Autres ouvrages :
Urgences pédiatriques, 4e édition, par G. Chéron, 2018, 992 pages.
Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans, 3e édition, par P. Tounian, 2017, 224 pages.
Le développement de l’enfant, Du normal aux principaux troubles du développement, par A. de Broca,
2017, 272 pages.
Réanimation et soins intensifs en néonatologie, coordonné par P.-H. Jarreau, 2016, 776 pages.
Infections néonatales. Bactériennes, mycosiques, parasitaires et virales, par Y. Aujard, 2015,
272 pages.
Collection Pεdia
dirigée par Pierre Cochat
La drépanocytose
de l’enfant et l’adolescent
Coordonné par
Mariane de Montalembert
Service de pédiatrie générale, hôpital Necker-Enfants malades, Paris
et
Slimane Allali, Valentine Brousse, Melissa Taylor Marchetti
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
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Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Liste des coordinateurs
■ Mariane de Montalembert, professeur associé-praticien hospitalier, service
de pédiatrie générale et maladies infectieuses, hôpital Necker-Enfants malades,
AP-HP, Paris ; Université Paris Descartes, Paris
■ Slimane Allali, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et maladies
infectieuses, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; Université Paris Des-
cartes, Inserm U1163
■ Valentine Brousse, praticien hospitalier, service de pédiatrie générale et maladies
infectieuses, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP ; Université Paris Descartes,
Paris
■ Melissa Taylor Marchetti, service de pédiatrie générale, Hôpital Necker-Enfants
malades, AP-HP, Paris
Liste des collaborateurs
■ Bichr Allaf, praticien hospitalier, laboratoire de biochimie-hormonologie, unité
de dépistage néonatal de la drépanocytose, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris
■ Jean-Benoît Arlet, département de médecine interne, Hôpital européen
Georges Pompidou (AP-HP), Paris ; Centre national de référence drépanocytose,
thalassémie, autres maladies rares des globules rouges et de l’érythropoïèse ;
faculté de médecine Paris Descartes, Sorbonne Paris-Cité
■ Vincent Audard, professeur des universités-praticien hospitalier, service de
néphrologie et transplantation, Hôpital Henri-Mondor, Créteil ; Centre de réfé-
rence syndrome néphrotique idiopathique, Unité INSERM U955, Équipe 21, Uni-
versité Paris Est Créteil, Créteil
■ Dora Bachir, ancien praticien hospitalier en hématologie clinique
■ Françoise Bernaudin, service de pédiatrie, centre de référence de la drépano-
cytose, centre hospitalier intercommunal de Créteil
■ Olivia Boyer, praticien hospitalier, service de néphrologie pédiatrique, Hôpital
Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; Centre de référence des maladies rénales
héréditaires de l’enfant et de l’adulte (MARHEA), Centre de référence syndrome
néphrotique idiopathique, Institut Imagine, Université de Paris, Paris
■ Ricardo Carbajal, service des urgences pédiatriques, Hôpital Armand-Trousseau,
AP-HP, Paris ; Sorbonne Université, Inserm UMR 1153, Équipe EPOPE
■ Marina Cavazzana, professeur, chef de service de biothérapie, Hôpital Necker-
Enfants malades, AP-HP, Paris
■ Philippe Connes, Laboratoire LIBM EA7424, Équipe « Biologie vasculaire et du
globule rouge », Université Lyon 1, Lyon ; Institut Universitaire de France, Paris ;
Laboratoire d’excellence sur le globule rouge (Labex GR-Ex), PRES Sorbonne, Paris
■ Nathalie Couque, praticien hospitalier, laboratoire de génétique moléculaire,
Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris
■ Jean-Hugues Dalle, professeur, directeur du programme de greffe de CSH, service
d’hémato-immunologie, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris ; Université Paris 7 –
Denis Diderot, Paris
■ Stéphane Dauger, professeur des universités-praticien hospitalier, service de
réanimation et surveillance continue pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, AP-HP,
Paris ; Université Paris Diderot, Paris 7
■ Christophe Delacourt, service de pneumologie et allergologie pédiatrique, centre
de référence des maladies respiratoires rares de l’enfant, Centre de ressource et de
compétence pour la mucoviscidose, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
XIV
1
Physiopathologie
de la drépanocytose
Philippe Connes
Points clés
■
La drépanocytose est une maladie de l’hémoglobine et du globule rouge.
■
La physiopathologie est complexe et débute par la polymérisation de
l’hémoglobine en condition désoxygénée à l’origine d’une falciformation
des globules rouges conduisant à une anémie hémolytique chronique et
à des épisodes vaso-occlusifs.
■
Le contexte pro-oxydant, pro-adhérent et pro-inflammatoire module la
sévérité clinique de la maladie.
■
La drépanocytose est aussi une maladie vasculaire qui touche à la fois la
micro- et la macrocirculation.
Définition
■ La drépanocytose (anémie falciforme) est une hémoglobinopathie autoso-
mique récessive.
■ C’est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde avec environ
300 000 naissances par an [1], dont les deux tiers surviennent en Afrique [2].
■ Elle est causée par une mutation ponctuelle survenant sur le gène β-globine
à l’origine de la production d’une hémoglobine (Hb) anormale, l’hémoglobine S
(HbS).
■ La forme la plus fréquente et sévère associe la mutation HbS à l’état homozy-
gote, mais il existe d’autres formes de drépanocytose (hétérozygotie composite),
associant l’HbS à une autre Hb mutée (HbC, D-Punjab, O-Arab par exemple) ou
produite en quantité insuffisante (mutation β-thalassémique).
■ En condition désoxygénée, l’HbS polymérise, ce qui conduit à la falciformation
des globules rouges.
■ Les globules rouges falciformés sont fragiles et rigides, ce qui explique d’une
part l’anémie hémolytique chronique des patients et d’autre part la survenue de
crises vaso-occlusives douloureuses.
Vaso-occlusion
■ Les complications vaso-occlusives (crises vaso-occlusives douloureuses, ostéo-
nécrose, etc.) étaient classiquement considérées comme la conséquence directe
de la perte de déformabilité des globules rouges à l’origine d’un blocage dans la
microcirculation et d’une ischémie d’aval.
■ Ce modèle physiopathologique simple ne rendait cependant pas compte de
la grande variabilité clinique de la maladie, ce d’autant que le délai à la polymé-
risation de la désoxyHbS est théoriquement supérieur au temps de transit des
globules rouges dans la microcirculation.
■ Il a été montré que ce temps de transit était en réalité allongé en raison d’une
adhérence accrue de plusieurs populations de cellules circulantes (neutrophiles,
monocytes, plaquettes, globules rouges denses, réticulocytes) à l’endothélium.
Ces phénomènes d’adhérence vasculaire accrue sont responsables d’un ralentisse
ment circulatoire, favorisant la falciformation dans ces zones vasculaires au dia-
mètre réduit.
■ Ces phénomènes d’adhérence vasculaire accrue sont en partie liés au contexte
pro-inflammatoire et pro-oxydant exacerbé dans la drépanocytose [3, 4].
■ Il a également été montré que les patients avec un hématocrite, un taux d’Hb
et une viscosité sanguine élevés étaient plus enclins à développer des crises vaso-
occlusives fréquentes [5]. En effet, la diminution de la réserve vasomotrice liée à
la diminution de la biodisponibilité en monoxyde d’azote (un puissant vasodi-
latateur) ne permet pas de compenser l’hyperviscosité sanguine observée chez
certains patients, augmentant ainsi le risque de crise vaso-occlusive [6].
■ Le traitement par hydroxycarbamide (HC) augmente la proportion d’Hb
fœtale (HbF) dans les globules rouges drépanocytaires, réduisant ainsi la propor-
tion d’HbS et sa polymérisation, ainsi que la tendance à la falciformation érythro-
cytaire. De plus, l’HC agit comme un donneur de monoxyde d’azote, améliorant
ainsi la fonction vasculaire [7]. Le monoxyde d’azote provenant de l’HC semble
également améliorer la rhéologie des globules rouges, et notamment leur défor-
mabilité [8]. Enfin, l’HC limite les phénomènes d’adhérence vasculaire [7]. Pour
ces raisons, l’HC réduit la survenue des événements vaso-occlusifs (crises vaso-
occlusives et syndrome thoracique aigus) et améliore l’anémie des patients [7, 9].
Physiopathologie de la drépanocytose 3
Anémie et hémolyse
■ La drépanocytose est caractérisée par une anémie hémolytique chronique : le
taux d’Hb moyen se situe à environ 7 à 8 g/dl pour les patients de génotype SS ou
Sβ0. Les patients SC et Sβ+ sont moins anémiques.
■ Les patients dont les globules rouges sont les plus rigides ont un taux d’hémo-
lyse plus important [10].
■ L’hémolyse intravasculaire exacerbée conduit à la libération d’Hb et d’hème
plasmatique. Ces deux phénomènes perturbent le métabolisme du monoxyde
d’azote en limitant sa biodisponibilité et stimulent la production d’espèces oxygé-
nées réactives de l’oxygène. De plus, l’hème est responsable d’une activation des
cellules endothéliales via son interaction avec TLR4 (Toll like receptor 4), aboutis-
sant à la surexpression de molécules d’adhérence telles que la P-sélectine [11],
et à un état pro-inflammatoire [12]. Ainsi, les patients développent progressive
ment une vasculopathie chronique marquée par une perte de réactivité du tonus
micro- et macrovasculaire et une modification du phénotype endothélial qui
devient pro-adhérent.
■ Ainsi, l’hémolyse chronique participe à la survenue de complications vas-
culaires chez les patients drépanocytaires [13].
Références
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2. Pleasants S. Epidemiology: a moving target. Nature 2014;515(7526):S2-3.
3. Kaul DK, Fabry ME. In vivo studies of sickle red blood cells. Microcirculation 2004;11(2):153-65.
4. Koehl B, Nivoit P, El Nemer W, et al. The endothelin B receptor plays a crucial role in the adhesion
of neutrophils to the endothelium in sickle cell disease. Haematologica 2017;102(7):1161-72.
5. Platt OS, Thorington BD, Brambilla DJ, et al. Pain in sickle cell disease. Rates and risk factors. N
Engl J Med 1991;325(1):11-6.
6. Charlot K, Romana M, Moeckesch B, et al. . Which side of the balance determines the frequency
of vaso-occlusive crises in children with sickle cell anemia: Blood viscosity or microvascular dys-
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7. Ware RE. How I use hydroxyurea to treat young patients with sickle cell anemia. Blood
2010;115(26):5300-11.
8. Nader E, Grau M, Fort R, et al. Hydroxyurea therapy modulates sickle cell anemia red blood cell
physiology: Impact on RBC deformability, oxidative stress, nitrite levels and nitric oxide synthase
signalling pathway. Nitric Oxide 2018;81:28-35.
9. Bartolucci P, de Montalembert M. [Treatment with hydroxyurea has revolutionized the evolu-
tion of sickle cell disease ]. Rev Prat 2014;64(8):1127-8.
10. Connes P, Lamarre Y, Waltz X, et al. Haemolysis and abnormal haemorheology in sickle cell anae-
mia. Br J Haematol 2014;165(4):564-72.
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activation and vaso-occlusion in murine sickle cell disease. Blood 2014;123(3):377-90.
12. Conran N, Belcher JD. Inflammation in sickle cell disease. Clin Hemorheol Microcirc 2018;
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13. Kato GJ, Piel FB, Reid CD, et al. Sickle cell disease. Nat Rev Dis Primers 2018;4:18010.
14. Bernaudin F, Verlhac S, Chevret S, et al. G6PD deficiency, absence of alpha-thalassemia, and
hemolytic rate at baseline are significant independent risk factors for abnormally high cerebral
velocities in patients with sickle cell anemia. Blood 2008;112(10):4314-7.
15. Lamarre Y, Romana M, Waltz X, et al. Hemorheological risk factors of acute chest syndrome and
painful vaso-occlusive crisis in children with sickle cell disease. Haematologica 2012;97(11):1641-7.
16. Renoux C, Connes P, Nader E, et al. Alpha-thalassaemia promotes frequent vaso-occlusive crises
in children with sickle cell anaemia through haemorheological changes. Pediatr Blood Cancer
2017;64(8.). doi:10.1002/pbc.26455. Epub 2017 Jan 18.
17. Connes P, Verlhac S, Bernaudin F. Advances in understanding the pathogenesis of cerebrovas-
cular vasculopathy in sickle cell anaemia. Br J Haematol 2013;161(4):484-98.
CHAPITRE
2
Conseil génétique
Points clés
■
Du fait de la fréquence de la drépanocytose en France, le dépistage pré-
coce des adultes jeunes porteurs du trait doit être proposé par les pro-
fessionnels de santé et le résultat explicité idéalement avant leur projet
parental.
■
L’identification précoce des couples à risque doit permettre l’accès
à un diagnostic prénatal (DPN) par ponction de trophoblaste avant
12 semaines d’aménorrhée avec comme corollaire une interruption
médicale de grossesse par aspiration.
■
La consultation de conseil génétique est encadrée par la loi ; elle permet
l’identification du statut de couple à risque de syndrome drépanocytaire
majeur ; elle constitue le préalable à toute demande de DPN pour ces
couples.
Introduction
■ Le dépistage néonatal (DN) de la drépanocytose, généralisé à partir de 2000
en France mais ciblé selon l’origine des parents, permet de dépister chaque année
un peu plus de 400 nouveau-nés atteints de syndrome drépanocytaire majeur
(SDM) parmi les 250 000 testés, correspondant à 1 600 grossesses à risque de SDM
chaque année [1]. Dans 70 % des cas, il s’agit d’une forme homozygote SS.
■ Près de deux couples sur trois ignoraient être à risque de SDM pour leur
descendance.
■ L’information et le dépistage des parents de nouveau-nés dépistés hétérozy-
gotes AS permettraient, s’ils étaient réalisés, d’identifier 75 % des couples à risque
[2, 3].
■ La particularité du dépistage des porteurs du trait S doit être rappelée : c’est une
simple analyse biochimique de l’hémoglobine (Hb) qui n’étudie pas directement
le gène ; la procédure ne nécessite donc pas de consentement écrit spécifique du
sujet [4].
Motifs de la consultation
Les motifs de consultation en CG peuvent être secondaires :
■ à la démarche active d’un individu ayant connaissance de cas de SDM dans sa
famille et voulant connaître son statut, en situation préconceptionnelle. Il n’y a pas
de contrainte de temps et l’information sera « intégrée » sur le moyen terme pour
des projets parentaux futurs avec possibilité d’information de la parentèle (autres
membres de la famille) ;
■ au dépistage réalisé chez une femme enceinte par un professionnel de santé
impliqué dans le suivi de la grossesse. Le couple est adressé en CG si une anomalie
de l’Hb est détectée. Le CG a lieu alors le plus souvent tardivement, après 5 à
6 mois de grossesse, délai lié à l’organisation des consultations en maternité et à
l’attente des résultats des analyses ;
■ à un risque de SDM connu pour le couple : consultation lors d’une nouvelle
grossesse par l’intermédiaire du pédiatre suivant un enfant atteint ou à la demande
des parents eux-mêmes s’ils se savent à risque et veulent éviter la naissance d’un
enfant drépanocytaire.
Situations particulières
■ Lorsque la mère est AS et le résultat de l’électrophorèse de l’Hb du père
inconnu, un DPN peut se justifier si ce dernier est originaire d’une région où la
prévalence du trait S est élevée. Seul le risque SS sera testé.
■ Grossesse gémellaire et jumeaux dizygotes : l’identification d’un jumeau atteint
pour l’IMG requiert une équipe entraînée.
■ Lorsque l’un des deux parents est atteint de forme SS et le conjoint est AS, la
décision de recourir à un diagnostic et la méthode (DPN, DPI, DN) appartiennent
au couple et varient selon divers paramètres (âge, vécu du parent malade, parité,
etc.).
Conclusion
Il est important que le pédiatre informe les parents régulièrement, dès le début
de suivi d’un enfant atteint de syndrome drépanocytaire majeur (SDM) sévère,
de la possibilité de diagnostic prénatal précoce après consultation de génétique
pour les grossesses ultérieures. Néanmoins, il est souhaitable de ne pas mélanger
les enjeux de santé de l’enfant à naître et la recherche de compatibilité HLA pour
l’enfant malade déjà né. Il est aussi primordial de favoriser le dépistage par les
professionnels de santé du trait S compte tenu de la fréquence de cette affection
en France.
Références
1. Bardakdjian-Michau J. Le dépistage néonatal de la drépanocytose en France. Bull Épidémiol
Hebd 2012;28:313-6.
2. Bachir D, Sakka M, Allaf B, Bardakdjian J. Données actuelles du dépistage néonatal de la drépano-
cytose en France ; autres anomalies de l’hémoglobine dépistées et éléments de prise en charge.
Mt Pédiatrie 2017;20(4):233-42.
3. Christopher SA, Collins JL, Farrell MH. Effort required to contact primary care providers after
newborn screening identifies sickle cell trait. J Natl Med Assoc 2012;104:528-34.
4. De Torhout Lehougre MP, Gérard B. Drépanocytose : aspects actuels du conseil génétique en
France. Bull Épidémiol Hebd 2012;28:328-9.
5. Couque N, De Montalembert M. Diagnostic d’une hémoglobinopathie. Feuill Biol 2013;311:5-18.
6. Wajcman H. Hémoglobines anormales. EMC Hématologie 2014;10(1):1-7. [Article 13-006-D-15].
7. Aguilar-Martinez P, Badens C, Bonello-Palot N, et al. Flowcharts for the diagnosis and the mole-
cular characterization of hemoglobinopathies. Ann Biol Clin (Paris) 2010;68:455-64.
8. Lainé A, Bardakdjian J, Prunelle F, et al. The impact of screening sickle-cell carriers in the gene-
ral population. A retrospective study in the Paris screening center. Rev Épidémiol Sante Publ
2015;63(2):77-84.
9. Touboul C, Bachir D, Pissard S. Le diagnostic prénatal de la drépanocytose. Mt Pédiatrie
2008;11(1):12-6.
10. Oyewo A, Salubi-Udu J, Khelaf Y, et al. Preimplantation genetic diagnosis for the prevention of
Sickle cell disease. Current trends and barriers to uptake in a London teaching hospital. Hum
Fertil 2009;12(3):153-9.
CHAPITRE
3
Dépistage néonatal
et diagnostic biologique
Points clés
■
Le dépistage néonatal de la drépanocytose, maladie génétique la plus
fréquente en France, permet d’identifier précocement toutes les formes
de syndromes drépanocytaires majeurs.
■
Les résultats des nouveau-nés possiblement atteints sont adressés aux
pédiatres référents avec une fiche d’identification d’un nouveau cas.
■
La confirmation diagnostique du dépistage est biologique et nécessite un
nouveau prélèvement sanguin.
■
Le dépistage néonatal n’est utile que lorsqu’il s’inscrit dans un système de
soins organisé pour la prise en charge efficace des enfants atteints.
Introduction
Les hémoglobinopathies sont de deux types :
■ les anomalies de structure, caractérisées par la présence d’une hémoglobine
(Hb) « anormale » entraînant ou non des signes fonctionnels, parmi lesquelles
l’HbS tient une place prépondérante ;
■ les anomalies de synthèse, avec production diminuée ou absente d’Hb de
structure normale, ces dernières constituant le groupe des thalassémies.
La drépanocytose, ou plus largement les syndromes drépanocytaires majeurs
(SDM), regroupent les différentes formes existantes de la maladie (tableau 3.1).
Il s’agit d’une maladie génétique liée à la présence de la mutation βS responsable
de l’expression du variant HbS, dont la transmission est autosomique récessive.
La maladie ne se manifeste que chez les patients qui présentent une mutation sur
les deux allèles du gène β-globine. On distingue les sujets homozygotes avec la
mutation βS en double copie, et les sujets hétérozygotes composites avec associa-
tion de la mutation βS avec une autre mutation sur le gène β-globine. À l’inverse,
les sujets qui présentent la mutation βS à l’état hétérozygote, c’est-à-dire sur un
seul des deux allèles, ne sont pas symptomatiques et sont des porteurs sains.
Dépistage néonatal
Objectifs
Le dépistage néonatal (DN) permet d’identifier les nouveau-nés susceptibles
d’être atteints d’une pathologie grave, sans signe visible à la naissance, afin de leur
proposer au plus tôt une prise en charge spécialisée adaptée, qui permettra à
l’enfant d’avoir une vie normale ou meilleure. En France, la drépanocytose fait
partie des cinq maladies dépistées à la naissance. La liste des maladies dépistées à
la naissance est fixée par arrêté ministériel [1].
L’objectif principal du DN de la drépanocytose est de repérer les nouveau-nés
atteints de SDM. Les nouveau-nés drépanocytaires sont en bonne santé à la nais-
sance et deviennent symptomatiques lorsque le taux d’Hb fœtale (HbF) protectrice
diminue et celui de l’HbS augmente. Les complications de la drépanocytose peu-
vent survenir dès l’âge de 3 mois et menacer la vie de l’enfant. Les nouveau-nés
dépistés vont bénéficier d’une prise en charge médicale précoce, avant l’âge de
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 17
Organisation
Le DN de la drépanocytose a été intégré au programme national de dépistage
néonatal systématique déjà existant. Jusqu’en 2018, l’Association française pour le
dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE) était responsable
de son organisation. Depuis mars 2018, le DN est géré de manière régionale par
les agences régionales de santé (ARS) qui, par délégation, confient aux centres
régionaux de dépistage néonatal (CRDN) l’organisation du dépistage.
Le dépistage de la drépanocytose a débuté par des expériences pilotes en Guadeloupe
et en Martinique dès 1981, et il est réalisé depuis 1992 chez tous les nouveau-nés des
départements et régions d’outre-mer (DROM). En métropole, il a été étendu progressive
ment à partir de 1995 pour atteindre l’ensemble du territoire en 2000.
Actuellement, le DN de la drépanocytose est systématique pour tous les nouveau-
nés des DROM et collectivités d’outre-mer (COM) et est ciblé en métropole. Le
ciblage concerne les nouveau-nés dont les parents appartiennent à un groupe à
risque pour la drépanocytose selon des critères définis par l’AFDPHE (encadré 3.1).
En 2017, 38 % des naissances ont bénéficié du dépistage de la drépanocytose
en métropole. Il existe une importante disparité de dépistage régionale allant de
9,6 % en Bretagne à 69,7 % en Île-de-France [3].
Le ciblage, fondé sur l’origine géographique, est régulièrement remis en question
par les professionnels de santé impliqués, en raison notamment de la difficulté à
identifier les sujets à risque : imprécision des réponses des couples interrogés sur
leurs origines géographiques, brassage des populations, procréations médicale-
ment assistées, adoptions, etc. Par ailleurs, il existe une difficulté du maintien de la
formation des professionnels de santé au ciblage.
Une généralisation du DN de la drépanocytose permettrait une simplification du
processus, limitant le ressenti de stigmatisation et facilitant la reconnaissance de la
drépanocytose comme un problème de santé publique en France.
18 La drépanocytose « vie entière »
Encadré 3.1
Critères utilisés en métropole pour le ciblage d’un nouveau-né
à risque de drépanocytose (données AFDPHE)
1. Les deux parents sont originaires d’une région à risque :
■
départements d’outre-mer (Antilles, Guyane, Réunion, Mayotte)
■
tous les pays d’Afrique subsaharienne, Cap-Vert
■
Amérique du Sud (Brésil), Afro-Américains d’Amérique du Nord
■
Inde, océan Indien : Madagascar, île Maurice, Comores
■
Afrique du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc
■
pourtour méditerranéen : Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie
■
Moyen-Orient : Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Yémen, Oman
2. Un des parents est originaire d’une région à risque et l’autre d’un pays d’Asie
3. La mère est à risque mais le père n’est pas connu
4. Un des parents a connaissance d’une anomalie de l’hémoglobine chez lui ou dans
sa famille
Techniques
Le DN de la drépanocytose fait appel à des techniques d’analyse de l’Hb spéci-
fiques, permettant la caractérisation de l’HbS, validées pour leurs usages dans ce
cadre particulier [1].
En pratique, le DN est réalisé à partir d’un échantillon de sang total déposé sur
papier buvard, obtenu par piqûre au talon du nouveau-né. Le prélèvement est
réalisé à la maternité, après accord des parents, idéalement 72 heures après la
naissance.
L’analyse est fondée sur des techniques séparatives, électrophorèse et chromato-
graphie, permettant d’une part de séparer les Hb en fonction de leurs caractéris-
tiques physicochimiques et d’autre part de quantifier les différentes fractions d’Hb.
Les Hb « anormales » ou variants de l’Hb sont dus à des mutations ponctuelles
qui modifient un acide aminé (AA). Pour l’HbS par exemple, la mutation est res-
ponsable du remplacement d’un acide glutamique, AA chargé négativement, par
une valine, AA apolaire. Cette modification de charge est à l’origine d’une différence
de migration électrophorétique permettant l’identification présomptive du variant
(figure 3.1). De même, cette modification d’AA modifie la force d’interaction de
l’HbS sur colonne chromatographique, permettant aussi l’identification présomp-
tive du variant en chromatographie liquide haute performance (CLHP) (figure 3.2).
D’autres techniques émergent actuellement, notamment la spectrométrie de masse.
Dépistage néonatal et diagnostic biologique 19
Tout profil d’Hb anormal doit systématiquement être vérifié à l’aide d’une tech-
nique différente de celle utilisée en première intention [1]. L’utilisation sur un
même échantillon d’un second test différent du premier limite le nombre de faux
positifs et augmente la spécificité du dépistage.
Résultats
Les résultats sont rendus qualitativement selon l’arbre décisionnel établi (figure 3.3).
■ Un nouveau-né sans hémoglobinopathie présente une majorité d’HbF et un
taux d’HbA en rapport avec le terme de naissance.
■ Un nouveau-né atteint de SDM présente une majorité d’HbF, de l’HbS et soit
une absence d’HbA (S/S ou S/β0-thalassémie), soit une faible quantité d’HbA
(S/β+-thalassémie), soit de l’HbC (S/C), soit de l’HbO-Arab (S/O-Arab), etc.
Comme les autres dépistages néonataux, le DN de la drépanocytose doit faire
face à des risques de faux négatifs (inversion d’échantillons, transfusion non signa-
lée de culots globulaires avant prélèvement, etc.), auxquels s’ajoute le défaut de
ciblage. Depuis l’an 2000, 16 cas de SDM diagnostiqués a posteriori ont été signalés
à l’AFDPHE. Ces SDM non dépistés correspondaient soit à des nouveau-nés non
prélevés, soit à des erreurs de ciblage [3]. La transfusion en culots globulaires du
nouveau-né en apportant de l’HbA constitue un des risques de faux négatifs.
Il faut faire en effet le diagnostic différentiel entre un profil normal et un profil de
Rendu
■ En raison du nombre important de nouveau-nés dépistés, les résultats nor-
maux ne sont pas communiqués aux familles. Ces résultats restent disponibles
auprès des laboratoires de dépistage et du CRDN pendant 20 ans dans le cas où
les familles souhaitent connaître le statut de leurs enfants.
■ Les résultats de nouveau-nés hétérozygotes, qui ne sont pas malades, sont
rendus aux parents par simple courrier ou au décours d’une consultation selon les
organisations locales.
■ Les résultats des nouveau-nés possiblement atteints sont adressés au pédiatre
référent avec une fiche d’identification d’un nouveau cas. Celui-ci organise une
consultation d’annonce avec les parents et le nouveau-né. Le DN permet de repé-
rer les nouveaux cas, mais une confirmation diagnostique est nécessaire. Cette
confirmation s’effectue sur prélèvement sanguin chez l’enfant et ses parents au
décours de la première consultation.
23
24
Tableau 3.3. Interprétation d’une étude de l’hémoglobine chez l’enfant en présence d’HbS.
Conclusion
Le dépistage néonatal (DN) de la drépanocytose, avec des techniques présen-
tant une sensibilité et une spécificité dépassant les 99 %, est fiable et efficace.
Comme les autres dépistages, il doit faire face aux risques de faux négatifs (trans-
fusion récente non signalée, etc.) auxquels s’ajoute pour la métropole le défaut
de ciblage. La confirmation diagnostique permet d’éliminer les rares faux positifs
du dépistage. Le DN n’est utile que lorsqu’il s’inscrit dans un système de soins
organisé pour assurer la prise en charge efficace des enfants atteints.
Références
1. JORF n° 0049 du 28 février 2018, texte n° 18. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=5-
C0175A7FB2EA8051569E9C6C5B757D4.tplgfr35s_2?cidTexte=JORFTEXT000036650121&date-
Texte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000036649859.
2. Vichinsky E, Hurst D, Earles A, et al. Newborn screening for sickle cell disease: effect on mortality.
Pediatrics 1988;81:749-55.
3. Allaf B, Laskri M, Nguyen C, Couque N. Actualités du programme de dépistage néonatal de la
drépanocytose en France. Rev Biol Méd 2019;350.
4. Haute autorité de santé. Dépistage néonatal de la drépanocytose. Questions/Réponses, mars
2014. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-03/qrdnn_drepano_
vf_10032014.pdf.
5. Cavazzana, Stanislas A, Rémus C, et al. Evidence for the widespread use of neonatal screening for
sickle cell disease. Med Sci (Paris) 2018;34(4):309-11.
6. Allaf B, Patin F, Elion J, Couque N. New approach to accurate interpretation of sickle cell disease
newborn screening by applying multiple of median cutoffs and ratios. Pediatr Blood Cancer
2018;65:e27230.
7. Itano HA. Solubilities of naturally occurring mixtures of human hemoglobin. Arch Biochem Bio-
phys 1953;47:148-59.
8. Rees DC, Williams TN, Gladwin MT. Sickle-cell disease. Lancet 2010;376:2018-31.
CHAPITRE
4
Organisation des soins
Points clés
■
Tout enfant doit être au cœur d’un réseau des soins maillant des acteurs
de proximité et des équipes soignantes expertes.
■
Un traitement par phénoxyméthylpénicilline (Oracilline®) et acide folique
est commencé dès la première consultation, après en avoir expliqué la
nécessité aux parents.
■
Les parents doivent apprendre à reconnaître les signes imposant une
consultation en urgence à l’hôpital : une fièvre supérieure à 38,5 °C, une
pâleur brutale, la persistance de la douleur malgré le paracétamol. Les
circuits pour se rendre aux urgences sont organisés dès les premières
consultations.
La première consultation
Il est important de concilier à la fois la proximité vis-à-vis du domicile des parents
et l’expertise dans la prise en charge des enfants. Les objectifs de cette consulta-
tion sont les suivants.
Annoncer le diagnostic
La qualité des techniques de dépistage permet d’annoncer le diagnostic sans atten-
dre les résultats de l’électrophorèse de l’hémoglobine de confirmation, sauf dans
les rares cas où le dépistage a montré un pourcentage élevé d’hémoglobine A,
faisant hésiter entre une drépanocytose hétérozygote et une Sβ+-thalassémie.
Apprendre que son enfant a une drépanocytose est toujours un traumatisme
majeur, même dans les cas assez rares où les parents se savaient porteurs du trait
drépanocytaire. Il faut demander aux parents quelles représentations ils ont de la
maladie (le mot « drépanocytose » n’est souvent pas connu par les parents, qui
connaissent en revanche souvent l’expression « il est SS »). Pour la majorité des
parents africains, être SS implique un décès dans l’enfance. Il faut présenter les
progrès faits dans la prise en charge et inscrire l’enfant dans un projet de vie. Au
mieux, cette annonce se fait en présence d’un psychologue [2].
Confirmer le diagnostic
Un prélèvement en sang veineux est obligatoire pour vérifier le diagnostic sus-
pecté par le dépistage néonatal. L’électrophorèse de l’hémoglobine doit être
renvoyée au laboratoire qui a fait le dépistage néonatal. On doit aussi faire une
électrophorèse de l’hémoglobine et une numération-formule sanguine (NFS) aux
deux parents, et programmer une étude de l’hémoglobine chez les autres enfants
éventuels du couple parental.
Examiner l’enfant
On note si l’enfant est pâle, ce qui est rare avant 3 mois, et on apprend aux parents
à examiner les conjonctives. Un ictère ou une hépatosplénomégalie sont rares à
cet âge.
Suivi ultérieur
Les nourrissons drépanocytaires de génotypes SS et Sβ0-thalassémique doivent
voir un médecin formé en drépanocytose environ tous les 3 mois dans leur
première année de vie, ce rythme pouvant être moins fréquent, mais au moins
annuel, chez les enfants SC et Sβ+-thalassémiques. La croissance est en règle
normale. L’examen clinique recherche l’existence d’une pâleur, d’un ictère, d’une
hépatosplénomégalie. Le rythme ultérieur de suivi dépend du génotype et de la
sévérité de la maladie.
Des séances d’éducation thérapeutique, en groupe ou en individuel, doivent être
systématiquement proposées. La connaissance du circuit d’urgence est contrôlée
à chaque consultation.
Environnement et drépanocytose
On attribue classiquement aux variations brutales de température le déclanche
ment de crises douloureuses. Cette relation n’est pas, en fait, étayée par la litté-
rature. Des études rétrospectives ont en revanche identifié les responsabilités
de la force du vent, de la pluviosité et de la pollution dans la genèse des crises
douloureuses [5].
Points clés
■
L’augmentation des flux migratoires d’Afrique vers l’Europe majore la
probabilité de diagnostiquer la drépanocytose chez des enfants migrants
primo-arrivants.
■
L’interrogatoire de l’enfant et/ou de son accompagnant non francophone
devrait être traduit et interprété par un professionnel.
■
Les incertitudes sur les antécédents médicaux et les vaccinations peuvent
être palliées par un bilan biomédical et un rattrapage vaccinal.
Encadré 4.1
Règles du rattrapage vaccinal (d’après [11])
■
Rattrapage le plus tôt possible
■
Ne tenir compte que des « preuves » vaccinales
■
Priorité aux vaccins anti-infections invasives avant 2 ans : coqueluche < 3 mois,
rougeole
■
Compléter rapidement et profiter de toutes les occasions de vacciner, même si
infection banale
■
Tous les vaccins peuvent être donnés le même jour, dans des sites différents, mais
avec plus de 2 cm d’écart entre les sites d’injection (les vaccins vivants viraux doivent
être injectés en respectant au moins 24 heures d’intervalle entre les injections)
■
Les intervalles minimaux de temps entre deux doses d’un vaccin en primovaccina-
tion doivent être de 1 à 2 mois (minimum validé : 3 semaines)
■
Pour être considérée comme dose de rappel, une dose doit être faite au moins 5 à
6 mois après la dernière dose de primovaccination (minimum toléré validé : 4 mois)
■
Respecter la tolérance de l’enfant et des parents (dates, nombre de doses/séance), mais
assurer la protection de l’enfant avant tout, en commençant par les vaccins prioritaires
Références
1. Syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’adolescent. Protocole national de diag-
nostic et de soins pour une maladie rare. Haute autorité de santé, 2 avril 2010.
2. Niakaté A, Cavazza F, Perrin A, et al. L’annonce aux parents du diagnostic de drépanocytose chez
leur enfant. Arch Pédiatr 2009;16(5):405-8.
3. Ware RE, de Montalembert M, Tshilolo L, Abboud MR. Sickle cell disease. Lancet
2017;390(10091):311-23.
4. Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires. www.rofsed.fr.
5. Piel FB, Tewari S, Brousse V, et al. Associations between environmental factors and hospital
admissions for sickle cell disease. Haematologica 2017;102(4):666-75.
6. Flux d’immigration par continent d’origine. Ined ; accès. https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-
population/chiffres/france/flux-immigration/annee-continent.
7. ECDC issues-migrant-screening-and-vaccination-guidance. https://www.hcsp.fr/explore.cgi/
avisrapportsdomaine?clefr=753.
8. Bourdillon F. Éclairage sur l’état de santé des populations migrantes en France. BEH 2017;19-
20:373-4.
9. Comité médical pour la santé des exilés. Le guide Comède 2015. http://www.comede.org/guide-
comede/.
10. Monpierre O, Baudibo P, Rio-René P, et al. État de santé Mineurs isolés étrangers en Gironde entre
2011 et 2013. Bull Soc Pathol Exot 2016;109:99-106.
11. Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2018. DGS. https://solidarites-
sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_mars_2019.pdf.
CHAPITRE
5
Croissance et puberté
Slimane Allali
Points clés
■
La croissance pondérale est généralement normale chez les nourrissons
drépanocytaires, puis un retard tend à s’installer au cours de la petite
enfance pour persister à l’âge adulte, et ce de façon plus marquée chez les
hommes que chez les femmes.
■
Une nette diminution de la prévalence du retard de croissance pondérale
a été rapportée en Europe et aux États-Unis, probablement secondaire
à l’amélioration de la prise en charge médicale des patients au cours des
dernières années.
■
Le retard de croissance staturale observé chez les adolescents drépa-
nocytaires est la conséquence d’un retard pubertaire d’origine centrale,
n’impactant pas la taille adulte.
Introduction
■ La croissance somatique est un indicateur clé de la santé globale des patients.
■ L’existence chez les patients drépanocytaires d’un retard de croissance staturo-
pondérale a été rapportée dès les années 1930 [1].
Références
1. Anderson WW, Ware RL. Sickle cell anemia. Am J Dis Child 1932;44:1055-70.
2. Ashcroft MT, Serjeant GR, Desai P. Heights, weights, and skeletal age of Jamaican adolescents
with sickle cell anaemia. Arch Dis Child 1972;47(254):519-24.
3. Platt OS, Rosenstock W, Espeland MA. Influence of sickle hemoglobinopathies on growth and
development. N Engl J Med 1984;311(1):7-12.
4. Al-Saqladi AW, Cipolotti R, Fijnvandraat K, et al. Growth and nutritional status of children with
homozygous sickle cell disease. Ann Trop Paediatr 2008;28(3):165-89.
5. Rana S, Houston PE, Wang WC, et al. Hydroxyurea and growth in young children with sickle cell
disease. Pediatrics 2014;134(3):465-72.
6. Kramer MS, Rooks Y, Washington LA, et al. Pre- and postnatal growth and development in sickle
cell anemia. J Pediatr 1980;96(5):857-60.
7. Zemel BS, Kawchak DA, Ohene-Frempong K, et al. Effects of delayed pubertal development,
nutritional status, and disease severity on longitudinal patterns of growth failure in children with
sickle cell disease. Pediatr Res 2007;61(5 Pt 1):607-13.
8. Modebe O, Ifenu SA. Growth retardation in homozygous sickle cell disease: role of calorie intake
and possible gender-related differences. Am J Hematol 1993;44(3):149-54.
9. Heyman MB, Vichinsky E, Katz R, et al. Growth retardation in sickle-cell disease treated by nutri-
tional support. Lancet 1985;1(8434):903-6.
10. Jesus A, Konstantyner T, Lobo IKV, et al. Socioeconomic and nutritional characteristics of children
and adolescents with sickle cell anemia: a systematic review. Rev Paul Pediatr 2018;36(4):491-9.
11. Wolf RB, Saville BR, Roberts DO, et al. Factors associated with growth and blood pressure pat-
terns in children with sickle cell anemia: Silent Cerebral Infarct Multi-Center Clinical Trial cohort.
Am J Hematol 2015;90(1):2-7.
12. Mitchell MJ, Carpenter GJ, Crosby LE, et al. Growth status in children and adolescents with sickle
cell disease. Pediatr Hematol Oncol 2009;26(4):202-15.
13. Hankins JS, Ware RE, Rogers ZR, et al. Long-term hydroxyurea therapy for infants with sickle cell
anemia: the HUSOFT extension study. Blood 2005;106(7):2269-75.
14. Wang WC, Morales KH, Scher CD, et al. Effect of long-term transfusion on growth in children
with sickle cell anemia: results of the STOP trial. J Pediatr 2005;147(2):244-7.
15. Pells JJ, Presnell KE, Edwards CL, et al. Moderate chronic pain, weight and dietary intake in
African-American adult patients with sickle cell disease. J Natl Med Assoc 2005;97(12):1622-9.
16. Whitten CF. Growth status of children with sickle-cell anemia. Am J Dis Child 1961;102:355-64.
17. Lowry MF, Desai P, Ashcroft MT, et al. Heights and weights of Jamaican children with homozy-
gous sickle cell disease. Hum Biol 1977;49(3):429-36.
18. Singhal A, Thomas P, Cook R, et al. Delayed adolescent growth in homozygous sickle cell disease.
Arch Dis Child 1994;71(5):404-8.
19. Olambiwonnu NO, Penny R, Frasier SD. Sexual maturation in subjects with sickle cell ane-
mia: studies of serum gonadotropin concentration, height, weight, and skeletal age. J Pediatr
1975;87(3):459-64.
20. Singhal A, Gabay L, Serjeant GR. Testosterone deficiency and extreme retardation of puberty in
homozygous sickle-cell disease. West Indian Med J 1995;44(1):20-3.
21. Taddesse A, Woldie IL, Khana P, et al. Hypogonadism in patients with sickle cell disease: central
or peripheral? Acta Haematol 2012;128(2):65-8.
22. Martins PR, Kerbauy J, Moraes-Souza H, et al. Impaired pubertal development and testicular
hormone function in males with sickle cell anemia. Blood Cells Mol Dis 2015;54(1):29-32.
CHAPITRE
6
Éducation thérapeutique
Points clés
■
L’accès à l’éducation thérapeutique est un droit du patient malade chro-
nique.
■
Elle permet au patient d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nou-
velles pour arriver à une autonomie vers un nouvel équilibre de vie avec
sa maladie.
■
Pour développer l’offre d’éducation thérapeutique du patient (ETP), les
équipes de soignants proposent un programme d’ETP validé par l’agence
régionale de santé.
■
La transition du patient en service pour adulte est un des thèmes utilisés
par le RoFSED en ETP.
Définition et généralités
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est une discipline relativement
récente à la croisée du soin, de la médecine et de l’éducation. Sa finalité est l’acqui-
sition, la mobilisation et le maintien de compétences d’autosoin et d’adaptation.
Il s’agit pour le patient de prendre conscience de toutes les ressources (intrin-
sèques et extrinsèques), dont il dispose pour faire face à toutes sortes de situa-
tions en lien avec la maladie au quotidien.
Pour le professionnel, il s’agit de pouvoir se dégager des contraintes profession-
nelles, structurelles et organisationnelles pour comprendre et respecter la tempo-
ralité et les équilibres du patient.
Et en pratique ?
En pratique, les actions menées sont cadrées par la Haute autorité de santé (HAS).
Dans le guide méthodologique, « Structuration d’un programme d’éducation
thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques » que cette
dernière propose, la démarche en ETP se divise en quatre étapes :
■ dans un premier temps, l’élaboration du diagnostic éducatif ou du bilan édu-
catif partagé est réalisée avec le patient ;
■ il s’agira ensuite de définir un programme personnalisé d’ETP avec des priorités
d’apprentissage ;
■ la troisième étape consiste en la planification et la mise en œuvre des séances ;
■ la dernière étape prévoit la réalisation d’une évaluation des compétences
acquises et du déroulement du programme.
■ Une formation est nécessaire pour pouvoir animer des séances d’ETP. Un mini-
mum de formation de 40 heures est indispensable. Il est également possible de
suivre un diplôme universitaire, un master et une thèse.
■ Il y a parfois un mésusage du terme d’éducation thérapeutique. Prendre le
temps de donner toutes les informations concernant son nouveau traitement
à un patient n’est pas synonyme d’éducation thérapeutique. Si l’information est
indispensable et obligatoire, elle ne constitue pas en soi de l’éducation thérapeu-
tique. Il en va de même pour l’écoute active ; ce sont des outils au service d’un
projet.
■ L’observance thérapeutique n’est pas obligatoirement l’objectif principal pour
un patient qui prend mal son traitement. Celle-ci est très souvent un objectif
que les soignants désirent voir atteint, mais ce n’est un objectif d’ETP que si elle
correspond à un besoin du patient. Il convient d’aider le patient à trouver ou
retrouver des équilibres de vie acceptables par lui. De nombreuses étapes pré-
liminaires peuvent donc être nécessaire avant d’arriver à une prise régulière des
traitements.
■ Un patient peut dispenser de l’ETP. Avec une formation, un patient peut en
effet devenir ce qu’on appelle un patient expert. Celui-ci a pu prendre du recul
sur sa situation et connaît la pathologie. Il peut aussi suivre une formation pour
dispenser de l’ETP.
■ L’une des grandes spécificités de la pédiatrie est le travail en trinôme avec les
parents. Il en va de même en ETP. Des programmes peuvent être pensés pour les
parents, les enfants, ensemble ou séparément.
■ Les contenus éducatifs doivent pouvoir s’adapter aux spécificités liées à l’âge,
mais aussi aux particularités individuelles. C’est pour cela que le bilan éducatif
partagé est essentiel ; il permet un premier point sur les freins, les leviers, les res-
sources, les besoins, les envies et le vécu de chaque patient sur sa situation.
■ Il existe déjà des outils et programmes disponibles et adaptables. OSCARS
(http://www.oscarsante.org/occitanie/etp), CART’EP (https://leps.univ-paris13.fr/
fr/4-cart-ep.html), EPHORA (http://ephora.fr/ind/m.asp) sont des sites de partage
d’informations sur les programmes d’ETP autorisés en régions.
■ Le Réseau francilien de soin des enfants drépanocytaires (RoFSED) est un
exemple de structure qui développe des programmes d’ETP et de nombreux
outils (figure 6.1) [2].
■ De même, l’association EVAD (Et vivre adulte avec la drépanocytose) est
constituée d’un groupement de services hospitaliers qui porte un programme
d’ETP chez le patient adulte drépanocytaire.
■ Tous les patients ne « doivent » pas participer à un programme d’ETP. Il est en
effet essentiel de s’accorder à la temporalité du patient, d’aller à son rythme en
fonction de ses besoins et de ses attentes. L’ETP est une bulle où l’on peut laisser
du temps, où l’on accepte les réticences et les pas en arrière. Chaque personne est
la bienvenue au moment le plus opportun pour elle.
42 La drépanocytose « vie entière »
■ L’accueil : c’est le moment idéal pour créer une atmosphère conviviale. Il est
bienvenu de proposer des boissons. Les enfants sont invités à s’installer où ils le
souhaitent. La réalisation de badges personnalisés peut être une première activité
réunissant les enfants tout en leur permettant d’exprimer leur créativité.
■ Les présentations : un temps de présentation des participants ainsi que des
animateurs est essentiel pour permettre à chacun de faire connaissance, d’expri-
mer ses attentes. C’est également l’occasion pour les animateurs d’instaurer un
climat de bienveillance et d’exposer le déroulement de la séance. De nombreuses
activités existent pour rendre ce moment ludique.
■ L’activité : l’atelier peut ensuite démarrer. Il est évidemment essentiel d’adapter
la durée et le contenu de celui-ci au public visé. Les patients atteints de drépa-
nocytose peuvent être fatigables ; des pauses doivent donc être anticipées. La
présence d’au moins deux encadrants est importante pour permettre aux enfants
de se séparer du groupe si besoin, d’aller aux toilettes, de revoir une notion non
comprise, etc. L’accès à l’eau doit être facile et libre.
■ La conclusion : il est important de garder un temps pour récapituler les points
clés de la séance. C’est également le moment d’échanger, pour ceux qui le dési-
rent, sur les bénéfices perçus à l’issue de l’atelier. Enfin, une évaluation des connais-
sances et/ou de la satisfaction pourra être proposée.
■ Le retour d’informations pour les parents : une synthèse (collective ou indi-
viduelle si nécessaire) de ce qui s’est fait dans le groupe est importante car les
parents font partie du processus en éducation thérapeutique. Cela permet aussi
de faciliter les échanges entre parents et enfants à distance de la séance et de
poursuivre l’élaboration des savoirs de toute la famille.
peurs ou espoirs sur la prise en charge adulte puissent être verbalisés. Pour cela,
un outil comme le Photolangage®, technique de médiation groupale utilisant des
photographies afin de faciliter la prise de parole en public, peut être utile et la
présence d’un psychologue est recommandée.
Pour que la transition ne constitue pas une rupture mais une continuité, la mise
en place d’un outil qui suivra le jeune tout au long du processus peut être impor-
tante. Il existe à cette fin un carnet de liaison à remettre au patient. Celui-ci est
accompagné d’un guide pratique à destination des professionnels (figure 6.2).
Le livret a le rôle d’une interface entre le trinôme pédiatre, patient et médecin
d’adulte. Une fiche à destination des parents y figure aussi. Accompagner les
parents dans ce cheminement vers l’autonomie de leur enfant est essentiel, car ils
sont souvent une ressource importante pour les jeunes en transition.
Enfin, il va sans dire qu’une connaissance mutuelle et une interaction a minima
entre médecins et idéalement entre les équipes sont un atout de taille dans ce défi
d’un accompagnement à la transition réussie.
Références
1. Saout C, Charbonnel B, Bertrand D. Rapport. Pour une politique nationale d’éducation thérapeu-
tique du patient. Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Juin 2010.
2. www.Rofsed.fr.
CHAPITRE
7
Prise en charge
psychologique
Marie Vandaele
Points clés
■
L’annonce du diagnostic est un événement traumatique.
■
Les répercussions psychiques des événements douloureux sur l’enfant et
sa famille sont multiples, et portent notamment sur la scolarité.
■
L’adolescence est une période à risque.
L’annonce du diagnostic
L’annonce se fait quelques semaines après la naissance. Le médecin convoque les
parents par téléphone ou par courrier en proposant un rendez-vous. Il devient
l’acteur de l’annonce. La vie du patient ainsi que celle de sa famille basculent ;
le diagnostic tombe comme une sentence, empreinte de croyances culturelles
propres, annonçant une vie différente à jamais.
Le moment de l’annonce représente une crise traumatique où chacun est placé
dans une insécurité. La première réaction des parents est souvent la sidération,
comme s’ils n’avaient rien entendu, rien compris. Les mécanismes défensifs
s’intensifient (déni, dénégation, etc.).
Une fois cette phase de sidération et de révolte dépassée, il est primordial d’aider
les parents à maintenir un investissement de leur enfant. Après l’annonce, il faut
qu’ils se réapproprient une nouvelle image, celle d’un enfant qu’il va falloir conti-
nuer à rêver, à projeter dans un avenir.
L’événement traumatique vient réactiver des éléments du passé. Cette maladie a
une histoire, qui, lorsqu’elle est connue dans le pays d’origine, est liée à des repré-
sentations mortifères des parents et de leurs familles. Mme M. déclare ainsi : « Les
enfants ne passent pas 5 ans, ils sont maigres, ont un gros ventre et les mères sont
pointées du doigt. On dit que c’est le diable qui a donné cette maladie ». Les parents
nous disent qu’il s’agit d’une maladie honteuse, en particulier pour les mères,
jugées coupables d’une faute qu’elles auraient commise ou portée. Dans ces pays
d’origine, la prise en charge est aléatoire, souvent éloignée géographiquement et
coûteuse pour les familles. Les enfants bénéficient rarement de soins adaptés et
cette maladie devient visible, morbide (yeux jaunes, gros ventre, boiterie, etc.),
mortelle. Certains parents rapportent qu’on pousse les familles à ne pas investir
l’enfant malade.
Cette maladie, dont on ne peut pas connaître la fréquence des crises, leur nombre
ou leur cause, plonge les parents dans des interrogations, des angoisses intermi-
nables. Ceux-ci sont dans l’attente de la première crise, qui viendra à 6 mois, 1 an ?
En groupe de parole, les parents parlent des difficultés de vivre l’annonce d’une
maladie dont les complications sont incertaines et imprévisibles. Ils évoquent
l’angoisse de la première crise, l’inquiétude de ne pas la repérer, la façon de l’éviter.
Mme J. indique : « Il va bien mais je dois quand même lui donner des médicaments
qui n’empêcheront pas la crise de venir. C’est paradoxal non ? ».
L’enfant et sa famille
Ces familles ont en commun la drépanocytose mais aussi bien souvent un vécu,
une histoire traumatique familiale. Elles sont fréquemment seules avec cette
maladie (déracinement, impossibilité de le dire au pays, etc.). Elles craignent d’être
confrontées aux réactions de leurs propres parents : « Ton enfant va mourir, c’est
horrible ». De tels propos peuvent les faire douter des paroles rassurantes du
médecin quant à la prise en charge et la qualité de vie. La vie des familles est ryth-
mée par les rendez-vous avec le pédiatre, les bilans annuels, qui sont souvent une
source d’angoisse (« Que va-t-on trouver ? »). Chaque crise, nécessitant ou non une
hospitalisation, réactive une angoisse d’une mort chez l’enfant et chez les parents.
L’enfant se construit avec son entourage, ses liens d’attachement, la place qu’on
lui donne au sein de la famille et la place qu’il va prendre. Pour la famille, l’enfant
atteint de la drépanocytose est toujours plus fragile ; il faut le protéger, le sur-
protéger. Mme O. déclare : « Je vérifie que mon bébé dort, qu’il est bien en vie… ».
Il est parfois difficile de penser l’enfant autrement que par le statut de « malade »,
l’angoisse étant très présente, et cela même quand, dans la réalité, l’enfant est
asymptomatique. Il est donc important de continuer à soutenir les parents, de
leur montrer qu’ils restent avant tout parents de leur enfant.
La maladie affecte le développement de l’enfant, amène à l’abandon ou à la modi-
fication des projets de vie. Les pensées magiques réveillent des sentiments d’injus-
tice et de culpabilité chez les parents, mais aussi chez l’enfant qui cherche un sens
à ce qui lui arrive, surtout au fur et à mesure qu’il grandit. La maladie n’est pas
toujours évoquée dans la famille et l’enfant peut même prendre des médicaments
sans savoir ni comprendre pourquoi.
Prise en charge psychologique 47
Les hospitalisations peuvent démobiliser l’enfant dans sa scolarité, mais aussi dans
sa vie sociale, dans sa capacité de se faire des amis, de se projeter dans un avenir
même proche. Les conséquences des absences répétées sont une rupture de la
continuité, à la fois dans les apprentissages et dans les relations. L’enfant peut se
décourager et il est alors difficile d’investir des projets à court ou long terme. La
crise impose une rupture soudaine, brutale et itérative dans la continuité de la vie
de l’enfant.
Après les hospitalisations, il y a une appréhension pour retourner à l’école. Cathy,
10 ans, dit ainsi : « Vais-je réussir à rattraper tout ce que j’ai manqué ? Que vais-je
dire à mes ami(e)s ? Suis-je obligée de parler de ma maladie ? Et si on ne me croyait
pas ? ». Il est en effet difficile d’en parler aux amis qui peuvent croire que la maladie
est contagieuse et qui peuvent avoir peur de l’enfant.
Les enfants disent qu’il est extrêmement difficile de retourner à l’école après une
crise car ils ne savent pas quoi dire. Comment communiquer cette douleur qu’ils
préféreraient oublier ? La mise en mots s’avère bien souvent impossible.
D’autres ont été confrontés à des camarades qui ne les croient pas, les traitent de
menteurs, etc. Thomas, 12 ans, indique : « Lorsque j’ai dit à ma classe que j’avais
été hospitalisé parce que j’avais mal au bras, ils ont ri et un copain a dit : “La grosse
blague, être hospitalisé parce que tu as mal au bras. Moi aussi je viens de me cogner
et si j’allais aux urgences !” Je ne savais pas quoi répondre. Je suis resté figé, bloqué ».
Il faut veiller à ce que l’enfant ne soit pas mis à l’écart et ne s’isole pas. Des aides
à la scolarité existent et peuvent être mises en place, comme le service d’aide
pédagogique à domicile, le soutien scolaire, un réaménagement de l’emploi du
temps si besoin.
Les répercussions psychiques de la maladie peuvent être nombreuses :
■ repli sur soi, mutisme, demandes incessantes d’être soulagé, irritabilité, agres-
sivité, etc. ;
■ perte de confiance en soi ;
■ attente anxieuse de la prochaine crise (soudaineté et répétition des crises) ;
■ sentiment de solitude exacerbé (ne pas pouvoir être compris, honte, etc.) ;
■ apparition parfois des signes d’une dépression.
La rencontre avec un psychologue, puis l’accompagnement (lors et en dehors des
hospitalisations) sont souvent bénéfiques et nécessaires afin que les souffrances,
les difficultés éventuelles puissent trouver leur juste place pour l’enfant et pour
sa famille. Proposer une rencontre à l’enfant et sa famille peut ainsi permettre de
démêler certaines situations.
Le corps et la douleur
L’enfant, par sa maladie, est soumis à une agression à la fois intérieure, par le mal
physique, et extérieure, par les obligations médicales que cela impose. Il est placé
en position de soumission, en position passive.
48 La drépanocytose « vie entière »
Pour F. Dolto, la relation à soi est d’abord une relation au corps ; la connaissance
de soi commence par la connaissance du corps [1]. L’image du corps est liée au
sujet, à son histoire propre. La drépanocytose attaque l’image du corps par la dou-
leur qu’elle produit. L’enfant, impuissant, peut vivre son corps comme mauvais,
défaillant. Le corps, au lieu d’être un instrument de plaisir et d’autonomie comme
dans les conditions « habituelles », devient un lieu de souffrance, de douleur, une
occasion de passivité.
Le moment de la crise entraîne un repli narcissique ; il faut avant tout lutter contre
la douleur. La douleur va rester inscrite comme une expérience menaçante. Elle
peut faire perdre confiance en soi et la confiance vis-à-vis des autres. Personne ne
peut protéger l’enfant contre elle. La douleur du corps ne disparaît jamais ; on ne
peut pas l’oublier.
Les enfants et adolescents que nous suivons parlent de « la douleur », la personni-
fiant souvent. Cette douleur particulière, intense, arrive à bas bruit, s’installe pour
s’éterniser dans le corps puis finit par disparaître.
Pour C. Graindorge, il faut être attentif à la façon dont les enfants vont se construire,
se protéger face à leur douleur car la lutte contre celle-ci peut compliquer la mise
en place de repères cruciaux (limites entre soi et l’autre, confiance en soi, en son
corps, en l’adulte, etc.) [2]. La solution est souvent le repli, l’inhibition, la passivité.
Pour D. Anzieu [3], la douleur ne se voit pas, ne s’entend pas, ne se palpe pas. Il
n’y a pas d’accès direct à la douleur d’autrui. La douleur met en faillite la capacité
de communiquer verbalement. Le non-verbal (pleurs, cris, crispation du visage,
agitation, etc.) va être la communication privilégiée.
D. Anzieu nous dit que chacun est seul face à la douleur [3] : « Elle prend toute
la place et je n’existe plus en tant que je : la douleur est ». Ce que nous pouvons
entendre par rapport à la douleur est : « Qui pourrait me comprendre ? ». Il y a
parfois une méfiance vis à vis des soignants : « Va-t-on me croire ? » ou « On ne
me croit pas ! » ; et ce d’autant que les signes de la douleur ne sont pas toujours
évidents. Certains enfants sont douloureux tout en continuant à jouer, regarder
la télévision, etc. Il existe des méthodes alternatives, non médicamenteuses, per-
mettant d’aider le patient douloureux. Par exemple, l’hypnose permet de réduire
la douleur du patient en focalisant son attention sur autre chose.
L’adolescent
L’adolescent avance vers l’appropriation d’un nouveau corps et de nouveaux res-
sentis. Françoise Dolto parle du « complexe de homard » pour décrire l’adoles-
cent : « Les homards quand ils changent de carapace perdent d’abord l’ancienne
et restent sans défense, le temps d’en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là
ils sont très en danger. Pour les adolescents c’est un peu la même chose » [1].
La drépanocytose est une maladie qui ne se voit pas ; pourtant, la prévention
quotidienne (prendre les médicaments, boire, bien se couvrir, etc.) rappelle à
Prise en charge psychologique 49
l’adolescent sa maladie tous les jours. De plus, le retard pubertaire est fréquent
chez les enfants atteints de drépanocytose.
À l’adolescence, la maladie renforce les relations de dépendance. L’adolescent va
manifester des besoins d’autonomie, d’indépendance, mais avec la volonté d’avoir
toujours ses parents près de lui. Les parents vont devoir supporter l’agressivité de
l’adolescent tout en devant le protéger et le contenir. L’enfant était pris en charge
par ses parents qui l’accompagnaient aux rendez-vous, étaient présents pendant
les hospitalisations, donnaient les traitements, etc. Petit à petit, l’adolescent va
prendre ses traitements seuls, parfois ne voudra pas les prendre.
P. Jeammet [4] dit que l’adolescent peut avoir besoin de vivre ses propres expé-
riences de la maladie pour se construire et se différencier de ses parents.
L’adolescence reste une période à risque. Des études montrent que les taux les plus
importants de consultations aux urgences et de réhospitalisations concernent les
18-30 ans [5]. Il y a également une augmentation des décès liés à la drépanocytose
chez les patients âgés de 18 à 23 ans [6].
Conclusion
La prise en charge des enfants atteints de drépanocytose et de leur famille doit
être pluridisciplinaire. L’étude de Marie-Hélène Odièvre et d’Adrienne Lerner a
montré la pertinence du binôme médecin-psychologue lors des consultations [7].
De nombreuses familles et de nombreux enfants ont besoin d’être accompagnés.
Lorsqu’ils sont prêts, parler permet de rompre l’isolement dans lequel la maladie
enferme (surtout vis-à-vis de la famille et de l’entourage).
Dans la prise en charge des enfants atteints de drépanocytose, l’objectif est de
proposer un accompagnement permettant à ces derniers de grandir, tout en les
considérant pour ce qu’ils sont : de jeunes êtres en construction physique et psy-
chique permanente. Cet accompagnement doit se faire dans tous les moments
de vie afin de permettre aux enfants de dompter les douleurs, parfois très envahis-
santes, pouvant amener jusqu’à la constitution de troubles psychiques. Ainsi, la
maladie ne doit ni définir qui ils sont, ni représenter totalement ce qu’ils sont.
G. Canguilhem écrit qu’« il faut parvenir à admettre que le malade est plus et
autre qu’un terrain où s’enracine la maladie » [8]. Celle-ci fait partie d’eux, ni plus,
ni moins. Les professionnels doivent représenter pour eux des ressources de
confiance sur lesquelles s’appuyer dès que nécessaire.
Références
1. Dolto F. L’image inconsciente du corps. Paris : Le Seuil ; 1984.
2. Graindorge C. Comprendre l’enfant malade. Paris : Dunod ; 2008.
3. Anzieu D. Le moi-peau. Paris : Dunod ; 1985.
4. Jeammet P. Adolescences. Repères pour parents et les professionnels. Paris : La Découverte ; 2012.
50 La drépanocytose « vie entière »
5. Brousseau DC, Owens PL, Mosso AL, et al. Acute care utilization and rehospitalizations for sickle
cell disease. JAMA 2010;303:1288-94.
6. Quinn CT, Rogers ZR, McCavit TL, Buchanan GR. Improved survival of children and adolescents
with sickle cell disease. Blood 2010;115:3447-52.
7. Odièvre MH, Lerner A. Quel accompagnement psychologique dans le suivi des enfants atteints
de drépanocytose? Mt Pédiatrie 2017;20(4):285-94.
8. Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris : PUF ; 1999.
CHAPITRE
8
La transition
de la pédiatrie vers
les soins pour adultes
Corinne Guitton
Points clés
■
La transition des jeunes patients drépanocytaires est un enjeu capital et
parfois vital.
■
C’est un processus long qui doit être débuté tôt pendant l’adolescence.
■
Promouvoir l’autonomie et développer les compétences médicales
d’autogestion de l’adolescent est primordial.
■
Il est nécessaire de formaliser une procédure de transition qui tient
compte des soins, mais aussi des aspects psychosociaux et éducatifs.
■
Cultiver des liens étroits et réguliers entre les équipes pédiatriques et
adultes est une des clés du succès de la transition.
Introduction
La stratégie de dépistage néonatal des syndromes drépanocytaires majeurs per-
mettant une prise en charge précoce et l’amélioration des soins médicaux ont
permis de réduire de façon significative la mortalité infantile [1]. Ainsi, plus de
95 % des patients atteignent l’âge adulte dans les pays aux ressources médicales
développées et font l’expérience d’une transition des soins pédiatriques vers les
soins pour adultes. Cependant, ce passage est une période particulièrement
critique chez les malades drépanocytaires, avec un taux important de consulta-
tions aux urgences, d’hospitalisations, un risque accru de décès et, pour certains,
La transition en pratique
Afin d’accompagner les patients durant cette période particulière et à risque, plu-
sieurs équipes ont développé des programmes de soins dédiés à la transition et
certains experts ont émis des recommandations [5, 6] :
■ refaire une annonce du diagnostic de drépanocytose dès le début de l’adoles-
cence ;
■ favoriser l’autonomie du patient (le recevoir seul une partie de la consulta-
tion, respecter la confidentialité, encourager les séjours scolaires et colonies de
vacances, etc.) ;
■ évaluer les connaissances et les croyances du patient et de son entourage
(connaître son type de drépanocytose, la physiopathologie, le mode de transmis-
sion, l’utilisation des antalgiques, etc.) ;
■ développer les aptitudes du patient face aux situations d’urgence (conduite à
tenir en cas de douleur, fièvre, majoration de l’anémie, priapisme, etc.) ;
■ développer les compétences d’autogestion de la maladie au quotidien (prise
des médicaments, renouvellement d’ordonnance, prise des rendez-vous médi-
caux, etc.) ;
■ s’assurer de la bonne connaissance du traitement et de l’indication de chacune
des molécules, ainsi que de l’importance de l’observance, et dépister un mésusage
des antalgiques. La période de transition est parfois l’occasion de réévaluer la prise
en charge thérapeutique en envisageant une intensification ou une désescalade ;
■ discuter de l’impact de la maladie et/ou des traitements sur la sexualité, la
fertilité et la grossesse, et programmer au moins une consultation de gynécologie
à l’adolescence ;
■ s’assurer que la situation administrative est à jour (protocole affection de
longue durée [ALD], mutuelle, dossier de maison départementale des personnes
handicapées [MDPH] dans certains cas, etc.) ;
■ attendre, si possible, que la puberté soit achevée, et une période stable médicale
ment et psychologiquement avant d’effectuer le transfert du patient vers sa nou-
velle équipe, en tenant compte de sa connaissance de la maladie et du contexte
socioprofessionnel. Il ne faut pas oublier que les adolescents et jeunes adultes
(AJA) vivent également d’autres transitions (de l’école vers le travail, du logement
des parents vers un nouveau lieu de vie, etc.), ce qui requiert une certaine flexibi-
lité de la part des médecins ;
■ identifier clairement le ou les futurs interlocuteurs ainsi que les circuits de
consultations, d’hospitalisations et des urgences (pompiers, centres hospitaliers
de proximité) ;
■ rédiger un compte-rendu de transition médical, paramédical et sociofamilial
synthétique ; l’expliquer et le remettre au patient, et l’adresser au futur médecin du
secteur adulte ainsi qu’au médecin traitant. Le recours à un médecin traitant est
obligatoire dès l’âge de 16 ans, ce dernier étant véritablement un acteur constant
54 La drépanocytose « vie entière »
établi à l’aide d’une enquête Delphi des indicateurs qualitatifs pour une démarche
de transition réussie [8]. Un item essentiel retenu concerne l’importance des
liens réguliers et la qualité des échanges entre l’équipe pédiatrique et l’équipe
des soignants adultes. La mise en place de référentiels de traitements et de soins
communs entre pédiatre et adultes est un élément à travailler. La capacité du
patient de gérer sa maladie au quotidien, sa qualité de vie, et sa confiance envers
l’équipe de soins d’adultes ont également été retenues comme des indicateurs
positifs (encadré 8.1). Ce groupe d’experts est resté divisé quant au choix du
meilleur moment pour un premier contact du patient avec le médecin d’adultes,
puisque 49 % d’entre eux ont estimé que cette première rencontre devait avoir
lieu avant la dernière visite en pédiatrie, et 51 % après la fin officielle de la prise en
charge pédiatrique, mais dans un délai court de moins de 3 mois.
Encadré 8.1
Indicateurs d’une transition de qualité
■
Indicateurs liés au processus
– Conseils, informations et préparation préalables au transfert
– Résumé écrit de transition destiné à l’équipe adulte
– Communication et liens directs entre les pédiatres et l’équipe adulte
– Première consultation précoce (au plus tard dans les 3 mois) avec le médecin
adulte à l’arrêt de la prise en charge en pédiatrie
■
Indicateurs liés aux patients
– Rendez-vous médicaux honorés
– Adhésion aux traitements maintenue
■
Indicateurs liés au devenir du patient
– Qualité de vie satisfaisante
– Confiance en l’équipe de soins pour adultes
– Bonne capacité d’autogestion de la maladie au quotidien
D’après [8].
Conclusion
La transition n’est pas un simple transfert mais un projet anticipé, annoncé et
planifié qui débute idéalement tôt au cours de l’adolescence. Chaque binôme
pédiatre-médecin pour adultes doit définir un programme de transition qui tient
compte de l’infrastructure existante et des besoins personnels du patient, déter-
minés si possible par l’éducation thérapeutique. Ce programme doit être évalué
par le patient lui-même après son transfert ainsi que par les équipes soignantes,
afin d’améliorer les pratiques et de mieux accompagner les malades durant cette
période de grande vulnérabilité.
56 La drépanocytose « vie entière »
Références
1. Quinn CT, Rogers ZR, McCavit TL, Buchanan GR. Improved survival of children and adolescents
with sickle cell disease. Blood 2010;115:3447-52.
2. Blinder MA, Vekeman F, Sasane M, et al. Age-related treatment patterns in sickle cell disease
patients and the associated sickle cell complications and healthcare costs. Pediatr Blood Cancer
2013;60:828-35.
3. Clay OJ, Telfair J. Evaluation of a disease-specific self-efficacy instrument in adolescents with
sickle cell disease and its relationship to adjustment. Child Neuropsychol 2007;13:188-203.
4. Treadwell M, Johnson S, Sisler I, et al. Development of a sickle cell disease readiness for transition
assessment. Int J Adolesc Med Health 2016;28:193-201.
5. Hankins JS1, Osarogiagbon R, Adams-Graves P, et al. A transition pilot program for adolescents
with sickle cell disease. J Pediatr Health Care 2012;26:e45-9.
6. DeBaun MR, Telfair J. Transition and sickle cell disease. Pediatrics 2012;130:926-35.
7. Asnani MR, Quimby KR, Bennett NR, Francis DK. Interventions for patients and caregivers to
improve knowledge of sickle cell disease and recognition of its related complications. Cochrane
Database Syst Rev 2016;10. CD011175.
8. Sobota AE, Shah N, Mack JW. Development of quality indicators for transition from pediatric to
adult care in sickle cell disease: a modified Delphi survey of adult providers. Pediatr Blood Cancer
2016.
CHAPITRE
9
Aspects pratiques
de la première année
de prise en charge
d’un jeune patient
arrivant en médecine
pour adultes
Jean-Benoît Arlet
Points clés
■
Pour bien préparer la transition, des relations régulières entre les équipes
pédiatrique et adulte sont nécessaires.
■
Il convient de bien connaître les particularités de la prise en charge adulte
pour pouvoir l’expliquer au patient.
■
Le passage vers le secteur adulte doit se faire idéalement dans une situa-
tion stable de la maladie.
■
La durée programmée de la première consultation d’un jeune patient
drépanocytaire en médecine adulte doit être d’environ une heure.
■
Les traitements de fond ne doivent pas être modifiés lors de la première
consultation.
Introduction
■ La première année de prise en charge d’un patient drépanocytaire en méde-
cine adulte est essentielle à la relation de confiance qui va se nouer avec l’équipe.
Cette transition doit être anticipée.
■ Il convient que l’équipe pédiatrique prépare le patient à son passage vers le sec-
teur adulte, en lui parlant des différents membres de l’équipe adulte (médecins,
infirmières, etc.) qu’il va bientôt rencontrer. Il faut donc que les équipes pédia-
triques et adultes se connaissent !
■ Pour cela, des interactions régulières entre pédiatres et médecins adultes sont
essentielles. Elles peuvent se développer grâce à :
• des consultations communes (parfois difficiles à organiser, d’autant plus si le
service adulte n’est pas localisé dans le même hôpital que le service pédiatrique
ou à proximité de celui-ci) ;
• des réunions communes régulières (discussion de dossier, organisation de
journées transitions, congrès, etc.) ;
• des projets communs de recherche ou d’éducation thérapeutique.
■ Il faut veiller à ne pas trop noircir le tableau de la médecine d’adultes, ce qui est
parfois un travers des équipes de pédiatrie, lié à la volonté, louable, de préparer le
jeune à de possibles difficultés. Il faut rassurer le patient sur la qualité d’une nouvelle
relation humaine, au-delà de la maladie, qui va se nouer avec le médecin adulte.
■ Même si les patients vont subir de grands changements, parfois difficiles, le
pédiatre doit mettre en avant les points positifs de cette transition :
• plus grande autonomie ;
• possibilité de parler plus librement de sexualité, de paternité et maternité ;
• participation plus active à sa prise en charge voire son implication dans
l’éducation thérapeutique en tant que patient expert, par exemple, ou dans les
associations de lutte contre la drépanocytose ;
• compétences différentes et complémentaires des collègues adultes sur cer-
taines complications de la maladie ;
• regard neuf sur le dossier médical qui peut parfois aboutir à de nouvelles
solutions thérapeutique.
■ Si les grandes lignes de la prise en charge sont communes, le pédiatre doit
connaître les différences par rapport à la médecine pour adultes pour pouvoir les
expliquer à ses patients. Elles sont détaillées ci-après.
Tableau 9.2. Les divergences dans la prise en charge en hospitalisation pour crise
vaso-occlusive (CVO).
Pédiatrie Adulte
Utilisation large du protoxyde Utilisation plus limitée (risque de mésusage
d’azote important, risque de sclérose combinée de la moelle)
Oxygène non systématique Oxygénothérapie systématique (le plus souvent)
Hospitalisation avec des enfants Hospitalisation avec des adultes de tous âges, parfois
dans la même chambre
Antibiothérapie : rapidement Attentisme plus important, antibiothérapie
utilisée en cas de fièvre non conseillée en automédication à domicile
Crises abdominales fréquentes Crises abdominales rarissimes
(jeune enfant ++) Toute douleur abdominale chez l’adulte doit faire
évoquer un autre diagnostic que la CVO
Durée moyenne de séjour : 4 jours Durée moyenne de séjour : 7 jours
L’ordonnance
■ De façon générale, l’ordonnance ne sera pas modifiée à la première consul-
tation, mais on doit annoncer ce qui va changer dans les mois à venir (arrêt de
l’Oracilline®, possible modification de dose de l’hydroxyurée, non-recours sys-
tématique aux AINS en cas de CVO, etc.).
■ La morphine à domicile est proscrite, sauf cas exceptionnels.
Tableau 9.3. Bilan annuel des complications d’un patient drépanocytaire adulte.
Complications Examen de dépistage
Calculs vésiculaires Échographie abdominale chez des patients
non cholécystectomisés
Rétinopathie Fond d’œil
Cardiopathie, hypertension Échographie cardiaque
artérielle pulmonaire
Atteinte rénale Créatininémie (DFGe par formule CKD-EPI sans ajustement
sur l’origine ethnique)
Ratio microalbuminurie/créatininurie
– > 30 mg/mmol à deux reprises à 6 à12 mois d’intervalle :
IEC (contre-indiqué en cas de grossesse)
– 10-30 mg/mmol : intérêt des IEC débattu
– Génotypage APOL1 si la micro-/macroalbuminurie
persiste
Complications osseuses Radiographie du bassin de face (au moins une tous les
5 ans), radiographie du rachis face et profil (au moins une
tous les 10 ans), autres radiographies en fonction de la
clinique (non systématique)
Ostéodensitométrie osseuse en cas de fractures ou douleurs
rachidiennes inexpliquées (avec radiographie du rachis face
et profil)
Allo-immunisation, hémo- RAI dans les 3 mois suivant une transfusion et systématique
chromatose une fois par an
Ferritinémie (± IRM hépatique pour mesurer la surcharge
en fer)
APOL 1 : apolipoprotéine L1 ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de
conversion ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; RAI : recherche d’anticorps irréguliers.
Aspects pratiques de la première année de prise en charge d’un jeune patient... 63
10
Conseils sanitaires
pour enfants voyageurs
Points clés
■
Un voyage lointain ou dans un pays à faible niveau sanitaire constitue une
situation à risque de complication(s) de la drépanocytose.
■
Tout voyage doit être anticipé et préparé par une double consultation
en centre de référence de la drépanocytose et en centre de médecine des
voyages.
■
Il est important d’identifier avant le départ les centres qui pourront pren-
dre en charge d’éventuelles complications dans le pays où se rend l’enfant.
■
L’enfant devra apporter avec lui son traitement habituel et avoir avec lui
son carnet de santé ainsi que sa carte de groupe sanguin.
■
La chimioprophylaxie antipaludique est indispensable pour les enfants
drépanocytaires voyageant en zone d’endémie palustre.
■
On doit déconseiller un voyage lointain dans le mois suivant une compli-
cation sévère.
Introduction
■ De nombreux enfants drépanocytaires ont de la famille et/ou des amis qui
vivent à l’étranger, en particulier dans des régions intertropicales, et qu’ils seront
amenés à visiter. Ces voyages exposent à des risques sanitaires supplémentaires
qui favorisent les complications de la drépanocytose [1].
■ Tout voyage d’un enfant drépanocytaire devrait être préparé idéalement
au moins 3 mois avant le départ au cours d’une consultation avec le médecin
référent de la drépanocytose, et être complété d’une consultation de pédiatrie
spécialisée des voyages.
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
66 La drépanocytose « vie entière »
Préparation du voyage
Consultation au centre de référence de la drépanocytose
La consultation au centre de référence de la drépanocytose permettra :
■ d’évaluer la situation clinique et hématologique du patient et les conditions du
voyage. En cas de complication récente et/ou d’anémie marquée (hémoglobine
< 8 g/dl), par exemple, une transfusion préalable peut être discutée ;
■ de préparer le vol aérien :
• expliquer les conditions favorisant les crises vaso-occlusives (CVO) : hypoxie,
déshydratation, immobilisation, froid, facteurs qui sont réunis au cours d’un
vol aérien (≥ 4 heures) – la pressurisation de la cabine équivaut à une altitude
de 2 000 mètres [2, 3] ;
• recommander une hydratation abondante avant, pendant et après le vol ;
avoir à disposition des antalgiques en cas de douleur ; éviter la position assise
prolongée et les jambes croisées ; se déplacer souvent ; porter des vêtements
amples et suffisamment chauds (climatisation).
■ de donner des conseils pour toute la durée du voyage sur place :
• assurer une hydratation abondante, éviter que l’enfant sorte à l’extérieur aux
heures les plus chaudes (11-15 heures) et limiter l’activité physique si la chaleur
est extrême (> 30 °C) ;
• éviter une exposition solaire excessive. La protection solaire principale est
constituée par le port de vêtements, d’un chapeau à bord large, de lunettes
solaires (CE 3-4) et sur la peau découverte, l’application de crème de protec-
tion solaire (CPS ≥ 50) ;
• couvrir l’enfant s’il réside dans un logement climatisé ;
• éviter le bain dans une eau < 25 °C et sécher l’enfant dès la sortie de l’eau ;
• contre-indiquer la plongée sous-marine et les séjours en altitude (> 1 500 mètres).
■ de mettre à jour le calendrier vaccinal habituel de l’enfant drépanocytaire [4].
Le vaccin contre la fièvre jaune est obligatoire dans certains pays. Les vaccins
contre la fièvre typhoïde et le choléra sont discutés ;
■ de communiquer les coordonnées du médecin spécialiste et du centre hospita-
lier locorégional du pays de destination. Il faut informer les familles que les hôpitaux
équipés en Afrique subsaharienne sont pour la plupart concentrés dans les grandes
villes, et qu’il existe très peu de centres dédiés à la drépanocytose. Elles doivent aussi
savoir que pratiquement tous les soins sont payants et à la charge de la famille ;
■ de renouveler le traitement habituel. L’antibioprophylaxie antipneumococ-
cique doit être poursuivie, ainsi que la supplémentation en folates ;
Conseils sanitaires pour enfants voyageurs 67
Il est à noter que les maladies ayant fait l’objet d’une hospitalisation dans les
6 mois précédant le voyage ne sont généralement pas prises en charge par les
contrats d’assistance standard, hormis les assistances des mutuelles. Il existe des
contrats d’assistance médicale adaptés aux malades chroniques mis en place pour
des associations de malades et de parents d’enfant malade [6].
69
70
Tableau 10.2. Vaccinations du voyage (d’après [10]).
Encadré 10.1
Équipement sanitaire de voyage
■
Médicaments habituels en quantité nécessaire double avec l’ordonnance en déno-
mination commune internationale (DCI), dont antalgiques et antipyrétiques (para
cétamol, anti-inflammatoires, codéine, etc.)
■
Antibiotiques (amoxicilline, azithromycine)
■
Antipaludiques si nécessaire
■
Moustiquaire imprégnée d’insecticide pyréthrinoïde si nécessaire
■
Perméthrine pour imprégnation des vêtements si nécessaire
■
Insectifuge : PMDRBO (Citriodiol®), IR35/35®, icaridine ou DEET si nécessaire
■
Soluté de réhydratation orale
■
Antisécrétoire (Acétorphan®)
■
Produit désinfectant l’eau (hypochlorite : Micropur forte®, Aquatabs®)
■
Savon, solution hydro-alcoolique
■
Antiseptique cutané (chlorhexidine)
■
Collyre antiseptique en unidoses
■
Crème mupirocine Mupiderm® 2 % (si surinfection cutanée)
■
Crème écran solaire FPS ≥ 50
■
Émulsion émolliente en cas de brûlure (trolamine, etc.)
■
Lunettes de soleil (CE 3-4)
■
Pansements, bande adhésive microporeuse (Sparadrap®, etc.)
■
Bandelettes de sutures adhésives (StériStrip®)
■
Filet de contention ± adhésif (Élastoplaste®)
■
Ciseaux, pince à épiler (à placer en soute dans l’avion)
■
Thermomètre incassable
72 La drépanocytose « vie entière »
Encadré 10.2
Voyage de l’Afrique vers la France ou l’Europe
Conseils sur le contexte européen
■
Le climat est en général tempéré avec, pour la plupart des pays, des variations de tem-
pératures saisonnières importantes : il fait très froid en hiver et parfois très chaud en été.
■
Risque de grippe et d’infections des voies respiratoires pendant l’hiver.
■
Il existe des centres agréés pour la drépanocytose dans les grandes villes, mais la dré-
panocytose reste encore méconnue par beaucoup de praticiens, même aux urgences.
■
Il faut avoir une mutuelle de santé pour accéder aux soins ou avoir une assistance
sociale ; sinon, être en mesure de payer soi-même tous les frais médicaux.
À l’arrivée en Europe
■
Signaler sa présence et son statut de drépanocytaire dès que possible au centre
conseillé.
■
Si on est reçu aux urgences : signaler dès l’arrivée au personnel que le patient est
drépanocytaire (en expliquant la spécificité de la symptomatologie douloureuse, etc.).
■
Hygiène de vie :
– en saison froide, il est conseillé de rester au chaud et d’éviter de sortir lorsqu’il fait
trop froid (le froid et les coups de vent peuvent déclencher une crise douloureuse) ;
– en cas de fièvre, signaler au personnel soignant que l’on vient d’Afrique où le
paludisme est endémique.
Conseils sanitaires pour enfants voyageurs 73
Avant le retour en Afrique
■
Compléter si possible le bilan avec des explorations peu accessibles en Afrique
(groupage sanguin élargi, recherche d’anticorps irréguliers [RAI], Doppler transcrânien,
etc.) et demander un rapport médical.
■
Vérifier le calendrier vaccinal et le compléter avec les vaccins spécifiques pour les
patients drépanocytaires.
■
Prévoir dans sa trousse les produits en réserve peu accessibles en Afrique (opioïdes,
hydroxyurée, etc.).
Références
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CHAPITRE
11
Crise douloureuse
Points clés
■
La crise vaso-occlusive (CVO) est une des manifestations principales de la
drépanocytose.
■
La prise en charge de la CVO doit tenir compte de sa physiopatholo-
gie qui est spécifique et différente d’autres situations douloureuses. La
composante inflammatoire et la sensibilisation centrale doivent être
considérées dans la prise en charge.
■
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le paracétamol et la mor-
phine constituent la base du traitement analgésique. Ces traitements
doivent être débutés dans les 30 minutes suivant l’arrivée du patient.
■
L’évaluation de l’efficacité analgésique ainsi que l’identification des éven-
tuels effets indésirables doivent guider le traitement analgésique.
Introduction
■ La crise vaso-occlusive (CVO) est une des manifestations principales de la
drépanocytose. Elle se caractérise par l’apparition d’une douleur aiguë intense, à
distinguer des syndromes de douleur chronique ou des douleurs neuropathiques
que peuvent présenter les patients drépanocytaires [1].
■ Classiquement, la polymérisation de l’hémoglobine S désoxygénée est respon-
sable de la falciformation des hématies qui occluent la microcirculation, condui-
sant à une vaso-occlusion et à une ischémie d’aval.
■ Les mécanismes qui sous-tendent la CVO sont complexes et comportent plu-
sieurs voies physiopathologiques impliquant non seulement les globules rouges
et les cellules endothéliales, mais également de nombreuses autres cellules du sys-
tème immunitaire [2].
■ La prise en charge de la CVO doit tenir compte de sa physiopathologie qui est
spécifique et différente d’autres situations douloureuses [1].
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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78 Les situations d’urgence
Traitement médicamenteux
AINS
■ Les AINS constituent le premier traitement analgésique de la CVO d’inten-
sité légère à modérée. Ils doivent être donnés dès le domicile, avant l’arrivée aux
urgences.
■ Ils sont donnés aux urgences s’ils n’ont pas été administrés à domicile. On
utilise l’ibuprofène per os à la dose de 10 mg/kg/8 heures ou 7,5 mg/kg/6 heures
avec un maximum de 400 mg par prise. Lorsque la voie orale n’est pas possible, on
Crise douloureuse 81
Paracétamol
■ En pratique, le paracétamol est largement utilisé en première ligne pour la
douleur légère à modérée, mais il existe peu de données dans la littérature sur
son efficacité. Une étude rétrospective a rapporté une diminution des scores de
douleur et une épargne morphinique avec l’administration de paracétamol IV
dans les CVO de l’enfant [5].
■ En France, la Haute autorité de santé (HAS) a conseillé en 2005 l’utilisation du
paracétamol pour le traitement analgésique des CVO. Plusieurs équipes associent
le paracétamol aux AINS.
■ Le paracétamol ne possède pas d’effet anti-inflammatoire.
Morphiniques
■ Les morphiniques sont la pierre angulaire du traitement de la douleur sévère
de la CVO.
■ Ils doivent être administrés le plus rapidement possible en cas de douleur sévère.
Une étude rétrospective a montré, chez l’enfant, qu’un temps plus court pour
l’administration des morphiniques aux urgences était associé à une plus forte dimi-
nution de scores de douleur initiale, à une aire sous la courbe de douleur plus basse
durant les premières 4 heures, et à une durée de séjour aux urgences plus courte [6].
■ Les morphiniques les plus souvent utilisés sont la morphine et la nalbuphine.
Les autres morphiniques aussi utilisés dans certaines situations sont la codéine, le
tramadol, et plus rarement le fentanyl.
Morphine
■ Il s’agit de l’analgésique majeur de référence. La morphine peut être adminis-
trée par voie orale ou intraveineuse chez l’enfant présentant une CVO.
■ En cas de douleur modérée ne cédant pas aux AINS, avec ou sans paracétamol,
la morphine peut être donnée per os avec une première dose de 0,4 à 0,5 mg/kg
(maximum 20 mg) de morphine à libération immédiate (Oramorph®, Actiskenan®).
La douleur doit être réévaluée en 30 minutes. Si la douleur diminue, on peut
poursuivre la morphine orale avec des doses allant de 0,2 à 0,4 mg/kg/30 minutes
jusqu’à obtention d’une cotation EVENDOL < 7 ou EVA/FPS-R/EN < 5 puis un
82 Les situations d’urgence
Nalbuphine
■ La nalbuphine est un morphinique de type agoniste-antagoniste. Bien que son
utilisation soit limitée dans la CVO au niveau international, elle est largement uti-
lisée en France [7]. L’efficacité analgésique de la nalbuphine est moindre que celle
Crise douloureuse 83
Codéine
■ La codéine est transformée dans l’organisme en morphine.
■ Elle a été largement utilisée, notamment pour le traitement de la douleur à
domicile. Cependant, son utilisation a été limitée aux enfants de plus de 12 ans
depuis 2013 en raison des effets de dépression respiratoire rapportés chez certains
enfants.
Tramadol
Le tramadol est un analgésique central synthétique avec un double mécanisme
d’action : effet opioïde dû à la fixation sur les récepteurs opioïdes de type µ, et
effet monoaminergique central dû à une inhibition de la recapture de la noradré-
naline et de la sérotonine, mécanisme impliqué dans le contrôle de la transmission
nociceptive centrale. En France, seule la forme orale est disponible avec une AMM
à partir de 3 ans. L’efficacité est similaire à celle de la codéine. La posologie chez
l’enfant est de 1 mg/kg/6 heures. Le tramadol est utilisé pour la douleur légère à
modérée.
Fentanyl
Ce morphinique synthétique n’est pas encore entré dans les protocoles actuels
de prise en charge de la douleur chez l’enfant drépanocytaire. Cependant, des
publications récentes rapportent l’efficacité de son administration par voie intra-
nasale. Ainsi, dans une étude américaine, l’administration de 1,5 µg/kg de fentanyl
intranasal (maximum 100 µg) jusqu’à deux doses à 5 à 10 minutes d’intervalle a
réduit considérablement le temps pour l’administration des morphiniques paren-
téraux, le temps de mise en route d’une PCA de morphine et le temps de sortie
des urgences [8]. Dans une autre étude, l’adjonction d’une dose de fentanyl intra-
nasale de 2 µg/kg au traitement standard par morphine (morphine ou hydromor-
phone) a réduit significativement la douleur 20 minutes après l’administration de
fentanyl [9].
Protoxyde d’azote
Le mélange 50-50 % de protoxyde d’azote/oxygène (MEOPA) procure une analgé-
sie au bout de 3 minutes d’inhalation, qui persiste pendant toute la durée d’inha-
lation. Le MEOPA peut être utilisé rapidement à l’arrivée de l’enfant aux urgences
afin de soulager la douleur en attendant que les autres analgésiques fassent leur
effet. Il doit également être utilisé pour tous les gestes invasifs tels que les poses
de voies veineuses.
84 Les situations d’urgence
Alors que le protoxyde d’azote n’a un effet analgésique que pendant l’inhalation,
il a été rapporté que, chez les enfants recevant de la morphine en perfusion
continue, une inhalation de 15 minutes de MEOPA procure une réduction de la
douleur qui se prolonge pendant 2 à 3 heures [10]. Le MEOPA peut être utilisé
jusqu’à un temps total d’une heure par jour.
Références
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Crise douloureuse 85
12
Anémie aiguë
Points clés
■
L’anémie hémolytique chronique est une caractéristique principale de la
drépanocytose.
■
Une aggravation transitoire de l’anémie est fréquemment observée au
cours des complications de la maladie, ne justifiant souvent pas d’un
traitement transfusionnel.
■
Chez l’enfant, les quatre principales situations à l’origine d’une aggrava-
tion potentiellement grave de l’anémie sont la séquestration splénique
aiguë, l’infection à parvovirus B19, les infections sévères, notamment le
paludisme, et l’hémolyse post-transfusionnelle.
■
L’hémolyse post-transfusionnelle constitue le plus souvent une contre-
indication à toute nouvelle transfusion érythrocytaire.
■
L’acte transfusionnel pour corriger une anémie se décide avant tout sur
des critères cliniques.
■
La transfusion, quand elle est justifiée, doit viser à rétablir le taux d’hémo-
globine de base, sans dépasser 11 g/dl ou 35 % d’hématocrite.
Introduction
■ La drépanocytose est caractérisée par une anémie hémolytique chronique.
■ Le taux d’hémoglobine (Hb) spontané (ou Hb de base) dans les génotypes SS/
Sβ° est de 8,1 ± 1,3 g/dl [1] et de 11,5 g/dl chez les SC [2].
■ La durée de vie raccourcie des globules rouges drépanocytaires (28 jours versus
120) est compensée par une forte réticulocytose.
■ Toute situation de réticulopénie ou d’hyperhémolyse va donc entraîner une
aggravation de l’anémie sur un mode aigu ou subaigu selon les étiologies.
Infection à parvovirus B19
■ C’est une maladie virale bénigne (cinquième maladie) dont les conséquences
hématologiques peuvent être sévères chez l’enfant drépanocytaire. En effet, le
virus a un tropisme pour les érythroblastes et va ainsi entraîner une réticulopénie
profonde à l’origine d’une aggravation progressive de l’anémie.
■ Au cours d’une infection à parvovirus B19, le recours transfusionnel est très
souvent nécessaire, en particulier chez les enfants homozygotes [5].
■ Il faudra être attentif à la très forte contagiosité pour les femmes enceintes et
les membres de la fratrie également drépanocytaires.
■ Après séroconversion, la protection est théoriquement définitive, mais plu-
sieurs réactivations virales avec réticulopénie à l’origine d’une aggravation de l’ané-
mie ont toutefois été décrites.
Modalités transfusionnelles
■ En dehors des indications spécifiques, l’acte transfusionnel doit être entrepris
sur des critères cliniques de mauvaise tolérance (tachycardie, tachypnée, a fortiori
hypotension, désaturation, troubles de conscience).
■ La transfusion doit viser à rétablir le taux d’Hb spontané, sans dépasser environ
11 g/dl ou 35 % d’hématocrite, afin d’éviter une hyperviscosité sanguine potentielle
ment délétère.
■ La transfusion de concentrés érythrocytaires doit toujours respecter le phé-
notype Rhésus-Kell (ainsi que Duffy, Kidd et MNS en cas d’antécédent d’allo-
immunisation ou d’hémolyse post-transfusionnelle) et être précédée par la recherche
d’agglutinines irrégulières ainsi que par une épreuve directe de compatibilité (sérum
du malade testé sur les hématies du concentré érythrocytaire à transfuser).
Références
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CHAPITRE
13
Infections
Traitement et prévention
Points clés
■
L’infection est une complication majeure de la drépanocytose.
■
La dysfonction splénique joue un rôle essentiel dans la susceptibilité
accrue aux infections bactériennes.
■
La morbidité liée aux infections invasives à pneumocoque reste élevée
malgré les mesures préventives.
■
Les infections ostéoarticulaires contribuent à la morbidité de la drépano-
cytose.
■
L’infection à parvovirus B19, le paludisme et toute infection sévère favori-
sent l’anémie aiguë.
■
Les virus respiratoires et les infections à mycoplasme favorisent l’appari-
tion d’un syndrome thoracique aigu.
■
Un traitement antibiotique doit tenir compte du risque d’infection grave
chez ces patients et doit être rapidement instauré dès qu’une infection
est suspectée.
■
Au cours d’une fièvre chez un enfant atteint de drépanocytose, une anti-
biothérapie probabiliste couvrant Streptococcus pneumoniae et les bacté-
ries à Gram négatif (comme une céphalosporine de troisième génération)
doit être mise en place après obtention de prélèvements bactériologiques
à visée diagnostique.
■
Il faut systématiquement rechercher l’agent du paludisme en cas de fièvre
si l’enfant revient d’un séjour en zone d’endémie.
■
L’association d’une antibioprophylaxie quotidienne, de l’utilisation d’un
programme spécifique de vaccination et d’une éducation répétée et
régulière des patients ainsi que de leurs familles permet de diminuer le
risque d’infection.
Introduction et épidémiologie
■ Les infections au cours de la drépanocytose chez l’enfant et l’adolescent ne
sont plus une cause majeure de décès dans les pays développés depuis la mise en
place des mesures préventives (antibioprophylaxie et vaccinations élargies), mais
restent la première cause de décès en Afrique subsaharienne [1, 2].
■ Les agents communautaires actuellement les plus souvent retrouvés au cours
des bactériémies sont Streptococcus pneumoniae et les bactéries à Gram négatif
dont la salmonelle [3, 4].
■ La prise en charge plus intensive de la drépanocytose ces dernières années
est associée à une augmentation des infections liées aux cathéters veineux
centraux [3].
■ L’ostéomyélite est une complication non négligeable chez l’enfant avec une
prévalence estimée à 12 % [5], les pathogènes majoritairement en cause étant
Staphylococcus aureus et Salmonella spp.
■ Les entérobactéries à l’origine d’infections systémiques sont plus souvent résis-
tantes aux bêta-lactamines que dans la population générale, du fait de l’exposition
plus fréquente et prolongée aux antibiotiques.
■ La drépanocytose n’apporte pas de susceptibilité accrue au paludisme, mais
est associée à une forme plus sévère à l’origine de décès [6].
■ Les infections respiratoires bactériennes à S. pneumoniae, Mycoplasma pneu-
moniae, Chlamydia pneumoniae ou virales peuvent être à l’origine du syndrome
thoracique aigu ou survenir secondairement.
■ La primo-infection ou la réactivation à parvovirus B19 entraînent fréquem-
ment une anémie aiguë par érythroblastopénie.
■ La grippe chez l’enfant drépanocytaire est plus grave, avec un taux d’hospitali-
sation et une évolution vers une détresse respiratoire aiguë plus fréquents [7].
■ Toute infection peut favoriser une crise vaso-occlusive (CVO).
Modalités de traitement
■ Pour tout enfant fébrile, quel que soit son âge, se présentant avec une altéra-
tion de l’état général et/ou des signes méningés et/ou un trouble de la conscience
et/ou une fièvre supérieure à 39,5 °C et/ou une intolérance digestive totale, il est
recommandé de commencer rapidement un traitement antibiotique probabiliste
parentéral et de l’hospitaliser [12].
■ En dehors des urgences extrêmes comme des signes de sepsis ou des troubles
de la conscience, il est préférable de réaliser les examens microbiologiques avant
la mise en place d’une antibiothérapie.
Infections 95
Antibioprophylaxie
■ Plus de la moitié des infections invasives à pneumocoque sont actuellement à
des sérotypes non couverts par le PCV 13 [16]. Malgré la généralisation du PCV 13
en Europe, une antibioprophylaxie visant le pneumocoque par pénicilline V est
donc toujours recommandée chez l’enfant atteint de drépanocytose.
■ À partir de l’âge de 2 mois, une pénicilline V est donnée quotidiennement en
deux prises, à la posologie de 100 000 UI/kg/jour jusqu’à 10 kg, puis 50 000 UI/kg/
jour au-delà de 10 kg sans dépasser 2 millions par jour [12].
■ La durée du maintien de l’antibioprophylaxie est beaucoup moins consen-
suelle. Les données de la littérature ne permettent pas de démontrer un bénéfice
après l’âge de 5 ans [17]. Les attitudes des équipes diffèrent, avec un arrêt après
l’âge de 5 ans, 18 ans, ou une antibioprophylaxie à vie. Le risque d’infection grave,
même s’il diminue avec l’âge, persiste toute la vie, d’autant plus que le patient est
splénectomisé et/ou a eu un antécédent d’infection invasive à pneumocoque. En
cas de décision d’arrêt de la prophylaxie, il est nécessaire de s’assurer que le patient
ait bien reçu son schéma complet de vaccination contre le pneumocoque [18].
Prévention vaccinale
■ Il est recommandé chez les enfants drépanocytaires de suivre la protection
vaccinale prévue par le calendrier vaccinal en vigueur.
■ Par analogie aux patients aspléniques, les enfants drépanocytaires suivent un
programme vaccinal impliquant l’ajout d’un rattrapage même après 5 ans chez
les enfants non vaccinés pour H. influenzae de type b, et un programme intensifié
Infections 97
dès l’accueil des urgences que leur enfant est drépanocytaire et demander un
accueil prioritaire.
■ Il est nécessaire d’expliquer aux familles de consulter sans attendre en cas de
fièvre ou de syndrome grippal. Lorsqu’il n’est pas possible de consulter immédiate
ment (lors d’un voyage notamment), il est conseillé de prendre immédiatement
une antibiothérapie probabiliste par amoxicilline 100 mg/kg/j en 3 doses per os.
■ En cas de voyage en zone d’endémie de paludisme, il est essentiel de pres-
crire un traitement prophylactique antipalustre, en fonction de la tolérance du
traitement, de l’âge et du poids de l’enfant (Atovaquone-Proguanil®, méfloquine
ou doxycycline) et selon les recommandations du médicament. Ce sera aussi une
occasion de mettre à jour les vaccins indiqués en cas de voyage (contre l’hépa-
tite A, la typhoïde, la fièvre jaune, la rage, etc.) selon le risque associé à la destina-
tion et les conditions de voyage, et de rappeler les bonnes pratiques préventives
au cours du voyage.
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CHAPITRE
14
Syndrome thoracique
aigu
Points clés
■
Le syndrome thoracique aigu (STA) est défini par la survenue chez un
patient drépanocytaire de symptômes respiratoires, en contexte fébrile
ou non, associés à des nouveaux infiltrats pulmonaires sur la radiographie
thoracique.
■
L’étiologie du STA est multifactorielle.
■
Le STA peut se déclarer d’emblée ou se développer au cours d’une hos-
pitalisation pour une complication aiguë, ce qui souligne l’importance de
la prévention (traitement antalgique adapté, spirométrie incitative).
■
Les facteurs favorisants sont l’hypoventilation, la surcharge volémique,
l’imprégnation opiacée excessive et des accidents thrombo-emboliques
(surtout chez l’adolescent et l’adulte).
■
Les patients ayant déjà présenté un STA sont à haut risque de récidive.
■
Les mesures thérapeutiques essentielles associent un traitement antal-
gique adapté et multimodal, de la spirométrie incitative et/ou de la ven-
tilation non invasive et, selon les cas, une prise en charge transfusionnelle
(transfusion simple ou échange transfusionnel).
Introduction
■ Le syndrome thoracique aigu (STA) est défini comme la survenue chez un
patient drépanocytaire d’une atteinte respiratoire aiguë, fébrile ou non, doulou-
reuse ou non, associée à des nouveaux infiltrats pulmonaires sur la radiographie
thoracique [1].
Épidémiologie
■ Le STA représente la deuxième cause d’hospitalisation chez l’enfant drépano-
cytaire après les crises vaso-occlusives [2].
■ Il existe de nombreux facteurs favorisants connus, comme l’hypoventilation, la
surcharge volémique, l’imprégnation opiacée excessive et les accidents thrombo-
emboliques (surtout chez l’adolescent et l’adulte) [3].
■ Le STA peut survenir d’emblée (52 % des cas) ou au cours de l’évolution d’une
autre complication (48 % des cas, dans les trois premiers jours) [2].
■ La physiopathologie découle souvent d’une agression initiale associant à diffé-
rents degrés [3] :
• des phénomènes infectieux : une infection est souvent retrouvée (54 %
des cas) incluant Chlamydiae pneumoniae (29 %), Mycoplasme pneumoniae
(22 %), virus respiratoire syncytial (10 %) [2, 3] ;
• des phénomènes d’œdème pulmonaire (augmentation de la perméabilité
capillaire par mécanismes inflammatoires, hyperhydratation) ;
• des phénomènes d’hypoventilation (douleurs abdominales ou osseuses
thoraciques, atélectasies, surdosage relatif en antalgiques) [3] ;
• des phénomènes d’occlusion microvasculaire avec infarcissement pulmo-
naire : adhérence des globules rouges et des réticulocytes à l’endothélium
vasculaire, formation d’agrégats inflammatoires plaquettes-neutrophiles res-
ponsables de micro-emboles dans les artérioles pulmonaires, activation endo-
théliale et hyperplasie intimale menant aux thromboses et au vasospasme [4] ;
• des phénomènes d’embolie graisseuse : survenue d’infarctus osseux avec
embolie graisseuse, activation de la phospholipase A2 sécrétoire, libération
d’acides gras et de médiateurs de l’inflammation [3].
■ Ces différents mécanismes conduisent à la chute de l’oxygénation alvéolaire
avec induction de la polymérisation de l’hémoglobine S (HbS). Cela conduit à la fal-
ciformation des hématies et à la diminution du flux pulmonaire qui majore encore
la vaso-occlusion avec induction d’un cercle vicieux « hypoxie-polymérisation de
l’HbS-augmentation de la vaso-occlusion » [3].
Diagnostic
■ Les symptômes classiques selon la définition américaine sont les suivants :
fièvre, toux, dyspnée, douleurs thoraciques, syndrome de condensation pulmo-
naire et hypoxémie (SaO2 < 95 % et PaO2 < 80 %) [1].
Syndrome thoracique aigu 103
■ Les symptômes les plus constants chez l’enfant sont la fièvre, la toux et l’hypo-
xémie, contrairement à l’adulte où les principaux symptômes sont les douleurs
thoraciques et la dyspnée sans forcément de fièvre [2, 5].
■ L’examen physique retrouve de la fièvre, une hypoxémie avec SpO2 < 95 % en
air ambiant, une polypnée souvent superficielle et des signes de condensation
pulmonaire avec une matité et, à l’auscultation, des crépitants, des ronchi voire
un souffle tubaire [1].
■ Biologiquement, les signes les plus fréquents sont une majoration de l’anémie
(–0,7 g/dl en moyenne), une hyperleucocytose avec prédominance de polynu-
cléaires neutrophiles (PNN), une thrombocytose ou une thrombopénie, une
hyperbilirubinémie et une augmentation des lactates déshydrogénases (LDH).
L’hyponatrémie de déplétion est également fréquente [2] chez des patients pré-
sentant une tubulopathie tôt dans l’enfance.
■ Le diagnostic est affirmé par la radiographie thoracique standard qui retrouve
des condensations parenchymateuses avec infiltrats alvéolaires volontiers bilaté-
raux prédominants aux bases (figure 14.1). Il est important de rappeler qu’une
radiographie normale en présence de signes cliniques de STA n’exclut pas le
diagnostic du fait du possible retard radiologique [6]. L’échographie pulmonaire
pourrait potentiellement devenir une aide précieuse dans les années à venir en
diminuant l’exposition aux radiations ionisantes du fait de sa très bonne sensibilité
pour la détection des consolidations pulmonaires [7].
■ Un score a été développé récemment pour apprécier le degré de détresse res-
piratoire : le Clinical Respiratory Score (CRS) [8] (tableau 14.1). Il comporte 6 items
cotés de 0 à 2 (fréquence respiratoire, auscultation, utilisation des muscles acces-
soires, statut neurologique, saturation en air ambiant et coloration cutanée).
Ce score peut aider le clinicien lors de la prise en charge, avec notamment une
décision de transfert en unité de soins continus pour des CRS ≥ 4 de manière à
instaurer une ventilation non invasive, mais également pour permettre un suivi
dans le temps (figure 14.2).
Pronostic et suivi
■ Le STA est la première cause de mortalité dans la drépanocytose chez l’adulte [2].
■ Chez l’enfant, le risque de mortalité est nettement inférieur à celui retrouvé
chez l’adulte (< 2 % versus 9 %) [2] et le STA est la troisième cause de décès après
les complications infectieuses et hématologiques.
Syndrome thoracique aigu 107
■ Il existe un haut risque de récidive qui peut atteindre jusqu’à 80 % après un premier
épisode [2], avec un risque d’autant plus grand que le premier épisode survient tôt.
■ Le STA est responsable d’une dégradation significative de la fonction res-
piratoire [15] avec, au fur et à mesure des récidives, induction d’une maladie
respiratoire chronique (notamment de type syndrome obstructif) avec risque
d’évolution vers l’hypertension artérielle pulmonaire secondaire.
■ La survie à long terme est significativement corrélée à l’existence et à l’intensité
de l’hypertension artérielle pulmonaire chez ces patients [3].
Prévention
Prévention primaire
La prévention primaire repose sur :
■ le diagnostic anténatal et le dépistage néonatal d’un syndrome drépanocytaire
majeur ;
■ la prise en charge précoce des parents, avec éducation sur la maladie, les
complications, les facteurs de risque de décompensation ;
■ des vaccinations rigoureuses (pneumocoque, grippe), une antibioprophylaxie
(pénicilline V dès 2 mois jusqu’à au moins 5 ans) et la supplémentation quoti-
dienne en acide folique ;
■ la recherche et le traitement de facteurs favorisants : hypoxie nocturne, apnées
du sommeil (polysomnographie), obstruction chronique des voies aériennes
supérieures (consultation ORL) et asthme (épreuves fonctionnelles respiratoires) ;
■ une spirométrie incitative chez tout patient drépanocytaire hospitalisé pour
une crise vaso-occlusive avec vigilance accrue chez les patients sous morphine, et
en particulier avec des doses importantes [5].
Il convient de faire attention à toute anesthésie générale programmée qui devra être
entourée d’une stratégie transfusionnelle et d’une prise en charge péri-opératoire
adaptée [5] à chaque patient selon la lourdeur et de la durée de la chirurgie.
Prévention secondaire
■ Le traitement par hydroxyurée stimule la synthèse d’hémoglobine fœtale, mais
diminue également le taux de PNN dont les interactions avec les hématies et les
plaquettes facilitent les phénomènes de vaso-occlusion. Il est recommandé en
cas de STA sévère et/ou de récidive de STA avec une efficacité démontrée sur le
risque de récidive [1].
■ Des programmes transfusionnels sont requis en cas de répétition de STA mal-
gré un traitement par hydroxyurée bien conduit avec objectif d’HbS < 40 % en
prétransfusion.
■ Une greffe de moelle est à discuter dans les formes les plus sévères avec échec
des mesures précédentes.
108 Les situations d’urgence
Références
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CHAPITRE
15
Complications
neurologiques
chez l’enfant
Accidents vasculaires cérébraux,
céphalées
Manoëlle Kossorotoff
Points clés
■
La survenue brutale de signes neurologiques déficitaires focaux chez un
enfant drépanocytaire doit faire suspecter un accident vasculaire céré-
bral (AVC) et conduire à une imagerie urgente, imagerie par résonance
magnétique (IRM) en priorité.
■
À la prise en charge non spécifique de la drépanocytose s’associent la
réalisation en urgence d’un échange transfusionnel et le traitement d’un
éventuel anévrisme intracrânien.
■
Le suivi rééducatif est pluridisciplinaire et prolongé dans le temps pour
accompagner le développement, notamment cognitif, de l’enfant.
■
Les céphalées sont fréquentes chez l’enfant drépanocytaire et doivent
être prises en charge.
Céphalées
■ Les céphalées sont plus fréquentes chez l’enfant drépanocytaire que dans la
population pédiatrique générale. Plusieurs facteurs entrent en jeu, parmi eux la
viscosité sanguine avec de possibles phénomènes micro-occlusifs transitoires,
l’hypoxie cérébrale chronique, l’obstruction ORL fréquente [10].
■ Elles peuvent avoir un retentissement sur la participation aux activités quoti-
diennes, scolaires et sur la qualité de vie.
■ La prise en charge suit les règles de l’International Headache Society, avec des
traitements de crise reposant sur le paracétamol et les anti-inflammatoires non
stéroïdiens, et des traitements de fond en priorité non médicamenteux, reposant
sur des techniques de relaxation [11].
■ L’évaluation du degré d’obstruction ORL et de son retentissement peut conduire à
proposer une prise en charge chirurgicale (adénoïdo-amygdalectomie) associée [10].
Complications neurologiques chez l’enfant 113
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CHAPITRE
16
Priapisme
Éléna Foïs
Point clés
■
Le priapisme est une urgence.
■
La cause la plus fréquente chez l’enfant est la drépanocytose.
■
Il s’agit le plus souvent d’un priapisme ischémique, veino-occlusif.
■
Le traitement initial repose sur les sympathomimétiques per os puis en
intracaverneux.
Définition et généralités
Le priapisme, rare avant la puberté, est défini comme une érection prolongée,
douloureuse, complète ou partielle et survenant en dehors de toute stimulation
sexuelle ou traumatique [1].
Il en existe deux types, définis selon les mécanismes physiopathologiques :
■ le priapisme ischémique, veino-occlusif et à bas débit, forme la plus souvent
rencontrée chez l’enfant ;
■ le priapisme non ischémique, artériel et à haut débit.
Les étiologies diffèrent selon le type et celui le plus souvent rencontré dans la
drépanocytose est le priapisme de stase ou veino-occlusif.
On différencie les priapismes également selon leurs modes évolutifs :
■ celui durant moins d’une heure, avec des épisodes parfois récurrents, égale-
ment appelé priapisme « intermittent » ;
■ et celui se prolongeant au-delà d’une heure, communément dénommé pria-
pisme « aigu » et à l’origine de possibles séquelles [2].
Le priapisme ischémique est une urgence qui nécessite une prise en charge rapide
et adaptée en raison des risques de fibrose des corps caverneux à l’origine de
troubles de la fonction érectile.
Épidémiologie
■ L’incidence dans la population générale, toutes causes confondues, est de
1,5 cas pour 100 000 hommes par an, l’étiologie la plus fréquente étant la drépa-
nocytose [3].
■ Chez l’enfant, les causes les plus fréquentes sont la drépanocytose (65 %), les
leucémies (10 %), les traumatismes (10 %) et les médicaments (5 %). Dans 10 %
des cas, aucune étiologie n’est retrouvée (priapismes idiopathiques) [1].
■ La prévalence du priapisme chez le patient drépanocytaire est de 2 à 11 % chez
l’enfant (jusqu’à 20 ans) [4–6] et de 20 à 42 % chez l’adulte [7–9]. Chez l’enfant,
il survient le plus souvent entre 12 et 15 ans et certaines études rapportent un
premier épisode dans 75 à 90 % des cas avant l’âge de 20 ans [4, 8, 10, 11].
■ Il est plus souvent observé dans la forme homozygote (SS) de la drépanocy-
tose [4, 5].
■ La dysfonction érectile séquellaire est rare chez l’enfant, mais observée chez 21
à 30 % des adultes souffrant de priapisme [8], le risque augmentant avec la durée
de l’épisode ou des épisodes de priapisme.
Physiopathologie
Rappels anatomiques et physiologiques
La verge est constituée des organes érectiles : corps caverneux, corps spongieux
et gland. Les corps érectiles peuvent être assimilés à un muscle lisse. L’état flaccide
est maintenu grâce à la contraction permanente des cellules musculaires lisses des
artères caverneuses qui empêchent ainsi l’afflux sanguin. La relaxation de celles-ci
induit une chute brutale des résistances tissulaires et permet l’augmentation du
flux sanguin dans les artères caverneuses, à l’origine d’une compression progres-
sive des veines dorsales de la verge et d’une gêne au retour veineux permettant le
maintien de l’érection [2, 11].
La physiologie de l’érection est complexe et fait intervenir entre autres le sys-
tème nerveux autonome et les androgènes par le biais de l’activation de la voie
Priapisme 117
Classification clinique
Il en existe deux types principaux : le priapisme ischémique, veino-occlusif ou
de stase, et le priapisme non ischémique, artériel et à haut débit [1, 3, 11] (enca-
dré 16.1 et tableau 16.1).
Encadré 16.1
Étiologies des priapismes
■
Priapismes ischémiques
– hémoglobinopathies : drépanocytose, thalassémie
– déficit en G6PD, dysérythropoïèse congénitale
– leucémies
– tumeur testiculaire, rhabdomyosarcome
– infection
– neurologique (atteinte médullaire)
– toxines (paludisme, scorpions, araignées)
– purpura de Henoch-Schönlein
– hémodialyse et maladies rénales
– nutrition parentérale
■
Priapismes non ischémiques
– traumatismes
– hématologiques : drépanocytose, leucémies
– maladie de Fabry
– iatrogène postdrainage ou postchirurgie
118 Les situations d’urgence
■
Priapismes médicamenteux ou toxiques
– psychotropes : neuroleptiques (chlorpromazine, clozapine, rispéridone, olanza-
pine, etc.)
– antidépresseurs (fluoxétine, sertraline, bupropion, trazodone), lithium
– antihypertenseurs
– érythropoïétine
– anticoagulants
– inhibiteurs de phosphodiestérase 5
– anticoagulants
– alpha-bloquants
– drogue : cocaïne, alcool, cannabis
– hormones : testostérone et GnRH
– injections intracaverneuses : papavérine ou prostaglandines
■
Priapismes néonataux
– polyglobulie
– infection (syphilis, infection périnéale)
– traumatisme crânien néonatal (forceps)
– détresse respiratoire
– cathétérisme de l’artère ombilicale
Prise en charge
La prise en charge du priapisme aigu est une urgence, requiert l’avis d’un centre
spécialisé et doit se faire en collaboration étroite avec des urologues formés aux
spécificités de la drépanocytose [1, 14–16].
Il est primordial que les garçons et leurs parents :
■ soient prévenus du risque de survenue de priapisme dès l’enfance ;
■ soient informés des mesures de prise en charge immédiate à domicile et de la
nécessité de se rendre aux urgences en cas de priapisme ne cédant pas au bout
d’une heure ;
■ connaissent les facteurs déclenchants possibles : fatigue, infection, traumatisme,
froid, déshydratation, alcool, drogues, prise de testostérone ou de psychotropes.
Mesures initiales
Il est recommandé que l’enfant :
■ prenne des boissons abondantes ;
■ prenne des antalgiques de palier 1 ou 2 ;
■ fasse un effort physique visant à créer un vol vasculaire (membres inférieurs
surtout) ;
■ tente d’uriner ;
■ prenne un bain chaud ;
■ prenne de l’étiléfrine per os (0,5 mg/kg) par analogie avec les adultes.
Si le priapisme ne cède pas au bout d’une heure, il est recommandé de se rendre
à l’hôpital.
120 Les situations d’urgence
À l’hôpital
Il convient de ne pas retarder la prise en charge et de procéder aux mesures sui-
vantes :
■ évaluation de la durée d’évolution du priapisme ;
■ recherche d’un facteur déclenchant et notamment d’une prise médicamen-
teuse ;
■ examen physique complet ;
■ bilan biologique : NFS, réticulocytes, créatinine, LDH et CRP ;
■ ± Doppler pénien en urgence en cas de suspicion de priapisme artériel (voir
tableau 16.1).
■ analgésie par MEOPA et antalgiques de pallier 1, 2 et 3 (morphine) si néces-
saire. Certaines recommandations américaines préconisent l’utilisation de kéta-
mine d’emblée qui favoriserait la détumescence [1] ;
■ mesures associées : oxygénothérapie et hydratation, etc.
La prise en charge diffère ensuite suivant la durée du priapisme.
■ priapisme durant plus d’une heure :
• une injection intracaverneuse (sous MEOPA) d’un alpha-mimétique de
type étiléfrine (chez l’enfant de plus de 2 ans) est réalisée sur le bord latéral
d’un corps caverneux (5 mg) avec une aiguille à ailettes dont la taille dépend
de l’âge de l’enfant (21-23 G chez les enfants prépubères, 19 G chez les adoles-
cents) en surveillant la tension artérielle. En cas d’inefficacité, l’injection peut
être répétée 20 minutes après ;
• en cas d’indisponibilité de l’étiléfrine, la phényléphrine peut être utilisée
(100 µg par injection chez l’enfant de plus de 11 ans). On peut répéter deux à
trois fois les injections, sous surveillance hospitalière en raison des risques d’isché-
mie systémique en cas de passage du produit dans la circulation générale ;
• en cas d’inefficacité après deux injections d’étiléfrine ou de priapisme
durant plus de 3 heures, un drainage des corps caverneux est pratiqué (voir
ci-dessous).
■ priapisme de plus de 3 heures : un drainage sans lavage d’un des deux corps
caverneux est réalisé par insertion d’une aiguille à ailettes (identique à ci-dessus)
sous anesthésie locale (lidocaïne 1 %) sur le bord latéral de la verge. Il est impor-
tant de prendre le temps d’un drainage complet jusqu’à obtention de sang rouge
(20 à 30 minutes). Le drainage peut être associé à une injection locale d’étiléfrine ;
■ en cas d’inefficacité : un traitement chirurgical peut être entrepris, son indi-
cation étant à discuter entre médecins spécialistes de la drépanocytose et uro-
logues : création d’un shunt caverno-spongieux pour obtenir la détumescence
par vidange du sang caverneux (zone à hyperpression) vers les espaces sinusoïdes
spongieux (zone à basse pression).
Un échange transfusionnel est recommandé si un drainage est nécessaire. Il ne
doit cependant pas retarder ce dernier qui reste la priorité immédiate.
Priapisme 121
Par ailleurs, on y associe souvent, mais uniquement chez les enfants déjà pubères,
un traitement par Androcur® (anti-androgène ; 50-100 mg/j), en cure courte
d’environ 3 semaines.
Enfin, en cas de dysfonction érectile définitive, des prothèses péniennes peuvent
être proposées, mais essentiellement à partir de l’âge de 17 ans [3].
Priapisme récidivant
En cas de priapisme récidivant, le traitement préventif comprend les éléments
suivants :
■ recherche de facteur déclenchant (syndrome d’apnées obstructives du som-
meil secondaire à une hypertrophie amygdalienne, consommation de cannabis,
cocaïne, etc.) ;
■ oxygénothérapie nocturne ;
■ étiléfrine par voie orale à la dose de 0,5 mg/kg/j pendant un mois ;
■ programme de saignées en cas d’hyperviscosité sanguine. En cas de taux
d’hémoglobine élevé (> 10 g/dl chez les patients SS et > 11 g/dl chez les
patients SC), un programme de saignées pourra être mis en place à visée pro-
phylactique secondaire chez les patients présentant des récidives ;
■ traitements de fond par hydroxyurée [17] ou par échanges transfusionnels
mensuels, à discuter ;
■ chez l’enfant : les anti-androgènes, œstrogènes, analogues de la GnRH ne sont
pas recommandés [1, 3]. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase (type sildénafil)
n’ont pas été utilisés en dessous de 14 ans [18] et l’utilisation du finastéride (inhi-
biteur de la 5-alpha réductase) n’a été rapportée que dans quelques cas [19].
Par ailleurs, un bilan des complications associées (atteinte rénale, hypertension
artérielle pulmonaire, ulcères de jambe) quoique plutôt observées chez le jeune
adulte que chez l’enfant, est recommandé.
Enfin, une prise en charge psychologique est nécessaire en raison du retentis-
sement psychique majeur des priapismes récidivants et de la potentielle dysfonc-
tion érectile séquellaire.
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CHAPITRE
17
Spectre des atteintes
rénales
Points clés
■
Le spectre des atteintes rénales au cours de la drépanocytose est très
hétérogène : dysfonctions tubulaires (défaut de concentration et d’aci-
dification des urines), épisodes d’hématurie, d’insuffisance rénale aiguë,
néphropathie drépanocytaire.
■
Leur physiopathologie est complexe et leur prise en charge mal codifiée.
■
L’histoire naturelle de la néphropathie drépanocytaire semble compren-
dre plusieurs stades : l’hyperfiltration, la survenue d’une microalbumi-
nurie, puis d’une macroalbuminurie, pouvant évoluer progressivement
vers un déclin de la fonction rénale jusqu’au stade d’insuffisance rénale
chronique terminale.
Introduction
■ Du fait d’une meilleure prise en charge globale, l’espérance de vie des patients
drépanocytaires s’est considérablement améliorée, entraînant une augmentation
de la prévalence des atteintes chroniques de certains organes et notamment des
atteintes rénales. Ainsi, la drépanocytose représente une cause croissante de mala-
die rénale chronique (MRC), laquelle constitue un facteur de risque indépendant
de mortalité chez ces patients [1–3].
■ Le spectre des atteintes rénales associées à la drépanocytose est hétérogène et
comprend entre autres des dysfonctions tubulaires à type de défaut de concen-
tration et d’acidification des urines, des épisodes d’hématurie parfois liés à des
nécroses papillaires, rarement des épisodes d’insuffisance rénale aiguë, notamment
au cours des crises vaso-occlusives (CVO) et plus précisément au cours des syn-
dromes thoraciques aigus [4], et enfin une entité particulière appelée la néphropa-
thie drépanocytaire [1, 3].
■ Même s’il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude longitudinale permettant de
décrire l’histoire naturelle de la néphropathie drépanocytaire, son évolution semble
comprendre plusieurs stades : l’hyperfiltration, la survenue d’une microalbuminu-
rie, puis d’une macro-albuminurie, et enfin la progression vers l’insuffisance rénale.
Une étude récente réalisée chez des patients adultes a permis de montrer que les
patients drépanocytaires homozygotes ou Sβ0-thalassémiques présentaient un
déclin annuel du débit de filtration glomérulaire (DFG) de 2,05 ml/mn/1,73 m2 [5].
■ L’évolution vers l’insuffisance rénale terminale n’est pas systématique et le
déclin du DFG est souvent associé à l’augmentation de la protéinurie [1, 6, 7].
■ La physiopathologie de ces atteintes rénales est complexe et multifactorielle,
impliquant notamment des lésions vasculaires secondaires à l’hémolyse chro-
nique et des épisodes d’ischémie-reperfusion rénale, probablement en rapport
avec des obstructions microvasculaires intrarénales liées aux globules rouges falci-
formés [1, 6, 8, 9].
■ La prise en charge thérapeutique n’est pas clairement définie [2]. En cas d’insuf-
fisance rénale chronique terminale, la transplantation rénale semble être le traite-
ment de choix, sous réserve d’une prise en charge multidisciplinaire [10].
Dysfonctions tubulaires
Défaut de concentration des urines (hyposthénurie) [2]
■ C’est l’atteinte la plus fréquente, quel que soit le génotype, parfois dès le plus
jeune âge.
■ Il existe une atteinte tubulaire distale avec réduction de la concentration maxi-
male des urines.
■ 62 % des nourrissons ont une osmolarité urinaire maximale < 500 mOsmol/kg
H2O (tableau 17.1).
Énurésie
■ La prévalence est élevée : 50 % entre 5 et 10 ans et 25 % entre 14 et 17 ans [15]
(9 % chez l’adulte) [16].
■ La physiopathologie est mal élucidée et probablement multifactorielle :
• rôle de l’hyposthénurie (mais ne touche pas tous les patients avec une
hyposthénurie) ?
• rôle d’anomalies vésicales ?
• rôle d’un syndrome d’apnée du sommeil ?
• rôle d’un sommeil profond ?
■ Un antécédent familial d’énurésie et le plus jeune âge sont des facteurs de
risque indépendants.
Prise en charge
■ En cas d’énurésie primaire isolée sans trouble mictionnel diurne : diminuer
l’hydratation avant le coucher (mais risque de favoriser les CVO), système
d’alarme de type Pipi Stop® avec traitement comportemental – explications sur
le caractère bénin du trouble, réassurance, règles hygiéno-diététiques : bien vider
sa vessie avant de se coucher, enlever les couches ; en cas de fuites dans la nuit,
aider ses parents à retirer son pyjama, changer ses draps, les mettre à la machine
puis se recoucher. Ce traitement est efficace dans les deux tiers des cas environ au
bout d’un mois en moyenne avec 50 % de rechutes et une durée avant guérison
complète du trouble de 2 à 6 mois environ.
128 Les atteintes chroniques d’organe
Encadré 17.1
Questionnaire d’évaluation clinique de l’énurésie chez un
enfant drépanocytaire (adapté de [16])
1. Évaluation initiale
Est-ce que le patient à plus de 5 ans ? Oui/Non
Est-ce qu’il fait pipi au lit ? Oui/Non
Combien de fois par semaine fait-il pipi au lit ? -------
Depuis combien de temps fait-il pipi au lit ? -------
Conclusion : le patient entre-t-il dans la définition de l’énurésie primaire ? Si oui, passer
à la deuxième série de questions.
2. Évaluation en cas d’énurésie avérée
Est-ce que l’enfant a déjà eu une période sans énurésie ? Oui/Non
Si oui, pendant combien de mois ? -------
Est-ce que l’enfant a des mictions fréquentes supérieures à 8 par jour ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des urgences mictionnelles ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des brûlures mictionnelles ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des douleurs à la miction ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant doit pousser pendant la miction ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a du sang dans les urines ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a une incontinence diurne ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant est constipé ? Oui/Non
Est-ce que l’enfant a des antécédents familiaux d’énurésie ? Oui/Non
Est-ce que des traitements ou des systèmes d’alarme ont déjà été essayés Oui/Non
Si oui, lesquels ?
Spectre des atteintes rénales 129
Diagnostic
■ Le diagnostic repose sur une acidose métabolique à trou anionique plasma-
tique normal et trou anionique urinaire positif.
■ Le test d’acidification des urines est rarement proposé en routine et n’a pas de
conséquence sur la prise en charge.
■ Le défaut est fréquemment associé à une hyperkaliémie nécessitant l’utilisa-
tion prudente de médicaments hyperkaliémiants et notamment des bloqueurs
du système rénine-angiotensine.
Prise en charge
■ Supplémentation en bicarbonate de sodium oral.
■ Recherche d’une néphrocalcinose par l’échographie rénale.
Diagnostic
■ La présentation clinique est variable : de l’hématurie microscopique isolée à un
tableau de nécrose papillaire avec hématurie macroscopique associée à des dou-
leurs lombaires, une fièvre, une hypertension artérielle et une insuffisance rénale
aiguë obstructive.
■ L’échographie retrouve une hyperéchogénicité des pyramides médullaires et
une augmentation de taille des reins.
■ En cas de doute diagnostique, un scanner avec injection de produit de
contraste iodé ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) est réalisé(e).
Traitement
■ En cas d’hématurie macroscopique, une hyperhydratation avec solutés alcalins
ou légèrement hypotoniques est indiquée [18].
■ En cas d’hématurie sévère ou persistante, la vasopressine pourrait favoriser
l’hydratation des globules rouges et diminuer leur falciformation. L’utilisation
de l’acide ε-aminocaproïque pourrait être envisagée en cas d’échec des autres
130 Les atteintes chroniques d’organe
traitements, mais son efficacité n’a jamais été clairement démontrée [18, 19]. La
transfusion sanguine est à discuter pour limiter l’ischémie médullaire.
■ En cas d’hématurie sévère non contrôlée par le traitement médical, une arté-
riographie doit être discutée pour localiser le saignement et réaliser une emboli-
sation sélective du territoire concerné. La néphrectomie est à envisager en dernier
recours.
Traitement
■ Le traitement dépend de la cause.
■ Il comprend une hydratation et l’arrêt des médicaments néphrotoxiques ++.
Chez l’adulte, une étude suggère que les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS) ne devraient pas être utilisés systématiquement dans le traitement des
CVO [20].
Néphropathie drépanocytaire
Cette atteinte peut se voir dès le plus jeune âge et augmente avec l’âge des
patients [6].
Spectre des atteintes rénales 131
Hyperfiltration
■ C’est l’une des manifestations les plus précoces et fréquentes de l’atteinte
rénale.
■ Elle est observée même chez le petit nourrisson dès l’âge de 9 mois [21].
■ La prévalence est de 87 % chez l’enfant, 66 % chez l’adulte.
■ Elle est inversement corrélée à l’âge des patients [22].
■ Chez l’enfant, on retrouve :
• un DFG moyen estimé selon formule de Schwartz : 134 ± 39 ml/min/1,73
m2 (62-273) ;
• un DFG moyen mesuré par la clairance au DTPA : 167 ± 46 ml/min/1,73 m2
(100-308).
■ L’hyperfiltration semble corrélée à l’intensité de l’hémolyse [23].
■ Elle est liée à l’augmentation du débit cardiaque secondaire à une diminution
du tonus vasculaire, à la synthèse de substances vasodilatatrices (prostaglandines,
monoxyde d’azote, etc.) en réaction à l’hypoxie, à l’anémie et l’hémolyse [1, 21].
■ Il existe un intérêt potentiel des biomarqueurs urinaires et sanguins tels que le
NAG urinaire (N acétyl-β-D-glucosaminidase) et la β2-microglobuline pour pré-
dire le risque de maladie rénale chronique avant même la diminution du DFG [24].
Diagnostic
■ Le diagnostic repose sur l’estimation régulière du DFG selon les formules CKD-
EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration) chez l’adulte [25] et la
formule de Schwartz chez l’enfant [22].
■ Une valeur de DFG considérée comme normale chez un patient drépanocy-
taire est faussement rassurante car elle témoigne en réalité d’un début de diminu-
tion du DFG.
Traitement
■ Le traitement est non réversible avec les transfusions sanguines répétées.
■ L’effet de l’hydroxyurée sur le DFG est discuté : réduction pour certains chez
l’enfant [14], sans effet pour d’autres [12].
Protéinurie
■ La protéinurie est relativement fréquente.
■ Elle peut se voir dès le plus jeune âge et la prévalence augmente avec l’âge [1, 3].
■ Elle peut être présente dès le stade d’hyperfiltration chez l’enfant [22] :
• prévalence de l’albuminurie (> 30 mg/g créatininurie) : 20,7 % de l’ensemble
des enfants drépanocytaires quel que soit le génotype et 23 % chez les patients
drépanocytaires homozygotes SS ;
• associée aux marqueurs d’hémolyse et à des chiffres de pressions artérielles
élévés.
132 Les atteintes chroniques d’organe
Traitement
■ inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine/antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine 2 (IEC/ARA2) : attention aux risques d’IRA et hyper-
kaliémie [2, 28–30]. Le débit de protéinurie pour lequel un traitement par IEC ou
ARA2 doit être introduit n’est pas clairement codifié. Ces médicaments doivent
être évités lorsque le DFG est inférieur à 30 ml/min/1,73 m2. Ces médicaments
pourraient aussi ralentir le déclin de la fonction rénale [31].
■ Chez l’adulte, l’hydroxyurée pourrait diminuer l’albuminurie [32], effet non
retrouvé dans une étude pédiatrique [33], mais retrouvé dans une autre [34].
Traitement
■ Viser une pression artérielle normale pour ralentir la progression de l’insuffi-
sance rénale chronique (IRC).
Spectre des atteintes rénales 133
Traitement
■ Le traitement est le même que pour les autres causes d’IRC/IRT.
■ Les doses d’érythropoïétine (EPO) nécessaires sont souvent plus élevées.
■ Éviter les médicaments néphrotoxiques (notamment les AINS pour traiter les
CVO, etc.).
■ La survie en hémodialyse est moins bonne que pour la population générale [35].
■ La transplantation rénale constitue le traitement de choix de l’IRT [10].
■ La récidive de la néphropathie sur le greffon est possible mais rare [1, 10].
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CHAPITRE
18
Dysfonction splénique
Valentine Brousse
Points clés
■
La taille de la rate n’est pas corrélée à sa fonction chez le sujet drépanocy-
taire.
■
Il existe une perte de fonctionnalité splénique précoce chez l’enfant dré-
panocytaire de génotype SS, plus tardive dans les autres génotypes.
■
La séquestration splénique aiguë est une complication très précoce met-
tant en jeu le pronostic vital par anémie aiguë.
■
L’antibioprophylaxie par pénicilline orale et la vaccination élargie contre
le pneumocoque, Haemophilus influenzae, le méningocoque et la grippe
permettent de réduire la mortalité secondaire à l’insuffisance splénique.
Introduction
La rate est un organe lymphoïde secondaire branché sur la circulation sanguine
qui a une fonction de filtration des cellules et particules sanguines d’une part et
une fonction immunologique d’autre part.
La filtration splénique des globules rouges s’effectue principalement grâce à la pré-
sence de signaux membranaires de sénescence et/ou d’anomalies de déformabilité.
Les propriétés modifiées des globules rouges dans la drépanocytose (déformabi-
lité diminuée, adhérence accrue) entraînent une interaction précoce dans la rate
et, à moyen terme, sa destruction par fibrose.
Hypersplénisme
■ L’hypersplénisme est caractérisé par une augmentation chronique du volume
de la rate s’accompagnant d’une bi- voire tricytopénie, avec une réticulocytose
réactionnelle élevée (> 15 %).
■ Sa prévalence n’est pas connue, mais est plus importante en cas d’HbF élevée
et d’α-thalassémie associée, par exemple chez les sujets originaires d’Arabie saou-
dite ou d’Inde [9].
■ L’hypersplénisme est souvent cliniquement difficile à différencier d’épisodes
modérés de SSA répétés.
Splénomégalie
■ Une splénomégalie modérée (1-2 cm sous le rebord costal gauche) sans consé-
quence hématologique est habituellement décrite chez le très jeune enfant avant
que ne survienne l’atrophie splénique.
■ La splénomégalie diminue avec l’âge dans les pays du Nord. En Amérique du
Nord, le volume splénique, évalué chez 199 enfants âgés de 7,5 à 18 mois en écho-
graphe, était de 105 ml versus 18 ml chez des enfants contrôles de même taille [10].
■ Une prévalence plus élevée de splénomégalie à un âge plus tardif est décrite
dans les pays du Sud. Au Kenya, par exemple, une splénomégalie était retrouvée
chez un tiers des enfants drépanocytaires à l’âge de 6 ans [11].
■ De manière générale, la splénomégalie est très influencée par des facteurs envi-
ronnementaux et génétiques, comme en atteste par exemple la plus grande préva-
lence de la splénomégalie rapportée au paludisme en Afrique subsaharienne [12].
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CHAPITRE
19
Vasculopathie cérébrale
drépanocytaire
Diagnostic précoce, prévention
Points clés
■
En l’absence de détection et de prévention, le risque d’accident vasculaire
cérébral (AVC) avant l’âge de 18 ans est de 11 % [1].
■
L’écho-Doppler transcrânien (EDTC) permet la détection des enfants à
risque d’AVC chez lesquels un programme transfusionnel abaisse le risque
à moins de 2 % [2].
■
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale détecte les lésions
ischémiques infracliniques pourvoyeuses d’atteinte cognitive, qui sont le
témoin de la sévérité de la maladie.
■
La présence d’une vasculopathie cérébrale justifie d’intensifier le traite-
ment par programme transfusionnel, hydroxyurée ou greffe de cellules
souches hématopoïétiques selon les indications et les possibilités.
Physiopathologie
■ Il s’agit d’une artériopathie sténotique progressive des grosses artères céré-
brales : artères cérébrales moyennes cérébrales antérieures et carotides internes
dans leur portion intracrânienne mais aussi cervicale, pouvant aboutir à l’AVC
ischémique par baisse de la pression de perfusion, apport insuffisant d’oxygène,
hypodébit ou occlusion artérielle dont le pic de fréquence se situe entre 3 et 7 ans.
■ L’anémie est responsable d’une augmentation du débit sanguin cérébral avec
accélération et perturbation du flux au niveau du siphon carotidien, de la terminai-
son de l’artère carotide interne et des plicatures de la carotide interne cervicale, ce
qui favorise l’atteinte endothéliale avec hyperplasie de l’intima-media aboutissant à la
sténose (figure 19.1).
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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142 Les atteintes chroniques d’organe
Diagnostic précoce
■ L’écho-Doppler transcrânien (EDTC) est une technique non invasive (figure 19.3a,b)
qui permet de détecter les enfants drépanocytaires à haut risque d’AVC [6].
■ Les vitesses sont maximales entre 3 et 7 ans (figure 19.4), âge où le risque d’AVC
est maximal [7].
Figure 19.4. Évolution des vitesses (TAMV) selon l’âge chez les enfants drépanocytaires.
Les vitesses sont maximales entre 3 et 7 ans, âge auquel le risque d’AVC ischémique est
maximal. Les vitesses chez les enfants SS/Sβ0 sont toujours plus élevées que chez les
enfants SC/Sβ+. ACM : ACM : artères cérébrales moyennes.
Source : Françoise Bernaudin, Suzanne Verlhac (cohorte CHI Créteil).
■ Trente pour cent des enfants SS/Sβ0 sont concernés par l’apparition d’un EDTC
pathologique avant l’âge de 9 ans alors que les enfants SC/Sβ+ ne développent pas
d’EDTC pathologique (figure 19.5) [7].
Figure 19.8. Incidence cumulée des lésions ischémiques infracliniques selon l’âge
chez les enfants SS/Sβ0 et SC/Sβ+.
Chez les enfants SS/Sβ0, l’incidence cumulée des patients avec lésions ischémiques est
de 37 % à 14 ans. Les enfants SC/Sβ+ développent également des lésions ischémiques
dans l’enfance.
Source : Françoise Bernaudin (cohorte CHI Créteil).
Vasculopathie cérébrale drépanocytaire 147
Prévention
■ La détection de vitesse pathologique (TAMV ≥ 200 cm/s) intra- ou extracrâ-
nienne impose de contrôler la NFS le même jour (figure 19.9). Si le taux d’hémo-
globine (Hb) correspond au taux basal, il convient d’organiser rapidement la mise
en route d’un programme transfusionnel mensuel visant à maintenir le taux d’Hb
entre 9 et 11 g/dl et l’HbS < 30 % de l’hémoglobine totale [2]. En cas d’anémie
aiguë détectée par la NFS, on organise une transfusion unique avec un contrôle
de l’EDTC à 1 et 3 mois, et le programme mensuel s’impose si les vitesses restent
pathologiques.
■ La prise en charge des patients à risque par programme transfusionnel permet
de réduire le risque d’AVC avant l’âge de 18 ans à moins de 2 % [7].
■ L’IRM/ARM cérébrale avec étude des artères cervicales sera réalisée après trois
transfusions pour une meilleure qualité des images et pour protéger l’enfant des
complications de la sédation qui peut être nécessaire à la réalisation de cet exa-
men [7].
■ En cas de normalisation des vitesses (< 170 cm/s) et en l’absence de sténose
à l’ARM, la sortie du programme transfusionnel avec relais par un traitement par
hydroxyurée peut être proposé, sous réserve d’une bonne observance et après
une période de chevauchement d’au moins 3 mois. L’EDTC doit être surveillé tous
les 3 mois. Le programme transfusionnel sera repris en cas de récidive de vitesses
anormales (TAMV ≥ 200 cm/s) [10]. Chez l’enfant plus jeune, les vitesses risquant
d’augmenter encore, il est conseillé de poursuivre les transfusions jusqu’à l’âge de
5 ans au moins.
■ Des vitesses limites (TAMV 170-199 cm/s) imposent une surveillance étroite
trimestrielle et incitent à débuter un traitement par hydroxyurée.
■ Dans les artères carotides internes extracrâniennes, dans lesquelles les vitesses
sont inférieures aux intracrâniennes, la vitesse ≥ 200 cm/s impose le programme
transfusionnel prolongé. Les vitesses comprises entre 1 et 199 cm/s, souvent asso-
ciées à une sténose, justifient la réalisation d’une IRM/ARM cérébrale avec étude
des artères cervicales et imposent, en cas de mise en évidence d’une sténose, le
démarrage d’un programme transfusionnel [9]. En l’absence de sténose, l’hydro-
xyurée peut être proposée.
■ La mise en évidence de lésions ischémiques à l’IRM en l’absence de sténoses
justifie une intensification de traitement par hydroxyurée permettant d’améliorer
l’anémie chronique et de réduire le risque d’anémie aiguë.
■ La présence d’une vasculopathie cérébrale est une indication de typage HLA
familial à la recherche d’un donneur géno-identique.
■ Seule la greffe permet une interruption sécuritaire des programmes trans-
fusionnels et/ou de l’hydroxyurée [11].
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CHAPITRE
20
Maladie du foie
et des voies biliaires
Points clés
■
L’atteinte hépatique ou biliaire est fréquente. Elle peut être grave (cholé-
cystite), voire fatale (insuffisance hépatique aiguë).
■
La présence de bilirubine conjuguée est toujours anormale.
■
L’échographie abdominale doit être réalisée en première intention, pour
rechercher un calcul.
■
La cholécystectomie est recommandée dès l’apparition de calculs vésicu-
laires.
■
La crise hépatique ne doit pas être confondue avec une crise vaso-
occlusive abdominale. Elle nécessite un traitement urgent par échange
transfusionnel.
Atteinte biliaire
Rappels de physiologie
■ La sécrétion et l’excrétion de la bile, dans les voies biliaires puis l’intestin, sont
des fonctions majeures et vitales du foie.
■ La bile est composée de lipides, d’acides biliaires et de solutés organiques (pro-
duits finaux du métabolisme, bilirubine, etc.), en équilibre dans l’eau.
■ La bilirubine est un produit de dégradation de l’hémoglobine, circulant dans le
sang sous forme non conjuguée, puis conjuguée dans le foie, et excrétée dans la
bile. Normalement, il n’y a pas de bilirubine conjuguée dans le sang.
Lithiase biliaire
■ La formation de calculs est due au déséquilibre des composés de la bile : excès
de bilirubine (hémolyse chronique), et précipitation de bilirubinate de calcium,
surtout dans la vésicule biliaire (là où la bile stagne) [1].
■ Les calculs sont expulsés dans le canal cystique puis le cholédoque, quand la
vésicule biliaire se vide au moment des repas.
Complications de la lithiase
■ Colique hépatique : un calcul bloqué dans le canal cystique entraîne une
contraction pour l’expulser, ce qui est responsable d’une douleur sous-hépatique
irradiant à l’épaule, coupant le souffle, calmée par l’immobilité et augmentée par
l’inspiration (« hépatique apathique »).
■ Cholécystite : c’est une infection de la bile vésiculaire autour de calculs, entraî-
nant un sepsis avec coliques hépatiques, et parfois une majoration de l’ictère.
■ Cholangite (angiocholite) : un calcul peut se bloquer dans le cholédoque,
entraînant des signes d’obstacle (colique hépatique, majoration de l’ictère, urines
foncées) et de sepsis en cas de surinfection.
■ Pancréatite : un calcul migrant dans le bas du cholédoque peut obstruer le
canal de Wirsung, entraînant une douleur intense, transfixiante, parfois associée à
des signes généraux sévères.
Cholangiopathie
■ La physiopathologie est celle d’une ischémie biliaire chronique, à l’origine de
lésions fibrosantes des voies biliaires intra- et extrahépatiques, ressemblant à une
cholangite sclérosante primitive. D’autres facteurs, immunologiques ou génétiques,
peuvent être impliqués [2].
■ On retrouve des signes de cholestase (gêne à l’écoulement de la bile). Les
risques sont la cholangite (stase biliaire) et l’évolution vers la cirrhose biliaire
secondaire.
Examens complémentaires
Biologie
■ Bilirubine conjuguée dans le sang = cholestase (encadré 20.1).
■ Augmentation des GGT (gamma-glutamyl-transférase) : enzymes de l’épithé-
lium biliaire (encadré 20.2).
■ Augmentation variable des transaminases : surtout les ALAT (alanine amino-
transférases) – les ASAT (aspartate aminotransférases) se trouvent aussi dans les
hématies, et sont souvent élevées du fait de l’hémolyse (encadré 20.3).
■ Rechercher des signes d’infection (protéine C réactive [CRP], hémocultures).
Maladie du foie et des voies biliaires 153
Radiologie
■ Échographie en première intention : diagnostic et localisation d’un calcul, paroi
de la vésicule biliaire (épaissie ?), voies biliaires (dilatation ?), pancréas.
■ Cholangio-IRM en cas de cholangiopathie suspectée : aspect de l’arbre biliaire
(sténoses et dilatations ?).
Encadré 20.1
Diagnostic d’un ictère à bilirubine conjuguée cholestatique
■
Obstacle sur la voie biliaire principale : calcul
■
Infection biliaire : cholécystite, cholangite
■
Maladie hépatique :
– crise drépanocytaire hépatique
– hépatite virale aiguë
– hépatite auto-immune
– hépatite toxique
Encadré 20.2
Diagnostic d’une augmentation des GGT (enzymes
de l’épithélium biliaire)
■
Peu élevées : toutes maladies hépatiques
■
Très élevées :
– cholécystite
– obstacle sur la voie biliaire principale
– cholangite
Encadré 20.3
Diagnostic d’une augmentation des transaminases
■
ASAT isolées : hémolyse
■
Peu élevées (± 100-200 UI) :
– surcharge en fer, hépatite toxique
– hépatite chronique B ou C, « virus de passage » (cytomégalovirus, virus d’Epstein-
Barr, adénovirus, etc.)
– crise drépanocytaire hépatique
– hépatite auto-immune
■
Très élevées (400 - > 2 000 UI) :
– hépatite virale aiguë A ou E
– hépatite toxique
– hépatite auto-immune
– crise drépanocytaire hépatique
154 Les atteintes chroniques d’organe
Prévention
La prévention repose sur :
■ une échographie annuelle à partir de 6 ans pour dépister les calculs vésiculaires ;
■ une cholécystectomie préventive dès l’apparition de calculs, après préparation
transfusionnelle.
Atteinte hépatique
Atteinte secondaire à la drépanocytose
Crise vaso-occlusive (CVO) hépatique
■ Cette forme de CVO est due à l’occlusion aiguë des sinusoïdes par les drépano-
cytes.
■ Elle ressemble à une CVO abdominale : douleurs abdominales, mais de l’hypo-
chondre droit, souvent associées à une hépatomégalie (encadré 20.4) et à une
Encadré 20.4
Diagnostic d’une hépatomégalie
Hépatomégalie aiguë
■
Crise drépanocytaire hépatique
■
Séquestration hépatique (très rare)
■
Hépatite virale aiguë
Hépatomégalie chronique
■
Recherche d’une tumeur :
– hépatoblastome : 6 mois-4 ans
– hépatocarcinome : grand enfant, ou hépatite B chronique
– hyperplasie nodulaire focale : bénigne, adolescente
– rare : foie « pseudo-tumoral » drépanocytaire
■
Cirrhose compliquant la maladie – rare chez l’enfant :
– hépatite B chronique, hémosidérose, hépatite auto-immune
Maladie du foie et des voies biliaires 155
Encadré 20.5
Diagnostic d’une anomalie de la coagulation
■
Facteurs II, VII, X : dépendants de la vitamine K
■
Demi-vie : VII < II < V
■
Si diminution II et VII, avec V normal :
– carence en vitamine K : cholestase (vitamines liposolubles malabsorbées) ?
– début d’insuffisance hépatique : crise drépanocytaire sévère ? hépatite aiguë ?
■
Si diminution V, avec II et VII peu abaissés :
– consommation périphérique : coagulation intravasculaire disséminée (CIVD),
splénomégalie, thromboses vasculaires
Cholestase intrahépatique
■ C’est une forme particulière, rare, de crise hépatique, avec ictère cholestatique
majeur, sans insuffisance hépatique [3, 7].
■ Les complications de la cholestase chronique sont la malabsorption des
graisses (malnutrition) et des vitamines liposolubles.
■ Le traitement repose sur des échanges transfusionnels, une alimentation
hypercalorique et des vitamines A, D, E, K.
Séquestration hépatique
■ Cette atteinte est très rare, avec une hépatomégalie douloureuse aiguë, une
anémie aiguë, et parfois une cholestase.
■ Le traitement consiste en une transfusion en urgence.
Complications iatrogènes
Hépatites virales
■ Hépatite B : elle est endémique en Afrique, en Asie et dans le bassin médi-
terranéen. La transmission est plus fréquemment néonatale que parentérale.
156 Les atteintes chroniques d’organe
L’évolution est chronique en cas d’infection précoce. Les complications sont très rares
dans l’enfance : cirrhose, hépatocarcinome. Un traitement par analogues nucléos(t)
idiques est rarement indiqué.
■ Hépatite C : la transmission est parentérale (transfusions en Afrique) ou mater-
nofœtale (rare). Les complications sont exceptionnelles dans l’enfance : cirrhose.
Le traitement par antiprotéases est efficace chez l’adulte, avec peu de recul.
Certaines sont disponibles chez l’adolescent depuis 2019.
■ Pour toutes les hépatites virales chroniques, il faut limiter au maximum la
consommation d’alcool.
Surcharge en fer
■ La surcharge en fer est due aux transfusions répétées plus qu’à l’hémolyse chro-
nique. Le risque à long terme est la cirrhose.
■ L’évaluation repose sur la ferritine (peu spécifique) et l’IRM hépatique avec
mesure de la charge en fer [9].
■ Chélation : orale (déférasirox), sous-cutanée (déféroxamine).
Toxicité médicamenteuse
■ Les principaux traitements pouvant être responsables d’une toxicité hépatique
sont les chélateurs oraux, les antalgiques (paracétamol à doses suprathérapeu-
tiques) et les antituberculeux (à doses thérapeutiques).
■ Un risque d’évolution fulminante existe.
Hépatites virales A et E
■ Ces virus à transmission entérale sont endémiques en zones tropicales. Le
virus E est endémique en France métropolitaine, et il existe de petites épidémies
de virus A.
■ On retrouve des signes digestifs, une hépatomégalie, une augmentation des
transaminases, parfois une majoration de l’ictère avec bilirubine conjuguée.
■ Hépatite A fulminante : 0,1 % si ictère ; augmentation de l’ictère, coagulopathie.
Maladie du foie et des voies biliaires 157
Biopsie hépatique
Si une biopsie est nécessaire (suspicion d’hépatite auto-immune, discussion
de traitement pour une hépatite virale chronique), elle doit être réalisée après
un échange transfusionnel, et ce quel que soit le taux d’HbS (risque majeur
d’accident) [6].
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CHAPITRE
21
Hypertension pulmonaire
Points clés
■
L’échographie cardiaque est un examen de dépistage de l’hypertension
pulmonaire, mais seul le cathétérisme cardiaque permet d’affirmer le
diagnostic et de poser les indications d’un traitement spécifique.
■
L’hypertension pulmonaire de l’enfant drépanocytaire est d’origine mul-
tifactorielle, et ne correspond le plus souvent pas à une hypertension
artérielle pulmonaire.
■
La découverte d’une hypertension pulmonaire nécessite une évaluation
multidisciplinaire.
■
L’optimisation de la prise en charge de la maladie drépanocytaire et
des éventuelles comorbidités respiratoires associées permet le plus
souvent une normalisation des signes échographiques d’hypertension
pulmonaire.
■
Un cathétérisme cardiaque n’est discuté qu’en cas de persistance de
signes échographiques, après optimisation thérapeutique.
Définition
La définition de l’HTP a évolué parallèlement aux connaissances acquises sur les
paramètres hémodynamiques mesurés en population contrôle et sur les signifi-
cations pronostiques des valeurs anormales. Cette définition a été révisée en 2018
[1, 2]. Comme chez l’adulte, l’HTP de l’enfant est désormais définie par une pres-
sion artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) > 20 mmHg.
Le caractère précapillaire de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), isolée
ou associée à d’autres pathologies, est défini par des résistances vasculaires pul-
monaires indexées sur la surface corporelle (pulmonary vascular resistance index
[PVRI]) ≥ 3 WU.m2. Les pressions capillaires bloquées sont basses, inférieures ou
égales à 15 mmHg [1].
Diagnostic
Si le diagnostic peut être suspecté par l’échographie cardiaque, sa confirmation
nécessite un cathétérisme cardiaque avant toute décision thérapeutique [1].
L’échocardiographie permet de visualiser des signes indirects d’HTP et de mesu-
rer le flux de régurgitation tricuspide (tricuspide regurgitant velocity [TRV]) qui a
été montré comme bien corrélé à la PAPm chez les sujets sains. Le seuil de TRV
> 2,5 m/s (correspondant à + 2 DS chez les adultes) est le plus utilisé. Dans la
drépanocytose, toutefois, un TRV élevé n’est que très partiellement corrélé à une
HTP prouvée par cathétérisme, avec une valeur prédictive positive retrouvée à
25 % par Parent et al. [3].
Le NT-pro-BNP est parfois utilisé pour affiner la prédiction échographique.
Chez l’enfant, il n’y a pas d’étude de corrélation entre l’échographie et le cathété-
risme, et le seuil de TRV > 2,5 m/s est utilisé à défaut de données plus précises.
Le cathétérisme doit être réalisé dans des centres pédiatriques expérimentés,
capables de prendre charge les potentielles complications associées à cette explo-
ration [1]. Ce n’est que dans les formes sévères d’HTP, avec un risque estimé trop
élevé de complication grave lors du cathétérisme, qu’un traitement pourra être
initié pour stabiliser l’enfant, sous surveillance spécialisée [1].
L’évaluation complète des HTP permet de les classer en cinq groupes physiopa-
thologiques [2]. L’HTP mesurée dans la drépanocytose appartient au groupe 5
des HTP, d’origine multifactorielle [1]. Chez l’adulte, les résultats obtenus dans
différentes cohortes montrent des profils identiques : élévation modérée de la
PAPm, entre 30 et 60 mmHg, débit cardiaque élevé et élévation très modérée
des résistances vasculaires pulmonaires, restant dans la plupart des cas inférieure
au seuil de définition de l’HTAP [4]. Les quelques études autopsiques ne mon-
trent des lésions vasculaires pulmonaires d’HTAP que pour une minorité de cas.
Hypertension pulmonaire 161
Physiopathologie
La pathogénie de l’HTP au cours de la drépanocytose PH n’est pas claire et sou-
vent multifactorielle. Les principaux facteurs impliqués sont des mécanismes
thrombo-emboliques chroniques, les conséquences d’une splénectomie, un débit
cardiaque élevé, une dysfonction du cœur gauche et une hyperviscosité [4].
L’hémolyse chronique joue un rôle probablement essentiel dans l’HTP des drépa-
nocytaires, et de nombreuses études ont montré une corrélation entre l’intensité
de l’hémolyse et les pressions pulmonaires, que ce soit chez l’adulte [6] ou chez
l’enfant [7]. Plusieurs mécanismes sont évoqués [8] :
■ l’hémolyse libère de l’arginase 1, qui va inhiber la synthèse de novo de
monoxyde d’azote (NO), et de l’hémoglobine qui consomme le NO, induisant
la formation de dérivés réactifs de l’oxygène. La dysfonction endothéliale induite
par ces mécanismes est responsable d’une vasoconstriction, d’une prolifération
cellulaire et induit un stress oxydatif vasculaire ;
■ la privation en NO, associée à l’adénosine diphosphate (ADP) également libé-
rée par l’hémolyse, mène à une activation des plaquettes et de la coagulation au
niveau local ;
■ le stress oxydatif vasculaire dégrade l’hémoglobine en hème libre plasmatique
qui est reconnu par les TLR (Toll-like receptors) et induit une inflammation asep-
tique. Celle-ci est aggravée par la compensation médullaire qui active l’inflamma-
some, induisant la sécrétion d’interleukine 1β (IL-1β), pro-inflammatoire ;
■ l’hyperdébit cardiaque est provoqué par l’anémie chronique et est respon-
sable d’un aspect échographique d’hypertension pulmonaire sans élévation réelle
des RVP.
Une atteinte postcapillaire contribue également à l’élévation des pressions pulmo-
naires, secondaire à une dysfonction cardiaque diastolique gauche qui augmente
les pressions veineuses pulmonaires. Celle-ci est fréquente dans la drépanocytose.
Elle est due à une hypertrophie ventriculaire gauche dont le mécanisme principal
semble être une hypertension artérielle systémique relative chez les patients dré-
panocytaires.
162 Les atteintes chroniques d’organe
Données épidémiologiques
En se fondant sur l’échographie, la prévalence de l’HTP est en moyenne de 30 %
chez l’adulte et de 21 % chez l’enfant d’après la méta-analyse de Caughey et al. [9].
Les facteurs de risque retrouvés comme associés à une HTP sont variables suivant
les études. La sévérité de l’anémie hémolytique, évaluée par le taux d’hémoglo-
bine de base, de LDH, de bilirubine ou de réticulocytes, est souvent rapportée
comme le facteur de risque principal d’HTP [8]. Dans une méta-analyse, l’âge était
le seul paramètre corrélé à l’HTP [9]. Toutefois, parmi les indicateurs d’hémolyse,
cette méta-analyse ne considérait que le taux d’hémoglobine, mais pas les autres
marqueurs cités précédemment.
Plusieurs études ont également montré une moindre prévalence de l’HTP chez
les patients SC ou Sβ+ que chez les patients SS. La majorité des études n’ont
montré aucune association entre l’HTP et les antécédents de crise vaso-occlusive
(CVO) ou de syndrome thoracique aigu (STA) en analyse multivariée [8]. L’asso-
ciation entre hypoxémie et HTP chez l’enfant drépanocytaire est controversée.
Une saturation basse de l’hémoglobine est fréquemment observée chez l’enfant
[10–13], mais l’association avec une augmentation de la vitesse de régurgitation
tricuspide est inconstante selon les séries. Une association entre élévation de la
TRV et apnées obstructives du sommeil a également été montrée chez l’enfant
drépanocytaire [14]. La recherche d’une hypoxémie nocturne, associée ou non à
un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, reste néanmoins une démarche
diagnostique nécessaire chez un enfant drépanocytaire avec HTP.
Conséquences et évolution
Chez l’adulte, l’augmentation de la TRV est prédictive du risque de mortalité,
avec toutefois une forte hétérogénéité des odds ratio (OR) des différentes études
[9]. Chez l’enfant, en revanche, aucune étude n’a montré une augmentation de
la mortalité. Il a cependant été établi par Gordeuk et al. chez 160 enfants dré-
panocytaires SS qu’une TRV élevée était associée à un risque plus important de
dégradation du test de marche de 6 minutes à 22 mois (OR = 4,4 p = 0,015 ; risque
de perdre 10 % ou plus de la distance initiale au test de marche) [15]. Cette dimi-
nution a été retrouvée chez les adultes. Une protéinurie a également été observée
avec une plus grande fréquence chez les enfants avec HTP [16].
Conclusion
Les connaissances sur les mécanismes de l’hypertension pulmonaire (HTP) de
l’enfant drépanocytaire sont encore incomplètes mais montrent de nettes dif-
férences avec l’HTP chez l’adulte. Une normalisation spontanée des anomalies
échographiques est fréquemment observée chez l’enfant. Un cathétérisme car-
diaque diagnostique et un traitement spécifique doivent se discuter lorsqu’une
HTP persiste malgré une optimisation de la prise en charge de la maladie drépa-
nocytaire et des éventuelles comorbidités associées.
Références
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CHAPITRE
22
Complications
ostéoarticulaires
Pierre Mary
Points clés
■
Les crises vaso-occlusives (CVO) osseuses se situent surtout en zone
métaphysaire et touchent tous les os.
■
Les ostéomyélites sont 50 fois moins fréquentes que les CVO et survien-
nent le plus souvent sur un segment osseux ayant déjà subi des CVO.
■
Toute boiterie, douleur et/ou limitation de mobilité de hanche impose de
réaliser une radiographie du bassin de face.
■
La nécrose ischémique de l’épiphyse supérieure du fémur est favorisée
par sa vascularisation précaire et non anastomotique.
■
Toute nécrose ischémique de la tête fémorale nécessite un avis orthopé-
dique spécialisé car il existe des possibilités de chirurgie conservatrice.
Syndrome pied-main
■ Ce syndrome touche les enfants entre 6 mois et 2 ans. Avant 6 mois, le nourris-
son est protégé par un taux élevé d’hémoglobine fœtale. Au-delà de 2 ans, les
métacarpiens et métatarsiens n’ont plus de moelle rouge, ce qui réduit le risque
de faire une crise vaso-occlusive (CVO).
■ La présentation clinique est celle d’une grosse main ou d’un gros pied doulou-
reux, inflammatoire, avec parfois de la fièvre.
■ La radiographie initialement est normale et non nécessaire au diagnostic. Par la
suite apparaissent des appositions périostées.
■ Ce type d’atteinte ne laisse pas de séquelle et pose peu de problème diagnos-
tique. Le traitement est symptomatique (antalgiques, hydratation) [2].
Crises vaso-occlusives
■ Les CVO touchent préférentiellement les os longs, mais aussi les vertèbres, les
côtes, les os du crâne.
■ Elles sont dues à des occlusions vasculaires au niveau de la microcirculation.
Les atteintes sont plutôt métaphysaires car les réseaux anastomotiques présents
en zone diaphysaire protègent au moins au début de l’évolution de la maladie (la
répétition des accidents vaso-occlusifs modifie au fur et à mesure le mode de vas-
cularisation et réduit les anastomoses).
■ Elles se manifestent par des douleurs très violentes, empêchant toute mobi-
lisation. Une hyperthermie est souvent associée. Localement, le segment atteint
est sensible à la palpation et peut être chaud et inflammatoire. Un épanchement
réactionnel est possible au niveau de l’articulation de proximité.
■ La radiographie est normale à la phase aiguë et ne doit pas être réalisée car inutile
au diagnostic. Puis des appositions périostées régulières, des zones de clarté et de sclé-
rose intra-osseuse apparaissent lors de la répétition des CVO de même localisation.
■ L’importance des douleurs impose souvent d’avoir recours à des antalgiques
puissants de type morphinique. L’enfant est réhydraté soit oralement, soit par voie
parentérale. La zone douloureuse est immobilisée.
Infections ostéoarticulaires
■ Les infections ostéoarticulaires sont le plus fréquemment des ostéomyélites.
Les arthrites septiques vraies sont rares, les épanchements réactionnels fréquents.
Elles surviennent très souvent au niveau de segments osseux dont la microcircu-
lation a été endommagée par de multiples CVO.
■ Le tableau clinique est sensiblement le même que celui d’une CVO. La dou-
leur est intense, localisée et fixe. La fièvre est généralement élevée et le syndrome
inflammatoire est théoriquement un peu plus marqué que dans une CVO.
Complications ostéoarticulaires 169
ou associant les deux (figure 22.2). Pour pouvoir être réalisées, ces interventions
nécessitent que la hanche soit bien souple et puisse se recentrer ; une période de
traction préopératoire est parfois indispensable. Elles nécessitent également une
préparation médicale et transfusionnelle précise [8].
Les résultats de ces traitements sont encourageants sur la douleur et sur le remo-
delage de l’épiphyse fémorale [9].
Références
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CHAPITRE
23
Complications
ophtalmologiques
Points clés
■
La rétinopathie proliférante est la complication potentiellement cécitante
la plus fréquente chez l’adulte drépanocytaire ; elle est rare chez l’enfant.
Elle prédomine dans les formes SC. Elle est asymptomatique jusqu’au stade
des complications qui peuvent être prévenues par un traitement laser.
■
Un fond d’œil annuel est recommandé à partir de 6 ans dans la drépano-
cytose SC et 10 ans dans la drépanocytose SS.
■
Toute baisse d’acuité visuelle brutale, même indolore, est une urgence
ophtalmologique.
■
Les complications ischémiques maculaires aiguës sont une cause non
exceptionnelle de perte indolore de la vision dans la drépanocytose SS
chez l’enfant.
Rétinopathie drépanocytaire
Épidémiologie
■ La rétinopathie drépanocytaire (RD) proliférante est rare avant 18 ans : 8,2 %
chez les SC, 0,6 % chez les SS [1].
■ Les cas de RD proliférante les plus précoces ont été rapportés à l’âge de 8 ans
dans le génotype SC [2] et de 13 ans dans le génotype SS [3].
■ Les principaux facteurs de risque associés au développement d’une RD prolifé-
rante sont les suivants [4] :
• le génotype (SC > SS > Sβ-thalassémique) ;
• l’âge et le sexe : chez les patients SC, le pic d’incidence de la RD proliférante
est entre 15 et 24 ans pour les hommes versus 25 et 39 ans pour les femmes,
alors qu’il est situé entre 25 et 39 ans dans les deux sexes chez les patients SS.
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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174 Les atteintes chroniques d’organe
Physiopathologie
■ La falciformation des hématies résulte en l’occlusion d’artérioles rétiniennes.
■ La souffrance pariétale vasculaire provoque la survenue d’hémorragies réti-
niennes.
■ L’occlusion vasculaire périphérique et l’ischémie sectorielle d’aval qui en résulte
favorisent les connexions entre artérioles et veinules terminales adjacentes, puis la
sécrétion de facteurs pro-angiogéniques fait apparaître des lésions néovasculaires
à la frontière entre rétine perfusée et non perfusée.
■ Les néovaisseaux peuvent saigner ou se rétracter et provoquer un décollement
de la rétine sous-jacente.
Dépistage
■ La réalisation d’un fond d’œil annuel avec dilatation pupillaire est recommandée
à partir de l’âge de 6 ans chez les patients SC et de 10 ans chez les patients SS [6].
■ Les indications de l’angiographie rétinienne à la fluorescéine ne sont pas
consensuelles. L’imagerie grand champ du fond d’œil, examen photographique
non invasif, permet une bonne visualisation de la rétine périphérique et est de
plus en plus réalisée en routine, diminuant les indications de l’angiographie. Celle-
ci reste utile dans les cas suivants [7] : mauvaise visualisation de la périphérie réti-
nienne au fond d’œil et lésion rétinienne suspecte de RD proliférante.
Complications ophtalmologiques 175
Prise en charge
■ Une prise en charge thérapeutique n’est recommandée qu’à partir du stade III
de RD proliférante.
■ Les lésions de RD non proliférante ainsi que les stades I et II sont asymptoma-
tiques et régressent généralement de manière spontanée. La surveillance annuelle
reste la règle.
■ Les sea-fans du stade III sont traités par photocoagulation au laser Argon.
Un contrôle du fond d’œil quelques semaines après permettra de s’assurer de
l’efficacité du traitement et de l’absence de complication (déchirure rétinienne)
[6–8].
176 Les atteintes chroniques d’organe
Références
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CHAPITRE
24
Transfusion
érythrocytaire
Indications et complications
potentielles
Points clés
■
La transfusion est un point majeur de la prise en charge des patients dré-
panocytaires : 90 % des patients sont transfusés au moins une fois avant
l’âge de 18 ans.
■
La décision de transfuser repose sur un faisceau d’éléments : le taux
d’hémoglobine, mais aussi de réticulocytes, la tolérance clinique, le
groupe sanguin et d’éventuels antécédents d’allo-immunisation.
Introduction
Les buts de la transfusion dans la drépanocytose sont soit d’augmenter le taux
d’hémoglobine (Hb) et donc la capacité de transport d’O2, ce qui peut être effec-
tué par une transfusion simple, soit de remplacer des globules rouges falciformés
rigides par des globules rouges déformables pour restaurer le flux sanguin, ce qui
peut être obtenu par une transfusion simple ou un échange transfusionnel.
Un échange transfusionnel associe une transfusion et une saignée, ce qui réduit le
pourcentage d’hémoglobine S (HbS) tout en limitant l’augmentation de l’hémato-
crite. On sait en effet qu’une augmentation de l’hématocrite au-dessus d’environ 35 %
induit une hyperviscosité sanguine et une diminution de la distribution d’O2 aux
tissus, diminution modulée par la vitesse de circulation et la taille des vaisseaux [1].
Transfusion en urgence
Correction d’une anémie aiguë
La transfusion a pour but de remonter le taux d’Hb à sa valeur habituelle, sans la
dépasser pour éviter une hyperviscosité potentiellement délétère [3]. La décision
transfusionnelle repose sur un faisceau d’éléments :
■ le taux d’Hb (il est rare qu’on ait besoin de transfuser un patient qui a plus de 6 g/dl) ;
■ la rapidité de constitution de l’anémie et l’importance de la chute d’Hb (on ne
transfuse généralement pas quand le taux d’Hb n’est pas inférieur d’au moins 2 g
au taux habituel) ;
■ la tolérance clinique (objectivée notamment par le fréquence cardiaque) ;
■ la réponse réticulocytaire (elle est en règle insuffisante pour pallier l’anémie
quand les réticulocytes sont inférieurs à 200 G/L) ;
■ l’existence d’une défaillance d’organe associé (syndrome thoracique aigu [STA]
notamment) qui plaide pour transfuser.
Enfin, un groupe sanguin rare ou un antécédent d’allo-immunisation sont de forts
arguments pour réduire au minimum les indications transfusionnelles.
Les principales indications sont :
■ une séquestration splénique aiguë (urgence vitale). Il faut être attentif à ne
cibler en post-transfusionnel que le taux d’Hb basal, et pas un chiffre plus haut, car
la rate relargue dans la circulation de nombreux globules rouges après résolution
de la séquestration ;
■ une infection à parvovirus B19 avec érythroblastopénie ;
■ une aggravation de l’hémolyse lors d’un épisode infectieux (notamment un
accès palustre en Afrique) ou une crise vaso-occlusive.
Transfusions chroniques
Les transfusions chroniques ont pour but de réduire en permanence le taux d’HbS
en dessous d’un certain seuil.
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CHAPITRE
25
Allo-immunisation
anti-érythrocytaire
et hémolyse
post-transfusionnelle
retardée
Points clés
■
Les patients drépanocytaires ont un risque accru d’allo-immunisation
anti-érythrocytaire post-transfusionnelle. Les indications de la trans-
fusion érythrocytaire doivent donc toujours être soigneusement pesées.
■
Les principaux facteurs de risque d’allo-immunisation anti-érythrocytaire
chez un patient drépanocytaire sont un antécédent d’allo-anticorps,
d’autoanticorps, une transfusion en contexte inflammatoire, et le nom-
bre de concentrés érythrocytaires reçus.
■
La recherche d’anticorps irréguliers (RAI) doit être contrôlée 3 semaines
à 3 mois après chaque transfusion érythrocytaire (période ou une allo-
immunisation post-transfusionnelle a la plus forte probabilité d’être
détectée) et avant toute nouvelle transfusion. Conformément aux bonnes
pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), une épreuve
directe de compatibilité au laboratoire, entre le plasma du patient et les
hématies du donneur, est fortement recommandée, que le patient drépa-
nocytaire soit allo-immunisé ou non.
■
Une RAI négative de même qu’une épreuve directe de compatibilité
négative ne signifient pas l’absence totale de risque immunologique au
niveau transfusionnel.
■
Avant toute transfusion, il est impératif de récupérer l’ensemble des don-
nées immuno-hématologiques du patient (y compris les résultats de RAI
réalisées dans d’autres régions).
■
Des urines foncées, un tableau de crise vaso-occlusive, une anémie bru-
tale dans le mois (et a fortiori dans les 2 semaines) suivant une transfusion
doivent en priorité faire évoquer le diagnostic d’hémolyse post-trans-
fusionnelle retardée.
■
Une hémolyse post-transfusionnelle doit être prise en charge dans un
service expert, en évitant le plus possible de retransfuser l’enfant. Le syn-
drome d’hyperhémolyse, correspondant à la destruction des hématies
transfusées et d’une partie des propres hématies du patient (Hb post-
transfusionnelle < Hb prétransfusionnelle), représente une menace pour
le pronostic vital.
■
Le conseil transfusionnel pour les patients ayant un antécédent d’hémo-
lyse post-transfusionnelle, de poly-allo-immunisation, ou ayant un
groupe sanguin rare est complexe et repose sur une concertation entre
les médecins « drépanocytologues » et les médecins du site transfusion-
nel, avec l’aide possible du Centre national de référence pour les groupes
sanguins (CNRGS).
Introduction
■ L’allo-immunisation anti-érythrocytaire post-transfusionnelle correspond à la
formation, par le receveur d’un produit sanguin contenant des globules rouges,
d’un anticorps dirigé contre un antigène érythrocytaire du donneur dont il est
dépourvu. Un patient de phénotype D négatif a ainsi entre 20 et 30 % de risque
de s’immuniser contre l’antigène D s’il est transfusé avec du sang D positif.
■ Ses trois caractéristiques fondamentales sont qu’elle est imprévisible (même
si certains antigènes sont plus immunogènes que d’autres et que certains facteurs
génétiques favorisants ont été mis en évidence), irréversible et variable dans le temps.
■ La concentration des allo-anticorps varie en réponse aux stimulations antigé-
niques, et une nouvelle transfusion avec un concentré érythrocytaire incompa-
tible peut réactiver un anticorps « infrasérologique » (notamment un anti-Jka ou
un anti-Jkb dont la cinétique de « disparition » est très rapide) et être responsable
de la survenue d’une hémolyse post-transfusionnelle retardée (HPTR), poten-
tiellement fatale. Cela correspond au phénomène d’évanescence des anticorps au
cours du temps, avec le risque d’une RAI et d’une épreuve directe de compatibilité
faussement négatives.
■ La présence d’allo-anticorps anti-érythrocytaires a ainsi été identifiée comme un
facteur de risque de décès dans une cohorte de patients drépanocytaires adultes [1].
Allo-immunisation anti-érythrocytaire et hémolyse post-transfusionnelle retardée 189
Mécanismes de l’allo-immunisation
anti-érythrocytaire dans la drépanocytose
■ La prévalence de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire rapportée dans la
littérature est variable, mais globalement très élevée chez les patients drépanocy-
taires [2, 3].
■ Elle est la conséquence du polymorphisme des antigènes de groupe sanguin
immunogènes sur la membrane des globules rouges et de l’important écart phé-
notypique entre les donneurs de sang, majoritairement originaires d’Europe de
l’Ouest, et les receveurs, majoritairement d’origine afro-antillaise.
■ Un certain nombre de particularités immunohématologiques caractérisent en
effet les populations afro-antillaises, décrites ci-après.
■ Une transfusion en contexte inflammatoire est à plus haut risque [5, 9], ce
qui explique en partie que les taux d’allo-immunisation rapportés au nombre de
concentrés érythrocytaires soient moins élevés chez les patients en programme
d’échanges transfusionnels que chez ceux ne recevant que des transfusions ponc-
tuelles [3].
■ Une corrélation positive entre l’âge des concentrés érythrocytaires transfusés
et la survenue d’une allo-immunisation anti-érythrocytaire a été rapportée [10].
■ Enfin, le fait d’être suivi dans plusieurs centres serait associé à un risque accru
d’allo-immunisation [3], ce qui souligne l’intérêt d’une centralisation des données
immunohématologiques pour l’ensemble des patients.
■ La prévalence de l’allo-immunisation varie beaucoup selon les pays en fonc-
tion des modalités transfusionnelles et de la possibilité d’aller au-delà de la simple
compatibilité ABO et RH1.
■ La plupart des pays africains n’ont pas la possibilité de faire le test de RAI, et
beaucoup de patients transfusés en Afrique sont allo-immunisés.
■ Chez l’enfant, une étude publiée en 2017 a retrouvé une prévalence d’allo-anti-
corps anti-érythrocytaires (anticorps naturels irréguliers exclus) de 7,4 % chez des
enfants drépanocytaires suivis en France et transfusés au moins une fois [3].
ne pas faire précéder l’intervention par une transfusion, mais de maximiser les
autres précautions anesthésiques (réchauffement, hydratation, suivi postopéra-
toire prolongé). Si l’intervention est à haut risque hémorragique (chirurgie de la
hanche, du rachis par exemple), on conseille de faire précéder la chirurgie par
deux injections de rituximab, 1 mois et 15 jours avant la chirurgie, et de ne réaliser
de transfusion qu’en cas de réelle nécessité pendant l’intervention.
■ Certains centres pratiquent le génotypage, partiel ou plus complet, des groupes
sanguins chez les patients drépanocytaires et donneurs d’origine afro-antillaise en
vue d’appliquer le principe de génocompatibilité [16], du fait de la fréquence des
variants phénotypiques, variants alléliques (en particulier au niveau du gène RHCE)
et des phénotypes rares. Il a été montré qu’un génotypage qualifié de « standard »
associé à un génotypage des gènes RHD et RHCE conduirait à une modification
de la conduite transfusionnelle chez 34 % des enfants drépanocytaires [17]. Le
rapport coût/efficacité d’une telle stratégie rendue systématique demeure cepen-
dant encore en cours d’évaluation. Une nouvelle approche prometteuse consiste
à réaliser un séquençage à haut débit ciblé sur les principaux gènes de groupes
sanguins (targeted exome sequencing) [18], mais la systématisation d’une telle
pratique se confronte encore à plusieurs obstacles, en particulier sur le plan éco-
nomique, éthique et des nécessaires compétences en bio-informatique.
Références
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CHAPITRE
26
Hémochromatose
post-transfusionnelle
et chélation du fer
Slimane Allali
Points clés
■
La surcharge en fer des patients drépanocytaires est la conséquence
directe des transfusions itératives.
■
Elle concerne essentiellement le foie et peut être à l’origine de cirrhoses
hépatiques.
■
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) hépatique est la méthode
non invasive de référence pour évaluer la surcharge martiale chez les
patients drépanocytaires, la ferritine plasmatique étant un outil simple
mais limité par son manque de spécificité.
■
Les deux principaux traitements chélateurs utilisés chez les patients
drépanocytaires sont la déféroxamine (Desféral®) qui nécessite des
perfusions sous-cutanées quotidiennes de 8 à 12 heures, 5 à 7 jours par
semaine, et le déférasirox (Exjade®) qui a l’avantage de s’administrer par
voie orale en une prise quotidienne.
■ Elle concerne essentiellement le foie et très peu les autres organes, le cœur étant
relativement épargné, à la différence de ce qui est observé dans la thalassémie [2, 3].
■ Elle est directement liée au nombre de concentrés érythrocytaires transfusés
et au protocole transfusionnel, les échanges transfusionnels étant moins pour-
voyeurs de surcharge martiale que les transfusions simples [4].
■ Les échanges transfusionnels par érythraphérèse exposent à un risque de sur-
charge martiale plus faible que celui des échanges manuels, mais ils nécessitent le
recours à un nombre plus élevé de concentrés érythrocytaires [5].
■ Un millilitre de concentré érythrocytaire apporte 1,08 mg de fer. Les volumes
transfusés doivent être consignés dans le dossier transfusionnel afin de pouvoir
estimer la quantité totale de fer apportée [6].
■ Le lien de causalité entre surcharge en fer et mortalité est difficile à établir dans
la drépanocytose car les patients avec la surcharge martiale la plus importante
sont ceux dont la sévérité de la maladie a motivé le recours à un programme
transfusionnel au long cours [7, 8].
■ Il a toutefois été rapporté une incidence accrue de cirrhose hépatique secon-
daire à la surcharge en fer sur des autopsies réalisées chez des patients drépanocy-
taires décédés à l’âge adulte [9].
surtout une excrétion biliaire du fer et son efficacité sur l’atteinte hépatique est
comparable à celle de la déféroxamine. Afin d’en améliorer la palatabilité et les
modalités de prise, les comprimés dispersibles ont récemment été remplacés par
des comprimés pelliculés dont la posologie est inférieure à la posologie antérieure
du fait d’une meilleure biodisponibilité.
■ La tolérance du déférasirox est généralement bonne, mais il peut entraîner
des troubles digestifs et cutanés, une augmentation de la créatinine plasmatique
(chez un tiers des patients), ainsi qu’une cytolyse hépatique imposant parfois une
interruption du traitement. Une surveillance rapprochée (hebdomadaire le pre-
mier mois puis mensuelle) de la créatinine, de la protéinurie et des transaminases
est nécessaire.
■ La déféroxamine et le déférasirox nécessitent une surveillance annuelle de
l’audiogramme et de l’acuité visuelle (avec fond d’œil) en raison de leur potentielle
toxicité neurosensorielle.
■ L’instauration précoce d’un traitement par chélateurs oraux serait associée à
une amélioration de la survie globale dans la drépanocytose [15].
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CHAPITRE
27
Traitement par
hydroxyurée
Points clés
■
L’hydroxyurée est un traitement majeur de la prise en charge des patients
drépanocytaires car il diminue dans la très grande majorité des cas la
fréquence des crises douloureuses, des syndromes thoraciques aigus et
les besoins transfusionnels.
■
Sa tolérance est excellente à court et à moyen terme.
■
Une surveillance de la numération-formule sanguine (NFS) est recom-
mandée tous les 2 mois.
■
Il existe une incertitude concernant les conséquences à long terme sur
la spermatogenèse. Cette incertitude explique qu’en Europe on préfère
proposer ce traitement uniquement pour les formes symptomatiques de
la maladie.
Introduction
■ L’hydroxyurée (ou hydroxycarbamide) est un agent cytostatique utilisé depuis
plus de 30 ans (gélules d’Hydréa®) pour traiter les syndromes myéloprolifératifs de
l’adulte.
■ L’observation que ce médicament augmente la synthèse de l’hémoglobine
fœtale (HbF) a amené à le prescrire chez les patients drépanocytaires, car un taux
élevé d’HbF est associé à une forme moins sévère de la maladie.
■ En France, l’hydroxyurée a obtenu une autorisation de mise sur le marché
(AMM) dans la drépanocytose, chez l’adulte et chez l’enfant, sous la forme de
comprimés de Siklos®.
Anémie
■ Une augmentation du taux d’hémoglobine et une réduction des besoins
transfusionnels, par probable atténuation de l’hyperhémolyse, ont été montrées
sous hydroxyurée [2, 3].
■ Il existe un consensus professionnel fort pour traiter par hydroxyurée les
enfants dont le taux d’hémoglobine de base est inférieur à 7 g/dl [4].
Autres indications
■ Ces autres indications ne reposent pas sur des essais randomisés mais sur l’hypo-
thèse qu’en augmentant la production d’HbF, en améliorant la rhéologie et en dimi-
nuant l’inflammation chronique, l’hydroxyurée limiterait les défaillances d’organes.
■ On a ainsi proposé ce traitement à des enfants ayant un infarctus cérébral silen-
cieux, une micro-albuminurie [10], ou une élévation de la fuite tricuspide faisant
craindre le développement ultérieur d’une hypertension artérielle pulmonaire [11].
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CHAPITRE
28
Greffe de cellules souches
hématopoïétiques
Jean-Hugues Dalle
Points clés
■
La greffe de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement
curatif disponible pour la drépanocytose.
■
Elle est réservée actuellement aux formes sévères, SS et Sβ0-thalasé-
mique.
■
Elle ne concerne pas les formes SC ni les formes Sβ+-thalassémiques.
■
Les résultats sont confirmés en situation géno-identique (à partir d’un
frère ou d’une sœur HLA-identique non atteint), avec une survie globale
autour de 92 à 95 %, survie sans maladie > 90 % [1, 2].
■
Le donneur peut être drépanocytaire hétérozygote.
■
Les risques de séquelles sont liés à l’intensité du conditionnement de
greffe et à la maladie du greffon contre l’hôte.
■
Un suivi au long terme est indispensable [3].
■
Il est nécessaire de discuter les indications en réunion de concertation
multidisciplinaire nationale.
■
Des greffes alternatives (donneur non apparenté, patients moins sévères,
conditionnement non myélo-ablatif, comorbidité, greffe préemptive)
sont indiquées uniquement dans le cadre de protocoles prospectifs.
Indications
Indications consensuelles
Ces indications sont définies dans les protocoles nationaux de diagnostics et
de soins (PNDS) « Syndromes drépanocytaires majeurs de l’enfant et de l’ado-
lescent » : patients présentant une vasculopathie cérébrale symptomatique ou
asymptomatique ou présentant des crises vaso-occlusives ou des syndromes tho-
raciques aigus à répétition malgré la mise en route d’un traitement bien conduit
par hydroxycarbamide. Il faut noter, d’une part, que ce PNDS date de 2010 et,
d’autre part, qu’il laisse la porte ouverte à « toute autre indication, au cas par cas »,
à la condition que cela soit discuté collégialement [4].
Des recommandations issues de conférences d’experts ou de sociétés scientifiques
proposent des indications plus larges :
■ recommandations du groupe pédiatrique de la Société européenne de greffe
de moelle et de thérapie cellulaire (Pediatric Diseases Working Group de l’Euro-
pean Bone Marrow Transplantation society) : la greffe doit être proposée en
situation géno-identique pour tout patient drépanocytaire d’âge pédiatrique et
symptomatique sans plus de précision sur l’intensité et le type de symptômes [5] ;
■ opinions d’experts américains élargissant les indications en situation géno-
identiques aux patients présentant des ostéonécroses avasculaires ou une hyper-
tension artérielle pulmonaire [6–9].
Indications discutées
Les indications discutées sont les suivantes :
■ séquestrations spléniques ;
■ non-observance thérapeutique sous hydroxycarbamide ;
■ maladie suffisamment sévère pour indiquer une intensification thérapeutique
par hydroxycarbamide, programme d’échanges transfusionnels, ou allogreffe. Cer-
tains placent sur un même plan ces trois attitudes et estiment nécessaire de les
discuter globalement avec les patients et leur famille.
Des situations récurrentes tendent à faire consensus bien que non encore forma-
lisées : dépendance à un programme d’échanges transfusionnels ; inefficacité d’un
traitement par hydroxycarbamide bien conduit et bien pris.
Indication « maximaliste »
Le concept de greffe « préemptive » est proposé à tout patient drépanocytaire SS
ou Sβ0 ayant un donneur HLA-identique :
■ arguments en faveur d’une telle attitude :
• sévérité de la maladie drépanocytaire à l’âge adulte, y compris chez des patients
peu symptomatiques ou asymptomatiques durant l’enfance et l’adolescence ;
Greffe de cellules souches hématopoïétiques 213
Âge à la greffe
■ La majorité des patients sont greffés avant la puberté.
■ Les résultats des équipes françaises sont comparables avant et après 16 ans [10].
■ Les résultats internationaux montrent un facteur pronostique favorable statis-
tiquement significatif d’un âge de greffe < 12 ans [2].
Choix du donneur
■ Plus de 90 à 95 % des greffes rapportées à ce jour (> 1 000) ont été réalisées à
partir d’un frère ou d’une sœur HLA-identique (identité 10/10 en biologie molé-
culaire haute définition pour les groupes HLA A, B, C, DR et DQ) [2].
■ L’expérience à partir de donneurs non apparentés est limitée et décevante :
• faible représentation des haplotypes HLA des patients drépanocytaires
dans les registres internationaux de donneurs limitant les chances d’identifica-
tion de donneurs phéno-identiques 10/10 ;
• très faible nombre de patients greffés en 9 et 10/10 non apparentés avec un
taux d’échecs élevé (rejet de greffe, décès de toxicité, maladie sévère du greffon
contre l’hôte) et des résultats globaux insuffisamment satisfaisants pour une
pathologie non maligne [11] ;
• échecs globaux des greffes de sang placentaire non apparenté (étude
rétrospective de l’EBMT et essai SCURT) : environ 50 % de rejet et des décès de
toxicité [12, 13].
■ Il existe des protocoles prospectifs de recours à un donneur parental haplo-
identique (un seul haplotype HLA en commun entre le donneur et le patient). De
premiers résultats intéressants ont été publiés par une équipe de Baltimore. Des
essais prospectifs sont en cours pour les valider [14, 15].
Effets secondaires
Les effets secondaires sont les suivants :
■ toxicité aiguë muqueuse très délabrante ;
■ pancytopénie profonde et prolongée avec risque d’infection potentiellement
létale ;
■ toxicité chronique avec essentiellement un risque majeur d’hypofertilité voire
de stérilité nécessitant impérativement la mise en place de techniques de préser-
vation de la fertilité avant toute procédure de greffe chez le patient drépanocy-
taire [18, 19] :
• cryopréservation de sperme chez l’adolescent pubère (Tanner > 3) ;
• cryopréservation de cortex ovarien ± ovocytes chez la fillette et l’adoles-
cente ;
• cryopréservation de pulpe testiculaire chez le garçon avant la puberté
(expérimental).
Greffe de cellules souches hématopoïétiques 215
Conclusion
L’allogreffe est actuellement le seul traitement curatif de la drépanocytose. Les
résultats obtenus en situation géno-identique sont parmi les meilleurs toutes indi-
cations confondues. Cependant, du fait de la toxicité de la procédure, des résis-
tances perdurent parmi certains professionnels, tandis que d’autres plaident pour
un recours plus large à la greffe soit pour des patients paucisymptomatiques, soit
pour des patients n’ayant pas de donneurs géno-identiques et une forme sévère
de la maladie. Le développement de techniques de greffe alternatives et l’avène-
ment de la thérapie génique sont susceptibles d’encore intensifier les débats dans
les années à venir.
216 Thérapeutique
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CHAPITRE
29
Thérapie génique
Points clés
■
La thérapie génique correspond à une autogreffe de cellules souches
hématopoïétiques génétiquement modifiées.
■
Elle constitue une alternative de traitement des patients drépanocytaires
sévères en l’absence de possibilité de greffe de moelle osseuse HLA-
identique.
Introduction
■ La thérapie génique consiste en l’introduction dans des cellules d’une informa-
tion génétique nouvelle. Elle confère aux cellules ainsi traitées de nouvelles pro-
priétés biologiques capables soit de soigner peut-être définitivement une maladie
génétique ou acquise, soit d’en améliorer les symptômes cliniques.
■ L’introduction d’une nouvelle information génétique se fait par l’intermédiaire
d’un vecteur, une construction virale non pathogène (figure 29.1).
■ Des succès thérapeutiques ont été observés pour des pathologies immuni-
taires monogéniques et plus récemment pour certaines hémoglobinopathies
dont la drépanocytose.
Historique
La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) est le seul traitement curatif
de la drépanocytose. À ce jour, la majorité des greffes de CSH sont réalisées avec
des donneurs intrafamiliaux HLA compatibles (géno-identiques). Alors que la
population drépanocytaire est faiblement représentée dans le registre de donneurs
de moelle internationaux, les greffes réalisées dans les contextes de donneurs non
apparentés ou haplo-identiques (partiellement compatibles) sont sanctionnées de
plus fortes morbidité et mortalité, avec notamment un plus haut risque de compli-
cations liées à la procédure de greffe allogénique (conflit immunologique, rejet).
La drépanocytose de l’enfant et l’adolescent
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220 Thérapeutique
Procédure de soins
La thérapie génique, dans le cadre de la drépanocytose, est une greffe de CSH
autologues génétiquement modifiées ayant la capacité de produire une lignée
érythroïde pouvant exprimer une hémoglobine thérapeutique.
Procédure de greffe
La procédure a les caractéristiques suivantes :
■ conditionnement requis pour la prise des cellules souches autologues moins
toxique avec utilisation d’un seul médicament cytotoxique ;
■ injection aux patients de leurs propres CSH génétiquement corrigées ;
■ gestion vigilante de l’aplasie médullaire en attendant la reconstitution hémato-
logique ;
■ pas de traitement immunosuppresseur ;
■ pas de risque de réaction du greffon contre l’hôte, ni de rejet de greffe ;
■ pas de risque d’infections au long cours, pas de problème de reconstitution
immunitaire au long cours.
Résultats
Les résultats cliniques de la thérapie génique dans la drépanocytose sont
encore limités et des essais cliniques sont actuellement en cours de recrute-
ment pour des patients atteints de thalassémie transfusion-dépendante ou
de drépanocytose.
L’indication actuelle de la thérapie génique dans les protocoles de recherche clinique
est le patient drépanocytaire sévère n’ayant pas de donneur compatible disponible.
Le premier patient atteint de drépanocytose ayant bénéficié d’une thérapie
génique a été traité selon le protocole français HGB-205 et cela a été rapporté
Thérapie génique 223
dans les détails il y a un peu plus de 2 ans. Plus de 4 ans après la ré-injection des
CSH génétiquement modifiées, l’hémoglobine totale est stable à 12 g/dl consti-
tuée pour moitié de l’HbS endogène et pour l’autre moitié de l’hémoglobine
thérapeutique. Le niveau important de correction des globules rouges a permis la
correction de tous les symptômes cliniques et des signes biologiques qui accom-
pagnent habituellement cette anémie.
Alors que les résultats dans la bêta-thalassémie sont encourageants avec une
correction des phénotypes cliniques, d’autres essais cliniques chez les patients
drépanocytaires ont obtenu des résultats décevants, avec obtention d’un niveau
d’hémoglobine thérapeutique insuffisant pour modifier le cours de la maladie. Les
raisons possibles de ces échecs sont multiples et variables :
■ impact néfaste de la pathologie médullaire sur la qualité des CSH ;
■ niveau insuffisant de myéloablation ;
■ niveau de correction des cellules hématopoïétiques réinjectées insuffisant.
Plusieurs essais cliniques avec différents vecteurs sont en cours, mais leurs résul-
tats ne sont pas encore disponibles.
Malgré ces progrès indiscutables obtenus par l’addition dans le génome d’une
copie fonctionnelle d’hémoglobine, des progrès sont encore nécessaires afin
d’augmenter l’expression du transgène dans la drépanocytose, car des niveaux
élevés d’hémoglobine thérapeutique semblent nécessaires pour empêcher les
effets délétères de l’HbS.
L’optimisation du choix des éléments enhanceurs, les propriétés antifalciformation
de nouvelles chaînes similaires-bêta, la qualité du prélèvement de CSH ainsi que leur
niveau de correction sont des éléments clés pour permettre d’améliorer les résultats.
Perspectives
■ À l’image des autres domaines d’application de la thérapie génique (déficit
immunitaire, maladies hématologiques, maladies métaboliques ou traitement
anticancérologique), le génie génétique par gene editing permet en théorie une
capacité infinie d’actions.
■ Les stratégies actuelles évaluent les capacités de la thérapie génique à ajouter
un gène alors que l’on ne retire pas la mutation en cause, ni n’ajoute de nouvelle
capacité en dehors de la chaîne bêta de l’hémoglobine.
■ D’autres approches font l’objet d’une littérature scientifique florissante et repo-
sent sur des stratégies de réexpression de l’HbF ou de correction de la mutation S
par édition du génome (figure 29.2).
224 Thérapeutique
R U
Rate, 135 Urines
Rénales, atteintes, drépanocytose et, 125 ––défaut d'acidification des, 128
Répercussions psychiques, 47 ––défaut de concentration des, 126
Réseau de soins, 30
Rétinopathie drépanocytaire proliférante, 173 V
Risque génétique, 11 Vaccinal, rattrapage, 34
Vaccination(s), 59
S ––prévention des infections et, 96
Salmonelle, 92 ––voyage et, 66, 70
Séquestration Vasculopathie cérébrale, 4, 141
––hépatique, 155 ––transfusion et, 183
––splénique Vaso-occlusion, 2, 79
–– – aiguë, 88, 136 Voyage
–– – chronique, 136 ––conseils sanitaires et, 65
Splénomégalie, 137 ––équipement sanitaire de, 71
Staphylococcus aureus, 92 ––préparation du, 66
Streptococcus pneumoniae, 92, 138 ––vaccinations et, 70