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Comment pense
une personne
autiste ?
Préface de
Bernadette Rogé
L’édition originale de cet ouvrage a été publiée en langue néerlandaise
sous le titre Dit is de titel, Over autistisch denken, Vlaaamse Dienst Autisme,
Uitgeverij EPO vzw, 1999.
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1FUFS7FSNFVMFO
Dessins originaux : Thijs Vander Meiren
PRÉFACE VII
NOTES DE L’AUTEUR XI
REMERCIEMENTS XIII
« Décris-moi comme si
j’étais un ordinateur » :
sur ce livre
qué en 1943 que les enfants qu’il avait examinés avaient quelque
chose du robot. Leur comportement lui semblait quelque peu méca-
nique, manquant de sentiment humain et remarquablement rigide1 .
À l’époque de Kanner, les ordinateurs étaient encore du domaine de
la science-fiction pour la majorité des gens. Aujourd’hui, au début
du XXIe siècle, ces appareils font partie de la vie quotidienne. Tout
un chacun commence à se débrouiller avec ces machines « intelli-
gentes ». De plus en plus de personnes savent les faire fonctionner et
même les enfants parlent de « télécharger », « formater », « surfer »
1. Les notes se trouvent en fin d’ouvrage, chapitre 10, « Notes finales : sur “les
petits chiffres” de ce livre », p. 123.
2 Comment pense une personne autiste ?
que l’autisme n’est pas aussi étrange qu’il semble à première vue.
Dans l’autisme, nous retrouvons des parcelles de nous-mêmes vues
à travers une loupe. Les blagues contenues dans ce livre sont un peu à
l’image des miroirs déformants de nos fêtes foraines. Elles montrent
l’autisme qui est en nous mais grossi, un peu plus rond, un peu plus
long.
La référence à l’ordinateur et aux plaisanteries ne dégrade pas
l’autisme. Il n’est pas question de réduire le sérieux de ce handicap.
J’ai essayé d’illustrer de cette manière la pensée autistique pour
la rendre accessible aux profanes. Le renvoi à l’ordinateur rend la
pensée autistique plus concrète, l’humour en donne un visage plus
8 Comment pense une personne autiste ?
Originalité inattendue :
sur l’humour et l’autisme
Mécanique amusante :
sur l’humour
et l’intelligence artificielle
H UMOUR ET CONTEXTE
En 1900, le philosophe français, Henri Bergson, publiait un essai
sur l’humour : Le Rire. Bergson est devenu célèbre grâce à cette
œuvre qui développait une théorie simple : un comportement devient
comique quand l’homme se conduit comme un automate. Le rire
éclate quand le comportement mécanique prend la place du compor-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
« Aha, dit Tex, je ne voulais pas le faire mais il se tenait du mauvais côté de
la reine. » Bohuslav abandonna son expérience et s’en tint au jeu d’échecs4 .
N’est-ce pas une situation semblable à celles que l’on peut ren-
contrer auprès de personnes autistes ? L’anecdote suivante est tirée
d’un livre sur l’autisme :
Cette scène est tirée du film Rain Man. L’homme qui s’arrête au
milieu du passage pour piétons s’appelle Raymond Babbit (remar-
quablement interprété par Dustin Hoffman). Raymond Babbit est
autiste. Il a beaucoup de mal à interpréter le sens approprié des
choses, d’où son comportement bizarre et absurde, parfois specta-
culaire, parfois émouvant, parfois drôle, parfois les trois à la fois.
L’autisme est source d’émotions. La scène est amusante par le sens
littéral avec lequel Rainman traite la perception des feux de signa-
lisation pour piétons « DON’T WALK ». La pensée des personnes
atteintes d’autisme, comme celle des ordinateurs, est « unirelation-
nelle ». Les nuances et la diversité de sens sont trop compliquées
24 Comment pense une personne autiste ?
d’établir des règles pour toutes les situations que peut engendrer
un feu rouge. Même si à chaque situation imaginée correspond une
règle, il faudra considérer l’exception, la situation non prévue pour
laquelle aucune règle n’aura été formulée. La règle indispensable sur
laquelle on peut se baser pour découvrir la juste signification.
Les individus ne souffrant pas d’autisme n’ont pas besoin de ces
règles parce qu’ils peuvent facilement prêter différentes significa-
tions à une perception. Ils ne s’arrêtent pas au sens littéral de leurs
impressions. Ils mettent très facilement de la cohérence dans leurs
perceptions et, à partir de là, ils leur donnent un sens. C’est le
contexte et non les règles qui donne un sens aux choses.
28 Comment pense une personne autiste ?
Tiré du WISC-R8
4. Il faut s’arrêter au feu rouge 31
Quand la vie
est une ligne en pointillé :
sur le comportement social
et l’identité
U N VERRE D ’ EAU
Comprendre les situations sociales est une tâche difficile pour une
personne autiste. Le sens des objets, et surtout celui des compor-
tements humains en situation sociale, est très difficile à découvrir
quand on manque de cohérence centrale. Prenons l’exemple d’un
simple verre d’eau.
36 Comment pense une personne autiste ?
Supposons que vous ayez soif. Vous voyez un verre rempli d’eau.
Que faites-vous ? Vous le buvez ? Non, pas nécessairement. Tout
dépend du contexte dans lequel ce verre d’eau apparaît. Le prendrez-
vous et le boirez-vous s’il se trouve dans le contexte suivant ?
faisait tout cela, mais elle ne savait pas quand elle était en droit
de le faire. Elle intervenait naturellement et il était impossible de la
freiner. Son institutrice avait trouvé la solution. Elle allait visualiser,
rendre visibles les règles de prise de parole en classe. Elle prit une
photo Polaroïd de Caroline en train de lever la main pour deman-
der la parole et plaça la photo sur son banc, avec les explications
appropriées. C’était clair : d’abord lever la main et ensuite parler. La
réussite fut totale : Caroline regardait la photo puis levait la main
pour demander la parole. L’institutrice était heureuse. Ça marchait !
Grande fut cependant sa déception quand le lendemain, Caroline se
remit à intervenir sans fin. La photo était pourtant sur son banc !
Comment était-ce possible ? Après quelque temps, elle en comprit
la raison. La veille, quand la photo avait été prise, Caroline portait
un pull vert. Le lendemain, elle portait un pull rouge. Caroline inter-
prétait la règle sociale au niveau du détail et à la lettre : elle pensait
que la règle ne valait que pour une « situation en pull vert ». Autre
apparence, autre comportement ; autre détail, autre comportement :
c’est ainsi que les personnes atteintes d’autisme réagissent. Elles
adaptent les règles sociales aux détails.
À l’occasion de son sixième anniversaire, petit Jean reçut pour la pre-
mière fois un pantalon long. Il s’admira longuement devant le miroir, puis
demanda : « Dis, Maman, maintenant je peux t’appeler Cécile comme
papa ? »
qu’elles ont du mal à saisir l’influence qu’elles ont sur leur propre
histoire. Elles ne se rendent pas assez compte qu’elles sont acteur
principal de leur passé. Mais elles ont aussi des problèmes avec leur
avenir. Elles n’anticipent pas assez, choisissent un fait et n’en dévient
pas. Ceci a des conséquences sur leur éducation car elles ne tirent
pas assez de leçons de leurs expériences, même pour leur avenir.
C’est pourquoi elles se heurtent plusieurs fois aux mêmes difficultés
Les personnes atteintes d’autisme manquent de continuité dans leur
vie. Trop peu d’histoires comportent des scènes où l’une est la suite
logique de l’autre. Leur vie est une ligne beaucoup moins continue
que la nôtre. C’est plutôt une ligne en pointillé dans laquelle chaque
fait est un point isolé des autres. Quand un événement est achevé, il
est vraiment achevé.
Comme Gunilla, une jeune autiste suédoise. Au moment des
vacances de Pâques, ses parents l’ont confiée à ses grands-parents.
Gunilla a alors pensé qu’elle avait de nouveaux parents. Au retour
des vacances, quand ses parents sont venus la rechercher, elle a à
nouveau pensé qu’elle avait une nouvelle famille. Elle avait bien
remarqué des ressemblances notoires avec ses anciens parents mais
ne réalisait pas qu’il s’agissait des mêmes personnes. Chaque phase
(parents, grands-parents, « nouveaux parents ») était une nouvelle
phase indépendante dans sa vie, sans aucune continuité. Chaque
situation était nouvelle, unique et sans relation avec le passé9 .
I MITER ( SINGER )
Bien que certains prétendent le contraire, les personnes autistes
souhaitent participer au monde social. Beaucoup d’entre elles ont
un réel intérêt pour autrui et font de leur mieux pour comprendre
les relations sociales si difficiles. Pour cela, elles développent des
stratégies de survie. Une des façons par lesquelles elles essaient de
s’intégrer dans la société est l’imitation du comportement d’autrui.
Si nous ne savons pas comment nous comporter mais que nous
voulons être sociables, nous copions les autres. Les individus non
autistes adoptent cette même stratégie de survie sociale quand ils
sont confrontés à des situations qu’ils ne connaissent pas suite à des
différences de culture, d’habitudes et de rites, notamment à l’étran-
ger. Nous entendons alors l’époux dire à sa femme : « Observons
d’abord comment font les autres puis faisons la même chose. » Plus
5. Quand la vie est une ligne en pointillé 45
les plus logiques parce qu’il ne ressent pas les problèmes. C’est
pourquoi, même les ordinateurs les plus « intelligents » ont besoin
de beaucoup plus de temps qu’un être humain pour résoudre certains
problèmes. Une personne sans autisme voit souvent « en un clin
d’œil » ce dont il s’agit, mais les personnes autistes ne comprennent
pas les situations sociales aussi rapidement, et comme les ordina-
teurs, elles doivent comparer et calculer.
Roger, un jeune autiste, suit une formation aux aptitudes
sociales12 . Un des objectifs de cette formation est de reconnaître
les émotions et d’apprendre à vivre avec elles. Roger apprend
à reconnaître la colère chez sa mère mais il a toujours du mal
48 Comment pense une personne autiste ?
Un père fait les courses avec son fils autiste. Ils s’arrêtent devant un
fleuriste.
Le père. — Si on achetait des fleurs ?
Thomas. — Pourquoi ?
Le père. — Et bien, nous fêtons notre quinzième anniversaire de mariage.
Thomas. — Et à qui vas-tu les offrir ?
E RREURS DE TRADUCTION
En plus de leurs problèmes d’imagination et d’abstraction, les
personnes souffrant d’autisme ont du mal à saisir la cohérence entre
les symboles et le contexte2 . Comme pour le comportement social,
cette cohérence est invisible. Pour les individus non autistes, les
« penseurs cohérents », ce n’est pas un problème car pour eux, cette
cohérence est évidente : elle n’a pas besoin d’être exprimée. La
communication va de soi. Pour ceux qui, au contraire, ne voient pas
rapidement l’ensemble d’une situation, l’encodage et le décodage,
la traduction inter-linguale, sont une réelle épreuve. C’est la raison
pour laquelle les ordinateurs et les personnes atteintes d’autisme
font beaucoup d’erreurs de traduction. Quand ils traduisent, ils le
font littéralement. Et traduire de façon littérale, c’est traduire de
manière « unirelationnelle » : ils donnent un seul sens à un symbole.
Dans une traduction littérale, les symboles sont traités comme des
détails isolés, sans lien avec leur cohérence réciproque. On pour-
rait comparer ceci à l’apprentissage d’une nouvelle langue, l’espa-
gnol par exemple. Nous apprenons d’abord le sens de mots isolés :
verre = vaso ; garçon = camarero ; eau = agua ; apporter = llevar ;
pouvoir = poder ; me = me ; vous = usted ; un = un.
C’est également de cette façon que l’ordinateur « symbo-
lise » ; une touche = un sens ou une fonction : F1 = Imprimer ;
F2 = Copier ; F3 = Fermer ; etc.
Jusque-là, c’est simple. Cela se complique quand les détails seront
assemblés pour former un ensemble significatif, une phrase. Si nous
6. Le chevalier des fléchettes 57
au niveau des mots isolés. Ainsi, ils remarqueront les mots mal
orthographiés mais pas les fautes grammaticales ni les erreurs de
sens. La combinaison de mots suivante, sans queue ni tête, semblera
tout à fait correcte à un ordinateur familial car chaque mot isolé
est parfaitement juste : « La femme aura hier posé son œuf et à des
mètres des tuyaux tisser les chevaux. »
Les personnes atteintes d’autisme, non plus, ne remarqueront
pas tout de suite de telles constructions de phrases absurdes. En
classe, quatre enfants autistes suivent une leçon dont le sujet est
« le double » et « la moitié ». L’institutrice demande à Romain de
lire la phrase : « Le double dans le contraire de la moitié. » Romain
58 Comment pense une personne autiste ?
lit ce qui est écrit. Pour lui, tout est normal. Nous avons immédia-
tement compris qu’il s’agit d’une faute de frappe : le mot « est »
doit remplacer le mot « dans » sans quoi la phrase n’a pas de sens.
Sur demande de l’institutrice, Romain relit la phrase. Quand elle
lui demande si la phrase est correcte, il la regarde tout étonné.
Il ne comprend pas. Les autres enfants autistes ne réagissent pas
non plus. Aucun de quatre ne remarque l’absurdité. Tous les mots
existent en tant que détails isolés. « Dans » est un mot qui existe,
mais placé dans cette phrase, il constitue une erreur. Les phrases
sont plus qu’une addition de mots isolés. L’ensemble est plus que
la somme des mots isolés. Pour les ordinateurs et les personnes
atteintes d’autisme, ce n’est pas le cas.
Mais les surprises ne sont pas toujours que pour les personnes
autistes. Nous pensons généralement que les enfants autistes com-
prennent notre langue, et pourtant, ils réagissent parfois bien bizarre-
ment. Benoît est en train de jouer dans la pièce de séjour. Le repas est
prêt et, de la cuisine, sa mère crie : « Benoît, à table ! » et Benoît va
s’installer à table. Il en est ainsi chaque jour. Apparemment, Benoît
comprend ce que lui dit sa mère. Un jour, sa mère lui crie : « Benoît,
ouvre la porte d’entrée », car quelqu’un a sonné et elle est occupée
à tourner la sauce. Benoît se met à table... Benoît ne réagit donc pas
aux sens des mots, mais tient compte d’autres informations. Qu’a-t-il
appris ?
L ES SOUS - ENTENDUS
( OU CE QUI N ’ EST PAS CLAIREMENT EXPRIMÉ )
Les individus sans autisme ont l’habitude que leurs interlocu-
teurs, tout comme eux, comprennent rapidement et spontanément le
contexte dans lequel quelque chose est dit, car chacun a une « théorie
6. Le chevalier des fléchettes 65
Après avoir examiné un patient, le médecin lui dit : « Je ne peux pas encore
établir le diagnostic avec certitude, mais je pense que la boisson en est la
cause.
Le patient. — Alors, je reviendrai quand vous serez à jeun8 . »
C’est ce qui n’est pas dit qui pose aux personnes atteintes d’au-
tisme le plus grand problème de communication. Car ce qui n’est pas
dit est invisible, n’est pas concrètement perceptible. Il se trouve dans
le contexte. C’est là que se situent les informations nécessaires pour
comprendre pleinement ce qui a réellement été dit. Les personnes
autistes manquent d’informations pour créer un ensemble cohérent
parce qu’elles ne cernent pas (aussi vite que nous) la cohérence.
6. Le chevalier des fléchettes 67
I NTENTIONS SECRÈTES
Ce qui n’est pas dit est très souvent l’intention du message. C’est
dans le contexte et non dans les mots que nous découvrons cette
intention. Elle est d’un autre ordre que les mots12 . Les spécialistes
en communication parlent de « niveau de relation » et de « niveau
de contenu ». Le contenu, ce sont les mots. Pourquoi et dans quel
but nous prononçons ces mots, concerne le niveau de la relation
entre nous et le destinataire du message13 . La plupart du temps,
nous partons du fait que la relation entre nous et le récepteur du
message est suffisamment claire ; c’est pourquoi nous n’explicitons
pas verbalement cette relation. Le faire serait compliqué et peu
sensé. Imaginez que vous soyez garçon de café et qu’un client, pour
commander un verre d’eau, vous dise : « Garçon, un verre d’eau,
s’il vous plaît ! Par cette phrase je veux dire que je suis assis ici et
que j’ai soif. Je voudrais donc avoir un verre d’eau. Étant donné que
vous êtes le garçon, je m’adresse à vous et je formule cette phrase
avec l’intention de vous demander de m’apporter un verre d’eau, ici,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
à cette table. »
La communication est une chose bien compliquée. Non seule-
ment nous devons comprendre le sens des mots et leur cohérence
commune (leur signification) mais nous devons aussi saisir la réalité
sociale dissimulée derrière les mots. « Garçon, un verre ! » : est-ce
une commande, un ordre ou une remarque ? Dans les exemples sui-
vants, l’institutrice corrige-t-elle ou donne-t-elle une information ?
L’employée donne-t-elle une réponse ou pose-t-elle une question ?
L’enfant. — Madame, j’a dormi cette nuit chez papa.
L’institutrice. — Non, on dit : j’ai dormi cette nuit chez papa.
L’enfant. — Mais madame, je ne vous y a pas vue...
68 Comment pense une personne autiste ?
Un jeune garçon en vacances téléphone chez lui. C’est son frère qui
décroche : « Comment va Oscar, notre chat ?
— Le chat est mort. Décédé ce matin
— Quelle catastrophe ! Tu sais pourtant combien je l’aimais ! Tu aurais pu
m’annoncer la nouvelle avec un peu plus de délicatesse !
— Comment alors ?
— Et bien, tu aurais pu dire qu’il est monté sur le toit, qu’il a glissé et que tu
as essayé de le rattraper mais que malheureusement tu n’y es pas arrivé.
C’est plus délicat que ce que tu m’as dit.
— OK, j’ai compris. Excuse-moi
— Allez, c’est oublié. Et comment va maman ?
Elle est montée sur le toit15 . »
7
Un peloton de soldats a pour mission de saboter une gare. Après une heure,
ils sont de retour.
Le sergent. — Mission accomplie, mon commandant !
Le commandant. — Mais je n’ai pas entendu d’explosion !
Le sergent. — C’est vrai, mais nous avons fait un bon sabotage. Nous avons
confisqué tous les tickets de train.
Deux habitants de Villeurbanne ont fait une virée à Lyon et ratent le der-
nier bus. Ils décident d’en « emprunter » un. Le premier monte la garde
pendant que l’autre entre dans le dépôt. Cela dure longtemps et du dépôt
proviennent d’étranges bruits. Finalement, le second sort au volant d’un bus
tout cabossé et son compagnon lui de mande : « Dis, c’était quoi, tous ces
bruits ? — Ben, c’était pas facile, le bus à destination de Villeurbanne était
tout au fond. »
Celui qui est sensible au contexte peut situer chaque détail dans
une situation donnée. Il peut faire un tri entre les nombreux élé-
ments et les placer dans une certaine perspective (trier, relier ces
éléments, c’est mettre de la cohérence !). Ce tri se fait spontané-
ment chez les « penseurs cohérents » selon un principe établi, celui
de l’importance attribuée aux détails. Pour différencier les détails
importants des autres, nous regardons la signification ou le but de
la situation. Nous devons le « découvrir » et pour cela, nous devons
faire preuve d’imagination, plus particulièrement d’une imagination
sociale parce que les objectifs sont posés par des personnes et non
par des objets. Une fois l’objectif clairement précisé, certains détails
deviennent moins importants que d’autres. Pour qu’un train puisse
rouler, les tickets sont bien moins importants que les rails ou la
locomotive... Si vous voulez absolument partir, ce qui est écrit sur
le bus est peu important. Pourvu qu’il roule...
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
l’oreille. Mais son collègue lui fait remarquer : « Non, ce n’est pas la mienne.
Derrière la mienne, il y avait un crayon. »
Pour nous, la propreté des toilettes est bien plus importante que la
couleur. Pour Marc, la couleur est un détail tout aussi important.
(Vous vous demandez sûrement comment ce problème a été résolu
pratiquement. Nous avions de la chance : le papier de toilettes était
blanc et non rose... Ainsi, nous avons bricolé un siège blanc en
l’entourant de papier.) Pour le mystère des toilettes, il existe un nom
dans la littérature sur l’autisme : la résistance aux changements.
Élise est bouleversée quand, un jour, la table est mise dans la salle à
manger avec les couverts aux manches bleus. Ces couverts n’avaient servi
jusqu’à présent que pour les repas pris dans la cuisine. Quand on mangeait
dans la salle à manger, on mettait toujours les couverts en argent. Élise
retire les couverts aux manches bleus, les range dans la cuisine et les
remplace par les couverts en argent.
On demande à Maxime d’aller chercher la mayonnaise dans la cuisine.
Désemparé, il reste debout, la porte du réfrigérateur ouverte. Il ne trouve
pas la mayonnaise. Pourtant le pot est devant son nez. Mais... c’est
une autre marque que celle habituellement achetée. Autre marque :
autre article. Et donc pas reconnaissable en tant que mayonnaise, car la
mayonnaise, est un pot sur lequel est écrit en lettres jaunes « Amora » et
sur lequel on peut voir un œuf et un demi-citron.
sais, lui répondit-il, Mais toi, tu es marié à maman et moi je dois épouser
une étrangère ! »
F RITES DE POMMES
Une autre conséquence de l’hypersélectivité est la surgénéralisa-
tion. Les personnes atteintes d’autisme associent souvent un certain
comportement à un certain détail. Si elles perçoivent ce détail, elles
exécutent l’action s’y rattachant, que cela soit indiqué ou non dans
l’ensemble du contexte. Si elles entendent un signal de départ, elles
courent, même si la course n’a pas débuté et que le commissaire
de course essaie seulement son pistolet. Les « penseurs en détails »,
tout comme les personnes atteintes d’autisme, réagissent aux détails
externes, pas au sens ou au but de la situation. Si le détail est
identique, elles réagissent de manière identique, même si l’intention
est différente.
Elle. — Chaque fois que je te demande une nouvelle robe, tu me donnes
toujours la même réponse.
Lui. — Oui mais, tu poses toujours la même question.
détails aussi importants les uns que les autres. Comme elles n’ont
pas de capacité d’organisation ni de vue d’ensemble, comme elles
ne peuvent pas toujours faire la différence entre ce qui est important
et ce qui ne l’est pas, il arrive régulièrement que les personnes
atteintes d’autisme ne différencient pas une instruction ou une aide
de l’exécution même d’une action.
Quand un enfant non autiste apprend à s’habiller et que sa maman
l’aide en lui disant ce qu’il doit faire et en lui donnant un coup de
main dans le sens littéral du terme, l’enfant a compris que cette
aide ne fait pas partie de l’habillage mais que celle-ci est un apport
80 Comment pense une personne autiste ?
Faire du café,
ce n’est pas 2 + 2 :
sur la résolution
des problèmes
le train tout seul. Ce n’est pas parce que vous pouvez donner un
nom à vos ustensiles de cuisine que vous savez les utiliser. Les
personnes atteintes d’autisme peuvent posséder une connaissance
théorique très développée mais leur bon sens ne suffit parfois même
pas à aborder les petits problèmes ménagers auxquels, sans en être
vraiment conscients, nous trouvons des solutions souples et rapides.
Les personnes atteintes d’autisme se cramponnent aux règles et
aux tâches concrètes parce que d’elles-mêmes, elles ne peuvent
donner suffisamment de sens au monde. Reconnaître si une certaine
activité a du sens ou non, trouver une solution à un problème, sont
des tâches pour des personnes possédant du « bon sens ». Pour cela,
84 Comment pense une personne autiste ?
E FFECTIVITÉ ET EFFICACITÉ
Être effectif signifie agir de façon fonctionnelle. Comment peut-
on agir de façon fonctionnelle si on ne comprend pas ou si on ne voit
même pas le but d’une action ? Les personnes atteintes d’autisme
sont beaucoup moins directes. Celui qui travaille efficacement ne
fait pas n’importe quoi. Il sélectionne en fonction du but à atteindre.
Mais comment peut-on être efficace si on ne peut pas évaluer l’action
quant à sa cohérence avec le but à atteindre ? Les personnes autistes
sont beaucoup moins conscientes. Elles ont du mal à résoudre des
problèmes, même les plus faciles, parce qu’elles sont moins directes
et moins conscientes du but à atteindre. Mais il y a plus... Celui
qui veut être effectif et efficace doit voir plus loin que les détails.
Il doit voir l’ensemble d’un problème et savoir placer les détails
avec souplesse dans un ensemble en perpétuel changement. Si le but
est d’« atteindre Chambéry », chanter des chansons montagnardes
n’a rien d’effectif. Prendre une voiture et rouler vers Chambéry est
fonctionnel, mais en soi pas efficace. Vous pouvez vous rendre à
Chambéry par différentes routes. Si votre point de départ est Saint-
Étienne et que vous passez par Grenoble, c’est peut-être effectif (il
8. Faire du café, ce n’est pas 2 + 2 85
arbres. »
Jonathan, un jeune homme autiste, doit faire son lit. Je l’aide parce
qu’il ne sait pas encore le faire. Je lui montre comment placer le drap
du dessous. Ensemble, nous plions les quatre coins du drap sous le
matelas pour tendre le drap. Je sors alors de la pièce en demandant
à Jonathan de finir de faire le lit. En revenant un peu plus tard, je
constate que Jonathan a parfaitement fait le lit. Mais... il a aussi plié
le drap du dessus et la couverture sous le matelas, aux quatre coins.
Jonathan ne voit pas l’ensemble de l’action « faire le lit » et reste
accroché à l’action qu’il a apprise. Il n’a pas compris que, plus tard,
8. Faire du café, ce n’est pas 2 + 2 87
il devrait entrer « dans » le lit, entre les draps, alors que c’était là le
but. Il est surpris quand je lui demande : « Et comment vas-tu entrer
dans le lit ? ». C’est seulement à ce moment qu’il se rend compte
qu’il a mal fait son lit et me fait la réflexion : « Eh bien, tu es futé,
toi ! T’as sûrement été à l’université ? »
solution. Nous avons parfois besoin d’un plus intelligent que nous.
Nous consultons ceux qui ont déjà trouvé une solution et nous
faisons ce qu’ils font : nous les imitons. Mais même pour imiter,
nous devons ressentir l’intention et discerner le contexte5 . Ce qui
doit être imité est dégagé intuitivement du contexte. Ceux qui ne
possèdent pas cette capacité intuitive n’imitent pas ou imitent mal.
Un couple d’un certain âge veut voyager en train pour la première fois.
« Comment est-ce que je dois demander un ticket ? » demande le mari.
« Mets-toi simplement dans la file et écoute la personne devant toi », lui
conseille son épouse, « et fais exactement la même chose. » C’est bientôt
son tour. Le monsieur devant lui demande : « Un ticket pour Pierrelatte.
90 Comment pense une personne autiste ?
Gilles doit remplir une carte de loto. Il ne comprend pas très bien
ce qu’il doit faire. Il place les cartes les unes sur les autres. À l’aide
de petites cartes, l’institutrice lui montre comment il doit placer les
cartes. Elle invite Gilles à l’imiter. Au bout d’un certain temps, il
a compris. Il place les petites cartes sur la grande. Comme il n’a
pas encore compris qu’il doit placer non seulement les petites cartes
sur la grande carte mais aussi sur le dessin identique, l’institutrice
l’aide. Elle tape sur l’endroit précis de la grande carte où la petite
carte doit être placée. Et Gilles... tape aussi sur la grande carte. De
simples petits exercices d’imitations sont faciles pour nous parce que
nous « sentons » ce qui doit être imité d’après le contexte. Mais ils
ne sont pas aussi simples pour quelqu’un qui n’a pas cette capacité
intuitive. En effet, que feriez-vous dans la situation suivante ?
« FAIS CECI ! »
Si vous ne savez pas ce que la personne « veut dire » par « ceci »,
il y a de grandes chances pour que vous imitiez autre chose que ce
qui est demandé. Ne pas comprendre les intentions peut avoir de
graves conséquences. Cela engendre un comportement de résolution
de problème étrange même si d’autres vous proposent une solution.
L’homme rentre de chez le tailleur avec son nouveau costume. Sa femme
lui dit : « Tu as bien fait ce que je t’ai dit ? Tu as pris deux autres pantalons
en plus ? » Lui : « Oui, mais pour être honnête, cela me fait chaud aux
jambes. »
L’ EMBARRAS DU CHOIX 8
S’il doit prendre une décision pour la photocopie, Lionel a beau-
coup de difficultés à faire à l’avance une présélection des nombreuses
alternatives. Avant de prendre sa décision, il a besoin de beaucoup
de temps. Il voit tous les arguments possibles se mettre en place
et il n’est pas facile de les ordonner. Il prend en compte l’élément
écologique (trop d’épreuves, c’est du gaspillage de papier donc
mauvais pour l’environnement), comme le point de vue esthétique
(si ce n’est pas bien centré, ce ne sera pas beau) et pratique (si ce
n’est pas assez noir, ce sera illisible) si..., si... Les personnes atteintes
d’autisme ont beaucoup plus de travail que d’autres pour prendre
des décisions. Donc elles ont besoin de plus de temps. Décider
c’est sélectionner, choisir ce qui est important, sensé ou utile et ce
qui ne l’est pas. Choisir est souvent une mission effroyable pour
les personnes atteintes d’autisme qui ne présélectionnent pas les
alternatives parce qu’elles ne ressentent pas assez la cohérence. Si
elles doivent décider ou choisir, elles se verront confrontées à toutes
sortes d’options, et parmi elles, celles que les « penseurs cohérents »
auront éliminées par avance parce qu’elles n’entraient pas dans le
contexte.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
Il fait très froid dehors et il neige. Vous êtes devant votre armoire
pour choisir quels vêtements vous allez mettre. Vu le contexte, les
conditions climatiques, vous éliminez d’office certains vêtements :
les shorts, les chemises légères, les chaussettes fines, les chaussures
d’été et la veste légère. C’est un choix évident. Les alternatives parmi
lesquelles vous devrez choisir portent sur les vêtements d’hiver. Pour
une personne atteinte d’autisme, ce n’est pas le cas. Si vous lui
demandez ce qu’elle va mettre aujourd’hui, elle regardera toute sa
garde-robe. Et à condition qu’elle comprenne que par une rigoureuse
journée d’hiver, on ne sort pas en short et en tee-shirt d’été, une
nouvelle décision devra être prise pour chaque vêtement, même
98 Comment pense une personne autiste ?
ceux d’été. Même une activité aussi quotidienne que le choix des
vêtements pour la journée est difficile et demande beaucoup de temps
aux personnes autistes. Et cette lenteur n’a rien à voir avec de la
paresse. Le fait de ne pouvoir effectuer ces présélections amène des
réponses du type « ravioli » ou des raisonnements « lavabo ». Les
individus sans autisme suivent les indications à partir du contexte (il
s’agit d’un lit de poupée) et vont donc éliminer un grand nombre
de réponses de certaines catégories : de la nourriture (comme des
raviolis) n’est pas à sa place dans ce contexte, tout comme des
articles de bureau (comme des timbres.) Il faut chercher dans la
catégorie des articles de literie. Sans cette présélection, toutes sortes
de catégories sont prises en compte et il est tout à fait logique que la
première ressemblance qui se présente apporte une réponse, même
si celle-ci provient d’une mauvaise catégorie.
Pour les êtres sans autisme, choisir et décider eux-mêmes est un
droit qu’ils revendiquent, la pierre angulaire de la liberté. Pour les
individus atteints d’autisme, choisir et décider sont des tâches devant
lesquelles ils sont placés. Ils ressentent beaucoup moins la liberté
comme un droit mais plutôt comme une corvée très lourde, parfois
trop difficile à supporter. Leur vie est plus simple s’il y a des règles
claires et que les autres effectuent les présélections à leur place afin
qu’ils puissent prendre des décisions.
9
centrale n’est pas le même chez chaque personne autiste. Les tous
petits enfants n’ont pas encore, eux non plus, assez de cohérence
pour le monde environnant. Ils ne savent pas encore bien faire la
différence entre eux-mêmes et le monde extérieur. Ils ne ressentent
pas encore leurs expériences comme étant les leurs. Comme pour
les personnes atteintes d’autisme, les choses ne semblent pas « leur
arriver ». Ils n’ont pas encore assez d’« ego », trop peu de personna-
lité et de conscience. Il y a donc peu de différence avec l’autisme.
Mais la différence viendra car les enfants normaux naissent avec
le talent naturel de créer de la cohérence. Dans leur cerveau, ils
disposent d’une unité centrale de contrôle3 qui les rendra capables
de se construire une personnalité : ils deviennent petit à petit par-
tie intégrante d’un « individu ». Le mot individu vient du latin et
veut dire « indivisible ». Les nombreuses expériences isolées feront
place à un ensemble cohérent, à une personne capable d’intégrer les
expériences de sa vie dans un ensemble significatif et indivisible : un
« moi ».
Chez les personnes atteintes d’autisme, la cohérence centrale ne
se développe pas suffisamment. Elles traitent les informations reçues
par leur cerveau comme le font les ordinateurs, comme des données
« absolues » et non comme des données relatives. L’enregistrement
ressemble trop à celui de détails isolés (« absolu » vient du latin
absolutus qui signifie « isolé »), les informations ne sont pas suf-
fisamment traitées de façon relative, c’est-à-dire en « relation » avec
d’autres informations du contexte. Si vous tapez sur votre clavier le
mot « hôtel », l’ordinateur traitera chaque signe séparément H-O-T-
E-L. L’ordinateur ne comprend pas que cette combinaison unique
de lettres se réfère à un bâtiment où vous pouvez passer la nuit :
l’ordinateur n’y voit pas du tout un hôtel.
Les personnes atteintes d’autisme sont-elles donc aussi « stu-
pides » que les ordinateurs ? Est-ce la raison pour laquelle elles
sont souvent si drôles ? Les blagues ont souvent trait à la bêtise des
hommes... Non, disent certains. Il n’y a qu’à voir comment certaines
personnes autistes savent calculer, ou comment d’autres dessinent
formidablement, ou encore combien ont une mémoire fabuleuse.
Des êtres qui ont de telles compétences ne peuvent pas être idiots.
Pendant longtemps, trop longtemps, on a cru que les personnes
atteintes d’autisme étaient des êtres intelligents, emprisonnés dans
9. Entre les lignes 101
dessins de ce livre ont été réalisés par une personne autiste. Il est
remarquable — le garçon avait 9 ans quand il a fait ces dessins
— de voir la précision particulière des détails dans les dessins
d’animaux et de plantes. Comme pour les autres personnes atteintes
d’autisme, dessinateurs de talent, ces dessins sont des bijoux sur le
plan analytique. Mais en général, il manque une histoire derrière le
dessin. Un dessin fait par une personne autiste est plus illustration
qu’imagination.
Leur style de pensée alternative fait que les personnes atteintes
d’autisme excellent dans des domaines où les « penseurs cohérents »
sont à peine valables. Elles sont plus performantes dans certains
domaines. Elles obtiendront de meilleurs résultats dans des tâches
qui privilégient surtout les détails visuels, des tâches pour lesquelles
il est nécessaire de travailler avec exactitude, d’après certaines règles
comme les tâches de copie, de tri et de routine. Nous exécutons
moins bien ces dernières car il faut toujours répéter les mêmes gestes
et cela devient ennuyeux. Et de l’ennui naît la négligence.
L’autisme a donc aussi des points forts, positifs. Comme la pen-
sée autistique est différente de la pensée normale, elle mène par
moments à une forme particulière d’originalité. C’est pourquoi il
n’est pas si étonnant que des personnes atteintes d’autisme puissent
être des artistes.
L’autisme se différencie par le développement inégal des diffé-
rentes formes d’intelligence11 . Mis à part le handicap intellectuel de
beaucoup d’entre eux, nous pouvons donc admettre que les individus
autistes ne sont pas moins intelligents, mais qu’ils ont une autre
forme d’intelligence. Ils ont un autre style de pensée. Les êtres sans
autisme voient plutôt la forêt (l’ensemble). Les personnes souffrant
d’autisme voient plutôt les arbres (les éléments qui constituent l’en-
semble). Les personnes autistes ressentent donc la réalité autrement.
Ceci leur occasionne beaucoup de stress et de désavantages mais
dans certains domaines, elles excellent par rapport à leurs proches
non autistes.
9. Entre les lignes 107
Points forts
Points forts
des personnes
des personnes autistes
non autistes
Compréhension littérale Compréhension symbolique
Pensée analytique Pensée intégrée
Perception d’un grand
Sensibilité aux détails
ensemble
Traitement sériel de Traitement parallèle
l’information de l’information
Éléments concrets Éléments abstraits
Règles logiques, formelles Données irrationnelles
Vivre selon les règles Vivre entre les règles
Les faits Les idées
Les lois Les exceptions aux lois
Les images L’imagination
Les calculs La sensibilité intuitive
Les ressemblances Les analogies
Absolu Relatif
Objectivité Subjectivité
Détourné : humour,
Direct, droit, honnête
mensonge, tromperie
Perfectionnisme Souplesse
Monde extérieur Monde intérieur
Raisonnement déductif Raisonnement inductif
Réalisme Surréalisme
« Ceci est le titre » « Sur la pensée autistique »
108 Comment pense une personne autiste ?
vous devez poser des règles et des classements comme par exemple
03 = mauvais. Ceci apporte de la prévisibilité et donc des chances
de survie. Nous nous rapprochons des personnes autistes quand nous
n’édulcorons pas leurs valeurs profondes en les considérant comme
des talents mais comme des stratégies de survie. Si nous voulons les
aider, nous devons continuer à construire sur ces bases. De même,
beaucoup de comportements autistiques (comme les comportements
répétitifs ou difficiles) peuvent être de façon fonctionnelle considérés
comme des réactions de stress : ce sont des réactions à un environ-
nement trop complexe et incompréhensible.
B ON SENS
Malgré toutes les stratégies de compensation citées, les personnes
atteintes d’autisme sont et restent différentes. Une indépendance
complète et une « réelle » intégration dans le monde des « pen-
seurs cohérents » ne sont possibles que pour une petite minorité.
Elles pensent autrement, elles traitent les informations d’une autre
manière. Être différent ne veut pas obligatoirement dire que l’on
peut moins et pourtant c’est le cas pour les personnes autistes.
L’autisme n’est pas seulement un style de pensée alternatif, c’est
un handicap. Beaucoup sont handicapées parce que, outre l’autisme,
elles souffrent aussi d’un retard intellectuel généralisé. Mais les
personnes atteintes d’autisme d’intelligence normale ont aussi du
mal à survivre sans aide dans notre société. La manière de pen-
ser autistique est imparfaite quand il s’agit de survivre dans notre
monde. D’où cela peut-il provenir ? Les personnes autistes (et ici,
je ne parle pas de celles qui ont un handicap intellectuel) prêtent ou
essaient obstinément de prêter du sens aux choses, mais d’une autre
façon. Ce n’est pas le sens que la grande majorité des individus leur
donne. Et de ce point de vue, le sens que leur prêtent les personnes
atteintes d’autisme n’est pas le common sense14 . Ce terme anglais
se traduit littéralement en français par le terme « sens commun ».
Par common sense ou « sens commun », il est clairement défini
qu’il s’agit de quelque chose de « communautaire » (un sens donné
« communautairement »). Celui qui n’a pas de common sense est
un canard boiteux, se fait remarquer, sort du cocon communautaire.
Ceci se traduit ainsi pour les individus autistes : comme ils prêtent
aux choses un sens de façon « particulière » (en opposition à « com-
munautaire »), ils se font remarquer, ils ne peuvent pas vraiment faire
9. Entre les lignes 111
partie du grand groupe. Le sens qu’ils donnent aux choses n’est pas
partagé par la grande majorité des gens. C’est là leur handicap.
En français, nous parlons de « bon sens ». Aussi intelligente
qu’une personne autiste puisse être, nous devons à chaque fois
constater qu’elle a très peu de bon sens. Mais qu’est-ce que
le bon sens ? Et qu’est-ce qui manque aux personnes atteintes
d’autisme pour pouvoir utiliser ce bon sens ? Et quel rôle joue
la pensée cohérente dans ce bon sens ? Cela n’est pas facile à
expliquer. Les connaissances scientifiques permettant de savoir
comment les gens apprennent, comment ils résolvent des problèmes,
comment ils pensent, sont encore très limitées en ce début de vingt
et unième siècle. Mais il y a des progrès. Et l’inspiration vient du
monde informatique, plus précisément du monde de l’intelligence
artificielle. Si nous voulons que nos ordinateurs accomplissent des
tâches humaines, il faut d’abord savoir comment les êtres humains
résolvent les problèmes. Les difficultés que nous rencontrons pour
développer des machines intelligentes nous apprennent beaucoup
sur le cerveau humain. Ainsi, la boucle de ce livre est bouclée et
nous nous retrouvons à notre point de départ.
« Ce qui est le plus difficile pour l’intelligence artificielle, c’est
de programmer le bon sens15 . » C’est ce qu’écrivait en 1992 une
autorité dans le domaine de l’intelligence artificielle. Au grand dam
de tous les programmeurs informatiques avec leurs essais spectacu-
laires, il n’existe pas encore d’ordinateur possédant du bon sens.
Aussi intelligent que soit un ordinateur, il n’aura jamais le bon
sens de décider à quel moment il est préférable de traverser la
rue, même si le feu est rouge. L’autisme, comme dans le domaine
de l’intelligence artificielle, n’est pas simplement un problème de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
coin des lèvres vers le bas et des larmes = tristesse) et de règles (si
vous voulez dire quelque chose en classe, il faut lever le bras). Mais,
il faudra souvent appuyer d’abord « sur la bonne touche », donner
le bon « tuyau » avant qu’elles ne montrent la réaction adaptée19 .
Ce qu’elles apprennent est beaucoup moins intégré dans une libre
collection de définitions dans laquelle on peut puiser avec souplesse.
L’autisme est plus qu’un problème de mémoire. C’est beaucoup
plus qu’un problème de sauvegarde, d’enregistrement et de
recherche de connaissance. Pour participer pleinement au monde
humain, la connaissance des faits et la logique ne suffisent pas.
Nous avons aussi besoin d’une bonne part de bon sens. Ce bon
sens, la forme la plus humaine de l’intelligence, ne fonctionne pas
d’après les règles de logique : il est « chaotique et saccadé20 ». Le
bon sens, la forme d’intelligence la plus humaine est l’art de bien
deviner21 . Par deviner, nous voulons dire : jongler souplement avec
les concepts. Cette souplesse est incompatible avec les règles strictes
de la logique. Les « penseurs cohérents » n’ont pas besoin de règles
ni de définitions pour évaluer les choses. En un clin d’œil, ils se
disent : « Ah ! c’est ainsi que cela se passe... » Ils reconnaissent les
modèles et les situations sans savoir auparavant à quoi ils doivent
faire attention. Estimer une situation du premier coup d’œil ne se
fait pas sur base d’une connaissance de faits mais sur celle d’un
« savoir-faire ». Cela ne demande pas une pensée consciente mais
de l’intuition22 . C’est pourquoi le bon sens ne peut être ni enseigné
ni programmé.
Même les bébés possèdent déjà ce savoir-faire. Un bébé voit et
sent un téton. Il « sait » qu’il est là pour être tété. Il le sait instinctive-
ment, intuitivement. Il n’a pas besoin d’une règle préalable ou d’une
définition pour le chercher. D’ailleurs, il s’agit d’une connaissance
instinctive qu’ont également les animaux. Mais progressivement,
ce même bébé fera les mêmes évaluations intuitives pour d’autres
situations, plus sociales et plus complexes. Son savoir-faire ne fera
que croître. Chez les personnes autistes, la connaissance des faits
(la connaissance de règles et de définitions) augmentera au cours
de la croissance, parfois même de façon spectaculaire, mais leur
savoir-faire restera toujours faible en comparaison de celui des autres
individus. Ceci vient du fait que la connaissance des faits et le savoir-
faire se développent différemment. Quand la connaissance des faits
augmente, c’est que de nouvelles informations, de nouvelles données
9. Entre les lignes 115
presque semblables mais pas tout à fait. Elles sont similaires, ce qui
veut dire qu’elles appartiennent à la même catégorie bien qu’elles
soient différentes extérieurement et au niveau des détails. Nous
reconnaissons cette similitude parce que nous exploitons nos ana-
logies. Un exemple suffit. Si je dis que la Rolls Royce est la reine
des voitures, vous comprenez tout de suite ce que je veux dire. Une
personne qui pense littéralement et qui suit la logique des règles,
des définitions et des faits, trouvera ma remarque absurde, ridicule
et illogique. Un moyen de locomotion ne peut pas être une reine...
il n’y a aucune ressemblance (exacte) entre une voiture et une reine.
Celui qui a besoin de définitions exactes, comme les ordinateurs, sera
116 Comment pense une personne autiste ?
Je n’ai qu’une remarque : c’est sur les fesses du bébé qu’il faut taper et non
sur celles de la mère. »
Notes finales :
sur « les petits chiffres »
de ce livre
N OTES DU CHAPITRE 1 :
SUR CE LIVRE
1
Kanner, 1943.
2
Dans son étude (1996), Suzanne Leekam a mis en évidence
des caractéristiques autistiques chez un tiers des enfants normaux.
Celles-ci apparaissent de moins en moins fréquemment après l’âge
de cinq ans.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
3
Par « pensée cohérente », nous entendons ce qu’Uta Frith (1989)
appelle cohérence centrale : la capacité de découvrir une cohésion
parmi une multitude de stimuli.
4
Pour un aperçu des récentes théories cognitives concernant l’au-
tisme et l’importance de l’hypothèse de la « pensée cohérente »,
nous vous conseillons de consulter les études d’Anthony Bailey et
coll. (1996).
5
J’ai trouvé mon inspiration plus particulièrement dans les livres
de Douglas R. Hofstadter (1979 et surtout 1985). Le lien entre l’au-
tisme et les ordinateurs ou les robots n’est pas une étude spéciale-
ment nouvelle (voir aussi entre autres Frith, 1989).
124 Comment pense une personne autiste ?
6
Hofstadter, 1985, p. 552 de la traduction flamande.
7
Professeur Ina van Berckelaer-Onnes, 1992.
8
Les références des blagues citées dans ce livre sont beaucoup
moins évidentes que celles qui ont trait aux ordinateurs. Les blagues
font partie du domaine public et les auteurs de la plupart des plai-
santeries reprises ici me sont inconnus. Je suis certain qu’aucune
n’a été inventée par moi-même et que le plagiat est la règle en ce
domaine. Les anecdotes amusantes proviennent par contre de mon
expérience personnelle, mais surtout de l’expérience de parents. En
tant qu’« experts », ils sont les mieux placés pour ce type d’illustra-
tions.
9
Gillberg, 1990, et Vermeulen, 1998.
N OTES DU CHAPITRE 2 :
SUR L’ HUMOUR ET L’ AUTISME
1
Hans Asperger, 1944, p. 82 de la traduction anglaise par Frith,
1991.
2
Nous reviendrons sur ceci dans le chapitre 4 où le lecteur trou-
vera quelques plaisanteries agréables basées sur ce principe.
3
Newson, 2000, p. 97. Traduction littérale : humour « type peau
de banane ».
4
Ceci est la conclusion d’une étude de Mary Van Bourgondien et
Gary Mesibov (1987).
5
Voir par exemple Elisabeth Newson (2000) et Carol Gray (1998)
qui décrivent l’usage de l’humour et des bandes dessinée dans l’édu-
cation d’enfants atteints d’un syndrome d’Asperger ou autistes de
haut niveau.
6
Hans Asperger, 1944, p. 130 de la traduction française.
7
À vrai dire, il y a eu une telle proposition de la part d’une
personne autiste qui a lu la version néerlandaise de ce livre. Il
existe également un site web développé par les personnes atteintes
d’autismes sur la personnalité non autistique. Ce site web décrit
les personnes « normales » (appelées « neuro-typiques ») comme
malades. La façon pompeuse avec laquelle ce site web décrit les
gens normaux comme étant atteints d’un trouble est une parodie,
et donc une preuve que les personnes atteintes d’autisme peuvent
10. Notes finales 125
N OTES DU CHAPITRE 3 :
SUR L’ HUMOUR ET L’ INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
1
Une condition nécessaire mais pas suffisante. Les blagues
doivent encore satisfaire à d’autres conditions. Elles ne peuvent
pas, par exemple, être trop limpides ou trop simples sinon elles
deviennent de « mauvaises » blagues.
2
Bergsma, 1994.
3
Cette citation est tirée d’un livre sur la philosophie : Johan
Allen Paulos, 1985, p. 135 de la traduction néerlandaise de 1993.
C’est aussi chez Paulos que j’ai trouvé l’anecdote de l’ordinateur
traducteur russo-anglais, plus loin dans le texte.
4
De Blundell, 1983, p. 17-18 de la traduction néerlandaise.
5
Paulos, 1985, p. 138 de la traduction néerlandaise de 1993.
6
Repris de Frith (1989, p. 121) avec l’aimable autorisation d’Uta
Frith. Le dessin original est d’Axel Scheffer.
N OTES DU CHAPITRE 4 :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
N OTES DU CHAPITRE 5 :
SUR LE COMPORTEMENT SOCIAL ET L’ IDENTITÉ
1
Ceci vaut spécialement pour la grande majorité des personnes
atteintes d’autisme et d’un handicap intellectuel. Les personnes
autistes ayant une intelligence normale ou supérieure savent (ont
appris ?) qu’il existe des relations invisibles. Leur problème est
alors qu’elles perçoivent toutes les relations possibles mais qu’elles
n’arrivent pas à faire une bonne présélection de celles qui, à partir
du contexte, sont les plus à portée de main, donc les plus logiques.
Les personnes autistes douées sont donc plutôt aveuglées par les
relations. Elles tiennent compte de trop de relations.
2
Richard Lansdown dans Joliffe, Lansdown et Robinson, 1992,
p. 16.
3
Blundell, 1983.
4
Voir la notion « personal episodic memory » et « sense of self »
dans Jordan et Powell (1995).
5
Congrès : L’Autisme : préparation de l’âge adulte, 16 mai 1987.
6
Martin parle de son « propre » anniversaire. À remarquer qu’il a,
dès le début de l’histoire, clairement expliqué qu’il est né un 19 mars.
7
Nous ne voulons pas dire par là que les personnes atteintes
d’autisme seraient moins des personnes à part entière que d’autres.
10. Notes finales 127
Chacune d’elle est une personne unique avec son propre caractère,
son propre tempérament etc. Par personnalité nous entendons : res-
sentir une unité personnelle. Les personnes atteintes d’autisme ne
sont pas inférieures aux autres (voir dernier chapitre).
8
On a confondu et on confond encore souvent autisme et schi-
zophrénie. La schizophrénie est un trouble de la personnalité, qui
se caractérise plus précisément par une personnalité désintégrée,
une personnalité dissociée. Dans sa forme extrême, on évoque plu-
sieurs personnalités. Dans l’autisme comme dans la schizophrénie,
on retrouve le manque d’intégration et d’unité de la personnalité. Ce
n’est donc pas par hasard qu’il y a confusion : dans les deux cas,
il n’y a pas d’unité, pas d’identité homogène. Le Journal of Autism
and Developmental Disorders actuel s’appelait d’ailleurs autrefois le
Journal of Autism and Childhood Schizophrenia. La différence entre
l’autisme et la schizophrénie tient notamment au fait qu’à l’intérieur
des différentes personnalités d’un schizophrène, il y a une certaine
cohérence alors que chez la personne autiste il y en a très peu dans
une seule et même personnalité. Les personnes atteintes d’autisme
d’intelligence normale peuvent développer une image proche de la
schizophrénie pendant ou après l’adolescence surtout si elles n’ont
pas bénéficié d’un accompagnement et d’un encadrement adaptés.
9
Gerland, 1996, p. 47.
10
Blundell (1983, p. 21).
11
Pas seulement sur le plan social. Cette forme d’imitation sans
compréhension du sens est très souvent employée par les personnes
atteintes d’autisme dans l’utilisation de la langue. Cela s’appelle
l’écholalie (voir entre autres Theo Peeters (1996). L’imitation à la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
toutes ces années. Le film est basé sur le livre du même titre de
Konsinski (1971).
15
Il existe plusieurs articles et livres sur la notion de la « théorie
de l’esprit » dans l’autisme. Pour une revue des études récentes nous
référons à Baron-Cohen, Tager-Flusberg et Cohen (2000). Dans ce
livre il y a un chapitre de Francesca Happé (2000), où elle présente
une revue de la recherche sur la « cohérence centrale » et sa relation
avec la « théorie de l’esprit ».
16
Oliver Sacks, 1995, p. 299.
17
Voir Peter Vermeulen, 1997.
N OTES DU CHAPITRE 6 :
SUR LA COMMUNICATION
1
Nous n’approfondirons pas ici les difficultés d’abstraction par
rapport à la langue. Theo Peeters, entre autres, les a déjà largement
décrits dans ses deux derniers ouvrages : Gillberg et Peeters (1995)
et Peeters (1996).
2
Nous nous référons ici aux deux niveaux les plus « élevés »
d’une langue. Le niveau le plus bas est le niveau sémantique : le
lien entre les mots et les choses (leurs « significations »). Le niveau
syntaxique est celui du lien entre les mots : la cohérence entre les
significations attribuées aux différents mots. Le niveau pragmatique,
enfin, se réfère à la cohérence entre les mots (les séries) et le
contexte. Les personnes atteintes d’autisme ont des problèmes aux
trois niveaux mais leurs problèmes augmentent avec la complexité
croissante des niveaux. C’est avec les aspects pragmatiques de la
communication qu’elles ont le plus de difficultés.
3
Tout comme une phrase est plus qu’une addition de mots, un
mot est plus que des lettres placées les unes à côté des autres.
Pour un ordinateur qui ne sait pas attribuer un sens à partir de la
cohérence, les mots ne sont rien de plus que des signes alignés les
uns à côté des autres : le mot « ils » n’est rien de plus que i-l-s, trois
lettres successives. Quand nous voyons (ou entendons) « ils », nous
pensons intuitivement à un pronom de masculin, à des individus...
4
Nous parlons ici des mots « référentiels ». Les mots référentiels
n’ont pas de sens fixes mais donnent un sens à ce à quoi ils se
réfèrent : grand (une chose est toujours grande par rapport à une
autre : une souris est grande quand on la compare à une aiguille
10. Notes finales 129
mais elle est petite par rapport à un éléphant), hier (est aujourd’hui si
on se réfère à demain et est demain par rapport à après-demain), en
dessus et au-dessus (le deuxième étage est au-dessus du premier mais
en dessous du troisième). Les études ont prouvé que les personnes
atteintes d’autisme ont du mal à comprendre les mots référentiels.
5
Paulos, 1993, p. 135.
6
Cet exemple et le suivant (celui du chien) viennent du livre
d’Arno Penzias (1990).
7
La différence entre « pour » dans le sens de « à cause de » (être
jugé pour débauche) et dans le sens de « pour » (être ici pour la
débauche).
8
« Je crois que (votre) boisson en est la cause » et non : « Je crois
que (ma) boisson en est la cause. »
9
Le drapeau n’existe qu’en « bleu-blanc-rouge » (un drapeau à
trois couleurs) et non « en bleu, blanc et rouge » (trois drapeaux de
couleurs différentes).
10
Utiliser (pour nettoyer les toilettes) opposé à : Utiliser (pour
nettoyer...)
11
Cette anecdote est tirée du livre de Twachtman (1995).
12
La structure grammaticale d’une phrase ou d’une expression
est parfois appelée « structure de surface ». Par contre, le sens d’une
phrase — pas directement visible — est sa « structure profonde ».
(Hofstadter, 1985).
13
L’objectif n’est pas d’approfondir ce sujet bien qu’il s’agisse
d’un domaine très intéressant. C’est ainsi que le « niveau de rela-
tion » prend souvent forme à partir de la communication non verbale,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
N OTES DU CHAPITRE 7 :
SUR LA RIGIDITÉ
1
Momma, 1996, p. 101.
2
La dépendance personnelle se rencontre fréquemment chez des
personnes atteintes d’autisme qui ont une haute intelligence. Comme
ils s’orientent beaucoup vers les autres, ils se tournent — contraire-
ment aux personnes autistes qui possèdent peu de sociabilité ou qui
ont une déficience intellectuelle — vers autrui quand ils ne savent pas
trop bien ce qu’ils doivent faire : ils s’accrochent aux autres quand
leur environnement n’est pas assez clair et qu’il ne « parle » pas de
lui-même. La forme est différente mais, finalement, les personnes
atteintes d’autisme et d’une déficience intellectuelle et celles qui ont
par exemple le syndrome d’Asperger ne sont pas si différentes dans
leur dépendance aux explications et instructions. Voir Vermeulen,
1999.
N OTES DU CHAPITRE 8 :
SUR LES DIFFICULTÉS À RÉSOUDRE
DES PROBLÈMES
1
Le mot « sens » a plusieurs acceptions. Tout d’abord celle de
« signification », comme par exemple dans : « Quel est le sens de
cette expression ? » ou celle d’« intention » (de « but ») : « Quel
sens y a-t-il à aller pêcher pendant ses loisirs ? » Dans l’autisme, le
problème se pose dans les deux acceptions du terme : les personnes
atteintes d’autisme ont du mal à donner du sens aux choses mais
elles ont aussi et surtout du mal à découvrir le but des choses et des
événements.
2
L’exemple vient du livre de Charles Hart, 1989.
3
Van Dalen, 1995a, p. 14.
4
Les problèmes d’action stratégique (planifier, contrôler et éva-
luer les actions) que connaissent les personnes atteintes d’autisme
ont donné naissance à une théorie cognitive explicative de l’autisme,
dans laquelle il est admis que l’autisme est une conséquence d’un
déficit des « fonctions exécutives ». Nous renvoyons ceux qui sou-
haitent en savoir plus sur cette théorie entre autres aux travaux de
Hughes, Russell et Robbins (1994) et de Ozonoff (1995).
10. Notes finales 131
5
D’après une étude, il semble que le développement de l’imita-
tion chez les enfants normaux soit associé à la compréhension des
objectifs (Hay et coll., 1991).
6
Gaarder, 1994, p. 265.
7
Hofstadter, 1985, p. 649. En raisonnant de manière déductive,
on extrait de la règle générale des règles particulières via un raison-
nement logique. Le contraire est le raisonnement inductif. Par là, on
conclut à une règle plus générale sur base de quelques situations
similaires. Les personnes atteintes d’autisme seraient plus perfor-
mantes en raisonnement déductif. De nouvelles études devraient le
confirmer.
8
Cette expression fait allusion au fait qu’en ayant un trop grand
nombre de choix, on n’arrive plus à décider.
N OTES DU CHAPITRE 9 :
SUR L’ INTELLIGENCE AUTISTIQUE (2)
1
Vroon, 1992, p. 223.
2
Van Dalen, 1994a, p. 14.
3
Voir aussi Piet Vroon (1992) : le terme de « l’unité centrale
de contrôle » (UCC) vient de Gazzaniga (1985). La UCC n’est pas
un lieu localisé dans le cerveau bien qu’il y ait des indications
selon lesquelles la partie gauche du cortex jouerait un rôle dans
la création de ce système de traitement et de décision central. La
UCC est donc un concept hypothétique, un mécanisme, pas vraiment
un endroit précis dans le cerveau. Il est reconnu que les personnes
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la bonne réponse par une tout autre stratégie que les personnes sans
autisme.
14
Voir Frith, 1996. Uta Frith n’est pas la première à soutenir
cette idée. Hans Asperger (1944) avait déjà formulé l’idée que l’in-
telligence autistique avait des qualités bien nettes et qu’elle était le
contraire de la sagesse.
15
Minsky, 1992, p. 356-358.
16
Pour les deux types de connaissances qui seront décrits plus
loin, il existerait aussi des preuves neurologiques. La partie gauche
du cerveau est celle de la logique, du raisonnement séquentiel ; la
partie droite est plutôt « holistique ». C’est dans cet hémisphère du
cerveau que se trouve la sagesse, le siège de l’intuition. C’est lui
qui élabore les métaphores et les analogies (voir Weizenbaum, 1984,
p. 234 et sqq.)
17
Pour plus de détails, voir Copeland (1993), chap. 9 : « Sommes-
nous des ordinateurs ? »
18
Hofstadter, 1988, p. 639.
19
Ici se situe l’affirmation d’une soi-disant « dépendance person-
nelle » ou d’une dépendance des personnes atteintes d’autisme aux
instructions.
20
Les termes « chaotique » et « saccadé » sont de Vroon (1992,
p. 196).
21
H.B. Barlow, The Oxford Companion to the Mind, in Penzias
(1990).
22
Éric Courchesne (1996) situe l’intuition dans le cervelet. Le
cervelet nous prépare inconsciemment à ce qui va arriver. Un cer-
velet endommagé entraîne des réactions lentes ou erronées et rend
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
25
Weizenbaum, 1984, p. 236.
26
Declercq, 1993.
27
Jordan et Powell, 1995, p. 31.
28
Hofstadter, 1988, p. 584.
29
Happé, 1999.
Bibliographie
PRÉFACE VII
NOTES DE L’AUTEUR XI
REMERCIEMENTS XIII
autistique (1) 23
Réponses « Ravioli » et « Lavabo » 28