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Cahiers de la Méditerranée

La conservation des savoirs par les femmes dans les groupes


dominés : le cas d'une commune des Bibans (Algérie)
Yacine Tassadit

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Tassadit Yacine. La conservation des savoirs par les femmes dans les groupes dominés : le cas d'une commune des Bibans
(Algérie). In: Cahiers de la Méditerranée, hors série n°7, 1983. Les savoirs dans les pays méditerranéens (XVIe-XXe siècles) :
conservations, transmissions et acquisitions. pp. 15-27;

doi : https://doi.org/10.3406/camed.1983.1579

https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1983_hos_7_1_1579

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LA CONSERVATIONDES SAVOIRS PAR LES FEMMES DANS LES GROUPES


DOMINES : LE CAS D'UNE COMMUNE DES BIBANS (ALGERIE)

Le présent travail porte sur la conservation des savoirs dans les groupes dominés
économiquement d'une communauté rurale des Bibans. Il s'agit des savoirs
traditionnels : techniques artisanales, agriculture, littérature orale. Ce dernier point a
retenu mon attention, car j'avais remarqué qu'il y avait des liens étroits entre la
culture (la littérature orale) et l'eau, ou de façon plus générale entre la culture et
la nature. Avant d'expliciter ces rapports, il serait intéressant de faire une
digression pour saisir la fonction de l'eau ou de la fontaine dans la littérature orale : conte,
poésie, rêve. Seuls les exemples tirés des contes figureront ici (1).

Dans les croyances populaires, l'eau a une importance primordiale, soit pour
des raisons utilitaires, soit pour des raisons magiques (2).
L'eau, c'est la confiance (amen d lamen), dira le proberbe. L'eau c'est la vie (amen
d dunit), expliqueront celles qui interprètent les songes. L'eau telle qu'elle apparaît
dans les contes, dans les songes, dans la magie est souvent source de vie, elle est
en de rares cas le contraire (3). Dans tous les récits de fondation de village, il est
question de la recherche d'un point d'eau. Ainsi Braham, l'ancêtre éponyme, grâce
à son pouvoir magico-charismatique, fait surgir d'une roche et donne la vie à ses
descendants (4). Ce qui implique la relation suivante : point d'eau, point de vie.
le vocable «point» se réfère ici à la négation «pas» et en même temps au point
géométrique comme étant le point de départ de quelque chose.
Toujours dans ce même village, des villages se sont faits et défaits à cause de l'eau.
Tassadit n-At Adelgadar, prit vers le milieu du XIXème siècle la décision de
s'éloigner du village ancestral pour fonder son propre territoire dans un endroit où il
y avait de l'eau, mais aussi des lions (5). Pour avoir de l'eau, qui est ici synonyme
de vie, Tassadit dut protéger ses enfants des fauves. Elle battait du tambour autour
d'un feu en chantant très fort dans la nuit (6).

LA FONCTION DE L'EAU DANS LE CONTE.

L'eau engendre la vie dans la réalité, mais souvent elle tient une place très
importante dans la symbolique : «les Eaux symbolisent la somme universelle des
virtualités : elles sont fons et origo, le réservoir de toutes les possibilités d'existence,
elles précèdent toutes les formes et supposent toutes créations» (7). Dans le conte,
la fontaine est un lieu très important où se déroule l'action, la fontaine et l'hydre
avaleuse de jeunes filles (8). C'est à la fontaine que se nouent et se dénouent les
intrigues. Il arrive très souvent que les protagonistes hommes aient à se prouver
là leur courage, leur bravoure... Pour les femmes c'est un lieu de concurrence : c'est
l'endroit où l'on remarque les plus belles (le cheveu de Zelgoum) (9) mais aussi
les plus adroites, les plus intelligentes... Les fontaines dans le conte n'ont pas souvent
les mêmes fonctions. Dans le grain magique (10) il y a une fontaine pour les blancs
et une fontaine pour les noirs. Les personnes qui veulent tromper les autres peuvent
se métamorphoser en prenant un bain dans la fontaine contre-indiquée. C'est ainsi
que l'héroïne qui est une femme libre (blanche) oublie les consignes données par
sa mère se baigne dans la fontaine des noires et devient noire ; et l'esclave noire
se transforme en blanche donc en femme libre. La couleur de la peau intervient
-16-
ici pour inverser les rôles dans la vie sociale. La première qui est blanche devient
l'esclave de son ex-esclave.
Dans la «Vache des Orphelins», le petit frère oublie aussi les conseils de sa soeur
et boit dans la fontaine des animaux et se métamorphose en gazelle (11).
La fontaine, la mer (en un mot ce qui donne de l'eau) reviennent si souvent dans
la société traditionnelle dans la réalité, dans la magie, dans la légende, que tout
ne semble fonctionner qu'en rapport avec l'eau, aussi bien la mort que la vie :
«L'immersion symbolise la régression dans le préformel, la réintégration dans le monde
indifférencié de la préexistence. L'émersion répète le geste cosmogonique de la
manifestation formelle». (12)
Le rapport à l'eau et l'expression des manifestations culturelles qu'il implique
ont attiré mon attention il y a quelques années dans une partie du village des At-
Sidi-Braham qui s'appelle P.K.
P.K. est créé par l'armée française dans les années 1958-1959. Initialement c'était
un centre de regroupement (13). Ce petit village est un sous-ensemble du village
traditionnel des At-Sidi-Braham (14) qui s'appelle Taddert (Village en berbère).
En dehors de Taddert il existe sept hameaux qui se sont formés vers la fin du
XIXème siècle (15). D'autres se sont créés depuis l'indépendance dont un à la gare
du chemin de fer connu sous le nom de Portes de Fer (16).

J'avais remarqué qu'à P.K. les groupes ne vivaient pas de la même manière
les difficultés que posait l'eau : pour les uns c'était une partie de plaisir, pour d'autres
une contrainte, pour d'autres encore ce n'était qu'indifférence. L'eau avait commencé
à se faire rare, et le manque de pression dans la journée contribuait à ce qu'elle ne
parvienne à P.K. qu à des heures tardives dans la nuit. (17)

Trois groupes se distinguaient :


- Le premier vit intensément les longues heures d'attente, et la fontaine semble
reconstituer la fontaine traditionnelle, tout en étant un lieu privilégié de
communication, voire de transmission. Les femmes s'y rendent toutes sans exception (jeunes
et moins jeunes). La sortie de l'eau est une sortie ritualisée, importante à leurs yeux.
C'est l'occasion pour elles de voir d'autres femmes, d'échanger des paroles, des
vêtements, des bijoux, et parfois de remarquer une future belle-fille ou belle-soeur.
La grande majorité des jeunes filles y viennent écouter les plus versées dans la
littérature orale (contes, devinettes, proverbes...) (18).
En fait, il semble s'agir dans ce cas d'une restructuration du village traditionnel
autour d'une fontaine publique - qui est ici moderne par rapport à thala - où
s'effectue l'interchangeabilité culturelle. Ces femmes appartiennent au lignage le plus
défavorisé économiquement et qui a été le plus touché par la guerre de libération.
Les hommes sont essentiellement paysans. Des hommes, il n'en reste guère. La grande
majorité des femmes sont veuves. Elles travaillent dans les champs et s'occupent
aussi de leur maison. La plus grande partie des veuves de guerre ne vivent pas avec
leur famille ou dans la famille de l'époux, comme le veut la coutume, surtout
lorsqu'elles ont un enfant mâle.
- Les femmes du deuxième groupe ne vont pas toutes chercher l'eau. Elles
délèguent Tune d'entre elles, de préférence la moins jeune. Il se trouve parfois que
des femmes du premier groupe fassent la chaîne à leur place et appellent quelques
- 17 -
unes d'entre elles au moment où s'effectue le remplissage. Ces femmes
appartiennent à des groupes qui ont dominé dans le passé ou qui dominent actuellement.
Elles ne sortent presque pas de chez elles. Elles ont adopté le voile. Elles ne se
montrent qu'aux hommes de la famille et qui sont très proches. Nous les appelons semi-
citadines, car elles ont fait de courts séjours en ville et en ont subi des influences
et aussi parce que certains membres de leur famille ont émigré en ville. Dans ce
cas. ces femmes qui sont restées au village adoptent pour se distinguer des rurales
du groupe premier, le même comportement que les membres ou leurs familles qui
habitent la ville.
- Les femmes du troisième groupe reçoivent l'eau au moyen d'un tuyau
d'arrosage que les maris placent temporairement à la fontaine pour remplir les bidons
qui sont à l'intérieur des maisons. Le tuyau varie entre cinquante et deux cents
mètres de long environ. Ce stratagème permet aux hommes d'isoler complètement
les femmes. Il en est parmi elles qui n'ont jamais mis les pieds en ville. Elles passent
du stade de la paysanne libre de ses mouvements à celui de la femme cloîtrée. Elles
ne se montrent à aucun homme, hormis leur frère ou leur père. Ces femmes ne
se rendent chez leurs parents qu'une fois tous les deux ou trois ans à l'occasion
de rencontres exceptionnelles (mariage, circoncision, enterrement).

A chaque groupe correspond une situation économique et sociale déterminée.


Les deuxième et troisième groupes appartiennent à des lignages dont les hommes
sont alphabétisés et possèdent de ce fait une culture scripturaire alors que le groupe
numéro un est complètement analphabète. L'apprentissage de la langue française
s'est fait très tardivement pour les deux derniers groupes ; même lorsqu'il y avait
possibilité d'aller à l'école, un nombre restreint parmi les hommes pouvaient y
accéder. Or depuis les années 1967 - 1968, la source qui alimentait P.K. s'est tarie, et
la grande majorité des femmes du premier groupe ont quitté le village pour rejoindre
leur hameau d'origine (19). Nous pouvons établir la relation suivante : Fontaine
tarie a» dissolution du groupe, qui entraîne une régression culturelle au sein de P.K.,
tandis que les groupes deux et trois n'ont pas éprouvé le besoin de se déplacer.
En retournant dans le village, qui était le leur avant le déclenchement de la guerre
de libération, les femmes du premier groupe ont reconstitué le cadre socio-culturel
créé à P.K., mais elles ont aussi repris les anciennes pratiques en les amplifiant,
en les enrichissant. Comme nous l'avons écrit plus haut, la composante féminine
est plus importante que la masculine. Les hameaux situés en dehors du village
traditionnel ont perdu la grande majorité de leurs hommes. Parmi les 287 chouhada
(martyrs sur une population totale de 4 000 habitants environ) enregistrés plus
des trois quarts sont des leurs. Il n'y a plus eu de division sexuelle du travail. Les
hommes sont souvent absents ou pas disponibles toutes les besognes retombaient
sur les femmes. Il n'y a plus eu division sexuelle du travail. Les femmes faisaient
tout. Etant donné la vacance du pouvoir, elles sont devenues les chefs incontestés
dans les familles, ce qui n'est pas nécessairement et uniquement un fait nouveau
dû à l'indépendance et à l'absence de la part des hommes. Cela avait cours dans
le passé : seulement il y avait des conditions préétablies pour prendre la
responsabilité ; la maîtresse de maison doit être juste, adroite et intelligente. Elle doit savoir
mesurer ses gestes et paroles. Une expression berbère le révèle en opposant celle
qui travaille et qui sait parler à celle qui est fainéante et ne sait pas parler : tin£yes
anyi v*il a vusfen diles azidan (celle qui a le bras long et la langue douce) par oppo-
-18-
sition à celle qui a iyil aguran d gamuc afuhan (bras dur et bouche puante). La
maîtresse de maison doit être la première levée et la dernière couchée, travailler dur
et manger moins. En résumé, résister à toutes les tentations. Celles qui recherchaient
le pouvoir devaient obligatoirement remplir ces conditions et parfois aller jusqu'à
les surpasser. Mais depuis l'indépendance leur situation a beaucoup changé. Les
veuves de guerre refusent ces critères. Les pensions représentent pour elles le
minimum vital, et avec la force de leur travail elles ont pris des distances vis-à-vis des
hommes de la famille et organisent leur vie comme elles l'entendent.

En somme, on pourrait affirmer que les femmes du premier groupe sont dans
l'ensemble les chevilles ouvrières au sein de leur famille, et par conséquent elles
mènent une vie dure mais entière. Tandis que les femmes issues des groupes deux
et trois sont assistées économiquement et moralement par des hommes de la
famille, d'où leur irresponsabilité et leur manque d'initiative. Elles ne sortent presque
pas, mais comme elles ne travaillent pas à l'extérieur de la maison les sorties ne
sont pas justifiées. Les femmes sont, dans ce cas. elles-mêmes très vigilantes quant
à leur statut socio-économique qu'elles sentent fragile, d'où l'existence de rigorisme
excessif.
Les différences qui existent entre les deux grands groupes m'ont amenée à
constater que la domination s'effectuait dans le sens :

GROUPE DEUX ET TROIS GROUPE UN

Culture scripturaire Analphabétisme

Acculturation dans la culture Culture orale importante


orale

Tendance à la citadinisation Permanence dans la vie rurale

Port du voile par les femmes Inexistence du voile

Pouvoir absolu exercé par les Pouvoir relatif des hommes


hommes sur les femmes sur les femmes, et parfois
des femmes sur les hommes

Les femmes ne font que les Les femmes participent


travaux domestiques presque à tous les travaux
(principalement : agriculture,
construction, vannerie)
Existence de nombreux mariages Mariages forcés
forcés (20) exceptionnels

Polygamie injustifiée Polygamie très rare, sinon


elle est justifiée
-19-
La collecte de chants, de poésie, de contes a été essentiellement effectuée
dans le premier groupe, où j'ai eu plus de facilité dans les contacts.
L'enquête m'a permis de relever quelques biographies de femmes ; sur vingt femmes
contactées dix-sept étaient veuves. Les femmes des deux autres groupes vivent une
acculturation et affirment de manière consciente que l'oralité ne peut constituer
pour elles un soubassement culturel, un support tangible du savoir. Elles affichent
un franc mépris à l'égard de tout ce qui y fait allusion. Leur modèle culturel se
réfère à la lecture et à l'explication du Coran. Elles ont conservé quelques poèmes
hagiographiques et quelques récits de fondation. Elles se croient les chantres du
savoir religieux en psalmodiant par-ci par-là quelques bribes de Coran. La poésie
d'amour est complètement niée à l'idée d'entendre le mot «ahiha» (chant d'amour)
elles invoquent Dieu pour chasser Satan.
Peut-on en conclure que les femmes qui ne viennent pas puiser l'eau, ne puisent
pas les saveurs de la vie ?
Les femmes qui refusent l'eau commune refusent-elles aussi l'amour de l'existence
ou l'amour en soi ?
Les thèmes inhérents à l'amour sont tabous. On ne s'y réfère jamais. L'eau dans
le domaine erotique désigne l'émission séminale (amen ggwergaz). Le sperme est
l'accomplissement de l'acte sexuel qui, lui débouche sur la fécondité (vie). Comme
l'eau, le sperme engendre la vie (21).
Pouvons-nous extrapoler et mettre en relation ceci :

ciel terre - végétation


EAU continuum de la vie
homme - femme - enfant

Comme l'eau qui tombe du ciel sur la terre engendre la vie (végétation), le
sperme de l'homme au contact de l'humidité de la femme donne la vie. Les deux
vies : celle de la nature et celle de l'homme se complètent. L'amour ne se réfère
pas seulement à l'acte sexuel proprement dit. C'est le flux de mots, de sens,
d'expressions que chacun lui donne. Tout comme l'eau : l'eau qui coule, qui murmure,
qui chante et ici s'accompagne de paroles, de symboles en un mot de vie ; la vie
à travers l'eau ne fait que perpétuer une culture, la fixe dans la mémoire et la
transmet à la postérité.

Modes de transmission :

La poésie, le chant, le conte obéissent à des règles tracées peut-être par une
tradition plusieurs fois millénaire ; cependant, ce qui impressionne l'observateur
c'est la dose d'émotion, de chaleur, et de sens dont le texte est imprégné. Comme
l'écrit M. MAMMERI : «les poèmes ici rapportés ne sont pas des documents
indifférents, des pièces dont la valeur comptable est d'argumentation. Ils vivent et font
partie des réalités qui donnent un sens à l'existence du groupe qui les a créés.» (22)
Plus loin Mouloud Mammeri ajoute : «en effet, dans leur culture d'origine chacun
de ces poèmes est un tout, il a une valeur singulière, il a un visage, un nom, souvent
une histoire et souvent une destinée (24).
Les femmes connaissent en effet la signification, la valeur et les conditions de
production lorsque le créateur est connu. Chacune d'elles donne une dimension
nouvelle, un reflet de sa propre existence, de son expérience à un poème qui existait
depuis des générations.
-20-
L'important,
elles le pétrissentsomme
et l'exhibent
toute, est que
à leurs
les femmes,
auditrices,
en avec
conservant
lesquelles
le savoir,
elles vivent
le vivent,
en
communion, comme s'il venait d'être fraîchement cueilli (créé). Comme l'affirme Y. NA-
CIB : «les thèmes fondamentaux de cette poésie regardent toutes les femmes. Ce
qui est demandé ou maudit, ce que le poème souligne, chacune le ressent comme
la concernant directement». (24)
La récitation dans la poésie n'est pas machinale. Elle n'est pas dénuée de sens, voire
de sensation : c'est une inspiration du moment, une conviction de «leur» existence.
L'évocation des poèmes s'accompagne d'une multitude de gestes, de symboles, de
regards expressifs, de hausses et de baisses de tons, de larmes et parfois d'un sourire
furtif. Réciter, chanter, conter, n'est pas l'apanage de certaines (25) contrairement
au savoir scripturaire ou à la grande poésie d'auteurs où les créateurs doivent
répondre à certains critères (26). Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'une sensation
profonde, d'une sensibilité poussée à l'extrême chez celles qui en assurent la
conservation. C'est presque un art que l'on acquiert si l'on vit en parfaite harmonie avec
son cadre socio-culturel. La conservation de ce savoir ne s'est fait que dans les
familles qui ont su reconstituer le puzzle : leur culture cadre avec leur vie. Tandis
que les autres ont changé, ont modifié leur vie en croyant l'améliorer. Résultat :
ils ont brouillé les cartes et effacé les traces pour être en parfaite harmonie avec
leur idéologie, qui est essentiellement tournée vers la scripturalité, l'arabité et
l'intégrisme (27).
Les problèmes soulevés ici peuvent être appliqués à n'importe quel type de société.
Ailleurs une terminologie adéquate distinguerait une classe d'une autre. Mais, ici,
le cheminement de l'histoire en a décidé autrement. Cependant, des changements,
des évolutions se font sentir chaque jour davantage. Il est important de les saisir
au vol afin d'en laisser trace.

CONCLUSION

A cheval entre deux régions plusieurs cultures ces groupes ont essayé
d'acquérir plus et de donner moins. Les plus fidèles à l'ancestralité (la terre mère ou terra
mater) et aux valeurs traditionnelles (sans pour autant renoncer à une certaine forme
d'ouverture), ce sont les membres du premier groupe et plus particulièrement les
femmes. Il semblerait qu'il y ait là un fait naturel qui a survécu au temps et aux
hommes. Car si on remontait dans le passé lointain on constaterait l'existence de
liens unissant la femme à la terre dans diverses cultures (28). Comme la femme,
le terre enfante. Pour désigner un contribute, on dit en berbère mmis ttmurt (fils
de la terre), le village, le pays et la planète se confondent, par opposition à mmis
ttemdint (fils de la ville). On désigne par ailleurs les êtres vivants (hommes) comme
les enfants de la vie at ddunit par opposition à at laxart ou les enfants de la mort.

La femme serait donc mystiquement solidarisée avec la terre (29), ce serait


elle qui aurait découvert la culture des plantes alimentaires (30). Dans bon nombre
de religions anciennes, la création cosmique est le résultat d'une hiérogamie entre
le «Dieu-Ciel» et la «terre-mère». Ce mythe aurait servi de modèle aux hommes
qui considèrent que le mariage humain est une représentation de l'hiérogamie
cosmique (31).

Les femmes du premier groupe se solidarisent donc avec leur homologue la


Terre (terre mère) pour conserver ensemble ce qu'elles ont produit de plus précieux.
-21 -
Je n'insisterai pas davantage sur le second groupe, qui se trouve en position
charnière entre l'ascension sociale et la permanence dans la nature (terre) qui lui
procure un confort matériel. Ce groupe se débarrasse de la couche externe, apparente,
pour se distinguer des paysans. En revanche, il veut acquérir le superflu, l'apparent
des groupes dominants. Son comportement rappelle celui de la petite et moyenne
bourgeoisie en Europe. Au sommet de la pyramide se trouve le troisième groupe,
groupe dominant culturellement et économiquement, chez qui la marge entre la
nature et la culture est tellement importante qu'il se trouve entièrement dépossédé
de sa personnalité première, intrinsèque à la nature. Ce qui le marginalise, à un
moment donné de son histoire, par rapport à l'ensemble des comportements. Il
est poursuivi par un spectre permanent qui est la recherche d'un milieu, d'une
communauté, en somme d'une identité (32). Il reproche aux deux autres leur maintien
dans le sous-développement, tout en les infériorisant davantage. «Vulgaire» «sauvage»
«arriéré» sont les adjectifs utilisés pour désigner les groupes dominés. Pour connaître
une ascension sociale, les membres de ce groupe dominant ont «payé leur accès
en changeant de nature». C'est ce que P. BOURDIEU appelle mebosis eis allô genos
ou promotion sociale perçue comme une promotion ontologique. Il est vrai que
ce désir de progrès ou «d'évolution» n'est pas perçu par eux de manière consciente
comme étant une stratégie pour «arriver». Elle est souvent vécue de manière
inconsciente d'où son efficacité. Ce pouvoir économique et culturel acquis, le groupe
le légitime par un pouvoir ou capital symbolique : une généalogie, une renommée
fabriquée ou acquise avec de l'argent ou avec sa culture, qui est la culture du pouvoir
mis en place (quel qu'il soit). P. Bourdieu écrit à ce sujet : «la culture est un enjeu
qui, comme tous les enjeux sociaux, suppose et impose à la fois qu'on entre dans
le jeu et qu'on se prenne au jeu...» (33). Ceci est vérifié dans notre cas, et c'est la
raison qui fait que la littérature ancienne se consume petit à petit, comme l'indique
M. Mammeri dans son introduction aux poèmes anciens : «il était temps de happer
les dernières voix avant que la mort ne les happe» (34).

En effet, les plus versées dans la littérature orale ancienne disparaissent une à
une. Cependant la mort en emporte moins par rapport aux institutions officielles,
modernes, mises en place (35). A brève ou à longue échéance la littérature orale
ancienne est menacée d'extinction, car elle subit de nos jours une forte domination
de la langue arabe, langue académique, langue du pouvoir et de la religion, et de
l'arabe dialectal comme langue véhiculaire qui a même envahi les montagnes, langues
auxquelles les habitants se sont pourtant toujours montrés récalcitrants (36). De
ce fait, la culture des rurales est doublement dominée : par la culture citadine et
par la culture scripturaire qui est la langue du pouvoir, de la religion, des médias
et de l'économie... Les groupes deux et trois fortement influencés et désireux de
connaître une ascension sociale, renoncent volontiers à leur culture d'origine qui
est en somme leur personnalité. Ce comportement leur donne l'illusion d'un
pouvoir relatif, légitime, conforme à l'idéologie officielle qu'ils adoptent. Pour ce faire,
ils se censurent, ils «refoulent», et renoncent à tous les plaisirs de la vie. N'ayant
rien gagné, donc rien à perdre, les groupes dominés ont conservé les derniers
fossiles de leur culture : la langue d'abord, puis les contes, les poèmes et les chants
qui par l'effet du hasard ont échappé à l'acculturation. Comme les derniers grains
qui se sont incrustés dans les trous de la meule pour éviter la presse à huile (37).

Tassadit YACINE
Alser, mai 1981
NOTES

(1) J'ai abordé le thème de l'eau dans la poésie dans un article du Bulletin intérieur
du Crape, No. 13, septembre 1981.

(2) Dans le présent travail je n'aborderai pas les effets magiques de l'eau, je ne citerai
que quelques exemples : l'eau est souvent utilisée dans la magie blanche ou noire
et pour les soins. On ramène l'eau des sept vagues pour guérir de la stérilité ou faire
en sorte qu'une jeune fille se marie. Cette eau est rejetée à la mer après utilisation.
Les femmes expliquent que la mer a pour fonction d'éloigner le mal. L'eau recueillie
de sept fontaines ou de sept vagues est nécessaire pour la voyance dans la buggala.
La buggala est un procédé de divination spécifique des citadines.
(3) II faut entendre l'interprétation que donnent les hommes de la symbolique
aquatique, c'est-à-dire que l'eau engendre la vie à travers la mort. Il s'agit de concevoir
la mort comme un fait nécessaire et non comme une fin ; car ici c'est plutôt un
commencement. (En Kabylie on pleure plus les morts qui n'ont pas eu de
descendance que ceux qui en ont). Ceci renvoie au trinôme : vie-mort-résurrection. Eliade
écrit : «le symbolisme des eaux implique aussi bien la mort que la renaissance. Le
contact avec l'eau comporte toujours une régénération : et parce que la dissolution
est suivie d'une nouvelle naissance, et parce que l'immersion fertilise et multiplie
le potentiel de la vie... Mais, tant sur le plan cosmologique que sur le plan
anthropologique, l'immersion dans les eaux équivaut non à une extinction définitive, mais
à une réintégration passagère dans l'indistinct, suivie d'une nouvelle création, d'une
nouvelle vie ou d'un «homme nouveau» selon qu'il s'agit d'un moment cosmique,
biologique ou sotériologique. Au point de vue de la structure, le déluge est
comparable au baptême, et la libation funéraire aux lustrations des nouveaux-nés, ou bains
rituels printaniers qui procurent santé et fertilité». Le Sacré et le Profane, Paris,
Gallimard, 1965, p. 11.

(4) Voir Bulletin du CRAPE, No. 1 1 , septembre 1980, pp. 25 - 32.

(5) II s'agit de Meccik. On appelle Méccik toute la partie qui se trouve de l'autre
côté de la rivière amariy. C'était entièrement sauvage il y a un siècle environ. Cette
région était couverte de forêts, de pins d'Alep, de genévriers. On retrouve des
descriptions dans SHAW. L'Algérie avant l'occupation française. Paris, Carthage, 1968,
p. 197. PEYSONNEL et DESFONTAINE. Voyage dans les régences d'Alger et de
Tunis. Paris, Gide, 1838, t. 2, p. 376. ORLÉANS (duc d'). Récits de campagnes,
1833 - 1890, Calmann-Levy, 1890, pp. 231 - 172.

(6) L'histoire de Tassadit n-At Abbelgadar est singulière. Cette femme a déifié les
bêtes sauvages (law/juc) et la nature sauvage (laxla) pour mener à bien son
entreprise, qui se résume à échapper à la faim et à la soif qui la guettaient au village,
mais aussi à sortir de l'organisation sociale ancestrale pour donner son empreinte
définitive à un futur village créé par ses soins, de l'autre côté (agummad) de la
rivière. Les premiers temps, elle battait du tambour et surveillait un feu de bois toute
la nuit pour éloigner les lions. L'usage du tambour, ici présent, est strictement
masculin, il symbolise l'ordre et l'organisation sociale. Ainsi fut son début à Meccik, qui
-24-
devient un village bien grand avec différentes parties. Comme Tassadit, les femmes
du groupe premier ont de l'ascendant sur les nommes. J'expliquerai le pouvoir des
femmes dans ces groupes dans un autre travail.

(7) ELIADE (Mircea). Le sacré et le profane. Paris, Gallimard, 1965, p. 1 10.

(8) AMROUCHE (T.). Le grain magique. Paris, Maspéro, 1966, p. 85. Il existe une
autre version connue dans la région des At Dejennad. Voir Lacoste Dujardin
(Camil e). Traduction des Contes merveilleux et légendes de Kabylie. Paris, Geuthner,
1965.

(9) MAMMERI (Mouloud). Machaho Telemchaho. Paris, Bordas, 1981 , p. 9.

(10) AMROUCHE T., Ibid., p. 13.

(11) AMROUCHE T., p. 55. Ce conte est connu à travers presque toute l'Algérie
aussi bien des berbérophones que des arabophones. Lacoste - Dujardin (Camille).
Le conte Kabyle. Paris, Maspéro, 1970, l'auteur cite de nombreux exemples où
la fonction de l'eau dans le conte est étudiée avec plus de détails et de manière
exhaustive.

(12) ELIADE (Mircea), p. 1, ibid., p. 111.


(13) P. K. signifie Point Kilométrique. P. K. est adopté comme un toponyme local.
Depuis le mois de juin 1981 un panneau indique le nom officiel de P. K., qui est
Tizi Iqqacucen. Ce nom est celui de trois ou quatre hameaux situés à quelques
kilomètres de P. K. où pendant la guerre s'est produit une exécution de 16 personnes.

(14) La fondation de Taddert remonte à quatre siècles d'après les récits de


fondation oraux qui ont été recueillis. On appelle ce village At Sidi Braham - fils de Bra-
ham - car l'ancêtre fondateur s'appelait Braham, et les descendants selon la coutume
prennent le nom de l'ancêtre. Le fondateur comme l'indique son nom «sidi» est
un saint d'où l'origine religieuse de ce lignage. At Sidi Braham est un douar et une
fraction du Douar de la Tribu des Ben Daoud selon Accardo dans Répertoire des
tribus et douars publié en 1869, les Bendaoud seraient à leur tour une fraction
des Ben Daoud de l'Aurès. Les Ben Daoud sont actuellement arabophones - donc
At Sidi Braham serait un reliquat de la berbérophonie - géographiquement, le
village se situe à la limite. En suivant la route, on s'en rend compte en général, car
les villages qui se trouvent sur la route à partir d'Imaziten sont arabisés et les
montagnes encore berbérophones. D'autre part - sans être catégorique - les Ben Daoud
ne sont pas d'ascendance maraboutique, et il n'y a aucun souvenir de cette
apparence dans la mémoire collective.

(15) II s'agit de Meccik, tala Ihag', arruda, sidkli uyahia. tizi iqqacucen.

(16) Ce nom «Portes de Fer» est emprunté à celui de la montagne que l'on appelle
la chaîne des bibans qui est la traduction en arabe du berbère taggurt qui veut dire
Porte.
-25-

(17) Le fait que l'eau ne parvienne que le soir convient d'une certaine manière aux
nommes. Le village est situé au bord de la route sur la route nationale qui part d'Alger
vers Constantine et de ce fait, le spectacle des femmes à la fontaine serait offert
à tous, s'il y avait de l'eau à la fontaine pendant la journée. Il semblerait par
ailleurs que le remplissage d'eau de nuit serait devenu une coutume instaurée par les
hommes dans certains villages de Kabylie. D'après Bourdieu in Esquisse d'une théorie
de la pratique, Genève, Droz 1972, p. 36... qui écrit que : «la fonction qui incombe
ailleurs (dans d'autres villages kabyles) a une opposition spatiale, est ici (dans un
village près de Sidi Aich en Petite Kabylie) impartie à un rythme temporel et les
femmes vont à la fontaine à certaines heures, à la tombée de la nuit par exemple»).

Ouary (Malek) dans le Grain dans la meule, Paris, Correa, 1956, signale aussi
que les femmes dans un village kabyle se rendent à la fontaine après le dîner et
décrit le plaisir qu'elles manifestent, comme les femmes du groupe premier du texte.
Malek Ouary écrit à ce sujet : «surgies en divers points du quartier du village, des
sources fraîches de musique, toutes influent vers la «tanière du lion», la fontaine
d'eau.
Après le couscous du soir, c'est l'heure tant attendue, comme des sources fraîches
de musique elles confluent toutes vers la provision d'eau, on peut suivre le
cheminement des groupes au carillon des anneaux d'argent, etc.. qui jouent aux chevilles
des belles... Ce n'est point là une corvée, mais bien plutôt une fête quotidienne.
Toutes veulent en être, aussi quelle cuisante déception pour celles qu'une mère
sévère ou une belle-mère rancunière en priverait. Elles raffolent de cette heure
comme les perdrix apprivoisées du moment où chaque jour, ouvrant leur cage, on leur
accorde quelques instants de liberté qu'elles entendent exploiter à fond.
Chacune voudrait, en quelques instants, communiquer à ses compagnes sa vie d'une
journée entière. Gazette drue, fourmillante de formules concises et percutantes,
de pointes acérées qui déclenchent la fusée d'un rire...», p. 104.

(18) Les poèmes récités lors de la communication seront publiés à part.

(19) Voir note 15.

(20) Les grandes lignes de ce tableau soulignent les différences qui existent au niveau
des groupes II - III et le groupe I. L'existence de nuances, de variantes s'avère
néanmoins suivant le temps et l'espace. Des changements spectaculaires se sont produits
depuis l'indépendance comme la scolarité au niveau du groupe III : les mêmes règles
imprégnées de rigidité et de préjugés en ce qui concerne les femmes. Règles par
lesquelles il s'est toujours distingué. Les filles contrairement aux garçons ne
poursuivent pas les études supérieures et même secondaires. Les études sont
interrompues par la seule volonté du père ou du clan agnatique vers la troisième des lycées
et collèges. Aussitôt les filles sont mariées et la plupart avec des hommes souvent
analphabètes. Paradoxalement les filles des groupes dominés sont scolarisées
lorsqu'il y a possibilité et dans ce cas les familles manifestent le désir de voir leurs filles
continuer les études afin de leur donner un bagage (ce qu'ils appellent une arme)
et leur garantir l'avenir. Les seules filles qui ont accédé à l'université, ce sont des
filles de veuves. Les mariages dans ces groupes sont souvent combinés par les
femmes et aussi parce que les filles sortent aux champs et vont plus dans les autres
familles pour n'importe quelle raison et ainsi elles ont neuf chances sur dix de
connaître leur futur mari.
- 26 -
(21) LACOSTE DUJARDIN, le conte kabyle, p. 136, SERVIER (Jean), Les Portes
de l'année, Paris, Laffont, 1962, p. 118. SERVIER (Jean), L'homme et l'invisible,
Paris, Payot, 1980, p. 115.

(22) MAMMERI (Mouloud), Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspéro, 1980, p. 7.


(23) MAMMERI (Mouloud), Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspéro, 1980, p. 11.

(24) NACIB (Youcef), Elements sur la tradition orale, Alger, Sned, 1981 , p. 9.
(25) A ce sujet Y. Nacib écrit «si la poétesse est aussi une muse ce dédoublement
n'est pas le fait d'un apprentissage, il s'agit d'une vocation vécue mais ignorée. Dans
cette poésie, la nature se faufile dans la culture». Ibid., p. 7.

(26) MAMMERI (M.), Ibid. ; dans son introduction aux poèmes anciens et dans
une interview accordée à Bourdieu (P) : Dialogues sur la poésie kabyle, in cahiers
de la recherche sociologique, 1980, (pp. 52 - 66) où l'auteur développe la théorie
de la tamousni, qui, d'après lui obéit à certaines règles. On ne devient amousnaw
que si l'on est plus ou moins initié.

(27) Cette situation n'est pas née par hasard, elle est la résultante d'une politique,
d'une histoire, et d'un contexte social. Je signale que les communes mixtes du cons-
tantinois et du sétifois avaient seulement 2 % parmi les enfants scolarisés d'où
l'acharnement des familles à scolariser leurs enfants dans les merdersas locales
d'abord, ensuite ils leur assurent un perfectionnement, lorsqu'ils le peuvent, à la Zaouïa
de Constantine. Ceci explique l'influence du réformisme vers les années 1945 - 1950
suivie d'un regain de la religiosité et de l'intégrisme qui sévissait à l'état latent.
Depuis l'indépendance trois ministres des affaires religieuses sont recrutés dans cette
région (dans un rayon de 40 km) et sans compter les nombreux cheikhs, tolbas
qui monopolisent le discours religieux aussi bien dans les mosquées qu'au niveau
de la radio. Le discours religieux à la radio (RTA chaîne II) se fait en berbère et
démystifie les théories berbéristes.

(28) ELIADE (Mircéa), Le sacré et le profane, Paris. Gallimard, 1965, p. 118.

L'auteur rapporte qu'un prophète indien refusait de travailler la terre. Il


estimait que c'était un péché de blesser ou de couper, de déchirer notre «mère
commune »
.

(29) ELIADE, Ibid., p. 120.


(30) Le phénomène social et culturel connu sous le nom de «matriarcat» se rattache
à la découverte de la culture des plantes alimentaires par la femme. ELIADE, ibid.,
p. 123.

(31) ELIADE. ibid., p. 125.

(32) Voir note 24. Ces groupes tiennent un discours conforme à l'idéologie officielle
qui consiste à nier l'évidence : c'est-à-dire nier l'existence de la berbérité en tant
- 27 -
qu'ethnie et en tant que culture pour laquelle ils n'ont pas de prédilection.
Néanmoins ils sont pris dans une situation complexe ils se disent «saints» ou «marabouts»
lorsqu'ils se trouvent parmi les kabyles (ou laïcs) et sont connus eux-mêmes comme
kabyles - à cause de la langue, et de leur culture... - en ville par les arabophones.
Que sont-ils ? Ils ne le savent point. Voir à ce sujet notre article : Lignage religieux
et production symbolique - Bulletin du CRAPE, 1981, No. 12.

(33) BOURDIEU (Pierre), La distinction critique sociale du jugement, Paris, Ed.


de Minuit, 1979, p. 279.

(34) MAMMERI (M.), ibid., p. 10.


(35) Je fais allusion aux médias qui sont la propriété exclusive du pouvoir.

(36) J'ai constaté que les habitants situés entre Chréa (département d'Alger) et
de Tablât (département de Titteri) parlent de plus en plus l'arabe alors que pendant
la guerre ils étaient encore berbérophones. Ne parlent le berbère parmi ceux qui
habitent la vallée que les vieux ; selon les contacts établis en mars 1981 avec les
O0 A qui vivent actuellement à Boufarik.

(37) Cette métaphore est empruntée à Malek Ouaryqui a intitulé son roman le grain
dans la meule paru aux Editions Corréa, Paris, 1956.

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