voyelle lambda du verbe grec βάλλειν (ballein). Il est amusant de
a dans la deuxième syllabe du mot (ballaena/ballena). Cette voir que les fluctuations orthographiques et les incertitudes
double orthographe signale l’instabilité des sons voyelles au étymologiques sont à l’image de la difficulté pour les Anciens
fil des siècles. On sait que dès le Ier s., la diphtongue ae est à appréhender cet animal si singulier.
prononcé en un seul son e. Pline qui écrit la diphtongue la 2. Cette activité vise une compréhension globale telle qu’elle
prononçait sans doute déjà plus telle qu’il l’écrit. Mais cela est pratiquée en langues vivantes. On laisse un temps aux
ne veut pas dire qu’il la prononçait comme Isidore de Séville élèves pour s’approprier chaque texte avec le vocabulaire,
qui écrit six siècles après lui. Des changements phonétiques puis on les invite à lire le texte et à proposer une traduction,
significatifs se produisirent en effet dans la Romania, entre nécessairement approximative. On les laisse libres de leur
le Ve et le VIIIe s., qui feront évoluer le latin vers les langues découpage, qui dépendra de la saisie du texte par chacun. On
romanes (cf. p. 12-13). Précisons que l’on trouve aussi le mot peut aussi organiser une sorte de dialogue des traducteurs
dès le latin classique écrit avec un seul l (ballaena/balaena). en répartissant les deux textes entre les élèves de classe,
Le l géminé correspondrait, selon Isidore de Séville qui semble selon une approche différenciée. On peut aussi envisager
le donner pour étymologie au mot « baleine », au double l’activité par binômes.

Comprendre
1. À la fin de sa vie, Isidore de Séville (560-636) s’adonne à un et la taille est la première caractéristique que donne Isidore
travail de compilation du savoir païen en rédigeant les vingt sur ces animaux (« immensae magnitudinis », l. 1). Vient
livres de ses Étymologies. Cet ouvrage sera une référence ensuite la singularité de leur mode de respiration. Pline
durant tout le Moyen Âge, et sera régulièrement réimprimé qualifie l’animal de « souffleur » (« physeter », l. 2) et situe
pendant la Renaissance. Isidore fait découler le mot « baleine » précisément l’emplacement (« in frontibus », l. 6) des évents
du verbe grec βάλλειν (ballein). De fait, d’un point de vue (« ora », l. 6). Il en profite pour expliquer la nécessité qu’elles
orthographique, l’on constate une correspondance quasi ont de devoir remonter à la surface pour respirer (l. 6 à 8).
parfaite. Du point sémantique, l’étymologie semble aussi Isidore signale lui aussi cet expulsion d’air par l’évent (l. 6).
fonctionner. La baleine, comme tous les cétacés, possède Mais seul Pline reconnaît dans les jets d’eau expulsés un vrai
une narine au sommet du crâne appelé « évent », par lequel mode de respiration. L’expression « confessione omnium »
elle expulse (ballein) l’air expiré. L’emploi de deux verbes (l. 8) montre qu’il se range à l’avis général, parce qu’il a été
synonymes latins « jaciunt » (l. 4) et « emittere » (l. 5) visent à constaté que la baleine dispose bien de poumons et de
garantir par le raisonnement la justesse de cette déduction viscères (l. 9-10). Malgré les observations scientifiques dont
étymologique. Isidore se tourne à nouveau vers le grec pour ils se font le relai, les comparaisons que tous deux utilisent
expliquer le terme générique de « cétacé », donné aux gros laissent à penser qu’ils peinent à s’imaginer un être vivant
animaux qui nagent dans les mers. Isidore fait dériver le mot d’une telle taille. Pline compare le saut de la baleine à
latin cete du pluriel du mot neutre κῆτος (kètos) qui signifie de « une colonne immense » (« ingentis columnae », l. 3, cf. la
fait « monstre marin ». C’est la taille énorme (« ob immanitatem », photo) dont la chute provoque une « sorte de déluge »
l. 7) de la baleine qui rend approprié l’emploi du terme grec (« quandam diluvium », l. 4). Pour Isidore, les cétacés peuvent
κῆτος. Isidore donne à comprendre le sens du mot grec en être comparés à des monstres (« beluarum », l. 8) et à des
proposant son équivalent latin « belua » (l. 8, signifiant « animal montagnes (« montium », l. 8). Les deux auteurs ne contestent
monstrueux »). Si l’étymologie de « baleine » fait débat, celle pas l’existence des baleines, mais, sans doute pour ne pas en
proposée par Isidore pour le mot « cétacé » est confirmée. avoir vu de près, leur imagination parasite leur approche
2. La description que Pline l’Ancien et Isidore de Séville rationnelle, la met à l’épreuve. Cela se voit chez Pline dans la
proposent de la baleine cherche à être objective. Ils évoquent comparaison excessive qui le pousse à dire que les baleines,
tous deux sa taille imposante. Pline la présente comme une fois redressées au-dessus de l’eau, sont plus hautes que
l’animal le plus gros qui existe (« maximum animal », l. 1) ; les voiles des navires (l. 3-4)...

prolongements

• Dans le cadre d’une autre exploitation orale des textes, les élèves imaginent des questions en latin.
Leurs camarades répondent en s’aidant des textes de Pline l’Ancien et d’Isidore de Séville.
• Les élèves peuvent être invités à rédiger un petit article de dictionnaire sur l’animal de leur choix à la manière
d’un naturaliste. Selon une approche différenciée, les élèves l’écrivent en français, en français avec des mots
latins incorporés, ou complètement en latin. Les élèves peuvent s’aider du lexique de la p. 38 et du dictionnaire
Olivetti présenté p. 19.

L’homme et l’animal • 51
2 La légende d’Andromède (p. 61)
Après l’approche naturaliste de la baleine explorée sur la page de gauche, les élèves
sont invités à découvrir quelle place occupe le cétacé dans l’imaginaire des Anciens.
Les hommes ont en effet recouru aux animaux pour expliquer de façon allégorique le monde.

TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES


Cétus. À son sujet, il a été dit qu’il a été envoyé par Nep-
tune, pour qu’il tuât Andromède, dont nous avons parlé
• Des informations ont été fournies sur Ovide
et ses Métamorphoses pour la p. 58.
auparavant ; mais qu’il a été tué par Persée, à cause de
l’énormité de son corps et à cause du courage de ce héros
• L’on pense que l’auteur de l’Astronomie est vraisembla-
blement le bibliothécaire d’Auguste (né vers 65 av. J.C.).
placé parmi les étoiles. De astronomia est un abrégé de cosmographie.
Il comporte, entre autres, un inventaire de toutes
les constellations et des mythes stellaires qui y sont liés.
L’ouvrage s’inspire des Catastérismes du grec Ératosthène.
Interpréter
Telle la baleine, le monstre décrit par Ovide vit dans l’eau, rasser des parasites, parmi lesquels on compte aussi des cra-
comme le signalent les termes « marin » (l. 1), « mer immense » bes, des lamproies et des algues, que la baleine effectue ces
(l. 1), « étendue liquide » (l. 2). Sa taille gigantesque en fait un sauts qui impressionnent Pline l’Ancien (l. 4). Manifestement le
être hors du commun, d’où les qualificatifs de « monstre » (l. 1) monstre imaginé dans la légende d’Andromède est fortement
et d’ « animal monstrueux » (l. 5-6). Il a la faculté de s’élever au- inspiré par la baleine. Le terme employé par Ovide est « belua »,
dessus de l’eau (l. 1) comme le fait la baleine que Pline l’Ancien qu’utilise d’ailleurs Isidore de Séville (« beluarum », l. 8) pour
compare à une gigantesque colonne dressée (« ingentis évoquer les cétacés. Ce qui différencie radicalement le monstre
columnae modo », l. 3). Si ni Pline l’Ancien ni Isidore de Séville de la baleine tient au régime alimentaire. De façon paradoxale,
n’évoquent les parasites qui se fixent sur le corps de la baleine, la baleine engloutit, certes en quantité, des proies de très petite
la description que fait Ovide du dos du monstre « couvert de taille (essentiellement du krill). On est loin de l’appétit carnivore
coquillages creux » (l. 3) rappelle les balanes, ces coquillages du monstre de la légende. C’est donc avant tout la taille de la
appelés aussi plus familièrement « chapeaux chinois » qui se baleine qui a nourri l’imaginaire humain.
fixent sur la peau de l’animal. C’est d’ailleurs pour se débar-

Traduire
Pas de difficulté particulière dans cette notice à traduire.

Comprendre
1. L’astronome Hygin avance deux raisons principales pour il possède la taille imposante ; de son origine marine, on
expliquer la catastérisation de Cétus. La taille exceptionnelle reconnaît la queue et des sortes de nageoires qui terminent
du monstre (« propter immanitatem », l. 7) est la première des son ventre, ses deux pattes et le sommet de son crâne.
deux raisons. Mais ce critère n’est pas en soi suffisant. Comme Ses dents rappellent aussi celles d’un requin. Mais l’aspect
toutes les transformations en constellation, le personnage général et le reste de son apparence ne peuvent faire songer
ou l’être destiné à devenir étoile doit faire partie d’un récit à une baleine. Cette image est en fait héritée des premières
mythologique. C’est le cas pour Cetus qui fut tué grâce la représentations grecques du monstre sur des céramiques
bravoure de Persée (« illius virtutem », l. 8-9). Reprenant donc (VIe -Ve siècle av. J.-C). Kétos (nom grec, d’où est issu Cetus, et
l’explication d’Ératosthène dans ses Catastérismes (IIIe s. av. qu’on trouve écrit sur certains vases), présente généralement
J.-C.), Hygin explique que Cetus accéda au statut de constel- le corps d’un serpent au poitrail massif (cf. le large poitrail
lation pour rappeler l’exploit de Persée qui le tua. Avec lui, évoqué par Ovide), une longue queue terminée par une
tous les personnages de la légende devinrent des constella- nageoire bi- ou tripartite, deux pattes de lion, une crête
tions (Céphée le père, Cassiopée la mère, Andromède la hérissée, un museau allongé, une grande bouche pourvue
fille, Persée le sauveur et bien sûr Cétus). Le changement de de dents pointues d’où sort une longue langue. C’est sous
nom de la constellation de Cetus pour « la Baleine » vient de cette forme qu’il est représenté depuis le Moyen Âge,
l’utilisation du terme cetus pour désigner la baleine comme période pendant laquelle il prend progressivement l’aspect
un des représentants des monstres marins. C’est ce que fait d’un poisson géant pour devenir la constellation de la
d’ailleurs Isidore de Séville dans sa notice étymologique (p. 60). Baleine. Voir, sur le site de Koregos, l’article d’Hélène Camier,
L’assimilation de la constellation de Cetus à la Baleine se fit « Du monstre au cétacé, représentations médiévales de la
progressivement pendant tout le Moyen Âge, notamment cons-tellation de la baleine » (23 avril 2013), www.koregos.
sous l’influence de l’épisode biblique de Jonas. org/fr/helene-cambier_du-monstre-au-cetace/2573
2. La représentation de la constellation qui figure dans
prolongements
l’ouvrage de l’astronome allemand Johann Bayer, publié en
1603, donne une image qui rappelle en partie seulement le Dans le cadre d’un portfolio, les catastérisations fournissent un vivier
monstre de la mythologie. Certes, il est monstrueux parce suffisamment riche pour que chaque élève du groupe des latinistes
qu’il n’est pas identifiable à un animal vivant connu. Du Cetus, trouve de quoi construire un diptyque iconographique aux effets
visuels particulièrement attractifs.

52 • L’homme et l’animal
3 Éloge des chiens (p. 62)
L’homme a lié une relation très ancienne avec le chien, première espèce domestiquée au début
du Paléolithique. La page fait découvrir la place occupée par le chien durant l’Antiquité romaine.
TRADUCTION INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
Qui parmi les hommes plus clairement ou d’une voix si forte annonce L’ouvrage de Columelle (né à Gadès),
un voleur ou une bête sauvage que cet animal par son aboiement, De re rustica, compte parmi la dizaine
quel serviteur aime plus son maître, quel compagnon est plus fidèle, de traités d’agriculture que nous a léguée
quel gardien est plus incorruptible, quelle sentinelle plus vigilante l’Antiquité romaine. Ce goût pour
peut se trouver, enfin, quel défenseur ou vengeur est plus constant ? la littérature technique agricole s’explique
C’est pourquoi avant toute chose, le paysan doit acheter et entretenir par l’attachement des anciens Romains
cet animal, parce qu’il garde la villa, les cultures, la famille et les au travail de la terre, dans lequel doivent
troupeaux. être puisées les valeurs morales ancestrales.

Langue
1. L’activité veille à habituer les élèves à se montrer vigilants l’animal au sein du dispositif agricole. Le chien rend de
dans l’appréhension des formes latines, notamment en se multiples services à l’agriculteur. Il joue un rôle d’avertisseur
méfiant des faux amis. Le texte ne compte pas moins de en cas d’intrusion humaine ou animale par ses aboiements
sept formes qui se terminent toutes en -or. Cinq sont des (« latratu », l. 2). Il sait donc faire preuve d’une grande vigi-
comparatifs : amantior (l. 2), fidelior (l. 3), incorruptior (l. 3), lance (« vigilantior », l. 4), en tant que gardien (« custos », l. 3)
vigilantior (l. 4), constantior (l. 5). Ils participent bien sûr à ou sentinelle (« excubitor », l. 4). Le chien assure d’autant
l’éloge que fait Columelle de l’animal domestique. Les deux mieux ce rôle qu’il montre une grand fidélité (« fidelior », l. 3,
derniers sont des noms communs : exubitor (l. 4), ultor (l. 4), « incorruptior », l. 3, « constantior », l. 5) pour son maître en lui té-
caractérisés chacun par un comparatif. Là est le piège moignant une affection totale (« amantior », l. 2, « fidelior », l. 3).
dans lequel il ne faut pas tomber en se laissant bercer par Cette fidélité va jusqu’au dévouement : il prend fait et cause
l’harmonie sonore des homéotéleutes ! pour lui, comme le souligne les termes « ultor » (l. 4) et
2. L’énumération des qualités à laquelle procède Columelle « vindex » (l. 5). Voilà pourquoi il peut être considéré comme
dit la place fondamentale que l’agronome accorde à un véritable compagnon (« comes », l. 3).

Traduire
1. Conformément à la formation rhétorique qu’il a reçue, compte quatre occurrences (l. 1, 2, 3, 4). Cette construction
Columelle met en avant les grandes qualités du chien en très emphatique doit faciliter le travail de traduction.
s’appuyant sur une série de questions oratoires, toutes 2. Voir la traduction.
lancées par l’anaphore du pronom interrogatif quis, dont on
Comprendre
1. Dans la deuxième partie de l’extrait, Columelle donne homme à cheval et deux chiens lancés à la poursuite d’un lièvre
des conseils pour entretenir et choisir les chiens en fonction (non visible). Cette scène donne à voir la dernière catégorie de
des tâches qu’on leur confie. La mosaïque de la maison de chiens qu’il faut élever selon Columelle « pour la chasse » (l. 14).
Lucius Caecilius Jucundus, à Pompéi, présente un grand 2. Dans la vidéo, on distingue deux sortes de chiens qui vivent
chien noir, couché sur le seuil. Ce type de chien correspond dans la maison romaine. Les chiens de garde constituent la
à la première espèce évoquée par Columelle. Ils servent à première catégorie. Ils sont imposants par leur taille et par leur
« signaler les embuscades tendues par les hommes et [à] couleur sombre, plus commode pour ne pas être vus la nuit.
garder la villa et tout ce qui en dépend » (l. 9-11). La vaste villa Des chiens plus petits, de couleurs plus variées, constituent
romaine du Casale de Piazza Armerina (fin IIIe s.-début IVe s.) la seconde catégorie. Ce sont des chiens de compagnie qui
présente un ensemble de mosaïques très bien conservées. sont seuls autorisés à circuler dans l’ensemble de la maison.
La salle de la Petite chasse est une des pièces qui s’ouvre sur Ils peuvent être des compagnons de jeu pour les enfants (cf.
le péristyle. Elle est pavée d’une mosaïque qui met en scène la sculpture, p. 53) ou servir d’agréments au maître et/ou à la
le récit d’une journée de chasse. Dans l’angle supérieur, se maîtresse.
trouve une scène de chasse au renard. Toutefois, compte-tenu
3. Certaines mosaïques montrent des chiens de garde dans
de sa nature prédatrice pour l’agriculteur-éleveur, l’on peut
une posture agressive, prêts à attaquer, les crocs mena-
considérer que l’homme, secondé par deux chiens rapides,
çants. Voilà pourquoi ces gros chiens étaient le plus souvent
cherche à chasser loin de sa villa cet animal nuisible. L’on peut
attachés à une chaîne, catena en latin, reliée à un anneau
donc imaginer que cette mosaïque puisse servir à illustrer la
fixé sur la porte ou sur le mur. D’où leur désignation par
deuxième catégorie de chiens évoquée par Columelle, celle
l’expression canis catenarius, « chien enchaîné ». Parfois, l’on
qui permet de se prémunir « contre les attaques des hommes
trouve l’inscription célèbre « Cave canem » qui signifie « prends
et des bêtes et pour garder les étables à l’intérieur, et les
garde au chien ». Ces mosaïques de chiens placées à l’entrée
animaux qui paissent à l’extérieur » (l. 11-13). Enfin, la dernière
des maisons ont les mêmes fonctions que les chiens qu’elles
image est un fragment d’une mosaïque issue d’une maison de
représentent. Elles servent, bien sûr, à prévenir les visiteurs
la ville de Thysdrus (El Jem), datant du IIIe s., et représentant
et à dissuader les gens mal intentionnés. Elles ont en plus
différents épisodes d’une chasse à courre. Nous voyons un
une fonction décorative, tout en chassant le mauvais œil.

L’homme et l’animal • 53
IDÉO
1
V

prolongements
Visite virtuelle ®
• Sur le modèle de l’éloge que fait Columelle, les élèves peuvent
Les questions 2 et 3 de l’onglet Comprendre supposent rédiger en latin un bref éloge de l’animal de leur choix. Ils/elles seront
un visionnage préalable de la vidéo. Ce visionnage peut s’effectuer ainsi amenés à manipuler les degrés de l’adjectif travaillés
avec prise de notes, soit en faisant lire les questions avant dans le chapitre. La page 70 de grammaire peut être un préalable
la diffusion, soit après, selon les capacités des élèves. à l’exercice. Pour faciliter le travail d’écriture, on les autorise
La vidéo peut aussi servir à une lecture-compréhension à reprendre le procédé de l’anaphore utilisé par Columelle.
de l’extrait latin du texte. On diffuse la vidéo, puis on lit le texte, • Le texte de Columelle trouvera facilement sa place dans
tout en demandant aux élèves d’effectuer des liens. Ce peut être un diptyque textuel. Les textes modernes ou contemporains
une façon dynamique de lancer la séance de lecture. sur le meilleur ami de l’homme ne manquent pas.

4 Des chiens dénaturés (p. 63)


C’est sur l’homme que cette page de confrontation fait réfléchir. La manière dont il se comporte
avec cet animal qui a accompagné son évolution permet de comprendre la complexité de sa nature.
Les deux extraits sont représentatifs de l’époque de création des films dont ils sont issus, le début
des années 1980 pour l’un et l’époque contemporaine pour l’autre. En même temps, ils permettent
de développer une réflexion plus générale sur les relations entre l’homme et l’animal.

Confronter
1. Le film de Samuel Fuller (1912-1997), sorti en 1982, est inspiré en quelque sorte programmer un chien pour attaquer une
d’un roman à caractère autobiographique de Romain Gary, cible particulière, en l’occurrence les hommes de couleur
publié dix ans plus tôt, dans lequel l’écrivain français rend noire, mais aussi, peut-être, le « déprogrammer », comme le
compte, entre autres, du racisme à l’égard des Noirs améri- laisse à penser le face-à-face des regards entre le dresseur
cains et de leur lutte pour les droits civiques. Dans le roman, Keys et le chien. La deuxième qualité tient dans l’affection et
le chien est un berger allemand. L’animal est appelé « chien le secours que les chiens apportent à l’homme. Dans l’extrait
blanc », parce qu’il a été élevé dans le sud ségrégationniste du film de Wes Anderson, défilent trois photographies qui
des États-Unis, « spécialement dressé pour aider la montrent, successivement une petite fille qui a été sauvée
police contre les Noirs » (comme le précise dans l’extrait, de sa maison en flammes par un grand chien noir, un chien
Mr Carruthers, le directeur de l’Arche de Noé). Pour rendre brun aux côtés de son maître aveugle, et une meute d’huskys
plus visuel ce dressage très particulier, Samuel Fuller a choisi blancs attachée à un traîneau. Le professeur Watanabe
un berger blanc suisse. L’affiche met bien en valeur cette rappelle d’ailleurs que le chien est considéré comme « le
intention : le « chien blanc » a les babines retroussées, les meilleur ami de l’homme », formule que l’on retrouve chez
crocs serrés ; le rouge de l’œil et de l’intérieur de sa bouche Columelle dans les interrogations rhétoriques « quis famulus
fait écho au titre dont les lettres capitales sont comme amantior domini, quis fidelior comes » (l. 2-3).
mordues ; quant aux ombres qui accentuent l’air agressif 3. Columelle donne des conseils aux propriétaires de villa
du chien, elles rappellent le fond de l’affiche. Les trois sur la nécessité d’avoir des chiens de races différentes en
seules couleurs qui composent l’affiche donnent à saisir fonction des usages que l’on veut en faire, dans le but de
d’emblée le propos du film : un chien blanc est dressé faire prospérer le domaine agricole. Même s’il fait l’éloge
pour faire couler le sang des Noirs, comme le confirme, de cet animal, son ouvrage cherche avant tout le bien de
dans l’extrait, l’attaque que subit l’employé noir de l’homme. C’est en revanche le racisme et la barbarie, dont
Mr Carruthers et la muselière que porte le chien. l’homme peut être capable, que dénonce Samuel Fuller dans
Dans L’Île aux chiens, film sorti en 2018 et réalisé par Wes ce film. Le sujet était encore si polémique en ce début des
Anderson (né en 1969), les chiens de la ville imaginaire de années 1980 que le distributeur Paramount décida de ne
Megasaki sont atteints par la grippe canine. En raison de pas sortir le film aux États-Unis par peur du scandale. Il ne
la menace qu’ils représentent, le maire, Kenji Kobayashi, connut qu’une distribution limitée et confidentielle dix ans
décide les exiler sur un île, lieu désaffecté, sorte de décharge, plus tard. Il est aussi question d’inhumanité dans le film de
qui apparaît en arrière-plan de l’affiche. Ils sont capturés, Wes Anderson. Les chiens deviennent des pestiférés dont il
transportés au moyen d’un téléphérique, visible sur l’affiche faut débarrasser la ville. L’intention est bien sûr politique. Le
et dans l’extrait. Le premier chien à subir ce sort est le chien maire Kobayashi fait songer à des dirigeants contemporains
du maire sur lequel s’arrête l’extrait, Spots Kobayashi. Les à tendance autocratique ; la relégation des chiens à celle de
chiens du film sont donc déchus de leur statut d’animaux populations jugées indésirables, pour une raison ou une
préférés des hommes, relégués au rang d’immondices. autre, contraintes de vivre à l’écart, dans des lieux insalubres.
2. La première qualité mise en évidence par l’extrait de En résumé, Columelle explique comment éduquer et vivre en
Columelle et le film de Samuel Fuller est la malléabilité harmonie avec les chiens, Samuel Fuller dénonce les dérives
du chien. Columelle indique les différentes tâches pour du dressage, et Wes Anderson, à la manière des fables, met
lesquelles un chien peut être dressé (le gardiennage, la en scène une histoire de chiens pour mettre en garde contre
défense, la chasse). De même, l’extrait montre que l’on peut les dangers de toute idéologie.

prolongements

Pour manipuler les degrés de l’adjectif, les élèves proposent en latin quelques phrases de comparaison
pour rendre compte des différences de traitement des chiens dans les deux extraits de film.

54 • L’homme et l’animal
pistes pour construire un portfolio
Des images tirées des extraits des deux films peuvent constituer un support à des diptyques
iconographiques. Les élèves peuvent choisir un plan sur un chien particulier ou une scène qui donne
à voir une qualité ou une relation particulière. Les mosaïques, les fresques, les sculptures romaines
constituent un vivier suffisamment riche pour permettre aux élèves de trouver le pendant antique.

lecture Des animaux et des hommes : amis ou ennemis ?

1 Animaux, danger, voici un homme ! (p. 64)


Le réflexe instinctif d’une espèce quand elle en croise une autre est la défiance. Le texte donne
deux exemples d’intelligence animale face au danger que peut présenter l’homme. La description
que livre Pline l’Ancien sur le comportement animal participe de la démarche encyclopédiste
qui caractérise son Histoire naturelle. Il est ici, en quelque sorte, un précurseur de l’éthologie moderne.
TRADUCTION
L’éléphant […], dit-on, s’il remarque l’empreinte d’un homme, avant de voir l’homme, tremble par
peur d’un piège, s’arrête pour flairer, regarde alentour, souffle avec colère et ne piétine pas l’em-
preinte, mais, une fois extraite, il la transmet au suivant, celui-là à un autre, et selon le même mode
d’information jusqu’au dernier ; alors la colonne fait demi-tour, revient sur ses pas et se range en ligne
de bataille, tant ce venin, issu la plupart du temps de pieds même pas nus, persiste d’une odeur plus
forte que toutes les autres.

Lire
1. Plusieurs dispositifs peuvent être envisagés. Le professeur d’une troupe d’éléphants, puis celui d’une tigresse. Le
lit à la voix haute la totalité du texte, puis les élèves le parallèle qu’il établit entre les deux espèces est signalé par
lisent silencieusement. Les élèves peuvent lire, à l’aide du l’adverbe « sic » (l. 14) et par la conjonction « etiam » (l. 14).
vocabulaire, l’ensemble du texte, puis le lisent à voix haute Dans les deux cas, c’est la vue (« anidmadverso », l. 5/ « viso »,
en proposant une lecture expressive. Il est préférable que l. 16) d’une empreinte humaine « (vestigo hominis », l. 4/
cette lecture se fasse de façon fragmentée et qu’elle soit « vestigia hominis », l. 15) qui déclenche la crainte. La rapidité
assurée par des élèves volontaires. de la réaction des animaux est suggérée par l’énumération
2. Pline l’Ancien propose deux exemples de méfiance et de asyndétique des verbes pour les éléphants (l. 6 à 8) et par
prévoyance animale. Il évoque tout d’abord le comportement l’adverbe « protinus » (l. 16) pour la tigresse.

Traduire
L’indication fournie sur la construction de la phrase et l’aide lexicale doivent rendre
accessible le travail de traduction.

Comprendre
1. Pline souligne, dans la fin du texte, que toutes les qualités d’une empreinte humaine provoque en eux des réactions
des animaux sont dues à la puissance (« potentia », l. 24) immédiates. Les éléphants se mettent en ordre de bataille
de la nature (« natura rerum », l. 24). Ces capacités relèvent (« aciem dirigi », l. 10-11) et la tigresse prend la fuite emportant
d’une part du corps, de l’autre de ce que l’on peut appeler ses petits (« transferre… catulos », l. 16). L’odeur humaine est
l’intelligence. Les animaux sont, bien souvent, plus forts, perçue par eux tel un poison (« virus », l. 11) particulièrement
plus grands et plus rapides, comme le souligne l’adjectif au inquiétant, comme le souligne la comparaison « omnium
comparatif « praestantiores » (l. 23). Le superlatif « maximas » odori… majore » (l. 11-12). Pire, cette hostilité semble de
(l. 25) insiste encore sur cette supériorité physique des ani- l’ordre de l’inné, puisque ces réactions se produisent
maux. Ce sont d’ailleurs ces atouts anatomiques qui font con- quand bien même les animaux verraient cette trace pour
clure à leur férocité, comme l’indique l’adjectif « truculenta » la première fois. C’est ce que met en évidence la série des
(l. 14), appliqué à la tigresse, ou le superlatif « saevissimas » questions oratoires des lignes 16 à 23. Cette défiance des
(l. 24), employé de façon générale. Par ailleurs, les animaux ont animaux à l’égard de l’homme tient à ce qu’ils vivent dans
un sens de l’observation plus développé que celui des hommes. des zones géographiques séparées. Pline l’Ancien souligne la
Ils sont attentifs à leur environnement, savent repérer ce qui en quasi-absence humaine qui caractérise l’habitat de la tigresse
est étranger, comme le sont des empreintes humaines (l. 4-5 (« tales silvas minime frequentari », l. 18-19, « vestigii raritatem »,
et 15-16). Mieux, les éléphants savent s’informer entre eux du l. 20). À l’inverse, nulle marque de tension entre les éléphants
danger (l. 8-9) et la tigresse sait mettre à l’abri ses petits (l. 16). et la tigresse, mais une pacifique indifférence. En effet, la
Pline l’Ancien est admiratif de ces réflexes instinctifs (l. 1 à 3) qui tigresse ne remarque même plus les traces familières que
garantissent aux animaux leur survie. laissent les hordes de pachydermes (« ipsa elephanti quoque
2. Dans cet extrait, Pline l’Ancien présente l’homme comme spernens vestigia », l. 15).
un ennemi quasi héréditaire des animaux sauvages. La vue

L’homme et l’animal • 55
prolongements
• Pour mieux faire comprendre la tournure du passif personnel, on peut • L’on peut aussi, pour faire travailler la proposition subordonnée
demander aux élèves de réécrire le premier paragraphe en supprimant infinitive (cf. leçon p. 74), demander aux élèves de réécrire ce même
le verbe « traditur ». Les élèves seront ainsi amenés à conjuguer tous les premier paragraphe en commençant la phrase par Plinius Major dicit...
verbes en veillant à bien les accorder.

2 Une belle histoire d’amitié (p. 65)


Le dauphin fait partie de l’univers méditerranéen. On le Contrairement à la majorité des animaux que Pline l’Ancien
trouve représenté très tôt, notamment sur les fresques et les présente dans son encyclopédie naturaliste, le dauphin est
poteries des civilisations égéennes. Il figure sur bon nombre caractérisé par sa capacité à lier amitié avec l’homme et pour
de mosaïques romaines. Les dauphins avaient la réputation son goût pour la musique : « Delphinus non homini tantum
de guider les marins. Ces mammifères sont connus pour leur amicum animal, verum et musicae arti » (IX, 8). C’est ainsi que
sociabilité, comme en témoignent plusieurs récits antiques l’auteur latin explique que le dauphin aime accompagner
qui nous sont parvenus dont celui de Pline l’Ancien présenté les bateaux et qu’il introduit la fameuse histoire qui serait
dans cette page. survenue en Campanie, sur le lac Lucrin.

TRADUCTION
[…]
À n’importe quel moment de la journée, appelé par l’enfant, même dissimulé et caché, il se précipitait
du fond du lac et, nourri de la main de l’enfant, lui présentait son dos pour qu’il y montât…
[…]
... jusqu’à ce que, l’enfant mort subitement de maladie, venant souvent au lieu habituel, triste et comme
lui-même aussi affligé, ce dont personne ne doutait, il mourut de chagrin.

Traduire
Le caractère narratif des deux lacunes et l’aide lexicale facilitent le travail de traduction.

Langue
1. Tous les mots signalés en rouge sont des ablatifs. Ce cas 2. Les ablatifs auxquels correspondent les compléments
permet, le plus souvent, de donner les circonstances qui circonstanciels de moyen, de manière et de cause, non
encadrent l’action (cf. p. 44 et Memento leçon 3, p. 142). Dans seulement donnent des informations sur les actions qui
l’extrait, les ablatifs « nomine » (l. 5) et « fragmentis panis » constituent le récit, mais contribuent à le dramatiser. Si
(l. 6) sont traduits par des compléments circonstanciels de le dauphin meurt de chagrin (« desiderio », l. 18), c’est que
moyen : « du nom » (l. 6) et « par des morceaux de pain » (l. 7). l’amour qui le liait à l’enfant était inouï (« miro amore », l. 7).
Les ablatifs « miro amore » (l. 7) et « simili modo » (l. 14) sont La preuve tient d’une part, dans le nom que l’enfant avait
traduits par « d’une amitié incroyable » (l. 2-3) et « de la même donné au dauphin et par lequel il l’appelait (« nomine », l. 5),
manière » (l. 13), qui sont des compléments circonstanciels et d’une autre, dans les morceaux de pain qu’il lui apportait
de manière. Les deux derniers ablatifs « morbo » (l. 15) et (« fragmentis panis », l. 6). En retour, le dauphin transportait
« desiderio » (l. 18) expriment la cause et sont donc à traduire l’enfant à l’école sur son dos, le matin et le soir, de la même
par les compléments circonstanciels de cause, par exemple manière (« simili modo », l. 14), autre preuve de l’attachement
« de maladie » et « de chagrin ». des deux êtres. Enfin, l’apparition de la maladie (« morbo »,
l. 15) précipite l’histoire dans un dénouement tragique : la
mort de l’enfant, suivie par celle du dauphin.
Interpréter
1. L’histoire contient tous les éléments pour attendrir le par la série Flipper) ou la visite des parcs aquatiques. Le lien
lecteur. Elle renvoie tout d’abord au monde de l’enfance, non noué entre l’enfant et l’animal, les témoignages d’affection
seulement parce qu’elle met en scène un enfant (« puer »), réciproques, contribuent aussi à émouvoir. Le nom donné
symbole d’innocence, mais parce qu’elle évoque l’école par l’enfant à l’animal (« Simonis nomine », l. 5) participe
(« ludum », l. 4). Plus précisément, elle se situe sur le chemin de d’une humanisation qui permet une pleine identification
l’école (« itantem », l. 4), auquel sont attachés pour chacun du lecteur. On oublie le caractère singulier de la relation
des souvenirs particuliers. Celui de l’enfant de l’histoire est pour l’universalité d’une amitié exceptionnelle et durable
lié à une amitié marquante, celle d’un dauphin (« delphinus »). (« pluribus annis », l. 14-15). Enfin, les expériences, vécues par
La présence de cet animal, inoffensif, apprécié pour son tous, de la maladie (« morbo », l. 15), puis de la mort (« extincto
caractère social, ajoute au charme de l’anecdote. Le dauphin puero », l. 15, « expiravit », l. 18), achèvent de bouleverser le
est en effet porteur de valeurs positives, entretenues dans lecteur.
l’imaginaire collectif par le cinéma (à commencer, en 1964,

56 • L’homme et l’animal
2. Au terme du récit, le lecteur retrouve la réalité et son regard 3. Le fréquent motif des amours chevauchant des dauphins
critique. Le récit semble trop merveilleux pour être vrai. Les fait partie du répertoire décoratif des thermes, des piè-
questions surgissent. Et les élèves ne manqueront pas de ces d’eau ou des fontaines. La forme semi-circulaire de la
les poser. Comment s’est nouée cette amitié entre l’enfant mosaïque ici présentée, actuellement conservée au Louvre-
et le dauphin ? Pline l’Ancien ne nous en dit rien. Quelles Lens, tient à ce qu’elle décorait un bassin dans une maison
sont ces épines (« pinnae aculeos », l. 11-12) que le dauphin privée d’Utique. On a retrouvé dans cette cité antique
rétractait pour ne pas blesser l’enfant ? Et puis, comment plusieurs bassins de cette nature. Il faut imaginer ce décor
un enfant peut-il tenir à cheval sur un dauphin ? Comment vivre sous l’effet des mouvements de l’eau. Nul recherche de
le dauphin pouvait-il être à l’heure de façon quotidienne et réalisme dans cette représentation. Le mosaïste a privilégié
emmener l’enfant dans la bonne direction (l. 12 à 14) ? Enfin, avant tout le pittoresque. Toutefois, en multipliant les
peut-on croire qu’un cétacé put se laisser mourir de chagrin positions des amours, il est parvenu à suggérer le besoin
(« desiderio expiravit », l. 18), aussi proche fût-il d’un jeune de jouer et de se dépenser des jeunes enfants. Si certaines
humain ? Autant de questions qui mettent à distance le récit. scènes laissent croire à une complicité entre les amours et les
D’ailleurs, dans la phrase coupée de l’extrait, le naturaliste dauphins, comme, par exemple celle d’une nage côte-à-côte
semble, lui aussi, prendre des précautions. Certes, il rapporte (registre du bas) ou d’une roulade à deux (registre du haut),
l’anecdote, mais prend soin d’énumérer ses sources, afin d’en la plupart des duos montrent clairement la domination de
légitimer la présence dans son ouvrage : « Je serais gêné de l’amour-enfant sur l’animal. Un amour semble prendre un
rapporter cette anecdote, si elle n’avait pas été consignée dauphin pour trampoline (en bas à gauche), un autre s’en
dans les ouvrages de Mécène, de Fabianus, de Flavius Alfius sert de matelas (en haut au centre), quatre autres les montent
et de beaucoup d’autres. » comme des chevaux. L’un menace même le dauphin de son
fouet. Ces représentations tranchent avec la relation établie
entre l’enfant et le dauphin du texte de Pline l’Ancien. D’un
côté, nous avons le tumulte de dauphins chahutés par des
amours intrépides, de l’autre l’harmonie d’une relation forte
entre un dauphin et un enfant qui se rend sagement à l’école.

prolongements

• Un travail d’analyse grammaticale peut être proposé, en amont ou en accompagnement de l’activité


de traduction. Les élèves peuvent relever les verbes conjugués, les analyser et donner leur valeur.
Seule la forme « dubitaret » (l. 18) pourra être donnée, car plus délicate.
• Pour une meilleure compréhension du premier paragraphe, on peut aussi demander d’établir une traduction
juxtalinéaire inversée. Autrement dit, les élèves font correspondre le français au latin, ce qui pourrait permettre
de mieux mettre en évidence le placement au début de la traduction de la dernière ligne du paragraphe latin.

3 Entre cruauté et tendresse (p. 66)


De l’homme ou de l’animal, lequel est le plus nuisible à l’autre ? Lequel est le plus cruel
envers l’autre ? Autrement dit, où se situe la sauvagerie ? Telles sont les questions
que les élèves sont invités à se poser au terme du chapitre.

TRADUCTION
Dès que ce lion imposant vit de loin [Androclus], aussitôt, dit-il, comme étonné, il se figea, puis, pas
à pas et tranquillement, comme cherchant à le reconnaître, il s’approcha de l’homme. Alors selon la
manière et l’habitude des chiens quand ils flattent, il remue doucement et tendrement la queue, se
colle au corps de l’homme, et caresse de sa langue les jambes et les mains de l’homme déjà presque
mort de peur.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

• Porphyre de Tyr (v. 232-v. 301) est un philosophe néoplatonicien qui, comme tous
ses contemporains, s’intéresse de plus en plus aux questions religieuses, notamment
en réponse au développement du christianisme. C’est un extrait d’une réflexion sur
la création des êtres vivants qui est proposé ici.
• Dans ses vingt livres intitulés Nuits Attiques, le grammairien Aulu-Gelle (né vers 130) a recueilli
ses notes de lectures portant sur des sujets aussi divers que l’histoire, les lettres, les sciences.
Il glisse d’un sujet à l’autre avec facilité, presque désinvolture. C’est dans le cinquième livre
que se trouve la célèbre histoire d’Androclus et du lion, qui inspira nombre de peintres
à l’époque moderne.

L’homme et l’animal • 57
Comprendre
1. De façon instinctive, l’homme se méfie des bêtes sauvages défendre l’homme qui s’amuse à organiser le massacre de « la
pour cette raison qu’il peut en être la proie. C’est cette idée plupart des animaux » (l. 17) pour son seul divertissement ? Le
que l’on retrouve exprimée dans les textes de Porphyre de Tyr philosophe condamne moralement les jeux sanglants parce
et d’Aulu-Gelle. Selon Porphyre, les animaux n’hésitent pas qu’ils révèlent la démesure. Porphyre utilise ici à dessein
à tuer « les hommes qui tombent à leur portée, en font leur le terme fort d’ὕϐρις. Rien de bon ne peut sortir de cette
pâture » (l. 10-11). Voilà pourquoi les hommes en ont peur. Le habituation au sang et au « mépris » (l. 17) envers les animaux.
« rugissement » (l. 5) du lion, par exemple, est « terrifiant » La question est donc moins de savoir lequel de l’homme ou
(l. 5-6). C’est d’ailleurs pour cette raison que les Romains font de l’animal a été créé pour l’autre (l. 4 à 7), ou lequel est le
intervenir des lions lors de jeux. Leur cruauté (« animaux plus nuisible à l’autre, mais bien de définir précisément ce
cruels », l. 1) et leur « férocité » (l. 2) sont précisément recher- qu’on entend par cruauté. D’ailleurs, le spectacle offert dans
chées pour l’effet spectaculaire qu’elles produisent (« impres- le texte d’Aulu-Gelle confirme cette bascule de l’homme
sionnant », l. 1-2, « inhabituels », l. 2, « stupéfiait », l. 5). dans l’inhumanité : n’est-ce pas un homme que l’on livre aux
2. De façon paradoxale, Porphyre de Tyr ne décrit la cruauté lions ? Et la dénonciation implicite de de la cruauté dans le
des animaux que pour mieux mettre en lumière celle de texte d’Aulu-Gelle se poursuit dans la conduite même du
l’homme. Certes les animaux peuvent manger les hommes, récit. Après avoir suscité l’effroi chez le lecteur en insistant
mais ils ne le font que par la nécessité de se nourrir (l. 14-15) et sur le caractère effrayant du lion, le narrateur opère un
si l’occasion se présente (l. 10-11). Dans un procès en cruauté, retournement brusque et inattendu en donnant à voir un lion
cette « injustice » (l. 14), commise par les animaux, a donc plein d’attention pour l’homme qu’il devait dévorer (l. 8 à 13).
des circonstances atténuantes. Mais comment pourrait-on

Traduire
Il faudra sans doute aider les élèves dans la traduction des participes présents (« admirans », l. 9,
« adulantium », l. 11).

Interpréter
Le monde décrit par Porphyre de Tyr et celui montré par (l. 1) et « terrifiant » (l. 5-6), le lion ne devrait faire qu’une
Aulu-Gelle témoignent d’abord de la violence des rapports bouchée de l’esclave Androclus qu’on lui a livré. Ce
entre l’homme et l’animal. En reprenant la question qui premier tableau des relations entre l’homme et l’animal est
agitait les débats de son temps sur l’utilité de la création des entièrement fondé sur un double rapport de peur (« metu »,
êtres vivants, Porphyre aboutit à une première conclusion : l. 13) et de prédation.
est inutile, voire nuisible pour l’homme, tout animal dont il Le texte d’Aulu-Gelle laisse entrevoir une autre nature des
ne tire aucun avantage (l. 9), comme le sont les mouches, les relations entre l’homme et l’animal. La délicatesse (« sensim
moustiques, les chauve-souris, les scarabées, les scorpions, atque placide », l. 9) avec laquelle le lion s’approche de
les vipères (l. 2 à 4), les crocodiles, les baleines, les serpents l’homme, l’affection qu’il lui témoigne, en se collant à lui et en
(l. 7-8). L’idée du caractère nécessaire de la biodiversité est lui léchant les jambes et les mains (l. 12-13), contrastent avec
bien sûr étrangère à l’Antiquité. A contrario les hommes sont la violence décrite plus haut. La comparaison avec les chiens
utiles aux animaux parce qu’ils peuvent leur servir de nourri- (« more atque ritu adulantium canum », l. 10-11) rappelle aussi
ture (l. 10-11). À cette question de l’utilité qu’il évacue, parce qu’il existe une relation pacifiée entre l’homme et l’animal,
qu’il la juge oiseuse (l. 4 à 7), Porphyre substitue celle de la faite de « reconnaissance mutuelle » (l. 16), comme se relaient
cruauté. La cruauté de l’homme est plus « insupportable » pour le signifier dans le texte latin les adverbes « placide »
(l. 12) parce qu’elle est gratuite. Si les animaux tuent par néces- (l. 9), « clementer » (l. 11) et « leniter » (l. 13). Ainsi, l’animal peut
sité, poussés par « leurs besoins et la faim » (l. 13-14), l’homme être capable de plus d’humanité que l’homme lui-même : le
tue pour son plaisir (« pour nous amuser », l. 15-16). C’est du lion sauve par amour l’homme Androclus que ses semblables
reste sur ce penchant sadique que repose le suspense du récit lui avaient livré par colère et par goût du sang.
d’Aulu-Gelle. Compte-tenu de son air particulièrement cruel

prolongements

• Pour aider à la saisie du texte de Porphyre de Tyr, il peut être demandé de le résumer en deux
ou trois courtes phrases, en français ou en latin, selon une approche différenciée.
• Il peut être demandé aussi de retrouver en latin la première phrase du texte d’Aulu-Gelle. Elle ne pose
pas de difficulté particulière et peut constituer une entrée en matière originale pour introduire la réflexion
sur la cruauté. Voici le texte : « Multae ibi saevientes ferae, magnitudines bestiarum excellentes, omniumque
invisitata aut forma erat aut ferocia. » Il ne faut bien sûr par attendre que les élèves le retrouvent tel quel.
Il peut être fourni pour comparer et apprécier les traductions proposées par les élèves.

58 • L’homme et l’animal
4 Des fauves et des hommes (p. 67)
Cette dernière page permet de mettre en perspective les questions soulevées sur la complexité
des relations entre l’homme et l’animal. Les supports choisis doivent aisément susciter les réactions
des élèves par leur caractère saisissant.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

Représentatif du baroque de Rubens, le tableau intitulé La Chasse au tigre fait partie d’un ensemble
de quatre tableaux avec La Chasse au sanglier, La Chasse à l’hippopotame et au crocodile et
La Chasse au lion commandés par Maximilien Ier de Bavière entre 1615 et 1610. Le thème de la chasse
est très couru à partir de la seconde moitié du XVIe siècle en Europe, notamment par les souverains.
Nous disposons d’une vingtaine copies de ce tableau, certaines réalisées par Rubens ou par son atelier.
Pour les curieux, mentionnons que le tableau figure sur un autre, l’Allégorie de la Vue, peint en 1617
par Brueghel l’Ancien et Rubens lui-même.

Confronter
1. La complexité de l’organisation du tableau montre le goût se fait protectrice au point de former un « parasol géant »
de Rubens pour l’étude du mouvement et la mise en scène. Ce (l. 23), et apparaît brusquement une scène à la fois touchante
ne sont en effet pas moins de huit hommes et quatre fauves et incroyable : la jeune fille joue entre les pattes d’un lion
qui sont au prise dans une mêlée terrifiante. Bien sûr, par leur allongé, qui s’amuse « à sortir et à rentrer [ses] griffes » (l. 25
mise en valeur sur le devant du tableau, les fauves frappent à 33). Dans les deux cas, le constat effectué par le narrateur
le regard du spectateur et cherchent à l’impressionner. Peu du texte de Kessel est le même : « Cela ne pouvait pas être
de personnes avaient vu ces félins de leurs yeux à l’époque vrai. Cela tout simplement ne pouvait pas être » (l. 9-10),
de Rubens. La première émotion est la peur que suscitent ces excepté dans une œuvre de fiction...
animaux, d’autant qu’ils sont considérés comme les plus cruels. 3. Les documents mettent en avant le danger que peut
Ils peuvent nous détruire, comme signale Porphyre de Tyr, représenter un animal sauvage pour un homme. Porphyre de
si l’on « tombe à leur portée » (l. 11). Les rayures des tigres, les Tyr indique de fait que l’homme peut être une proie pour les
ocelles du léopard et les crocs du lion, et, d’une façon géné- animaux, dans la nature, comme dans les jeux du cirque, ce
rale, leurs griffes et leurs corps musculeux, suscitent à la fois dont témoigne le texte d’Aulu-Gelle. C’est d’ailleurs ce danger
fascination et effroi. Par l’effet recherché, le tableau de chasse qui fait percevoir les animaux par les hommes comme cruels.
constitue une sorte de prolongement des chasses réelles, Telle est la première image qui s’impose au narrateur du texte
organisées par les Romains dans l’arène. Y figurent des de Kessel face au lion : « Un lion dans toute la force terrible
« animaux cruels », des « bêtes impressionnantes », comme les de l’espèce » (l. 25). Mais comment qualifier de cruauté un
décrit Aulu-Gelle dans son texte. Ils ont l’air tout aussi féroce comportement naturel, qui relève de la nécessité de se nourrir
(l. 2). La panique du Maure vêtu de rouge et l’expression ou de se défendre, interroge Porphyre (l. 14-15) ? Si Rubens a
de douleur du chasseur habillé de vert confirment cette insisté sur le danger mortel que représente pour l’homme les
impression de sauvagerie. fauves, il n’empêche qu’il s’agit bien d’un tableau qui a pour
2. Les récits d’Aulu-Gelle et Joseph Kessel sont construits sur sujet la chasse. Les agresseurs ne sont pas les animaux, mais
un même effet de surprise. Chacun des deux auteurs installent les hommes, armés de piques et de lames. D’ailleurs, le léo-
le lecteur dans une atmosphère qu’il change par un brusque pard est étendu mort et la mâchoire du lion s’apprête à
retournement. Aulu-Gelle place le lecteur dans la situation céder sous l’écartèlement que lui fait subir l’homme (rappel
d’un spectateur, effrayé par les « bêtes impressionnantes » volontaire de la figure de Samson, vainqueur du Diable, et à
(l. 1-2), et surtout par « la grosseur monstrueuse des lions » travers elle, de celle d’Hercule face au lion de Némée). Il n’y
(l. 3-4), s’attendant à ce que ces fauves dévorent les hommes a sans doute aucune volonté de la part du peintre flamand
qui ont été jetés dans l’arène, dont l’esclave Androclus. Mais de défendre la cause animale, mais peut-être une intention
la tendresse inattendue du plus puissant des lions à l’égard de montrer une égalité de violence dans la manière dont
d’Androclus crée la stupéfaction du public, comme celle de hommes et animaux peuvent l’exercer les uns contre les
l’esclave. Selon le même processus narratif, le narrateur du autres. En tout cas, c’est elle qui attire et fascine le regard, ce
roman de Kessel est à la fois attendri et intrigué par les cris qui conduit à s’interroger sur la nature profonde de l’homme.
de le jeune fille auquel répond un « grondement rauque et Le contraste entre l’exploitation des animaux pour le diver-
débonnaire ». La curiosité du lecteur est encore alertée par les tissement de l’homme (cf. le débat actuel sur la présence des
difficultés rencontrées par le narrateur à se frayer un chemin animaux dans les cirques ou les spectacles) et l’affection qui
à travers le végétation dense (l. 14-17). Le sang que provoque peuvent les lier aux êtres humains (cf. cas d’Androclus ou de
ses écorchures cherche, subrepticement, à suggérer la venue Patricia) invitent à redéfinir le concept de cruauté, et par là-
d’une issue tragique à cette promenade. Puis, la végétation même occasion à réfléchir sur sa propre nature d’homme.

prolongements pistes pour construire un portfolio

Le texte de Kessel peut se prêter à un résumé Le tableau de Rubens, ou un autre tableau moderne ou contemporain
en latin en s’inspirant notamment du texte présentant une scène de chasse, peut être utilisé comme point
d’Aulu-Gelle pour le vocabulaire et le style. de départ d’un portfolio iconographique. Les mosaïques romaines
ayant pour sujet des scènes de chasse ne manquent pas.

L’homme et l’animal • 59
au cœur des mots p. 68-69

Étymologie
Mots latins anima : souffle de vie, âme
inanimis sans souffle
semianimis à demi-mort
animal être vivant, animal
animans animé, vivant animus Mots en langues romanes
animare animer esprit, âme ; cœur, courage âme (français)
anima
(italien, catalan)
Mots français Mots latins alma
animalisme unanimitas (espagnol, portugais)
mouvement de défense des animaux unanimité (des cœurs) anma
animalerie aequanimus (occitan)
lieu où l’on élève ou vend des animaux mesuré
animalité magnanimus
ensemble de caractères propres magnanime, noblesse
à l’animal ou partie animale de l’homme

activité 1
Dans l’ordre d’apparition, les traductions des mots latins sont : il désigne tout objet matériel. Il désigne aussi un ensemble
les corps – souffle – corps – souffle vital – les membres du d’éléments réunis entre eux, en l’occurrence, pour les êtres vi-
corps. vants, les différentes parties appelées membres (« membra »).
Comme tous les Romains, Vitruve hérite son approche Pour animer ce corps, il donc nécessaire d’insuffler du souffle
physique du monde et du vivant de la pensée grecque. Selon (« spiritus »), à l’origine des mouvements respiratoires et que
les présocratiques, quatre éléments (la terre, l’eau, l’air et le ses différents membres (« membra corporis ») soient nourris
feu) entreraient selon des degrés divers dans tout corps. Un d’éléments solides et d’eau. C’est par ce souffle que les êtres
corps (« corpus ») est un objet en soi inanimé. Voilà pourquoi sont dits animés (« animalis »).

activité 2
Dans l’ordre d’apparition, mots à entourer suivis de leur les deux occurrences du mot (v. 1 et 5). Chacun des niveaux
traduction : animalibus : êtres vivants – piscibus : poissons – de l’étagement du monde est occupé par une catégorie du
feras : bêtes sauvages – volucres : oiseaux – animal : être vivant vivant différente : les astres (pour les Anciens, les astres sont
– homo : homme. pourvus d’une anima) et les dieux la voûte céleste ; les oiseaux
Comme Vitruve, dans l’extrait présenté ci-dessus, Ovide (« volucres ») l’air ; les bêtes sauvages (« feras ») – et en cela
reprend l’organisation du monde en fonction des quatre distingue des humains – la terre ; les poissons (« piscibus ») les
éléments (la terre, l’eau, l’air et le feu) selon une conception eaux. Un sort particulier a été fait à l’homme (« homo ») qui se
géocentrique et pyramidale, la plus communément admise distingue des autres animalia en ce que son souffle est aussi
dans l’Antiquité. Tous les êtres sont animés par un souffle une âme. C’est là le second sens pris par le mot anima. C’est
(« anima ») qui leur donne vie. Voilà pourquoi le mot animal cet élargissement de l’anima chez l’homme qui lui confère sa
signifie d’abord « être vivant ». C’est ainsi qu’il faut traduire supériorité.

activité 3
Pour l’élevage et le dressage des chiens, Virgile reprend les « molossus » (v. 2, les Molosses, peuple grec d’Épire, étaient
conseils donnés par la plupart des agronomes (cf. texte de réputés pour leurs gros chiens, très dissuasifs) pour garder
Columelle p. 62). Le poète insiste sur la nécessaire réciprocité les troupeaux (« custodibus », v. 3) et repousser toute attaque
qui doit être établie entre l’homme et le chien. L’homme doit animale ou humaine ; des lévriers (« velocis Spartae catulos »,
d’abord prendre soin de ces animaux. Le mot de sens « cura » v. 2) pour la chasse (« venabere », v. 7). Si l’homme met en
– signifiant « soin, souci » – est fortement accentué, dans le pratique ces conseils, il pourra trouver dans le chien un
premier vers, par sa juxtaposition au pronom de la deuxième compagnon à l’unisson de ses désirs. La reprise anaphorique
personne « tibi » et par l’adjectif « postrema ». L’homme doit du mot « canibus » aux vers 7, ainsi que les ablatifs de moyen
élever ses chiens tout petits et les nourrir, comme le ferait une « latratu » (v. 9) et « clamore » (v. 10), miment cette harmonie
nourrice, en leur donnant un lait riche (« sero pingui », v. 3). de gestes entre le maître et ses chiens lors de la chasse. Il y a
Il doit savoir aussi choisir les races en fonction de la manière là comme une communauté de vie qui effacerait presque les
dont il veut s’en servir : un chien imposant, comme un différences entre ces deux espèces d’êtres vivants.

60 • L’homme et l’animal
grammaire L’adjectif qualificatif p. 70-71 memento

G p. 143-144
La page vise à fédérer les groupes de latin souvent hétérogènes en début de seconde.
Elle fait découvrir de façon progressive le système flexionnel à travers la déclinaison des adjectifs
qualificatifs. Au collège, les élèves ont découvert la déclinaison, l’accord de l’adjectif.
Ils/elles ont eu une première approche de ses degrés.

étape 1
• Adjectifs à souligner suivis des mots auxquels il se rattachent • L’adjectif qualificatif latin s’accorde en genre, en nombre et
mis entre parenthèses : fera (panthera) – ferae (pantherae) – leo en cas avec le nom auquel il se rattache, qu’il soit en fonction
(ferus) – leones (feri) – fera (animalia). d’attribut ou d’épithète (dernier cas proposé).

étape 2 Première classe Deuxième Classe


Adjectifs : pulcher, pulchra, pulchrum ; saevus, a, um Adjectifs : acer, acre ; dulcis, e
Déclinaisons suivies : les adjectifs de la première Déclinaisons suivies : les adjectifs de la deuxième
classe suivent la première déclinaison pour le féminin, classe suivent la troisième déclinaison pour
et la deuxième pour le masculin et le neutre. les trois genres.

étape 3 L’essentiel Pour aller plus loin


• Le lion est sauvage comme la panthère. • En latin, le complément du comparatif se construit soit
Le lion est plus sauvage que la panthèse. avec la conjonction de subordination quam suivi d’une
Le lion est le plus sauvage de tous les animaux. subordonnée de comparaison elliptique (quam panthera),
• L’adjectif ferus est dans la première phrase soit en mettant à l’ablatif le comparant (panthera).
au degré positif. Dans la deuxième, il est au • En latin, le complément du superlatif se construit soit
degré du comparatif, formé par le suffixe -ior. en utilisant un génitif partitif (omnium animalium, parmi/
Dans la dernière phrase, l’adjectif est au de tous les animaux) soit en recourant à la préposition
superlatif, reconnaissable au suffixe -issimus. e(x) suivi de l’ablatif (ex monibus animalibus).

Réponses aux exercices

1. mitis, e, doux, 3ee classe. Comparatif : mitior ; superlatif : mitissimus.


celer, ere, rapide, 3ee classe. Comparatif : celerior ; superlatif : celerrimus.
docilis, e, docile, 3ee classe. Comparatif : docilior ; superlatif : docilissimus.
tener, er, erum, tendre, 1rere classe. Comparatif : tenerior ; superlatif : tenerrimus.
2. Fonction : attribut du sujet In Africa tenerior sunt animalia. b. superlatif : fidelissimos ; complément : ex animalibus ; autre
Fonction : épithète Immanem pantheram in circo video. construction : Canes amamus animalium fidelissimos.
Fonction : attribut du COD Serpentes videmus deformes. c. comparatif : celeriores ; complément : quam asini ; autre
Fonction : épithète Canibus nigris et candidis amatur. construction : Equi celeriores asinis sunt.
3. a. comparatif : ferociores ; complément : lupis ; autre cons- d. superlatif : subtilissimus ; complément : omnium animalium ;
truction : Leones sunt ferociores quam lupi. autres construction : Ex omnibus animalibus homo dicitur
subtilissimus.
4. diverso : 1re classe, masc. sg., ablatif (de qualité), degré positif
similes : 3e classe, masc. pl., nominatif (car attribut), degré positif
numerosissimae : 1re classe, fém. sg., génitif (de qualité), degré superlatif
grandiores : 3e classe, masc. pl., nominatif (car attribut), degré comparatif
modici : 1re classe, masc. pl., nominatif (car attribut), degré positif
parvi : 1re classe, masc. pl., nominatif (car attribut), degré positif
proeminentes : 3e classe, masc. pl., nominatif (car attribut), degré positif
hebetiores : 3e classe, masc. pl., nominatif (car attribut du COD), degré comparatif
Attention ! Le mot clarissime est certes au superlatif, mais il s’agit de l’adverbe.

5. Adjectifs à entourer suivis des noms qu’ils complètent, mis • Traduction :


entre parenthèses : tacta (rana), tantae (magnitudinis), rugosam Dans un pré un jour une grenouille vit un bœuf,
(pellem), latior (rana), majore (nisu), simili (rana), major (quis), et touchée par la jalousie à la vue d’une si grande taille
indignata (rana), rupto (corpore). gonfla sa peau fripée. Puis elle demanda à ses petits
N.B. : nous avons aussi relevé les participes parfaits passifs dont si elle était plus grosse que le bœuf.
l’accord est le même que l’adjectif qualificatif. Ces derniers lui dirent que non. De nouveau elle tendit sa peau
par un effort plus grand, et demanda de la même façon
qui était le plus grand. Ils dirent : « Le bœuf ».
Enfin, indignée, pendant qu’elle veut s’enfler davantage,
son corps rompit et resta étendu.

L’homme et l’animal • 61
grammaire Les temps du perfectum p. 72-73 memento

G p. 149-154
Au collège, les élèves ont déjà rencontré les notions d’infectum et de perfectum, capitales
pour comprendre la formation des temps et leur valeur. Ils/elles ont déjà aussi manipulé
les pronoms personnels. Cette double-page vise donc à réactiver les acquis.

étape 1
étape 2
• Les trois temps du perfectum à l’indicatif actif sont formés
• Dans les trois cas, l’action se situe avant (antériorité).
à partir du radical du verbe au parfait, toujours donné dans
le dictionnaire. À ce radical, s’ajoutent la terminaison du • Le perfectum indique que l’action est achevée, telle est sa
parfait -i, puis pour le plus-que-parfait et le futur antérieur les valeur aspectuelle.
suffixes -era et -ero.
• Les trois temps du perfectum à l’indicatif passif ou déponent
sont constitués par une périphrase. Pour les trois temps,
on recourt au participe parfait passif associé au verbe esse,
conjugué respectivement au présent, à l’imparfait et au futur.

memento
Les pronoms personnels
G p. 147
étape 1 étape 2
La personne est indiquée par la terminaison du verbe (non Le pronom ejus reprend Marci.
amamus canes). Le déterminant suum reprend Marcus.
Les pronoms sujets n’apparaissent que pour insister (nos, non Le pronom eum reprend Marcus.
amamus canes). Le pronom se reprend Marcus.
Les pronoms personnels sont employés régulièrement en En latin, on utilise le pronom personnel réfléchi (se, sui, sibi,
tant que compléments du verbe. se) ou le déterminant possessif (suus, sua, suum) quand ils
renvoient au sujet de la phrase. Si ce n’est pas le cas, on utilise
un autre pronom, et le plus souvent le pronom is, ea, id.
Réponses aux exercices

1. Forme
domo, as, are, avi, atum : apprivoiser Futur antérieur, 2ee pers. sg. actif : domueris
educo, is, ere, duxi, ductum : éduquer Plus-que-parfait 2ee pers. pl. actif : eduxeratis
curo, as, are, avi, atum : soigner Plus-que-parfait 1rere pers. pl. passif : curati, ae, a eramus
pasco, is, ere, pavi, pastum : nourrir Parfait 3ee pers. pl. passif : pasti, ae, a sunt

2. Temps Personne Voix


latuerint (lateo, es, ere, ui, se cacher) Futur antérieur 3e pers. pl.
e
active
venati sumus (venor, ari, aris, atus
sum, chasser) Parfait 1rere pers. pl. déponente
captus erat (capio, is, ere, cepi,
captum, attraper) Plus-que-parfait 3ee pers. pl. passive
periere (pereo, is, ire, ii, périr) Parfait 3ee pers. pl. active
insidiatae erant (insidior, aris, ari,
atus sum, être à l’affût) Plus-que-parfait 3ee pers. pl. déponente

3. a) César montait son cheval. Les pronoms personnels à entourer sont dans l’ordre d’ap-
b) Son cheval avait des pieds presque humains. parition : ego (l.1), me (l.3), mihi (l.4)
c) Ton cheval, César, est plus remarquable que les nôtres. • Traduction :
d) César dit : « Mon cheval signifie pour moi l’empire du monde ». Alors moi tremblant, mon cœur palpitant à coups redoublés,
e) César disait qu’il soignait son (propre) cheval avec grand soin. la couronne, qui tressée de jolies roses étincelait, saisie par
f) Suétone a écrit qu’il avait dédié à son cheval une statue. ma bouche avide je la dévorai plein de la promesse. La pro-
4. Les temps de l’infectum à souligner sont dans l’ordre d’ap- messe céleste ne me trompa pas : aussitôt ma face hideuse
parition : fulgarabat (l.2), delabitur (l.4) de bête tombe.
Les temps du perfectum à souligner sont dans l’ordre d’ap-
parition : devoravi (l.3), fefellit (l.3)

62 • L’homme et l’animal
grammaire L’infinitif et la proposition infinitive p. 74-75 memento

G p. 156-157
Au collège, les élèves ont découvert le fonctionnement de la proposition infinitive.
En seconde, ils/elles découvrent plus avant la conjugaison de l’infinitif et la concordance
des temps au sein de la proposition infinitive, en réactivant les acquis sur sa construction.

étape 1
L’infinitif présent actif et passif se construit à partir du radical L’infinitif futur actif se construit au moyen d’une périphrase
du présent (ama-) auquel on ajoute respectivement la constituée du supin (amatum) dont on remplace la
terminaison -re ou -ri. terminaison en -um par la terminaison en -urus et de l’infinitif
L’infinitif parfait actif se construit à partir du radical du parfait présent du verbe être esse.
(amav-) auquel on ajoute la terminaison -isse. L’infinitif futur passif se construit au moyen d’une périphrase
L’infinitif parfait passif se construit au moyen d’une périphrase constituée du supin (amatum) et de forme iri (infinitif de
constituée du participe parfait passif décliné à l’accusatif l’impersonnel itur).
(amatum, am, um) et de l’infinitif présent du verbe être esse.

étape 2
L’infinitif errare est sujet.
L’infinitif vivere est attribut du sujet (qui lui-même un infinitif).
L’infinitif dominari est complément d’objet du verbe solent.

étape 3
L’essentiel Pour aller plus loin
• Les sujets à encadrer sont pantheras et equum suum. Dans chacune des phrases, le verbe à l’infinitif change.
Ils sont à l’accusatif. La fonction française correspondant L’infinitif indique que l’action s’effectue en même temps
à l’accusatif est généralement le COD. (currere), après (cursurum esse) ou avant (cucurisse)
Puisque le sujet de la proposition infinitive est l’action du verbe principal, introducteur
à l’accusatif, cela signifie que toute la proposition de la subordonnée infinitive.
constitue le COD du verbe introducteur, respectivement Ce phénomène s’appelle la concordance des temps.
aestimant et dicit. Voilà pourquoi l’attribut au sein de la
proposition infinitive est lui aussi à l’accusatif (saevas).
• Les verbes en rouge, aestimant et dicit, sont
des verbes de déclaration.
• Les verbes qui introduisent une proposition infinitive
doivent être des verbes de déclaration, d’opinion,
de connaissance, de sentiment, de volonté.

Réponses aux exercices

1. fecisse (facio, is, ere, feci, factum), rendre Parfait actif Inf. futur actif : facturum, am, um esse
mutaturam esse (muto, as, are), changer Futur actif Inf. parfait passif : mutatum, am, um esse
verti (verto, is, ere, verti, versum), changer Présent actif Inf. parfait actif : vertisse

Il raconte que Lucius fut/a été changé en âne.


Il racontait que Lucius avait été changé en âne.
Narrat Lucium verti in asinum.
Narrabat Lucium verti in asinum.
Narrat Lucium vertisse et rursus versurum esse.
2. L’infinitif est respirare ; il est sujet.
L’infinitif est venari ; il est complément du verbe solent.
L’infinitif est opponere ; il est attribut du sujet.
3. Le verbe introducteur à entourer en rouge est instituerat • Traduction du texte :
(l. 3), le sujet à entourer en vert est le pronom relatif quem (dont Comme, après sa victoire à Actium, Auguste rentrait à Rome,
l’antécédent est corvus). accourut à lui, parmi les personnes qui le félicitait, un artisan
Traduction de la proposition infinitive : « il avait appris au cor- qui tenait un corbeau, auquel il avait appris à dire ceci : « Sa-
beau à dire ceci ». lut, César vainqueur, général ! ». Auguste admira cet oiseau
• Transformation de la phrase : Dicunt Augustum avem obséquieux et l’acheta au prix de vingt mille sesterces.
officiosam miratum, eam viginti milibus nummorum emisse.

L’homme et l’animal • 63
r
L ' A T E L I E R du traducteu p. 76-77

Le petit animal est mort

Le texte proposé permet de réinvestir les acquis culturels Le travail proposé sur le vocabulaire vise à mettre en garde
sur l’objet d’étude « l’homme et l’animal », sur le lexique et contre les sens seconds que peuvent prendre certains mots
les points grammaticaux abordés dans le chapitre. latins et contre les faux amis.
Le caractère anecdotique retiendra l’attention des élèves. Les étapes 1 et 2 sont interchangeables, ce qui permet de
En relation avec le travail proposé dans les pages 72 à 75, mettre en place des groupes de travail différents au sein de la
l’entrée s’effectue par la conjugaison. Ce temps d’analyse classe, ou d’envisager la différenciation pédagogique.
peut être réparti au sein de la classe, ou effectué par groupe,
en fonction du repérage préalable des différentes phrases du
texte, et selon une approche différenciée.

étape 1
1. L’activité vise à faire repérer les cinq phrases du texte et leur inégale longueur. Les crochets
sont à placer entre les vers 1 et 2, 3 et 10, 11 et 12, 13 et 15, 16 et 18.
2. et 3. Les verbes à entourer sont donnés dans la liste dressée sur la page.
o Veneres et Cupidinesque v. 1 « lugete » : impératif présent actif 2e pers. pl., « pleurez »
sujet impersonnel v. 2 « est » : indicatif présent actif 3e pers. sg., « il y a »
passer v. 3 « mortuus est » : indicatif parfait passif 3e pers. sg., « est mort »
illa v. 5 « amabat » : indicatif imparfait actif 3e pers. sg., « aimait »
passer v. 6 « erat » : indicatif imparfait actif 3e pers. sg., « était »
passer v. 6 « norat » : indicatif plus-que-parfait actif 3e pers. sg. (forme
syncopée), « connaissait »
passer v. 8 « movebat » : indicatif imparfait actif 3e pers. sg., « remuait »
passer v. 9 « circulsiliens » : participe présent au nom. masc. sg., « sautillant »
passer v. 10 « pipiabat » : indicatif imparfait actif 3e pers. sg., « pépiait »
qui (passer) v. 11 « it » : indicatif présent actif 3e pers. sg., « va »
sujet indéterminé v. 12 « negant » : indicatif présent actif 3e pers. pl., « disent que ne... pas »
sujet impersonnel v. 13 « sit » : subjonctif présent actif 3e pers. sg., « soit »
tenebrae v. 14 « devoratis » : indicatif présent actif 2e pers. sg., « dévorez »
tenebrae v. 15 « abstulistis » : indicatif parfait actif 2e pers. sg., « avez enlevé »
ocelli v. 18 « rubent » : indicatif présent actif 3e pers. pl., « sont rouges »

étape 2 étape 3
1. « venustiorum » (v. 2) : porté à l’amour Pleurez, ô Vénus et Amours
« passer » (v. 3) : moineau et vous, tant que vous êtes, hommes très portés à l’amour.
« puellae » (v. 3) : maîtresse (sens amoureux, ici)
« mellitus » (v. 6) : doux comme du miel Le moineau de ma maîtresse est mort,
« gremio » (v. 8) : giron, sein le moineau, délices de ma maîtresse,
« circumsiliens » (v. 9) : sautiller qu’elle aimait plus que ses yeux ;
« usque » (v. 10) : sans cesse car il était doux comme le miel, la connaissait
« unde » (v. 12) : d’où elle-même aussi bien qu’une fille connaît sa mère,
« bella » (v. 14) : beau et il ne s’éloignait pas de son sein,
« opera » (v. 17) : oeuvre mais, sautillant tantôt ici tantôt là,
« turgiduli » (v. 18) : gonflé pour ma seule maîtresse sans cesse il pépiait.
« ocelli » (v. 18) : (petit, cher) œil
Lui maintenant il va par un chemin ténébreux
2. Il s’agit pour les élèves de faire un bilan de leur compré-
Là d’où on dit que ne revient personne.
hension globale du texte, afin d’éviter les contre-sens. On
peut les inviter à s’aider de la situation d’énonciation pour Mais maudits soyez-vous, méchantes ténèbres
rédiger leur hypothèse de lecture. d’Orcus, qui dévorez toutes les belles choses :
vous m’avez enlevé un moineau si beau !
Ô fait malheureux ! ô pauvre petit moineau !
Maintenant par ton œuvre les petits yeux gonflés
de ma maîtresse sont rouges de larmes.

64 • L’homme et l’animal
fo lio
construire mon port p. 78-79

Diptyque textuel
La fable par son récit attractif et par le caractère universel de L’exemple proposé est la célébrissime fable du loup et de
son propos sait retenir l’attention des élèves. Les fables de l’agneau, la première des fables du recueil de Phèdre. La
Phèdre et d’Avianus, d’accès facile, permettront aux élèves de réalisation de ce portfolio textuel permettra aux élèves, non
seconde de se familiariser avec le second type de portfolio seulement de revenir aux sources de la fable, telle qu’ils/elles
inscrit dans les programmes : le diptyque textuel. Des liens la connaissent, mais d’appréhender ce que l’on nomme la
sont fournis sur la p. 78 pour permettre aux élèves d’accéder mimèsis à travers la variation de ses réécritures. C’est l’occasion
aux fables latines. de nourrir leurs connaissances en matière d’histoire littéraire.

a ÉTAPE 1 : Concernant la fable de Phèdre « Lupus et Agnus », les élèves peuvent choisir
parmi les suggestions figurant dans le cadre bleu.

a ÉTAPE 2 : Les sujets à entourer en bleu sont : lupus et agnus (v. 1), lupus (v. 2), agnus (v. 3), latro (v. 4),
laniger (v. 6), liquor (v. 8), ille (v. 9), agnus (v. 11), pater tuus (v. 12), ille (v. 12), fabula (v. 14), qui (homines) (v. 15).
Les verbes à entourer en rouge sont : venerant (v. 1), stabat (v. 2), intulit (v. 4), inquit (v. 5), fecisti (v. 5),
possum (v. 6), quereris (v. 7), quaeso (v. 7), decurrit (v. 8), ait (v. 10), dixisti (v. 10), respondit (v. 11),
natus non eram (v. 11), dixit (v. 12), lacerat (v. 13), scripta est (v. 14), opprimunt (v. 15).
Traduction de la fable :
Un loup et un agneau étaient venus à un même ruisseau
pressés par la soif. Plus haut se tenait le loup
et plus bas au loin l’agneau. Alors, excité par sa gueule vorace
le brigand provoqua un sujet de dispute :
« Pourquoi », dit-il, « as-tu rendu trouble
mon eau quand je buvais ? » L’animal laineux tremblant répondit :
« Comment puis-je, je te le demande, faire ce dont tu te plains, loup ?
C’est de toi que descend l’eau jusqu’à l’endroit où je me désaltère. »
Réfuté par la force de la vérité, le loup reprit :
« Il y a six mois », dit-il, « tu as dit du mal de moi. »
L’agneau répondit : « Comment ? Je n’étais pas né. »
« C’était ton père, par Hercule, », dit le loup, « qui a dit du mal de moi. »
Et ainsi après l’avoir saisi, il le mit en pièces commettant un crime injuste.
Cette fable a été écrite pour ces hommes
qui oppressent des innocents pour de fausses raisons.

incontestable la mise en accusation de l’agneau, tandis


a ÉTAPE 3 : Ce qui rend dynamique la fable tient dans sa
brièveté et dans l’économie des moyens narratifs. Rien ne que le rejet en fin de vers de l’expression « injusta nece » en
ralentit le récit. Le recours au style direct donne l’impression dénonce le meurtre horrible.
d’assister à une saynète. Le choix de la forme poétique Les élèves analysent de la même manière le texte qu’ils/elles
permet d’accentuer les caractéristiques des personnages ont choisi. Ils/elles doivent tenir compte des libertés prises
et leurs paroles. Les rejets dénoncent les instincts primaires avec la versification et la langue, caractéristiques des textes
du loup (« siti complusi », v. 2) et sa nature fourbe (« latro », contemporains.
v. 4). L’épiphore « mihi » (v. 5, 10 et 12) cherche à rendre

conservés dans le texte contemporain qu’ils/elles ont choisi,


a ÉTAPE 4 : L’humanisation des animaux pour faire
réfléchir les hommes sur leur propre comportement est un et, le cas échéant, quelle évolution l’auteur leur fait subir.
des procédés de la fable que l’on retrouve aux origines du Phèdre s’inscrit dans la tradition ésopique. Les fables qu’il
genre. Derrière l’anonymat des animaux, des végétaux ou compose en adoptent la simplicité structurelle : un récit bref
des objets qu’elle prend pour personnages, la fable peint et vivant suivi d’une vérité générale appelée morale, leçon
les hommes, dénonce leurs comportements et leurs travers. ou moralité. Le but didactique explique l’accessibilité de la
L’anthropomorphisme reste donc un détour fécond. fable. Le lecteur tire, avant même de lire la morale, la leçon
« Le loup et l’agneau » est une fable qui confronte l’agneau, du récit allégorique. Le choix de la poésie (les fables d’Ésope
symbole de l’innocence (« innocentes », v. 15) à la violence et sont écrites en prose) participe aussi de cette stratégie
l’arbitraire de « la loi du plus fort », incarnée par la barbarie d’efficacité du récit sur le lecteur. Les élèves doivent
du loup. Les élèves doivent examiner si ces symboles sont confronter la visée morale de la fable de Phèdre à celles de
l’auteur du texte choisi.

L’homme et l’animal • 65
Proposition de critères d’évaluation

« L’évaluation du portfolio peut se faire par étapes et porter, au libre choix du professeur,
sur l’élaboration, la production finale ou la présentation orale. » B.O.
Voici une proposition de critères d’évaluation pour chaque étape du travail, de l’élaboration
à la production finale.

En amont de la confrontation
Savoir contextualiser de façon précise les deux textes (informations précises sur l’ouvrage
et sur l’auteur en lien avec les textes)
Savoir analyser de façon détaillée le contenu et le style des deux textes
Être capable d’émettre des hypothèses interprétatives
Savoir confronter ses impressions aux commentaires critiques savants
Pendant le travail comparatiste
Savoir sélectionner et fixer des critères de comparaison
Savoir mener de façon précise la confrontation
Savoir dégager des lignes de force pour organiser la comparaison
Pendant la réalisation
Savoir opérer des choix pour faire ressortir les éléments retenus de la confrontation
Savoir tenir compte du format imposé (cf. p.138)
Être capable de choisir une organisation claire et dynamique
Faire preuve de créativité

faire le bilan du chapitre


Ce temps de bilan permet de faire le point sur la compréhension et les acquis des élèves sur la chapitre.
Sa réalisation parachève l’appropriation de l’objet d’étude en amenant les élèves à le mettre
en perspective. Il prépare ainsi les élèves qui choisiront la spécialité en classe de première,
notamment à l’exercice de l’essai.
Du point de vue des connaissances, les élèves doivent savoir convoquer avec justesse les acquis,
notamment ceux relatifs aux mots-concepts.
D’un point de vue formel, les élèves doivent savoir confronter de façon dynamique et pertinente
les documents travaillés ou lus au cours du chapitre. Les parties du plan peuvent être inspirées
par les sous-thèmes de l’objet d’étude.
D’un point de vue scripturaire, les élèves doivent rendre le dialogue vivant et progressif, en évitant
les phrases creuses de la conversation courante. Un soin particulier doit également être apporté
à l’expression et à la correction de la langue.

66 • L’homme et l’animal
CHAPITRE
3 L´homme et le divin

ouverture p. 80-81

Faisant suite au chapitre sur l’homme et l’animal, ce chapitre liberté de choisir sa propre nature, pouvant « atteindre l’état
propose une réflexion sur l’homme et le divin : « L’Antiquité divin ». Pour confronter les points de vue antiques à notre
conçoit l’humain et le divin comme deux ordres distincts, mais monde contemporain, nous proposons la lecture d’un extrait
non cloisonnés. Outre les dieux majeurs du Panthéon gréco- du Gai savoir de Nietzsche (« où est allé Dieu ? », se demande
romain, d’innombrables divinités habitent la terre et l’eau, les l’insensé) et l’affiche du film Bruce tout-puissant.
espaces célestes et souterrains. Si les dieux prennent souvent
forme humaine pour intervenir parmi les hommes, les hommes • Un monde peuplé de dieux ?
peuvent aussi parfois accéder au rang de dieu. » (B.O.) Le divin est partout, aussi bien en l’homme que dans la nature
Notre fil directeur est de nous interroger sur la perméabilité agissante, comme le rappelle Sénèque à Lucilius dans l’une
entre l’ordre humain et l’ordre divin : leur distance ou leur de ses lettres. Pour exemple concret des cultes innombrables
proximité, leurs relations ou leur indifférence, la présence ou rendus aux divinités de la nature, nous proposons le
l’absence du divin dans le monde humain et de l’humain dans déchiffrement et l’interprétation d’une stèle consacrée au
le monde divin, leur influence réciproque. Le panthéon des dieu Silvanus. Mais les éléments qui constituent l’univers sont
Grecs et des Romains est peuplé d’une multitude de dieux et également des divinités, forces cosmiques primordiales, à
déesses, plus ou moins importants, mais aussi de génies, de l’instar de Phœbus-Apollon conduisant son char. Ces figures
démons, de nymphes, de faunes, de héros et héroïnes. Nous ont parfois été reprises à l’époque moderne et contemporai-
ne parlerons pas seulement de ces divinités, mais également ne : le char d’Apollon trône au centre des Jardins de Versailles ;
du Dieu des chrétiens, le christianisme s’étant finalement le Roi Soleil se présente comme un nouvel Apollon et en
imposé dans l’Empire. Les philosophes eux-mêmes, en donne les raisons.
particulier les stoïciens, avaient déjà remis en causes les
divinités anthropomorphes du panthéon classique. Au
• Métamorphoses : quand l’homme devient dieu,
quand le dieu devient homme
principe de tout est le dieu ; Platon lui-même évoque
l’existence d’un dieu au principe de tout, cause immédiate de Ainsi, la sphère humaine et la sphère divine ne sont pas
la nature et organisateur du monde. irrémédiablement séparées. Les dieux eux-mêmes, dans la
mythologie, sont omniprésents aux côtés des humains et des
La conception du divin et de la divinité, et par là-même de héros, telle Vénus prenant forme humaine pour secourir Énée
l’humain et de l’humanité, s’est construite au fil des siècles. dans les ruines de Troie. Le Dieu des chrétiens lui-même s’est
En se confrontant au divin, l’homme a pensé son rapport au fait homme, en envoyant sur la terre son fils unique Jésus :
monde et à lui-même, notamment à sa finitude. La question un extrait de l’évangile de Luc montre comment il révèle sa
sous-jacente fondamentale est de savoir lequel des deux, divinité le jour de la Transfiguration. À l’inverse, des humains
entre l’homme et la divinité, a créé l’autre. Ces réflexions sont ont été divinisés, à l’instar de certains empereurs, bien qu’ils
le fruit d’une lente évolution de la pensée humaine, laquelle ne fissent pas l’unanimité. Nous confrontons ici la figure de
a progressivement humanisé le divin et divinisé l’humain, Claude au Ier s., à celle de Napoléon III au XIXe s. : tous deux
amenuisant petit à petit l’incommensurable distance entre le eurent leurs défenseurs et leurs détracteurs.
divin et l’humain.
• Le voyage aux Enfers
• Hommes, héros et dieux : une différence de nature ? Et après la mort ? Les Enfers. Silius Italicus suggère ce
Un texte de Plutarque et une hydrie permettent de faire le monde terrible qui affleure aux Champs Phlégréens. Nous
point sur les quatre espèces d’êtres doués de raison définies confrontons cette description à un extrait du Feu de Barbusse
par les Grecs, les héros et les démons étant les intermédiaires et à un photogramme du film Il faut sauver le soldat Ryan, la
entre les hommes et les dieux. Un extrait du Dieu de Socrate guerre des tranchées et le débarquement étant présentés
d’Apulée précise la nature et le rôle des démons, en lien avec comme de véritables enfers sur terre. Cette vision tranche
un extrait vidéo du film Jules César, qui montre les signes avec certains mythes qui rapportent la descente aux Enfers
annonciateurs de la mort du dictateur. Nous poursuivons avec de héros, pour lesquels cette épreuve est moins terrible que
Pic de la Mirandole, philosophe chrétien qui place l’homme certains conflits humains. Nous nous appuyons ici sur un
lui-même dans une position intermédiaire, l’homme ayant la exemple masculin (Ulysse) et un exemple féminin (Psyché).

Entrées possibles dans le chapitre


- Approche par le point du vue philosophique : les écoles une puissance divine, le divin est partout dans la nature et en
philosophiques de l’Antiquité n’étaient pas d’accord sur la l’homme. Pour aborder ces questions, on pourra commencer
distance qui sépare les hommes des dieux d’en haut : Platon par lire les textes de Plutarque, qui définit les quatre espèces
et les académiciens pensaient que, s’il était possible de d’être doués de raison (p. 82), et d’Apulée, qui explique ce que
communiquer avec les dieux, ces derniers étaient cependant sont les « démons » (p. 83) ; on poursuivra ce parcours par la
inaccessibles. Pour les épicuriens, les dieux existent, mais double-page présentant d’une lettre de Sénèque et une stèle
vivent dans les intermondes et ne s’occupent pas des affaires consacré au dieu Silvanus (p. 86-87).
humaines. Selon les stoïciens, le cosmos est mu et habité par

L’homme et le divin • 67
- Approche par le point de vue mythologique : les philo- - Approche par le point de vue chrétien : « Scandale pour les
sophes remettaient eux-mêmes déjà fortement en question Juifs, folie pour les Grecs » : c’est ainsi que saint Paul quali-
la conception anthropomorphique de la divinité. Ce sont les fie la naissance du Christ fils de Dieu, avant de devenir lui-
mythographes qui ont véhiculé et nous ont transmis cette même l’un de ses plus fervents disciples. En trois siècles, le
image des dieux et des déesses, certes immortels et puissants, christianisme finit par se répandre dans l’Empire romain et
mais au comportement si humain. La mythologie, bien en devenir la religion officielle. L’Europe occidentale n’est
connue des élèves, pourra constituer une entrée en matière pas moins marquée par l’héritage judéo-chrétien que par
simple et accessible. On lira en premier lieu, dans cette les Lumières des philosophes. Il pourra donc être pertinent
perspective, l’extrait des Métamorphoses d’Ovide (p. 88), que de commencer par la lecture de la fresque de Michel-Ange
l’on confrontera au Char du Soleil installé dans les Jardins (p. 81), avant de lire les textes d’inspiration chrétienne : le
de Versailles et à la figure de Louis XIV, nouvel Apollon. On discours de Pic de la Mirandole (p. 84) et l’évangile de Luc
poursuivra ce parcours en lisant Virgile, qui met en scène (p. 91) ; l’extrait du Gai savoir de Nietzsche et l’affiche du film
Vénus venant au secours d’Énée (p. 90). Le motif littéraire et Bruce tout puissant permettront enfin de s’interroger sur la
artistique de la description des Enfers et de la catabase pourra relation des hommes à Dieu (p. 85).
clore cette approche (p. 94-97).
Présentation des documents et problématisation
Nous présentons ici un détail du bas-relief de l’Arc de Portugal tient à droite du bas-relief, barbu, couronné de laurier, en toge.
intitulé L’Apothéose de Sabina et daté du IIe s. On peut retrou- Il est assis devant un autre homme, peut-être un sénateur.
ver l’œuvre intégrale sur le site des Musées du Capitole. En face, l’Adam de Michel-Ange, au corps musculeux, apparaît
On y aperçoit l’épouse d’Hadrien, drapée d’un voile aérien, quant à lui dans sa faiblesse, son impuissance : il tend faible-
emportée au ciel par une victoire ailée munie d’une longue ment un doigt vers Dieu qui fait mouvement vers lui.
torche allumée, dont la position peut symboliser la puissance.
Dès l’ouverture du chapitre, nous invitons les élèves à
Elles s’éloignent du feu du bûcher qui a été installé pour les
s’interroger sur cette dualité de la relation de l’homme avec le
funérailles de Sabina. Cette dernière est morte en 136 ou 137 ;
divin : proximité ou séparation ? attirance ou éloignement ?
l’empereur décrète sa déification. C’est probablement lui qui se

lecture Hommes, héros et dieux : une différence de nature ?


Dans les pages Lecture, les onglets de questions sont indépendants les uns des autres.
Il est donc possible de les traiter dans l’ordre que l’on souhaite ou de ne traiter que ceux
que l’on souhaite. Ce dispositif permet d’envisager une approche différenciée des textes.
1 Quatre espèces d’êtres doués de raison (p. 82)
Il s’agit ici de s’interroger sur la distance qui sépare les hom- seconds n’en sont que le reflet, l’image affaiblie, en tant qu’ils
mes des dieux. Au Ier-IIe s., Plutarque se demande, dans son sont mortels, défectueux ; les dieux sont une épuration de
ouvrage De la disparition des oracles, si les dieux eux-mêmes, l’humain, un idéal sacré. Entre ces deux extrêmes, Hésiode a
comme Apollon à Delphes, sont dans leur toute-puissance, défini deux espèces d’êtres doués de raison : les héros et les
à la fois à l’origine de l’existence puis de la disparition de démons, qui réunissent des traits de la nature des hommes et
certains oracles. Les dieux se jouent-ils ainsi des hommes ? de la puissance des dieux, sont mortels.
Seraient-ils même inconstants, voire défaillants ? L’hydrie grecque illustre l’apothéose d’Héraclès : le héros
Si les hommes et les dieux appartiennent au même univers, accède, par purification, au rang des dieux ; sur son char, il
les premiers sont immortels, sans manque ni défauts, les monte jusqu’à l’éther.
IDÉO
4
V

Visite virtuelle ®
La visite virtuelle du Panthéon de Rome tel qu’il existait au IVe s. permet de mettre en évidence le culte rendu
à tous les dieux, et particulièrement à l’empereur divinisé, dont le culte est lié à celui d’Apollon. Cette visite permet
de répondre à la deuxième question de la rubrique Culture.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
• Comme l’écrit Jean-Pierre Vernant, « l’être divin, vertueux, ils sont aussi sujets aux passions, changeants,
parfois même malfaisants, rancuniers, vengeurs. Ce sont
c’est celui qui, doté d’une existence singulière comme
celle des hommes, ne connaît pourtant ni la mort ni rien eux les responsables de la disparition de certains oracles
de ce qui lui est associé, parce que, dans sa singularité et, plus généralement, de tout ce que les humains
même, il a valeur d’essence générale intemporelle, de peuvent reprocher aux dieux.
puissance universelle inépuisable » ; les dieux représentent • On lira avec intérêt les réflexions de Jean-Pierre Vernant
« la splendeur, la gloire, l’éclat rayonnant d’une royauté sur la nature du corps des mortels et des immortels selon
cosmique permanente, indestructible, que rien n’y les Grecs de la période archaïque, au premier chapitre
personne ne pourra jamais ébranler » (L’Individu, la mort, de L’Individu, l’amour, la mort, Folio, 1989, p. 7-39 ;
l’amour, Folio histoire, 1989, p. 38-39). et la mise au point de Jacqueline Champeaux sur la nature
des dieux dans la religion romaine archaïque, dans
Les démons, plus particulièrement, établissent le lien
La Religion romaine, Le Livre de poche, 1998, p. 55-60.
entre ces derniers et les humains. S’ils peuvent se montrer

68 • L’homme et le divin
Comprendre
1. Les quatre espèces d’êtres doués de raison sont : « dieux », certains êtres peuvent, par purification, accéder à l’espèce
« démons », « héros » (l. 3), « hommes » (l. 4). Les hommes sont supérieure ou, au contraire, par dégradation, retomber dans
inférieurs aux héros, eux-mêmes inférieurs aux démons, les la condition inférieure (l. 5-8).
dieux étant au-dessus de tous. Les quatre éléments constitu- 3. À chaque espèce d’âme est associée un élément : aux
tifs de la matière sont, du plus lourd/bas au plus léger/haut : humains est associé la terre, lourde et basse, aux héros l’eau,
« la terre » (l. 11-12), « l’eau » (l. 11), « l’air » (l. 12), « le feu ». aux démons l’air, aux dieux supérieurs le feu ou éther, air le
2. Ces espèces ne sont pas irrémédiablement séparées. En plus chaud, donc le plus haut et le plus pur. Selon Héraclite,
effet, elles sont assez proches les unes des autres, les deux la matière essentielle de l’univers est le feu. Mais, par un
espèces intermédiaires unissant des traits des espèces qui leur processus de dégagement de la matière du bas vers le haut
sont respectivement inférieure et supérieure. De plus, les êtres et du lourd vers le léger/pur, la terre peut se réduire en eau,
n’appartiennent pas définitivement à l’une ou l’autre espèce ; l’eau en air, l’air en feu.

Culture
1. « S’ils appartiennent au même univers que les hommes, l’empereur lui-même, à travers le culte rendu à Phœbus-
les dieux forment une race différente : ils sont les athánatoi, Apollon, auquel Aurélien substitua celui de Sol Invictus.
les non-mortels, les ámbrotoi, les non-périssables », écrit Le Panthéon garde ainsi sa fonction première : il n’est pas
J.-P. Vernant (L’Individu, la mort, l’amour, Folio histoire, 1989, seulement dédié à tous les dieux ; il est aussi et peut-être
p. 16). Dans la pensée archaïque, ce qui différencie les dieux avant tout un temple dynastique dédié à l’empereur (un
des héros et des hommes, ce n’est pas que les uns seraient Augusteum, sur le modèle des panthéons grecs consacrés aux
de purs esprits quand les autres auraient un corps tangible ; rois hellénistiques et aux dieux qui leur étaient associés).
c’est que leur âme et leur corps sont impérissables : ils ne La statue d’Hadrien n’était pas présente dans l’édifice, mais
connaissent pas la dégradation, le temps, la mort ; ils ne sont on sait que cet empereur rendait la justice dans le Panthéon,
pas limités ou déficients ; ils vivent pleinement, sans ressentir la siégeant ainsi symboliquement au centre de l’univers.
faim, la soif, la douleur.
3. À l’origine, l’édifice qui est devenu le Panthéon a été
Les héros, nés de l’union des dieux avec des mortels, construit pour être l’église Sainte-Geneviève, patronne de
subliment les qualités humaines : Énée, fils d’Anchise et de la ville de Paris. C’est un monument à dôme, selon un plan
Vénus, possède au plus haut degré courage, force et piété ; en croix grecque, mais dont la façade reprend l’architecture
on attribuait à Hercule la construction d’une digue et d’une des temples romains de l’Antiquité, avec podium, colonnes à
route d’une longueur de huit stades séparant la mer et le lac chapiteaux corinthiens et fronton.
Lucrin, en Campanie. Mais les héros sont inférieurs aux dieux :
Depuis la Révolution, cet édifice est devenu un temple
ils subissent leur colère à travers de multiples épreuves, tel
républicain où sont inhumées, dans la crypte, les grandes
Énée parcourant, dans le sillage d’Ulysse, la Méditerranée, de
figures de la France, qu’elles aient marqué l’histoire politique,
Troie au Latium ; ils sont mortels : on raconte qu’Énée disparut
littéraire, philosophique ou encore scientifique. C’est ce
au cours d’un orage.
que rappellent la dédicace « Aux grands hommes la patrie
2. Étymologiquement, le Panthéon est un temple consacré à reconnaissante » et le bas-relief installé par David d’Angers :
« tous » (πάν) les « dieux » (θειον). Dans le mur intérieur de la ro- La Patrie distribue aux grands hommes, civils et militaires, des
tonde sont aménagées des niches, qui permettent d’installer couronnes que lui tend la Liberté tandis que l’Histoire inscrit
les statues des dieux et des déesses. On sait par exemple leurs noms. On y trouve notamment Voltaire, Rousseau, Victor
qu’étaient présentes les statues de Mars, Vénus et César Hugo, Pierre et Marie Curie, André Malraux ou encore Simone
divinisé, divinités dynastiques de la famille des empereurs Veil. La cérémonie de panthéonisation est devenue un acte
Julio-claudiens. Symboliquement, le mur et les statues politiquement symbolique : les femmes ou les hommes que tel
entourent le disque du sol de la rotonde, que l’on peut assi- ou tel président de la République « fait entrer au Panthéon »
miler au cercle des terres habitées, au-dessus duquel tourne à deviennent des figures importantes, sinon tutélaires, de son
longueur de jour le rayon du soleil qui passe par l’oculus. Les mandat. Depuis François Mitterrand, tous les présidents ont
caissons de la coupole, vus du dessous, forment comme les célébré une ou plusieurs panthéonisations. Mais en fonction
rayons du soleil, qui parcourent ainsi la demi-sphère céleste des aléas de la vie politique, certaines figures de la France
et illuminent toutes les divinités du cosmos. Pénétrer sous sont entrées dans ce temple avant d’en être expulsées… C’est
la coupole, c’est observer, depuis le cercle des terres, le ciel ainsi que le premier homme à y être entré fut le premier à en
et ses astres, qu’illumine et que domine le soleil, assimilé à sortir : le comte de Mirabeau.

Interpréter
1. De gauche à droite : le cocher, est peut-être Dionysos, avec être Dionysos. Athéna tourne la tête vers le héros. Les
barbe et couronne ; à ses côtés, Héraclès, tenant un sceptre accompagne également Apollon.
à la place de son habituel gourdin ; viennent ensuite Athéna, 3. « Apothéose » est un mot composé de deux éléments
portant un casque à haut-cimier ainsi que l’égide, et Apollon, grecs, ἀπο- (« rendre ») et θέοσις (« divin ») : c’est la déification
identifiable à sa lyre ; enfin Hermès au pétase et au caducée, d’un humain ou d’un héros. Elle est représentée ici sous la
qui guide l’attelage. forme d’une procession : élevé au rang de dieu après sa mort,
2. Cette scène représente un cortège solennel se dirigeant le héros monte vers le séjour des dieux ; il y épousera Hébé,
vers l’Olympe : Hermès mène un attelage de quatre chevaux fille de Zeus et d’Héra.
(quadrige) tirant le char où ont pris place Héraclès, et peut-

L’homme et le divin • 69
2 Les « démons », intermédiaires entre les hommes et les dieux (p. 83)
L’objectif est ici de définir plus précisément les rôles que les hommes, ils assurent les échanges et les relations entre
l’on attribuait aux « démons » dans l’Antiquité. À ce titre, les uns et les autres. C’est à cette catégorie qu’appartient le
l’ouvrage d’Apulée dont on propose un extrait est un démon de Socrate, qui se manifeste à lui sous la forme d’une
véritable traité de démonologie, sorte de manuel présentant sorte de voix intérieure le dissuadant d’agir s’il ne se conforme
ce qu’un homme éclairé doit savoir sur les démons. L’auteur pas à la vertu. C’est grâce à eux qu’existent tous les signes qui
commence par préciser leur nature et leur substance : ils permettent la divination : présages, prodiges, auspices.
résident dans l’air et sont faits de l’air le plus pur et le plus Dans le téléfilm Jules César, Uli Edel met en scène les diffé-
limpide ; leur « corps » est invisible mais brillant. Ce sont rents signes qui se sont manifestés au dictateur pour lui an-
des êtres vivants immortels, selon lui, doués de raison. noncer sa mort prochaine, mais dont il n’a pas tenu compte. Le
Apulée classe les démons en deux catégories : les démons- réalisateur met ainsi en lumière l’impiété, à ce moment crucial,
âmes et les démons supérieurs. Ces derniers sont une caté- de César, rejoignant par là les récits de Plutarque et de Suétone
gorie plus noble : véritables intermédiaires entre les dieux et sur les événements qui ont précédé les Ides de Mars.
TRADUCTION
En fait, existent des sortes de puissances divines intermédiaires entre l’éther si haut et les terres si
basses, situées dans cet espace d’air-là, grâce auxquelles nos prières et nos mérites vont vers eux.
Eux, les Grecs les appellent du nom de démons, vecteurs entre les habitants de la terre et du ciel,
des prières d’ici et des dons de là-bas, [vecteurs] qui dans un sens et dans l’autre portent d’ici les
demandes, de là-bas les aides, comme des médiateurs et des messagers des uns et des autres. […]

prolongements

• On pourra comparer les paragraphes LXXXI et suivants de la Vie de César de Suétone avec les paragraphes 63
et suivants de la Vie de César de Plutarque. La pièce de William Shakespeare, Jules César, vers 1599, donne
une autre vision des événements, tout comme le film de Joseph L. Mankiewicz, Jules César, 1953.
• Les sources antiques nous ont transmis de nombreux exemples de prodiges, parfois étonnants, pour ne pas
dire incroyables. On pourra compléter la lecture du texte d’Apulée par des recherches sur les prodiges recensés
à l’époque romaine.

Langue
1. Le pronom relatif « quas » (l. 4) est au féminin pluriel car son circonstanciel de moyen du verbe « commeant » (l. 4). « Qui »
antécédent est « potestates » (l. 1), lui-même au féminin pluriel. est au nominatif, sujet du verbe « portant » (l. 7).
Le pronom relatif « qui » (l. 7) est au masculin pluriel car son 3. Pour compléter l’analyse et la compréhension globale, on
antécédent, « vectores » (l. 6), est lui-même au masculin pluriel. pourra s’appuyer sur un repérage des mots de liaison et des
2. « Quas » est à l’accusatif, cas imposé par la préposition parallélismes.
« per » qui le régit ; ce groupe prépositionnel est complément

Comprendre
1. Dans cet extrait, l’auteur définit la nature et la fonction des chacun » (l. 12-13). Autrement dit, les démons rendent possible
démons. Ces derniers sont des « sortes de puissances divines la pratique de la divination, essentielle pour assurer les bonnes
intermédiaires », séjournant dans l’air situé entre la terre relations entre les dieux et les hommes, puisque c’est à la
habitée par les hommes, et l’éther où sont les dieux immortels ; divination qu’il appartient de connaître la volonté des dieux :
ils sont donc inférieurs à ceux-ci et supérieurs à ceux-là. Leur l’interprétation des signes permet de décrypter le vouloir divin.
rôle est d’être des « vecteurs » (vectores), des « médiateurs » 2. Dans ce traité, Apulée reprend la pensée de Platon : les
(interpretes), des « messagers » (salutigeri), transmettant d’un dieux, invisibles, ne peuvent être contemplés que par l’intel-
côté les prières des humains, de l’autre, en retour, les dons ligence, la juste raison épurée ; ils résident dans les hauteurs
des dieux. Est ici repris un des principes qui fondent la piété de l’éther et sont séparés de tout contact direct avec les hu-
romaine : do ut des (« je donne pour que tu donnes »). Leur rôle mains. Ils sont donc éloignés d’eux. Mais grâces aux démons,
est également d’opérer les prodiges et les présages, chacun des échanges sont possibles entre les uns et les autres.
ayant une fonction propre « selon le domaine qui est attribué à

Culture
1. Un présage est un phénomène remarquable envoyés par Le présage est un signe naturel qui arrive de manière fortuite :
les dieux pour annoncer un bonheur ou un malheur. Un circonstances particulières, événements inhabituels, inci-
présage ne révèle pas l’avenir, mais indique si les dieux sont dents, paroles prononcées par hasard, lapsus, interprétés
favorables ou non à une action que l’on entreprend. Si on comme des signes qui révèlent ou annoncent quelque
les ignore, les conséquences peuvent être désastreuses… chose d’important. Les rêves, un éternuement, un faux pas,
Les Romains distinguent les simples présages (omina) et les peuvent être considérés comme des présages. Les Romains
auspices ou augures (auspicia, auguria). tiraient également des présages des victimes sacrificielles,

70 • L’homme et le divin
notamment à travers l’examen des entrailles de l’animal. les fenêtres battant au vent, le drap trempé de sang, les larmes
Les auspices ou augures sont observables (specio) grâce et le sursaut soudain de cette femme concourent à dramatiser
aux oiseaux (avis), d’après leur vol et/ou leur chant/cri. On la scène. Au matin, Calpurnia se rend au domicile de Jules
consultait les auspices avant chaque événement important, César pour lui faire part de ce présage, mais il ne l’écoute pas.
militaire ou civique. Le terme augure désigne non seulement D’autres signes sont visibles pour les seuls téléspectateurs.
le phénomène observé mais aussi les prêtres formés à cette Filmés en contre-plongée presque verticale, les oiseaux qui
observation des signes. gagnent le ciel à tirs d’ailes en longeant les six colonnes d’un
Les haruspices sont, à l’origine, des devins étrusques capables temple du Forum dont le fronton se découpe sur un ciel
d’interpréter la volonté des dieux à travers les présages, les ennuagé, sont le second signe. Le troisième signe : les oiseaux
auspices et les prodiges, c’est-à-dire « toutes les anomalies qui qui s’envolent à tour de rôle à proximité du brasier installé
atteignent la nature physique, les phénomènes sur lesquels devant la Curie et à côté duquel se trouve un vieillard, que
l’homme n’a pas de prise ou qu’il ne s’explique pas […], l’on identifie à un devin ; le mouvement de la caméra, d’abord
tremblements de terre, éclipses, pluies de pierre, foudres, en contre-plongée puis en plongée, permet de faire un plan
malformations », pour reprendre les mots de J. Champeaux rapproché sur son visage énigmatique observant le ciel et
(La Religion romaine, Le Livre de poche, p. 122). une volée d’oiseaux qui tournoient. C’est lui qu’interroge
avec arrogance le jeune Marc-Antoine au moment précis où
2. D’après l’extrait du téléfilm, le signe envoyé à César avant le crime va avoir lieu : l’assurance de sa réponse, qui laisse
sa mort est le songe (cauchemar pour nous) que fait son ex- Marc-Antoine songeur, est un avertissement clair.
épouse dans la nuit qui précède l’événement : le clair-obscur,

3 L’homme, un être divin ? (p. 84)


Au XVe s., l’italien Pic de la Mirandole, humaniste et théolo- à l’homme une place particulière dans la Création : mé-
gien lui-même, est l’héritier de cette longue et complexe lange de terre et de souffle divin, marqué par le péché
tradition. Dans son Discours sur la dignité de l’homme, il originel, « il atteindra l’état divin » s’il a la volonté de faire
place ce dernier au centre de sa philosophie : sa dignité croître en lui les germes « rationnels » ; s’il a la volonté de
réside dans la volonté que Dieu lui a donnée, grâce à faire croître en lui les germes « intelligents, il sera un ange
laquelle l’homme peut, s’il le veut, se faire le créateur de ou un fils de Dieu ». On retrouve ici une hiérarchie héritée
lui-même : « Ô suprême bonté de Dieu le Père, suprême de la tradition néoplatonicienne, qui place la Raison au-
et admirable félicité de l’homme ! à qui il a été donné dessus de l’Intellect, lui-même au-dessus de l’Âme, destinée
d’avoir ce qu’il souhaite, d’être ce qu’il veut ». Dieu a donné à descendre dans les corps.

TRADUCTION
« Je t’ai placé au milieu du monde, afin que tu examines de là plus commodément tout ce qui est dans
le monde. Et nous ne t’avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, afin que, étant pour toi-
même, à ton gré et pour ton honneur, comme un sculpteur et un modeleur, tu façonnes, toi, la forme
pour laquelle tu as une préférence. Tu pourras dégénérer vers les êtres d’en bas, que sont les bêtes ; tu
pourras, selon ta propre volonté, être régénéré vers les êtres d’en haut, qui sont divins. »

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

• La critique du XXI e
s. estime que le livre de la Genèse Les Pères de l’Église et les théologiens enrichirent
l’interprétation des textes bibliques à la lumière des
est une compilation de textes hébraïques écrits entre
philosophies néoplatoniciennes et aristotéliciennes,
le VIIIe s. et le IIe s. av. J.-C., qui reprennent une multitude
notamment.
de traditions juives plus anciennes transmises oralement.
À partir du IIIe s. av. J.-C., les Juifs d’Alexandrie traduisirent • Pour une introduction au judaïsme et au christianisme,
en grec cette compilation, et plus généralement les livres lire P. Mattéi, Le Christianisme antique de Jésus à Constantin,
de l’Ancien Testament (Bible des Septante). Vers la fin Armand Colin, 2020, et Le Judaïsme et le Christianisme
du IVe s., au moment où le christianisme devient religion antique, de M. Simon et A. Benoît, Nouvelle Clio, 1998.
officielle, l’Ancien et le Nouveau Testaments sont fixés On lira également avec intérêt le livre de la Genèse dans
et traduits en latin (Vulgate). C’est ainsi que l’Occident la nouvelle traduction de F. Boyer et J. L’Hour, Folio, 2001.
romanisé et christianisé fit sien le récit de la Création La conférence de L. Jerphagnon et L. Ferry, transcrite
en particulier, replacé dans la perspective du Salut telle dans La Tentation du Christianisme, Grasset, 2009,
qu’elle se dessine de l’Ancien au Nouveau Testament. sera une approche très stimulante.

Langue
1. « Posui » (l. 1) est conjugué à la 1re pers. du singulier du du singulier du subjonctif présent actif. « Poteris » (l. 9 et 11)
parfait de l’indicatif actif. « Circumspiceres » (l. 2) est conjugué est conjugué à la 2e pers. du singulier de l’indicatif futur actif.
à la 2e pers. du singulier de l’imparfait du subjonctif actif. 2. Les trois pronoms relatifs sont « quam » (l. 8) et « quae »
« Fecimus » (l. 4) est conjugué à la 1re pers. du pluriel du parfait (l. 10 et 12). Leurs antécédents respectifs sont « formam » (l. 8),
de l’indicatif actif. « Effingas » (l. 8) est conjugué à la 2e pers. « inferiora » (l. 9) et « superiora » (l. 11).

L’homme et le divin • 71
Traduire
1. Les trois propositions relatives sont : « in quam malueris » (l. 8), « quae sunt bruta » (l. 10)
et « quae sunt divina » (l. 12). Les deux propositions de conséquence introduites par « ut » sont :
« ut circumspiceres commodius inde » (l. 2-3) et « ut tute effingas formam » (l. 5-8).
2. Voir la traduction.

Comprendre
1. Le rôle de Dieu est d’avoir placé l’homme dans le monde par Dieu ; mais le génitif « tui » indique que l’homme est le
en position intermédiaire, afin qu’il puisse l’observer, de destinataire de sa propre action, ce que renforce le nominatif
l’avoir fait ni terrestre ni céleste, ni mortel ni immortel. La part « tute », sujet de « effingas ».
laissée à l’homme est la liberté de « façonner la forme pour 2. L’homme se trouve en position intermédiaire : contrai-
laquelle [il a] une préférence » ; l’homme est défini comme rement aux « bêtes » et aux « esprits supérieurs », qui sont
un « sculpteur » (« plastes », l. 6) et un « modeleur » (« fictor », nés tels _ ou quasiment _ et le resteront, il est le seul à
l. 7), mot de la même famille, en latin, que le verbe effingo pouvoir évoluer, prendre telle ou telle direction, puisqu’il
(« façonner, modeler », l. 8). La répétition du pronom a en lui « des semences de toutes sortes et des germes de
personnel de la 2e personne du singulier, sous les formes « te », toute espèce de vie » (l. 20-21). En fonction de ceux qu’il fera
« tui », et sous la forme renforcée « tute », met en relief le rôle croître en lui et qui porteront du fruit, l’homme « se bêti-
de l’homme. Les deux premières occurrences, à l’accusatif, fiera » (l. 24) ou « atteindra l’état divin » (l. 24).
mettent l’homme en position d’objet, dont la place est fixée
prolongements
Le point de vue de Pic de la Mirandole est une interprétation des textes bibliques. À cet égard, il sera intéressant de lire
les chapitres 1 à 3 du récit de la Genèse, par exemple dans la traduction de Frédéric Boyer et Jean L’Hour (Folio, 2001) :
on invitera les élèves à interpréter, à leur niveau et selon leurs convictions personnelles, ce texte fondateur ; ce pourra
être l’occasion d’un débat, que l’on régulera en se rapportant sans cesse au texte, qu’il ne s’agit pas de déformer.

4 « Où est allé Dieu ? » (p. 85)


Les documents A et B invitent à s’interroger sur le rôle de la Le philosophe interroge cependant ici la perte de sens que
divinité dans l’existence humaine et sur la responsabilité de peut constituer l’absence de scrupule religieux, l’absence de
l’homme dans sa relation à Dieu. relation au divin : « La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop
« Où est allé Dieu ? » : « S’est-il caché ? A-t-il peur de nous ? S’est- grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir
il embarqué ? A-t-il émigré ? » (l. 7-8), crient quelques athées nous-mêmes des dieux ? » (l. 16-18). Pourtant, le film Bruce
hilares ? Au contraire, les hommes l’ont-ils tué, comme le tout puissant, sorti en 2003, met en scène un homme dans la
prétend « cet homme fou » dans le texte de Nietzsche ? Il est force de l’âge, qui se met en colère contre Dieu suite à deux
en effet « insensé » d’affirmer que Dieu est mort… Dans la deu- malheurs survenus le même jour : perte d’emploi et accident
xième moitié du XIXe s., Nietzsche explique et met en question de la route. Mais Dieu le prend au mot et lui accorde ses
les valeurs morales, politiques, philosophiques et religieuses pouvoirs pendant sept jours… Les catastrophes s’enchaînent ;
qui fondent la culture occidentale. Il s’agit de dévaluer ces on est plus proche de l’apocalypse que du paradis sur terre ;
valeurs pour les dépasser et en instituer de nouvelles qui Bruce finit par avouer son impuissance à prendre la place de
permettront à l’homme de s’émanciper de la tutelle de la Dieu, à qui il s’en remet. Cette comédie remet en question
pensée chrétienne, qui le mène au nihilisme. Le surhomme doit la conception simpliste d’un Dieu dont le rôle se réduirait à
advenir, dans sa plénitude vitale et sa volonté de puissance. exaucer toutes les prières des humains.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
Depuis le XVIIIe s., en effet, le recul des religions, la laïci- que le divin existe, qu’il soit unique ou multiple,
sation progressive de la société, une nouvelle philosophie se préoccupe-t-il des affaires humaines ? Les philosophies
plaçant l’homme au centre de tout, conduit petit à petit antiques ne s’accordaient pas sur ce point. Pour
à une « humanisation du divin » et, inversement, à la les épicuriens, les dieux existent, mais sont inactifs,
« divinisation de l’humain », pour reprendre des expressions ne régissant ni le monde ni les affaires des hommes ;
de Luc Ferry. Ainsi, l’existence humaine ne trouve plus ils vivent sans trouble, dans un état de béatitude (ataraxie).
a priori sa justification et son sens dans la Genèse ni Pour les stoïciens en revanche, le dieu qui régit l’univers
dans la Révélation, c’est-à-dire le fait que Dieu se révèle et la vie des hommes, qui en dépend nécessairement,
aux humains en la personne du Christ, mais en l’homme est providence. Face à ces contradictions que met face
lui-même, considéré alors comme origine et fin de sa à face Cicéron, la seule certitude est l’immortalité de l’âme,
propre existence et responsable de sa relation au divin. destinée à rejoindre les dieux. « L’immortalité n’est plus
« Où est allé Dieu ? » Pour répondre à cette question, le privilège des dieux. L’homme aussi a vocation
encore faudrait-il que l’esprit humain soit en mesure à monter au ciel », écrit J. Champeaux (La Religion
d’appréhender ce qu’est Dieu, défini par Plotin et les romaine, Le Livre de Poche, 1998, p. 154). Pour poursuivre
néoplatoniciens comme l’absolu, ineffable, qui échappe à la réflexion, on lira les analyses de Luc Ferry dans
toute connaissance, n’ayant pas part à l’Être. Si l’on admet L’Homme-dieu ou le sens de la vie, Le Livre de Poche, 1996.

72 • L’homme et le divin
Confronter
1. À travers les paroles de l’insensé, le philosophe annonce Dieu qui, lui, va au secours d’Adam. La distance entre eux est
que le cours de l’histoire humaine va changer : les hommes, infime, mais semble incompressible. Adam, quoique puissant
par la rationalisation de leur pensée, ont tué Dieu, étant physiquement et de même stature que Dieu, ne peut rien
devenus tout à fait indifférents à lui ; Dieu ayant disparu du sans le secours de ce dernier et semble le supplier de ne pas
cœur de l’homme, celui-ci va devoir devenir dieu lui-même, l’abandonner à sa condition terrestre.
ce qui va inévitablement bouleverser sa relation au monde
et à lui-même, puisque dans cet univers sans Dieu, il reste Sur l’affiche du film Bruce tout puissant, la position du corps de
seul. C’est un gage de liberté, mais également d’angoisse l’acteur principal, moins musculeux au demeurant, est plus
existentielle. Il doit désormais devenir ce qu’il est, sans le dynamique ; son visage est délibérément tourné vers Dieu,
secours de la divinité. Par cet acte qui le dépasse, l’homme que l’on ne voit pas, ses sourcils froncés ; l’air orgueilleux,
fait preuve d’ὕϐρις. Les hommes n’ont pas pris la mesure, ou il défie celui qui lui fait face, dont la main est pourtant
plus exactement la démesure, de cette mort de Dieu. C’est démesurément grande par rapport à ses membres à lui,
une vérité que l’insensé révèle à l’humanité, en forme de mise plus chétifs. Nous remarquons que Bruce est sur un nuage,
en garde et d’avertissement, comme s’il était encore temps comme s’il avait déjà rejoint Dieu…
de changer le cours des choses (l. 25-27). Cette différence ne révèle-t-elle pas une évolution de l’image
On amènera les élèves à s’interroger sur le fait que, en que l’homme a de lui-même dans nos sociétés occidentales :
un peu plus d’un demi-siècle, les églises se sont vidées d’humble et confiant, ne serait-il pas devenu orgueilleux et
dans le monde occidental : quelles en sont les raisons ? Le défiant envers le divin ?
matérialisme de l’économie de marché et de la société 3. Les textes de Plutarque, Apulée, Pic de la Mirandole et
de consommation ? La course à l’argent, au pouvoir, sous Nietzsche questionnent chacun à leur manière la position de
toutes ses formes, à la gloire ? La place croissante accordée à l’homme face à la divinité. Que l’on considère que le divin est
l’individu, au détriment de l’intérêt général et de la « charité » ? ontologiquement séparé de l’humain ou non, une forme de
Un débat pourra être mené en classe, qui ne manquera pas communication et de relation est admise, ce que niaient les
d’être animé. Notre époque contemporaine assiste en effet à épicuriens.
la fois à un recul de la pratique religieuse, à une laïcisation de
la société, à une humanisation du divin et à une radicalisation On proposera aux élèves de faire des recherches par groupe,
de certains mouvements se réclamant d’une religion. S’il se qui aboutiront à une présentation orale avec support, sur les
fait plus humain, Dieu n’est donc pas tout à fait mort. Mais différentes philosophies ou courants de pensées, antiques
l’on assiste par là même à une certaine perte de sens, auquel ou modernes/contemporains, et les différentes religions,
un humanisme contemporain tente de répondre. en insistant particulièrement sur la manière dont elles
envisagent la relation entre l’homme et le divin : épicurisme,
2. Sur la fresque de Michel-Ange, l’homme tend lâchement stoïcisme, scepticisme, humanisme, judaïsme, christianisme,
la main, presque dans un mouvement de recul, vers celle de par exemple.

pistes pour construire un portfolio

• Pour la constitution d’un diptyque iconographique, on pourra inviter les élèves à étudier
La Création d’Adam, de Michel-Ange (p. 81) et l’affiche du film Bruce tout puissant, de Tom Shadyac,
2003 ; ils pourront confronter l’une des deux à l’Apothéose de Sabine (p. 81).
• Diptyque textuel : Lucrèce, De Natura rerum, Chant V, v. 110-234 et Nietzsche, Le Gai savoir,
III, 125, 1882.

L’homme et le divin • 73
lecture Un monde peuplé de dieux

1 Le divin est partout (p. 86)


Les stoïciens considèrent que l’univers, le cosmos, est Les dieux ne sont pas d’abord des êtres anthropomorphes
mu par le logos, la raison, la loi universelle qui anime siégeant dans les hauteurs de l’éther et spectateurs amusés
de son souffle (πνεῦμα) la moindre parcelle du monde. des affaires humaines, mais des numina, des volontés/
L’univers est comme un immense mécanisme, dont tous puissances agissantes composant le monde : éléments
les engrenages fonctionnent dans une parfaite harmonie, primordiaux (terre, eau, air, feu), éléments constitutifs de
en interdépendance. L’ordre du monde ne peut donc pas l’univers (Apollon est le Soleil), éléments de la nature (fleuves,
ne pas être divin, de la course si complexe des astres et du arbres).
soleil jusqu’à la plus petite feuille qui pousse à son heure
au printemps. Le divin n’est donc pas transcendant, mais
immanent ; la matière est animée.
TRADUCTION
Sénèque à son cher Lucilius, salut.
Tu fais une chose excellente et pour toi salutaire, si, comme tu l’écris, tu persistes à progresser vers
une bonne disposition d’esprit, qu’il est insensé de demander, quand tu peux l’obtenir de toi-même.
Il n’y a pas à élever les mains au ciel ni à implorer un gardien, afin qu’il nous laisse approcher l’oreille
d’une statue, comme si nous pouvions davantage être entendus : le dieu est proche de toi, il est avec
toi, il est en toi. Autrement dit, Lucilius : un souffle réside en nous, sacré, observant et surveillant le
mal et le bien que nous faisons. […]

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
• L’homme, qui n’est qu’une composante du cosmos, est • La première partie du discours philosophique, que
animé par ce πνεῦμα. « Le choix de vie stoïcien postule l’on nomme la physique ou étude de la nature, apprend
et exige, à la fois, que l’univers soit rationnel. ˝Serait-il à l’homme à comprendre et reconnaître dans le monde et
possible qu’il y ait l’ordre en nous et que le désordre règne en lui-même cette part de divin qui anime le tout et toutes
dans le Tout ?˝. La raison humaine qui veut la cohérence ses composantes. Tel est l’arrière-plan philosophique
logique et dialectique avec elle-même et pose la moralité de la lettre 41 de Sénèque à son ami Lucilius, qui souhaite
doit se fonder dans une Raison du Tout dont elle n’est progresser dans le choix de vie stoïcien.
qu’une parcelle. Vivre conformément à la raison sera donc
vivre conformément à la nature, conformément à la Loi
• On lira avec intérêt les pages 196-216, consacrées
à la doctrine stoïcienne, de P. Hadot, Qu’est-ce que
universelle, qui meut de l’intérieur l’évolution du monde », la philosophie antique ?, Folio essais, 1995, ainsi
écrit Pierre Hadot (Qu’est-ce que la philosophie antique ?, que la synthèse de J.-B. Gourinat, Le Stoïcisme,
Folio essais, 1995, p. 201). Que sais-je ?, 2007.

Langue
1. L’antécédent du pronom relatif « quam » (l. 3) est le groupe 3. La proposition relative permet de donner une précision :
nominal « bonam mentem » (l. 3). cette « bonne disposition d’esprit » n’est pas à attendre de
l’extérieur, mais à trouver en soi-même. Cette précision
2. « Bonam mentem » et « quam » sont déclinés à l’accusatif rejoint l’aspect volontariste de la doctrine stoïcienne, qui
féminin singulier ; bonam mentem est un complément requiert de chaque individu une attention permanente pour
circonstanciel de lieu régi par la préposition in ; quam est agir conformé-ment à la raison.
COD de l’infinitif optare.

Traduire
1. Proposition de traduction littérale :

Sénèque donne un salut à son cher Lucilius.


Tu fais une chose excellente et pour toi salutaire, si, comme tu l’écris, tu persistes à aller vers une
bonne disposition d’esprit, qu’il est insensé de souhaiter, quand tu peux l’obtenir de toi-même. Les
mains ne sont pas à élever vers le ciel et le gardien n’est pas à implorer, afin qu’il nous laisse approcher
de l’oreille d’une statue, comme si nous pouvions davantage être entendus : le dieu est proche de toi,
il est avec toi, il est en toi. Ainsi dis-je, Lucilius : un souffle sacré réside à l’intérieur de nous, obser-
vateur et gardien de nos maux et de nos biens.

2. La traduction aboutie du texte aura pour objectif de d’amener les élèves à réfléchir à la polysémie
des mots et au choix précis du sens qui rend le mieux, non pas la lettre, mais l’idée du texte.

74 • L’homme et le divin
Comprendre
1. Ce texte est une lettre, comme l’atteste la formule d’appel le groupe prépositionnel « intra nos » (d’où notre traduction),
(l. 1), qui précise le nom de l’auteur et du destinataire, ce qui semble renforcer l’idée que le « souffle sacré » nous
comme l’indique également la formule de salutation habi- « assiège », nous « tient ». Enfin, le verbe « sedet » a le sens fort
tuelle (l. 23). de « demeurer », « rester ». Quelques lignes plus loin, la citation
2. Le philosophe Sénèque encourage son ami Lucilius à d’un vers de Virgile fait autorité. Ce souffle divin, qui renvoie
progresser encore vers la sagesse, qui réside en lui-même. Il lui au logos des stoïciens, est droit, conforme à la nature univer-
conseille de ne pas rechercher le divin au plus haut des cieux, selle, et nous dicte le juste et le bon.
mais en lui également : « prope est a te deus, tecum est, intus est » 3. L’argument développé dans le passage en français est un
(l. 6-7). Le propos est ici souligné par la répétition du verbe raisonnement déductif : de l’observation des beautés de la
« est » et par le rythme de la phrase. L’auteur reformule ensuite nature on peut déduire que le divin existe et qu’il est immanent
sa pensée (« Ita dico », l. 7) : « sacer intra nos spiritus sedet » (l. 7). au monde, dans toutes ses composantes. Ce constat suscite la
Le mot « sacer » est mis en relief par sa position en début de « crainte religieuse » et appelle la vénération.
phrase ; de plus, le groupe nominal « sacer spiritus » encadre

prolongements

Pour initier les élèves à la doctrine stoïcienne, on pourra prolonger la lecture de la lettre de Sénèque
par celle d’un ou plusieurs livres des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, en particulier les livres II et III
(dans l’édition GF, 1992, par exemple).

2 Culte rendu au dieu sylvestre (p. 87)


Pour faire écho à la lettre de Sénèque, plus particulièrement particulières à son sujet. Silvanus lui-même est souvent consi-
à la deuxième partie évoquant les beautés de la nature et la déré comme le genius du lieu où on le vénère.
vénération qu’on lui doit, cette stèle présente un cas concret En l’occurrence, la stèle est dédiée à la fois à Silvanus et au
de culte rendu à deux divinités mineures du panthéon romain : Génie des cavaliers particuliers d’Auguste : on sait que ce corps
Silvanus et le Génie des cavaliers particuliers d’Auguste. de cavalerie, recruté principalement en Pannonie, vénérait
Silvanus n’est pas à proprement parler un deus, mais un particulièrement ce numen ; la caserne se trouvait à proximité
numen, une volonté/force agissante animant des éléments de de l’endroit où ce bas-relief a été trouvé (sur la colline de
la nature. En effet, comme son nom l’indique, Silvanus préside l’Esquilin à Rome).
aux silvae : forêts, bois, arbres, arbustes, plantes ; c’est le dieu La lecture et l’interprétation de ce monument bien conservé
des espaces non cultivés, de la terre sauvage au-delà des sont également l’occasion de déchiffrer et traduire un court
champs. Pour cette raison, il est souvent assimilé à Faunus ainsi texte épigraphique.
qu’à Pan. Les mythes ne nous ont pas transmis de légendes

Informations supplémentaires
Pour une synthèse sur la religion romaine, ses dieux, ses cultes, ses rites, ses fêtes, nous renvoyons
à La Religion des Romains, de John Scheid, Armand Colin, 2007. On se reportera également
à l’ouvrage de Danielle Porte, qui recense les Fêtes romaines antiques, Clairsud, 2001.

Culture
1. Le mot genius est dérivé de la racine *gen-, « engendrer ». nu, les cheveux en bataille et la barbe abondante, couronné de
Le genius est une divinité protectrice modeste et familière, pin ; il porte simplement, nouée aux épaules, une peau de bête
particulière à chaque homme, qui veille sur lui depuis sa servant de « hotte », chargée de fruits.
naissance jusqu’à sa mort, disparaissant avec lui. C’est en 3. Les nymphes sont les personnifications féminines d’éléments
quelque sorte, si l’on veut, l’ange gardien du paganisme, l’âme naturels, comme les rivières, les arbres, les montagnes ; elles
spirituelle de l’homme, « la part divine de la nature humaine » sont jeunes et belles, aiment la musique et la danse ; leur vie
(Jacqueline Champeaux, La Religion romaine, Le Livre de est longue, mais elles ne sont pas immortelles ; elles possèdent
poche, 1998, p. 140). Mais le genius peut également être des dons divins. Les dryades sont les nymphes des arbres en
rattaché à un lieu, à une corporation, dont il est aussi comme général, des chênes en particulier. Quant aux faunes, ils sont
l’âme. On voue un culte au genius pour qu’il soit favorable. assimilés aux satyres de la mythologie grecque, mais moins
Par exemple, avant de couper un arbre dans une forêt sauvages. Faunus est un dieu pastoral, chasseur et promoteur
consacrée à Silvain, il était important de se le rendre propice, car de l’agriculture ; un jour lui était consacré le 5 décembre, que
l’abattage était considéré comme une atteinte à son territoire. l’on célébrait par des festivités à la campagne. Il possédait le
2. Silvanus était souvent représenté sous les traits d’un homme don de prophétiser, dévoilant l’avenir à travers les rêves ou des
d’âge avancé, mais possédait la vigueur des jeunes gens. Il est voix émises par les bois sacrés.

L’homme et le divin • 75
Lire
1. SILVANO SACR[O] 2. « Marcus Ulpius Fructus, gardien [de temple], a fait don
ET GEN[IO] EQ[VITVM] de ce monument avec sa base à Silvain, [qui est] sacré, et au
SING[VLARVM] AVG[VSTI] Génie des cavaliers particuliers d’Auguste ».
M[ARCVS] VLP[IVS] 3. Le dédicant est le gardien d’un temple dont la stèle ne nous
FRVCTVS indique pas l’emplacement, que l’on ne connaît pas par ailleurs.
AEDITVMVS Son nom, Ulpius, indique qu’il a été doté par l’empereur Trajan
SIGNVM (Marcus Ulpius Trajanus de ses tria nomina) de la citoyenneté
CVM BASE romaine et reçut le surnom de Fructus, en lien sans doute avec
D[ONVM] D[EDIT] le dieu de la végétation et de la fructification.

Interpréter
1. Sur le bas-relief, les indices qui montrent qu’il s’agit du dieu corps de cavalerie. On peut également imaginer que Silvanus
Silvain sont sa couronne de feuillage, du pin en l’occurrence, lui avait apporté, d’une manière ou d’une autre, de l’aide.
ses cheveux et sa barbe abondante, sa nudité, la peau de bête
nouée aux épaules et chargée de fruits, la faucille coudée prolongements
à angle droit qu’il tient à main droite, les branches (de pin ?)
qu’il tient du bras gauche, ses bottines grossières, le chien qui • Afin de montrer la popularité du dieu Silvanus dans l’Antiquité,
on pourra inviter les élèves à confronter le bas-relief trouvé
l’accompagne et l’autel allumé à sa gauche. sur l’Esquilin à d’autres statues le représentant, notamment
2. On peut supposer que Marcus Ulpius Fructus a fait partie celle qui se trouve au Musée archéologique national de Madrid.
de la garde rapprochée de l’empereur. En tant que gardien de
temple, il avait peut-être pour rôle particulier de veiller au culte
• Pour établir un pont avec le monde contemporain, on pourra
lire la « Prière à Pan » de Marcel Pagnol.
de l’une des divinités particulièrement vénérée au sein de ce

3 Un monde au pouvoir des dieux d’en haut (p. 88)


Si les philosophes, épicuriens et stoïciens en premier lieu, Heures et les Saisons ; il suffit que le dieu fasse dévier la
ont remis en cause la religion, devenue traditionnelle course quotidienne de son quadrige pour semer sécheresse,
sous la République, proposant des théories différentes incendies et désolation, comme l’évoque Ovide au livre II
et contradictoires sur la nature et le rôle des dieux, la des Métamorphoses. Dans l’extrait que nous proposons ici,
représentation anthropomorphique des divinités est partout Phœbus-Apollon met en garde son fils Phaéton, qui vient de
présente dans les arts (statuaire et littérature en particulier). demander à son père l’autorisation de conduire son char à
Les poètes mythographes, comme Ovide, nous présentent travers le ciel.
des dieux à visage (trop) humains, qui n’en sont pas moins, Cette représentation poétique du Soleil n’est pas une
pour les plus importants d’entre eux, des forces cosmiques ; invention d’Ovide. Hélios conduisant son char est une
ce sont les dieux d’en haut qui gouvernent l’univers et sont scène représentée à maintes reprises, par exemple sur
les maîtres du monde. Ainsi, au livre I des Métamorphoses, un lécythe attique à fond blanc, daté de 500 environ av.
Jupiter engloutit la race humaine sous les eaux du déluge, J.-C., conservé au Metropolitan Museum of Art, à New York,
n’épargnant que deux êtres, Deucalion et Pyrrha, pour leur ou encore en bas-relief sur un métope provenant du temple
piété. Phœbus-Apollon quant à lui, est l’une des divinités les d’Athéna à Ilion, daté du début du IVe s. av. J.-C. et conservé au
plus importantes, procurant au monde lumière et chaleur, Musée de Pergame à Berlin.
autrement dit vie ; c’est également lui qui engendre les

TRADUCTION
La première partie de la route est abrupte et celle-ci, c’est avec peine que l’escaladent mes cheveux
[pourtant] frais le matin ; la partie médiane est la plus haute dans le ciel, d’où même moi j’ai peur sou-
vent d’apercevoir la mer et les terres et [d’où] mon cœur tremble d’un effroi éperdu ; la dernière partie
de la route est inclinée et nécessite une conduite assurée ; à ce moment-là, celle qui m’accueille dans
ses ondes proches, Thétys elle-même, a l’habitude de redouter que je ne sois emporté vers le fond.

Informations supplémentaires

• Les plus anciens dieux des Romains, à la période comme des personnes agissantes et non pas seulement
comme des énergies parcourant la nature et ses éléments.
archaïque, semblent n’avoir eu ni visage, ni histoire.
L’influence étrusque et l’hellénisation de Rome ont
Si l’on en croit Varron (cité par Augustin dans La Cité
profondément modifié les conceptions et les pratiques
de Dieu, 4, 31), jusqu’à la période de la royauté étrusque,
religieuses des Romains. Au moment de l’assimilation
les dieux étaient adorés sans être représentés par des
ou de l’emprunt des divinités étrangères, l’anthropomor-
statues. Il s’agissait d’une religion aniconique. Pour autant,
phisme a prévalu. L’Antiquité nous a transmis, par exemple,
les dieux étaient bel et bien conçus comme des êtres,
une représentation en terre cuite de la tête de Tinia,
masculins (dei) et féminins (deae), et non pas simplement
le Zeus des étrusques, datant du Ve s. av. J.-C., conservée
comme de vagues forces surnaturelles sans forme,
au Musée Claudio Faina d’Orvieto, en Ombrie.

76 • L’homme et le divin
• Aux chapitres II et III de son livre La Religion romaine, des divinités, toute anthropomorphiques, de la période
Le Livre de Poche, 1998, Jacqueline Champeaux présente archaïque à la période hellénistique. Le département
la religion archaïque des Romains et les premières des Antiquités grecques et romaines du Musée du Louvre
novations. Bernard Holtzmann, dans La Sculpture grecque, expose également des statues de dieux et de déesses.
Le Livre de poche, 2010, outre une synthèse sur les On pourra inviter les élèves à faire des recherches, en
caractéristiques et les styles de la sculpture grecque, particulier dans le cadre d’un diptyque iconographique
commente un certain nombre d’œuvres représentant pour la constitution d’un portfolio.

Comprendre
1. La première étape commence par « Ma course… », la d’une longue expérience ». De plus, cette route est semée
deuxième par « Tu te flattes… », la troisième par « Comment d’embûches (« tu ne trouveras partout que des périls et des
d’ailleurs ». monstres effrayants ») et croise des constellations hostiles
2. Le rôle de Phœbus-Apollon est dangereux parce que la (« tu verras te menacer l’arc du Sagittaire, la gueule sanglante
route qu’il emprunte est périlleuse et accidentée : « Ma course du lion, et l’affreux scorpion »). Enfin, les chevaux eux-mêmes
s’ouvre par une route escarpée […]. Le milieu de ma course est sont extrêmement fougueux, très difficiles à mener : ce sont
dans les plus hautes régions du ciel […]. La fin de ma course est des « coursiers impétueux, qui font jaillir de leurs bouches et de
si rapidement inclinée que, pour retenir mon char, j’ai besoin leurs naseaux brûlants les feux qui les animent ».

Lexique
1. Dans le texte en latin, « caelo » (v. 2) signifie « ciel », « mare » (v. 3) signifie « mer », « terras » (v. 3)
signifie « terres » et « undis subjectis » (v. 6) « ondes proches ».
2. Les mots latins en gras appartiennent au champ lexical de la peur.

Traduire
1. C’est le troisième encadré qui traduit le passage en latin.
2. Prima via La première partie de la route
ardua est est abrupte
et qua et celle-ci,
vix enituntur equi avec peine l’escaladent mes cheveux
mane recentes ; [pourtant] frais le matin ;
media est la partie médiane est
altissima caelo la plus haute dans le ciel
unde ipsi mihi d’où même moi
sit timor j’ai peur souvent
saepe videre d’apercevoir
mare et terras la mer et les terres
et pectus trepidat et [d’où] mon cœur tremble
pavida formidine d’un effroi éperdu ;
ultima via la dernière partie de la route
prona est est inclinée
et eget et nécessite
moderamine certo ; une conduite assurée ;
tunc etiam à ce moment-là
quae me excipit celle qui m’accueille
subjectis undis dans ses ondes proches
Tethys ipsa Thétys elle-même
solet vereri a l’habitude de redouter
ne ferar in praeceps. que je ne soit emporté vers le fond.

viva voce prolongements

La lecture audio que nous proposons ici est un essai de prononciation restituée, qui tient • Dans Les Métamorphoses, le mythe
compte avant tout de l’accent tonique, dont on ne sait s’il était un accent d’intensité de Phaéton s’étend aux vers 1 à 366
(prononciation plus forte) ou de hauteur (prononciation plus aiguë). En revanche, on sait du livre II. On pourra en proposer
que dans les mots de deux syllabes, c’est la première qui porte l’accent (rósa), et dans une lecture intégrale.
les mots de plus de deux syllabes l’accent est sur la pénultième si elle est longue, sur • En fonction du niveau des élèves,
l’antépénultième si la pénultième est brève (selon les règles de la scansion). Nous avons on pourra également faire traduire
également souhaité tenir compte de l’élision, ce qui peut être gênant à la première écoute. davantage de vers en latin, en particulier
Pour la scansion, on pourra se reporter à la leçon p. 159. On tentera d’amener les élèves à les vers 54-63, qui précèdent notre
prononcer cet extrait de manière moins « plate » que notre lecture classique des textes latins. passage.

L’homme et le divin • 77
4 Le Roi Soleil, nouvel Apollon (p. 89)
À partir du IIIe s., le culte rendu à Sol Invictus, venu d’Orient, monde, le 25 décembre, le christianisme a repris et supplanté
remplace progressivement celui d’Apollon. L’empereur le culte à Sol Invictus. Au XVIIe s., Louis XIV est l’héritier de
Aurélien en fait le dieu tutélaire de l’Empire romain, car il était cette tradition, incarnant par excellence le monarque absolu
censé être universel : un temple lui est dédié à Rome, des de droit divin. Le titre de Roi-Soleil est à lui seul éloquent, tout
prêtres lui sont consacrés et un culte d’État lui est voué, se comme certaines représentations artistiques du souverain.
substituant au culte impérial. Aurélien proclame également le Dans ses Mémoires (document B), Louis XIV explique quand
25 décembre comme le dies natalis solis invicti. Constantin Ier et pourquoi il a choisi le soleil comme figure tutélaire. La
fut adepte de ce culte et fit du dimanche un jour de repos photographie du bassin d’Apollon (document A), montre
en hommage à ce dieu ; des monnaies le représentent avec la place centrale qu’occupait ce dieu dans la mythologie du
Sol Invictus. En plaçant la naissance du Christ, lumière du pouvoir.
Informations supplémentaires

• L’association entre la lumière céleste et les souverains autel monumental (l’ara Pacis Augustae) au solstice d’été :
l’horologium Augusti. À partir de l’an 8, le huitième mois
romains remonte à la mort de Jules César : au mois de
juillet 44 av. J.-C., une comète traversa le ciel de Rome, ce lui est consacré, juillet (Julius) et août (Augustus) étant
que l’on interpréta comme la montée au ciel de l’âme du les plus ensoleillés. Tout cela contribue à assoir le pouvoir
défunt ; plus tard, au fronton du temple qui lui fut dédié du prince, qui se définit par là même comme le maître
en bordure du Forum républicain, fut installée une étoile. du temps et de l’espace, autrement dit du monde.
Auguste, s’inspirant de pratiques orientales héritées des • Pour approfondir l’analyse de la représentation du pouvoir
souverains hellénistiques, associa plus particulièrement royal sous Louis XIV, on pourra visionner des extraits des
sa personne et son pouvoir à la figure tutélaire d’Apollon. films suivants : Louis, enfant roi, de Robert Planchon, 1993,
Dès 36 av. J.-C., Octave fit construire un temple à Apollon L’Allée du roi, de Nina Campaneez, 1995, Le Roi danse, de
sur le Palatin, jouxtant sa demeure, qui deviendra au fil Gérard Corbiau, 2000, Les Jardins du roi, de Alan Rickman,
du temps le palais impérial. En 10 av. J.-C., fut installé sur 2014. Il sera intéressant de confronter ces différentes mises
le Champ de Mars, à Rome, un immense cadran solaire, en scène.
sous la forme d’un obélisque dont l’ombre pénétrait un

Confronter
1.

Au premier plan, au centre d’un vaste bassin artificiel situé géocentrique ; en l’occurrence il fait face au Levant et au châ-
sur l’axe principal des jardins, est représenté Apollon sur un teau lui-même. Aux pieds du dieu se trouve Phaéton (il n’est
char, conduisant son quadrige. Le dieu, couronnée et nu, pas visible ici), tombé du char. L’attelage est précédé de puis-
ne porte, sur son épaule droite et ses cuisses, qu’un voile sants tritons soufflant dans des conques, qui annoncent son
figurant sa dimension aérienne et céleste, donc sa divinité _ passage, et est entouré de dauphins. Le groupe est en bronze
ce voile se trouve habituellement sur les mosaïques et les doré et constitue l’une des principales fontaines du parc.
fresques notamment, au-dessus de la divinité. Il se retient On retrouve ici les principaux éléments du mythe tel que le
à son char de la main gauche, et tire fermement les rênes rapporte Ovide : c’est en particulier la fougue, la puissance
des chevaux qui l’entraînent, fougueux, au moment où ils de l’attelage et la maîtrise du dieu qui sont mises en scène
émergent de l’eau : l’ensemble représente donc le lever du dans les deux œuvres, afin de symboliser la splendeur du Roi
Soleil, qui « sort » de l’Océan à l’est le matin selon le système Soleil.

78 • L’homme et le divin
2. Les raisons pour lesquelles Louis XIV a choisi le soleil Le Roi Soleil, à l’instar d’Apollon, se veut le maître du temps
comme divinité tutélaire sont énoncées dans une longue (du lever au coucher du jour) et de l’espace (d’est en ouest
phrase rythmée par l’anaphore de la préposition « par » : au-dessus des terres et des mers). C’est la raison pour laquelle,
« On choisit pour corps le soleil qui […] est le plus noble de comme il le précise dans cet extrait, Louis XIV a également
tous et qui par la qualité d’unique, par l’éclat qui l’environne, choisi comme attribut le globe terrestre, se hissant au rang de
par la lumière qu’il communique aux autres astres qui lui gouverneur du monde (cosmocrator). Cet attribut est lui aussi
composent comme une espèce de cour, par le partage égal et hérité de l’Antiquité romaine, qui nous a notamment légué
juste qu’il fait de cette même lumière à tous les divers climats une statue de Pompée vêtu d’un paludamentum et tenant un
du monde, par le bien qu’il fait en tous lieux, produisant globe à la main gauche, représenté ainsi en tant que maître
sans cesse de tous côtés la vie, la joie et l’action, par son du monde à la suite de ses victoires militaires. Enfin, Louis XIV
mouvement sans relâche, où il paraît néanmoins toujours a pris pour devise Nec pluribus impar, qui le place au-dessus
tranquille, par cette course constante et invariable, dont il ne du reste de l’humanité.
s’écarte et ne se détourne jamais, est assurément la plus vive
et la plus belle image d’un grand monarque » (l. 5-15).

pistes pour construire un portfolio

• Diptyque iconographique : Hélios conduisant son quadrige, lécythe attique à fond blanc, peintre
de Sappho, v. 500 av. J.-C., Metropolitan Museum of art, New York ou le disque dédié à Sol Invictus
portant une couronne radiée, IIIe s., Pessinus, et Jean-Baptiste Tuby, Le Char du Soleil, 1668-1671,
petit parc de Versailles.
•Diptyque textuel : Ovide, Métamorphoses, II, v. 1-149 et Louis XIV, Mémoires, année 1662, 2e section.

lecture Métamorphoses : quand l’homme devient dieu, quand le dieu devient homme

1 Quand les dieux en personne s’invitent à Troie (p. 90)


Les mythographes font des dieux des êtres immortels, disputes habituelles, sont à l’origine des malheurs subis par
supérieurs, puissants, bienheureux, qui séjournent dans certains héros ou par de simples mortels.
les hauteurs de l’éther et sont maîtres de l’univers, dont ils La guerre et le sac de Troie en sont un exemple. Nous
se partagent les domaines et les éléments. Mais ces dieux proposons ici la lecture d’un extrait de l’Énéide de Virgile :
peuvent prendre forme humaine, par métamorphose, et Énée, au milieu des ruines de sa cité, est pris de fureur à l’é-
descendre sur la terre des hommes. Leurs intentions sont gard d’Hélène, qu’il accuse d’être responsable du désastre ;
multiples : aider, secourir, séduire, venger, punir… Ce sont sa mère Vénus s’approche alors de lui, dans sa splendeur, lui
les dieux eux-mêmes qui, à cause de leur jalousie et de leurs prend la main et lui fait cette révélation :
« Ce n’est pas […] la beauté enviable de la Tyndaride laconienne,
ou un coupable Pâris, c’est la cruauté des dieux, oui des dieux,
qui renverse cette puissance et abat Troie de toute sa hauteur. » (v. 7-9)
Et de lui montrer, après avoir dissipé la brume qui obscurcissait les regards du héros, Neptune et Junon dans
leur œuvre destructrice.
Dans l’épopée, les dieux d’en haut pensent, parlent et agissent comme des humains,
bien qu’ils soient dotés d’une puissance plus qu’humaine ; les mortels peuvent communiquer
verbalement avec eux, et même les toucher.

TRADUCTION
J’agitais ces pensées, et j’étais emporté par mon esprit en furie,
lorsque devant moi, elle s’offrit à voir, plus brillante qu’auparavant
à mes yeux, et claire dans la nuit, elle resplendit de lumière,
ma bienfaisante mère, manifestant sa divinité, et telle qu’elle a l’habitude
d’apparaître aux dieux du ciel, et aussi grande, et me prenant par la main
elle me retint et, de sa bouche de rose ajouta en outre ses mots : […]

Langue
1. La proposition participiale en gras est constituée du participe « addidit » (v. 6). La proposition subordonnée introduite par
parfait passif « furiata » et du nom « mente », tous les deux à cum est donc : « cum mihi se, non ante oculis tam clara, videndam
l’ablatif féminin singulier. Ce groupe de mots est complément obtulit et pura per noctem in luce refulsit alma parens, confessa
d’agent du verbe « ferebar » conjugué à la première personne deam […], quanta solet ». Elle exprime une circonstance de temps.
du singulier de l’imparfait de l’indicatif passif. 3. Le pronom « se » (v. 2) est à l’accusatif singulier, complément
2. La conjonction de subordination « cum » (v. 2) régit les d’objet direct du verbe « obtulit ». Il renvoie au sujet du verbe,
verbes « obtulit » (v. 3), « refulsit » (v. 3), « continuit » (v. 6) et c’est-à-dire à la déesse Vénus.

L’homme et le divin • 79
Traduire
1. « Jactabam » (v. 1) est conjugué à la première personne du 2. Les coordonnants sont « et » (v. 1, 3 et 5), « -que » (v. 4, 5 et 6).
singulier de l’imparfait de l’indicatif actif, « ferebar » (v. 1) à la 3. La traduction d’un extrait d’épopée se révèle bien souvent
première personne du singulier de l’imparfait de l’indicatif ardue pour nos élèves. Les plus en difficulté pourront s’aider
passif, « obtulit » (v. 3), « refulsit » (v. 3), « continuit » (v. 6) et d’une traduction universitaire. On pourra éventuellement
« addidit » (v. 6) à la troisième personne du singulier du parfait proposer une activité de comparaison de tra-ductions
de l’indicatif actif, « solet » (v. 5) à la troisième personne du qui s’appuiera sur le corpus d’éditions suivant : Abbé
singulier du présent de l’indicatif actif. Ils se traduisent res- Delille, site de de P. Remacle ; M. Rat, GF, 1965 ; J. Perret, Les
pectivement par : « j’agitais », « j’étais emporté », « s’offrit », Belles Lettres, 1978 ; O. Sers, Les Belles Lettres, 2015.
« resplendit », « retint », « ajouta » et « a l’habitude ».

Comprendre
1. L’apparition de la déesse a lieu durant la nuit (« per sous des traits humains ; ses yeux ne se dessillent que grâce
noctem », v. 3), au moment du sac de la cité, lorsqu’Énée, à l’intensité et la splendeur lumineuses qui se dégagent de la
pris de fureur, s’apprête à tuer Hélène, qu’il croit apercevoir : déesse. Ainsi, cette dernière est toute proche de lui, mais ne se
« Talia jactabam, et furiata mente ferebar » (v. 1). Le cadre réduit jamais à l’humanité.
spatial est la cité de Troie en cours de destruction : Ce mode de révélation de la divinité par l’intensité et la splendeur
« tu vois des blocs dispersés et des pierres arrachées lumineuses se retrouve dans l’épisode de la Transfiguration du
à d’autres pierres, et de la fumée ondoyante mêlée de Christ (voir p. 91). On peut également renvoyer à l’épisode de la
[poussière ». (v. 14-15). guérison de l’aveugle de Betsaïde (Évangile de Marc, 8, 22-26)
2. Ce qui empêche Énée de voir Vénus puis les autres dieux, au et de la reconnaissance du Christ par les disciples d’Emmaüs
premier abord, c’est une « brume qui, étendue en ce moment (Évangile de Luc, 24, 13-35). Ici également, le Christ révèle qu’il
devant [ses] yeux/de mortel, émousse [sa] vision et embrume est pleinement homme et pleinement Dieu.
d’humidité/les alentours » (v. 10-12). Vénus n’est visible, dans 3. Vénus montre Neptune qui « frappe les murs » (v. 16), « les
l’obscurité, que parce que : « non ante tam clara, videndam/ soubassements ébranlés » (v. 17), « jusqu’aux fondations, qu’il
obtulit et pura per noctem in luce refulsit » (v. 2-3). Le héros est déracine » (v. 17-18) et Junon, aux « portes Scées » (v. 18), qui
au départ aveugle à la divinité de celle qui se présente à lui « appelle hors des navires […] l’armée alliée » (v. 19-20).

prolongements

• On pourra confronter cet extrait de l’Énéide avec la destruction de Troie telle qu’elle est représentée
dans le film Troie, de David Benioff, 2003.
• On pourra prolonger cette lecture par une activité de recherche pour trouver des représentations plastiques
de Vénus. Par exemple : Vénus-Aphrodite portant un diadème et tenant un sceptre, Pompéi, Ier s., ou Sandro
Botticelli, Naissance de Vénus, 1485, ou encore Sebastiano Ricci, Triomphe de la Vénus marine, 1713.
Les œuvres devront être choisies en particulier parce qu’elles illustrent l’aspect humain et divin du personnage.

2 Jésus transfiguré révèle sa divinité (p. 91)


Au chant II de l’Énéide, la déesse Vénus se présente à son fils Jésus, fils unique de Dieu, a révélé sa divinité à ses apôtres
Énée sous la forme d’une femme, dont la divinité n’est visible Pierre, Jacques et Jean en leur apparaissant « en majesté » :
que par la lumière particulièrement vive qui émane d’elle et sur le Mont Thabor, le visage et les vêtements du Christ
l’entoure d’un halo : « non ante oculis tam clara […] pura per deviennent fulgurants de lumière ; à ce moment un nuage
noctem in luce refulsit » (v. 2-3). se forme, couvre d’ombre les apôtres, et une voix, celle de
Étymologiquement, le mot deus dérive de la racine indo- Dieu, se fait entendre : « celui-ci est mon fils élu » (verset 9:35).
européenne *dei- « briller », qui désigne le ciel, lumineux C’est l’épisode mystérieux de la Transfiguration. Le tableau
par essence et considéré comme divin, par opposition à la de Pierre Paul Rubens, exposé au Musée des Beaux-arts de
terre où résident les humains. En grec, le nom propre Ζεύς/ Nancy, est composé de sorte à mettre en évidence ce clair-
obscur. La Transfiguration du Christ, à la fois pleinement
Διός signifie « brillant ». En latin, Jupiter/Jovis (diu-pater) est le
homme et pleinement Dieu, est donc un changement
« père-jour ». En français, le mot « jour » dérive de cette racine
d’apparence. Avant le retour de Jésus à Jérusalem et la
(voir le schéma étymologique p. 98).
célébration de la Pâque juive, cet épisode annonce la
La tradition biblique, dans l’Évangile de Luc par exemple, Résurrection et la venue du Christ en gloire, à la fin des temps.
dont nous proposons un extrait ici, nous rapporte que

Informations supplémentaires

La Vulgate est la traduction en latin de la version hébraïque de l’Ancien Testament


et de la traduction grecque du Nouveau Testament (Bible des Septante).
Elle fut établie initialement par Jérôme de Stridon au IVe s.

80 • L’homme et le divin
TRADUCTION
9:33. Et il se passa, lorsqu’ils s’éloignèrent de lui, [que] Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que
nous soyons ici » ; et : « Faisons trois tentes, une pour toi, et une pour Moïse, et une pour Élie », ne
sachant pas ce qu’il disait.
9:34. Or pendant qu’il disait cela, se forma un nuage et il les couvrit d’ombre ; et ils prirent peur, au
moment où ils pénétraient dans le nuage.

Lire
1. Les auteurs de la Vulgate utilisent des constructions ré- 9:32. Mais Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient
pétitives, comme la tournure impersonnelle « et factum est » accablés de sommeil et, se réveillant, ils virent
(versets 9:29, 9:33), suivi d’une proposition subordonnée sa majesté et deux hommes qui se tenaient près de lui.
introduite par « dum » et par « cum ». Les variantes de cette 9:35. Et une voix se fit entendre, disant : « Celui-ci
formule sont « et ecce » (verset 9:30) et la tournure personnelle est mon Fils élu ; écoutez-le ».
« facta est » (versets 9:34 et 9:35). Est également beaucoup
Proposition de ponctuation pour les versets en latin :
reprise la conjonction de coordination « et ». Notons enfin la
répétition « cum illo » (versets 9:30 et 9:32). 9:29. Et factum est, dum oraret, species vultus ejus [fit]
altera et vestitus ejus albus refulgens.
2. Proposition de ponctuation pour les versets traduits : 9:30. Et ecce duo viri loquebantur cum illo ; erant autem
Moses et Helias.
9:29. Et il se passa, pendant qu’il priait, [que] l’aspect 9:31. Visi [sunt] in majestate et dicebant excessum ejus
de son visage [devint] autre et son vêtement blanc quem conpleturus erat in Hierusalem.
resplendissant. 9:32. Petrus vero et qui cum illo gravati erant somno et,
9:30. Et voici que deux hommes parlaient avec lui ; evigilantes, viderunt majestatem ejus et duos viros qui
or c’était Moïse et Élie : stabant cum illo.
9:31. Ils étaient visibles en majesté et évoquaient 9:35. Et vox facta est de nube, dicens : « Hic est Filius
son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. meus electus ; ipsum audite ».
Traduire
1. La proposition subordonnée « dum oraret » est constituée valeur méliorative (difficile à rendre en français), désignant
de la conjonction de temps dum et du verbe oro conjugué à la Jésus, et du participe présent du verbe déponent loquor. La
troisième personne du singulier du subjonctif imparfait actif. seconde contient également le pronom démonstratif « illis »,
La proposition « cum discederent ab illo » est composée de la au pluriel, renvoyant aux apôtres, et du participe présent du
conjonction temporelle cum, du verbe discedo conjugué à la verbe intro.
troisième personne du pluriel du subjonctif imparfait actif 3. Il faudra inviter les élèves, autant que faire se peut, à essayer
et du groupe prépositionnel ab illo, à l’ablatif, complément de conserver la simplicité, l’aspect répétitif et la fluidité des
circonstanciel de lieu marquant l’éloignement. versets bibliques. Il sera intéressant de confronter plusieurs
2. Les propositions en vert sont à l’ablatif absolu. La première traductions de l’Évangile de Luc : celle de Louis Segond
est composée du pronom démonstratif au singulier « illo », à (disponible sur Internet), celle de la Bible de Jérusalem, celle de
Pascalle Monnier et Pierre Létourneau, Bayard, 2001.
Comprendre
1. Les éléments révélant l’humanité de Jésus sont : dum oraret, [que] l’aspect de son visage [devint] autre et son vêtement
vultus ejus (9:29) ; in Hierusalem (9:31) ; Petrus vero et qui cum illo blanc resplendissant. »
gravati erant somno, majestatem ejus (9:32) ; cum discederent Le Christ en gloire est une représentation courante de Jésus
ab illo, ait Petrus, « bonum est nos hic esse », « Faciamus tria dans l’iconographie chrétienne, qui rejoint celles de la
tabernacula » (9:33) ; facta est nubes et obumbravit eos ; et Transfiguration et de l’Ascension : il se présente dans son
timuerunt (9:34) ; « Hic est Filius meus electus ; ipsum audite » corps de gloire, nimbé de lumière, tel qu’il apparaîtra lors de
(9:35). Les éléments révélant sa divinité sont : species [fit] altera la seconde parousie, après le Jugement dernier. Le tableau de
et vestitus ejus albus refulgens (9:29) ; duo viri loquebantur cum Pierre Paul Rubens est une représentation baroque de deux
illo ; erant autem Moses et Helias (9:30) ; visi [sunt] in majestate, épisodes évangéliques, directement inspirée du tableau de
excessum ejus (9:31). Raphaël portant le même titre : la révélation de la divinité
2. La Transfiguration est le « changement d’apparence du Christ du Christ lors de sa transfiguration et la guérison d’un enfant
qui se montra revêtu de gloire à trois de ses disciples sur le malade. La scène est évoquée au moment le plus dramatique,
mont Thabor ; état du Christ ainsi transfiguré » et, par lorsque l’action en elle-même se produit, ce qui provoque
métonymie, l’ « épisode de la vie du Christ au cours duquel crainte et effroi, visibles par l’expression des visages et les
il fut transfiguré » (CNRTL). En latin, le mot transfiguratio gestes des personnages ; l’effet est accentué par le clair-
signifie « métamorphose, transformation ». Il est composé de obscur et le contraste de couleurs et de lumière ; la composi-
la préposition trans, « au-delà, par-delà », du nom commun tion du tableau, dont les lignes de force obliques et courbes
figuratio, « figure, forme », comme le mot grec μεταμόρφωσις. convergent vers le Christ, met en évidence son élévation, sa
Le Christ, vrai Dieu et vrai homme, ne change pas à propre- majesté divine, sa puissance ; l’impression d’ensemble est celle
ment parler de forme, mais se montre « en majesté ». C’est ce du mouvement qui anime les corps et les éléments naturels.
que décrit le verset 9:29 : « Et il se passa, pendant qu’il priait, La Transfiguration vient bouleverser les humains.

L’homme et le divin • 81
prolongements

• Il sera pertinent de confronter ce passage du Nouveau Testament avec la représentation des derniers instants
de la vie du Christ par Mel Gibson (La Passion du Christ, 2004), qui insiste sur la souffrance et l’humanité.
On prendra cependant garde à la sensibilité des élèves. La Résurrection du Christ, de Kevin Reynolds, 2016,
est à cet égard une représentation plus pondérée.
• On pourra prolonger cette question par une activité de recherche, afin que les élèves trouvent d’autres représentations
de la Transfiguration, celle de Raphaël par exemple (1520) ou celles que l’on trouve sur des icônes grecques ou orientales.

3 Pour ou contre la divinisation de l’empereur (p. 92)

À Rome, le culte impérial apparut dès la divinisation de Jules et aux membres de la famille impériale est un facteur d’unité
César, quelques mois après sa mort. Fils adoptif et héritier religieuse et politique. Tous les successeurs d’Auguste ne furent
du divus Julius, le prince se distingue du reste des hommes : pas divinisés : les princes dont le règne était entaché d’actes
bien qu’il ait refusé d’être divinisé de son vivant, un véritable odieux, ou qui n’en sont pas jugés dignes, ne l’étaient pas.
culte est voué au numen et au genius d’Auguste. L’épithète La lettre de Claude aux Alexandrins, extraite du Corpus
Augustus, de la même famille que le nom augur et le verbe parpyrorum Judaicorum (Vol. II, n°153, Colonne II), atteste de
augeo, « augmenter », souligne le caractère sacré de la la vivacité du culte impérial dans les provinces orientales,
fonction occupée par l’empereur. Le culte impérial situe en l’occurrence en Égypte. L’empereur prend soin d’imiter
« le prince entre les dieux et les hommes », écrit John Scheid. l’hommage religieux dont il est l’objet, afin de ne pas paraître
Il ne s’agit donc pas d’un culte rendu à un dieu vivant. À sa « trop inconvenant ». Mais sa personnalité et son règne
mort en revanche, en 14, le Sénat lui accorde l’apothéose : ont divisé ses contemporains. L’auteur de l’Apocoloquintose
Auguste est divinisé, un temple lui est dédié au pied du Palatin. ridiculise l’empereur Claude arrivant sur l’Olympe, où les
Dans toutes les provinces de l’Empire, le culte rendu au prince dieux vont délibérer pour savoir s’il mérite les honneurs divins.
IDÉO
6
V

Visite virtuelle ®
La visite virtuelle du temple du divin Claude tel qu’il était au IV s. permettra de se rendre compte de l’immensité
e

du monument et du culte que l’on rendait à l’empereur divinisé. Cette visite pourra être effectuée entre la lecture
des deux textes de la page : elle sera, d’une part, un prolongement de la lettre de Claude aux Alexandrins,
d’autre part un contre-exemple du point de vue adopté par Sénèque.

Informations supplémentaires

• Pour plonger les élèves dans la réalité du culte impérial - Le Premier Siècle de l’Empire romain, 2/4, « Les héritiers
d’Auguste », Planète, 2001.
dans les provinces de l’Empire, on pourra leur montrer
des extraits de la reconstitution in situ d’une cérémonie - Le Premier Siècle de l’Empire romain, 3/4, « Une nouvelle
ère », Planète, 2001.
célébrée en 2015 dans l’Augusteum de Nîmes : une vidéo
est disponible sur Internet sous le titre « Cérémonie • Pour approfondir la question du culte impérial, on lira
du culte impérial - Les Grands Jeux Romains de Nîmes avec intérêt les pages 167-174 de La Religion romaine,
2015 ». On pourra également visionner des extraits de de J. Champeaux, Le Livre de poche, 1998, et les pages
deux documentaires : 133-136 de La Religion des Romains, de J. Scheid,
Armand Colin, 2007.

Langue
1. « Perturbato sono » et « confusa voce » peuvent se traduire traduction : « qui avait parcouru tout le cercle des terres ».
littéra-lement par : « avec des sons confus et d’une voix Les lignes 11-14 sont constituées de trois propositions : une
embrouillée ». subordonnée de temps introduite par la conjonction ut et dont
2. « Venisse quemdam bonae staturae, bene canum » est une le verbe est vidit, une proposition principale se réduisant au
proposition infinitive complément de « On annonce » ; le verbe putavit, et une proposition infinitive complétant putavit,
verbe est venisse, à l’infinitif parfait actif, le sujet est le pronom dont le verbe est venisse et le sujet à l’accusatif masculin
indéfini quemdam, à l’accusatif masculin singulier. On peut singulier « tertium decimum laborem ». On peut traduire ces
traduire cette proposition par : « est arrivé quelqu’un de bonne lignes par : « lorsqu’il vit un visage d’un nouveau genre, une
stature, bien blanc [en parlant des cheveux] ». démarche insolite, une voix que n’a aucune créature terrestre,
« Qui totum orbem terrarum pererraverat » est une proposition mais telle qu’elle est habituellement chez les bêtes marines,
subordonnée relative, introduite par le pronom relatif qui, rauque et bredouillante, il pensa qu’un treizième travail se
décliné au nominatif masculin singulier, sujet du verbe présentait à lui. »
pererraverat, et dont l’antécédent est « Hercule ». En voici une

82 • L’homme et le divin
Interpréter
1. À la lecture de la lettre de Claude aux Alexandrins, on peut corps et d’esprit, que, parvenu à l’âge de remplir des fonctions,
dresser un portrait positif de l’empereur. Les honneurs qu’on lui on le regarda comme incapable de tout emploi public ou
accorde indiquent qu’il est apprécié dans la province d’Égypte : privé » ; « lorsqu’il marchait, ses genoux chancelaient ; et, soit
considéré comme Auguste le jour de sa naissance, érection de qu’il plaisantât, soit qu’il fût sérieux, il avait mille ridicules,
statues de lui-même et de membres de sa famille, auxquels un rire affreux, une colère plus hideuse encore, qui faisait
sont également dédiés des monuments, deux autres statues écumer sa bouche toute grande ouverte en humectant ses
en or. Claude prend garde de ne pas paraître « inconvenant » : narines ; un bégaiement continuel et un tremblement de tête
s’il accepte que l’une des deux statues soit portée en procession qui redoublaient à la moindre affaire. », écrit Suétone (Vie de
aux jours fixées, il refuse que l’autre soit exposée à Alexandrie, Claude, 2 et 33, traduction de La Harpe).
peut-être parce que placer deux statues en or à son effigie 3. Ces deux portraits ne sont pas compatibles tant ils semblent
dans la même cité lui semblait excessif. contradictoires. En réalité, malgré sa constitution chétive,
2. Le portrait de Claude par Sénèque, à qui l’on attribue ses disgrâces et infirmités, Claude surprit nombre de ses
l’Apocoloquintose est, à l’inverse, peu élogieux. Si ce portrait contemporains par sa gestion sérieuse des affaires de l’État,
est caricatural à des fins satiriques, on sait par d’autres sources par ses conquêtes militaires et par les lois qu’il fit promulguer,
littéraires que depuis son enfance, marquée par la maladie, sa notamment en faveur des esclaves, des femmes et des
disgrâce physique et sa personnalité effacée, son excessive peuples soumis à l’Empire romain. C’est la raison pour laquelle
timidité, avaient été moquées par les membres de la famille le Sénat lui accorda les honneurs de l’apothéose. C’est peut-
impériale elle-même ; Claude avait fait l’objet de multiples être Sénèque lui-même, qui fut le précepteur de Néron, qui
sarcasmes et plaisanteries : « Abandonné par son père dans conseilla à ce dernier de faire annuler le décret du Sénat, pour
son enfance, il la passa tout entière, ainsi que sa jeunesse, dans des raisons qui nous échappent en grande partie.
des maladies diverses et opiniâtres qui le rendirent si faible de

Culture
1. Le mot apothéose est grec (ἀποθέωσις), composé de À sa mort, le Sénat accorde à Claude l’honneur de l’apothéose,
l’adverbe et préposition ἀπό, « au loin, à l’écart » et du nom ce qui n’avait été accordé qu’à Auguste depuis la fondation du
θέωσις, lui-même dérivé de θεός, « action de diviniser ». Ce principat. On décide également la construction d’un temple
mot « tend à désigner uniquement la déclaration sénatoriale dédié à l’empereur divinisé, au plein cœur de Rome, dont
par laquelle un empereur devient divin et qui clôt un ensemble on propose ici une visite virtuelle ; un collège de prêtres est
de cérémonies » (J.-L. Voisin, Dictionnaire de l’Antiquité, PUF, créé, les Augustales Claudiales, pour assurer spécialement le
2005). L’équivalent latin est consecratio, dont le sens premier est culte dû à l’empereur. En 59, cependant, l’empereur Néron
« action de consacrer aux dieux ». Quelques mois après la mort fait annuler le décret du Sénat, fait détruire au moins en
de Jules César, une comète apparut dans le ciel de Rome, qui partie le temple ou du moins interrompre les travaux, dans
fut interprétée comme l’âme du défunt rejoignant les dieux. l’hypothèse où ils n’étaient pas achevés.
En mémoire, une étoile avait été fixée au fronton du temple 2. Par l’apothéose, l’homme devient une personne divinisée :
du Divus Julius sur le Forum républicain. En août 14, le corps non pas deus, mais divus. Concrètement, le corps du défunt
d’Auguste, ramené de Nola à Rome, fut déposé sur un bûcher devient cendres (recueillies dans une urne funéraire), s’il est
funéraire au Champ de Mars : un sénateur affirme avoir vu incinéré, ou bien se décompose (dans un sarcophage), s’il
l’ombre du défunt se détacher et monter au ciel ; le 17 septem- est inhumé, comme se fut le cas plus généralement à partir
bre, le Sénat déclare sa consecratio. Le rituel d’incinération d’Antonin le Pieux. De son côté, son âme (anima) rejoint les
s’est complexifié et codifié aux deux premiers siècles, avec dieux. Quant à savoir quelle est la nature de cette âme (est-elle
deux bûchers, l’un pour le corps charnel, l’autre pour un man- matérielle ou immatérielle ? est-elle mortelle ou immortelle ?),
nequin de cire à l’effigie de l’empereur ; au sommet était fixée les philosophes de l’Antiquité ne sont pas d’accord. Beaucoup
une cage d’où s’envolait un aigle, symbolisant l’ascension de Romains, avec Cicéron, croient en son immortalité.
céleste.
La lettre de Claude nous montre l’homme, au numen et au
Le mort devient divus, c’est-à-dire personne divine ; il peut
genius duquel on voue un culte, et que l’on représente pour
désormais recevoir un culte, avec des temples, des prêtres,
cela sous la forme de statues notamment.
des rites. Une question se pose : « Quel fut le contenu effectif
de ces dévotions ? Elles ne firent aucune illusion à l’aristocratie L’Apocoloquintose nous présente un homme qui accède à
(les masses et les soldats y crurent peut-être). Mais elles ne l’Olympe, où résident des dieux anthropomorphes. Le récit
soulevèrent aucun refus. Ces cultes officiels sont acceptés est donc fabuleux, puisque Claude ne semble rien avoir perdu
par tous, crédules ou sceptiques, comme le témoignage de son humanité. Le titre de l’œuvre, que l’on peut traduire
de leur attachement à l’institution impériale », écrit Michel littéralement par « citrouillification », annonce d’emblée que
Humbert (Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, l’empereur défunt va être métamorphosé en cucurbitacée.
Dalloz, 2007, p. 385).

prolongements

On pourra proposer la lecture intégrale de l’Apocoloquintose du divin Claude.

L’homme et le divin • 83
4 Napoléon III, empereur controversé (p. 93)
À partir de son sacre le 2 décembre 1804, Napoléon Ier se Mais Napoléon III ne fit pas l’unanimité. Il fut qualifié par
pose comme l’héritier de l’Empire romain et de Charlemagne, certains de ses contemporains de « crétin », de « Napoléon
Empire dont il reprend des symboles : l’aigle, en référence le petit », de « Césarion », et fut victime d’une légende
aux aigles qui étaient les insignes des légions romaines, la noire créée par ses détracteurs, ses ennemis politiques
couleur rouge qui rappelle la pourpre de l’imperium romain, républicains, royalistes et libéraux, alimentée en particulier
la couronne de lauriers, la toge. par Victor Hugo, dans son essai L’Histoire d’un crime. Après
Louis-Napoléon-Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, proclame le coup d’État du 2 décembre 1851, l’écrivain et homme
à nouveau l’empire le 2 décembre 1852. En 1854, Guillaume politique s’exile sans tarder, le 11 décembre, à Bruxelles. Un
Alphonse Cabasson achève la réalisation de l’Apothéose de décret du 9 janvier 1852 acte son bannissement ; en août,
Napoléon III, où sont repris de nombreux motifs antiques il gagne Jersey. En 1853, sont publiés Les Châtiments, recueil
(Cabasson s’inspire directement de représentations de de poèmes satiriques discréditant le régime et la personne
l’apothéose d’Héraclès) : la présence de Napoléon Ier de Napoléon III, comme en témoigne le texte éponyme dont
apparaissant dans la nuée et saluant le cortège marque la nous proposons un extrait ici.
volonté de s’inscrire comme héritier de son règne et de son Les documents A et B donnent ainsi chacun une image
pouvoir. Cette œuvre, conservée au palais de Compiègne, contradictoire de Napoléon III.
est une esquisse préparatoire à la décoration du plafond de Voir Les Rois de France - Napoléon III, Toute l’histoire, BnF, 2013.
la salle de l’empereur à l’Hôtel de ville de Paris, et sert ainsi
la propagande du régime impérial dans le style académique
de l’art officiel.

Confronter
1. 1. Napoléon III monté sur un char d’or.
2. Athéna, coiffée du casque attique,
9
portant le bouclier rond orné d’une tête
de Gorgone et tenant une lance.
10 6
4. La France, qui donne la main à
5 l’empereur et tient le drapeau tricolore.
9. L’aigle impérial.
8
Pour les détails et le symbolisme,
4 nous renvoyons ici à l’explication
1 12 détaillée disponible sur :
http://histoire-image.org/fr/etudes/
11 7 apotheose-napoleon-iii
2

2. Sur le tableau de Cabasson, Napoléon III, au centre, apparaît dans ces vers, de la phrase exclamative. Napoléon III, qui n’est
dans sa puissance, que lui confère l’élection au suffrage nommé que dans le titre, est qualifié de « nain immonde » (v. 2),
universel et l’héritage du pouvoir impérial de son oncle dans une position dégradante, à connotation scatologique,
Napoléon Ier, dont il reprend les symboles antiques : l’aigle, puisqu’il est « accroupi » (v. 2). L’empereur apparaît également
la couronne de lauriers, le rouge de la tunique d’Athéna. Le comme un usurpateur indigne du pouvoir de son oncle,
souverain, accompagné par la France, rejoint l’Olympe sur un dont il souille le nom (v. 2) : « Toi qui n’as jamais pris la fortune
char d’or, tiré par des chevaux menés par Héraclès et Athéna. qu’à l’heure,/Te voilà presque assis sur ce hautain sommet ! »
Son règne s’appuie sur la Justice, la Loi et l’Autorité, et annonce (v. 4-5). L’antiphrase du vers 3 (« Cette gloire est ton trou »),
un âge d’or, figuré par l’Abondance, Hermès (le commerce) et rythmée par un système ternaire (3-3, 3-3) avec une coupe à
Déméter (l’agriculture), ainsi que par le rameau d’olivier (la Paix) l’hémistiche, et par l’énumération, renforce cette idée. La suite
que tient à main droite la Victoire survolant l’empereur. de l’extrait, scandée par l’anaphore « C’est pour toi que/qu’ »,
Le texte de Victor Hugo est, quant à lui, un pamphlet contre grandiloquente, a des accents épiques autant qu’ironiques :
le souverain. Le ton est donné par l’utilisation constante, voilà où nous a mené le sacrifice des guerres napoléoniennes !

84 • L’homme et le divin
3. Les honneurs rendus aux souverains et, plus généralement, particulier : les obsèques nationales lui sont accordées par 415
aux grands personnages de la patrie, femmes ou hommes, voix sur 418, et le 1er juin 1885, seulement dix jours après sa
peut difficilement faire l’unanimité : d’une part parce que mort, sa dépouille est conduite dans un catafalque, de l’Arc de
chacun a ses détracteurs et autres opposants politiques, Triomphe où son cercueil était exposé, jusqu’au Panthéon ; le
littéraires, philosophiques, scientifiques, d’autre part parce que cortège passe devant des centaines de milliers de spectateurs
ces honneurs _ notamment l’apothéose _ confèrent au défunt massés le long des boulevards, sur plusieurs kilomètres.
une dimension sinon divine, du moins plus qu’humaine, En revanche, la panthéonisation d’Émile Zola ne se fit pas sans
qui cadre mal avec la laïcité républicaine. Aujourd’hui, cette heurt : le 4 juin 1908, après le transfert des cendres de l’écri-
cérémonie apparaît de plus en plus une récupération à des vain, un journaliste ouvre le feu sur Alfred Dreyfus, qui n’est
fins politiques. Victor Hugo fait précisément figure de cas que légèrement blessé.

pistes pour construire un portfolio prolongements


• Diptyque iconographique : Apothéose de Sabine, Pour aller plus loin, il sera intéressant de mener des recherches
bas-relief de l’arc de Portugal, IIe s., Musées du Capitole, pour trouver des représentations caricaturales de Napoléon III,
Rome (p. 80) et Guillaume Alphonse Cabasson, lesquelles ne manquent pas en ce XIXe s. où est née la presse
L’Apothéose de Napoléon III, 1854, Musée national quotidienne. À titre d’exemple, la lithographie de Paul Hadol
du château de Compiègne (p. 93). (vers 1870), figure Napoléon III en vautour sanguinaire tenant
• Diptyque textuel : Sénèque, Apocoloquintose entre ses serres la France exsangue ; il s’agit de la première
caricature d’une série consacrée à la famille impériale et
du divin Claude, V (p. 92) et Victor Hugo, « Napoléon III »,
aux dignitaires du Second Empire et intitulée : La Ménagerie
dans Les Châtiments, 1853 (p. 93). impériale.

lecture Le voyage aux Enfers

1 Bienvenue aux Enfers ! (p. 94)


Qu’il puisse ou non communiquer avec les dieux supérieurs, Enfers s’est élaborée au fil des siècles, que précise Virgile, par
qu’il puisse ou non accéder au divin, que les dieux ou Dieu exemple, au chant VI de l’Énéide (voir l’Atelier du traducteur,
existent ou non, la seule certitude que l’homme a, c’est qu’il p. 106). Dans l’Antiquité, plusieurs gouffres naturels étaient
est un être fini, limité dans l’espace et dans le temps, autre- désignés comme autant d’entrées des Enfers, comme la
ment dit qu’il va mourir. Son malheur est même précisément caverne du cap Ténare, en Laconie, ou le lac Averne, situé
d’être le seul être à en avoir pleinement conscience. Pour dans un cratère volcanique.
autant, la mort est-elle une fin ? La dernière sous-thématique L’extrait des Punica que nous proposons ici, est une descri-
du chapitre a pour objectif de présenter aux élèves comment ption de l’entrée des Enfers et du paysage environnant, sur
les Romains se représentaient l’Au-delà, représentation fond de récit historique, dans le cadre d’une épopée : l’auteur
héritée en particulier des Grecs. donne ici toute la mesure de l’effroyable royaume de Pluton,
Dans le monde gréco-romain, la croyance la plus répandue invisible mais affleurant la surface de la terre. L’histoire rejoint
était que les morts qui avaient reçu une sépulture, qu’ils le mythe et le conflit entre les Romains et les carthaginois
eussent été « bons » ou « mauvais » durant leur existence, d’Hannibal prend ainsi une dimension épique, qu’accentue
habitaient sous la terre, au royaume d’Hadès/Pluton et l’utilisation de l’hexamètre dactylique.
de Perséphone/Proserpine. Une véritable géographie des

TRADUCTION Informations supplémentaires


[…] Alors ce sont des champs Les représentations des Enfers ou de ses
haletants de souffre et de feu et de bitume en fusion « habitants » ne manquent pas dans les œuvres
qu’ils montrent. La terre, étouffant d’une noire vapeur d’art plastiques. On se reportera par exemple
débordante, et longuement échauffée par ses entrailles brûlées, au tableau de A. D. Litovchenko présenté p. 107.
bouillonne et exhale dans les airs les effluves du Styx. On pourra également visionner des extraits
de Les Grands Mythes, « Hadès, le roi malgré lui »,
4/20, Arte, 2015 et Les Grands Mythes, « Le Tartare,
les damnés de la Terre », 10/20, Arte, 2015.
Traduire
1. « Cocto bitumine » est groupe nominal composé du parti- du participe parfait passif ustis et du nom medullis, au féminin
cipe parfait passif cocto et du nom bitumine, au masculin pluriel, complément d’agent du participe parfait passif
singulier, complément circonstanciel de cause du participe calefacta.
présent anhelantis. « Atro exundante vapore » est un groupe 2. Ces expressions peuvent être traduites par « de bitume en
nominal composé de l’adjectif atro, du participe présent fusion », « d’une noire vapeur débordante » et « par ses en-
exundante et du nom vapore, au masculin singulier, trailles brûlées ». Elles donnent une image négative du lieu, à
complément circonstanciel de cause du participe présent l’aspect sombre (« bitume », « noire », « entrailles ») et brûlant.
suspirans. « Ustis medullis » est un groupe nominal composé

L’homme et le divin • 85
3. La traduction de cet extrait d’épopée n’est pas simple, ni lire sur le site de l’université de Louvain, Itinera electronica).
du point de vue de la morphosyntaxe, ni du point de vue On pourra également s’en tenir à la lettre du texte, dans un
du sens. On invitera les élèves, selon leur niveau, à s’aider premier temps, avant d’en comprendre et d’en traduire, dans
des outils du traducteur proposés en p. 18-19, ou d’une un second temps, l’esprit.
traduction universitaire (par exemple celle que l’on peut
Lexique
1. Les mots qui permettent de décrire le paysage sont : - prépositions : « parmi », « dans », « sur », « en », in.
- noms : « lac », « Styx », « eaux calmes », « Averne », « sinistre bois », 2. Les mots appartenant au champ lexical de l’ombre/noirceur,
« ombres noircissantes », « oiseau », « mortifère exhalaison », sont : « sinistre, » « ombres noircissantes », « mortifère »,
« ciel », « marais », « ondes de l’Achéron », « ses gorges sombres », « sombres », « gouffre », « béances », bitumine, atro vapore,
« gouffre stagnant », « effroyables béances », « terre », « lu- ustis, tygios flatus. Les mots appartenant au champ lexical
mière inhabituelle », sulphure, igni, cocto bitumine, campos, de la lumière/chaleur sont : « lumière inhabituelle »,
Tellus, atro exundante vapore, ustis medullis, Sygios flatus, aera ; sulphure, igni, cocto, vapore, calefacta, aestuat.
- adverbes : « autrefois », « aujourd’hui », « alors », « parfois »,
Tum, semper, diu.

Interpréter
1. Les élèves sont invités à représenter plastiquement le lexicaux de l’ombre/noirceur et de la lumière/chaleur, ainsi que
paysage décrit, quels que soient les matériaux et les techniques la personnification (« vomissait », v. 4), les allusions mytholo-
utilisés. On pourra analyser avec intérêt des œuvres d’art giques au Styx et à l’Achéron, la référence aux « Mânes », le
modernes et contemporaines figurant les Enfers, comme le vocabulaire de la piété (« sacré », « respect », « culte » », v. 5-6),
tableau de Litovchenko (voir l’Atelier du traducteur, p. 107) ou ainsi que les exagérations descriptives (« creuse d’effroya-
celui de Joachim Patinier, Charon traversant le Styx (XVIe s.), bles béances dans la terre »), font de ce paysage un lieu où
conservé au Musée du Prado à Madrid. légende et réalité se confondent. Le monde des morts
2. Le registre est épique. Ce texte est extrait du Chant XII communique avec celui des vivants : le marais « dérange, d’une
des Punica, épopée relatant les guerres puniques, depuis le lumière inhabituelle, les Mânes » (v. 7 et 10), « Tellus […] Stygios
serment d’Hannibal jusqu’au triomphe de Scipion à Zama. exhalat in aera flatus » (v. 13 et 15). L’ensemble est mouvant,
Des habitants de Capoue montrent au chef carthaginois le instable, suscitant l’effroi.
lac Averne et un marais qui, « selon la légende », passe pour 3. Cette description peut être interprétée comme une
être l’une des entrées des Enfers. La description est ordonnée : métaphore de la situation de l’Italie suite aux quatre défaites
d’abord le lac Averne, puis « dans son voisinage », un « marais » ; désastreuses essuyées par les Romains contre les Carthaginois
« Tum », on indique « anhelantis […] campos », c’est-à-dire lors des batailles du Tessin, de la Trébie, du lac Trasimène et de
les Champs Phlégréens, zone volcanique formant une vaste Cannes : les champs de bataille sont des champs de morts ;
caldera, encore très active aujourd’hui. Ces trois éléments l’armée romaine est exsangue, privée de son élite et de ses
principaux sont respectivement décrits sur plusieurs vers. forces vives ; la République est à l’agonie.
Mais l’accumulation des termes appartenant aux champs
viva voce
La scansion d’un vers peut s’avérer être très simple, même pour des élèves de 2de. Il suffit de suivre la méthode suivante :
1/ Identifier les voyelles qui s’élident car terminées par voyelle/-m et suivies d’un mot commençant par une voyelle.
2/ Identifier les voyelles longues, c’est-à-dire : les diphtongues ae, oe, au, eu ; toute voyelle suivie de deux consonnes
ou d’un -x (à l’intérieur d’un même mot ou non).
3/ En partant de la fin du vers, repérez des pieds fixes : hexamètre |¯ ˘ ˘ | ¯ ˘.
4/ Identifiez les autres voyelles longues ou brèves pour former un hexamètre.

2 Voyage au bout de l’Enfer ! (p. 95)


L’histoire du XXe siècle en Occident a fourni aux artistes des occasions de reprendre le motif artistique
et littéraire de la descente aux Enfers afin de rendre compte de certains événements qui ont poussé
l’humain aux limites de la déshumanisation, l’homme révélant ainsi sa part la plus sombre.
En 1916, lors d’un séjour à l’hôpital, Henri Barbusse raconte dans Le Feu son expérience de soldat
d’escouade puis de brancardier. La page que nous proposons de lire peut être interprétée comme
l’avènement de l’enfer sur terre, tout comme le début du film de Steven Spielberg, Il faut sauver
le soldat Rayan, où est mis en scène le débarquement des troupes alliées en Normandie en juin 1944.

Confronter
1. Le texte de Henri Barbusse évoque la guerre des tranchées, que l’on retrouve, parfois en écho, sur le photogramme de
le film de Steven Spielberg le débarquement allié de juin 1944 Il faut sauver le soldat Ryan : « la tranchée est toute foudroyée »
sur les côtes de Normandie. Ce qui rapproche ces deux œuvres, (l. 1), « l’empreinte vaseuse, amollie » (l. 2), « le trou plat et arrondi
c’est donc avant tout l’arrière-plan historique, plus précisément d’un étang tari » (l. 3), « au bord, sur le talus et sur le fond, traîne
la guerre mondiale, où règnent la confusion et la destruction. un long glacier de cadavres _ et tout cela s’emplit et déborde
Plus précisément, ces mots de Barbusse désignent des éléments des flots nouveaux de notre troupe déferlante » (l. 3-5), « une

86 • L’homme et le divin
masse compacte d’hommes accrochés les uns aux autres » donnent une dimension épique à l’événement historique,
(l. 6-7), « ce reste de bataille agonise » (l. 8), « la figure écorchée, et servent ainsi une certaine mythification du passé : les
il pousse un hurlement sauvage » (l. 9-10). batailles, si tragiquement réelles, entrent ainsi dans les
2. Chez Silius Italicus, la description, dans un registre épique, légendes de l’épopée humaine. Des hommes ont atteint les
des Champs Phlégréens, peut être interprétée comme une limites de l’humanité ; le recours au mythe est un moyen d’en
représentation métaphorique de la situation de l’Italie et rendre compte. C’est ce qu’exprime Louis-Ferdinand Céline
de la République romaine à l’issue de batailles qui font dans le Voyage au bout de la nuit, dont le titre parle de lui-
partie des plus sanglantes de l’histoire antique. Henri même et qui peut être lu comme une descente aux Enfers,
Barbusse et Steven Spielberg représentent chacun une notamment lorsqu’est évoquée la Place du Tertre : « Nous
scène apocalyptique, où règnent la mort et la désolation. venions d’arriver au bout du monde, c’était de plus en plus
Ces deux évocations artistiques, qui se veulent réalistes, net. On ne pouvait aller plus loin, parce qu’après ça il n’y avait
plus que les morts. »
prolongements

On invitera les élèves à lire Jacques Tardi, C’était la guerre des tranchées, Casterman, 2014 et/ou Putain de guerre !,
Intégrale : 1914-1918, Casterman, 2014, ainsi que Le Feu, de Henri Barbusse, 1916. On n’hésitera pas à proposer
aux meilleurs lecteurs et lectrices de se plonger dans le Voyage au bout de la nuit, lu par Denis Podalydès
(Frémeaux et Associés, 2003).

pistes pour construire un portfolio

• Diptyque textuel : l’extrait des Punica (p. 94) de Silius Italicus et la description de la Place du Tertre
par Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit, 1932.
• Diptyque iconographique : Tuchulcha, Thésée et Pirithoos, peinture murale de la tombe d’Orcus,
Tarquinia, Étrurie, ou Ajax tuant un troyen en présence de Charon, Cratère, étrusque à figures rouges,
IVe s. av. J.-C., et Charon transporte les âmes à travers le Styx, de A. D. Litovchentko (p. 107).

3 Ulysse retrouve Elpénor (p. 96)


La critique identifie Hygin au bibliothécaire d’Auguste. Les paragraphes 11-12 de la fable Odyssea
racontent en quelques lignes la descente aux Enfers d’Ulysse. Le récit est une version différente
et abrégée de celle d’Homère, appelée Nekuia : il s’agit d’un rituel sacrificiel destiné à invoquer
les morts à des fins nécromantiques. Au chant XI de l’Odyssée, sur les conseils de la magicienne Circé,
Ulysse creuse, à l’endroit qu’on lui avait indiqué, une fosse rectangulaire au-dessus de laquelle
il verse des libations et sacrifie : c’est alors qu’une multitude d’ombres approchent, à commencer
par celle d’Elpénor, l’un de ses compagnons qu’il avait laissé chez Circé. Elpénor raconte les circonstances
de sa mort et fait promettre à Ulysse qu’il lui dressera une sépulture. Vient ensuite l’ombre d’Anticlée,
sa mère. Enfin celle du devin Tirésias, qu’est venu consulter le roi d’Ithaque.

TRADUCTION
De là, il va au lac Averne, descend aux Enfers, et là, il trouva Elpénor son compagnon, qu’il avait
laissé auprès de Circé, et il l’interrogea [pour savoir] comment il était arrivé là ; et Elpénor lui répondit
que, ivre, il était tombé d’une échelle et s’était cassé les cervicales, et il le pria, lorsqu’il reviendrait
en haut, de lui donner une sépulture et de déposer pour lui sur un tertre un gouvernail. Là également,
avec sa mère Anticlia, il parla de la fin de son errance. Ensuite, revenu en haut, il ensevelit Elpénor et
fixa un gouvernail, comme il le lui avait demandé, sur son tertre.

Informations supplémentaires

• De même que la description des Enfers est devenue des morts du monde des vivants (Styx et Achéron),
enfin trouver dans ces parages inquiétants l’âme
un motif littéraire et artistique, de même en est
un la descente aux Enfers, que désigne le terme grec de celui ou de celle qu’ils sont venus retrouver.
« catabase » (voir notre rubrique Quid). Le héros, Au passage, ils pourront rencontrer les juges des morts,
avec l’aide d’une ou plusieurs divinités ou grâce Minos, Rhadamanthe et Éaque, des condamnés ou
à la magie, franchit les limites de l’humain et atteint des suppliciés. Au retour, il leur faut affronter Cerbère,
qui empêche tous les morts de retourner sur la terre.
l’au-delà ; un être, pourtant corporel, évolue là où
s’en sont allées les âmes évanescentes des défunts. • On consultera avec intérêt :
C’est l’une des épreuves qui accroît le plus la valeur Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque
du héros auquel elle est imposée : il doit commencer par et romaine, PUF, 2002.
gagner l’une des entrées, puis traverser, en se conciliant Catherine Salles, La Mythologie grecque et romaine,
le passeur Charon, les fleuves séparant le royaume Hachette, 2003.

L’homme et le divin • 87
Lire
1. Les noms propres de personnes sont : Elpenorem (l. 3), Circen (l. 4), Elpenor (l. 6), Anticlia (l. 13),
Elpenorem (l. 16).
2. Les groupes prépositionnels indiquant le lieu sont : ad lacum Avernum (l. 1), ad inferos (l. 2),
per scalam (l. 7), ad superos (l. 10 et 15), in tumulo (l. 12 et 17).
3. Les étapes du récit sont les suivantes :
1. Ulysse arrive au lac Averne et descend aux Enfers. G l. 1-2
2. Ulysse rencontre l’âme d’Elpénor, laissé auprès de Circé. G l. 3-4
3. Ulysse demande à Elpénor comment il est arrivé là. G l. 5
4. Elpénor apprend à Ulysse son accident. G l. 6-8
5. Elpénor lui demande un service : déposer un gouvernail sur sa tombe. G l. 9-12
6. Ulysse interroge l’âme de sa mère sur la fin de son périple. G l. 13-14
7. Ulysse remonte des Enfers et rend les honneurs funèbres à Elpénor. G l. 15-17
Comprendre
1.
De là, il va au lac Averne,
descend aux Enfers,
et là, il trouva Elpénor son compagnon,
qu’il avait laissé auprès de Circé,
et il lui demanda comment il était arrivé là ;
et Elpénor lui répondit [que],
ivre, il était tombé d’une échelle
et s’était cassé les cervicales,
et il le pria,
lorsqu’il reviendrait en haut,
de lui donner une sépulture
et de déposer pour lui sur un tertre un gouvernail.
Là également, avec sa mère Anticlia, il parla
de la fin de son errance.
Ensuite, revenu en haut,
il ensevelit Elpénor et fixa un gouvernail, comme il le lui avait demandé, sur son tertre.

2. Telle qu’elle est rapportée ici, la catabase n’est pas présentée êtres qui les hantent ; l’épisode se résume pratiquement à deux
comme une épreuve pour le héros. L’auteur retient unique- courts « dialogues », rapportés au style indirect. Hygin, au Ier s.,
ment la rencontre avec Elpénor, le seul de ses compagnons qui est avant tout un compilateur, dont le dessein n’est pas de
soit mort sur l’île de Circé, après s’être enivré, mais qui n’avait prôner les valeurs héroïques telles qu’elles étaient chantées
pas reçu de sépulture, et l’aide qu’Ulysse reçoit de sa mère à l’époque archaïque, mais de transmettre, en résumé, les
Anticlia. Le récit est rapide et constitue une version très réduite mythes qu’il a recueillis.
de la Nekuia : aucune allusion à la géographie des lieux ni aux
Culture
Héraclès est descendu aux Enfers pour capturer Cerbère, à la connaît, et dont on sait l’issue… Virgile raconte la descente
demande d’Eurysthée, ce qui constitue l’un de ses travaux. aux Enfers d’Énée au chant VI de l’Énéide. Le héros doit aller
Hermès et Athéna conduisirent le héros, par le route du Ténare, consulter l’âme de son père Anchise. Sur les conseils de la Sibylle
jusqu’au royaume des morts, après qu’il a été initié aux mystères de Cumes, qui l’accompagne, le héros a enseveli Misène, l’un
d’Eleusis qui enseignaient aux fidèles comment accéder dans des siens qui vient de mourir, cueilli un rameau d’or, et offert
l’au-delà. Héraclès rencontre Méduse et Méléagre, qu’il n’a pas un sacrifice aux dieux d’en bas. Il prend la route des Enfers
besoin de combattre, puis Thésée, qu’il délivre et Pirithoos, jusqu’au Styx, rencontre Charon, s’entretient avec Palinure,
qui avaient été enchaînés par Hadès. Le héros délivre ensuite passe l’Achéron et affronte Cerbère. Sur son chemin ils croisent
Ascalaphos qui était prisonnier sous un énorme bloc. Enfin il les âmes de celles et ceux qui attendent leur jugement, et
parvient devant le trône d’Hadès. Ce dernier lui permet d’em- pénètre enfin dans les Champs Élysées, où il retrouve Orphée,
mener Cerbère à la condition qu’il n’utilise aucune arme offen- Musée, puis Anchise. Après ses révélations, ce dernier conduit
sive, vêtu simplement de sa cuirasse et de sa peau de lion. Énée et la Sibylle vers les portes du Sommeil, d’où ils regagnent
Héraclès étrangle Cerbère, qui tente de se défendre en le piquant le monde d’en haut.
avec le dard de sa queue ; le héros ne lâche pas et maîtrise le Jésus aussi, selon plusieurs écrits apocryphes, est descendu
monstre. Il remonte avec sa prise par la bouche de Trézène. aux Enfers, comme le mentionne certaines versions du Credo.
Orphée est également descendu aux Enfers pour y chercher
prolongements
sa femme Eurydice. Grâce aux sons mélodieux, pour ne pas
dire divins, qu’il émet avec sa lyre, Orphée charme Cerbère On pourra proposer aux élèves de traduire de manière aboutie
et les terribles Euménides ; sous les effets de sa musique, les l’ensemble du passage.
supplices d’Ixion, de Sisyphe, de Tantale, des Danaïdes, sont Il est également possible de faire de la différenciation : certains
comme suspendus. Il approche d’Hadès et de Perséphone, élèves s’aideront des étapes du récit préalablement repérées,
qui consentent à lui rendre son épouse, à la condition que l’on ainsi que du lexique, d’autres pourront se passer de ces béquilles.

88 • L’homme et le divin
4 Le courage de Psyché (p. 97)
Le conte d’amour et de Psyché est un récit enchâssé dans les Métamorphoses d’Apulée. Aphrodite,
jalouse de l’extrême beauté de Psyché, une fille de roi qui errait à travers le monde suite à ses aventures
malheureuses, enferme la jeune fille dans son palais. Elle lui impose d’abord des tâches humiliantes,
comme trier des graines ou ramasser de la laine de moutons sauvages, puis de descendre aux Enfers
afin de ramener, dans une boîte, une parcelle de la beauté de Perséphone, avec interdiction de l’ouvrir.
Sur le chemin du retour, hélas, Psyché ouvre la boîte, et tombe endormie dans un profond sommeil.
L’auteur reprend les motifs classiques de la catabase, mais inscrit cette épreuve dans un contexte
qui n’est pas celui de l’héroïsme, mais celui de l’aventure amoureuse et de la rivalité pour la beauté
entre une déesse et une humaine, la beauté n’étant pas l’apanage des dieux.

Langue
1. « Amnica vectori stipe data » (l. 3) est traduit par « ayant donné 2. « Sopita canis horrenda rabie » est un ablatif absolu : le nom
au nocher l’aumône pour le fleuve » : stipe est un nom féminin féminin singulier rabie, auquel se rapporte l’adjectif verbal
singulier, auquel se rapporte l’adjectif amnica et le participe horrenda, est le sujet du participe parfait passif sopita et est
parfait passif data, et que complète le génitif masculin singulier complété par le génitif masculin singulier canis. On peut le tra-
vectori. duire par : « la redoutable ragedu chien ayant été endormie »
« Neglecto supernatantis mortui desiderio » (l. 3) est traduit ou « après avoir endormi la redoutable rage du chien ».
par « ayant ignoré la demande du mort surnageant » : le nom « Residua navitae reddita stipe » est un ablatif absolu : le nom
desiderio, au neutre singulier, est le sujet du participe parfait féminin singulier stipe est le sujet de la proposition, dont le
passif neglecto, et est complété par le groupe nominal au verbe est le participe parfait passif reddita ; stipe est qualifié
génitif masculin singulier supernatantis mortui. par l’adjectif residua ; nativae est le complément d’attribution
« Caninis latratibus obseratis » est traduit par « ayant fermé la au datif masculin singulier de reddita. On peut traduire cette
gueule aboyante du chien » : le nom latratibus, au masculin proposition participiale par : « la piécette restante ayant été
pluriel, est le sujet du participe parfait passif obseratis et est donnée au passeur » ou « ayant donné la piécette restante au
qualifié par l’adjectif de la première classe caninis. passeur ».

Culture
1. 1. Ténare est un cap et une cité situés à l’extrême sud du 5. Proserpine est l’épouse de Pluton qui l’a enlevée et, à ce titre,
Péloponnèse, dont la caverne passait pour être l’une des la reine des Enfers.
entrées des Enfers. 6. Le chien est Cerbère, monstre à trois têtes qui garde l’entrée
2. Personnage impotent conduisant sur le chemin des Enfers des Enfers afin qu’aucun mort ne puisse en sortir.
un âne également boiteux, et demandant aux passants de 2. Pour traverser le Styx, il faut donner une piécette au nocher
l’aider à ramasser les brindilles tombées de sa charge. qui le fait traverser : c’est l’obole due à Charon. C’est la raison
3. Dans le fleuve des morts, un vieillard surnage au fil de l’eau et pour laquelle les archéologues retrouvent souvent une
demande de le tirer sur le bateau de Charon. piécette entre les mâchoires des squelettes. Il était également
4. Les Tisserandes sont les trois Parques, représentées comme nécessaire d’apaiser Cerbère : pour cela, on pouvait lui donner
des fileuses qui déroulent puis coupent le destin des hommes, des gâteaux de miel, pour l’amadouer.
de la naissance à la mort.

Comprendre
1. Psyché fait preuve de courage : en effet, elle se rend « sans copieuse nourriture » (l. 6). Enfin, Psyché fait preuve de piété
tarder » (l. 1) à Ténare et descend « rapidement le chemin des envers la déesse Vénus (l. 7).
Enfers » (l. 2), offre un gâteau à Cerbère, affronte la redoutable 2. Pour Psyché, la descente aux Enfers est une épreuve qui
Proserpine. Elle fait également preuve de prévoyance et de semble facilement réussie : on ne fait pas mention de ce que
prudence : Elle reste « en silence » lorsqu’elle dépasse « l’ânier ressent la jeune femme. Grâce aux qualités dont elle fait preuve,
impotent » (l. 2), s’acquitte de la piécette due à Charon, ignore elle enchaîne sans peine les actions : les actions principales
« la demande du mort surnageant » (l. 3), et apaise à nouveau sont désignées par les verbes conjugués à un temps personnel
le monstre à trois têtes avec un deuxième gâteau. Elle fait aussi (« pergit », l. 1), les actions secondaires par les ablatifs absolus,
preuve de ruse, en dédaignant « les sournoises prières des reliés par « -que », par « et », ou simplement juxtaposés (l. 3).
tisserandes » (l. 4), et en refusant « le siège confortable et la

prolongements

L’objectif pourra être d’aboutir à une traduction juxtalinéaire de l’extrait, travail qui impliquera préalablement
une compréhension fine du texte, une analyse morphosyntaxique et des recherches lexicales.
Éventuellement, les élèves pourront traduire de manière plus littérale un passage, plus ou moins long
en fonction de leur niveau.

L’homme et le divin • 89
au cœur des mots p. 98-99

Étymologie

Mots latins
diurnus : de jour, diurne
interdiu : pendant le jour Dies
Jupiter (diu-pater) : Jupiter (jour-père)
diu : pendant le jour, longtemps
postridie : le lendemain Mots français
cottidianus : de tous les jours, quotidien diviniser
cottidie (quoque die) : chaque jour mettre au rang des dieux
meridianus : du milieu du jour, de midi divus deus divinité
meridie : à midi déesse, dieu
hodie (hoc die) : aujourd’hui divin
relatif à/aux dieu(x)

Mots latins Mots en langue romane


divitiae : richesses dieu ( français)
dives, divitis : riche, opulent dio (italien)
divinatio : divination dios (espagnol)
divinus : divin déu (catalan)
Jovis : Jupiter (au génitif) deus ( portugais)

activité 1
Traduire divus par divin ; Templum par temple ; certamen par concours ; numen par majesté ; Pium par Pieux.

activité 2
Dans son sens premier, le verbe « dedico » signifie « déclarer, indique l’accompagnement, le lien avec le sacré. Consecro est
révéler ». Il dérive de la racine dĭc, qui a produit le verbe un verbe performatif, qui a ici le sens de « consacrer, frapper
dicare, « promettre solennellement, consacrer ». Le préfixe d’une consécration religieuse » : par ce verbe, accompagné
de indique l’idée de séparation, d’éloignement. En effet, d’un geste, le bosquet devient sacré.
dedico prend ici le sens de « dédier, consacrer » un lieu à une Le verbe colo signifie primitivement « se mouvoir habituel-
divinité : en l’occurrence, un bosquet à Priape. Ce lieu prend lement autour d’un lieu », c’est-à-dire, chez les Latins, « cultiver »,
une dimension particulière, et son caractère sacré le coupe puis « habiter ». En parlant des dieux, le mot a le sens de
du reste de la terre. « se plaire dans un lieu », « protéger » les hommes de ce lieu ;
Le verbe « consecro » fait partie de la famille de sacer, en parlant des hommes, par réciprocité envers les dieux,
proprement « qui ne peut être touché », communément « honorer » les dieux. C’est en ce sens que « colit » est employé
« qui appartient au monde du divin ». Con, c’est-à-dire cum, dans cet extrait.

activité 3
Dans le lexique et dans ce texte, les mots de la famille de inferus sont :
- inferi, orum, n. pl. (nom commun)
- infernus, a, um ; infimus, a, um (adjectifs)
- infra (adverbe)
Tristiora vient de l’adjectif tristis, « sombre, sinistre », lui-même dérivé de taeter, tra, trum, « affreux,
repoussant ». On comprend donc pourquoi les Enfers sont qualifiés de tristiora, au comparatif.

90 • L’homme et le divin
grammaire Le pronom relatif et la proposition relative p. 100-101
memento

G p. 148
La déclinaison du pronom relatif et la construction de la proposition relative sont
au programme de la classe de troisième (cycle 4). Pour certains élèves, ce sera donc un rappel.
La démarche que nous proposons ici se veut inductive, grâce à des repérages et des analyses
successifs, en quatre étapes. L’objectif, in fine, est que chaque élève construise sa propre leçon,
simple et claire, sous forme libre. On pourra se reporter, au besoin, aux leçons du Memento.

étape 1 étape 3
• Le pronom relatif latin à encadrer est qui. • Les pronoms relatifs et la préposition à encadrer sont
• Les verbes à souligner sont nuncupant et portant en latin, « grâce auxquelles » et per quas.
« nomment » et « portent » en français. La proposition relative est « grâce auxquelles nos prières vont
• La proposition principale est Graeci daemones nuncupant vers les dieux » ; per quas desideria nostra ad deos commeant.
vectores (« Les Grecs nomment “démons” des intermédiai- • Le pronom relatif quas est décliné à l’accusatif féminin pluriel,
res ») ; la proposition subordonnée relative est qui hominum cas régi par la préposition per. Le groupe prépositionnel est
petitiones ad deos portant (« qui portent les requêtes des complément circonstanciel de moyen du verbe commeant.
hommes aux dieux »). L’antécédent de quas est le nom potestates, décliné au
étape 2 nominatif féminin pluriel et sujet du verbe sunt.

• Le nom « intermédiaires » est complément d’objet direct étape 4


du verbe « nomment ». Le pronom relatif « qui » est sujet du
verbe « portent ».
• Les verbes sont sunt et portant ; le pronom relatif quae.
On constate que le pronom relatif est placé au début de la
• Le nom vectores est décliné à l’accusatif masculin pluriel. deuxième phrase, et joue le rôle d’un mot de liaison.
Le pronom relatif qui est décliné au nominatif masculin Il est traduit en français par « et celles-ci », c’est-à-dire par
pluriel. une conjonction de coordination et un pronom démonstratif
de reprise. La conjonction coordonne les deux phrases ; le
pronom reprend ce qui serait l’antécédent du pronom relatif
si les deux phrases n’en formaient qu’une seule.
Réponses aux exercices

1. Dans les phrases suivantes, le pronom relatif est surligné, relatif « quod » est décliné au nominatif neutre singulier, sujet
l’antécédent souligné, la proposition relative délimitée par du verbe « proferetur ».
des crochets. 2. a. Credimus esse deos et deas qui silvis attributi sunt.
a. Caesaris caedes evidentibus prodigiis denuntiata est [quam Nous pensons qu’il existe des dieux et des déesses qui sont
conjurati parabant]. consacrés aux forêts.
Le meurtre que les conjurés préparaient fut annoncé à César b. Saxum super caput Tantali ingens pendet, quod semper timet
par d’évidents prodiges. ne super se ruat.
Le nom « caedes » est décliné au nominatif féminin singulier, Un immense rocher est suspendu au-dessus de la tête de
sujet de « denuntiata est » ; le pronom relatif « quam » est Tantale, qu’il craint toujours de voir tomber sur lui.
décliné à l’accusatif féminin singulier, complément d’objet c. Omne genus humanum interiit praeter Deucalionem et
direct du verbe « parabant ». Pyrrham, qui in montem Ætnam, qui altissimus in Sicilia esse
b. Tabula aenea, [qua mors Iulo prognati nuntiata erat], in dicitur, fugerunt.
monumento [in quo Capys dicebatur sepultus] inventa est : Tout le genre humain périt sauf Deucalion et Pyrrha, qui fui-
« Cave, Caesar, periculum [quod non ultra Martias Idus rent sur le mont Etna, qui passe pour être le plus haut de Sicile.
proferetur] ». 3. a. Proserpine remit à Triptolème, pour répandre les grains,
Une inscription en bronze, sur laquelle la mort d’un descen- un char attelé de dragons, grâce auxquels, en roulant, il
dant de Iule était annoncée, fut trouvée sur le monument ensemença de grains le cercle des terres.
dans lequel Capys, dit-on, était enseveli : « Prends garde, b. Ensuite naquit Pyrrha, qui passe pour être la première
César, au danger qui ne sera pas reporté au-delà des Ides créée des mortels.
de Mars ». 4. Neptunus expostulavit ut Andromeda Cephei filia ceto
Le nom « tabula » est décliné au nominatif féminin singulier, objiceretur. Quae cum esset objecta, Perseus Mercurii
sujet du verbe « inventa est » ; le pronom relatif « qua » est talaribus volans eo dicitur venisse et eam liberasse a periculo ;
décliné à l’ablatif féminin singulier, complément circonstanciel quam cum abducere vellet, Cepheus pater cum Agenore,
de moyen du verbe « nuntiata est ». cujus sponsa fuit, Perseum clam interficere voluerunt.
Le nom « monumento » est décliné à l’ablatif neutre singulier,
Le pronom « Quae » est un relatif de liaison, décliné au
complément circonstanciel de lieu du verbe « inventa est » ; le
nominatif féminin singulier, sujet du verbe « esset objecta » ;
pronom relatif « quo » est décliné à l’ablatif neutre singulier,
son antécédent est le nom propre « Andromeda », décliné au
régi par la préposition « in », complément circonstanciel de
nominatif féminin singulier, sujet du verbe « objiceretur ».
lieu du participe parfait passif « sepultus ».
Le pronom « quam » est également un relatif de liaison,
Le nom « periculum » est décliné à l’accusatif neutre singulier, décliné à l’accusatif féminin singulier, complément d’objet
complément d’objet direct du verbe « cave » ; le pronom

L’homme et le divin • 91
direct du verbe à l’infinitif « abducere » ; son antécédent est Traduction : Neptune demanda qu’Andromède, fille de
le pronom « eam », décliné à l’accusatif féminin singulier, Céphée, soit exposée à un monstre marin. Mais, alors qu’elle
complément d’objet direct du verbe à l’infinitif « liberasse ». était exposée, Persée, volant avec les talonnières de Mercure,
Le pronom relatif « cujus » est décliné au génitif masculin vint à cet endroit, dit-on, et la libéra du danger ; et, alors qu’il
singulier, complément du nom « sponsa » ; son antécédent est voulait l’emmener, Céphée, son père, avec Agénor, dont elle
le nom propre Agenore, décliné à l’ablatif masculin singulier, était la fiancée, voulurent en secret tuer Persée.
que régit la préposition « cum », complément circonstanciel
d’accompagnement du verbe « voluerunt ».

grammaire Le subjonctif à la voix active p. 102-103 memento

G p.et150-151
153

La conjugaison du subjonctif présent, imparfait et plus-que-parfait est au programme de la classe
de troisième, ainsi que les principes essentiels concernant la construction et le sens des propositions
permettant d’exprimer le temps. Ces points constitueront donc des révisions pour certains élèves.

• Les radicaux sont encadrés et les terminaisons surlignées :


a. faciamus G subjonctif présent = rad. de l’infectum
b. oraret G subjonctif imparfait = rad. de l’infectum
c. discesserint G subjonctif parfait = rad. du perfectum
d. consecravissetis G subjonctif plus-que-parfait = rad. du perfectum
• La forme qui ne contient pas de suffixe est faciamus.
• Le suffixe des trois autres formes est : oraret ; discesserint ; consecravissetis.

La proposition subordonnée circonstancielle de temps memento

G p. 158
Il s’agit dans un premier temps de connaître la conjugaison du subjonctif, puis de comprendre
la construction de la proposition subordonnée circonstancielle de temps. Le verbe de
la subordonnée pouvant être conjugué à l’indicatif ou au subjonctif, il conviendra de réviser
la conjugaison de l’indicatif (voir leçons n°17.1/17.2 p. 150-151 et 18.1 p. 152). Il sera probablement
également nécessaire de procéder à des révisions de la conjugaison du subjonctif en français.

étape 1
• Furiata mente ferebar, [cum mihi venerabilem parentem se vedendam obtulit].
• J’étais transporté d’une folle fureur [lorsque s’offrit à mon regard ma mère vénérable].

étape 2
• [Ut novi generis animalem monstruosum vidit], Hercules putavit sibi tertium decimum laborem venisse.
[Lorsqu’ il vit cet animal d’un nouveau genre, monstrueux], Hercule pensa qu’un treizième travail se
présentait à lui.
• En latin, le verbe de la proposition subordonnée circonstancielle de temps est conjugué
à la troisième personne du parfait de l’indicatif actif, parce que le fait est considéré comme objectif.

étape 3
• [Dum haec loquuntur] Jesus stetit in medio eorum.
[Pendant qu’ils discutaient ainsi], Jésus se présenta au milieu d’eux.

Réponses aux exercices

1. dedicavissemus : 1re pers. du pl. du plus-que-parfait du subjonctif actif G « que nous ayons/eussions
consacré », « nous aurions consacré » ;
- exoraret : 3e pers. du sg. de l’imparfait du subjonctif actif G « qu’il/elle obtienne/obtînt »,
« il/elle obtiendrait » (par des prières) ;
- obtulerit : 3e pers. du sg. du subjonctif parfait actif G « qu’il/elle ait offert » ;
- refulgeas : 2e pers. du sg. du subjonctif présent actif G « que tu brilles », « tu brillerais ».

92 • L’homme et le divin
2. subjonctif subjonctif subjonctif subjonctif
présent imparfait parfait plus-que-parfait
nuntio, as, are, avi, nunties nuntiares nuntiaveris nuntiavisses
atum : que tu annonces que tu annonces que tu aies annoncé que tu aies annoncé
annoncer (2e p. sg) tu annoncerais que tu annonçasses que tu eusses annoncé
tu annoncerais tu aurais annoncé
intellego, is, ere, lexi, intellegamus intellegeremus intellexerimus intellexissemus
lectum : que nous que nous que nous ayons que nous ayons
comprendre (1re p. pl.) comprenions comprenions compris compris
nous comprendrions que nous que nous eussions
comprissions compris
nous comprendrions nous aurions compris
quaero, is, ere, sivi, situm quaerant quaererent quaesiverint quaesivissent
: qu’ils demandent qu’ils demandent qu’ils aient demandé qu’ils aient demandé
demander (3e p. pl.) ils demanderaient qu’ils demandassent qu’ils eussent
ils demanderaient demandé
ils auraient demandé
timeo, es, ere, timui : timeat timeret timuerit timuisset
craindre (3e p. sg) qu’il craigne qu’il craigne qu’il ait craint qu’il ait craint
il craindrait qu’il craignît qu’il eût craint
il craindrait il aurait craint

2. a) dum G fuit = indicatif


dum G fuit = indicatif
dum G capiebat = indicatif
b. cum G possideant = subjonctif
c. ubi G scandit = indicatif
Lorsque Phœbus depuis l’Océan monte vers l’Olympe escarpé, avec ses chevaux ailés il parcourt l’éther.

3. a) cum … contemplati sumus G indicatif = « quand… »


b) dum … recumberet G subjonctif = « tant que… »
c) cum … vidissent G subjonctif = « comme… »
Les philosophes, comme ils avaient constaté que toute chose était réglée par des enchaînements
invariables et avec une immuable constance, durent se rendre à l’évidence qu’existe un directeur
et comme un architecte d’une telle œuvre.

L’homme et le divin • 93
grammaire Les compléments circonstanciels p. 104-105 memento

de temps et de lieu (cas généraux) G p. 142


La syntaxe des compléments de lieu et de temps est au programme des classes de 5e, de 4e
et de 3e du cycle 4. Il s’agit donc pour nombre d’élèves de rappels. Les leçons que nous proposons
dans le memento grammatical se veulent les plus simples possibles : dans le cadre de la traduction
du latin au français, et non pas dans le cadre du thème du français au latin, ces leçons permettent
d’analyser les cas que l’on rencontre fréquemment dans les textes. Parfois l’intuition suffit ;
souvent une préposition donne le sens du complément de temps ou de lieu.
- De là il arrive au lac Averne, descend aux Enfers et là, trouve Elpénor.
Inde proficiscitur ad lacum Avernum, ad inferos descendit ibique invenit Elpenorem.
adv. GN prép. adv.
- Étant ensuite revenue des Enfers, Enée ensevelit dans la terre Elpénor.
Deinde ab inferis reversus, Elpenorem in terra Æneas sepelivit.
GN prép. GN prép.
- Forêts, vos vies durent tant de siècles !
Silvae, vestrae vitae tot saecula aguntur !
GN
- Castor tua Lyncée dans un combat.
Castor Lyncenum in proelio interfecit.
GN prép.
Certains compléments sont à l’ablatif car ils indiquent un moment ou un lieu où l’on est/d’où l’on vient.
Certains compléments sont à l’accusatif car ils indiquent une durée ou un lieu où l’on va.

La proposition participiale (à l’ablatif absolu) memento

G p. 155
La syntaxe de l’ablatif absolu, dont l’observation et la compréhension est au programme
des classes de 5e/4e pourront être des révisions pour certains élèves. Pour l’aborder, il sera
bienvenu de revoir au préalable la conjugaison du participe présent et du participe parfait passif.

étape 1 étape 2
• Les propositions participiales sont : nomine verso dans - Psyche amnica stipe Charonti data flumen Stygium transeat. =
la première phrase, et sumptis stipibus illis et offulis dans la valeur temporelle et causale
deuxième. Psyché, ayant donné à Charon l’obole de la traversée, passe
• Dans la première phrase, le nom à l’ablatif est nomine ; dans le Styx.
la deuxième stipibus illis et offulis. - Polynices Adrasto rege adjuvante cum septem ductoribus
Verso et sumptis sont des participes parfait passifs. Thebas oppugnatum venit. = valeur causale
Polynice, le roi Adraste l’aidant/avec l’aide du roi Adraste,
vint pour assiéger Thèbes accompagné de sept généraux.
Réponses aux exercices
1. a. in antra sola de nombreux héros ayant été tués/après la mort de nombreux
b. Inde ; ad aetherem héros/alors que/comme de nombreux héros avaient été tués.
c. per omnes Graecas urbes c. fulmine jacta
2. a. Apud Romam subito tempestas fuit et Romulus ad deos abiit. la foudre ayant été lancée/après que la foudre ait été lancée/
Près de Rome soudain eut lieu une tempête et Romulus s’en une fois la foudre lancée/puisque la foudre avait été lancée
alla vers les dieux. d. mortalibus aedes dedicantibus
b. Jesus sub Pontio Pilato crucifixus est et descendit ad inferos et les mortels dédiant des temples/au moment où les mortels
tertia die resurrexit a mortuis et ad caelos ascendit. dédiaient des temples/alors que les mortels dédiaient des
Jésus, sous Ponce Pilate, fut crucifié, descendit aux Enfers et le temples
troisième jour ressuscita des morts et monta aux cieux. e. precibus factis
c. Hic habitamus : dei felices nos faciant per longam vitam. les prières ayant été faites/une fois les prières faites/alors que/
C’est ici que nous habitons : que les dieux nous rendent comme les prières avaient été faites
heureux pendant une longue vie. 4. a. après avoir remis ses ailes,
3. a. Divo Augusto regnante b. ayant abandonné l’apparence d’un faux taureau,
Le divin Auguste régnant/Sous le règne du divin Auguste/ c. ses yeux hésitant dans la nuit noire,
Alors que régnait le divin Auguste. d. Cadmus, sur les indications de Minerve, sema les dents d’un
b. pluribus heroibus caesis dragon, fils de Mars, et les cultiva, d’où naquirent les Spartes.

94 • L’homme et le divin
r
L ' A T E L I E R du traducteu p. 106-107

Présentation des Enfers


Nous proposons ici de traduire, par étapes successives et/ou iconographique permet ensuite d’avancer dans la compré-
concomitantes, un extrait de la descente aux Enfers d’Énée, hension globale de l’extrait, et dans la compréhension, voire
rapportée au Chant VI de l’Énéide de Virgile. la traduction, de certaines expressions. Cette deuxième
Une bonne connaissance du royaume d’Hadès permettra étape s’appuiera nécessairement sur des analyses morpho-
de mieux appréhender le texte, puis de le comprendre, syntaxiques qui s’imposeront d’elles-mêmes et anticiperont
enfin de le traduire, bien que ces opérations ne soient pas parfois la troisième et la quatrième étape, qui peuvent être
nécessairement successives mais plutôt combinées. menées en parallèle. La troisième étape a pour objectif
d’éclaircir la construction des phrases et des propositions qui
C’est la raison pour laquelle nous commençons par faire les constituent. Enfin, l’élève peut procéder à la traduction
le point sur les connaissances pré-requises. Le support aboutie du texte.
étape 1
• Énée est le fils d’Anchise. dit-on, un poison pour les hommes et les bêtes ; elles
endommageaient tout objet en fer ou en poterie que l’on y
• Le Cocyte était un affluent de l’Achéron, en Épire. Ses eaux plongeait. C’est sur les eaux du Styx, le fleuve des Enfers, que
sombres en ont fait l’un des fleuves des Enfers. En grec, le les dieux prononçaient leurs serments. Si le dieu ne respectait
nom Κώκυτος est dérivé du verbe κωκύω, « pousser des cris pas son serment solennel, un châtiment terrible l’attendait.
de douleurs », « se lamenter » : la source des eaux du Cocyte,
ce sont les larmes des âmes qui ont été jugées mauvaises • Charon est le personnage des Enfers qui, selon les versions
et qui gémissent aux Enfers. Ces eaux sont très froides et mythologiques, fait passer les âmes défuntes qui ont reçu
coulent parallèlement au Styx et au Pyriphlégéton, le fleuve une sépulture sur l’autre rive de l’Achéron ou du Styx, contre
de flammes. Ces trois fleuves entourent ensemble le royaume une obole. Charon est un vieillard à la barbe grise et hirsute,
d’Hadès. vêtu de haillons ; il dirige la rame de sa gouverne.
Selon Hygin, Styx est l’un des enfants de Nuit et Érèbe. Le nom • Les âmes qui n’ont pas reçu de sépulture errent pendant cent
propre Στύξ vient de la racine Στυγ, qui signifie « avoir hor- ans sur les rives du fleuve des Enfers, où elles se lamentent et
reur ». On avait donné le nom de Styx à une source d’Arcadie, tentent de fléchir Charon.
dont les eaux se perdaient sous la terre ; elles étaient,

étape 2
i
....
a. Fils d’Anchise, des dieux le plus certain descendant
b. les profondes eaux stagnantes du Cocyte
e.... a....
c. le marais stygien, sur la puissance
duquel les dieux craignent de jurer et de se parjurer
d. toute la foule misérable et sans sépulture
e. ce fameux nocher, Charon
c
....

f. ceux-ci, que l’onde porte : les [âmes] ensevelies


g. les rives effroyables et les rauques rivières g
....

h. Elles errent pendant cent ans et volètent autour


de ces rivages ; Alors seulement, elles sont admises à
revoir les eaux stagnantes désirées
i. la Sibylle

étape 3
• Les trois pronoms relatifs sont : cujus (v. 3), quam (v. 4), quos (v. 5). b.... f
.... h.... d
....

• Leurs antécédents sont respectivement : paludem (v. 2), turba (v. 4), hi (v. 5).
• « Cujus » : génitif masculin singulier, complément du nom « numen »
« Quam » : accusatif féminin singulier, COD du verbe « cernis »
« Quos » : accusatif masculin pluriel, COD du verbe « vehit »

étape 4
Fils d’Anchise, des dieux le plus certain descendant,
ce sont les profondes eaux stagnantes du Cocyte que tu vois, ainsi que le marais stygien,
sur la puissance duquel les dieux craignent de jurer et de se parjurer.
Tout cela, que tu distingues, c’est la foule misérable et sans sépulture ;
ce fameux nocher, Charon ; ceux-ci, que l’onde porte, les [âmes] ensevelies.
Et il n’est pas possible de [les] transporter sur les rives effroyables
ni les rauques rivières avant que leurs os n’aient trouvé repos dans un endroit.
Elles errent pendant cent ans et volètent autour de ces rivages ;
Alors seulement, elles sont admises à revoir les eaux stagnantes désirées.

L’homme et le divin • 95
fo lio
construire mon port p. 108-109

Diptyque iconographique

Nous proposons ici d’élaborer un diptyque iconographique, Confronter, c’est d’abord comparer, « pour mettre en
comme au chapitre 1, mais dont l’œuvre contemporaine est, évidence les rapports de ressemblance ou de différence
ici, un film. Les élèves se trouvent souvent assez démunis sur lesquels fonder son opinion » (CNRTL). C’est également
face à l’analyse d’une séquence d’images animées. Il faudra « Opposer, mettre face à face, faire s’affronter » (CNRTL) les
donc les inviter à ne retenir qu’une court extrait d’œuvre œuvres, afin de mettre en évidence des représentations,
cinématographique (d’une à cinq minutes). Il faudra égale- des interprétations, des conceptions, des idées, des options,
ment les familiariser avec le vocabulaire spécifique de cette différentes et divergentes sur un objet d’étude, une
analyse ; on consultera avec grand intérêt les pages du site thématique donnés. Il faut mettre en évidence ce qui pose
http://upopi.ciclic.fr question, ce qui interroge le rapport entre les deux œuvres
Une démarche en quatre étapes fournit une méthode pro- choisies.
gressive pour chercher conjointement l’œuvre antique et Comme le stipule les programmes, la présentation du
l’œuvre filmique contemporaine, puis pour analyser chacune diptyque est libre et l’on favorisera l’originalité. On se
des deux œuvres, enfin pour les confronter. reportera au besoin aux propositions des p. 138-139.

a ÉTAPE 1 : étaient rattachée une divinité, et de déterminer si le foie


de la bête sacrifiée révélait des anomalies, malformations,
• Dans le film de Pier Paolo Pasolini, Œdipe consulte l’oracle des difformités, et en quel endroit précis ; le cas échéant, il
de Delphes, dans une mise en scène tout à fait particulière, s’agissait d’un signe à interpréter. Il y avait donc une « cuisine
aussi grotesque en apparence que symbolique. du sacrifice », pour reprendre une partie d’un titre de Marcel
Dans le film de Uli Edel, parmi les différents signes envoyés Détienne.
par les dieux avant l’assassinat de César, on retiendra la
Sur ce miroir étrusque en bronze est représenté le devin
figure d’un personnage énigmatique, à la fois humain et
Calchas : il est barbu, quasiment nu et muni d’ailes ; il est
pourtant en marge du monde : le devin que croise Marc-
debout, la jambe gauche appuyée sur un rocher, penché
Antoine sur la place du Forum.
pour observer un foie qu’il tient à main gauche ; un vase
La trilogie cinématographique de science-fiction Matrix,
rituel est posé à terre derrière lui, un ustensile sacrificatoire
Matrix Reloaded et Matrix Revolutions présente plusieurs
devant lui sur une table. La scène est encadrée par des
scènes oraculaires : le personnage principal, Neo, consulte
motifs végétaux : deux tiges noueuses de vigne partant
l’oracle, incarnée par une femme qui semble tout à fait
de l’endroit ou était fixé le manche en bois du miroir, et se
ordinaire, afin de guider son destin. Un jour, dans sa cuisine,
rejoignant au-dessus de la tête du personnage principal en
elle lui annonce, en lisant à la hâte dans les lignes de ses
deux grappes abondantes.
mains, qu’il n’est pas l’élu ; mais la suite de son discours est
plus grave qu’il ne l’était jusqu’à ce moment… Calchas semble concentré, mettant en application l’art
qu’on lui a enseigné. La lecture semble difficile, la volonté
• Les devins sont des interprètes de la volonté des dieux, qui
divine n’étant pas simple à lire. Il s’agit d’une pratique des
s’exprime de multiples manières ; ils en savent plus que le
plus sérieuses, qui requiert de solides connaissances et
reste des humains, avec qui ils sont plus ou moins distants,
beaucoup de dextérité. En effet, l’enjeu est de connaître la
pour lesquels ils ont plus ou moins d’empathie ; leurs
volonté des dieux, afin d’être en paix avec eux.
messages sont également plus ou moins énigmatiques.

a ÉTAPE 2 : Calchas est le devin de Mycènes, l’un des plus a ÉTAPE 3 : L’analyse du film dépendra de l’extrait qui
aura été retenu. Dans tous les cas, on veillera à se limiter
habiles prophètes, que l’on retrouve dans de nombreux
à quelques minutes seulement, qui se suivent ou non
épisodes de la mythologie, dès le récit de la guerre de Troie.
(on pourra faire un montage). Tous les aspects de la mise
Il a reçu d’Apollon le don de prophétie.
en scène doivent être pris en compte ; on reprendra avec
L’hépatoscopie ou hépatomancie est l’observation du foie intérêt le vocabulaire de l’analyse de film sur http://upopi.
(τό ἧπαρ, ἥπατος) : il s’agit d’un art divinatoire pratiqué par ciclic.fr/vocabulaire/#s1-1
les haruspices, art qui consiste à lire les viscères d’animaux
sacrifiés. Dans l’Antiquité, le foie est considéré comme le
siège de l’âme et de la vie. Cette pratique est attestée a ÉTAPE 3 : L’analyse du film dépendra de l’extrait qui aura
notamment en Grèce, en Étrurie puis à Rome. Chez les été retenu. Dans les cas, on veillera à se limiter à quelques
Étrusques, c’est le dieu Tagès qui enseignait cet art. Le rituel minutes seulement, qui se suivent ou non (on pourra faire un
était très codifié. Les entrailles de l’animal sacrifié étaient montage). Tous les aspects de la mise en scène doivent être
saupoudrées de farine salée, brûlées et offertes aux dieux ; pris en compte ; on reprendra avec intérêt le vocabulaire de
le cœur et le foie étaient préalablement soumis à un examen l’analyse de film sur http://upopi.ciclic.fr/vocabulaire/#s1-1
divinatoire. Des modèles de foie en bronze et en argile
avaient été élaborés : par comparaison, ils permettaient
d’identifier les différentes parties à observer, auxquelles

96 • L’homme et le divin
Proposition de critères d’évaluation

L’évaluation portera sur la réalisation finale et/ou sur le processus de l’élaboration du diptyque.
On évaluera :
- la pertinence du choix des œuvres ;
- la qualité des recherches et des connaissances utilisées ;
- la présentation du diptyque : on sera particulièrement attentif à la mise en œuvre de l’analyse
iconographique et filmique, qui sera illustrée par des captures d’écran, des recadrages,
des découpages… ;
- la créativité, mise au service de la clarté ;
- la finesse de l’analyse et la mise en perspective des œuvres.

faire le bilan du chapitre


Le sujet que nous proposons doit amener l’élève à s’approprier et à penser les thématiques,
les supports, les enjeux du chapitre. La rédaction d’une tribune implique de prendre position,
en l’occurrence sur la question « Les dieux seraient-ils morts » ou sur l’exclamation « Dieu est mort ! »
Il est bien évidemment possible de laisser les élèves choisir une autre question, éventuellement
un autre axe de réflexion que celui de la présence du divin aujourd’hui.
On amènera les élèves à s’interroger sur le fait que les hommes de l’Antiquité semblaient croire
en leurs dieux, alors que le polythéisme a cédé presque toute sa place aux religions monothéistes,
mais également sur le fait que ces religions monothéistes semblent elles-mêmes avoir cédé
beaucoup de terrain à l’athéisme ou à d’autres formes de religiosité qui ne s’appuient sur aucune foi
en un ou plusieurs dieux. Quelles relations les hommes entretiennent-ils aujourd’hui avec le divin ?
Quelle place accorde-t-on à la question religieuse dans notre société ? Quelles sont les nouveaux
« dieux » de nos contemporains ?
Des recherches pourront être faites, notamment sur des sites d’information, afin que les élèves s’appuient
sur des données objectives et vérifiées.
En fonction de la perspective que chacun adoptera, on pourra inviter les élèves à s’appuyer
en particulier sur le texte d’Apulée (p. 83), sur l’extrait du film de Uli Edel (p. 83), sur le texte
de Nietzsche (p. 85), sur la stèle au dieu Silvanus (p. 87), sur les quelques versets de la Bible (p. 91),
sur le roman de Henri Barbusse et le photogramme du film de Steven Spielberg (p. 95).
On évaluera :
- la pertinence de la réflexion ;
- le choix du titre s’il est différent de celui proposé ;
- le choix des intertitres et des parties de l’argumentation ;
- la qualité de l’argumentation et de l’expression ;
- l’appropriation des supports, textes et images, du chapitre ;
- le lien établi avec une éventuelle illustration.

L’homme et le divin • 97
CHAPITRE
4 Soi - même et l´autre

ouverture p. 110-111

Le thème de l’altérité est essentiel pour faire réfléchir les et latin faisant débat. Ainsi la langue renforce le sentiment
élèves sur l’organisation de la société romaine, profondément d’appartenance à une forme de culture, au point d’entraîner
hiérarchisée. Par ailleurs, l’approche du rapport à l’autre un vrai déchirement pour ceux qui subissent l’exil, comme
d’un point de vue spirituel (superstitions, croyances au nous le montrent deux textes consacrés à ce sujet. Enfin, les
surnaturel), ou mental (dédoublement de l’individu, textes antiques sont complétés par la réflexion humaniste
possession, aliénation) permet à la fois un prolongement et et contemporaine. La deuxième double page permet de
un approfondissement de la réflexion sur le fonctionnement réfléchir sur le statut de la langue latine.
de cette société. Le chapitre aborde les quatre entrées au
programme. • Un autre monde : apparitions, fantômes et spectres :
la première double page est consacrée à la vision de la
• Différences de cultures, différences de conditions : sorcellerie par les Romains qui induit une autre forme
Grecs, Romains et barbares ; hommes libres et escla- d’altérité, notamment entre les populations des quartiers
ves : trois textes permettent d’aborder les différences de populaires, très friandes de ce type de pratiques, et les
culture, le rapport des Grecs et des Romains aux peuples dits hommes cultivés. La deuxième double-page, composée d’un
« barbares » mais aussi celui entre les Grecs et les Romains. texte antique et d’un autre du XVIIe siècle, aborde le sujet
Deux autres textes se penchent sur les différences de des apparitions spectrales, prolongeant la réflexion sur la
condition des hommes dans la société romaine ; ils sont croyance au surnaturel au fil des siècles.
prolongés par deux documents modernes qui montreront aux
élèves que le problème de l’altérité traverse les siècles et que, • L’autre en soi : dédoublement, possession et aliéna-
malheureusement, le regard porté sur l’autre peine à évoluer. tion : les deux premiers textes abordent le thème de la folie
en partant du lexique : leur lecture impose une comparaison
• La langue de l’autre : échanger et dialoguer : les sémantique de plusieurs termes de ce champ lexical avec le
deux premiers textes nous plongent dans les origines du mot-clef furor. Le document iconographique de la page de
mot-clef « barbare » qui hiérarchise le monde en une nouvelle droite permet d’approfondir cette première approche. Les
catégorie, selon un critère linguistique : les langues parlées deux textes suivants mettent en scène deux grandes figures
par les hommes civilisés – donc les Grecs et les Romains – mythologiques en proie à la folie. Un document audiovisuel
et les langues barbares. Cette hiérarchie s’étend même à illustre efficacement cette thématique.
l’intérieur de chaque catégorie, la concurrence entre grec

Entrées possibles dans le chapitre

La présentation ci-dessus des différentes entrées déterminées modernes ou contemporains (p. 117 et 115), complétés des
par les programmes officiels est révélatrice de la spécificité suggestions de ce guide pédagogique dans les rubriques
de chacune : il semble donc difficile de croiser les quatre « Prolongements », permettraient de faire la synthèse sur
thématiques qui, tout en ayant comme dénominateur cette notion complexe et fascinante.
commun le rapport à l’autre, ont chacune leurs propres
problématiques. Nous pouvons tout de même envisager - Approche par les différences de condition : on peut en-
quelques propositions afin d’opérer certains glissements visager une séquence sur les différences de condition à
entre les pages de ce chapitre. Rome, en partant de l’expression de l’ordre et de la défense
(Memento p. 157). Les exercices de la p. 133 s’appuient
- On peut entrer dans le thème « Soi-même et l’autre » par notamment sur des comédies de Plaute qui mettent en scène
la grammaire, notamment l’étude des démonstratifs idem et les rapports entre maîtres et esclaves, permettant ainsi de
ipse qui sont liés à l’identité (Memento p. 145-146 ; exercices lancer la séquence sur une tonalité comique, avant d’aborder
d’identification et d’appropriation p. 130-131). des textes impliquant une réflexion plus sérieuse (p. 114).

- Approche par le thème du barbare : ce thème pourrait être - L’Atelier du traducteur serait idéalement utilisé en amont
étudié dans sa globalité et combiner ainsi les deux premiè- d’une séquence sur le surnaturel, le personnage de Tisiphone
res entrées : « la langue de l’autre » et « différences de cultures ». complétant à merveille la galerie des sorcières du chapitre
On pourrait ainsi construire une séquence autour de la (p. 120-121).
sémantique du mot barbare : commencer par les origines du
mot et la limitation de son emploi, dans un premier temps, - Les exercices de la double-page Au cœur des mots (p. 128)
sur un plan purement linguistique (p. 116) ; poursuivre avec la autour des termes-clefs de la tragédie latine complèteront
dégradation de ce terme et la connotation péjorative qu’il a efficacement les pages sur le dédoublement, la possession,
acquise et qui a fini par dominer (p. 112-113). Les documents l’aliénation (p. 124-127).

98 • Soi-même et l’autre
Présentation des documents et problématisation

La Visite chez la magicienne est une mosaïque signée du lire un article intéressant à ce propos sur le site « arts et socié-
mosaïste grec Dioscoride de Samos, et inspirée de la comédie tés » en suivant le lien : www.sciencespo.fr/artsetsocietes/fr/
de Ménandre Συναριστῶσαι (Celles qui dînent ensemble), archives/2483
source de la Cistellaria de Plaute. On y voit représentées trois Le modèle de la photographie est l’amante de l’artiste, la
femmes autour d’une table, ainsi qu’un jeune esclave sur le chanteuse et modèle Kiki de Montparnasse, qui l’aurait fasciné
côté droit, vêtu d’un manteau. Le titre de la mosaïque nous pour « l’ovale parfait de son visage ». Le visage blanc, couché
permet de comprendre que les deux plus jeunes femmes de la femme, mis en valeur par les cheveux tirés en arrière, le
sont en visite chez celle qui porte le masque de la vieille aux maquillage et les yeux fermés, et transformé ainsi en masque,
allures de sorcière ; il s’agit visiblement d’une préparation de contraste avec le masque noir, vertical, que Kiki tient dans sa
philtre d’amour, si on se fie aux deux coupes. Par ailleurs, les main, dans une expression similaire à la sienne.
trois personnages portent un masque, ce qui fait clairement
Si la mosaïque nous invite à constater les pratiques courantes
allusion au théâtre.
de magie dans le monde gréco-romain, la photographie nous
La photographie de Man Ray a été réalisée en 1926, période permet de nous interroger sur notre rapport à l’autre et la
pendant laquelle l’art africain était à la mode dans les milieux rencontre des cultures. Le masque, quant à lui, présent dans
artistiques, notamment chez les surréalistes. Les masques les deux documents, nous fait réfléchir sur le thème du double
africains ont particulièrement fasciné les occidentaux. Man Ray mais aussi sur le vrai et le faux. Il permettra aussi aux élèves de
utilise ici un masque baoulé (Côte d’Ivoire). La thématique de repérer facilement un topos artistique qui balaie les siècles et
« black and white » inspirera l’artiste pour la création de les cultures depuis l’Antiquité.
plusieurs variantes artistiques, y compris en sculpture. On peut

lecture Différences de cultures, différences de conditions :


Grecs, Romains et barbares ; hommes libres et esclaves

Dans les pages Lecture, les onglets de questions sont indépendants les uns des autres.
Il est donc possible de les traiter dans l’ordre que l’on souhaite ou de ne traiter que ceux
que l’on souhaite. Ce dispositif permet d’envisager une approche différenciée des textes.

1 Être Grec ou Romain, mais non barbare ! (p. 112)


D’après l’historien Wilchen Ulrich (1862-1944), le terme Le sens du mot se dégrade notamment pendant les guerres
« barbare » apparaît en Grèce au VIIe s. av. J.-C., pendant la médiques : les Perses non seulement parlent une langue
période de colonisation en Méditerranée, lorsque les Grecs « barbare » mais ils sont catalogués eux-mêmes comme étant
ont été en contact avec des peuples divers et variés. C’est à des « barbares » : pour les Grecs, ils sont grossiers, manquent
ce moment-là que se développe chez les Grecs la prise de de culture, de sens civique. Les Romains vont à leur tour
conscience de leur identité collective, exprimée notamment adopter ce terme pour désigner tout étranger à la culture
à travers leur culture : la poésie, la religion, les mœurs, la grecque ou romaine. Paradoxalement, le terme barbaricus
conception du monde. Les peuples qui ne parlaient pas le grec employé par les Romains pour désigner le cri de guerre des
mais qui prononçaient des syllabes incompréhensibles ont barbares, finira par donner naissance à la famille du mot
été désignés de « barbares », créant une différence linguisti- « brave » (courageux), en passant par métathèse à brabus.
que et non raciale. Selon le grand helléniste Ioannis Kakridis Il sera adopté sur le plan international avec le mot « bravo »
(1901-1992), dans une étude publiée en 1971 à Thessalonique, prononcé en récompense de tout acte de bravoure, toute
« pour les Grecs anciens est initialement considéré comme performance ou toute action accomplie avec succès.
“barbare“ tout peuple allophone, sans aucune nuance L’extrait d’Isocrate permet d’aborder le rapport entre Grecs
péjorative. Quant à l’origine du mot, il s’agirait de la répétition et « barbares » et celui de Cicéron la rivalité entre Grecs et
de la syllabe “bar“ : lorsqu’on entend une langue, quelle qu’elle Romains. L’organisation du passage donné sans traduction,
soit, on la perçoit comme une série de syllabes dénuées ainsi que son lexique transparent, permettront aux élèves
de sens, tel un discours inarticulé, sans syntaxe, sans règles d’en saisir le sens et de le traduire. Enfin, on peut effectuer un
grammaticales ». Ce qui est paradoxal, souligne Kakridis, est travail intéressant sur le lexique, à partir des mots de l’extrait
que « ce terme n’est même pas d’origine grecque mais… de Cicéron qui expriment les qualités des Romains et qui ont
barbare : en sanskrit le mot “barbara“ signifie “bègue“. Mais alimenté notre langue.
tout comme les Grecs, les Indiens auraient emprunté ce mot
aux Sémites : les termes “barbar“ et “barbaru“ en soumérien
et en babylonien ont le sens d’“étranger” ».

TRADUCTION
En effet, existe-t-il une dignité aussi grande, une aussi grande constance, une
grandeur d’âme, probité, loyauté, enfin quelque autre vertu aussi éminente dans
tous les domaines, pour qu’elle puisse être comparée à celle de nos ancêtres ?

Soi-même et l’autre • 99
INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

• Isocrate est né et mort à Athènes de 436 à 338 av. J.-C. il défend avec ferveur la démocratie d’Athènes,
en l’opposant à Sparte qu’il accuse d’avoir asservi
Il a ainsi vécu près d’un siècle, pendant une période
troublée notamment par la guerre du Péloponnèse. et ruiné plusieurs villes de Grèce.
Issu d’un milieu aisé, il bénéficie de l’enseignement • Cicéron rédige en 45 av. J.-C. Les Tusculanes (Tusculanae
de célèbres sophistes, dont Protagoras ou encore Gorgias. disputationes). Il s’agit de cinq dialogues philosophiques
Plus tard, il est le disciple de Socrate qui l’influence pro- inspirés des dialogues platoniciens, dans lesquels
fondément. Il exerce le métier de logographe, puis celui le philosophe dialogue, à la manière de Socrate, avec
de professeur de rhétorique au sein de sa propre école. des disciples dans sa villa de Tusculum, ville du Latium.
Il est l’auteur de plusieurs plaidoyers civils, d’éloges, de Très influencé par le stoïcisme, il prône l’immortalité
discours, dont le plus célèbre est le Panégyrique (380 av. J.-C.) de l’âme, méprise les passions et fait l’éloge de la vertu.
qui constitue un éloge d’Athènes, de la culture de cette Le livre I, intitulé « De contemnenda morte » (« De la mort
ville et de son rôle capital pendant les guerres médiques. qu’il faut mépriser »), dont est tiré notre extrait, débute
Le Panathénaïque est sa dernière œuvre, composée par une réflexion sur la supposée dette culturelle
à l’âge de 94 ans, dans laquelle il reprend les mêmes idées : des Romains aux Grecs.

Lexique
1. « Virtute » (l. 3 et 6) : virtus, tis, f. : l’ensemble de qualités qui - disciplina G discipline, discipliné, disciplinaire. Le mot
font la valeur de l’homme (vir) moralement et physiquement ; « discipline » au Moyen Âge acquiert la dimension de
il s’agit donc des qualités morales (vertu, maîtrise de soi, punition et est incarné par un objet de correction : un fouet
courage) mais aussi des qualités viriles (bravoure, courage, à base de cordelettes ou de petites chaînes. De nos jours, le
vaillance) ; terme est associé à une règle de conduite et à l’obéissance
- « disciplina » (l. 3) : disciplina, ae, f. : ce terme est lié à l’action à cette règle : la discipline dans la classe. Il est également
d’apprendre, de s’instruire (discipulus), donc l’enseigne- associé à une matière d’enseignement (disciplines littéraires,
ment, l’éducation, la formation et la rigueur en matière scientifiques…) ;
d’organisation ; associé à l’armée (militari, l. 3), formation du - gravitas G gravité, gravitation, graviter. La gravité en
soldat ; français est synonyme d’austérité ou de dignité. Le terme
- « gravitas » (l. 5) : gravitas, atis, f. : étymologiquement, le terme indique aussi une importance : la gravité d’une erreur. Enfin, il
est lié à la lourdeur, la pesanteur (gravis). Il s’agit ici de la fermeté est associé à la pesanteur (gravis) ;
et de la dignité du caractère, de la noblesse d’âme. - constantia G constance, constant, constamment, constante
- « constantia » (l. 5) : constantia, ae, f. : il s’agit de la qualité de (n. f.). Le terme « constance » en français est assez proche à
celui qui est constans, ferme moralement, constant ; celui du latin : il s’agit d’une force morale, d’une fermeté
d’âme, de la persévérance ; dans le domaine amoureux, il est
- « magnitudo animi » (l. 5) : magnitudo, inis, f. : grandeur synonyme de fidélité (on pourrait prolonger en évoquant la
(magnus) ; associé à animi désigne la grandeur d’âme, célèbre pièce d’Oscar Wilde, L’Importance d’être constant) ;
l’élévation morale ;
- magnitudo G magnitude. Si le mot est très proche du latin
- « probitas » (l. 5) : probitas, atis, f. : ce terme désigne jusqu’au Moyen Âge (signifiant grandeur, puissance), de nos
l’honnêteté, la « bonté » d’un point de vue moral (probus), la jours il revêt plutôt un caractère scientifique : en astronomie il
loyauté, la droiture ; mesure le rayonnement d’un astre ; en géophysique il mesure
- « fides » (l. 5) : fides, ei, f. : foi, en particulier la bonne foi, la l’ampleur d’un séisme. Dans les deux cas, il est associé à la
loyauté, la confiance, la parole donnée, la fidélité. notion de « puissance », proche de sa source latine ;
2. Virtus G vertu, vertueux, vertueusement. Le mot « vertu » - probitas G probité, probe. Le mot probité est synonyme de
en français conserve le sens moral. Il s’agit d’une énergie droiture, intégrité, honnêteté : il est donc très proche de son
morale associée au courage ; de manière générale, de la étymologie ;
disposition de l’être humain à accomplir des actes moraux. - fides G foi, fidélité, fidèle, fidèlement, fidéliser, fidéisme
Au Moyen Âge, il prend également le sens de « pouvoir », (doctrine qui s’appuie sur la foi, la révélation). On retrouve
« propriété » : vertu médicale, thérapeutique… ; dans les dérivés du mot latin en français ses différentes
nuances sémantiques.
Traduire
Voir la traduction.

Comprendre
1. Dans notre extrait, le terme « nos ancêtres » indique les forte connotation péjorative et s’oppose au citoyen « civilisé »
ascendants des Athéniens ; l’expression « entre les Grecs » qu’incarne le Grec et, en particulier l’Athénien de l’époque de
désigne les différentes cités grecques ; enfin, le mot l’orateur.
« barbares » indique les non-Grecs, les premiers montrés du 2. Pour le philosophe, les Romains sont supérieurs aux Grecs
doigt étant les Troyens (« depuis l’époque de la Guerre de en matière d’organisation et de gestion de la vie quotidienne
Troie »). La fin de l’extrait oppose l’Europe à l’Asie, la barbarie (« resque domesticas ac familiaris »). Il en est de même dans
étant ainsi localisée en Asie. Le mot « barbare » a donc ici une la gestion du domaine public (« rem vero publicam »),

100 • Soi-même et l’autre


notamment celui de la législation, ainsi que du domaine - les questions rhétoriques ;
militaire (« re militari »). Cicéron rend hommage aux qualités - l’utilisation d’un lexique valorisant pour les Romains ;
propres au peuple romain, la virtus et la disciplina, ainsi que - l’utilisation de comparatifs valorisant les vertus des Romains
toutes les qualités morales qu’il énumère dans les lignes qui (melius ; lautius ; melioribus) ;
sont données à traduire par les élèves. - les rythmes binaires (et melius… et laetitus ; et institutis et
3. Nous retrouvons dans ce court extrait le grand talent legibus) ;
de l’orateur qu’était Cicéron à travers plusieurs procédés - l’énumération des qualités romaines, ponctuée par
rhétoriques : l’anaphore de tanta qui leur confère une connotation
- le système d’énonciation : l’utilisation de la première hyperbolique.
personne du pluriel qui inclut systématiquement le lecteur
dans le propos du philosophe ;
prolongements

On pourrait proposer aux élèves l’extrait ci-contre de Lysias. « Étant bons par nature et partageant les mêmes valeurs, d’une part les
À Athènes, l’hommage aux hommes morts à la guerre était ancêtres des hommes tombés ici ont accompli de grands actes, dignes
une obligation à caractère sacré : l’État organisait alors une grande d’être admirés, et d’autre part, leurs descendants ont laissé derrière eux
cérémonie majestueuse. C’est lors de cette cérémonie que le discours des trophées immortels et grandioses. En effet, ils sont les seuls à avoir
de Lysias fut prononcé. encouru de grands risques pour toute la Grèce contre plusieurs milliers
Dans l’extrait proposé ci-contre, on retrouve des éléments que l’on pourrait de barbares. Car le roi de l’Asie, espérant asservir l’Europe, a envoyé
croiser à ceux repérés dans l’extrait d’Isocrate. Les Athéniens honorés contre Athènes une armée de cinq cent mille hommes. »
par l’expression « les ancêtres de hommes tombés ici » ont combattu
Lysias (445-380 av. J.-C.), Éloge funèbre des guerriers d’Athènes,
les « barbares » (ici les Perses). Une fois de plus, Athènes est associée
morts en secourant les Corinthiens, 20-22.
à l’Europe et à la civilisation, tandis que l’Asie représente la « barbarie ».

2 Rome, l’immortelle (p. 113)


Le texte proposé est un éloge de Rome, d’autant plus glorifiant que son auteur est d’origine gauloise.
Il peut être confronté au document iconographique, extrait de l’arc de triomphe de Marc-Aurèle.
Le fichier audio sera utile à l’appropriation du texte latin et facilitera l’accès à la traduction des vers latins
non traduits.
INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

• Rutilius Namatianus est un auteur toulousain du V s., e deux ressentant ce départ comme une blessure : car,
comme pour Ovide, l’esprit de Rutilius Namatianus sera
donc d’origine gauloise, qui a exercé de hautes fonctions :
ministre de la Police, puis Préfet. Après avoir vécu toujours fixé à sa ville idéale et non à sa terre natale.
longtemps à Rome, il retourne dans sa ville natale en • L’empereur philosophe Marc-Aurèle (121-180), comme
417 : c’est de ce « retour » dont il s’agit dans De reditu suo. Rutilius Namatianus, n’est pas un « pur Romain » : malgré
Rutilius Namatianus fut l’un des derniers défenseurs du sa naissance à Rome, ses origines sont espagnoles. Le lien
culte païen ; il aurait fait partie du cycle des Nicomaques ci-dessous, intéressant à exploiter avec les élèves, nous
et des Symmaques, deux grandes familles défendant offre une biographie complète et concise de l’empereur,
le paganisme auprès de l’empereur Théodose Ier. Pour agrémentée d’une émission de « Bouillon de culture » :
ces défenseurs de la gloire de Rome, l’avenir de l’Empire www.les-philosophes.fr/auteur-marc-aurele.html
dépend du redressement de la Ville éternelle. Ainsi, sur • L’arc de triomphe de Marc-Aurèle a été démoli en 1662.
un ton tantôt lyrique, tantôt satirique, le poète s’attache Le bas-relief représentant l’empereur soumettant
à faire l’éloge de Rome, à travers des descriptions de des prisonniers barbares, daté de 176-180, est conservé
paysages qu’il traverse et des réflexions personnelles au Musée du Capitole, avec d’autres bas-reliefs, dans
souvent mélancoliques. Le distique élégiaque choisi l’escalier du Palais des Conservateurs dédié à Marc-Aurèle :
rappelle celui des Tristes d’Ovide. On pourrait d’ailleurs www.museicapitolini.org/fr/percorsi/percorsi_per_
inciter les élèves à établir un parallèle entre la situation des sale/museo_del_palazzo_dei_conservatori/scalone/
deux hommes : les deux quittent Rome pour des raisons rilievo_da_monumento_onorario_di_marco_aurelio_
différentes (que nous connaissons mal dans les deux cas), sottomissione_dei_germani
l’un de manière involontaire (Ovide) et l’autre assumée
(probablement afin d’accomplir une mission), tous les

TRADUCTION
Et toi, qui entoures le monde de tes lois et de tes triomphes,
Tu fais vivre tout l’univers dans un pacte commun ;
C’est toi, déesse, toi que célèbre le peuple romain d’où qu’il soit
Et, grâce à ton joug pacifique, il porte une tête libre. […]
Ton règne n’est pas à la hauteur de ton mérite grâce auquel tu règnes,
Par tes actes tu dépasses ta grande destinée.

Soi-même et l’autre • 101


Traduire
Le repérage rapide de l’apostrophe est indispensable pour une traduction pertinente du texte.
Comprendre
Le poète s’adresse ici à Rome, comme s’il s’adressait à une verbes sont également à la deuxième personne du singulier
déesse. Il l’apostrophe en utilisant le pronom personnel à la (« legiferis », « facis », « regnas », « mereris », « excedis »). Il s’agit
deuxième personne du singulier (« tu », « te ») ; il emploie le donc d’une allégorie.
possessif à la deuxième personne du singulier (« tuis ») ; les

Interpréter
Marc Aurèle (121-180) est présenté ici à cheval et en cuirasse. Les arcs de trimphe constituent un moyen spectaculaire
On le reconnaît facilement grâce à ses cheveux bouclés et de la glorification de la domination romaine. La position
à sa barbe, ainsi que son air calme et posé de philosophe équestre est symbolique : l’homme n’est plus représenté
stoïcien. Se tiennent autour de lui ses soldats après la victoire dans une stature fragile, humaine, mais c’est le chef de guerre
contre les Marcomans (peuple germanique) et les Sarmates qui est mis en exergue, à cheval, victorieux, au-dessus du
(peuple scythique). Leur regard fier est dirigé vers l’empereur. citoyen commun. Par ailleurs, le cheval est un animal fier et
On peut enfin observer à ses pieds, agenouillés, suppliants, noble qui apparaît ici dans une dignité égale à son cavalier.
les barbares vaincus. Enfin, la présence des captifs barbares, en position de
Le poète glorifie Rome en la déifiant. La suprématie romaine supplication, au niveau des pattes de l’animal, scelle le statut
est mise en exergue grâce à un lexique valorisant, insistant de dominateur de l’empereur romain. Le regard de ce der-
sur les bienfaits des conquêtes romaines sur les peuples nier, calme et serein, ainsi que la position de son bras tendu,
conquis, présentés par l’hyperbole « mundum ». Rome sont à la fois symboliques de sa grandeur et garants de sa
incarne la protection (« complexa ») ; son joug est pacifique clémence. N’oublions pas que le grand Marc-Aurèle, tel un
(v. 2, 4) ; elle garantit la liberté à ses citoyens (v. 4). Sa grandeur bon adepte de la philosophie stoïcienne, malgré sa position
est soulignée par le lexique du triomphe et du pouvoir : de vainqueur, se doit de demeurer modeste et mesuré.
« triumphis », « regnas », « regnare ». Le dernier vers la place prolongements
une fois de plus au niveau des dieux, puisqu’elle est capable
de dépasser son destin. Ce relief est à associer à la statue équestre de Marc-Aurèle au Capitole :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Statue_%C3%A9questre_de_Marc_
Aur%C3%A8le
3 Être esclave à Rome (p. 114)
Le court extrait de Varron donné en traduction est très significatif sur le statut de l’esclave à Rome.
L’anecdote rapportée par Tite-Live témoigne de l’évolution possible d’une condition sociale
à une autre : si l’affranchissement est probablement connu par les élèves, la situation inverse est
également une réalité, comme nous le montre cet extrait. Le codage en couleurs du texte à traduire
est une approche intéressante de la traduction qu’on retrouvera dans l’Atelier du traducteur (p. 136).
TRADUCTION Informations supplémentaires
Un vieil homme, chargé des marques de toutes ses souf- Varron (116 à 27 av. J.-C.) est un auteur polyvalent
frances, se jeta sur le forum. Son vêtement était plein de de la République. Il est doté d’une grande curiosité
saleté ; l’aspect de son corps était encore plus répugnant, intellectuelle et possède une vaste culture. Il écrit
abîmé par la pâleur et la maigreur ; sur ce, sa barbe et ses des satires (Les Ménippées, en 150 livres), les Logistorici
cheveux longs rendaient son visage farouche. Pourtant, on (76 livres qui traitent de l’éducation, morale, religion…),
le reconnaissait malgré toute cette hideur ; on disait qu’il les Antiquitates (41 livres au total consacrés à l’étude
avait été centurion et tout le monde vantait, en le plaignant, de l’Antiquité), les Imagines (ouvrage illustré de la
les autres gloires de son service ; lui-même, montrait les littérature latine), le De lingua latina (25 livres de
cicatrices qu’il avait reçues contre sa poitrine, témoins linguistique). Il a 80 ans quand il rédige son traité
d’honnêtes combats livrés dans plusieurs endroits. consacré à l’économie rustique, en trois livres.

Traduire
Voir la traduction.
Comprendre
1. Dans notre extrait de Varron, l’esclave agricole (car c’est malorum suorum insignibus » indique clairement que les
de la familia rustica dont il s’agit ici) fait partie des instrumenti dégâts sont visibles :
genus vocale. Il fait donc partie des rebus indispensables - la saleté de ses vêtements (« squalore vestis ») ;
au travail agricole. Quant au récit rapporté par Tite-Live, - un corps dégradé par le manque de nourriture et d’hygiène
il témoigne des traitements inhumains infligés à une partie (« foedior corporis habitus pallore ac macie perempti » ;
de la population romaine en toute légalité par les patriciens « promissa barba ») ;
pendant la République. - il est démuni de tous les biens qui lui permettent de vivre
2. Tite-Live nous donne le portrait d’un être humain très dignement (l. 14-20).
abîmé physiquement et moralement. L’expression « omnium

102 • Soi-même et l’autre


Interpréter
Les origines les plus fréquentes de l’esclavage à Rome sont les - lexique dévalorisant pour mettre en relief sa dégradation
guerres ou la piraterie. Un homme libre peut cependant, dans physique qui le rend méconnaissable ;
certains cas prévus par la loi, être amené à devenir esclave. - lexique pathétique qui insiste sur sa misère et son malheur
C’est ce que raconte ici Tite-Live. Au début de la République, (« malorum suorum » ; « miserantes ») ;
les inégalités entre les plébéiens et les patriciens prennent
- présence d’un public-témoin qui reconnaît l’homme
des proportions de plus en plus importantes. Il est alors
qu’il fut avant cette dégradation : utilisation de tournures
fréquent de devenir esclave suite à un endettement forcé à
impersonnelles (« Noscitabatur » ; « aiebant » ; « jactabant ») ;
des taux inacceptables (le nexum). L’historien relate dans cet
extrait un incident qui provoqua l’indignation du peuple. En - l’injustice apparente de sa situation est appuyée par le verbe
326, sera votée la Lex Poetelia Papiria qui abolira le nexum. « ostendebat » qui témoigne de ses services rendus à la patrie ;
Tite-Live utilise un registre pathétique pour sensibiliser - le récit du personnage rapporté au discours indirect ;
le lecteur. Il brosse le portrait d’un citoyen dénué de son - rythme ternaire qui insiste sur ses pertes (l. 14) ;
humanité, en utilisant plusieurs procédés : - la chute glaçante du récit.

prolongements

• On pourrait exploiter avec les élèves le texte latin de Varron, n’est pas remis en question par le stoïcien. Il incite cependant les maîtres
donné ci-dessous et assez simple à traduire : à se montrer plus tempérés vis-à-vis de leurs esclaves, en reconnaissant
« Nunc dicam agri quibus rebus colantur. Quas res alii dividunt in duas à ces derniers la dotation d’un esprit.
partes : in homines et adminicula hominum, sine quibus rebus colere
non possunt. Alii in tres partes : instrumenti genus vocale et semivocale et
• Le corps de l’esclave appartient à son maître !
« Celui qui pense que la servitude envahit l’homme tout entier
mutum ; vocale, in quo sunt servi, semivocale, in quo sunt boves, mutum, se trompe : la meilleure partie de lui-même en est exempte. Les corps
in quo sunt plaustra. » sont soumis et obéissent aux maîtres : mais l’esprit conserve son propre
• Pour compléter la réflexion sur le statut des esclaves à Rome, on jugement […]. C’est donc le corps que la fortune a accordé au maître.
pourrait proposer l’extrait ci-dessous de Sénèque qui, tout en laissant C’est le corps qu’il achète, le corps qu’il vend : la partie “intérieure”
à l’esclave sa liberté de penser, il ne pousse pas l’audace jusqu’au point ne peut devenir sa propriété. »
de lui accorder sa liberté en tout et pour tout ! Le principe de l’esclavage Sénèque, Ier s., Des bienfaits, III, 20.

4 Un débat inhumain sur l’humanité (p. 115)


Les deux documents de cette page permettront l’approfondissement de la réflexion sur l’altérité.
Le premier est un document audiovisuel, extrait de l’adaptation cinématographique de La Controverse
de Valladolid d’après le roman et le scénario de Jean-Claude Carrière ; le deuxième est un extrait
de la nouvelle de Guy de Maupassant Boitelle.
Ces deux documents touchent, chacun à sa manière, à la problématique du rapport à l’autre.
Tout d’abord, dans La Controverse de Valladolid, l’auteur reconstitue, à partir de faits historiques réels,
une controverse, qui a lieu dans un couvent espagnol en 1550 et dont le débat consiste à déterminer
si les Indiens découverts pendant la période de colonisation, ont bel et bien une âme : se pose
ainsi la légitimité de l’esclavage auquel ils sont réduits d’office. La nouvelle réaliste de Maupassant,
écrite en 1889, nous emmène en Normandie, dans un milieu rural, fermé, meublé de toutes sortes
de superstitions qui frisent le ridicule, exprimées naïvement par les parents du malheureux Antoine.

INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
Pour une documentation plus détaillée sur la controverse de Valladolid, voir les sites ci-dessous :
www.herodote.net/15_aout_1550-evenement-15500815.php
www.cairn.info/revue-le-telemaque-2006-1-page-7.htm2
Pour une lecture intégrale de la nouvelle (très facile à lire et très touchante), aller vers le lien
ci-après : http://maupassant.free.fr/textes/boitelle.html

Confronter
1. Aussi bien dans La Controverse de Valladolid que dans Romains ont imposé leur culture aux peuples « barbares »
Boitelle, les regards portés sur l’autre sont des regards de conquis ;
suspicion, de condescendance, de mépris. On est toujours - pour Varron, les esclaves ne sont que des objets dotés de
« le barbare » de quelqu’un : parole ;
- pour Isocrate, les non-Grecs sont des barbares pour les - pour Sepúlveda, les Indiens sont des sauvages, des « bar-
Grecs, les Asiatiques pour les Européens ; bares » dénués de sentiments, de toute forme d’intelligence ;
- il en est de même pour Rutilius Namatianus : les guerres de - pour les Normands de l’époque de Maupassant, les Noirs
conquête des Romains n’étaient que trop justes puisque les sont semblables au « diable ».

Soi-même et l’autre • 103


2. Dans tous les documents, les peuples dits « civilisés » à exercer une violence physique et psychologique sur les
affichent une attitude de domination « de droit », justifiée par Indiens pour savoir s’ils sont capables d’avoir des sentiments,
leur statut de « peuples supérieurs » : en arrachant de leur bras avec brutalité leur enfant.
- Les Grecs et les Romains mènent de « justes guerres » 3. Finalement, la barbarie est liée à l’ignorance et à la bêtise
(Rumilius Namatianus) contre les barbares contre lesquels ils de ceux qui sont censés être supérieurs aux autres. L’extrait
« cultivent leur haine » (Isocrate). Il en est de même pour les de Maupassant permet de bien faire réfléchir les élèves sur
colons du XVIe s. ce point : les parents d’Antoine, enfermés dans leur monde
- Les Romains cultivent les inégalités au sein même de leur étriqué, vont jusqu’à croire que la peau noire salit le linge… Si
pays, les rapports entre eux reposant ainsi sur la loi du plus des progrès ont été réalisés depuis l’Antiquité dans le domaine
fort. L’exemple rapporté par Tite-Live est assez éloquent : des inégalités, notamment après l’abolition de l’esclavage, ce
l’état du personnage réduit à l’esclavage par son créancier, n’est pas pour autant que le rapport à l’autre a profondément
après avoir été torturé, est révélateur des inégalités sociales. changé. Le sujet reste d’une affligeante actualité.
- Les peuples dits « civilisés » se montrent méprisants vis-à-
vis de l’autre, voire violents. L’extrait de La Controverse de
Valladolid est particulièrement percutant : on n’hésite pas

pistes pour construire un portfolio


Le beau poème « En attendant les barbares » du grand une lecture du texte traduit par Dominique Grandmont
poète grec Constantin Cavafy (1863-1933) pourrait pour les éditions Gallimard.
permettre aux élèves d’approfondir leur réflexion sur cette - http://grecehebdo.gr/index.php/culture/romans-poesie/1849-
notion de « barbare » et sur toutes les ambiguïtés qu’elle po%C3%A9sie-constantin-cavafy,-en-attendant-les-barbares
cristallise. Le premier lien ci-dessous présente le texte - www.youtube.com/watch?v=nSXsn_4G_aE
traduit par Marguerite Yourcenar ; le second envoie vers

lecture La langue de l’autre : échanger et dialoguer

1 « Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme… » (Nicolas Boileau, Art poétique) (p. 116)
Les deux textes de cette page proposent une approche sémantique du mot « barbare » via
une confrontation du point de vue de Strabon et celui d’Aulu-Gelle. Un prolongement peut être
effectué en français avec les exercices de lexique de la page. Par ailleurs, le texte donné à traduire
aux élèves peut être abordé facilement en s’appuyant sur son organisation et sur l’aide lexicale.

Informations supplémentaires TRADUCTION


Ce que les Grecs appellent prosodie, nos anciens savants
• À propos du mot « barbare », voir l’introduction l’appelaient tantôt « signes vocaux », tantôt « mesure »,
à la p. 112.
tantôt « accent », tantôt « accentuation » ; en ce qui
• À propos de l’origine de la langue française, un dossier
concerne ce que nous appelons de nos jours parler « à la
très complet en trois temps est à consulter sur le lien
barbare », ils disaient que ce défaut de langage n’était pas
ci-après : www.herodote.net/Aux_origines_de_notre_
langue_1_3_-synthese-2087-450.php barbare mais « rustique » et que ceux qui parlaient avec
ce défaut, parlaient « à la façon rustique ».

Comprendre
1. Pour le grand géographe, le mot « barbare » désigne à 2. Pour Aulu-Gelle, ce terme est récent et se confond avec
l’origine une personne qui déforme le langage soit en raison différents mots qu’on utilisait pour désigner des défauts de
d’un défaut de langue, tel le bégaiement, ou bien à cause prononciation, liés aux accents, et en particulier à l’accent
d’une prononciation erronée d’un mot. Plus tard, ce terme est « rustique », « paysan ». Les mots latins qui, pour l’auteur se
attribué aux personnes qui malmènent la langue grecque, confondent avec le terme « barbare » sont : « notas vocum »,
c’est-à-dire les étrangers qui n’arrivent pas à l’apprendre « moderamenta », « accentiunculas », « voculationes » ou encore
correctement. « rustice loqui ».
Lexique
1. En français, le terme désigne une faute grossière du répertoriant. En voici quelques-uns : aréoport pour aéroport ;
langage, la déformation d’un mot, mais aussi une mauvaise disgression pour digression ; astérix pour astérisque ; infractus
tournure syntaxique (solécisme). pour infarctus ; solutionner un problème pour résoudre un
2. Cet exercice amusera les élèves qui n’auront pas de mal à problème ; si j’aurais su pour si j’avais su…
trouver des exemples de barbarismes, de nombreux sites les

104 • Soi-même et l’autre


Traduire
L’organisation de la phrase est assez simple et peut être lue de manière intuitive par les élèves, grâce au
relatif de liaison, repris par le pronom de rappel et la ponctuation par l’adverbe « tum » suivi d’un COD entre
guillemets : « Quas [Graeci dicunt prosodias], eas [veteres docti appellabant] tum… tum… tum… tum… ».

prolongements
On pourrait proposer aux élèves de faire des recherches sur l’origine et l’évolution de la langue
indo-européenne de leur choix. Pour un repérage facile, voir la p. 25 et le lien ci-après :
www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/famindeur.htm

2 Il n’y a pas de langue barbare ! (p. 117)


Les documents proposés prolongent le débat sur la hiérarchisation ou la noblesse des langues.
Celui de du Bellay montrera aux élèves le point de vue du grand humaniste défenseur de la langue
française ; celui du romancier grec Vassilis Alexakis leur offrira, à travers ce petit extrait poétique,
le regard d’un homme sensible à la beauté de chaque langue.

Informations supplémentaires
Voici une présentation de Vassilis Alexakis par lui-même, de publier quoi que ce soit en Grèce, à cause des colonels.
extraite de son site : mapage.noos.fr/meloceane/vassilis. J’ai écrit mon premier roman en français, et le deuxième,
alexakis/vassilis_alexakis.html et le troisième. Puis j’ai eu la nostalgie de ma langue
« Je suis né à Athènes en 1944. Je suis arrivé très jeune en maternelle et j’ai écrit Talgo en grec. Je l’ai réécrit en
France (17 ans). Je ne connaissais pas encore la langue. J’ai français, de même que j’ai réécrit en grec mes autres
d’abord travaillé comme dessinateur. Je faisais des dessins livres. Je suis revenu au français avec Contrôle d’identité.
d’humour. Quand j’ai appris la langue, j’ai commencé Je me suis expliqué sur ce va-et-vient entre deux cultures
à travailler comme journaliste. J’ai collaboré au Monde et deux langues dans Paris-Athènes. »
et à d’autres journaux. Il était impensable, à l’époque,

Confronter
1. Pour du Bellay, chef de file de la « Brigade » que fut à l’origine 3. Dans notre extrait de la Géographie de Strabon, l’auteur ne
le groupe de la Pléiade, il ne peut avoir de classification manifeste a priori aucun jugement de valeur concernant les
qualitative des langues, chacune étant représentative du génie langues, qui semblent être pour lui un moyen d’expression,
de son peuple. Pour ce groupe novateur, la poésie française son approche étant purement scientifique. Aulu-Gelle
doit être libérée du modèle médiéval étriqué, et réinvente la adopte, à son tour, une démarche comparable à celle de
lecture des textes antiques, qui deviennent ainsi des sources son prédécesseur grec, en se penchant plus spécialement
précieuses pour une conception humaniste du monde et non sur l’histoire du mot « barbarisme » en latin. Ainsi, pour les
des outils d’aliénation. Le moyen d’expression doit être pour deux auteurs antiques, le mot n’est pas associé à la langue
eux, le français en France : l’ouvrage Défense et illustration de de l’autre mais à un mauvais usage de la langue grecque ou
la langue française, adopté par les poètes de la Pléiade en tant latine réciproquement.
que manifeste littéraire, milite pour la reconnaissance de la Les deux auteurs de la p. 117 affichent une attitude très
noblesse du français au même titre que le latin. Alexakis rejoint respectueuse de la langue de chaque peuple. Pour tous
en quelque sorte du Bellay, dans la mesure où, pour lui, chaque les deux, elles sont intimement liées à ceux qui les parlent :
langue représente une sorte de porte ouverte pour accueillir pour du Bellay elles « ne sont nées d’elles-mêmes en façon
les réflexions, les émotions de chacun, y compris de ceux dont d’herbes, racines et arbres… mais toute leur vertu est née au
elle n’est pas la langue maternelle ; chaque langue est donc monde du vouloir et arbitre des mortels » ; Alexakis illustre
dotée d’intelligence et de générosité. le propos de du Bellay avec l’exemple de l’onomatopée.
2. En sango le mot demain est une onomatopée associée au Par conséquent, chaque langue est pour les deux auteurs
chant du coq. Il s’agit donc d’une formation imagée. l’enfant de son peuple et le moyen d’expression de sa propre
conception du monde.
pistes pour construire un portfolio
L’extrait du roman Paris-Athènes de Vassilis Alexakis, langues, la maternelle et celle d’adoption, véritable outil
présenté dans le lien ci-dessous, pourrait prolonger la d’expression pour lui. L’auteur revendique avec ferveur
réflexion sur les langues. Il pourrait même être le support son droit à s’exprimer en grec ou en français par lui-même,
d’un portfolio, diptyque textuel, en dialogue avec l’extrait sans passer par la case « traduction littéraire » dans
des Pontiques d’Ovide. Alexakis nous livre dans quelques un sens ou l’autre.
lignes très émouvantes son rapport avec la langue www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-
française et son accueil par les Français en tant qu’auteur 25-avril-2019
francophone, son va-et-vient permanent entre ses deux

Soi-même et l’autre • 105


3 Être seul et incompris (p. 118)
Les deux extraits des œuvres d’Ovide rédigées durant son exil illustrent le regard des Romains
sur les langues dites « barbares ». Ces courts extraits pourraient être le support d’une récitation,
prenant appui sur le beau tableau de Theodorescu-Sion.

Informations supplémentaires

• Pour bien faire comprendre les états d’âme d’Ovide dans ci-dessus, et bien d’autres dont aucune n’a été
véritablement attestée. Le poète aurait été témoin
ces deux œuvres, il est nécessaire de les contextualiser.
Pour des raisons obscures, le poète tombé en disgrâce d’un événement gênant pour Auguste. Quoi qu’il en soit,
d’Auguste en 8, est contraint de s’exiler à Tomis, l’actuelle Ovide a très mal vécu ce départ involontaire et n’a révélé
Constanza, en Roumanie, sur la Mer Noire. Il s’agit d’une dans aucun de ses écrits son secret : pour les auteurs
punition très sévère car il se retrouve en tant que relegatus, de la Littérature latine (PUF, 1993) H. Zehnacker
c’est-à-dire banni à jamais, sans la possibilité de s’en et J.-C. Fredouille, il aurait reçu l’ordre de se taire…
éloigner, dans une partie de l’Empire très rude, loin Pendant cette période, il composa deux recueils sur l’exil,
de tout, nécessitant des mois de voyage pour y accéder. les Tristes (cinq livres) et les Pontiques (quatre livres) ainsi
Il se sent enfermé dans un espace dangereux, menaçant qu’un poème didactique sur les poissons et la pêche
et lié à des mythes effrayants : à proximité, les Scythes, en Mer Noire, les Halieutiques, dont il ne nous reste
peuple sauvage ; vers l’est la Tauride, célèbre pour qu’une centaine de vers environ.
le sacrifice d’Iphigénie et la Colchide, pays de Médée. Voir www. mediterranees.net/litterature/ovide/boissier.
Il faudra attendre Hadrien pour que Tomis se trouve sur html
son « mur », devenant ainsi un endroit sécurisé. Le motif
prétexté était l’immoralité de son recueil l’Art d’aimer,
• Ion Theodorescu-Sion (1882-1939) est un peintre
et dessinateur roumain, ayant traversé plusieurs
publié plusieurs années auparavant. Pour Gaston Boissier, mouvements artistiques comme le postimpressionnisme,
dont la thèse sur l’exil du poète est en lien ci-dessous, le réalisme, le symbolisme, le fauvisme ou encore le
le recueil aurait joué un rôle fondamental, dans la mesure cubisme, en passant par l’Art Nouveau. Il a aussi exploré
où il aurait été la cause des histoires adultères des femmes des champs dits « néo-traditionnalistes » comme le
de la famille d’Auguste. courant néo-byzantin. Il fut influencé par Cézanne, Derain,
En effet, la date de publication du recueil coïnciderait avec Fantin-Latour, Braque… Artiste avant-gardiste, il peine
celle de l’exil de la fille de l’empereur, Julie ; quant à l’exil à conquérir le public de son époque qui finit par
d’Ovide, il aurait suivi l’adultère de la petite-fille d’Auguste, reconnaître son talent, notamment pendant sa période de
Julie, avec le jeune et noble Silanus. Évidemment, seul le peintre de guerre (années 1910). Il s’agit donc d’un peintre
recueil n’explique pas la cause de cette disgrâce soudaine. inclassable, se remettant toujours en question, en passant
De nombreuses hypothèses en expliqueraient les raisons : par des moyens d’expression extrêmement variés.
un complot politique, l’adultère de Julie évoqué

TRADUCTION
Traduction des Tristes :
Voici que le ciel s’ouvrit devant moi dont, soudain la vue
Ici, le barbare c’est moi, car je ne suis compris par personne
et les Gètes stupides se moquent des mots latins ;
Ils disent souvent, sans crainte, du mal de moi, en ma présence,
Peut-être me reprochent-ils mon exil.
Et, comme cela arrive, pendant qu’ils parlent, ils s’imaginent n’importe quoi
comme souvent je fais des signes pour dire oui ou non.

Traduction des Pontiques :


Ah ! J’ai honte : j’ai écrit un petit livre en langue gète
et j’ai organisé des mots barbares selon notre prosodie :
et j’ai plu – félicite-moi ! […]
Veux-tu connaître le sujet ? Des louanges : j’ai parlé de César !

Traduire
1. Les verbes qui se rapportent à ego sont : « sum » et « intellegor ». Les verbes qui se rapportent
à Getae sont : « rident », « loquuntur » et « obiciunt ».
2. Voir les traductions.

106 • Soi-même et l’autre


Comprendre
1. Ovide se qualifie de barbare au milieu des Gètes car il ne 3. Ion Theodorescu-Sion met en relief le sentiment de solitude
parle pas la langue gète et que les Gètes ne parlent pas le profonde éprouvée par Ovide dans un tableau très émouvant,
latin. Il exprime donc un fort sentiment d’incompréhension. intitulé Ovide en exil. L’isolement du poète est mis en exergue,
Évidemment, cette qualification a une connotation antiphras- grâce à une diagonale, qui situe celui-ci à l’extrême gauche
tique car elle est paradoxale : pour les Romains, ce sont bien les du tableau. Sa position fermée – bras croisés, visage incliné –
Gètes qui incarnent la barbarie ; Ovide, grand poète romain ne traduisent sa coupure avec le monde environnant. Ovide
pourrait être qualifié de barbare ! est tourné vers la mer, symbole d’ouverture et d’espoir. Les
2. Ovide a honte d’avoir écrit en langue gète, la langue noble couleurs pastel qui mettent le poète en accord avec le paysage
par excellence étant, pour lui et pour tous les Romains, le latin. ajoutent une dimension supplémentaire de tristesse. Le ciel
nuageux, hostile, semble peser lourd sur la tête du poète, livré
à ses pensées.
Interpréter
1. Ovide se montre particulièrement méprisant vis-à-vis ne parle pas la langue gète ; or, par la suite, non seulement il la
des Gètes. Pour lui, ils sont « stupides » (« stolidi », les Tristes). parle, mais il est capable de s’en servir de manière poétique.
Dans les Tristes, il les considère incapables de comprendre sa Son appropriation de la langue manifeste une certaine volonté
situation et, contre toute attente, dans les Pontiques il exprime d’intégration dans ce pays d’exil. Toutefois, le sujet de son
son étonnement d’avoir été apprécié (« placui »). La parenthèse livre demeure nostalgique : il chante la gloire d’Auguste !
ironique « gratare mihi ! » nous montre que son mépris le prive Cette nostalgie est également cultivée par les destinataires
de toute clairvoyance, puisqu’elle révèle une fois de plus la des Pontiques : il s’agit d’amis à qui il s’adresse ouvertement
honte du poète (« pudet ») d’avoir « honoré » la langue gète par et dont il reçoit des nouvelles. Par ailleurs, cet affichage de
ses vers. la glorification d’Auguste ne serait-il pas une sorte d’appel
désespéré au secours, une forme d’espoir de regagner la grâce
2. Notre extrait des Pontiques est révélateur d’une attitude
impériale, notamment par le successeur d’Auguste, Tibère ?
contradictoire d’Ovide. Tout d’abord, il rédige ces poèmes
Nous savons que, malheureusement, ses vœux n’ont jamais
entre 13 et 16, après les Tristes. Il est donc accoutumé aux Gètes
été exaucés.
et à leur environnement. Dans les Tristes nous apprenons qu’il

viva voce
Pour l’exercice de récitation, le recours au fichier audio serait intéressant pour les élèves : on les incitera
à bien écouter l’accentuation et l’expression. On insistera particulièrement sur le respect de la ponctuation.

4 Grec ou latin ? (p. 119)

Les deux textes proposés, à caractère comique, nous mettent au cœur du débat sur la langue grecque,
qui divisait les Romains. Le texte de Juvénal peut être traduit très rapidement par les élèves, de manière
ludique.

Lire
A/4 ; B/3 ; C/2 ; D/5 ; E/1.

Comprendre
1. Plaute emprunte les sujets de ses comédies aux comédies 2. La satire VI, consacrée aux vices des femmes, est l’une des
grecques des IVe-IIIe s. av. J.-C., notamment à Ménandre, plus célèbres de Juvénal. Dans cet extrait, Juvénal critique
Démophile, Diphile, Philémon, Alexis. Le dramaturge latin a l’effet de mode de la langue grecque en particulier sur les
l’art de mélanger ainsi les deux cultures, grecque et romaine : femmes romaines. Le poète leur reproche notamment d’avoir
les personnages et le cadre spatio-temporel sont grecs mais la un comportement totalement artificiel, dicté par l’air du
vie quotidienne fait référence à celle des Romains. temps, y compris dans l’intimité. Le grec devient ici leur seul
Dans l’Asinaria, il affirme avoir traduit la comédie de Démophile moyen d’expression, les dénuant de leur véritable identité.
en « langue barbare », donc en latin. Pour Plaute, la langue Juvénal use abondamment de l’hyperbole pour grossir ce
« noble » en matière de théâtre reste le grec. trait (« omnia graece » ; « Concumbunt graece ») ; le grec est
omniprésent dans ces vers pour en souligner l’usage excessif
Par ailleurs, il faudrait préciser aux élèves qu’il ne s’agit pas
(« Graecula », « Cecropis », « graece », « graece ») ; il est repris par
d’une véritable « traduction » mais plutôt d’une « adaptation » :
les démonstraifs hic, hoc, hoc ; les questions rhétoriques sont
vortere/vertere = tourner, changer, traduire.
révélatrices de sa stupeur face à ce comportement ridicule.

Soi-même et l’autre • 107


Interpréter
La langue grecque existe en Italie avant les conquêtes éducation grecque, l’hellénisme est bien ancré dans la vie
romaines. Elle est parlée en Sicile et en Campanie depuis le des Romains. Cependant, malgré cet engouement, des voix
VIIe s. av. J.-C., ère de la colonisation grecque en Méditerranée. s’élèvent, comme celle de Caton, pour remettre en question
Après la conquête de la Grèce, les Romains non seulement cette « mode » qui représente un danger pour l’intégrité
n’ont pas imposé aux vaincus le latin mais ils ont eux- romaine. C’est dans ce camp des conservateurs que se range
mêmes appris le grec, symbole de culture, mais aussi langue Juvénal.
diplomatique, permettant aux conquérants de communiquer On pourrait bien sûr comparer ce débat sur la langue grecque à
avec les représentants d’un grand nombre de leurs provinces. Rome à celui qui concerne l’impérialisme de l’anglais en France
Les grandes familles romaines donnent à leurs enfants une ou ailleurs.

prolongements

• On pourrait faire lire aux élèves en traduction de plus amples extraits - palliatae/togatae ;
de la satire VI en les confrontant à des extraits des Précieuses ridicules - le rapport acteur/spectateur dans les ludi scaenici : on est dans un cadre
ou de l’École des femmes et leur montrer ainsi que le discours bruyant, où le spectateur et l’acteur sont en interaction permanente :
sur les femmes des personnages de Molière (Chrysale ou Arnolphe) le premier est souvent pris à témoin par le second ; les manifestations
en est largement nourri. du public sont quant à elles, spontanées et désordonnées ;
• On peut également profiter du moment de lecture de l’extrait - les types de la comédie latine et leur apport à la Commedia dell’arte.
de Plaute pour leur proposer de faire le point sur les représentations Une synthèse pouvant servir de point de départ est disponible sur le site
des comédies à Rome et constituer un lexique propre à la comédie latine : Gratum studium : www.gratumstudium.com/latin/theatre.htm

viva voce
L’apprentissage de l’extrait du prologue de l’Asinaria ne devrait pas poser de gros problèmes aux élèves, les vers
étant courts et la ponctuation facilitant la mémorisation. On incitera les élèves à tenir compte de la situation
d’énonciation et de l’adresse permanente de l’acteur au public ; par ailleurs, le texte met en relief les noms propres.

lecture Un autre monde : apparitions, fantômes et spectres

1 Affreuses sorcières ! (p. 120)


Un extrait assez long d’une Satire d’Horace nous présente ici deux sorcières en plein acte
de sorcellerie. Il pourrait être le support pour un travail à l’oral, se prêtant à une lecture sinon
théâtrale, du moins expressive.

TRADUCTION
J’ai vu de mes propres yeux s’avancer, vêtue d’une cape noire retroussée,
Canidie, les pieds nus et les cheveux défaits
avec Sagana, son aînée, en train de pousser des hurlements : leur teint pâle
les avait rendues toutes les deux horribles à voir. Elles se mirent à racler la terre
avec leurs ongles et à déchirer, en la mordant, une jeune brebis de couleur foncée ;
le sang se répandit dans la fosse de manière à attirer les mânes, les esprits qui leur donneraient leurs
réponses. Il y avait une figurine de laine et une autre de cire : la plus grande était celle de laine, qui
devait infliger un châtiment à la plus petite ; celle de cire se tenait en suppliante, comme quelqu’un
qui allait bientôt périr à la manière des esclaves.
L’une appelle Hécate,
l’autre la cruelle Tisiphone : on aurait pu voir des serpents
et des chiens infernaux errer, et la Lune rougissante,
pour ne pas être témoin de cette scène, se cacher derrière les grandes tombes.

Informations supplémentaires

• Malgré l’interdiction de la magie à Rome dès 450 Naturelle, explique les origines de la magie (XXX, 1).
av. J.-C., avec la Loi des douze Tables, les pratiques Les Métamorphoses d’Apulée s’appuient sur le surnaturel :
de sorcellerie se poursuivent, notamment dans les milieux le lecteur se promène dans un monde enchanté, entre
populaires (sur la magie et la loi, voir lien ci-dessous) ; la sorcière Méroé, la métamorphose de Lucius et outes ses
quant à la littérature, elle se nourrit abondamment aventures extraordinaires. Pétrone, dans son inclassable
de ce monde de sorcières, philtres magiques et autres Satiricon n’oubliera pas de glisser sa touche de surnaturel
croyances surnaturelles. Pline l’Ancien, dans son Histoire avec l’histoire de loup-garou racontée pendant la cena.

108 • Soi-même et l’autre


Trimalcionis (voir p. 56) ; à la fin du roman, c’est grâce Il semblerait que son personnage ne fût pas le produit
à la prêtresse et sorcière Prosélénos qu’Encolpe mettra de son imagination mais qu’il a été inspiré d’une vraie
fin à sa défaillance physique… Virgile, dans ses Bucoliques, magicienne qui rôdait dans les quartiers populaires de
met en scène une paysanne qui se sert de procédés Rome, comme l’Esquilin et le Subure. Ce type de sorcières,
magiques pour ramener à elle son amant infidèle. à la recherche de substances humaines tirées des cadavres
Sénèque débute Médée par une incantation à Hécate. pour leurs philtres, fréquentaient régulièrement
Ovide, dans les Fastes, décrit un rituel magique adressé les cimetières.
à la déesse Tacita (celle qui se tait, la silencieuse Le témoin de la scène est Priape, dieu populaire,
ou la muette) contre les médisances. Lucain, dans qui était considéré fils de Dionysos et d’Aphrodite. Dieu
La Pharsale, mettra en œuvre la sorcière Erichto (p. 121). de la fécondité, il était préposé à la garde des vignobles
Voir www.culture.uliege.be/jcms/c_2565479/fr/ et des jardins et était censé détourner le mauvais œil
la-magie-la-politique-et-la-loi pour neutraliser le regard envieux de certaines personnes
• Horace évoque à plusieurs reprises la sorcière Canidie, vis-à-vis des récoltes de leurs voisins.
aussi bien dans ses Satires que dans les Épodes.

Traduire
Voir la traduction.

Lexique
Les termes liés aux sensations sont : La scène est vue par le narrateur (point de vue interne), donc
- Sensations visuelles : vidi (v. 1), nigra palla (v. 1), pallor (v. 3), Priape : le récit est raconté à la première personne du singulier
horrendas adspectu (v. 4), pullam agnam (v. 5), videres (v. 11), (« vidi egomet »).
lunam rubentem (v. 12). Le personnage qui assiste à une scène de sorcellerie est
- Tactiles : pedibus nudis (v. 2), scalpere terram unguibus (v. 4-5), complètement épouvanté par la vision infernale des deux
divellere mordicus (v. 5). sorcières (« horrendas adspectu ») qui sont associées aux Furies
- Auditives : ululantem (v. 3), vocat (v. 10). et aux Enfers (« Tisiphonen » ; « serpentes » ; « infernas canes »).

Interprêter
Horace, qui s’en prend à toute sorte de catégorie humaine, personne du singulier placé en tout début de vers, appuyé
cible ici la pratique de la sorcellerie dans les milieux populaires par le pronom personnel, nous permet d’imaginer la terreur
et le texte s’inscrit bien dans le genre satirique. qui règne sur le visage du personnage. Les détails sur ses
Le regard de Priape, naïf et terrorisé par la scène, la rend perceptions rendent cette scène très théâtrale (ex. « Canidiam
également comique : l’extrait commence par les marques pedibus nudibus… cum Sagana ululantem »).
du témoignage (« vidi egomet ») : le verbe à la première

2 Erichto (p. 121)


La page est consacrée à la sorcière Erichto : un extrait de La Pharsale de Lucain, qui peut être
traduit rapidement par les élèves, de manière ludique ; son illustration par le peintre britannique
John Hamilton Mortimer.

Informations supplémentaires

• Erichto fait partie des fameuses sorcières thessaliennes être portraitiste et s’intéressa, plus particulièrement, aux
qui ont alimenté la littérature, dont Méroé d’Apulée. personnages historiques. Mais plus tard, il se détacha de
Erichto est présentée par l’auteur comme supérieure ces supports pour laisser libre cours à son imagination.
à toutes les sorcières dans ses pratiques de sorcellerie. Il réalisa également toute une série de tableaux inspirés
Dans un premier temps, il décrit longuement son pays, de personnages shakespeariens. Il fut très influencé par
la Thessalie (Pharsale, VI, v. 400-499), pays « qui fournit les gravures de Salvator Rosa (1615-1673), ce qui lui permit
des plantes vénéneuses en abondance ». Il met ensuite en d’insuffler une dimension tragique à ses personnages.
scène « la farouche Erichto » en faisant son portrait dont Jusqu’à l’année de son mariage (1775), il mena une vie
est extrait notre passage. Il décrit par la suite ses pratiques dissolue, entre débauche et alcoolisme. Il fut précurseur
terrifiantes, morbides, dans les cimetières, sur les cadavres. dans l’art de la gravure, notamment dans la technique de
• John Hamilton Mortimer (1740-1779) est un talentueux l’eau-forte, et dans l’essor du Romantisme en Angleterre.
Il influença de nombreux artistes, dont en particulier
peintre et graveur anglais qui connut beaucoup de
succès pendant sa carrière d’artiste. Il commença par William Blake.

Lire
A/5 ; B/1 ; C/3 ; D/2 ; E/4.

Soi-même et l’autre • 109


Langue
1. Les groupes nominaux à relever : La description est effrayante : les traits physiques sont appuyés
- foeda macies (maigreur affreuse) par des adjectifs dépréciatifs, donnant ainsi au personnage
- ora situ (visage flétri) une allure sale et repoussante.
- facies terribilis (allure terrible) 2. Dans l’extrait D, la répétition de la négation « nec » (ne… pas)
- pallore Stygio (de la pâleur des Enfers) insiste sur l’aspect impie du personnage.
- inpexis comis (de cheveux en désordre)
Interpréter
1. Le peintre, comme Lucain dans sa Pharsale, fait coexister Sextus Pompeius, dans sa tenue militaire en train de dialoguer
l’aspect historique de la scène avec l’élément surnaturel. Un avec un soldat romain. Au sol, nous pouvons observer un
peu avant la fameuse bataille, le fils de Pompée, Sextus, aurait cadavre, ce qui correspond à la suite du récit de Lucain : Erichto,
consulté la célèbre sorcière thessalienne Erichto. Évidemment, pour répondre à la demande de Sextus, demande à son tour
cette consultation a lieu la nuit. de choisir un cadavre parmi ceux de ses soldats déjà tués. Ce
Mortimer reproduit chez la thessalienne les caractéristiques sera celui-ci qui, ressuscité, révélera la défaite de Pompée ainsi
physiques détaillées par Lucain : la maigreur, la pâleur, le que la mort de César avant de regagner le monde des morts.
visage flétri, les cheveux en désordre. Les serpents qu’elle tient 2. La scène décrite longuement par Lucain dans son épopée
dans sa main droite renvoient à son aspect infernal. Toute la historique et peinte par Mortimer nous révèle le rapport
partie gauche du tableau, délimitée par une ligne diagonale, privilégié qu’occupait la magie chez les Romains. Le récit au
est dominée par l’élément surnaturel : derrière la sorcière, premier degré de Lucain nous laisse également supposer que
nous pouvons apercevoir un autre personnage à l’allure lui-même y croyait ; les détails sur les pratiques de la sorcellerie
fantomatique ; une nuée au milieu sépare le côté fantastique rapportés dans la Pharsale, nous laissent également supposer
des éléments historiques. En effet, à droite, nous devinons une connaissance personnelle de ce sujet par l’auteur.
prolongements
On pourrait proposer aux élèves de confronter l’extrait d’Horace au célèbre tableau de Goya Le Vol des sorcières (1798),
en leur demandant par exemple de repérer les éléments qui ajoutent aux deux scènes une ambiance mystérieuse
et inquiétante.

3 Surprise ! Un fantôme ! (p. 122)


La page est consacrée à l’anecdote rapportée par Valère Maxime sur la présentation du fantôme
de César à Brutus lors de la bataille de Philippes. Il sera confronté au tableau d’Edwin Austin Abbey
Brutus et le fantôme de César.
TRADUCTION
« Que pourrais-je faire de plus, si le fait de l’avoir tué n’est pas assez ? » Non, Cassius, à coup sûr tu
n’avais pas tué César : il n’y a aucune divinité qui puisse être anéantie ; mais, en le violentant dans un
corps encore mortel, tu as mérité d’obtenir l’acharnement d’un dieu.

Informations supplémentaires

• Valère Maxime, homme politique du I siècle, pour


er sur la divinisation de Jules César, dont Tibère est
descendant (gens Julia), par un orateur qui fait assez
qui nous avons peu d’informations, écrit sous le règne
de Tibère et sous la protection du consul Sex. Pompeius, ouvertement preuve de flatterie.
les neuf livres des Factorum ac dictorum memorabilia, • Edwin Austin Abbey est un peintre et dessinateur
qu’il a dédiés à l’empereur. Ces livres comportent de américain, né à Philadelphie en 1852 et décédé à Londres
nombreuses anecdotes à caractère historique. Il ne s’agit en 1911. Il débuta sa carrière artistique en tant que
pas de récits historiques à proprement parler mais de dessinateur pour le Harper’s Magazine ; il réalise également
plusieurs exempla tirés de l’histoire romaine ou d’autres des couvertures de livres littéraires de genres variés.
peuples, classés selon un point de vue moral et destinés En 1883, il se rend à Londres où son talent est apprécié,
à l’usage des écoles rhétoriques, aussi bien des maîtres notamment en raison de ses illustrations des œuvres de
que des élèves. Le livre I dont est tiré notre extrait traite Shakespeare. Il commence alors à peindre principalement
de la religion, des auspices, des songes et des miracles : des tableaux. Il devient membre de la Royal Academy en
l’apparition miraculeuse de César à Brutus est un 1898. En 1902, il devient membre de la National Academy
exemplum romain de cette dernière section. of design et The American Academy of Arts and Letters. Il est
• Dans sa préface, Valère Maxime dédie son œuvre à enfin membre de la Royal Bavarian Society, de la Société
Tibère de manière appuyée, en lui attribuant la caelesti Nationale des Beaux-Arts et décoré de la Légion d’Honneur.
providentia et en reconnaissant l’aspect divin des Césars : Son style, très original, mélange créativité, poésie et
reliquos enim deos accepimus, Caesares dedimus. humour, faisant preuve d’une parfaite maîtrise de la
Ce serait donc intéressant de faire réfléchir les élèves composition et du clair-obscur.

110 • Soi-même et l’autre


Traduire
Voir la traduction.
Lexique
1. Occurrences à relever : parricidium, occidisse, occideras. ou grecs : fratricide, matricide, parricide, infanticide, homicide,
Il est employé comme suffixe dans le mot « parricidium ». déicide, régicide, ethnocide, génocide, suicide, herbicide,
2. Le suffixe -cide signifie « qui tue » et on le retrouve dans insecticide, pesticide, fongicide.
plusieurs mots en français, tous formés à partir de mots latins

Interpréter
Valère Maxime insiste beaucoup sur l’apparition « divine » de Valère Maxime le fait apparaître en pleine bataille de Philippes,
César : « vit Jules César sous un aspect plus divin qu’humain » le peintre s’appuie sur la pièce Jules César de Shakespeare (voir
(« vidit humano habitu augustiorem ») ; « neque enim ulla extingui lien ci-dessous) et présente les deux personnages « sous la
divinitas potest ; infestum… deum ». L’apparition inattendue tente de Brutus » avant la bataille. Brutus, en premier plan, est
de son fantôme à son assassin a donc une fonction venge- tourné vers l’apparition spectrale de César, dans une position
resse, il s’agit de rétablir la justice divine, à l’instar des Erinyes : qui met clairement en relief sa terreur. La fonction justicière de
Brutus n’a que ce qu’il mérite (« meruisti ut tam infestum haberes la venue du fantôme est signalée par les taches de sang sur son
deum »). Le tableau d’Edwin Austin Abbey reproduit l’apparition voile, témoins de l’acte sacrilège de Brutus.
de César à Brutus mais non dans le même contexte : alors que
prolongements

• On peut faire lire aux élèves la scène 3 de l’acte IV de Jules César de Shakespeare, (voir lien ci-après), et leur demander
de la confronter au texte de Valère Maxime et au tableau : http://fr.wikisource.org/wiki/Jules_C%C3%A9sar_
(Shakespeare)/Traduction_Mont%C3%A9gut,_1870/Acte_IV
• On peut également rapprocher cette apparition à celle de la statue du Commandeur dans Dom Juan de Molière
ou dans sa mise en scène par le réalisateur Marcel Bluwal (1965).

4 Un spectre très persuasif (p. 123)


Un travail autour d’Hamlet permet de prolonger le travail sur les apparitions spectrales au fil des siècles :
un extrait de la pièce de Shakespeare et quelques extraits de la mise en scène par Patrice Chéreau.
Confronter
1. « Je suis l’esprit de ton père, condamné pour un temps à meurtrier, celui de Shakespeare se révèle à son fils qu’il charge
errer la nuit et à jeûner le jour dans la prison des flammes » : ainsi de la lourde mission de l’acte de vengeance.
c’est par cette révélation que, dans l’extrait du spectacle, le - Dans les deux cas, il ne s’agit pas seulement d’une vengeance
spectre se met à délivrer son secret à celui qui devra le venger. personnelle, mais aussi d’un acte cathartique : Brutus, en tuant
Dans la mise en scène de Chéreau, cette mission se fait par un César, a commis un parricide puisque ce dernier le considérait
spectre imposant, au visage caverneux, proférant ses propos comme son fils ; dans le cas d’Hamlet, il s’agit également d’un
en marchant sur une ligne droite, symbolique du destin qui est crime familial. L’apparition spectrale peut avoir donc aussi une
déjà tout tracé. fonction purificatrice, le crime accompli ayant souillé la loi
2. Dans un récit ou dans une pièce de théâtre, l’apparition d’un divine.
spectre peut remplir plusieurs fonctions : - Enfin, d’un point de vue narratif ou théâtral, une apparition
- Aussi bien César chez Valère Maxime que le père d’Hamlet spectrale est un élément très intéressant qui permet de créer
chez Shakespeare, le spectre apparaît comme un justicier, une ambiance de suspens, de mystère, qui apporte donc une
ayant la volonté d’accomplir une vengeance contre le criminel. dimension surnaturelle, captivante pour le lecteur/spectateur.
Par contre, si le spectre de César se présente directement à son

pistes pour construire un portfolio

• On pourrait proposer aux élèves une recherche sur • On pourrait, par ailleurs, effectuer un travail sur le lexique
les apparitions spectrales dans le théâtre antique ou on autour du thème du spectre en latin et en grec, afin de
pourrait leur en faire lire des extraits : saisir les différentes nuances de ces termes et de prolonger
- Le théâtre de Sénèque est riche en fantômes : Thyeste par l’héritage en français :
débute avec l’apparition de l’Ombre de Tantale et - Spectrum : spectre
Agamemnon avec l’Ombre de Thyeste. - Simulacrum : représentation, fantôme, spectre
- Le théâtre grec est également habité par les spectres, - εἴδωλον : simulacre, fantôme de mort
notamment celui d’Eschyle : dans les Perses apparaît le - φαντασία : apparition
spectre de Darius ; dans les Euménides celui de Clytemnestre. - φάντασμα : apparition, vision, spectre
Chez Euripide, Hécube débute par l’apparition de l’Ombre
de Polydore.

Soi-même et l’autre • 111


lecture L’autre en soi : dédoublement, possession et aliénation

1 Être « possédé(e) » (p. 124)


Nous proposons ici deux textes qui permettront aux élèves d’entrer dans le thème de la « possession »,
en partant du lexique. L’extrait d’Euripide met en scène les Bacchantes (Μαινάδες) en état de possession :
leur μανία est dégradée : au début de la pièce, les Ménades apparaissent dans un cortège ivre mais
joyeux ; à la fin, elle devient une forme de cruauté incontrôlée, toujours sous le signe du sacré, car elle
est insufflée par un dieu. L’extrait de Cicéron prolonge cette première approche de la « possession »
de façon plus scientifique : le philosophe fait ici le point sur les différents termes grecs et latins utilisés
pour décrire les dérèglements de la personnalité, en particulier le furor. Entretemps, le terme μανία
a été récupéré par Hippocrate et est devenu un terme médical (voir lien ci-dessous).
http://eduardo.mahieu.free.fr/Cercle%20Ey/CirculoEy/maladie-sacree.htm

Lexique
μανίαν (mania) G manie, maniaque, maniaquerie, maniacodépressif, monomaniaque
insaniam G insane, insanité
(atra) bili G bile, se biler, bileux, biliaire, bilieux, atrabilaire
furore/furorem G fureur, furieux, furieusement, furibond, furioso
μελαγχολίαν (melancholia) G mélancolie, mélancolique

Comprendre
1. Pour Cicéron, le mot « fureur » a un sens plus restreint en partie de ses capacités intellectuelles, ne l’empêchent pas
grec, l’équivalent pour lui étant le mot μελαγχολία qui concer- pour autant d’être doté d’une certaine autonomie pour gérer
ne uniquement le domaine de la « bile noire ». Le mot furor son quotidien, celui-ci n’est pas coupé de sa vie sociale. La
est pour le philosophe « un aveuglement total de l’esprit ». démence est donc à distinguer de la « fureur », trouble mental
2. Pour Cicéron, il existe des troubles mentaux « partiels » gravissime qui possède entièrement l’individu, aveuglant
(l’insania, la stultitia) qui, tout en privant l’être humain d’une totalement son esprit.

Interpréter
Le mot « mania » en grec est lié à un personnage mythologique, proposons ici un court extrait. Le groupe de possédées est
Mania, la personnification de la folie. Associée aux Erinyes, elle guidé par la voix et « le souffle du dieu ». Leur comportement
est envoyée aux personnes afin d’égarer leur esprit. Elle peut est incontrôlable : « elles sautaient à travers le lit du torrent et
donc pousser l’homme jusqu’à accomplir des crimes. Dans le les précipices », « elles ont commencé à lui lancer des pierres
langage courant grec, le mot désigne la folie en général. Par de toutes leurs forces ». L’attitude de la mère de Penthée est le
la suite, pour Hippocrate elle fait partie des troubles mentaux. témoignage le plus saisissant de la possession : ne reconnaissant
L’extrait d’Euripide met en scène la punition atroce infligée à pas son propre fils, elle s’apprête à la tuer « l’écume à la bouche,
Penthée qui se montre « impie » puisqu’il refuse de reconnaître les yeux hagards », hors de raison.
le culte de Dionysos. Les Bacchantes (en grec μαινάδες, Par conséquent, la « mania » des Bacchantes est une
ménades : femmes transportées de fureur, femmes en délire) dépossession totale de l’être humain qui devient ainsi un
sont littéralement « possédées » par Bacchus et n’existent que instrument de la divinité vengeresse. D’un certain côté, il serait
pour accomplir sa mission : « Punissez-le ». Leur possession à rapprocher du « furor » latin.
est décrite longuement dans la tirade du Messager dont nous

prolongements
On pourrait demander aux élèves de faire des recherches sur la famille des Labdacides, en élaborant un arbre
généalogique, pour situer précisément Dionysos et Penthée et établir ainsi le lien avec les descendants
de cette lignée qui ont largement alimenté la tragédie.

112 • Soi-même et l’autre


2 Les Bacchantes en fureur ! (p. 125)
La page est occupée par l’affiche de la pièce d’Euripide Les Bacchantes mise en scène par Sara Llorca.
L’objectif est d’approfondir la réflexion sur le thème du double et de la possession, la photographie
étant très éloquente.

Informations supplémentaires
Pour une meilleure connaissance de la metteuse en scène et de son travail, on peut se diriger
vers sa page dans le site officiel du théâtre contemporain : www.theatre-contemporain.net/
biographies/Sara-Llorca
Un dossier pédagogique du spectacle est disponible sur ce lien : www.theatre71.com/IMG/
pdf/1718_dospe_da_bacchantes.pdf

Confronter
L’affiche du spectacle est réalisée à partir de plusieurs photos de la comédienne-metteuse
en scène superposées. La photographie met ainsi en relief le caractère « schizophrénique »
du personnage, son égarement, sa confusion, son état « hors de lui-même », sa déshumanisation
qui le fait basculer vers la monstruosité.

pistes pour construire un portfolio

• L’affiche du spectacle pourrait faire le support d’un mettre à mort violemment. Le visage de la victime exprime
clairement la terreur ; ceux des femmes affichent une
portfolio consacré à la possession. Le lien ci-dessous offre
de nombreux éléments très intéressants sur la mosaïque détermination glaçante dictée par leur emprise divine.
romaine de Penthée conservée au Musée archéologique http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompeii_-_
de Nîmes. Ainsi, le diptyque iconographique des élèves Casa_dei_Vettii_-_Pentheus.jpg
donnerait à voir victime (côté antique) et bourreau (côté • On peut aussi demander aux élèves de faire dialoguer,
moderne) : www.connaissancedesarts.com/archeologie/ dans une forme de portfolio hybride, l’affiche du spectacle
focus-oeuvre-la-mosaique-de-penthee-souvenir-de-la- avec un monologue d’un personnage hanté par le mal,
nimes-romaine-1196588 comme par exemple Atrée dans Thyeste de Sénèque
(extrait ci-dessous).
• Une autre superbe fresque pompéienne, datée du IVe s.
Pour mieux préparer les élèves, des questions d’exploitation
et intitulée Le Châtiment de Penthée pourrait être le volet
du texte sont proposées à la suite de l’extrait. Pour la
antique d’un diptyque iconographique, dans la même idée
problématisation du portfolio, on peut inciter les élèves à
que ci-dessus. La fresque représente le supplice de Penthée,
méditer sur la forte présence de la bestialité, aussi bien dans
en présentant le personnage dans une quasi-nudité au
le texte de Sénèque que dans la fiche de la comédienne-
centre, entouré des Bacchantes terrifiantes, en train de le
metteuse en scène.

Atreus.
Plagis tenetur clausa dispositis fera : dominum morantem seque retinenti eripit.
et ipsum et una generis invisi indolem Cum spirat ira sanguinem, nescit tegi ;
junctam parenti cerno. Jam tuto in loco tamen tegatur. Aspice, ut multo gravis
versantur odia. Venit in nostras manus squalore vultus obruat maestos coma.
tandem Thyestes, venit, et totus quidem. Quam foeda jaceat barba. Praestetur fides.
Vix tempero animo, vix dolor frenos capit. Fratrem juvat videre. Complexus mihi
Sic, cum feras vestigat et longo sagax redde expetitos. Quidquid irarum fuit
loro tenetur Umber ac presso vias transierit ; ex hoc sanguis ac pietas die
scrutatur ore, dum procul lento suem colantur, animis odia damnata excidant.
odore sentit, paret et tacito locum
Sénèque, Thyeste (III, v. 491-511), Ier s.
rostro pererrat ; praeda cum propior fuit,
cervice tota pugnat et gemitu vocat

Soi-même et l’autre • 113


pistes pour construire un portfolio (suite)

Atrée.
Le fauve est enfermé dans le filet que je lui ai étalé :
je le vois lui-même ainsi que ses enfants,
aussi odieux que leur père. Déjà, ces êtres que je hais
se trouvent en lieu sûr. Enfin, Thyeste est tombé dans mes mains,
il est tombé, et tout entier !
Je peux à peine me retenir, ma colère peine à se canaliser.
Ainsi, lorsqu’un chien d’Ombrie à l’odorat subtil
et tenu par une laisse, cherche des bêtes
et flaire son trajet, tant qu’il sent au loin
l’odeur du sanglier, il obéit et, sans bruit
parcourt le lieu ; mais lorsque sa proie se rapproche,
il se bat, le cou tendu, il appelle par se cris
son maître qui le retient et il finit par arracher le lien qui le retient.
Quand la haine respire l’odeur du sang, elle ne peut pas se cacher ;
cependant, il faut la cacher. Regardez comme sa chevelure épaisse
et en désordre écrase son visage abattu.
Comme sa barbe répugnante s’étale ! Il faut lui donner des gages d’amitié.
Ça me rend heureux de te voir, mon frère. Fais-moi plaisir,
Embrasse-moi. Que cessent
toutes nos haines du passé ; à partir de maintenant,
entretenons nos liens de sang et la piété,
condamnons et arrêtons nos animosités.

Comprendre
1. Que révèle au spectateur le monologue d’Atrée ? Quel est son dessein ?
2. À quel moment s’arrête le monologue ? Quel changement remarquez-vous ?

Interpréter
1. La métaphore animalière occupe une place importante dans le monologue d’Atrée :
relevez les passages du texte. Quel personnage est comparé à une bête dans un premier temps ?
Pour quelle raison ? Analysez ensuite la deuxième métaphore filée.
2. Analysez les formes verbales en italiques. Aidez-vous du Memento grammatical. Pourquoi
Atrée a-t-il recours à ces modes ?

Lexique
Surlignez en jaune le champ lexical de la bestialité ; en rouge celui de la colère/haine ;
en bleu, celui de l’attachement/amitié.

3 La folie d’Hercule (p. 126)


La page est consacrée à la « possession » d’un célèbre personnage mythologique que les élèves
de 2de connaissent davantage pour ses exploits. Ici, ils/elles vont donc découvrir la partie obscure
du héros à travers quelques vers de Sénèque confrontés au tableau de Gilles Chambon.

TRADUCTION Informations supplémentaires


Où se jette-t-il, aveuglément, dans sa fureur ? Pour quelques éléments d’explication
Regardez ! ses douces mains sur le tableau, on peut se reporter
tendant à ses genoux, d’une voix pitoyable le supplie. […] sur le site du peintre : http://art-
Où cours-tu, malheureuse ? quel refuge, quelle cachette cherches-tu ? figuration.blogspot.com/2019/05/
Il n’y a pas de lieu qui te sauve de la rage d’Hercule. la-folie-dheracles.html

114 • Soi-même et l’autre


Traduire
Voir la traduction.

Comprendre
Ici, le « furor » d’Hercule se traduit en une extrême violence. avec l’attitude de suppliant de son enfant (« blandas manus
Cette folie est qualifiée d’aveugle » par Amphitryon (caecus… ad genua tendens » ; « dextra precante ») et l’innocence de ce
furor). Les mots « furor », « furens » la mettent en relief, d’autant dernier. La scène du meurtre est à la limite de l’insoutenable :
plus qu’ils sont en fin de vers. La violence des actes d’Hercule la tête de l’enfant est littéralement fracassée et explose dans
est soulignée par les verbes « rapuit », « misit » qui contrastent la maison.

Interpréter
Gilles Chambon présente Hercule, enragé, en train de tuer dessus, s’inscrit dans un paysage inspiré de Giorgio de
ses enfants avec sa massue, de toutes ses forces. Le corps de Chirico (Chevaux et cavaliers, 1934), et les personnages sont
l’assassin, en action, tout en muscles, contraste avec ceux des réinterprétés d’un petit tableau de Rubens représentant
enfants, souples et inertes ou agonisants ; un seul semble Hercule, symbole de la vertu héroïque, terrassant la Discorde
encore en vie et en position de suppliant, le bras tendu vers (musée des Beaux-Arts de Boston).
son père. Le tableau, selon le peintre dans son site ci-

viva voce
Pour une lecture expressive, on peut conseiller aux élèves de mettre en relief les questions rhétoriques
qui expriment l’impossibilité d’intervention d’Amphitryon, donc le désespoir du personnage.
On peut aussi leur demander d’accentuer les mots qui expriment le crime et l’horreur de l’acte d’Hercule
(scelus nefandum, adspectu horridum, etc.).

4 « Je ne partirai pas sans me venger ! » (p. 127)


Après avoir découvert Hercule « bourreau », cette page révélera un autre aspect du personnage,
cette fois-ci victime de la jalousie dévorante de son épouse, Déjanire, à travers quelques
vers de Sénèque confrontés à l’interprétation de Joyce di Donato dans Hercule de Haendel.
Le personnage de Déjanire, moins connu par les élèves, est fascinant et intéressant à exploiter.

Informations supplémentaires

• Déjanire (Δηιάνειρα) est la fille du roi de Calydon, Le couple resta longtemps à Calydon et eut un fils, Hyllos.
Œnée, et d’Althée, fille de Thestios ; elle est donc la sœur Ils durent quitter Calydon suite à un meurtre accidentel ;
de Méléagre. Selon une autre version, Althée aurait eu Héraclès tenait à s’exiler selon la loi. C’est pendant leur
Déjanire à la suite d’une union avec Dionysos, pendant voyage que le Centaure Nessos essaya de violer la belle
le séjour de ce dernier chez le roi de Calydon. Telle une Déjanire ; Nessos, avant d’être tué par Héraclès avec une
Amazone, Déjanire est experte dans les arts de la guerre et flèche empoisonnée par le sang de l’Hydre de Lerne, eut
sait conduire un char. Après la mort de son frère Méléagre le temps de tromper la jeune femme, en lui faisant croire
– qui avait auparavant tué tous les frères de sa mère, qu’il lui donnait un philtre d’amour alors qu’en réalité il lui
les fils de son grand-père Thestios – la déesse Artémis avait donné une drogue mortelle mélangée avec son sang
métamorphose toutes ses sœurs endeuillées de la mort de infecté par le poison de l’Hydre.
Méléagre en oiseaux et les établit sur l’île de Leros : c’est là Le couple s’établit à Trachis où Héraclès aida le roi
que les Méléagrides pleurent leur frère tous les printemps. Céyx à combattre la cité d’Œchalie. Iole, dont Héraclès
Cependant, il semblerait que Déjanire, ainsi que l’une de fut amoureux, était la fille du roi d’Œchalie. Dans
ses sœurs, Gorgé, aient échappé à cette punition, suite les Trachiniennes, Sophocle met en scène une Déjanire en
à l’intervention de Dionysos, ou bien que Dionysos soit attente perpétuelle du retour de son époux. La suite de la
intervenu pour leur redonner l’apparence humaine. légende justifie le nom de Déjanire : δηïόω (tuer, déchirer,
Héraclès, afin d’accomplir sa mission avec Cerbère, dut meurtrir) + ἀνήρ ; dévorée par sa jalousie et désirant
aller aux Enfers où il rencontra l’âme de Méléagre qui, de réveiller à nouveau le désir amoureux chez son époux,
par son récit, émut le héros. Avant le départ d’Héraclès, elle teint une tunique de la drogue de Nessos ;
il lui fit promettre d’épouser l’une de ses sœurs restées dès que celle-ci touche la peau d’Héraclès, le héros
humaines. Pour tenir sa promesse, Héraclès demanda est victime d’une brûlure qui consume tout son corps.
à Œnée sa fille Déjanire en mariage. Il dut alors affronter Quand la malheureuse Déjanire s’apercevra de son erreur,
le dieu-fleuve Achéloos qui la revendique également. elle se donnera la mort avec une épée.

Soi-même et l’autre • 115


• La légende de Déjanire alimente largement l’art depuis de_D%C3%A9janire.jpg ou www.louvre.fr/oeuvre-
notices/dejanire-enlevee-par-le-centaure-nessus
l’antiquité. On peut faire découvrir son histoire aux élèves
à partir de l’iconographie ci-dessous : - Le bûcher d’Héraclès : www.mediterranees.net/mythes/
- Le mariage d’Hercule avec Déjanire : www. herakles/bucher.html
mediterranees.net/mythes/herakles/dejanire.html - Déjanire se lamentant : http://fr.wikipedia.org/wiki/
- Héraclès combattant contre Achéloos : D%C3%A9janire_(chanson)
http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Herakles_
Achelous_Louvre_G365.jpg ou www.aly-abbara.com/
• L’opéra de Haendel a été composé en 1744 sur un livret
de Révérend Thomas Broughton. Ses sources sont
histoire/Mythologie/Grece/Hercule/images/Herackles_ Les Trachiniennes de Sophocle, Les Métamorphoses
Acheloos_Louvre.html d’Ovide ainsi que la tragédie de Sénèque dont est issu
- Le Centaure Nessos : www.mediterranees.net/mythes/ notre extrait, Hercule sur l’Œta. Le personnage de Déjanire
herakles/nessus.html ou http://fr.wikipedia.org/wiki/ inspirera plus tard Camille Saint-Saëns qui lui consacrera
Fichier:Gustave_Moreau_-_Enl%C3%A8vement_ un opéra en 1911.

TRADUCTION
Ô dieux ! C’est pour elle que vous avez exaucé mes prières, c’est pour elle qu’il revient sain et sauf :
ô douleur, qu’aucun châtiment ne pourra contenter ! trouve des supplices horribles, inouïs, mons-
trueux ! Apprends à Junon ce qu’est la haine : elle ne sait pas haïr suffisamment. […]
Mais quoi ! mon courage s’en va et laisse place aux menaces ; déjà ma colère s’arrête. Ma pauvre dou-
leur es-tu affaiblie ? Ma fureur, tu es anéantie, et tu me rends à nouveau les sentiments d’une épouse
fidèle : pourquoi empêches-tu ce feu à brûler ? pourquoi arrêtes-tu ce feu ? Veille sur ma vengeance
et partons à égalité : il ne sera plus nécessaire de faire des vœux : ma belle-mère m’aidera et conduira
mes mains sans que je le lui demande.

Traduire
1. Dans un premier temps, Déjanire exprime son indignation en tant que femme trahie par son époux
ainsi que sa jalousie vis-à-vis de sa rivale (v. 1-9) ; elle invoque par la suite les dieux pour qu’ils l’aident
à se venger (v. 10-14) ; elle se met ensuite à douter de cet appel à vengeance (v. 15-18) avant de revenir
sur son désir de vengeance avec Junon comme alliée (v. 18-21).
a) Une épouse trahie et indignée.
b) L’appel à la vengeance.
c) Les doutes.
d) La vengeance sera guidée par Junon.
2. Voir la traduction.

Langue
Les mots en gras sont à l’impératif et ont une valeur incitative. Ils expriment le fort désir du personnage
à accomplir sa vengeance. Dans un premier temps elle supplie les dieux de s’allier à sa cause (v. 10-14)
avant de s’adresser à elle-même (v. 19-20) : elle doit se ressaisir après un moment d’hésitation.

Interpréter
Joyce di Donato interprète avec beaucoup de brio les états d’âme d’une femme dévorée par les affres
de la jalousie. Elle erre sur scène, les cheveux en désordre, de manière improvisée, son visage reflétant
des sentiments de colère, haine, voire rage, par des mimiques particulièrement expressives. La musique
de Haendel, inscrite dans le mouvement baroque, caractérisée par des changements de rythme,
des vocalises et des dissonances, adaptée parfaitement au registre de la grande cantatrice mezzo,
accompagne idéalement son jeu de comédienne. Le tout contribue à produire chez le spectateur
un effet de « terreur et de pitié » devant le « furor » de l’héroïne anéantie par le « dolor ».

116 • Soi-même et l’autre


prolongements

Le monologue d’Hermione dans Andromaque de Racine se prête parfaitement à la confrontation avec celui
de Déjanire. On peut par exemple demander aux élèves de comparer avec précision les états d’âme des deux héroïnes.
Cette confrontation pourrait, d’ailleurs, faire le support d’un portfolio.

Hermione, seule

Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?


Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?
Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée :
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée !
L’ai-je vu s’attendrir, se troubler un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ! Et, pour comble d’ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui !
Je tremble au seul penser du coup qui le menace !
Et, prête à me venger, je lui fais déjà grâce !
Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :
Qu’il périsse ! aussi bien il ne vit plus pour nous. […]
Non, non, encore un coup, laissons agir Oreste.
Qu’il meure, puisque enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir...
À le vouloir ? Eh quoi ! c’est donc moi qui l’ordonne ?
Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?
Ce prince, dont mon cœur se faisait autrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits,
À qui même en secret je m’étais destinée
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée ;
Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’États,
Que pour venir si loin préparer son trépas,
L’assassiner, le perdre ? Ah ! devant qu’il expire.
Racine, Andromaque (acte V, scène 1), 1667.

Soi-même et l’autre • 117


au cœur des mots p. 128-129

Le lexique reprend quelques mots-clefs de l’objet d’étude, en respectant les quatre entrées
du programme. Bien entendu, la liste n’est pas exhaustive. Les exercices de la p. 128 sont
consacrés aux mots-clefs de la tragédie latine liés à l’entrée « dédoublement, possession, aliénation ».
Il nous a semblé important d’insister sur cette terminologie qui sera un outil d’analyse incontournable
aux élèves de lycée. La p. 129 comporte des exercices d’appropriation des termes-clefs
du chapitre à partir de différentes entrées. Les extraits choisis permettent de prolonger
les réflexions liées aux textes d’étude.

Étymologie Les termes-clés de la tragédie latine :


le furor scelus nefas
, le

D’après Florence Dupont, spécialiste du théâtre Toujours d’après Florence Dupont, le scelus nefas
latin, « tous les héros criminels de la tragédie est un « crime contre l’ordre sacré du monde » ;
romaine sont en proie au furor ; ce ne sont plus il marque ainsi « l’au-delà de l’humanité ».
des hommes, mais des furiosi, des furieux ».

Donnez les définitions des mots français dérivés Donnez les définitions des mots français dérivés
des termes-clés ci-dessus : des termes-clés ci-dessus :
fureur : 1. Colère très violente.
scélérat : 1. Coupable ou capable de crimes,
2. Passion excessive. 3. Délire inspiré.
d’actions malhonnêtes. 2. Infâme.
furieux : 1. Qui ressent une violente colère.
néfaste : 1. Malheureux, désastreux, qui porte
2. Qui dénote une profonde colère (air furieux).
malheur. 2. Jours néfastes : où il était interdit par
3. Extrêmement véhément, impétueux.
la loi divine de s’occuper des affaires publiques.

Qu’incarnent les Furies chez les Romains ? Qu’est-ce qu’une furie en français ?
Les Furies  : Les trois déesses de la Vengeance : Alecto, Mégère, Tisiphone.
Une Furie : 1. Colère démesurée. 2. Ardeur impétueuse. 3. Femme très méchante et violente.

Les définitions données ci-dessus sont issues du dictionnaire encyclopédique Hachette (2000).

activité 1
- pro cive : pour citoyen/ civis : citoyen/ peregrinos : les étrangers.
- alienigenis : aux étrangers/ civium : de vos citoyens/ hostium : de vos ennemis.

activité 2
de venin : venenis/ enchantement : carmen/ magique : magico.

activité 3
Phèdre, suite à une malédiction divine, tombe amoureuse de Poenas : ce châtiment, cette peine (il s’agit de son propre
son beau-fils, Hippolyte, le fils de son mari Thésée et d’une châtiment pour avoir été à l’origine de la mort d’Hippolyte)/
Amazone. Cet amour n’est pas réciproque, ce qui provoque nefando : impie (le mot « nefando » ici fait référence à son
une douleur terrible à l’héroïne qui a recours à la calomnie désir incestueux)/ scelere : crime (elle est à l’origine de la
pour se venger. Cet acte irrite Thésée qui demande, à son mort d’Hippolyte)/ impiatos : souillé (référence à l’adultère)/
tour, la vengeance divine. Ici, Phèdre s’adresse au corps facinore : crime (référence à l’inceste et à la calomnie)/ nefas :
d’Hippolyte, mort de manière atroce par l’intervention de sacrilège (si elle accepte de vivre après tous ces actes
Neptune. Prise de culpabilité, elle s’apprête à se donner la infâmes, elle commet un nouveau « nefas »)/ vindicato :
mort devant Thésée et le chœur. vengé (référence à la fausse vengeance, suite à sa calomnie).

118 • Soi-même et l’autre


grammaire Les pronoms déterminants p. 130-131 memento

démonstratifs idem/ipse G p. 145-146


Les exercices de cette page sont conçus pour faire découvrir de façon progressive dans un premier
temps les démonstratifs idem et ipse : ceux de l’étape 1 sont associés à l’extrait de Tite-Live
de la p. 114 ; les phrases de l’étape 2 sont issues de la tragédie Hercule furieux de Sénèque.
La partie inférieure de la page est consacrée à la découverte progressive des propositions
circonstancielles de cause.
La page de droite comporte des exercices de manipulation et d’appropriation des deux points
de grammaire. Ils doivent être traités en se reportant au Memento (p. 145-146 ; 158). Les phrases
choisies rentrent dans les thématiques du chapitre.

étape 1
- lui-même/ Ipse/ pronom
- moi-même/ Ipse/ pronom
- les mêmes/ easdem/ déterminant

étape 2
Fonction Genre Nombre Nature
Complément d’attribution (mais il a une masculin singulier pronom
valeur de CDN, une valeur d’appartenance ;
à lui dans la grammaire de Denis et Sancier-
Château, il s’agirait d’un CDN à valeur
de possession)
Sujet masculin singulier pronom
moi-même ou féminin

la même Sujet féminin singulier déterminant

• Comme en français, leurs correspondants latins ont plusieurs genres, nombres, et peuvent
prendre différentes fonctions dans la phrase, ce qui correspond à des cas différents.

Les propositions circonstancielles de cause memento

G p. 158
activité 1
Les propositions subordonnées de cause sont les suivantes (les conjonctions sont encadrées) :
- parce que tu pars en dernier/quia postremus cedis
- Puisque je te fournis des servantes, de la nourriture, de la laine, des bijoux, des vêtements, du pourpre/
quando ego tibi ancillas, penum, lanam, aurum, vestem, purpuram bene praebeo.

activité 2
• Dans la première phrase, la peur du personnage est objective : Sagana hurle réellement ;
dans la deuxième, elle est subjective : il s’agit d’une perception du personnage.
• Dans la première phrase, le mode du verbe conjugué est l’indicatif ; dans la deuxième,
il est au subjonctif.

Réponses aux exercices


1. a. Euclio. – Di bene vortant. 3. ut : étant donné que, vu que/ quod : parce que/ quoniam :
Megadorus. – Idem ego spero. puisque/ cum : comme, puisque/ quia : parce que/ quando :
b. Congrio. – Pol etsi taceas, […] res ipsa testist. puisque.
c. Fuerit Lucilius, inquam, comis et urbanus, fuerit limatior idem 4. a. quando : puisque G cause objective
quam rudis et Graecis intacti carminis auctor. b. quia : parce que G nuance d’objectivité qui exprime une
d. Noctes vigilabat ad ipsum mane, diem totum stertebat. réelle colère de la part d’Euclion
2. a. Concurre, ut ipsam sceleris auctorem horridi capiamus. c. quoniam : puisque G cause objective
b. Congrio. – Pol etsi taceas, […] res ipsa testist. d. quod : parce que G cause subjective

Soi-même et l’autre • 119


grammaire L’impératif et l’expression p. 132-133 memento
de l’ordre et de la défense G p. 157
Les exercices de la page de gauche permettent une approche progressive
de l’impératif et de l’expression de l’ordre et de la défense, du souhait et du regret.
La page de droite comporte des exercices de manipulation et d’appropriation
de l’impératif et de l’expression de l’ordre, de la défense, du souhait ou du regret
à partir de citations de comédies de Plaute mettant en relief les rapports maîtres/esclaves,
ainsi que d’autres auteurs en rapport avec le chapitre.

étape 1
Ces phrases permettront aux élèves d’observer que, dans la plupart des cas, l’impératif
est formé à partir du radical du verbe et de terminaisons propres à chaque déclinaison
(voir Memento). Ils/elles pourront également observer qu’il existe des formations irrégulières,
comme pour le verbe esse, ire ou dicere.

étape 2
• Les modes impératif et subjonctif expriment l’ordre.
• La défense en latin est exprimée : en utilisant la deuxième personne du singulier ou du pluriel
du verbe nolo (noli, nolite) + l’infinitif du verbe ou en utilisant la négation ne + subjonctif
(présent ou parfait).

étape 3
• Utinam mot introduit l’expression du souhait et du regret.
• Le subjonctif est utilisé dans l’expression du souhait en latin.
• Le subjonctif est utilisé dans l’expression du regret en latin.

Réponses aux exercices

1. a. Exi, inquam ! Age, exi !


Sors te dis-je ! Allons, va, sors !
b. Vide ut incedit.
Vois comme elle s’avance.
c. Dic igitur, quis habet ?
Dis donc, qui l’a ?
d. Pone hoc, si vis.
Pose ça, si tu veux.

2. Quo abis ? Redi rursum G Où vas-tu ? Reviens ! (ordre)


Sed abi intro ; noli stare G Rentre donc ! (ordre) Ne reste pas là ! (défense)
Noli minitari G Ne menace pas ! (défense)
Obsecro, tene mulierem ; ne adfligatur G Je t’en prie, soutiens cette femme ! (ordre)
Habe bonum animum G Prends courage ! (ordre)
Stultus es : noli istuc quaeso dicere. G Tu es sot : je t’en prie, ne dis pas cela ! (défense)

3. Noli, me velle ducere : défense/ utinam… possit : souhait/ utinam possis : regret.

4. a. Equo, ne credite, Teucri !


b. Perutiles Xenophontis libri sunt ; quos legite.

120 • Soi-même et l’autre


grammaire Les mots grammaire interrogatifs et leur emploi p. 134-135 memento

G p. 147
La partie supérieure de la page de gauche propose une approche progressive des mots interrogatifs
auxquels les élèves doivent être familiarisés depuis le collège. Les grands débutants pourront se les
approprier rapidement. Suivra la même démarche pour les mots exprimant les négations simples.
Des extraits de comédies de Plaute en rapport avec le thème de l’identité et des rapports maîtres/
esclaves alimentent largement la page de droite consacrée à la manipulation des mots interrogatifs
et négatifs. Le dernier exercice comporte trois citations extraites du Satiricon, des Fastes
et des Métamorphoses d’Apulée.

étape 1
• Les pronoms interrogatifs sont : quis et quid.
• Les déterminants interrogatifs quae et qua se rapportent respectivement à crux et à causa..

étape 2
• Quis : pronom/ Qui : déterminant/ Quid : pronom/ Quod : déterminant.

memento
L’expression de la négation
G p. 158
étape 1
• En français, en général il y a deux mots : ne… pas/ ne… plus qui entourent le verbe.
• En latin, en général, il y a un mot qui est placé avant le verbe.

étape 2
• En latin, on utilise nec… neque… nec… pour relier les négations entre elles. En français,
on utilise ne… ni… et n’… Nous pouvons donc remarquer que ce coordonnant est variable.

Réponses aux exercices

1. a. Quid ais tu ? Quid est ? Dic igitur, quis habet ? Nam, quid mi opust vita ?
Que dis-tu ? Qu’y a-t-il ? Dis donc, qui l’a ? En effet, que m’importe la vie ?
b. Quid, malum, non sum ego servus Amphitruonis Sosia ? Si tu Sosia es, quid in tabernaclo fecisti ?
Quis ego sum saltem, si non sum Sosia ?
Que diable, ne suis-je pas Sosie, l’esclave d’Amphitryon ? Si tu es Sosie, que faisais-tu dans la tente ?
Qui suis-je alors, si je ne suis pas Sosie ?
c. Quid nomen tibi est ?
Quel est ton nom ?

2. a. Euclio. – Qui modo nusquam conparebas.


Tu n’apparaissais nulle part tout à l’heure.
b. Strobilus. – Nihil equidem tibi abstuli.
Je ne t’ai rien volé.
c. Euclio. – Vah ! scelestus quam benigne, ut ne abstulisse intellegam.
Ah ! le malin, comme il fait le bon pour que je ne comprenne pas qu’il m’a volé.
d. Euclio. – Non dico : audire expetis.
Je ne le dis pas : tu veux le savoir.
e. Euclio. – […] Hic nihil habet.
Ici il n’y a rien.
f. Strobilus. – Nam hic jam non audebit aurum abstrudere.
Il n’osera plus cacher son or ici

3. a. Haec ut audivi, operire oculos amplius non potui, sed luce clara Caii nostri domum fugi ;
et postquam veni in illum locum in quo lapidea vestimenta erant facta, nihil inveni nisi sanguinem.
b. Hoc novies dicit nec respicit.
c. Mira, inquam, sed nec minus saeva, mi Socrates, memoras. Denique mihi quoque non parvam
incussisti sollicitudinem, immo vero formidinem.
Soi-même et l’autre • 121
r
L ' A T E L I E R du traducteu p. 136-137

L’extrait des Métamorphoses donné ici met en scène la Furie Tisiphone et constitue à la fois
un réinvestissement et un prolongement des acquis des élèves sur le rapport des Romains
avec le surnaturel. La méthode de traduction proposée dans cet atelier, progressive et visuelle,
reprend celle de la p. 114 en la menant « pas à pas » et finit par l’utilisation d’un code couleur
pour mettre en relief l’organisation du texte latin.

étape 1
• Qui raconte ? G Un narrateur externe.
• Quel est le personnage principal ? G Tisiphone.
• Voit-on apparaitre au fil du texte d’autres personnages ? Lesquels ? G On voit apparaître quatre
personnages : Luctus, Pavor, Terror, Insania (le lexique permettra aux élèves d’identifier les allégories)
• Quelle est la tonalité du texte ? Appuyez-vous sur les champs lexicaux dominants G Le texte
est dominé par des champs lexicaux qui suggèrent la mort (sanguine, fluido cruore, angue, Luctus)
et la terreur (Tisiphone importuna, pallam rubentem, Pavor, Terror, Insania) : le tout contribue
à créer une ambiance lourde et angoissante.
• Surlignez les conjonctions ou adverbes de coordination G Unec (l. 1), que (fluidoque, l. 2),
que (tortoque, l. 3), que (egrediturque, l. 4), et, et, que (trepidoque, l. 5).

étape 2
• Les verbes à soulignes sont : sumit, induitur, incingitur, egreditur, comitatur.
v. 1 sumit indicatif présent actif 3ee pers. sg.
v. 2 induitur indicatif présent passif 3ee pers. sg.
v. 3 incingitur indicatif présent passif 3ee pers. sg.
v. 4 egreditur indicatif présent déponent 3ee pers. sg.
v. 4 comitatur indicatif présent déponent 3ee pers. sg.

• Il s’agit du présent de narration, préféré ici par Ovide au parfait, pour dramatiser le récit
et accentuer l’ambiance angoissante.

étape 3
• Tisiphone sumit/ Tisiphone induitur/ Tisiphone incingitur/ Tisiphone egreditur/ Luctus et Pavor
et Terror et Insania comitatur.
• Dans la deuxième phrase le verbe, alors qu’il a plusieurs sujets, s’accorde avec un seul :
il s’agit de l’accord de proximité.

étapes 4 et 5
Inciter les élèves à utiliser les outils du traducteur présentés en p. 18-19.

étape 6
Nec mora, Sans plus tarder (sans aucun délai),
importuna Tisiphone sumit la cruelle Tisiphone se saisit
facem madefactam sanguine d’une torche humectée de sang,
induitur[que] pallam rubentem cruore fluido (et) se revêt d’un manteau rougi de sang qui coule
incingitur[que] angue torto ; (et) se ceint d’un serpent sinueux ;
egreditur[que] domo et sort de sa demeure.
Luctus comitatur euntem Le Deuil l’accompagne alors qu’elle s’en va
et Pavor, et Terror, ainsi que la Peur et la Terreur,
[que] Insania vultu trepido et la Folie d’un visage agité.

122 • Soi-même et l’autre


fo lio
présenter mon port p. 138-139

Cette double-page constitue en quelque sorte un bilan sur l’exercice « d’ouverture et de création »
auquel les élèves sont confrontés en élaborant leur portfolio. Après avoir été guidés, chapitre par
chapitre, dans leur démarche de construction, ils/elles sont ici amenés à faire le point sur les différentes
façons de présenter un portfolio. Nous devons bien sûr leur faire prendre conscience que non seulement
cette liste est loin d’être exhaustive, mais qu’elle n’est qu’un support leur permettant de donner
libre cours à leur « imagination » et à leur « créativité », conformément à l’esprit des programmes.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette double page pourrait très bien être un point préliminaire
pour les élèves, un point de départ leur permettant de comprendre la « philosophie » de ce travail,
avant d’aborder le guidage « pas à pas » des pages portfolio des trois premiers chapitres.
Les pistes que nous avons retenues en tant que support de présentation permettront aux élèves
de repérer en un coup d’œil que leur portfolio se matérialiser en diptyque textuel (page de gauche)
ou iconographique (page de droite). Les différentes formes proposées leur laisseront la liberté
de « s’approprier tout ou partie d’un des quatre objets d’étude », en mettant « en résonance
ou en confrontation les œuvres sélectionnées ».
Les présentations sont suivies par quelques suggestions de diptyques appuyées sur
les problématiques essentielles de l’objet d’étude :
- le thème du « barbare » ;
- celui du double ;
- l’aliénation, la possession.

Suggestion de diptyque sur le thème du « barbare »


• La Préface – ou une partie - d’Un barbare en Asie d’Henri La nouvelle préface de 1967 proposée ici, confirme avec
émotion ce décalage entre le regard de l’Européen naïf de
Michaux (1933) revue et corrigée en 1967 (voir lien ci-dessous)
pourrait amener les élèves à établir un dialogue avec la 1931 et le voyageur désillusionné de 68 ans : « Le fossé s’est
encore agrandi, un fossé de trente-cinq ans, à présent. […]
situation d’Ovide exprimée dans Tristes et Pontiques (textes
Il date, ce livre. De l’époque à la fois engourdie et sous tension
p. 118).
de ce continent ; il date. De ma naïveté, de mon ignorance,
Henri Michaux, né à Namur en 1899 et mort à Paris en 1984, de mon illusion de démystifier, il date. […] J’aurais voulu que
est un poète en errance dès sa première jeunesse : après l’Inde au moins et la Chine trouvent le moyen de s’accomplir
avoir abandonné des études de médecine plus ou moins nouvellement, de devenir d’une nouvelle façon de grands
insufflées par son milieu familial, il embarque dans un bateau peuples, des sociétés harmonieuses et des civilisations
en destination de l’Amérique du Sud en tant que matelot. régénérées sans passer par l’occidentalisation. » La fin de
Depuis, il ne cesse de voyager. Poète atypique, obsédé par le la préface nouvelle fera résonner auprès des élèves les vers
besoin d’évasion, il prolonge ses errances en se droguant sous d’Ovide dans les Pontiques : « Ce livre qui ne me convient
assistance médicale. Il est souvent classé dans le mouvement plus, qui me gêne et me heurte, me fait honte, ne me permet
des surréalistes ; cependant, sa grande liberté d’observation, de corriger que des bagatelles le plus souvent. » Quant
de pensée, d’expression et de création, le rendent inclassable. au célèbre vers des Tristes « Barbarus hic ego sum, quia non
• Il fera un premier voyage dans différents pays de l’Asie intelligor ulli » qui sera repris par Jean-Jacques Rousseau en
(l’Inde, la Chine, le Japon, la Malaisie) en 1931 ; de cette exergue dans ses Dialogues et son Discours sur les Sciences
aventure naîtra la première édition de son ouvrage sous et les Arts, pour exprimer son sentiment d’incompréhension
forme de carnet de voyage, dans lequel le poète nous fait par ses contemporains, fera écho à la dernière phrase de la
part de ses observations, tantôt « scientifiques », à la manière nouvelle préface de Michaux : « Ici, barbare on fut, barbare
d’un anthropologue ou d’un ethnologue, tantôt subjectives, on doit rester. » Les élèves constateront que du chemin a été
guidées par l’émerveillement qu’il éprouve le plus souvent accompli entre les Tristes et Un Barbare en Asie de Michaux.
à la rencontre de la culture qu’il est en train de découvrir, On peut d’ailleurs leur préciser qu’Ovide lui-même a fait du
non dénuées d’humour et de réalisme : « Là où ses besoins chemin entre les Tristes et les Pontiques : pour ne plus être
finissent, l’Européen se repose, mais l’Hindou n’a pas de « barbare » il a appris la langue gète, comme le leur montre
besoins. […] II faut voir les hôtels qu’il y a chez eux. Diogène l’extrait p. 118. Toujours dans ses Pontiques il avouera à son
faisait l’original parce qu’il habitait un tonneau. […] Eh bien ! lecteur : « Nec mihi credideris : extant decreta quibus nos/ Laudat
dans un hôtel indien, on vous donne une chambre où il y a
et immunes publica cera facit » (Pontiques, IV, 9, v. 101-102).
place seulement pour une paire de pantoufles. Un chien
qu’on y logerait étoufferait. Mais l’Hindou n’étouffe pas. » Ces « barbares » ont su faire preuve de sens d’hospitalité en
Il retourne en Asie en 1945, date à laquelle il rédige une préfa- accordant au poète une exonération d’impôts, en signe de
ce, dans laquelle il constate déjà un décalage entre sa premiè- reconnaissance de son talent.
re expérience – qui, forcément était unique – et la nouvelle : • Voir le texte : http://ec56229aec51f1baff1d-185c3068e223
« Douze ans me séparent de ce voyage. Il est là. Je suis ici. On 52c56024573e929788ff.ssl.cf1.rackcdn.com/attachments/
ne peut plus grand-chose l’un pour l’autre. […] Il a vécu sa vie ». original/7/1/3/002623713.pdf

Soi-même et l’autre • 123


Suggestion de diptyque sur le thème du double
• Pour approfondir sur le thème du double, nous proposons du film de Dupontel permettra aux élèves de découvrir
l’usage étonnant de « réparation » : le héros du film, Edouard
une confrontation entre deux masques antiques et la
Péricourt, artiste, fabrique des masques pour cacher sa
fabrication des masques dans le film Au revoir là-haut,
mâchoire cassée pendant la Première Guerre mondiale. Ces
d’Albert Dupontel, adaptation cinématographique du roman
masques, magnifiques, au-delà de leur fonction esthétique,
de Pierre Lemaître (Prix Goncourt 2013).
acquièrent également une fonction expressive, permettant à
• La mosaïque, datée du II e
siècle, probablement de l’époque Edouard d’exprimer ses sentiments.
d’Hadrien, représente deux masques, un féminin et un
masculin, posés sur l’angle d’une plinthe, au pied de deux • Pour une documentation très complète sur le film et ses
masques en particulier, nous suggérons les liens vers deux
murs visibles en arrière-plan. Le premier, représentant une
dossiers pédagogiques (le premier sur le film, le deuxième
femme dont l’expression est grave, les yeux grands ouverts,
sur les masques dans le film), ainsi que l’article de Télérama
la bouche ouverte, les cheveux longs tressés, contraste avec
permettant de comprendre le travail de la créatrice des
le masculin à l’allure dionysiaque : la tête de ce dernier est
masques du film, Cécile Kretshmar.
couronnée de lierre, ses traits sont grossiers. En réalité, les
deux masques sont des types de la comédie hellénistique, Dossier pédagogique du film : http://aurevoirlahaut-lefilm.
la Comédie Nouvelle : le personnage féminin pourrait ainsi com/ASSETS/AUREVOIR-Dossier-Pedago.pdf
représenter une jeune femme malheureuse et le masculin un Les masques dans le film : http://eduscol.education.fr/
esclave fripon. pjrl/films/2017-2018/critiques-libres-2018/thalia-1.pdf
et www.telerama.fr/cinema/cecile-kretschmar,-lorfevre-
• Le masque, outil d’imitation et de représentation au théâtre, des-masques-de-au-revoir-la-haut,n5465238.php
remplit de nombreuses fonctions, ouvrant des champs
d’exploration variés. La piste proposée via l’exploitation

Suggestion de diptyque sur le thème de la possession


• Sur le thème de la possession, Médée s’impose d’emblée sur les deux fresques par Pascal Quignard – qui, par ailleurs
développe sa vision du mythe dans Le sexe et l’effroi – est
comme étant l’un des personnages les plus représentatifs. La
légende de Médée, effrayante, est liée à une succession de proposée ci-dessous (extrait de la conférence Comment
meurtres plus horribles les uns que les autres, tous motivés figurer sa pensée ?) :
par la passion amoureuse. Pour l’amour de Jason, Médée la http://zezipare.free.fr/public/IMAGES/Francais/Medee/
magicienne – descendante d’Hélios tout comme sa tante Doc_complementaire_-_Quignard.pdf
Circé – n’hésitera pas à trahir son père, couper en morceaux
son plus jeune frère, Apsyrtos, tuer Pélias (qui avait ordonné à • Médée furieuse est le premier tableau d’inspiration
Jason de lui apporter la Toison d’or et le faire ainsi périr) en le mythologique d’Eugène Delacroix. Là encore, l’artiste
faisant dépecer par ses propres filles qu’elle avait trompées ; représente le personnage avant de passer à l’acte du meurtre
puis, trahie par Jason, ne vivant plus que pour se venger, elle de ses enfants, poignard dans la main gauche, serrant ses
immolera sa rivale, puis assassinera les enfants qu’elle a eus enfants de sa main droite. Les trois corps, dans leur nudité,
de Jason, Phérès et Merméros, dans le temple d’Héra. forment une pyramide, symbole de l’attachement originel
de ces trois êtres, malgré l’expression de peur des enfants,
• Nous proposons ici de faire dialoguer deux œuvres pictura- révélée par la lumière qui éclaire le visage de l’un et la
les : l’antique, peinture murale, date du Ier siècle ; la seconde est position de l’autre, sous l’emprise maternelle. La maternité de
le chef-d’œuvre d’Eugène Delacroix, Médée furieuse (1836-1838). Médée est soulignée par la nudité de sa poitrine généreuse.
Le visage de Médée, à l’instar de sa position sur les fresques
La fresque murale représente Médée soit projetant soit
antiques, est tourné sur le côté droit, mi-ombre mi-lumière,
contemplant le meurtre de ses enfants. Cette fresque est à
laissant ici apparaître une forte inquiétude, comme si elle
mettre en rapport avec une autre, datant de la même époque,
se sentait menacée par une force venant de l’extérieur. Loin
découverte à Pompéi, à la Villa des Dioscures (voir lien ci-
donc du calme glaçant émanant des fresques antiques,
dessous) sur laquelle on voit Médée affichant une expression
de tristesse, regardant derrière elle ses enfants, avant de les Delacroix peint le furor du personnage, conformément au
tuer, devant leur pédagogue debout. titre du tableau. Théophile Gauthier la qualifie de « lionne »
http://utpictura18.univ-montp3.fr/GenerateurNotice. en 1855 : « La Médée furieuse de Delacroix est peinte avec une
fougue, un emportement et un éclat de couleur que Rubens
php?numnotice=A5159
ne désavouerait pas. Le geste de lionne ramassant ses petits
• Les deux fresques représentent Médée, debout, droite, dans avec lequel Médée retient ses enfants qui s’échappent est
une forme de « méditation », celle de quelqu’un qui s’apprête d’une invention superbe. »
à passer à l’acte. Une excellente analyse de sa représentation

124 • Soi-même et l’autre


faire le bilan du chapitre
« Soi-même et l’autre » est sans doute le plus complexe des quatre objets d’étude au programme en 2de.
Ses entrées, très spécifiques, demandent aux élèves un effort particulier de réflexion et d’interprétation
de certaines notions, parfois ambigües. Cela semble difficile, voire impossible, de faire le bilan
sur l’intégralité de l’objet d’étude en un seul exercice. Celui proposé ici, de type « sujet d’invention »,
leur permettra d’approfondir leur approche du rapport de l’être humain au surnaturel. La forme
théâtrale, supportant à la fois légèreté, poésie et raisonnement argumenté, est un outil intéressant
pour faire dialoguer le monde des esprits et celui de la science.
Pour dynamiser l’exercice, certains travaux pourraient être « mis en scène », sur la base du volontariat
par exemple.

Plusieurs éléments sont attendus, constituant en même temps des critères d’évaluation :
- La forme théâtrale (deux personnages, des didascalies rédigées correctement)
- L’argumentation : on attend des références précises (dans le manuel notamment p. 120-123)
et on valorisera les exemples personnels en fonction de leur pertinence. Conformément à l’esprit
des programmes, il est important d’insister sur le croisement de l’antique et du moderne ou du
contemporain, de la littérature, des sciences humaines, des arts mais aussi des sciences, les incitant
à chercher de la matière, dans la mesure du possible, dans toutes les disciplines.
- La correction de la langue : sans la pénaliser de manière démesurée, il est important d’en tenir compte.

Autres sujets possibles


• Que représente « l’autre » pour les Romains ? Ce regard a-t-il changé à notre époque ?
On peut traiter la question sous forme d’essai ou de dialogue.
- Vous répondrez à cette question, de manière organisée, en vous appuyant sur les textes
et les documents de la séquence, ainsi que sur votre culture personnelle.
- Rédigez un dialogue entre deux visiteurs d’un grand musée, inspirés par les œuvres d’art
qu’ils observent et qui les font réfléchir sur cette question. Appuyez-vous sur les documents
iconographiques du chapitre pour alimenter l’observation de vos personnages et sur les textes
_ ainsi que sur votre culture personnelle _ pour nourrir leur réflexion.

• Sur le thème de la possession, aliénation : en vous inspirant du monologue de Déjanire, écrivez


à votre tour un monologue, mettant en scène un personnage victime de possession ou d’aliénation.
Votre monologue fera apparaître clairement les circonstances qui sont à l’origine de l’état de votre
personnage. Celui-ci sera, comme Déjanire, entre hésitations et détermination…

Soi-même et l’autre • 125

Vous aimerez peut-être aussi