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Revue des Etudes Grecques

AIcméon et les cycles physiologiques de Platon


Charles Mugler

Résumé
Le fragment 2 d'AIcméon, dont le souvenir peut se poursuivre jusque dans la poésie de Goethe, ne s'explique pas par la note
24 Al de Diogène, mais par la théorie des cycles physiologiques prêtée au Crotoniate par Aétius, théorie dont Platon semble
s'être inspiré pour sa physiologie de la respiration et de la nutrition dans le Timée.

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Mugler Charles. AIcméon et les cycles physiologiques de Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 71, fascicule 334-338,
Janvier-décembre 1958. pp. 42-50;

doi : https://doi.org/10.3406/reg.1958.3533

https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1958_num_71_334_3533

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BY: î r t î f — ι créative.
— 1 commons
ALCMÊON ET LES CYCLES PHYSIOLOGIQUES
DE PLATON

P a r m i les propositions détachées que la tradition nous a con-


servées de l'œuvre d'Alcniéon, il en est une qui, p a r son caractère
énigmatique, a frappé dès l'antiquité l'imagination des lecteurs.
C'est le fragment 2, conservé dans les Problèmes du Corpus a r i s -
totélicien, o ù l'illustre médecin affirme que les h o m m e s périssent
parce qu'ils sont incapables de rattacher le commencement à la
fin (1). Cette explication de la m o r t des h o m m e s a retenu l'at-
tention, non seulement des philosophes et des hellénistes, mais,
d'occurrence, aussi des poètes. Goethe y fait allusion dans deux
vers de sa poésie « D a u c r im Weclisel ;> d u p r i n t e m p s 1801 :
© « Lass den Anfang m i t dem Ende
sich in oins zusammenzielm > ( a ) .
Le poète y recommande au sage de relever le défi du Crotoniale
en se plaçant s u r le plan moral, où il est donné à l ' h o m m e de
s'assurer la pérennité de son existence en liant ses dernières créa-
tions à celles de sa jeunesse et en réalisant ainsi dans le m o n d e
de l'esprit ce circuit fermé que la nature lui refuse dans le

( ι ) τους ανθρώπους... δια τοΰτο ά—όλλυσθαι, οτι ού δύνανται τήν άο/ήν τώ


τέλει τϊοοσάψαι, g1** a 3 3 .
(:î) λ ors coltc époque de sa vie, Goethe était fortement préoccupé <le p h i -
losophie grecque, comme le montrent les notes des « Tagebiicher », entre
autres colles du 18.1.179g, du 20.12. au 25.12.1799, et ses emprunts a u *
bibliothèques ; cf. E . vo>f Km:DELL, Goethe ah Bcnutzer der Weimarer Bi-
bliothck, W c i m a r 1931, en particulier aux dates du 15.2.1798, d u 14.11.179$,
du 3 I . I . I 8 O I . du 18.2.1801 ; souvenons-nous aussi qu'en 1797 Goethe a d e
longs entretiens avec A . von Humboldt, excellent connaisseur de la pensée
grecque.
ΛΙ-CMÉON ET LES CYCLES PHYSIOLOGIQUES DE PLATON 43

monde physique ( i ) . Il va sans dire que cette interprétation de


l'aphorisme d'Alcméon, que Goethe a rencontré dans un isole-
ment absolu de toute documentation sur la pensée générale du
Crotoniate, est aussi personnelle que libre.
\Iais si on concède volontiers au poète le droit d'interpréter à
sa façon et < Γ intégrer dans sa pensée à lui une proposition isolée
d'un penseur grec, le philologue doit chercher à la faire sortir
de son isolement, en lui assignant une place dans la tradition
relative à son auteur, et à l'interpréter objectivement en fonction
des données philosophiques <it scientifiques de son temps.
Or, parmi les traits disparates que la tradition nous a conservés
des théories et de l'enseignement d'Alcméon, celui qui à pre-
mière vue semblait le mieux prêter à un rapprochement avec le
fragment 2 est cette note de Diogène d'après laquelle l'âme chez
Alcméon est animée d'un mouvement de révolution continu analo-
gue à celui du soleil (2). Aussi l'interprétation la plus courante (3)
du fragment 2 consiste-t-elle à considérer cette proposition énig-
matique comme le chaînon "final d'un raisonnement pouvant se
résumer à peu près ainsi : si l'âme des hommes pouvait con-
server indéfiniment son mouvement de rotation, la vie des hommes
serait, comme celle de l'univers, éternelle. Mais l'âme se distingue
des astres pi'écisément en ce que son mouvement est limité dans
le temps, et qu'il arrive pour elle un jour où le moment qui
marque la fin d'une révolution cesse de marquer aussi le com-
mencement d'une révolution nouvelle. Ne pouvant réaliser cette
jonction, l'homme est condamné à mourir.
Cette interprétation se heurte cependant à une grande difficulté.

(1) La grandeur cl le charme du poèle persan Itafiz consistent pour Goethe


à avoir réussi o e tour <Io force dans son œuvre. Dans le Divan occidental-
oriental il dira de lui, dans une poésie portant le titre significatif Unbc-
(jrcn;t :
c Dass Du uicht cndeii kamtst. das maclil Dicli gross,
Und dass Du nie heginnsl, das ist Dein Loos.
Dein Lied ist drehend, wie das Sterngewolbc,
Anfang und Ende immerfort dasselbe,
Und was die Mille bringt, ist offenbar
Das, was zu Ende blcibl und Anfangs war. »
<•-*) D. V. :>/| A ι ; cf. aussi v.!\ A 12.
(3) Cf., entre autres. J. BURNKT, Enrly greek philosophy. p. i g 5 ; A. L.
T A ï L O U , Λ eommentary on Plato's Timaeus, pp. 262 et passim.
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Le texte cité de Diogène est précédé de la note εφτ, δέ την ψυχή ν


άθάνατον. Le mouvement de révolution de l'âme ne cesse donc
pas avec la mort d'un homme, et celle-ci ne saurait donc être
causée par l'arrêt de ce mouvement. Il convient de se le repré-
senter, plutôt, comme immatériel, à la manière des deux révo-
lutions de l'âme humaine de Platon ( i ) , qui s'est inspiré, de
l'avis unanime des exégètes, cl'Alcméon pour cette page du Timée.
Il faut donc essayer de chercher une explication du fragment 3
qui soit fondée non pas sur un mythe de l'âme, mais sur ce que
nous savons de la science médicale d'Alcméon. N'y aurait-il pas
dans la physiologie du Crotoniate des cycles fermés dont le ralen-
tissement et l'arrêt sont susceptibles de causer le vieillissement et
la mort de l'individu humain ? Pour répondre à cette question,
examinons d'abord le même problème dans la physiologie du
Timée. L'influence d'Alcméon sur Platon ne se borne pas, en
effet, au mythe des révolutions de l'âme. LOpposition implicite
du fragment 2 d'Alcméon, à savoir l'opposition entre un cosmos
dont la vie continue indéfiniment parce que les cycles physiques
n'y cessent jamais de se reprotluire, et le microcosmos de l'homme
qui est condamné à mourir parce que les cycles qui définissent et
entretiennent sa vie s'arrêtent un jour, se retrouve explicitement
chez Platon. Certes, cette infériorité de l'homme par rapport au
cosmos est affirmée par Platon à propos de l'âme humaine (2) ;
mais elle l'est avec une insistance particulière à propos des cycles
physiologiques dans le corps humain que Platon nous décrit aux
pages 78 A sq. du Timée.
Platon distingue deux cycles principaux, celui de la respiration
et celui de la nutrition, la circulation du sang. Le cycle de la
respiration est composé de deux cycles complémentaires. D'un
côté, l'expiration chasse de sa place l'air avoisinant la bouche et
le nez, qui, à son tour, pousse devant lui la portion d'air voisine,
et ainsi de suite. Il se produirait donc un vide intérieur et un
trop plein d'air extérieur, ce qui serait contraire à ce principe
de la physique platonicienne d'après lequel la nature tend à sup-
primer, ou du moins à réduire au minimum, tout vide créé acci-

( i ) Timce /|3 A, Λ7 D , 9 0 D , et passim.


(a) Cf. Timée !ιη li, C, D ; 90 D ; et passim.
ALCMÉON E T L E S CYCLES PHYSIOLOGIQUES D E PLATON 45

dentellement au cours des déplacements des polyèdres élémentai-


res ( i ) . L'équilibre se rétablit alors par l'entrée, à travers les
pores de la chair, d'une portion d'air équivalente au volume d'air
expiré. L'air déplacé dans le processus de l'expiration se meut
donc en circuit fermé. Parallèlement à ce premier cycle de la
respiration mis en branle par l'expiration, fonctionne un deuxième
cycle, activé par l'inspiration. Ici, l'air sort de la poitrine par les
pores du corps, ce qui créerait encore un vide intérieur et un
trop plein extérieur si l'équilibre n'était pas aussitôt rétabli par
l'inspiration. La cause physique de ces deux cycles de la respi-
ration est la loi générale de l'attraction du semblable par le
semblable qui régit aussi les phénomènes inanimés du cosmos de
Platon. L'air intérieur s'échauffe au contact de la souroe de feu
qu'abrite notre corps dans les vaisseaux sanguins, c'est à dire, en
nous référant à la théorie générale de l'ignition que Platon déve-
loppe aux pages 56 D, 5η A, et jxtssim, aux octaèdres de cet air
viennent se mélanger des tétraèdres de feu, qui déchirent une
partie des octaèdres dont les débris se reconstitueront en tétraè-
dres. Ces particules de feu subissent l'attraction de la zone de
l'univers qui est le lieu naturel du feu et tendent par conséquent
à se diriger « vers le haut », c'est à dire vers la périphérie du
monde, en entraînant avec elles les particules d'air auxquelles elles
sont mélangées. Force leur est donc de sortir du corps par l'une
ou l'autre des deux issues que la nature y a pratiquées, par les
voies respiratoires, terminées par la bouche et le nez, d'une 'part,
par les pores de la chair d'autre part. Arrivée dans l'ambiance
extérieure du corps, la portion d'air expulsée se refroidit, c'est
à dire les tétraèdres du feu, attirés vers la zone la plus élevée do
l'édifice cosmique, se séparent des octaèdres d'air qui, étant de
même nature que l'ambiance qui les reçoit, n'ont aucune raison
de la quitter. C'est donc cet air refroidi, constitué par des octaè-
dres sans mélange, qui est appelé à combler le vide intérieur que
l'expulsion de l'air chaud menace de créer. Ce double cycle de la
respiration continue à fonctionner tant que l'organisme « conserve

( i ) P o u r P l a t o n , qui se sépare sous ce rapport délibérément des Éléales,


le vide est théoriquement possible ; c£. τα γαρ εκ μεγίστων μερών γεγονότα
μεγίστην κενόττ,τα... παραλέλοιπεν, τα δε σμικρότατα έλαχίστην. Timêe 58 Β ;
et passim. Mais la dynamique de son système du monde tend à le s u p p r i m e r .
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sa consistance » ( i ) , tant que, en particulier, la source intérieure


de feu ne tarit pas.
Un mécanisme analogue entretient la circulation du sang, liée
en partie a u cycle physiologique de la respiration. Les particules
de feu mises en mouvement p a r le foyer intérieur entraînent dans
leurs trajectoires des particules solides et aqueuses (2). Divisées
p a r les tétraèdres de feu, recomposéas, à l'intérieur des vaisseaux
sanguins (3). et prenant de oe contact avec le feu la couleur
rouge (4) , ces particules nutritives, provenant de la digestion des
fruits et des légumes, constituent le sang de nos veines. Il a p o u r
fonction de réparer l'usure de l'organisme, et il l'exerce en dépo-
sant aux endroits menacés de dépérissement les particules aptes
à combler les lacunes, le dépôt de ces particules, cubes et icosaè-
dres, se faisant sous la contrainte de cette m ê m e attraction du
semblable par le semblable que nous avons vue intei'venir dans
la respiration.
Le fonctionnement des cycles physiologiques est donc conçu par
Platon de la m ê m e manière que le maintien de l'équilibre dyna-
mique de l'univers au moyen des cycles de restitution dont il
nous décrit le mécanisme aux pages 5 6 C - 5 8 C d u Titnée. Les
deux genres de cycles, physiologiques et cosmiques, se ressemblent
surtout p a r l'identité d u principe moteur. Ils sont activés tous deux
p a r la coopération de deux forces : d'une part, une force de
rayonnement localisée, pour le cosmos dans les astres, en parti-
culier dans le soleil, p o u r l'organisme h u m a i n et animal d a n s cette
πηγή πυρός intérieure (5) que sont les vaisseaux sanguins ; et,
d'autre part, la force de l'attraction des semblables qui réside,
p o u r le cosmos et p o u r les êtres vivants, dans les affinités de
forme des particules élémentaires. Platon insiste sur la parenté
des cycles physiologiques avec les courants cosmiques en souli-
gnant l'identité du processus d e la restitution cyclique dans l'or-

(1) "έίι>τπ*ο αν το βντ,τον τυνεττήκτι ζώον. η8 Ε•


(a) ?8 Ε . '
(3) 79 A, 8ο D .
(/,) 8 ο L.
(5) Platon fait ressortir l'efficacité do ce foyer intérieur par l'expression
déjà citée π>-,γή τυρός t>t p a r le terme άκτίς, très rare dans son œuvre, dans
τας. . εντός τοΰ —υρος ακτίνας. 78 D-
ALCMÉON ET LES CYCLES PHYSIOLOGIQUES D E PLATON 47

ganisme avec ceux de l'univers ( i ) , en comparant le rapport, liant


la circulation du sang à l'organisme, au rapport entre les courants
cosmiques et le cosmos (2) et en présentant, enfin, cette imitation
des mouvements cosmiques par l'organisme comme un effet néces-
saire d'une même série de causes (3).
Mais toutes ces propositions ne sont valables que pendant le bref
intervalle de temps que dure l'akmé d'un organisme. Il y a en
effet entre les deux espèces de circuits cette différence fondamen-
tale, que le cosmos, exempt de vieillesse et de maladie (/i), con-
tinue indéfiniment à fonctionner sous le régime actuel, alors que
les organismes, et celui de l'homme en particulier, sont sujets à
l'usure et finissent par mourir. Leur vieillissement et leur mort
sont causés par un ralentissement progressif et par l'arrêt définitif
des cycles physiologiques dont nous venons d'analyser le fonction-
nement. Alors que les circuits cosmiques sont réglés de manière
à maintenir sans interruption l'équilibre économique de l'univers,
les défauts étant rigoureusement compensés par les excès, les
circuits physiologiques font tantôt partir d'une région du corps
plus de particules matérielles qu'ils n'y ramènent, tantôt moins (5).
Le bilan déficitaire dans les échanges réalisés par ces courants
cause la vieillesse des individus : l'interruption totale du circuit,
qui se produit quand l'écart entre les entrées et les sorties crée
des intervalles vides (C) dans la roue de la matière mise en mou-
vement circulaire, cause la mort des hommes. On peut dire alors,
dans les termes d'Àlcméon, que le commencement du cycle ne
rejoint plus la fin.
Ce ne sont donc pas les cycles de l'âme qui causent la mort de
l'homme par leur arrêt, mais les cycles physiologiques de la
respiration et de la circulation du sang. L'âme n'est affectée par

( ι ) ό οε τρόπος τ ή ς ιτλτ,ρώσεως à — ο γ ι ο ρ / , σ ε ώ ς τε γ ί γ ν ε τ α ι καθάπεο Ιν τΰ>


τταντϊ ~αντό.ς ή φορά γ έ γ ο ν ε ν . 81 Α .
(a) τα δε έναιι».α... ΤΓερ•είληιι.μ.ένα «οσπερ όΐϊ' ούοανοϋ συνεστίοτος εκάστου
τοϋ ζώου. 81 Λ .
(3) ττ,ν τοϋ ζαντός αναγκάζεται μιμεΐσθα'. ©οράν. 8 ι Β.
(4) "ν* àyr^ptov κα; άνοσον ιζ. 33 Α .
(5) όταν μεν δή τΐλέον τοϋ έ—ίρρέοντος άπίτ ( , φθίνει —αν, όταν δε έ'λαττον,
αύξάνετα*.. 81 D.
( 6 ) τα μ ε ν . . . είσιόντα ούκέτ•. δύ.ναται τέμνειν ζ\ζ ο μ ο ι ό τ η τ α εαυτοΐς, αυτά ο'ε
...δ'.αιοεΐτα•.. S i D .
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cet arrêt des cycles physiologiques que d'une façon accidentelle.


Elle sort elle-même indemne de la ruine, mais elle quitte un corps
désormais inhabitable pour elle ( i ) .
Or la tradition nous a conservé quelques traces d'une représen-
tation analogue de cycles physiologiques chez Alcméon. Mais avant
de les examiner, il convient de signaler l'influence probable d'un
autre penseur sur les théories physiologiques de Platon. Si le cycle
respiratoire est double dans le Timée, si les deux mouvements de
l'inspiration et de l'expiration, au lieu d'être les deux phases com-
plémentaires d'un circuit unique, appartiennent à deux cycles diffé-
rents et représentent chacun la moitié, visible au spectateur et
consciente à l'individu humain qui en est le support, d'un processus
fermé dont l'autre moitié, à savoir le passage de l'air à travers
les pores de la chair, reste invisible et inconscient, oe trait a en
effet beaucoup d'analogie avec la structure polaire des processus
physiques chez Empédocle, auquel Platon a aussi emprunté la
représentation de deux forces cosmiques par laquelle le Sicilien
avait réformé la cosmologie. Tous les phénomènes biologiques (2),
en particulier, revêtent chez lui deux aspects polaires l'un do
l'autre, selon qu'ils se situent dans le règne de la Haine ou dans
celui de l'Amour. La vision se produit par l'émission du feu de
l'œil vers les objets pendant la phase de la Haine et par l'entrée
dans l'œil du feu rayonné par les objets pendant la phase de
l'Amour (3). Nous retrouvons ces deux orientations opposées du
feu fluide dans l'optique physiologique du Timée, mais alors
qu'elles avaient été séparées chez Empédocle par la durée immense
d'une demi-période cosmique, elles se produisent simultanément
dans la physique monodrome de Platon et font partie d'un même
phénomène (4)• De la même manière, les deux cycles respiratoires
du Timée accusent bien encore certains traits d'une polarisation
typiquement empédocléenne, chacun s'effectuant dans le sens
inverse de celui de l'autre, mais ils sont simultanés dans le pro-
cessus physiologique de la respiration.

( ι ) ή δε λυΟεϊσα κατά ούσιν μεθ' ηδονής έξέπτατο. 8 ι D .


(2) Y compris la naissance ot la mort : δοιή δε θντ,των γένεσ•.<, δο•.ή ο'άπό-
Λίίψις. frgl 17, ν. 3 .
(3) Cf. mon article Sur quelques fragments d'Empédocle, R. do philo-
logie XXV, 1951, pp. 46 sej•
(4) Ibid- pp. 54 sq.
ALCMÉON E T L E S CYCLES PHYSIOLOGIQUES D E PLATON 49

Mais si ce dédoublement d u cycle physiologique remonte ainsi


à u n e source postérieure à Alcméon, l'idée d u cycle l u i - m ê m e ,
et surtout l'explication d e la m o r t p a r l'arrêt d ' u n d e ces
cycles, s'inspire des théories d u Crotoniate. Aétius relate e n effet
qu'Alcméon ramenait le r y t h m e alternant entre le sommeil et l'état
de veille à u n mouvement de flux et de reflux dans les veines
et la m o r t à u n e cessation de ce mouvement ( i ) . Alcméon a d m e t
donc la circulation d u sang avec deux phases, u n e phase de
Γάνα•/ώρτ(<Γ'.ς, et u n e phase de la ο<.ίγυτ>.ς. Lorsque l'une des deux
phases, la o<A-/y?:ç, cesse de relever l'autre, Γάνχ/ώρτ,σνς, le cycle
physiologique n e se ferme plus, le commencement n e rejoint p l u s
la fin, et l ' h o m m e m e u r t de cette r u p t u r e .
La circulation d u sang n'est cependant pas le seul cycle d e la
physiologie d u Crotoniate. Alcméon semble avoir conçu u n certain
n o m b r e de manifestations physiologiques comme des processus en
circuit fermé à deux phases, et c'est sans doute en ce sens qu'il
convient d'interpréter la proposition δυο τα πολλά εστ». τών ανθρω­
πίνων, conservée p a r Diogène ( 2 ) , dans laquelle Ο. Gigon (3)
voit avec raison u n e affirmation authentique d'Alcméon. J e p r o -
poserais de la traduire : la multiplicité apparente des manifes-
tations d u corps h u m a i n se réduit à des cycles à deux phases. Il
est m ê m e j>robable que la célèbre théorie d'Alcméon de l'équilibre,
de Γντονου,Ία, entre les opposés, telle qu'elle est esquissée dans
le fragment [\, était étroitement liée dans sa pensée à la con-
ception cyclique des processus physiologiques. La prédominance,
la (Αοναρ'/ία, de l ' u n des deux opposés dérangeait le fonctionnement
régulier des cycles physiologiques en activant l'une des deux phases
de ces cycles et en ralentissant l'autre, et si le dérangement s'accen-
tuait, l'une des deux phases cessait d e reprendre, e t le cycle n e
se fermait plus. Alors que les cercles immatériels d e l ' â m e conti-
nuent à tourner indéfiniment tels les astres, en conservant leur
mouvement circulaire au delà de la m o r t d e l ' h o m m e que cette

( ι ) Ά λ κ α χ ί ω ν άναχοοήσε•. τοϋ α'ίμχτοί ε•.ς τας α*.ι/.όρρουί ολεβάς ΰπνον


γίνεσΟχί οητ•-, τήν δε έξέγεοσιν δ•.•ίνυτ'.ν, τήν δε παντελή άνχγώρτ,σ'.ν θάνατον.
V a 4 ; D . V. 24 Α 18. '
(a) V I I I 8 3 ; D . V. a 4 Α ι .
(3) Ursprung der griechischen Philosophie, p . i 5 t ; cf. \V. KRAXZ, Vors. 1,
p . Λ95, 42.
RECi. I.XXI. Jl'.iS. 11• 33»-:»*. 4
50 CH. MUGLER

âme a habité temporairement ( i ) , les cycles physiologiques se


distinguent des cycles célestes et des courants cosmiques en circuit
fermé commandés par eux en ce qu'ils s'arrêtent un jour. Chez
Alcméon, comme chez Platon, l'homme est condamné à une exis-
tence éphémère parce qu'il ne réussit pas à faire fonctionner, avec
la précision qui caractérise les cycles cosmiques, le mécanisme des
courants fermés qui traversent son corps.
Ch. MUGLER.

( i ) Il n'est donc pas exact de dire, comme le fait W. N E S T L é , Vom Mythos


zum Logos, p. 110, qu'Alcméon a abandonné la métempsychose des Pythago-
riciens. Il me semble que l'affirmation, d'une part, de l'existence limitée de
l'individu, dans le fragment 2, et celle, d'autre part, de la durée illimitée
du mouvement de l'âme, chez Diogène, ne peuvent être conciliées que par
l'hypothèse de la métempsychose.

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