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CINQUANTE
NUANCES PLUS
SOMBRES
De : Anastasia Steele
Objet : Bonne nuit, fais de beaux
rêves
Date : 10 juin 2011 00:12
A : Christian Grey
Eh bien, puisque c'est si joliment
demandé, et j'aime beaucoup cette
menace délicieuse, je vais me blottir
contre l'iPad que tu m'as si gentiment
offert et je vais m'endormir en me
promenant dans la British Library et
en écoutant de la musique qui parle
pour toi.
Ana
De : Christian Grey
Objet : C'est tout ce que tu as mangé
? Date : 10 juin 2011 08:36 À :
Anastasia Steele
Tu peux faire mieux. Il va te falloir
de l'énergie pour me supplier.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.
De : Anastasia Steele
Objet : Autoritaire comme un patron
Date : 13 juin 2011 09:03
À : Christian Grey
Cher monsieur Grey,
Me demandez-vous de m'installer
chez vous ? Et, bien sûr, je me
rappelle que l'étendue de votre
surveillance sans limite doit rester
secrète pendant encore quatre
semaines. Dois-je faire un chèque à
l'ordre de « Faire face ensemble » et
l'envoyer à votre père ? Je vous en
prie, n'effacez pas ce message. Je vous
en prie, répondez-y. JTM
Anastasia Steele
Assistante de jack Hyde, Éditeur, SIP
— Ana !
La voix de Jack me fait
sursauter.
— Oui, dis-je en rougissant.
Jack fronce les sourcils dans
ma direction.
— Tout va bien ?
— Bien sûr.
Je me lève maladroitement et
me rends dans son bureau avec
mon bloc-notes.
— Bien. Comme vous le savez
sûrement, je me rends jeudi à
New York pour ce Salon de la
fiction. J'ai les billets et les
réservations, mais je
souhaiterais que vous
m'accompagniez.
— À New York ?
— Oui. Nous devrons partir
mercredi et passer la nuit là-
bas. Je pense que cette
expérience pourrait être
enrichissante pour vous.
Ses yeux s'assombrissent en
prononçant ces paroles, mais
son sourire reste poli.
— Pourriez-vous vous occuper
d'organiser ce déplacement ? Et
réserver une chambre de plus à
l'hôtel où je séjourne ? Je pense
que Sabrina, mon assistante
précédente, a dû laisser toutes
les informations nécessaires
quelque part.
— D'accord.
Je souris à Jack d'un air las.
Merde. Je retourne lentement à
mon bureau. M. Cinquante
Nuances risque de ne pas bien le
prendre -mais la vérité, c'est que
j'ai envie d'y aller. C'est une
véritable occasion et je suis
certaine de pouvoir garder Jack
à distance s'il a des arrière-
pensées. De retour devant mon
ordinateur, je trouve une
réponse de Christian.
De : Christian Grey
Objet : moi, autoritaire comme un
patron ? Date : 13 juin 2011 09:07 À :
Anastasia Steele
Oui. S'il te plaît.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.
De : Anastasia Steele
Objet : Pas de majuscules criardes en
caractères gras, dès le lundi matin !
Date : 13 juin 2011 09:30 À :
Christian Grey
Pourrons-nous en parler également
ce soir ? Bises
Anastasia Steele
Assistante de Jack Hyde, Éditeur, SIP
De : Christian Grey
Objet : Tu ne m'as pas encore
entendu crier Date : 13 juin 2011
09:35 À : Anastasia Steele
Dis-moi.
Si c'est avec ce vicelard avec lequel
tu travailles, alors la réponse est non,
il faudra me passer sur le corps.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.
De : Anastasia Steele
Objet : C'est TOI qui ne m'as pas
encore entendue crier Date : 13 juin
2011 09:46 A : Christian Grey
Oui. C'est avec Jack.
Je veux y aller. C'est une occasion en
or pour moi. Et je ne suis jamais allée
à New York. Cool, Raoul !
Anastasia Steele
Assistante de Jack Hyde, Éditeur, SIP
De : Christian Grey
Objet : C'est TOI qui ne m'as pas
encore entendue crier Date : 13 juin
2011 09:35 À : Anastasia Steele
Anastasia,
Ce n'est pas Raoul qui m'inquiète
dans cette histoire. Merde !
La réponse est NON.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.
— Non !
Je crie devant mon ordinateur
et tous les employés se
retournent et me dévisagent.
Jack passe la tête à la porte de
son bureau.
— Tout va bien, Ana ?
— Oui. Désolée. Je... n'ai pas
sauvegardé un document.
Je suis rouge écarlate. Il me
sourit, mais avec une expression
intriguée. Je prends plusieurs
profondes inspirations et je tape
rapidement une réponse. Je suis
tellement en colère.
De : Anastasia Steele Objet :
Cinquante Nuances Date : 13 juin
2011 09:55 À : Christian Grey
Christian,
Il faut que tu te reprennes.
Je ne vais PAS coucher avec Jack - pas
pour tout l'or du monde. C'est toi que
j'aime. C'est ce qui se passe quand
deux personnes s'aiment.
Elles se font confiance.
Je ne pense pas que tu vas COUCHER
AVEC, FESSER, BAISER ou FOUETTER
quelqu'un d'autre. J'ai FOI en toi et je
te fais CONFIANCE.
Je te prie de me rendre la même
POLITESSE. Ana
Anastasia Steele
Assistante de Jack Hyde, Éditeur, SIP
De : Anastasia Steele
Objet : Gloussante - et humide elle
aussi
Date : 14 juin 2011 09:42
À : Christian Grey
Mon cher Complètement et
Absolument Choqué,
Continuellement.
J'ai du travail.
Cesse de m'importuner.
Ta Folle et Insatiable de Sexe (qui
t'aime)
De : Anastasia Steele
Objet : Un visiteur des climats
ensoleillés
Date : 14 juin 2011 14:55
À : Christian Grey
Mon très cher Complètement &
Absolument FdA et CC, Ethan est
arrivé et il passe au bureau pour
prendre les clés. J'aimerais vraiment
m'assurer qu'il est bien installé.
Pourquoi ne viendrais-tu pas me
chercher après le travail ? On pourrait
passer à l'appartement puis aller tous
ensemble dîner peut-être ?
C'est moi qui invite ?
Ton Ana qui...
Toujours Folle et Insatiable de Sexe
Anastasia Steele
Assistante de Jack Hyde, Editeur, SIP
Bordel de merde.
Elle est là qui me fixe d'un
regard vide, une arme à la main.
Ma conscience s'évanouit
brutalement et je doute que les
sels puissent la réveiller.
Je cligne plusieurs fois des
yeux tandis que mon cerveau se
met à turbiner. Comment est-
elle entrée ? Où est Ethan ?
Bordel ! Où est Ethan ?
Un froid glacial et insidieux
m'enserre le cœur, mon crâne
est parcouru de picotements, et
tous mes cheveux se dressent de
terreur. Et si elle lui avait fait du
mal ? Ma respiration s'accélère
tandis l'adrénaline et l'angoisse
me paralysent à mesure qu'elles
envahissent mon corps. Reste
calme, reste calme, je me répète
à la manière d'un mantra.
Elle incline la tête sur le côté,
m'examinant comme si je
participais à une foire aux
monstres. Seigneur, là, ce n'est
pas moi le monstre.
J'ai l'impression que toutes ces
réflexions ont pris une éternité
mais, en réalité, il ne s'est passé
qu'une fraction de seconde.
L'expression de Leila reste
indifférente et son apparence est
plus minable et négligée que
jamais. Elle porte toujours le
même imperméable crasseux et
semble avoir besoin d'une bonne
douche. Ses cheveux sont
graisseux et plats, collés sur son
crâne, et ses yeux, d'un marron
terne, sont voilés et vaguement
confus.
En dépit de ma bouche sèche,
j'essaie de parler.
— Salut. Leila, c'est ça ? dis-je
d'une voix éraillée.
Elle sourit et la manière dont
elle retrousse les lèvres est
vraiment inquiétante.
— Elle parle, murmure-t-elle
d'une voix à la fois douce et
rauque, plutôt étrange.
— Oui, je parle, dis-je
gentiment comme si je
m'adressais à une enfant. Tu es
toute seule ?
Où est Ethan ? Mon cœur
s'emballe à l'idée qu'il pourrait
lui être arrivé quelque chose.
Son visage se décompose, au
point que je crois qu'elle va
pleurer - elle a l'air si
malheureuse.
— Seule, chuchote-t-elle.
Seule.
Et la profonde tristesse
contenue dans ce mot me
déchire le cœur. Que veut-elle
dire ? Je suis seule ? Elle est
seule ? Elle est seule parce
qu'elle a blessé Ethan ? Oh...
non... Je dois lutter contre la
peur qui me serre la gorge et les
larmes qui menacent de couler.
— Que fais-tu ici ? Je peux
t'aider ?
Je m'exprime calmement en
dépit de mon angoisse. Elle
fronce les sourcils, visiblement
déstabilisée par mes questions.
Mais elle n'a aucun élan de
violence envers moi. Sa main est
toujours détendue sur l'arme. Je
change de sujet en tâchant
d'oublier que tous mes cheveux
sont dressés sur ma tête.
— Tu veux un thé ?
Pourquoi est-ce que je lui
propose un thé ? C'est la
réponse de Ray à toute situation
émotionnelle qui refait surface
de manière inappropriée.
Seigneur, il aurait une attaque
s'il me voyait là. Son
entraînement militaire aurait
pris le dessus et il l'aurait déjà
désarmée. Mais elle ne me vise
pas vraiment. Peut-être que je
peux bouger... Elle secoue la tête
et la penche d'un côté puis de
l'autre comme si elle s'étirait le
cou.
Je prends une longue
inspiration qui m'emplit les
poumons pour essayer d'apaiser
ma panique et je me dirige vers
l'îlot de la cuisine. Elle hausse
les sourcils comme si elle ne
comprenait pas très bien ce que
je fais et se déplace un peu pour
me faire face. Je prends la
bouilloire et, les mains
tremblantes, je la remplis au
robinet. Je respire plus
calmement en m'affairant. Oui,
si elle voulait me tuer, elle
aurait déjà tiré. Elle m'observe
avec une curiosité détachée et
amusée. Alors que j'allume le
gaz sous la bouilloire, je suis
assaillie par l'image d'Ethan.
Est-ce qu'il est blessé ? Ligoté ?
— Il y a quelqu'un d'autre dans
l'appartement ? dis-je d'une voix
hésitante.
Elle incline sa tête de l'autre
côté et, de sa main droite, celle
qui ne tient pas le revolver, elle
saisit une mèche dises longs
cheveux gras et se met à la
tortiller et à la triturer. C'est de
toute évidence un tic nerveux et,
même si ce geste détourne mon
attention, je suis une nouvelle
lois frappée par notre
ressemblance. Retenant mon
souffle, j'attends sa réponse, au
paroxysme de l'angoisse.
— Seule. Toute seule, répète-t-
elle.
Voilà qui est rassurant. Ethan
n'est peut-être pas là, Le
soulagement me redonne du
courage.
— Tu es sûre de ne pas vouloir
un thé ou un café ?
— Je n'ai pas soif, répond-elle
doucement en avançant d'un
pas prudent vers moi.
Le courage qui m'était revenu
m'abandonne de nouveau.
Bordel ! Je me mets à trembler.
Je sens courir la peur, épaisse et
crue, dans mes veines. Malgré
tout cela, je me tourne pour
prendre deux tasses dans le
placard.
— Qu'as-tu que je n'ai pas ?
demande-t-elle d'un ton
enfantin.
— Qu'entends-tu par là, Leila ?
dis-je aussi doucement que
possible.
— Le Maître, M. Grey, il te
laisse l'appeler par son nom.
— Je ne suis pas sa soumise,
Leila. Euh... le Maître a compris
que je suis incapable et inapte à
tenir ce rôle.
Elle penche la tête de l'autre
côté. C'est un geste tout à fait
déroutant qui n'a rien de
naturel.
— In-a-pte.
Elle s'essaie à prononcer ce
mot, comme si elle voulait voir ce
qu'il donne dans sa bouche.
— Mais le Maître est heureux.
Je l'ai vu. Il rit et sourit. Ces
réactions sont rares... très rares
chez lui.
Oh.
— Tu me ressembles.
Leila me prend par surprise en
changeant de cap, ses yeux
semblent véritablement se
concentrer sur moi pour la
première fois.
— Le Maître aime les femmes
obéissantes qui nous
ressemblent. Les autres, toutes
les mêmes... toutes les mêmes...
Et pourtant toi, tu dors dans son
lit. Je t'ai vue.
Merde ! Elle était dans la
chambre. Je ne l'ai donc pas
rêvé.
— Tu m'as vue dans son lit ?
— Je n'ai jamais dormi dans le
lit du Maître, murmure-t-elle.
Elle est comme une apparition
irréelle et misérable. Une moitié
de personne. Elle a l'air si faible
que, malgré l'arme qu'elle tient,
je suis soudain submergée de
compassion. Sa main se crispe
autour du revolver et j'écarquille
les yeux au point qu'ils
menacent" de me sortir de la
tête.
— Pourquoi le Maître nous
aime-t-il ainsi ? Cela me fait
penser à quelque chose...
quelque chose... Le Maître est
sombre... Le Maître est un
homme sombre, mais je l'aime.
Non, non, il n'est pas ce qu'elle
dit. Je me hérisse à l'intérieur. Il
n'est pas sombre. C'est un
homme bon, il n'est pas dans
l'obscurité. Il m'a rejointe dans
la lumière. Et maintenant la
voilà, elle, qui essaie de l'attirer
de nouveau avec cette idée
tordue qu'elle l'aime.
— Leila, tu veux bien me
donner cette arme ? dis-je
doucement.
Sa main agrippe le revolver et
le presse contre sa poitrine.
— Elle est à moi. C'est tout ce
qui me reste. Elle caresse
affectueusement l'arme.
— Afin qu'elle puisse être avec
son amour.
Merde ! Quel amour - Christian
? J'ai l'impression d'avoir reçu
un coup de poing dans le ventre.
Je sais qu'il va débarquer d'ici
peu de temps pour savoir ce qui
me retarde. Est-ce qu'elle a en
tête de lui tirer dessus ? Cette
perspective est tellement
horrible que je sens des nœuds
se former douloureusement dans
ma gorge m'étouffant presque,
s'accordant à la boule de terreur
tapie dans mon estomac.
À point nommé, la porte s'ouvre
en grand et Christian apparaît
sur le seuil, Taylor sur ses
talons.
Après un coup d'œil rapide à la
scène, Christian me détaille de
la tête aux pieds et je remarque
une petite étincelle de
soulagement passer sur son
visage. Un soulagement de
courte durée quand ses yeux se
posent sur Leila. Il la fusille du
regard, sans ciller, avec une
intensité
que je ne lui ai jamais vue. Un
regard de fou, à la fois furieux et
effrayé. Oh non... oh non.
Leila écarquille les yeux et, un
moment, il semble que la raison
lui revient. Elle cligne
rapidement des paupières tandis
que sa main se resserre une fois
de plus sur l'ai me Mon souffle
se coince dans ma gorge et mon
cœur se met à battre si fort que
j'entends le sang battre dans
mes oreilles. Non non non !
Mon univers vacille, en
équilibre précaire entre Les
mains de cette pauvre femme
malade. Va-t-elle tirer ? Sur
nous deux ? Juste sur Christian
? Cette pensée me paralyse.
Mais au bout d'une éternité,
alors que le temps s'est arrêté
autour de nous, Leila penche
légèrement la tête et observe
Christian à travers ses longs cils
avec une mine contrite.
Christian lève une main,
indiquant à Taylor de ne pas
bouger. La pâleur de Taylor
trahit sa fureur. Je ne l'ai jamais
vu comme ça. Mais il ne bronche
pas pendant que Christian et
Leila se font face.
Je retiens mon souffle. Que va-
t-elle faire ? Et lui ? Mais ils se
contentent de se regarder. Le
visage de Christian est empreint
d'une émotion inconnue,
primitive. Ce pourrait être de la
pitié, de la peur, de l'affection
ou... de l'amour ? Non, je vous
en prie, pas de l'amour !
Christian transperce Leila du
regard et, avec une lenteur
insupportable, l'atmosphère de
l'appartement change. La
tension s'accroît. Je peux sentir
leur connexion, leur fébrilité à
tous les deux.
Non ! Soudain, j'ai l'impression
d'être l'intruse, de m'immiscer
dans leur échange. Je suis une
étrangère -une voyeuse qui
espionne une scène intime et
interdite derrière des rideaux
clos.
Les yeux intenses de Christian
s'embrasent davantage et sa
posture se modifie légèrement. Il
semble plus grand, plus
anguleux d'une certaine
manière, plus froid et plus
lointain. Je reconnais cette
attitude. Je l'ai déjà vu ainsi -
dans la salle de jeux.
Mon crâne est de nouveau
parcouru de picotements. C'est
le Christian Dominant et il a l'air
tellement à l'aise dans ce rôle...
.Je ne sais si cela lui est venu
naturellement ou s'il s'agit d'un
rôle de composition, mais c'est le
cœur serré et l'estomac en vrac
que j'observe Leila : ses lèvres
s'entrouvrent, sa respiration
s'emballe alors que ses joues
rougissent. Non ! C'est un
aperçu tellement gênant de son
passé, un pan de sa vie
insupportable à regarder.
Il finit par articuler
silencieusement un mot que je
ne comprends pas. Mais l'effet
est immédiat. Leila se laisse
tomber à genoux, la tête baissée,
et l'arme lui échappe et va
échouer, inutile, sur le parquet.
Bordel de merde.
Christian avance calmement
vers l'endroit où gît le revolver et
se penche avec souplesse pour le
ramasser. Il l'examine avec un
dégoût non dissimulé avant de le
glisser dans sa poche. Puis il
jette un autre regard à Leila
alors qu'elle est agenouillée
docilement près de l'îlot de la
cuisine.
— Anastasia, sors avec Taylor !
m'ordonne-t-il. Taylor passe le
seuil et me regarde.
— Ethan, je murmure.
— En bas.
Il me répond sur un ton
détaché sans quitter Leila des
yeux.
En bas. Pas ici. Ethan va bien.
Le soulagement déboule avec
fulgurance dans mon sang et, un
instant, je manque de
m'évanouir.
— Anastasia, répète Christian
d'un ton sévère.
Je cligne des yeux et suis
soudain incapable du moindre
geste. Je ne veux pas le laisser
là - le laisser avec elle. Il se
place à côté de Leila agenouillée
à ses pieds. Il la domine de
manière protectrice. Elle est si
immobile, c'est irréel. Je ne peux
les quitter des yeux - ensemble...
— Pour l'amour de Dieu,
Anastasia, peux-tu faire ce
qu'on te demande pour une fois
dans ta vie et sortir d'ici !
Les yeux de Christian se rivent
aux miens, son regard est noir,
sa voix un pic de glace. Sous le
calme apparent de ses paroles,
sa colère est palpable.
En colère contre moi ?
Impossible. Je vous en prie, non
! J'ai l'impression qu'il vient de
me gifler. Pourquoi veut-il rester
avec elle ?
— Taylor. Emmenez Mlle Steele
en bas. Maintenant. Taylor
hoche la tête pendant que je
scrute Christian.
— Pourquoi ? je demande dans
un murmure.
— Vas-y. Retourne à
l'appartement. Son regard est
glacial.
— J'ai besoin d'être seul avec
Leila. Il parle de manière
pressante.
Je pense qu'il essaie de me
faire passer un message mais je
suis tellement bouleversée par
tout ce qui vient de se produire
que je n'en suis pas certaine. Je
baisse les yeux sur Leila et
remarque qu'un très léger
sourire se dessine sur ses lèvres
mais, à part ça, elle demeure
impassible. Une parfaite
soumise. Bordel ! Mon cœur se
glace.
Voilà ce dont il a besoin. Voilà
ce qu'il aime. Non ! J'ai envie de
hurler.
— Mademoiselle Steele. Ana.
Taylor me tend la main en
m'implorant de le suivre. Je suis
pétrifiée par l'horrible spectacle
sous mes yeux. Il confirme mes
pires craintes et accentue mon
sentiment d'insécurité :
Christian et Leila ensemble - le
Dominant et sa Soumise.
— Taylor ! le presse Christian.
Taylor se baisse et me soulève
dans ses bras. La dernière chose
que je vois, c'est Christian
caressant gentiment la tête de
Leila en lui parlant doucement.
Non !
Taylor me transporte au bas de
l'escalier tandis que je repose
toute molle dans ses bras en
essayant de comprendre ce qui
vient de se passer au cours des
dix dernières minutes - ou cela
a-t-il duré plus longtemps ?
Moins longtemps ? J'ai perdu
toute notion du temps.
Christian et Leila, Leila et
Christian... ensemble? Qu'est-il
en train de faire avec elle en ce
moment ?
— Seigneur, Ana ! Bordel mais
qu'est-ce qui se passe ? Je suis
soulagée de voir Ethan tourner
en rond dans le petit hall, son
gros sac sur l'épaule. Merci mon
Dieu, il va bien ! Quand Taylor
me pose à terre, je me jette
directement dans les bras
d'Ethan, entourant son cou de
mes bras.
— Ethan ! Oh, Dieu merci !
Je le serre fort contre moi.
J'étais si inquiète. Pendant un
bref moment, je profite de ce
répit que m'accorde ma panique
grandissante à l'idée de ce qui se
déroule dans mon appartement.
— Bordel mais qu'est-ce qui se
passe, Ana ? Qui est ce type ?
— Oh, désolée, Ethan, je te
présente Taylor. Il travaille pour
Christian. Taylor, voici Ethan, le
frère de ma colocataire.
Ils se saluent d'un signe de
tête.
— Ana, mais, qu'est-ce qui se
passe là-haut ? J'étais en train
de chercher les clés de
l'appartement quand ces deux
types sont sortis de nulle part et
me les ont piquées.
L'un d'eux était Christian...
— Tu étais en retard... Dieu
merci.
— Ouais. J'ai rencontré un ami
de Pullman et on a bu un petit
verre. Mais vas-tu m'expliquer
ce qui se passe ?
— Il y a une fille, une ex de
Christian. Dans notre
appartement. Elle a pété un
plomb et Christian est...
Ma voix craque et les larmes
me brouillent la vue.
— Hé, me chuchote Ethan en
m'attirant contre lui. Quelqu'un
a appelé les flics ?
— Non, ce n'est pas ça.
Je sanglote contre son torse.
C'est parti, je n'arrive pas à
m'arrêter de pleurer. Toute la
tension de ce dernier épisode se
libère dans les larmes. Ethan
resserre son étreinte, mais je
sens qu'il est amusé.
— Hé, Ana, allons boire un
verre.
Il me tapote maladroitement le
dos. Soudain, je me sens
embarrassée. Et, en toute
honnêteté, j'ai envie d'être toute
seule. Mais j'accepte son offre en
hochant la tête. J'ai besoin de
m'éloigner d'ici, de ce qui peut se
passer à l'étage.
Je me tourne vers Taylor.
— Est-ce que l'appartement a
été fouillé ? Je m'essuie le nez
du revers de la main.
— Cet après-midi.
Taylor hausse les épaules en
guise d'excuse et me tend un
mouchoir. Il semble anéanti.
— Je suis désolé, Ana,
murmure-t-il.
Je fronce les sourcils. Seigneur,
il a un air tellement coupable. Je
n'ai pas envie d'aggraver ce
sentiment.
— Elle semble avoir le don
étrange de nous échapper,
ajoute-t-il en se renfrognant de
nouveau.
— Ethan et moi allons prendre
un verre avant de retourner à
l'Escala, dis-je en me séchant les
yeux.
Taylor s'agite d'un pied sur
l'autre, mal à l'aise.
— Monsieur Grey souhaitait
que vous retourniez a
l'appartement, dit-il calmement.
— Eh bien, nous savons où se
trouve Leila maintenant. Je ne
peux m'empêcher de répondre
avec amertume.
— Alors plus besoin de toutes
ces mesures de sécurité. Dites à
Christian que nous le
retrouverons plus tard.
Taylor ouvre la bouche avant
de la refermer docilement.
— Veux-tu laisser ton sac à
Taylor ? dis-je à Ethan.
— Non, je le garde avec moi,
merci.
Ethan adresse un signe de tête
à Taylor puis me pousse vers la
porte d'entrée. Trop tard, je me
rappelle avoir laissé mon sac à
main à l'arrière de l'Audi. Je n'ai
rien sur moi.
— Mon sac à main...
— Ne t'en fais pas, me
murmure Ethan avec une
expression inquiète. C'est bon,
c'est moi qui invite.
Nous optons pour le bar d'en
face et nous installons sur des
tabourets en bois près de la
vitrine. Je veux voir ce qui se
trame : qui entre, et surtout qui
sort. Ethan me tend une
bouteille de bière.
— Des ennuis avec une ex ? me
demande-t-il gentiment.
— C'est un peu plus compliqué
que ça.
Je marmonne, brusquement
sur la défensive. Je ne peux pas
parler de tout cela - j'ai signé un
accord de confidentialité. Et,
pour la première fois, je
supporte mal cette situation, et
plus encore le fait que Christian
n'ait pas parlé de l'annuler.
— J'ai tout mon temps, me dit
affectueusement Ethan avant de
boire une longue gorgée de
bière.
— C'est une ex, leur histoire
remonte à plusieurs années. Elle
a quitté son mari pour un autre
type. Puis il y a une ou deux
semaines, ce type est mort dans
un accident de voiture et
maintenant elle s'en prend à
Christian.
Je hausse les épaules. Voilà, je
n'en ai pas trop dit.
— Elle s'en prend à lui ?
— Elle était armée.
— Bordel !
— Elle n'a pas vraiment
menacé qui que ce soit avec. Je
pense qu'elle avait plutôt dans
l'idée de se faire du mal à elle.
C'est pour cette raison que je
m'inquiétais tellement à ton
sujet. Je ne savais pas si tu te
trouvais dans l'appartement.
— Je vois. Elle me paraît plutôt
instable.
— En effet.
— Et qu'est-ce que Christian
fabrique avec elle dans
l'appartement ?
Mon visage se vide de tout son
sang et la bile me monte à la
gorge.
— Je ne sais pas.
Ethan écarquille les yeux -
enfin il a compris.
C'est bien ça le nœud du
problème. Qu'est-ce qu'ils
foutent dans l'appartement ? Ils
parlent, j'espère. Ils ne font que
parler. Et pourtant, je ne vois
que la main de Christian qui
caresse tendrement les cheveux
de Leila.
J'essaie de rationnaliser : Elle
est malade et Christian s'occupe
d'elle ; voilà ce qui se passe.
Mais, au fond de moi, ma
conscience secoue tristement la
tête. C'est bien plus que ça.
Leila était capable de satisfaire
ses besoins d'une manière dont
je suis incapable. Cette pensée
me déprime. J'essaie de me
concentrer sur tout ce que nous
avons fait ces derniers jours : sa
déclaration d'amour, son
humeur passionnée, son esprit
joueur. Mais les paroles d'Elena
ne cessent de me hanter. C'est
vrai ce qu'on dit des gens qui
écoutent aux portes.
Et ça ne te manque pas... ta
salle de jeux ?
Je finis ma bière en un temps
record et Ethan en commande
une autre. Je ne suis pas de très
bonne compagnie mais, tout à
son honneur, il reste avec moi
pour bavarder et essayer de me
changer les idées. Il me raconte
la Barbade, les pitreries de Kate
et Elliot, ce qui parvient à
détourner mon attention. Mais
ce n'est qu'une distraction. Mon
esprit, mon cœur, mon âme se
trouvent encore dans cet
appartement avec M. Cinquante
Nuances et celle qui a été sa
soumise. Une femme qui pense
qu'elle l'aime encore. Une femme
qui me ressemble.
Alors que nous en sommes à
notre troisième bière, un gros
monospace aux vitres teintées se
gare près de l'Audi en face de
l'immeuble. Je reconnais le Dr
Flynn quand il descend du
véhicule. Il est accompagné
d'une femme habillée en tenue
d'hôpital bleu pâle, semble-t-il.
J'aperçois Taylor qui leur tient
la porte d'entrée.
— Qui c'est ? demande Ethan.
— Le Dr Flynn. Christian le
connaît.
— C'est quel genre de docteur ?
— Un psy.
— Oh.
Quelques minutes plus tard, le
Dr Flynn et Christian sont de
retour. Ce dernier porte Leila,
enveloppée d'une couverture.
Quoi ? Horrifiée, je les regarde
tous monter dans le monospace
puis s'éloigner à toute vitesse.
Ethan m'observe avec
compassion et je me sens
abandonnée. Complètement
abandonnée.
— Je peux avoir quelque chose
de plus fort ? dis-je à Ethan
d'une petite voix.
— Bien sûr. Tu veux quoi ?
— Un cognac. S'il te plaît.
Ethan hoche la tête et repart
vers le comptoir. Je garde les
yeux rivés sur la porte d'entrée
de mon immeuble. Quelques
minutes plus tard, Taylor en
sort, monte dans l'Audi et prend
la direction de l'Escala... Est-ce
qu'il suit Christian ? Je ne sais
pas.
Ethan pose un grand verre de
cognac devant moi.
— Allez, Steele. Soûlons-nous.
Ça me paraît être la meilleure
proposition qu'on m'ait faite
depuis un moment. Nous
trinquons et je bois une gorgée
du liquide fort et ambré. Sa
brûlure atténue l'horrible
douleur qui se répand dans mon
cœur.
Il est tard et je me sens
confuse. Ethan et moi sommes
enfermés dehors. Ethan insiste
pour me raccompagner à pied à
l'Escala, mais il ne restera pas. Il
a appelé l'ami qu'il a rencontré
plus tôt, et avec lequel il a bu un
verre, et s'est arrangé pour
dormir chez lui.
— Alors c'est là que vit le
magnat.
Ethan siffle au travers de ses
dents, impressionné.
J'acquiesce.
— Tu es sûre de ne pas vouloir
venir avec moi ? me demande-t-
il.
— Non, je dois affronter la
situation - ou simplement aller
me coucher.
— On se voit demain ?
— Oui. Merci, Ethan.
Je le serre dans mes bras.
— Tu vas t'en sortir, Steele, me
murmure-t-il à l'oreille.
Il me lâche et me regarde me
diriger vers l'immeuble.
— A plus ! me crie-t-il.
Je lui adresse un faible sourire
et un signe de la main puis
j'appuie sur le bouton pour
appeler l'ascenseur.
Je sors de la cabine et j'entre
dans l'appartement de Christian.
Taylor n'est pas là à attendre, ce
qui est inhabituel. Je passe la
double porte et me dirige vers la
grande pièce. Christian, au
téléphone, fait des allers et
retours près du piano.
— Elle est là ! dit-il d'un ton
sec.
Il se tourne vers moi avec un
regard noir en éteignant son
téléphone.
— Putain mais où étais-tu ?
gronde-t-il sans bouger.
Il est en colère contre moi ?
C'est lui qui vient de passer je
ne sais combien de temps avec
une ancienne petite amie cinglée
et il est en colère contre moi ?
— Tu as bu ? me demande-t-il,
choqué.
— Un peu.
Je ne pensais pas que c'était
aussi évident. Le souffle coupé, il
se passe une main dans les
cheveux.
— Je t'ai demandé de revenir
ici, dit-il d'une voix d'un calme
menaçant. Il est 22 h 15. Je
m'inquiétais pour toi.
— Je suis allée prendre un
verre ou trois avec Ethan
pendant que tu t'occupais de ton
ex. Je ne savais pas combien de
temps tu resterais... avec elle.
Il plisse les yeux en
s'approchant de quelques pas.
— Pourquoi le dis-tu comme ça
?
Je hausse les épaules en
baissant la tête.
— Ana, qu'est-ce qui ne va pas
?
Et, pour la première fois, je
perçois autre chose que de la
colère dans sa voix. Quoi ? De la
peur ?
Je déglutis en essayant de
réfléchir à ce que je veux lui
dire.
— Où est Leila ? dis-je en
levant les yeux vers lui.
— Dans un hôpital
psychiatrique à Fremont, répond
il en me dévisageant. Ana,
qu'est-ce qu'il y a ?
Il avance jusqu'à se trouver
face à moi.
— Qu'y a-t-il ? souffle-t-il. Je
secoue la tête.
— Je ne suis pas pour toi.
— Quoi ? fait-il, les yeux
agrandis par l'inquiétude.
Pourquoi dis-tu cela ? Comment
peux-tu penser une telle chose ?
— Je ne peux être ce dont tu as
besoin.
— Tu es tout ce dont j'ai
besoin.
— Le simple fait de te voir avec
elle... Mais je ne parviens pas à
finir ma phrase.
— Pourquoi tu me fais ça ? Ça
n'a rien à voir avec toi, Ana.
C'est elle.
Il inspire brusquement en
passant encore une fois la main
dans ses cheveux.
— Elle est très malade.
— Mais je l'ai senti... ce que
vous aviez en commun.
— Quoi ? Non.
Il tend la main vers moi et je
recule instinctivement. Il laisse
retomber sa main en clignant
des yeux. Il semble être en
pleine crise de panique.
— Tu fuis ? chuchote-t-il, les
yeux agrandis par la peur.
Je me tais et m'efforce de
rassembler mes pensées
éparpillées.
— Tu ne peux pas, m'implore-t-
il.
— Christian... je... je...
Je lutte pour me ressaisir.
Qu'est-ce que j'essaie de lui dire
? J'ai besoin de temps. De temps
pour réfléchir à tout ça. Donne-
moi du temps.
— Non. Non !
— Je...
Il jette des regards fous autour
de lui. En quête d'inspiration ? Il
espère une intervention divine ?
Je n'en sais rien.
— Tu ne peux pas partir. Ana,
je t'aime !
— Je t'aime aussi, Christian,
c'est juste que...
— Non... non ! répète-t-il,
désespéré, en portant les deux
mains à sa tête.
— Christian...
— Non, souffle-t-il, les pupilles
dilatées par la panique. Et
soudain il se laisse tomber à
genoux devant moi, la tête
baissée, les mains étalées sur
ses cuisses. Il inspire
profondément et ne bouge plus.
Quoi ?
— Christian, que fais-tu ?
Il garde les yeux baissés, il ne
me regarde pas.
— Christian, qu'est-ce que tu
fais ? dis-je d'une voix suraiguë.
Il ne bronche pas.
— Christian, regarde-moi !
C'est à mon tour de paniquer.
Il relève la tête sans hésiter et,
avec un air totalement passif,
me contemple de son regard
froid et gris - il est presque
serein... Il attend.
Bordel de merde... Christian. Le
soumis.
14.
Et il y en a un autre de lui,
plus tard ce matin.
De : Christian Grey
Objet : Je serai là
Date : 15 juin 2011 16:47
À : Anastasia Steele
Rien ne me ferait plus plaisir.
En fait, je pense à un certain nombre
de choses qui me feraient encore plus
plaisir et elles t'impliquent toutes.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.