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Lycée Lakanal, MP 2021-2022

DM 1 pour le vendredi 10 septembre 2021


Un nombre complexe est dit transcendant (sous-entendu sur Q) s’il n’annule aucun polynôme non nul à
coefficients rationnels (ou entiers, ça ne change rien). Dans le cas contraire, il est dit algébrique. Il a fallu
attendre la fin du xixe pour obtenir une preuve de la transcendance de e et π. Le problème décrit les preuves
de Landau de ces deux résultats.

Transcendance de e [Charles Hermite (1873)]


On se propose de démontrer la transcendance du nombre réel e = exp(1). La première preuve de ce résultat
est l’œuvre de Charles Hermite en 1873.
On raisonne par l’absurde. Pour cela, on considère un polynôme A non nul, à coefficients entiers, tel que
A(e) = 0. On écrit A = a0 + a1 X + · · · + an X n avec n > 1 et an 6= 0.
Pourquoi peut-on aussi supposer a0 6= 0 ? On fera cette hypothèse dans la suite.
Dans la suite, p désigne un nombre premier que l’on sera amené à faire varier et que l’on suppose strictement
supérieur à n et à |a0 |. On indiquera avec soin où interviennent ces hypothèses.
m
def
X
1. Question préliminaire. Soit P ∈ C[X], de degré m ∈ N, Q = ∆(P ) = P (k) et α ∈ C. Montrer
k=0

Z 1
Q(α) = Q(0)eα − R(α), où R(α) = eα αe−αx P (αx) dx.
0

1
2. On considère le polynôme P = X p−1 (X − 1)p · · · (X − n)p et on note Q = ∆(P ) et, pour x ∈ C,
(p − 1)!
R(x) = ex Q(0) − Q(x), comme dans la question précédente.
(a) Montrer que, pour tout k ∈ N, avec k > p, le polynôme P (k) est à coefficients entiers divisibles par p.
(b) Calculer P (0), P 0 (0), . . . , P (p−1) (0).
(c) Pour k ∈ [[1, n]], calculer P (k), P 0 (k), . . . , P (p−1) (k).
Xn
p
3. Montrer que aj Q(j) est un entier congru à a0 (−1)np (n!) modulo p.
j=0

4. Trouver une constante C indépendante de p (mais pouvant dépendre de n, a0 , . . . , an ) telle que, pour tout
p,
n (n+1)p
6Cn
X
aj R(j) .

j=0

(p − 1)!

n(n+1)p
5. (a) Montrer que la suite de terme général up = C converge vers 0.
(p − 1)!
n
X Xn
(b) Trouver une relation simple entre aj Q(j) et aj R(j).
j=0 j=0

(c) En déduire que e est transcendant.


6. L’ensemble des nombres premiers est infini. Où a servi ce résultat ?

Fin du DM
Quelques propriétés des nombres algébriques
Dans la suite, par définition, un réel α est algébrique si le réel α est racine d’un polynôme P , autre que le
polynôme nul, appartenant à Q[X]. Dans le cas contraire, le réel α est transcendant. On vient de démontrer que
le nombre e est transcendant. Le nombre π est également transcendant.

1. Soit α un réel algébrique. On désigne par Iα l’ensemble des polynômes P appartenant à Q[X] qui admettent
α comme racine : Iα = {P ∈ Q[X], P (α) = 0} .
(a) Justifier l’existence d’un polynôme Π, unitaire (ou normalisé, c’est-à-dire de coefficient dominant 1)
dans Iα de degré inférieur ou égal au degré de n’importe quel polynôme non nul de Iα .
(b) Montrer que Iα est l’ensemble des multiples de Π : Iα = {Π · Q, Q ∈ Q[X]} . On pourra utiliser une
division euclidienne d’un polynôme P ∈ Iα par Π.
On en déduit que le polynôme Π défini à la question précédent est unique (on ne demande pas la
preuve), on le note Πα et on l’appelle polynôme minimal de α.
Dans la suite, on notera Q[α] l’ensemble des polynômes en α : Q[α] = {P (α), P ∈ Q[X]} .
2. Exemple.

(a) Montrer que 2 est algébrique et donner son polynôme minimal.
√  √
(b) Montrer que Q[ 2] = a + b 2, (a, b) ∈ Q2 .

(c) Montrer que Q[ 2] est un sous-corps de R.

(d) L’ensemble Q[ 2] est aussi un sous-espace vectoriel de R considéré comme un Q-espace vectoriel.
Justifier qu’il est de dimension finie en en donnant une base.
3. Soit α un réel algébrique.
(a) Vérifier rapidement que Q[α] est un sous-anneau de R.
(b) Montrer que le polynôme minimal Πα est irréductible dans Q[X].
(c) Soit x différent de 0 dans Q[α] et P ∈ Q[X] tel que x = P (α).
Montrer que P est premier avec le polynôme minimal Πα .
En déduire l’existence d’un polynôme U de Q[X] tel que la relation U (α) · P (α) = 1 ait lieu.
(d) Montrer que Q[α] est un sous-corps de R.
4. Soit α un réel algébrique et d le degré de son polynôme minimal.
(a) Soit x dans Q[α] et P ∈ Q[X] tel que x = P (α).
Montrer qu’il existe un unique polynôme R ∈ Qd−1 [X] tel que x = R(α). On pourra utiliser une
division euclidienne de P par Πα .
En déduire que Q[α] = {P (α), P ∈ Qd−1 [X]}.
(b) L’ensemble Q[α] est un sous-espace vectoriel de R considéré comme un Q-espace vectoriel.
Justifier qu’il est de dimension finie en en donnant une base.
5. Exemple de nombres transcendants
Soit S un polynôme, appartenant à Q[X], de degré n > 2, irréductible sur Q.
(a) Montrer qu’il existe un entier naturel CS , différent de 0, tel que, pour tout rationnel r = pq (le couple
(p, q) appartenant à Z ∈ N∗ ), il vienne : |S(r)| > CS1qn .
(b) On suppose que le réel α est une racine de S. Déduire du résultat précédent l’existence d’une constante
K, strictement positive telle que, pour tout rationnel r = pq appartenant à l’intervalle [α − 1, α + 1],
l’inégalité |α − r| > qKn ait lieu.
n
X
(c) Soit (tn )n∈N la suite des réels définis par la relation tn = 10−k! , n > 0.
k=0
Montrer que la suite (tn )n∈N est convergente ; soit t sa limite.
Établir l’inégalité |t − tn | 6 2.10−(n+1)! .
En déduire que le réel t est transcendant.
6. (Pour les 5/2) Une preuve non constructive de l’existence de nombres transcendants
n
X
(a) Soit P un polynôme non nul à coefficients entiers : P = ak X k , où les ak sont entiers ; on appelle
k=0
n
X
hauteur de P l’entier h(P ) = n + |ak |. Montrer que les polynômes à coefficients entiers de hauteur
k=0
donnée sont en nombre fini.
(b) En remarquant qu’un nombre algébrique est racine d’un polynôme non nul à coefficients entiers,
montrer que les nombres algébriques forment un ensemble dénombrable et conclure.
7. Structure de l’ensemble C des nombres algébriques
√ √ √ √
(a) Exemple Montrer que 2 + 3 et 2 · 3 sont algébriques.
1
(b) Soit α ∈ C. Montrer que −α ∈ C et, si α 6= 0, α ∈ C.
(c) On note M un corps, L un sous-corps de M , et K un sous-corps de L (donc aussi de M ). Alors M
est un L-espace vectoriel et un K-espace vectoriel, et L est un K espace vectoriel. on suppose que M
est un L-espace vectoriel de dimension finie p et que L est un K espace vectoriel de dimension finie
q. Montrer que M est un K-espace vectoriel de dimension finie pq.
(d) Soit α ∈ R. Montrer que α est algébrique si et seulement si on peut trouver un sous-corps K de R,
de dimension finie sur Q, et contenant α.
(e) Soit α et β deux nombres algébriques. Alors Q[α] est un corps, et on peut définir Q[α][β] =
{P (β), P ∈ Q[α][X]} et montrer que c’est un corps, comme aux questions 1.b et 3.d. On admet
ces résultats.
Montrer que Q[α][β] est de dimension finie sur Q et en déduire que α + β et αβ sont algébriques.
Ainsi, C est un sous-corps de R.
Transcendance de π [Lindemann (1882)]
On rappelle qu’un nombre complexe est algébrique s’il n’est pas transcendant, i. e. s’il annule un polynôme
non nul à coefficients entiers. On suppose que π est algébrique.
1. (a) Montrer que, si un nombre complexe z est algébrique, il en est de même de iz.
(b) Montrer que, si un nombre complexe z est algébrique, il existe un entier c non nul et un polynôme
B, normalisé, à coefficients entiers, tels que B(cz) = 0.
On en déduit donc l’existence d’un entier non nul c et d’un polynôme B, normalisé, à coefficients entiers,
tels que B(icπ) = 0. On fixe un tel couple (c, B) et on note cβ1 , . . . , cβn les racines de B comptées avec
leur multiplicité.
Yn Yn Xs
2. Montrer que (1 + eβk ) = 0. Montrer également que (1 + eβk ) s’écrit sous la forme E + eαj , où
k=1 k=1 j=1
E ∈ N∗ et où α1 , . . . , αs sont des nombres complexes non nuls à préciser.
s
(cX)p−1 Y
3. Étant donné un nombre premier p, on pose P = (cX − cαj )p ; on lui associe Q = ∆(P ) et R
(p − 1)! j=1
comme dans la partie précédente.
On admet les résultats suivants. Soit B ∈ Z[X], normalisé, à coefficients entiers, et β1 , . . . , βm , ses racines
comptées avec leur multiplicité. Alors
Xm
• pour tout k ∈ N, la quantité Sk = βlk appartient à Z ;
l=1 X
• soit t ∈ [[1, m]], Ct l’ensemble des parties de [[1, m]] à t éléments et, pour J ∈ Ct , ξJ = βj ; le polynôme
j∈J
Y
(X − ξJ ) est à coefficients entiers.
J∈Ct

(a) Soit P1 (Y ) = P (Y /c). Montrer que (p − 1)!.P1 est un polynôme normalisé à coefficients entiers. En
déduire que (p − 1)!.P est à coefficients entiers.
(b) Calculer P (r) (x) dans les deux cas suivants :
• cas x = 0 et 0 6 r < p − 1 ;
• cas x = αj et 0 6 r 6 p − 1 (j ∈ [[1, s]]).
(c) Montrer que, pour tout r > p, P (r) (0) est un entier divisible par p.
Xs
(d) Montrer que, pour tout r > p, P (r) (αj ) est un entier divisible par p.
j=1

s
X
4. Exprimer EQ(0) + Q(αj ) en fonction des R(αj ).
j=1

5. Calculer P (p−1) (0) et montrer que, pour p assez grand, EP


(p−1)
(0) est un entier non divisible par p. En
Xs

déduire EQ(0) + Q(αj ) > 1.
j=1
(|c| H)p−1 (2 |c| H)ps
6. (a) Montrer que, pour tout j ∈ [[1, s]], |R(αj )| 6 HeH , où H = max(|α1 | , . . . , |αs |).
(p − 1)!

s
X
(b) Montrer que, pour p assez grand, R(αj ) < 1.
j=1
(c) En déduire que π est transcendant.

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