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Contrôler sa mémorisation

MIEUX CONNAÎTRE LE FONCTIONNEMENT DE LA


MÉMOIRE HUMAINE
 
Où se perd l'intérêt se perd aussi la mémoire.
(Goethe [1749-1832], Maximes et Réflexions.)
 
Qui apprend et oublie est comme une femme qui conçoit et avorte.
(Hébreu, Le Talmud, Sanhédrin, 5e siècle)
 
Le puits où l'on tire souvent a l'eau la plus claire.
(Proverbe hébreu)

La mémoire c’est la vie

Nous sommes mémoire: l’absence de mémoire, c’est la mort. La mémoire est aussi
essentielle à la survie des organismes que l'air, l'eau ou la nourriture. Les
organismes les plus simples se passent de génération en génération, sous la forme
d'un code génétique, ce que l'espèce a acquis au cours de l’évolution. Les individus
des espèces plus évoluées, outre leur code génétique, apprennent de nouvelles
choses au cours de leur vie, c'est-à-dire qu'ils mémorisent des informations sur leur
environnement et s'en servent par la suite pour ajuster leurs comportements:
autrement dit, l’apprentissage, c’est un changement plus ou moins permanent de
notre structure mnémonique. De toutes les espèces vivantes sur terre, l'espèce
humaine a développé cette capacité d'apprentissage à un point tel qu'il est quasi
impossible d'en connaître les limites. Cette énorme capacité de rétention et de
modulation des connaissances et des savoir-faire est liée, chez l'être humain, à
l'extension formidable et récente du néocortex, cette mince couche de plusieurs
dizaines de milliards de cellules nerveuses qui tapisse la surface externe de notre
cerveau.

Chez l'être humain cette fonction de mémorisation a pris des proportions


fantastiques. Si nous partageons avec notre parent le plus proche, le chimpanzé,
99% de la mémoire génétique, le 1% restant est responsable du développement de
ce cerveau qui nous permet d'emmagasiner virtuellement sans limites tout ce qui
peut être d'un intérêt quelconque pour nous. Entre autres, les milliers de visages,
d'objets, de situations, d'événements qui nous permettent de reconnaître et de
comprendre ce qui se passe autour de nous, les milliers de pensées, de gestes et de
comportements qui nous permettent d'exercer nos activités quotidiennes les plus
simples (se laver les dents, manger avec une fourchette, s'habiller) comme les plus
compliquées (exercer un métier, faire de la bicyclette, réfléchir à son avenir, se
préparer à une activité).

La mémoire, c’est aussi un fait de société


Cependant, si notre capacité d'apprentissage, donc de mémorisation, s'est accrue au
point d'en être virtuellement illimitée, les connaissances et les techniques des
sociétés modernes connaissent également une véritable explosion logarithmique. Le
langage joue un rôle capital (mais pas exclusif) dans le développement de la
mémoire et de la pensée en nous permettant de coder avec un ensemble limité de
sons (les syllabes) et de signes (les lettres de l'alphabet) la presque totalité de nos
expériences vécues et de consigner le produit de nos réflexions dans un troisième
type de mémoire, extérieure à nous cette fois. Ces nouvelles connaissances sont
donc stockées à l’extérieur des individus, dans des lieux et sur des supports divers
(livres, vidéo, mémoires électroniques).

Les conséquences les plus directes de cet accroissement explosif des


connaissances humaines se font sentir au niveau de l’éducation. Non seulement le
volume des savoirs à apprendre augmente considérablement, mais, en outre, ils
deviennent plus rapidement périmés. L’expertise dans un domaine tient donc au
maintien et à l’accroissement incessant des informations stockées dans une
mémoire individuelle et aux habiletés à retrouver rapidement des informations dans
une mémoire collective.

La mémoire joue un rôle central dans toute pensée

Notre mémoire est tout à la fois un réservoir d'informations et un outil nécessaire à la


compréhension de notre environnement et des situations auxquelles nous avons à
faire face. À chaque instant de notre vie, nous recevons des millions de stimulations
par le biais de nos yeux, de nos oreilles, de notre langue, de nos narines, de notre
peau, de nos mains, de nos muscles, de nos viscères. C'est à l'aide de ce que nous
avons construit et reconstruit dans notre mémoire depuis la petite enfance, voire
dans le ventre de notre mère, que nous analysons, intégrons, reconnaissons,
interprétons, comprenons, sélectionnons et utilisons à notre profit ce qui nous vient
de notre monde intérieur et extérieur.

C’est aussi un outil nécessaire à l'imagination, à la prévision, à la prévention et à


l'invention. C'est à l'aide de cette même mémoire que nous pouvons nous rappeler
notre passé (en partie) et que nous pouvons imaginer notre futur immédiat ou
lointain, réfléchir à celui-ci, estimer les conséquences de nos actions et prendre des
décisions en vue de le contrôler (un peu) à notre avantage. C'est notre mémoire qui
fait que nous sommes, chacun d'entre nous, un être unique, sans nul autre
semblable.

En résumé la mémoire c'est :

      La capacité à acquérir de nouvelles connaissances et habiletés.

      La capacité à rappeler les connaissances et habiletés acquises de


façon appropriée quand le besoin s’en fait sentir.

      Un modèle réduit plus ou moins organisé et plus ou moins cohérent du


monde, que nous réajustons et raffinons régulièrement et avec lequel
nous interprétons et donnons du sens à la profusion de stimulations qui
bombardent sans cesse nos sens.

      Une banque de données considérable sur une variété tout aussi
considérable de sujets et de techniques.

La mémoire est une fonction capitale pour la réussite des études

La réussite des études dépend de plus en plus des habiletés intellectuelles et


sociales sous-jacentes à l'acquisition, à la rétention et au rappel des connaissances.
Au niveau des études secondaires, puis supérieures, la mémorisation n'est plus un
processus facile et automatique. Elle exige au contraire une intention délibérée
d'apprendre quelque chose de précis, un effort intellectuel, un niveau d'attention et
de concentration suffisant et la connaissance pratique de stratégies et de techniques
de mise en mémoire et de récupération. L'habileté à contrôler l'esprit et l'attitude
avec lesquelles on étudie une matière fait alors la différence entre un apprentissage
pénible et infructueux et un apprentissage efficient et agréable.

Les avantages de contrôler sa mémorisation


 
• Enregistrer plus facilement et retenir mieux
•          Pouvoir se rappeler ce dont on a besoin au moment opportun
•          Réduire le stress et l'anxiété des examens
•          Favoriser une construction durable des connaissances
•          Éprouver du plaisir à apprendre
 

 
ORIGINE DES PROBLÈMES DE MÉMORISATION
 

Qui n'a pas connu durant ses années d'étude cette frustration d'avoir passé de
longues heures à étudier une matière et d'en avoir oublié la majeure partie le
lendemain, et la presque totalité quelques jours ou quelques semaines plus tard. Les
problèmes typiques reliés au manque de contrôle de sa mémorisation sont les oublis
et les erreurs, les difficultés à enregistrer et à se rappeler la matière apprise,
l’évaporation des connaissances acquises avant ou après les examens, le sentiment
d’étudier pour rien, l’impression de réapprendre du déjà vu, de la confusion, le
constat d’avoir dérivé hors du sujet imposé en produisant un travail, l’oubli d’une
partie des consignes ou des données du problème posé, le sentiment qu’il y a trop
d’informations à gérer, etc.

La mémoire est-elle une capacité immuable héritée de nos gènes? Est-elle une
habileté qu'on peut développer à l'aide d'exercices appropriés? Faut-il que quelqu'un
d'autre nous fasse découvrir comment utiliser notre propre potentiel de mémoire?
Apprenons-nous tous de la même façon? Tous les apprentissages s’inscrivent-ils en
mémoire selon un même processus? Autant de questions pour lesquelles les
spécialistes de la mémoire humaine et de l’apprentissage cherchent des réponses.

Les sources des problèmes de mémoire sont multiples. Si l’on exclue les difficultés
d’origine neurologique, comme une lésion cérébrale ou une maladie dégénérative,
l’origine d’une difficulté récurrente peut être d’ordre affectif et motivationnel, comme
un manque d’intérêt ou de conviction, une croyance erronée sur sa capacité ou
des objectifs irréalistes. Elle peut aussi être d’ordre cognitif et stratégique, comme
l’absence ou des connaissances erronées sur le fonctionnement de la mémoire
et des stratégies de mémorisation inadéquates. En ce qui concerne les
stratégies, citons les déficits d’observation et d’organisation des informations, de
sélection de ce qui est essentiel et de synthèse, l’apprentissage mécanique d’une
matière qu’on ne comprend pas, la croyance qu’il suffit d’avoir compris pour retenir,
le manque d’exemples concrets et personnels, etc. On trouve aussi des déficits dans
les habiletés ou les habitudes d’enregistrement, de consolidation et de maintien des
traces mnémoniques, comme l’absence de rappels et de révisions, des révisions trop
peu fréquentes et trop tard. Sur le plan de la réalisation d’une tâche ou de la
résolution d’un problème scolaire, l’ignorance des limites en temps et capacité de la
mémoire de travail amène des élèves à vouloir tout traiter mentalement au lieu
d’utiliser des notes et des modes de représentation adéquats des données pour
soutenir la pensée et le raisonnement, etc.

Être en mesure d'enregistrer et de se rappeler au moment opportun les


connaissances ou les savoirs faire étudiés et pratiqués est fondamental. Sans
mémorisation, il n'y a pas d'apprentissage, pas de progrès, pas de développement
personnel. L'expérience ne devient apprentissage que si elle enrichit ou modifie notre
représentation du monde, notre comportement, nos habiletés intellectuelles,
sociales, motrices, et ce de façon quasi irréversible et permanente.

 
La mémoire s’apprend et ses déficits sont réversibles, à condition d’apprendre
comment elle fonctionne (savoir métacognitif), et de pratiquer les stratégies de
mémorisation les plus efficientes pour soi (autorégulation métacognitive).

 
LE FONCTIONNEMENT DE LA MÉMOIRE
 

MÉMOIRE SENSORIELLE, MÉMOIRE DE TRAVAIL, MÉMOIRE À


LONG TERME

La mémoire sensorielle

Les sons qui arrivent à nos oreilles, les rayons lumineux qui entrent dans nos yeux,
les molécules chimiques qui chatouillent nos narines ou titillent notre langue, les
pressions qui s'exercent sur notre peau et nos muscles laissent dans les zones du
cerveau qui les reçoivent sous forme de signaux électriques une impression
passagère (quelques dixièmes de secondes) mais d’une durée suffisante pour
permettre à notre cerveau de comparer ces stimulations à ce qu'il a déjà en
mémoire, de reconnaître de quoi il s'agit (perception) et de décider si cela vaut la
peine d'être examiné de plus près (attention). Tout cela plus ou moins à l'insu de
notre conscience. Si notre attention est attirée pour une raison quelconque, comme
un son inhabituel, un éclat de couleur, un mouvement rapide, un objet intéressant,
une interpellation, une personne attirante, alors seulement nous prenons conscience
de cette chose particulière.

La mémoire de travail

C’est cette phase du processus de traitement des informations qui est associée à la
conscience et à la mémoire de travail, appelée aussi mémoire à court terme ou
mémoire vive. C’est aussi par cette mémoire « consciente » que passera
l’enregistrement des informations dans une mémoire à long terme où ces
informations seront stockées pour une durée plus ou moins longue, en fonction de
leur consolidation, sous forme d’engrammes (chaque engramme serait constitué par
une modification plus ou moins permanente dans la constitution et l’organisation d’un
ensemble de cellules nerveuses).

La mémoire de travail joue donc un rôle d’intermédiaire très important entre les
stimuli et notre mémoire à long terme, au sein de laquelle sont emmagasinées toutes
nos connaissances et nos savoirs faire déjà acquis. Elle est associée à la
reconnaissance et à l’interprétation consciente du monde qui nous entoure, et à
l’enregistrement des nouvelles acquisitions dans la mémoire à long terme. Fait
intéressant, cette mémoire de travail, dont on peut maintenant situer le siège dans
les aires préfrontales, est reliée étroitement au cerveau central ou système limbique,
dit également cerveau mammifère, qui est aussi le siège des émotions. La
mémorisation a une dimension émotive, qui tient à l’importance qu’une information a
pour notre vie immédiate ou future. D’où l’importance de la signification et de la
motivation dans l’enregistrement et la rétention des connaissances acquises.

Alors que notre mémoire à long terme peut stocker une quantité quasi illimitée de
données, notre mémoire de travail est au contraire très limitée en capacité (de cinq
à neuf unités d’information simultanées) et en durée (quelques dizaines de secondes
s’il n’y a pas répétition). Ces limitations de notre mémoire de travail sont à l’origine
de bien des difficultés d’apprentissage et de résolution de problème. Les difficultés
de raisonnement sont plus liées à la difficulté de gérer simultanément les données
présentes, les connaissances acquises, les hypothèses et les déductions, qu’au
manque de logique. Nous ne pouvons assimiler qu’un nombre réduit d’éléments
nouveaux, par petites doses successives. Des problèmes complexes aux données
nombreuses doivent être découpés en petites étapes ou en sous-problèmes.

En résumé, la mémoire de travail, c'est le lieu où se tricote notre pensée, c'est


le centre de transit et d'élimination, de combinaison, d'assemblage,
d'étiquetage et d'aiguillage des trains d'informations qui s'y succèdent en
provenance des sens comme de la mémoire à long terme.

La mémoire à long terme

C'est là où se retrouvent toutes les informations que nous avons conservé,


délibérément ou à notre insu. Cette mémoire, contrairement à la précédente, a une
capacité de rétention virtuellement illimitée, pour des durées allant de plusieurs mois
à la quasi permanence. C'est en quelque sorte la bibliothèque où sont stockés,
entreposés, rangés nos souvenirs, nos connaissances, nos habiletés intellectuelles,
physiques, et sociales (nos savoirs, nos savoirs faire, nos savoirs être). À la
différence d’une bibliothèque cependant, il faut considérer que ces souvenirs ne sont
pas fixés une fois pour toutes dans leur forme originelle, mais au contraire
reconstruits, donc déformés, au fur et à mesure que de nouvelles données sont
enregistrées.

Cette mémoire à long terme pourrait ressembler à un immense réseau (comme


Internet) où les divers éléments qui composent chaque savoir sont inextricablement
reliés les uns aux autres, souvent de façon surprenante, par affinités de signification
et par ordre logique aussi bien que par des émotions, des images ou des sonorités
communes, des simultanéités au moment de l'enregistrement et autres formes
d'associations très personnalisées. La mémoire à long terme, c'est notre banque de
données, notre bibliothèque, notre boîte à outils, notre répertoire de rôles, notre
garde-robe de personnages, notre cinémathèque holographique multimédia. Mais sa
richesse se mesure non pas à ce qu'elle contient mais à ce qu'on est capable
d'y repêcher et à l'usage qu'on en fait, donc à l'ordre qu'on aura pris soin d'y
instaurer pour s'y retrouver.

ORGANISATION DES CONNAISSANCES DANS LA


MÉMOIRE À LONG TERME
Il existe plusieurs types de mémoires : visuelle (images), auditive (sons), verbale
(concepts), kinesthésique (schèmes d’action), autres (odeurs, touchers, postures,
sensations internes). Chacune de ces mémoires a ses lieux (une zone plus ou moins
étendue du cortex cérébral) et son fonctionnement particulier. Le souvenir d’un
événement précis combinera plusieurs éléments de plusieurs types. Il est souvent
associé à une émotion particulière.
Les spécialistes de l’organisation des connaissances en mémoire distinguent deux
grandes catégories de mémoire :

      Une mémoire procédurale qui se souvient du « comment on fait pour… »,


très automatisée et peu accessible à la conscience pour ce qui est des
habiletés de base comme la lecture, le décodage de la parole, le repérage
spatial (d'où la difficulté qu'on éprouve souvent à expliquer et à enseigner
ces procédures qui semblent si naturelles); ou plus complexe, consciente
et réfléchie, comme dans le cas des stratégies d’apprentissage. Les
spécialistes du domaine font une distinction supplémentaire entre le fait de
connaître une procédure et le fait de savoir dans quelles circonstances
appliquer cette procédure, un type de connaissances qu’on appelle
connaissances conditionnelles.

      Une mémoire déclarative qui se souvient des faits, des idées, des
expériences vécues, des concepts, des explications, des démonstrations
et des blocs de connaissances, accessible à la conscience mais
également active au niveau inconscient. Dans cette dernière, on peut
encore distinguer entre une mémoire épisodique, qui se souvient des
expériences vécues, auxquelles sont liées des émotions, et une mémoire
sémantique qui se souvient de connaissances plus générales, plus
abstraites, comme le langage, la définition de concepts, et les
connaissances de tous genres, littéraires, scientifiques, économiques,
légales, etc.

Ces différentes catégories de connaissances sont constituées en réseaux très


polymorphes, en partie logiques et en partie illogiques, inattendus, surprenants, d’un
point de vue sémantique tout au moins. Les associations entre les idées, les images
et les émotions sont liées d’une part à notre histoire personnelle, d’autre part à la
logique interne des matières et disciplines.

LE PROCESSUS D’ENREGISTREMENT DANS LA


MÉMOIRE À LONG TERME
Trois processus successifs et reliés entre eux permettent l’encodage des
informations dans la mémoire à long terme. Le premier est le processus de
perception (savoir reconnaitre) par lequel des stimuli sont reconnus et interprétés.
Le deuxième est le processus d’enregistrement par lequel des informations
nouvelles sont stockées en mémoire. Et le troisième est un processus de
consolidation (rendre plus durable) par lequel la première trace est renforcée
jusqu’à former un engramme durable, lequel permettra à son tour une
reconnaissance rapide de ces informations.

Notre mémoire n'est pas neutre : elle est affective

Plaisirs, peurs, anxiété, colère, désir, tristesse, tous nos souvenirs ont une certaine
coloration émotive, légère ou très vive. Ce que nous apprenons et retenons en
général le mieux, c'est ce à quoi nous attribuons une valeur affective, à tort ou à
raison, pour la satisfaction de nos besoins.

Les études sur le cerveau ont montré que certaines zones centrales responsables
des émotions étaient aussi des zones nécessaires à l'ancrage des informations dans
la mémoire à long terme. Autrement dit, sans un intérêt minimum direct ou indirect,
soit que nous anticipions un plaisir du fait même d'accomplir l'activité d'apprentissage
(motivation intrinsèque), soit que nous anticipions une récompense ou que nous
évitions une punition (motivation extrinsèque), il n'y aurait pas de mémorisation
durable. De fait, nous passons notre temps à sélectionner, consciemment et
inconsciemment, ce que nous garderons et ce qui est destiné à l'oubli. Nous
n'acheminons vers notre mémoire qu'une minorité des informations qui nous
parviennent de notre monde. La grosse majorité est évaluée et oubliée aussitôt que
reconnue.

Chacune de nos expériences est une source d'apprentissage. De nos aptitudes et de


nos habiletés à tirer des leçons de ces expériences et surtout de retenir ces leçons
en vue d'une prochaine fois dépendent, en partie du moins, le contrôle de notre vie.
Plus une expérience est « marquante » et plus vite elle « s'imprime » dans
notre cerveau, certaines pour la durée entière de notre vie (en général il suffit de se
brûler une seule bonne fois pour apprendre à garder ses doigts à distance de la
flamme). Les expériences moins marquantes sont oubliées plus vite, surtout les
expériences désagréables. Seule la répétition régulière de ces derniers faits fait
qu'elles finissent par s'inscrire de façon plus ou moins permanente dans notre
cerveau.

Nous ne mémorisons pas tout de la même manière ni avec la même facilité

Alors que nous mémorisons sans effort des scènes de notre vie et une grande
quantité de visages, alors que nous nous rappelons facilement les habiletés apprises
comme faire du vélo, du ski ou taper sur un clavier d'ordinateur, même après de
longues périodes sans pratique, nous éprouvons au contraire beaucoup plus souvent
des difficultés à mémoriser des mots, des noms, des informations verbales, des
concepts, des règles et nous les oublions assez vite dès que nous n'en faisons plus
usage, soit que ces informations s'effacent, soit que nous ne soyons plus capables
de retrouver le chemin qui mène à elles. À chacun de ces différents types de
mémoire seraient associées des zones différentes du cerveau et des processus
d'ancrage et de rappel spécifiques.

Peut-on se fier sur sa mémoire?

« La mémoire est la fonction qui oublie ». Cette boutade de Sigmund Freud indique à
quel point la mémoire du passé est considérée comme un très mauvais témoin.
Même les souvenirs que nous croyons parfaitement authentiques sont presque
toujours des reconstitutions déformées au gré des répétitions, influencées par nos
désirs, par des suggestions, par des informations acquises postérieurement, ou par
besoin de rendre cohérents des faits disparates et de combler les trous.

L’oubli, c’est la santé mentale. Imaginez que nous ne soyons pas capables d'oublier.
Nous aurions toujours présents en tête les moindres détails de chacune de nos
journées, de chaque conversation, de chaque chose vue et entendue, sentie et
goûtée. Nous pourrions par exemple nous rappeler chacun des repas de notre vie
entière. En grandissant, puis en vieillissant, nous passerions de plus en plus de
temps à chercher les informations pertinentes parmi un fatras d'informations (amas
désordonné) sans aucune espèce d'intérêt, un peu comme chercher le souvenir d’un
moment particulier dans un album de photographies qui contiendrait notre vie minute
par minute. Contrairement à la maladie d'Alzheimer qui tue en effaçant
graduellement des connaissances essentielles à la vie quotidienne, nous mourrions
noyés sous une avalanche croissante de données sans valeur utilitaire.

L’oubli prend plusieurs formes. L'amnésie antérograde est une forme d’oubli qui se
produit par défaut de constitution ou de consolidation d'une trace durable dans la
mémoire à long terme. L'oubli survient par déplacement. Dès que notre attention est
attirée dans une autre direction, l'information précédente s'efface. Une intention peu
affirmée, l'absence d'un effort volontaire, le fait de ne pas avoir développé de
stratégies adéquates pour retenir ce qui ne se retient pas tout seul, l'absence de
révision aux moments opportuns font que les informations désirées ne laissent pas
de traces mnésiques dans le cerveau. Ce type d'oubli augmente avec l'âge, le stress,
l'alcool, la marijuana et certains médicaments.

L'amnésie rétrograde est une forme d’oubli qui se produit par incapacité d'aller
récupérer dans sa mémoire une information ou des connaissances qui y sont
pourtant bien implantées. Hormis les situations de maladies, d'intoxications ou de
lésions du cerveau, les raisons d'une telle incapacité sont diverses, on peut
l'attribuer :

      Au refoulement : nous ne désirons pas vraiment avoir accès à des


souvenirs ou à des informations associés à des émotions pénibles
(remords, souffrance, colère). Malheureusement pour nous, ce type de
souvenirs influence à notre insu certains de nos comportements et sont
responsables de certains aspects de notre personnalité (refoulement de
type freudien).

      Au non-usage : aucun apprentissage n'est acquis pour toujours. Réussir


un examen quelconque ne veut pas dire que les connaissances seront
récupérables quelques semaines ou quelques mois plus tard. Les
connaissances et les habiletés intellectuelles acquises, mais qu'on a peu
souvent l'occasion d'utiliser, deviennent de plus en plus difficiles à
récupérer. C'est ainsi que la majeure partie des connaissances apprises à
l'école s'évanouit comme fumée. Par contre, on les réapprend beaucoup
plus vite quand le besoin s’en fait sentir.

      Au manque d'indices appropriés : c'est ce qui nous arrive quand nous
rencontrons quelqu'un dans une occasion différente de celle où nous
l'avons fréquentée quelques mois ou quelques années plus tôt, que nous
reconnaissons son visage, mais dont nous sommes incapables de nous
rappeler le nom ainsi que les circonstances dans lesquelles nous l’avons
connue. Nous enregistrons presque toujours une information avec des
indices du contexte auquel elle est associée. L'absence de ces mêmes
indices au moment où nous recherchons cette information dans notre tête
peut nous rendre incapables de la retracer. Quelle gêne parfois!

      Aux interférences dues à des informations concurrentes : c'est le cas


lorsque des connaissances de même type sont apprises l'une en arrière de
l'autre. Soit que les premières acquisitions nous empêchent de bien
mémoriser les secondes (interférence proactive), soit que les secondes
contribuent à déformer ou à effacer la mémoire des précédentes
(interférence rétroactive). Par exemple, apprendre l'espagnol après avoir
appris l'italien ou préparer un examen de philosophie successivement à un
examen de psychologie donne souvent lieu à des confusions entre ces
matières relativement semblables.

      À des chocs physiques ou émotionnels sévères : telle est l'amnésie qui
survient à la suite d'un accident ou d'un choc nerveux. Curieusement ce
type d'amnésie est très sélectif, en ce sens que certains souvenirs ou
certaines connaissances disparaissent intégralement alors que d'autres
subsistent sans aucune altération.

LE PROCESSUS DE RÉCUPÉRATION DANS LA


MÉMOIRE À LONG TERME
Une partie du processus de récupération en mémoire à long terme est automatique.
Il se déclenche de lui-même en fonction des événements. Le processus
d’identification et de reconnaissance (objets, personnes, codes, mots, patrons divers)
est quasi immédiat, court-circuite la mémoire à court terme et échappe ainsi au
contrôle délibéré de la conscience. Ce processus a des avantages, notamment son
automaticité et sa rapidité. Mais il a aussi des inconvénients. En effet, il impose
après coup ses contenus à la mémoire de travail, en attirant son attention vers des
aspects de l’environnement qui peuvent nuire à la concentration (distractions) ou en
fournissant « toutes cuites » des interprétations qui se révéleront erronées par la
suite. Ce processus spontané de récupération doit donc être soumis à un second
regard, conscient et délibéré.

Une autre partie du processus de récupération est plus lent, délibéré, volontaire et
exige un effort de recherche. En général nous savons si nous savons quelque
chose sur un sujet (méta mémoire) et nous ne cherchons que si nous croyons
avoir ces informations dans un coin de notre cerveau (un nom, une formule, un
souvenir). L’effort de recherche ne donne pas toujours des résultats immédiats,
mais une fois le processus de recherche enclenché, il se poursuit même à notre insu,
nous révélant quelques heures ou quelques jours plus tard le nom ou les
connaissances que nous avons cherché en vain. Il n’est pas rare par exemple de se
rappeler de tout ce qu’on a « oublié » de dire lors d’un examen, quand le temps est
fini et qu’on en est sorti.

Ce processus de récupération peut être facilité car il est aussi fonction du processus
d’enregistrement. On a en effet tendance à retrouver ses connaissances dans le
même ordre qu’on les a apprises et consolidées. Il faut donc mémoriser ses
connaissances en fonction du mode de récupération souhaité et non le
contraire. Cette caractéristique a beaucoup d’importance pour la préparation des
examens et pour l’acquisition d’une expertise professionnelle, deux types de
préparation qui ne convergent malheureusement pas souvent.

MÉMOIRE ET ÉMOTIONS

La motivation à l’apprentissage, la valeur affective et les émotions jouent un rôle


capital dans l’enregistrement, la rétention et la récupération des connaissances. Une
motivation intrinsèque, le plaisir d’apprendre, l’intérêt manifesté pour le sujet, la
signification profonde de cet apprentissage, a les meilleurs effets. Ce type de
motivation peut se développer en travaillant sur ses propres attitudes, si elles sont
négatives, sur son sentiment de compétence, s’il est faible, sur ses buts et objectifs,
s’ils sont absents ou flous, sur son approche d’apprentissage, si elle est superficielle.
Le succès engendre la motivation qui engendre le succès qui engendre la motivation.
À défaut de motivation intrinsèque, la valorisation de l’effort, la reconnaissance des
pairs ou de l’enseignant, un système de récompense peuvent aussi avoir un effet
bénéfique sur la mémorisation, quoique de moindre durée.

MÉMOIRE ET STRESS

Le stress peut avoir des effets dévastateurs sur la mémoire, autant sur la capacité à
enregistrer des informations nouvelles que sur la capacité à récupérer des
informations acquises. En situation de forte pression émotive, par peur, sous le coup
de la colère, ou par passion amoureuse par exemple, on devient moins réceptif, donc
plus susceptible de ne pas enregistrer des informations pourtant importantes comme
les consignes d’un exercice ou le sens d’une question d’examen, ou d’avoir de la
difficulté à se rappeler les connaissances pertinentes à la situation, quoi faire, quoi
dire, comment se comporter. L’anticipation de ces effets permet de se préparer en
conséquence et de réfléchir aux stratégies à utiliser le cas échéant.

MÉMOIRE, IMPULSIVITÉ ET SPONTANÉITÉ

L’impulsivité consiste à répondre sans avoir réfléchi. Elle se traduit principalement


par une absence de réflexion sur ce qui est demandé, une observation superficielle,
incomplète et imprécise des données, un défaut d’intériorisation des informations
importantes et une absence de vérification. Sollicitée par une question ou une
situation, la mémoire tend à nous restituer spontanément plusieurs des informations
nécessaires à la réponse dans un ordre et une forme qui ne sont pas toujours
adaptés à ce que requiert la question ou cette situation. Il est donc prudent de
dissocier le temps de la récupération des informations pertinentes de celui de leur
organisation dans une réponse adaptée.
 

MÉMORISATION, ORGANISATION, PLANIFICATION ET GESTION

Le rappel et la révision de ce qui a été oublié sont les deux processus par lesquels la
mémoire des connaissances se construit. De plus, il existe des périodes clés pour
que ce travail de rappel et de révision soit efficace et efficient, soit le maintien des
connaissances avec un minimum d’investissement en temps et en effort. Ce
processus, comme tout ce qui s’inscrit dans le temps, doit être prévu et planifié. Les
temps d’organisation du matériel en vue de leur mémorisation et les temps de
rappels et révisions doivent faire partie d’un échéancier et des listes de tâches
d’apprentissage.

MÉMORISATION, ATTENTION ET CONCENTRATION

L’étude en vue de mémoriser des connaissances est le type d’activité


d’apprentissage le plus exigeant en matière de concentration. Il est donc prudent de
choisir les périodes et les environnements les plus appropriés pour cela. Un lieu
tranquille, un environnement libre de distractions, un moment de la journée où l’on
est frais et dispos, de l’eau, un siège confortable mais pas trop, des pauses à
intervalle régulier, de quoi prendre des notes…

MÉMORISATION ET COMPRÉHENSION

Mémoriser mécaniquement sans comprendre est une absurdité, mais comprendre


sans retenir ne sert pas non plus à grand chose. Mémorisation et compréhension
sont souvent présentées comme des opposés, alors qu’il s’agit bien plus de
processus intégrés et nécessaires l’un à l’autre pour une qualité d’apprentissage. La
compréhension d’un texte ne suffit pas à elle seule pour assurer sa rétention, mais
elle est une condition importante, voire indispensable dans la construction des
connaissances. La mémorisation complète l’apprentissage en assurant la
consolidation des éléments essentiels de ces connaissances dans la mémoire à long
terme.

MÉMORISATION, CONCEPTIONS ET APPROCHES


D’APPRENTISSAGE

Un apprentissage de surface tend à mettre l’accent sur la mémorisation mécanique


par répétitions successives des éléments de connaissance dans la forme où ils sont
présentés dans le cours ou le manuel. L’attention va au détail, souvent au détriment
de la vision d’ensemble. Les définitions des concepts sont apprises mot à mot plutôt
que comprises dans leur signification et leurs implications. Les connaissances
enregistrées en mémoire se présentent ainsi sous une forme rigide, souvent
inappropriée à leur utilisation (sauf dans le cas d’examens fondés sur la reproduction
identique des connaissances). Au contraire, une approche en profondeur, fondée sur
la compréhension et l’appropriation personnelle des connaissances contribue à un
ancrage en mémoire plus souple, plus associatif, plus utilisable.
 

 
LES STRATÉGIES DE MÉMORISATION
 

Nous avons vu que certaines acquisitions se font apparemment sans peine, sans
effort et souvent même malgré soi, comme des événements marquants, des visages
attachants et certaines expériences «brûlantes». Les habiletés psychomotrices
comme conduire une automobile, faire du vélo ou du ski, nager ou danser,
s'acquièrent avec la pratique et l'entraînement régulier sans demander un effort
délibéré de mise en mémoire et se conservent malgré de longues interruptions.

Il n'en va pas de même, pour la plupart d'entre nous, d'une masse de connaissances
et d'habiletés intellectuelles qui demandent un effort délibéré pour être acquises et
des révisions à intervalles réguliers pour se conserver. Le moindre métier exige
d'avoir mémorisé un plus ou moins grand nombre de concepts spécifiques, de
procédés et de règles. Les conseils qui suivent sont particulièrement destinés à
faciliter la mise en mémoire et le rappel de ces savoirs intellectuels. L'ensemble des
stratégies, des méthodes et des techniques de mémorisation peuvent être ainsi
rassemblées en quatre grands principes.

Pour bien retenir, il faut ...


1)      avoir une intention claire, être motivé à la réaliser et planifier en
conséquence;

2)      comprendre, approfondir et s'approprier le savoir visé;

3)      réduire le matériel à « mémoriser » à l’essentiel;

4)      se rappeler, réviser et utiliser les connaissances acquises.

INTENTION
APPROFONDISSEMENT

SYNTHÈSE

INTÉRIORISATION
 

L'intention
C’est un principe stratégique qui consiste à mettre au clair ce qu'on se propose de
retenir et pourquoi. Quand on vise un objectif de mémorisation précis, on est plus à
même de choisir les moyens adéquats pour l'atteindre et pour en vérifier la
réalisation. Quand on sait pourquoi on veut atteindre cet objectif, on est d'autant plus
motivé à fournir l'effort nécessaire à son atteinte.

On ne peut parler d’intention sans évoquer signification et motivation. Alors qu’on


retient en général plus rapidement et plus facilement les connaissances et les
habiletés pour lesquelles on éprouve une forte motivation intrinsèque, il n’en va pas
de même pour bon nombre de matières scolaires obligatoires. Non seulement
l’intérêt n’est pas forcément au rendez-vous, mais le manque de confiance en soi ou
le sentiment de ne pas être compétent à apprendre dans un domaine donné inhibe
l’intention d’apprendre. Dans un tel cas, il est plutôt normal de réagir par une attitude
négative, des pensées défaitistes, une tendance à remettre au lendemain et l’étude à
la dernière minute. Adopter une attitude positive et étudier dans un climat de détente,
se faire confiance et s’accorder des petites récompenses pour son travail favorisent
le travail de la mémoire. Dans le cadre de cette documentation, nous allons supposer
que la motivation y est, désir de réussir et bonne volonté, mais que les stratégies de
mémorisation sont peu efficientes, résultant en une performance médiocre.

Ayant clarifié ses intentions générales par rapport à un apprentissage désiré, il faut
encore qu'on clarifie, cas par cas, ce qui devrait être su par cœur, ce qu’on doit
savoir où trouver rapidement et ce qui peut être laissé dans les livres pour
consultation au besoin. Il y a donc une réflexion à mener pour décider quoi et
pourquoi mémoriser telle chose plutôt que telle autre. Avoir mémorisé des
informations dont on a un usage régulier représente un gain de temps considérable
(pensez à un médecin qui devrait passer en revue ses manuels de médecine pour le
moindre bobo). Par contre, faire un effort important pour mémoriser des
connaissances qu'on a de grandes chances d'oublier d'ici à ce qu'on en ait l'usage,
c'est inutile et frustrant.

Les stratégies

Nous retrouvons sous ce principe toutes les stratégies consistant à clarifier et à


préciser ce que l'on veut mémoriser, ainsi que les conditions dans lesquelles on est
susceptible de se resservir de ces connaissances. La mémoire est un projet tourné
vers l'avenir et non la trace du passé. Et comme pour tout projet, cette intention doit
être traduite en termes d'objectifs précis et l’atteinte de ces objectifs étalée dans le
temps selon un plan prévoyant les périodes nécessaires à l'étude et aux révisions
subséquentes (voir stratégies de gestion des ressources). La mémoire est une
fonction qui oublie : à défaut d’une utilisation fréquente des connaissances et des
habiletés acquises, celles-ci ont tendance à devenir de plus en plus difficiles à
rappeler (oubli par impossibilité de récupération). De plus, chaque nouvelle leçon a
tendance à reléguer progressivement aux oubliettes les leçons précédentes (oubli
par déplacement et défaut de consolidation de la trace mnémonique). La mise en
mémoire des connaissances scolaires est un processus qui se planifie longtemps
d’avance et non à la veille des tests, des examens ou des mises en application. Le
temps est en effet un facteur clé de tout apprentissage intellectuel, scolaire et autre.
Comprendre, approfondir, établir des liens, transformer et synthétiser la matière pour
en faciliter la mémorisation, l'inscrire dans sa mémoire et la réviser à la fréquence
souhaitable est un processus qui se fait par étapes et qui s'étale sur un certain laps
de temps. Contrairement à ce qu'on pourrait penser en lisant ces lignes, ce
processus ne consomme pas beaucoup d’énergie mentale. Quelques minutes de
révision bien placées sont plus efficaces que des heures de « bourrage de crâne » à
la veille d’un examen, et la rétention des connaissances à long terme bien plus
grande. Cette intention doit aussi se traduire par un choix judicieux des moments,
des lieux et des ambiances d'étude. Une attention et une concentration soutenues
sont en effet fondamentales pour l'enregistrement de nouvelles connaissances ou la
pratique de nouvelles habiletés intellectuelles (voir stratégies de concentration).

Quelques méthodes et techniques

      Inscrire en clair ce qu’on se propose de retenir et pourquoi.

      Estimer le temps nécessaire à une bonne mémorisation (préparation


d’aide-mémoire; intériorisation; pratiques de rappel; révisions).

      Prévoir dans son agenda ou sa liste de tâches une courte période de
révision de la matière du cours précédent et un tour d’horizon de la matière
à venir la veille ou juste avant chaque nouvelle période de cours.

      Prévoir dans son échéancier une période mensuelle pour faire le point sur
l’ensemble de la matière vue et à voir, de façon à conserver bien fraîche
dans la mémoire une vision panoramique du domaine. Cette vue
d’ensemble facilite la mise en relation des différentes parties et évite la
fragmentation des connaissances en une multitude de faits dissociés les
uns des autres.

      Se faire passer des examens de connaissances ou se soumettre à des


mises à l’épreuve des habiletés intellectuelles acquises.

L'approfondissement
On oublie vite ce qu’on ne peut rattacher à rien de concret et qui n’a pas de sens
pour nous. L’approfondissement est un principe stratégique qui consiste à s’assurer
d’une bonne compréhension de la matière à retenir, à établir des liens entre cette
matière et ce qu’on connaît déjà, à faire des liens avec une réalité connue, à donner
un sens personnel à cet apprentissage.

Les stratégies

L’approfondissement est à l'opposé d'une mémorisation mécanique des


connaissances, ce qu'on appelle à tort « apprendre par cœur ». On retient beaucoup
mieux ce qu’on comprend, mais on peut aussi parfaitement comprendre et oublier
par défaut d’un effort spécifique d’intériorisation des informations comprises. Une
approche en profondeur consiste :
1.       À explorer de façon complète, précise et méthodique la matière à
apprendre. Pour retenir, il faut d’abord avoir vu et avoir pris conscience
d’avoir vu.

2.       À organiser, en comparant, en classant, en structurant par ensembles et


sous-ensembles les informations qu'on dégage de son exploration.
Comme dans une grande bibliothèque, on retrouve plus facilement des
connaissances bien ordonnées et bien indexées selon leur degré
d’importance que des connaissances éparpillées en vrac. Une bonne
organisation des connaissances permet de passer du général au
particulier, de la vue d’ensemble au détail.

3.       À établir des liens avec ce qu'on connaît déjà, autrement dit à
comprendre ce qu'on veut apprendre. On retient mieux ce qui a du sens.
Même si l’on peut apprendre et retenir délibérément des listes de noms,
d’objets ou de chiffres à l’aide de moyens mnémotechniques puissants, ce
type de mémorisation n’a qu’une utilité réduite dans la vie. Ce type de
mémoire peut cependant être utile pour la rétention de formules, de
nomenclatures ou de termes techniques.

4.       À s'approprier ces nouvelles connaissances. Les trois premiers points


lient mémorisation et stratégies d’observation, le quatrième consiste à
transformer des contenus pour mieux les « digérer », à les reconstruire
en fonction de ses préférences personnelles, de son style d’apprentissage,
de ses besoins propres, à les associer à des images personnelles, à leur
donner une coloration émotive personnelle.

Quelques méthodes et techniques

      Réécrire dans ses propres mots les points les plus importants.

      Traduire les contenus abstraits en images, en produisant ses propres


exemples.

      Utiliser l’analogie pour mieux appréhender la complexité abstraite.

      S’imaginer dans la position de quelqu’un qui doit enseigner ces contenus
et produire ses propres explications en termes clairs et compréhensibles.

La synthèse
La mémoire, c’est comme l’estomac. Quand on le charge trop, il à tendance à
rejeter. Il est donc très important de se faire des menus mnémoniques légers, en
sélectionnant les informations et en faisant une synthèse très soigneuse de ce qu'on
se propose de mémoriser. Il n'est pas nécessaire de tout apprendre par cœur.
Certains mots clés et certaines images bien fixés en mémoire suffisent à déclencher
le retour de la majorité des informations qui y sont reliées. Avec un bon résumé, un
tableau ou un schéma, on peut fixer en mémoire un ensemble de connaissances
plus vaste, qu'on pourra reconstituer au besoin par association et logique. On trouve
dans les manuels et dans les articles scientifiques des tableaux, des modèles, des
résumés qu’on peut utiliser tel quels. Mais il est encore meilleur que cette synthèse
soit un produit original de notre propre réflexion, suite à une étude approfondie, plutôt
qu'un emprunt.

Les stratégies

Le principe général est de réduire le volume d'informations à retenir par


regroupement, schématisation; de ne mémoriser que l'essentiel, en laissant tomber
le détail et l'anecdotique; de se constituer des indices d'ancrage comme des titres, un
système de numération, une disposition visuelle. Cela consiste à faire une sélection
rigoureuse des éléments importants et à choisir une forme de présentation facile à
visualiser en un coup d’œil : mots clés, formules, tableaux, schémas, symboles. Un
mot, une image ou un symbole peut être considéré comme une clé dans la mesure
où celle-ci « ouvre » un certain espace de mémoire contenant les informations qu’on
désire retrouver. Une idée essentielle, une définition, une théorie peut être réduite à
un mot, une formule ou un schéma simple. L’effort de mémorisation portera alors sur
l’apprentissage « par cœur » de ces éléments clés, à partir desquels la pensée
pourra retrouver ou reconstruire au besoin l’ensemble des connaissances qui y sont
reliées.

L’habileté à faire cette sélection est probablement l’acquisition la plus difficile à


développer, car elle est liée à la familiarité qu’on a avec le domaine de
connaissances en question. Souligner, prendre des notes sont des techniques faciles
à apprendre et à exécuter, elles sont très utilisées et même trop utilisées (quand les
trois quarts d’un texte sont soulignés, c’est comme si tout était de même niveau
d’importance). Mais savoir quoi souligner, quoi prendre en notes, dans quelles
circonstances, et comment le faire de façon efficiente relève d’une intention précise
et d’une réflexion en fonction d’un contenu et d’un contexte particuliers
d’apprentissage.

Quelques méthodes et techniques

      Sélectionner rigoureusement les éléments clés.

      Fabriquer ses propres fiches synthèse.

      Faire ses propres résumés.

      Concevoir ses propres schémas ou n’emprunter que ceux qui vous
conviennent.

      Condenser les informations importantes par ensembles et sous-


ensembles de matière, une fiche et une seule pour chaque ensemble et
chaque sous-ensemble.

      Organiser l’information sur chaque fiche de façon très visuelle : mise en
page, couleurs, graphisme, symboles, dessins, etc.
      Ne jamais surcharger une fiche.

L'intériorisation
Intérioriser, c’est faire vivre dans sa tête les connaissances acquises. Cela
consiste à évoquer dans sa tête les informations sélectionnées pour être retenues.
Les revoir, les redire, se les expliquer, les visualiser, les entendre. Plus cette
représentation mentale est précise, détaillée, dynamique, vivante, meilleure
sera son ancrage dans la mémoire à long terme. On peut imaginer sa conscience
comme un écran géant sur lequel on projette ce qu'on veut retenir, avec le son. On
peut aussi évoquer, si cela est pertinent, les goûts, les odeurs ou les sensations
tactiles.

Cette opération d’intériorisation demande un effort particulier et requiert qu'on lui


accorde le temps nécessaire. Elle ne se fait pas automatiquement. Une bonne façon
de faciliter cette évocation mentale est d'anticiper par imagination l'usage qu'on
projette de faire de cette connaissance, comme se voir en train d'expliquer à
quelqu'un d'autre ou de répondre à une question d’examen. La mémorisation ne
consiste pas à se rappeler des choses passées, c’est bien plus un acte mental
tourné vers le futur.

Par ailleurs, on ne retient pas les contenus de façon égale selon qu'on les a appris
au début, au milieu ou à la fin de la période d'étude (effet de primauté et de récence),
et selon que ces contenus ont un caractère remarquable ou non. On retient en effet
mieux le début et la fin, les informations redondantes, les faits insolites, les exemples
frappants, les anecdotes croustillantes. Cette rétention spontanée se fait souvent au
détriment des idées et des principes généraux, qui ont un caractère plus abstrait, et
sont donc moins accrocheurs que les exemples qui les illustrent. On aura donc
intérêt à doser son effort pour compenser ces effets et mémoriser les informations
plus discrètes et moins bien placées, en commençant tantôt par le milieu, tantôt à
l’envers, et surtout en discriminant l’anecdotique de l’essentiel et en mettant plus
l’emphase sur la mémorisation des idées principales.

Les stratégies

L’intériorisation consiste à faire l'effort d'évoquer dans sa tête le matériel qu'on veut
retenir, après avoir caché le matériel original. C'est précisément cet effort de rappel
qui permet la constitution d'une trace mnémonique durable tout en constituant le
chemin qui permettra de retrouver ce matériel mémorisé plus tard. Pour que cette
trace s'établisse de façon solide, il faut faire l'effort de se rappeler et de réviser
plusieurs fois dans les moments et les jours qui suivent, puis à intervalles de plus en
plus espacés par la suite. La révision consiste à vérifier et éventuellement à
réapprendre ce qui est oublié. Le meilleur moyen d’ancrer des connaissances et des
habiletés en mémoire est enfin de les utiliser le plus souvent possible, sous les
diverses formes disponibles (écriture, discussion, applications). L’utilisation de plus
d’une modalité sensorielle favorise cette intériorisation et les récupérations
ultérieures : visualisations, images, schémas (modalité visuo-spatiale), répétitions à
haute voix avec variations de ton et de rythme (modalité auditive et verbale), actions,
gestes, mimiques (modalité kinesthésique).

Quelques méthodes et techniques

      Visualiser dans sa tête les aide mémoire, fiches, schémas, tableaux qui
forment la synthèse des connaissances acquises (modalité visuelle et
spatiale de la mémoire).

      Réciter et s’expliquer de mémoire, silencieusement ou à haute voix, les


points essentiels de ce qu’on désire apprendre (modalité auditive et
verbale de la mémoire).

      Reproduire de mémoire les fiches synthèses.

      Se faire passer ses propres examens.

      Transformer la mémorisation en jeu collectif : organiser des concours de


connaissance; se tester mutuellement; expliquer ce qu’on a compris aux
autres et discuter.

      Provoquer des rappels à périodes régulières et réviser les points oubliés.
Plus fréquemment au début pour s’assurer d’une bonne consolidation de la
trace initiale puis de temps à autre par la suite pour maintenir un accès
facile aux connaissances acquises.

APPLICATIONS AUX COURS

Pour éviter la dégradation des connaissances au fur et à mesure que le cours se


développe, dégradation qui rend de plus en plus difficile la compréhension de la
matière nouvelle (oublis de concepts, de théories et de faits vus antérieurement et
nécessaires à la compréhension de la suite), il est souhaitable :

      Avant le cours: de s’informer du sujet traité, de relire ses notes de cours et
de lire la section du manuel de référence ou tout autre texte indiqué;

      Pendant le cours: de diriger son attention vers la compréhension plutôt


que vers la prise de notes mot à mot, d’avoir un système de prise de notes
préétabli (codage des idées par importance, marqueurs de structure,
abréviations, etc.);

      Après le cours: de réorganiser ses notes assez rapidement et d’en extraire
les points essentiels sous forme de fiches aide-mémoire.

APPLICATIONS À LA LECTURE
Pour retenir les éléments essentiels de sa lecture, il est primordial de clarifier
rapidement ce qu’on cherche dans un texte. Ce qui est essentiel à retenir d’un texte
n’est pas à chercher chez l’auteur mais dans son intention comme lecteur. La
méthode de lecture devrait être choisie en fonction de cette intention. On ne lit pas
de la même façon un chapitre de manuel de cours, un article scientifique pointu ou
une thèse d’auteur. On ne choisit pas les mêmes contenus selon qu’on fait de la
recherche documentaire, qu’on développe l’argumentaire d’un essai ou qu’on
prépare un examen. Avant de lire dans le détail, il est bon de se faire une idée de
l’ensemble du texte (intention de l’auteur, idée directrice, différents ensembles du
texte et idées principales). On soulignera ensuite les points clés, en fonction de son
intention. À la fin de la lecture, on prendra en notes et on organisera les points qu’on
considère utiles et essentiels (toujours en fonction de son intention initiale) sous
forme d’aide-mémoire (fiches résumé, fiches synthèse, schémas, etc.) et on
consacrera son effort de mémorisation sur ces éléments clés, si besoin est, et non
sur l’ensemble du texte.

APPLICATIONS À LA PRÉPARATION DES EXAMENS

Pour s’assurer que les connaissances essentielles sont bien ancrées et


facilement récupérables dans sa mémoire à long terme, il faut préparer sa mémoire
en fonction du type de récupération qu’on exigera d’elle. Il existe plusieurs manières
de vérifier les apprentissages des élèves. Les tests dits objectifs mettent l’accent soit
sur la reconnaissance de la bonne réponse parmi un nombre plus ou moins élevé de
réponses fausses ou partiellement fausses, soit dans la restitution du bon mot ou de
la bonne information dans un texte « à trous ». Ce type de test vise à vérifier la
connaissance de faits (noms, dates, définitions, énoncés de théorie) et demande une
préparation de type réflexe : à une question précise, une réponse tout aussi précise,
comme dans les jeux télévisés. Les questions à développement visent plus à vérifier
la compréhension et l’intégration des contenus de matière, tout en vérifiant par le fait
même la connaissance des concepts, des éléments de théorie et des principales
informations. Il convient donc de préparer sa mémoire en vue d’expliquer des parties
de matière d’une manière logique et argumentée, en réponse à une question précise.
L’effort de mémorisation portera moins sur le réflexe mnémonique (question-réponse
du tac au tac) que sur l’intégration des principaux constituants de la matière, en
s’assurant qu’on a suffisamment bien compris pour pouvoir expliquer à son tour.
Enfin, les études de cas et la résolution de problème sont une autre façon de vérifier
les apprentissages, visant à évaluer la capacité de l’élève à appliquer ses
connaissances à une situation problématique donnée. L’apprentissage « par cœur »
est nettement insuffisant à assurer la réussite dans un tel type d’examen. L’effort de
mémorisation doit porter sur la mise en pratique des connaissances, sous forme
d’exercices d’application.

      Préparation : les techniques de questionnement, de rappel et de révision


doivent être choisies en fonction du type d’examen. Il faut apprendre à
répondre à des situations précises et non à réciter de la matière.

      Passation : la mémoire, surtout sous la pression d’un stress, tend à


libérer ses contenus en suivant son rythme propre, ses associations
et ses détours spontanés. Il est préférable, de peur de lui bloquer le
chemin, de noter tout d’abord en vrac ce qui vient spontanément sur un
brouillon, puis ensuite de faire le tri, d’organiser, de rédiger et enfin de
vérifier.
EXEMPLE DE FICHE SYNTHÈSE AIDE-MÉMOIRE
Thérapie rationnelle émotive

Ellis, 1983

Les êtres humains sont affectés, non par la réalité, mais par la façon dont ils
perçoivent cette réalité. Les croyances irrationnelles induisent des verbalisations
internes irrationnelles et mésadaptées. La remise en question volontaire de ces
croyances peut amener à un changement des verbalisations internes et à des
conduites mieux adaptées.

La thérapie rationnelle émotive vise à montrer aux individus comment ils induisent
eux-mêmes leurs échecs et comment ils peuvent changer cela.

La thérapie rationnelle émotive provoque le changement chez les individus en les amenant à
identifier clairement, comprendre, débattre et changer les verbalisations internes négatives
pour des verbalisations plus rationnelles.

Axiome de base: la pensée est à l'origine des sentiments.

Meichenbaum (1989) croit plutôt à une influence réciproque de la pensée sur les
sentiments et des sentiments sur la pensée.

Les trois catégories majeures de pensées irrationnelles :

Exemple 1 de pensée irrationnelle: «Je ne dois pas faire de fautes; si j'en fais,
c'est terrible.»
Conséquences attendues: stress, anxiété, désordres physiologiques.
À remplacer par: «Je fais de mon mieux; je ne veux pas faire de fautes mais si j'en
fais, je peux le prendre. Ça sera dommage, mais ça ne sera pas terrible.»
 
Exemple 2 de pensée irrationnelle: «Tout le monde devrait m'approuver et si ce
n'est pas le cas, c'est épouvantable.»
«C'est agréable d'être approuvé par les autres; mais si ce n'est pas le cas, c'est
correct tout de même.»
 
Exemple 3 de pensée irrationnelle: «Les gens devraient être comme je le veux.»
«Les gens sont ce qu'ils sont: je ne peux pas les changer mais je peux changer
ma façon de réagir à eux.»

François Ruph, 1995


 

EXEMPLE DE FICHE-SYNTHÈSE
AIDE-MÉMOIRE
 
Théorie de l'attribution
Weiner, 1979
 
L'aptitude d'une personne, son effort et la difficulté de la tâche ont une
influence sur la façon dont cette personne perçoit l'origine de ses succès et de
ses échecs.

La taxonomie de Weiner décrit:

• l'aptitude comme un facteur interne, fixe et incontrôlable;


 
• l'effort comme un facteur interne, variable et contrôlable;
 
• la difficulté de la tâche comme un facteur externe, fixe et
incontrôlable.
 
Les recherches sur l'attribution causale des échecs et des réussites indiquent,
entre autres: que la réussite tend à être attribuée à des facteurs internes
comme la compétence, alors que l'échec tend à être attribué à des facteurs
externes comme la malchance ou la difficulté de la tâche (Weiner, 1974); que
les réactions affectives sont maximales quand les résultats sont attribués à
des facteurs internes (Weiner, 1974); que les étudiants qui attribuent un échec
ou une réussite à leurs stratégies sont plus enclins à réviser leurs
comportements que ceux qui l'attribuent à leur effort (Clifford, 1986).

Un changement du mode d'attribution vers des attributions causales


internes, modifiables et contrôlables semble s'imposer comme un
préalable souhaitable dans le cadre d'un programme d'entraînement à
l’efficience cognitive et à la régulation métacognitive.

François Ruph, 1995

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