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Le dossier
Diabète : ce que le cardiologue doit savoir
RÉSUMÉ : L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), complication grave du diabète, est le
principal facteur de risque d’amputation majeure. L’AOMI est particulièrement fréquente chez les patients à
haut risque cardiovasculaire (20 à 30 % des patients coronariens présentent une AOMI) et 50 % des patients
diabétiques de type 2 présentent une AOMI.
La prise en charge de l’AOMI chez le patient diabétique est un problème majeur de santé publique, avec des
conséquences parfois tragiques pour le patient.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent dans le plus grand nombre de cas de dépister l’AOMI. La lutte
contre les facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, dyslipidémie, HTA, hyperglycémie) et les procédures de
revascularisation, le cas échéant, sont les bases du traitement de l’AOMI.
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réalités Cardiologiques # 296_Octobre 2013_Cahier 1
Le dossier
Diabète : ce que le cardiologue doit savoir
synthèse d’oxyde nitrique, augmenta- AOMI quasiment triple (OR : 2.9 ; IC fication artérielle soit associé à l’athéro-
tion de la production d’endothéline-1, 95 % : 1,46-5,73) [3]. genèse classique au niveau des artères de
activation de la protéine kinase C, glyca- jambes (sous-poplitées) dans le diabète.
tion de protéines et notamment des apo- 5. L’insuffisance rénale sévère
lipoprotéines des LDL petites et denses
particulièrement athérogènes, altération
de la fonction endothéliale, prolifération
La prévalence des maladies cardiovas-
culaires est 10 à 30 fois plus élevée chez [ Diagnostic de l’AOMI
chez le diabétique (tableau I)
des cellules musculaires lisses, hyper- ces patients que dans la population géné-
agrégabilité plaquettaire… Une étude rale. La prévalence de l’AOMI pourrait 1. L’interrogatoire
d’intervention, la United Kingdom atteindre près de 48 % chez les patients
Prospective Diabetes Study (UKPDS) en insuffisance rénale préterminale [4]. Les patients diabétiques ayant une atteinte
– qui avait pour but d’évaluer l’effet d’un artérielle périphérique ne présentent que
traitement intensif du diabète de type 2 peu ou pas de symptômes. Par exemple,
sur la morbi-mortalité due à la maladie –
a permis, d’une part, de mettre en évi- [ Physiopathologie
dans le diabète
de l’AOMI une ischémie sévère distale peut surve-
nir sans être associée à des douleurs, du
dence que l’hyperglycémie était associée fait de la présence d’une neuropathie
indépendamment à l’AOMI et, d’autre Les mécanismes concourant au rétrécis- avec atteinte des fibres thermo-algiques.
part, que chaque augmentation de 1 % sement de la lumière artérielle sont très L’interrogatoire s’attachera, néanmoins,
de l’HbA1C était associé à une augmen- probablement différents dans la maladie à rechercher les signes d’artérite distale
tation de 28 % du risque d’artériopa- coronaire et l’AOMI puisque seulement (claudication intermittente correspon-
thie périphérique (IC 95 % : 1,12-1.46) 20 % à 30 % des patients diabétiques dant à une douleur à la marche surve-
[3]. Aucune étude interventionnelle n’a coronariens ont aussi une AOMI [5]. nant toujours pour le même périmètre de
pu cependant démontrer avec certitude marche, douleurs de décubitus nécessi-
un bénéfice du contrôle glycémique sur On peut distinguer deux grands méca- tant de dormir la jambe pendante).
le risque de développer une AOMI ou nismes qui participent à la maladie de la
d’autres atteintes macroangiopathiques. paroi artérielle : l’athérome (athérosclé- 2. L’examen clinique
rose) et la calcification. La maladie athé-
2. L’hypertension artérielle systolique romateuse typique touche les vaisseaux Le pied, dans l’artérite, est typiquement
de gros calibre et les artères coronaires. froid, la peau est fine, dépilée, parfois le
Dans l’étude UKPDS, l’HTA multiplie le Les facteurs de risque de la formation siège de zones de livedo ou de cyanose et
risque d’AOMI de 2,5 chez l’homme et de cette plaque d’athérome sont bien avec au niveau des ongles une onycho-
de 5,7 chez la femme. Une augmentation connus, et les stratégies intervention- dystrophie. L’examen clinique s’atta-
de 10 mmHg était associée à une aug- nelles visant à limiter la formation de la chera à déterminer la coloration cutanée
mentation du risque d’AOMI de 25 % plaque d’athérome sont bien validées. Les lorsque le pied est surélevé par rapport au
(IC 95 % : 1,10-1,43) [3]. calcifications artérielles sont soit locali- cœur et en position déclive (une pâleur
sées au niveau des plaques d’athérome du pied à l’élévation associé à une rou-
3. Les dyslipidémies sous-intimales, soit présentes dans la geur du pied en position déclive est très
média (médiacalcose). La calcification en faveur d’une ischémie sévère, mais
Le profil glycémique le plus souvent artérielle est, lors du diabète, retrouvée l’absence de ces signes n’exclut pas une
retrouvé dans le diabète de type 2 associe plus fréquemment, d’évolution plus artérite sévère). La palpation des pouls
une élévation du taux plasmatique des rapide, de localisation préférentiellement distaux (poplités, pédieux et tibiaux
triglycérides et une diminution de celui sous-poplitée, et est plus souvent asso- postérieurs) fait partie de l’examen de
des HDL. Dans l’UKPDS, il a été montré ciée à la neuropathie [6]. La calcification dépistage de l’artérite distale, bien que
qu’à chaque diminution de 0,1mmol/L de de la paroi des artères sous-poplitées est la reproductibilité soit moyenne, la tech-
HDL, il y avait une augmentation de 22 % un facteur de risque indépendant d’am- nique “examinateur dépendant”, et que
du risque d’AOMI (IC 95 % : 1,07-1,39) [3]. putation, et une médiacalcose sévère les pouls puissent être présents malgré
même sans athérome peut conduire à une l’existence d’une ischémie significative
4. Le tabac ischémie critique de jambe et une ampu- ou à l’inverse physiologiquement absents
tation [7]. Cela explique en partie pour- sans qu’il n’y ait d’AOMI (dans 9 %
En analyse multivariée, dans l’étude quoi les diabétiques ont un risque relatif des cas pour le pouls pédieux). Enfin,
UKPDS, le tabagisme actif était associé 14 fois plus élevé de se faire amputer [8]. l’absence de pouls ne renseigne pas sur
à un risque relatif de survenue d’une Il semble donc que le processus de calci- la sévérité de l’atteinte artérielle.
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réalités Cardiologiques # 296_Octobre 2013_Cahier 1
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Le dossier
Diabète : ce que le cardiologue doit savoir
à l’iode, le risque d’insuffisance rénale envisagé lorsqu’une amputation de le TGF-1) et de la thérapie cellulaire (for-
particulièrement chez les patients pré- membre ou même un geste chirurgi- mation d’une néoangiogenèse à partir de
sentant une néphropathie préexistante cal de débridement de parties molles progéniteurs de cellules endothéliales)
et le risque de surcharge vasculaire chez infectées est décidé chez des patients sera précisée dans les années à venir.
les patients insuffisants cardiaques. Le présentant des symptômes d’artérite
risque d’insuffisance rénale est prévenu sévère (douleur de décubitus, IPS, pres- En outre, la meilleure compréhension
par des procédures d’hydratation avant sion de cheville et TcPO2 en faveur d’un de la physiopathologie de l’artérite des
et après l’artériographie [9]. risque élevé de non-cicatrisation…) ou membres inférieurs chez le patient dia-
une lésion ulcéreuse évoluant défavo- bétique permettrait peut-être de déve-
rablement avec un Doppler en faveur lopper de nouvelles thérapeutiques en
[ dans
Traitement de l’AOMI
le diabète
d’une artérite significative des membres
inférieurs. L’angioplastie per-artériogra-
prévention primaire ou secondaire.
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