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Articles des étudiants du MSIUS

sur leur voyage d’études au Maroc


Pour cette première édition du mastère IUS, l’équipe pédagogique a choisi d’emmener ses
étudiants en voyage d’études au Maroc. Organisé en mars 2015, ce voyage a permis aux
étudiants de se confronter à la réalité du terrain dans un pays en développement. Ils ont
découvert quatre projets urbains réels : l’implantation du tramway à Rabat-Salé, l’EcoCité de
Zénata, la ville verte de Mohammed VI et son campus universitaire, la ville nouvelle de
Tamansourt. Ils ont également eu de riches échanges avec les acteurs de ces projets
urbains.
À travers ce voyage, les auditeurs du Mastère Spécialisé ont donc eu l’opportunité de :
- mettre en application le matériel étudié durant les cours
- analyser sur le terrain des projets urbains avec des paramètres d’entrées différents des
projets français
L’objectif principal de ce voyage d’études était, entre autres, de savoir s’adapter à un
contexte donné, et assembler une offre pertinente avec ses partenaires.
Les articles réunis ci-dessous font objet de rapport d’étude, mais aussi parfois de réflexivité
sur l’expérience acquise des différents projets abordés, et d’analyse critique.

L’ensemble des auditeurs du MSIUS vous souhaite une bonne lecture !

Hanane LEMSYEH
RABAT-SALÉ
Sala Al Jadida
Franck LENOIR
RABAT-SALÉ
Le tramway de Rabat-Salé: défi en terre Marocaine
Leila NDOME
BEN-GUERIR
L’université Mohammed VI et la ville de Ben-Guérir
Hanadi WAFA
BEN-GUERIR
The Green City of Ben-Guérir
EMIR DRAHSAN
BEN-GUERIR
Ville de Ben-Guérir - Ville politique
Firas EL BAHLOUL
TAMANSOURT
Infrastructures, équipements et énergie
Naoufal RHOU
TAMANSOURT ET ZENATA
Évolution de la conception des villes nouvelles au Maroc
Mohammed ASSOUSS
ZENATA
La bataille du foncier est loin d’etre gagnée
Ingrid CHEUNG
ZENATA
L’Eco-Cité Zenata et ses difficultés liées au foncier et au relogement
Chloé FRIEDLANDER
ZENATA
Zenata : quelle appropriation du projet de ville nouvelle et durable?
Hélène BARBET
RELATION FRANCE - MAROC
La CFCIM, actrice de projets de construction intégrés au Maroc?
Émilien MAUDET
L’OFFRE URBAINE FRANÇAISE AU MAROC
L’export de l’offre urbaine française au Maroc : quel challenge vis-à-vis de la
concurrence internationale ?
Ilham ZBADI
LES MÉDINAS
Ville durable Marocaine : de la médina à la ville nouvelle, retour vers le futur

Le premier article, rédigé par Hanane Lemsyeh, fait un retour sur les territoires de Rabat et
Salé, ainsi que le projet de tramway réunissant les deux villes.

Hanane LEMSYEH

RABAT-SALÉ

Sala Al Jadida
Contexte :
Salé est la ville « jumelle » de Rabat, la capitale du Maroc. Cette ville riche en histoire a
longtemps été marginalisée malgré sa position stratégique (son port, fleuve de Bouregreg, à
proximité de Rabat) du fait de son urbanisme devenu anarchique.
Après l’indépendance, Salé fut encore une fois marginalisée face à Rabat et devint une ville
dortoir principalement pour les fonctionnaires de la capitale.
Carte de Rabat et Salé. © Google Maps

Fiche technique de Sala Al Jadida © Bymaro

En 1995, le roi feu Hassan II a donné ses ordres pour commencer les travaux d’une
nouvelle ville entre Salé et Rabat qu’ils ont nommé par la suite Sala Al Jadida (la nouvelle
Salé), principalement pour reloger les habitants des bidonvilles de la capitale. En 2000, la
ville nouvelle a été édifiée sur un terrain de 200 hectares, offert gracieusement par le Roi et
la livraison a eu lieu en 2005. Elle se situe au Sud de Salé à proximité de la rive nord du
fleuve Bouregreg. En 2007, la zone industrielle Technopolis est lancée, la première tranche
de 107 hectares est inaugurée en 2008 par le Roi Mohammed VI. Une deuxième tranche de
190 hectares est prévue pour les années prochaines. La technopole se situe à l'est de Sala
Al-Jadida. La nouvelle ville a connu beaucoup de problèmes en raison d’un manque de
planification des équipements et dépendait ainsi beaucoup de Salé et de Rabat. Aujourd’hui
la ville compte 11 établissements d’enseignement, des mosquées et des marchés avec
200.000 habitants.

Tramway Rabat-Salé
Avec la croissance démographique exponentielle des villes Rabat et Salé, la congestion de
la mobilité et le temps de parcours des usagers ainsi augmentée, en 2007, le Roi
Mohammed VI lança les travaux du Tramway Rabat-Salé qui voit ensuite le jour en 2011. Ce
projet vise à relier les deux villes, renforcer les liens entre elles et offrir une capacité de
transport adaptée à la demande. La prolongation des lignes vers Sala Al Jadida et autres
zones est prévue pour 2018.

Des conditions de vie peu confortables et une absence criante d’infrastructures


Sala Al Jadida souffre aujourd’hui de plusieurs absences d’infrastructures et d’une
insuffisance de moyens de transports en commun. En résolvant un problème on a créé plein
d’autres. En effet, la ville a été pensée pour reloger les gens sans prévoir les équipements
nécessaires et les moyens de transports.

Vue sur Sala Al Jadida © Bymaro


« Cette poussée vigoureuse et désordonnée de l’urbanisation est le prix fort élevé payé par
Salé pour la croissance urbaine de Rabat » écrit Mohamed Naciri, géographe et spécialiste
de Salé, en préface du livre Les gens de Salé, paru en 2001. La ville est devenue
aujourd’hui
une banlieue de fonctionnaires et salariés de Rabat qui ont choisi d’habiter à Sala Al Jadida
pour pouvoir accéder à des logements moins onéreux.
« Sala Al Jadida est une ville tristement proprette, qui rappelle les grands ensembles
construits dans les années 1950 dans les banlieues européennes » écrit Otmane Boujrada
sur le magazine marocain Telquel. Le Maroc refait les memes erreurs de la France en 1970,
en créant des villes non animées sans âme. De plus le caractère de l’habitat social de ces
nouvelles villes les rend repoussantes ce qui poussent les habitants à fuir la ville le jour. La
France a compris il y’a bien longtemps qu’il fallait créer une ville qui repose sur des noyaux
déjà existants et non juxtaposés à une métropole.

Est-ce un mal nécessaire?


Le Maroc dans sa politique veut limiter l’expansion urbaine de ses villes pour en garder le
contrôle. Cependant, la création de la nouvelle ville Sala Al Jadida sans s’appuyer sur le
noyau de Salé déjà existant semble avoir échoué. La nouvelle ville souffre de nombreux
problèmes sociaux, logistiques voire meme identitaires qu’il faudra résoudre dans les 10
années à venir, à savoir la mobilité par l’extension du Tramway Rabat-Salé, la création
d’espaces de loisirs et la liaison entre Sala Al Jadida et Salé de telle sorte à avoir une
identité commune.

Favoriser l’expansion n’est-elle pas une solution meilleure?


Le Maroc devra revoir sa politique de villes nouvelles au prix de l’expansion urbaine des
villes déjà existantes pour réussir sa démarche et éviter les memes erreurs à chaque fois. Il
ne suffit pas de loger les gens, il faut créer un espace de vie agréable et animé pour ces
gens.

Sources:
● Bymaro
● Telquel - Sala Al Jadida, dans l’antichambre de Rabat, 23 juillet 2014 - Citations/critiques de
Mohamed Naciri et Otmane Boujrada
● Wikipedia

Franck Lenoir a rédigé un article sur le tramway de Rabat-Salé. Il fait un exposé sur le
premier tramway moderne du royaume ainsi que les résultats obtenus.

Franck LENOIR

RABAT-SALÉ

Le tramway de Rabat-Salé: défi en terre Marocaine


Une grande première qui fait écho à l’histoire
Le terme « moderne » n’est pas anodin. Il s’avère qu’il ne s’agit pas du premier tramway du
Maroc. Le premier a été construit en 1917 à … Rabat, déjà ! Cette ville n’en est donc pas à
sa première expérience. En s’engageant dans ce projet elle s’offre petit flash-back sur son
propre passé, mais dans un contexte bien différent : la population de l’agglomération n’était
que de 58200 habitants (en 1926), les technologies sont incomparables (traction vapeur et
essence) et les enjeux bien moindre. D’ailleurs, ce tout premier tramway ne fonctionnera
que 13 ans. Il a été fermé en 1930.

Photos historiques du premier tramway - © O-Maroc

Le contexte
Revenons sur le contexte du projet. Rabat, la capitale du Maroc et Salé sont 2 villes
limitrophes situées au nord du Maroc, sur les bords de l’atlantique. Les deux villes sont
séparées par le Fleuve Bouregreg dont le principal point de franchissement était le pont
Moulay-Hassan. Le fort développement de l’agglomération à fait passer la population de 1,3
Millions d’habitants en 2004 à 2 Millions en 2010. Cette explosion démographique a
provoqué une saturation des voies de circulation. Le pont Moulay-Hassan véritable goulot
d’étranglement devenant le symbole de cette situation paralysante. Il a été détruit en août
2012, au profit du tout nouveau pont Hassan II (inauguré en mai 2011) qui constitue un
nouvel ouvrage d’art de l’agglomération.

Enjeux et défis du projet


Dans un contexte de circulation tendue, ce projet de nouveau tramway constitue dès le
début une clé du développement harmonieux de l’agglomération. Il endosse donc un rôle
structurant et doit devenir une véritable colonne vertébrale du futur Rabat-Salé. Comme un
clin d’œil, la première ligne (n°1) est dite « ligne structurante de l’agglomération ». C’est
aussi avec cette ambition que la décision à été prise de construire le tramway en TCPS
(Transport en Commun en Site Propre). Cela signifie que ses voies de circulation lui sont
strictement réservées. Les travaux que vont générer l’implantation du Tramway nécessiter
d’important aménagement et créer une occasion unique de rénover complètement les rues
qui accueilleront les rames. Le foncier se verra alors revaloriser et l’attractivité fortement
renforcée ce qui permettra de dynamiser le développement économique local. Il ne faut pas
oublier que Rabat est la Capital du Maroc mais que c’est Casablanca sa capitale
économique (50 % de la valeur ajoutée du Maroc, 48 % des investissements, 39% de la
population active). L’un des autres défis du projet est l’adhésion des habitants. Le Maroc est
un pays où la culture des déplacements est très différente de la nôtre. A titre d’illustration,
voici les résultats du Plan de Déplacement Urbain réalisé en 2009 :
● Bus : 14%
● Véhicule personnel : 9%
● Taxi : 6%
● Motocyclette :
● Bicyclette : 1,2%
● Train + autres : 1,3%
● Déplacement pédestre : 66%
Transformer en profondeur les modes de déplacements
Le Tramway constitue la première pierre d’un ambitieux programme visant à refondre
l’intégralité des déplacements dans l’agglomération. L’un des objectifs initiaux est que 80%
des usagers du tramway soit ceux des bus, taxis ou de la marche à pieds. Dans un premier
temps, étrangement, l’ambition de convaincre les conducteurs de voitures n’est pas trop
élevée. Malgré tout 3 parkings relais seront construits pour inciter les conducteurs à
stationner leur véhicule en périphérie et emprunter le tramway. L’un des véritables défis est
donc bien de convaincre les marcheurs de payer 7 Dirhams pour se déplacer. Et ce n’est
pas un mince challenge. Une marocaine me dira par la suite que si le marocain marche tant
c’est aussi parce qu’il n’aime pas payer.
Cette transformation est également l’occasion de lutter contre les taxis informels et de
réorganiser les réseaux de bus. Disons plutôt les organiser! En dehors du surprenant
héritage des bus (d’occasions) parisiens, nos accompagnateurs nous expliqueront qu’il n’est
pas rare que les bus aient 30 minutes de retard, voire ne passent pas. Sans compter les
pannes, l’absence de climatisation, de confort…

Bus à Rabat
Le projet de tramway moderne prend donc une toute autre ampleur. Il ancre et symbolise la
transformation de l’agglomération de Rabat-Salé. Cela explique en bonne partie l’ambition et
les moyens investis.

Le réseau et son financement


Le réseau est composé dans un premier temps de deux lignes, totalisant 19,5 km et 31
stations. Elles desservent les principaux pôles émetteurs et attracteurs d’activité dans
l’agglomération (quartier universitaire, hôpitaux, administrations, centre des deux villes,
principales gares routières et ferroviaires).

Carte du réseau de tramway - © Usine Nouvelle


Un point important a été pris en compte lors du tracé des voies. Les marocains étant
habitués à la marche, les zones d’influence de chaque station sont plus grandes que dans
les pays occidentaux. C’est un point qui mal appréhendé peut réduire l’efficacité du réseau.
L’objectif est d’atteindre à terme 5 lignes, et le projet initial a coûté 3,8 milliards de Dirhams
(340 millions d’euros). 109 Millions ont été financés par la société d’aménagement de la
Vallée du Bouregreg, 61 Millions par la Société du Tramway de Rabat-Salé et les 170
Millions restants par les partenaires européens.

Répartition des dépenses du projet de tramway

Modernité et confort
Les rames qui ont été choisies sont d’excellente qualité (Citadis d’Alstom). Elles sont
similaires à celles que nous pouvons retrouver en France. Elles proposent 118 places
assises pour une capacité globale d'environ 580 passagers. Les rames sont à plancher bas
intégral pour faciliter l'accès des personnes à mobilité réduite et sont bien sûr climatisées.
Le design intérieur a été soigné et uniformisé sur les 2 lignes afin de symboliser
l’agglomération. Ultime coquetterie, l’intérieur des rames reprend le code couleur utilisé pour
symboliser la ligne sur le plan (rouge ou bleue).

Le tramway de Rabat-Salé - © CRI Rabat Salé


Un centre de maintenance très moderne, que nous avons eu la chance de visiter, a été
installé sur une superficie de 7 hectares, dans la commune de Salé. Notre guide, Gabriel
PUTZ, Directeur Général, nous expliquera qu’il est arrivé seul à Salé et a fait appel à des
locaux pour déployer cet immense centre. Un modèle d’intégration. Le centre regroupe les
services administratifs de la société exploitante, ainsi que les activités de maintenance et
d’exploitation du réseau du tramway. Ce centre d’exploitation permet d’assurer le contrôle
en temps réel du flux continu des rames. Les coordinateurs sont en contact direct avec les
conducteurs et leur annoncent avances ou retards sur l’horaire prévu. Ils ont également à
leur disposition un réseau de caméras.

Résultats
Le succès est au rendez-vous. En 2014, le tramway a transporté quotidiennement en
moyenne 120 000 personnes (l’objectif à terme est de 180 000). C’est d’ailleurs pour cela
qu’en janvier dernier la société du Tramway de Rabat-Salé a annoncé l’extension de 20km
du réseau, qui devraient entrer en service en 2018. Pour la petite anecdote un fan club du
tramway a meme créé une page Facebook. Elle vient compléter la page officielle du
Tramway… Les usagers sont pleinement satisfaits et le tramway a fortement contribué à
améliorer les espaces traversés, donnant une dynamique nouvelle à l’agglomération. La
ponctualité et le confort apportés par le tramway ont généré des demandes de plus en fortes
d’amélioration des réseaux de bus. Dans ce sens, des négociations ont été engagées avec
la société d’autobus urbains Stareo, pour assurer une connectivité entre les deux modes de
transport avec un billet unique valable dans les bus et le tramway. D’autres négociations ont
lieu aussi avec les administrations pour l’émission d’une carte d’abonnement mensuelle de
250 DH. Par ailleurs depuis 2013, le parc de bus est en cours de modernisation. Cerise sur
le gâteaux et fait rare, le budget d’exploitation du tramway est à l’équilibre. A titre d’exemple
en France les recettes de la billetterie des tramways ne couvrent que 45% les frais
d’exploitation. Mais des défis restent comme par exemple celui des embouteillages dans les
rues mitoyennes aux voies du tramway. La transformation durable de la circulation à Rabat-
Salé semble donc encore promise à quelques challenges mais semble en très bonne voie.

Sources
● Société du Tramway Rabat-Salé - Dossier de présentation de la société
● Maghress - Tramway Rabat-Salé : les usagers s'en accommodent, 17 août 2011
● Agence d’Aménagement de la Vallée de Bouregreg - Livre « Tramway Rabat-Salé un regard
sur l’avenir ». Présentation officielle de l’histoire de la construction du tramway de Rabat
Salé
● O-Maroc, Reda Benkhadra - Tramways au Maroc : une histoire hors du commun, 19 juin
2014
● Usine nouvelle - La ville de Rabat vote une première extension du tramway lancé en 2011, 2
mars 2015
● Wikipedia - Tramway de Rabat-Salé
● Centre Régional d’Investissement - Le tramway de Rabat-Salé
● Wikipedia - Casablanca, économie
● La nouvelle Tribune - Le tramway Rabat-Salé, passionnément…, 10 juin 2011
● Facebook - Tramway Rabat Salé Fan Club
● Facebook - Tramway Rabat-Salé (Officiel)

Les trois prochains articles synthétisent les études des auditeurs du MS sur la ville de Ben-
Guérir, et son ambition académique.
Leila NDOME

BEN-GUERIR

L’université Mohammed VI et la ville de Ben-Guérir

Plan masse du campus universitaire Mohammed VI - © Challenge


Ce rapport d’étonnement se focalise sur le double projet de ville nouvelle à Ben-guérir et
l’université polytechnique Mohammed VI. Il fait un point sur la particularité de cette ville
nouvelle et établit la liaison avec l’établissement universitaire. L’ambition de l’université et
comment elle est intégrée dans le plan de Ben-guérir est abordé, suivi d’observations
personnelles et conclusives suite à la visite de cet établissement au Maroc.

Ben-guérir ; l’une des premières villes vertes en Afrique


Dans le cadre du plan de villes nouvelles au Maroc, la ville nouvelle de Ben-guérir s’impose
telle que l’une des plus innovantes. Elle est conçue comme un ‘laboratoire national’ ou l’ OCP
prototype ses démarches futures dans le cadre de :
● La planification urbaine qui replace la nature et le savoir au cœur de la cité
● Nouvelles conceptions architecturales se basant sur les matériaux bioclimatiques
● Modes de gouvernance des services urbains fondés sur les énergies renouvelables
Elle dispose d’un avantage géographique, vu qu’elle est située sur des grands axes routiers,
à une demi-heure de Marrakech et une heure et demi de Casablanca. Elle dessert
également les deux plus grands aéroports du pays en moins d’une heure.
Ben-guérir est particulière vu qu’elle est fondée pour promouvoir un nouveau modèle urbain
fondé sur le respect de l’environnement et le développement durable, concepts pas encore
assez élaborés sur le continent Africain. Cette approche est bien éloignée de celles dites
passives, s’adaptant au mode de vie existant. En effet, il s’agit à Ben-guérir de mettre en
place un pôle urbain orienté vers les projections futures en promouvant une architecture
d’avant-garde avec des infrastructures adaptées, des modes de gestion des services
urbains écologiques et des espaces de verdure qui replacent la nature au cœur du projet
urbain.
Ces objectifs peineront à etre atteints ou ne seront pas maintenus si l’éducation et la
sensibilisation sur le sujet ne sont pas adressées, et les villes nouvelles en France et autres
pays occidentaux nous démontrent l’importance de la population dans des plans de
conception de villes nouvelles. Aussi, Ben-Guérir est dédiée au savoir, et l’université
Mohammed VI polytechnique constituera un des fleurons nationaux et internationaux de
l’enseignement supérieur et de la recherche, offrant un cadre agréable et valorisant pour les
étudiants.

L’université polytechnique Mohammed VI


L’université, en effet, se positionne au cœur de la ville nouvelle et porteuse d’une dimension
nationale. Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans ce développement de par les
formations offertes et les recherches abordées. Ayant un statut privé mais à vocation
internationale, l’établissement reposera sur la formation, la recherche-développement, le
transfert des technologies, l’incubation de projets innovants et l’ouverture sur l’entreprise.
Elle intègre plusieurs écoles de toutes disciplines répondant directement aux besoins et
attentes du royaume ; par exemple l’école de management industriel a pour ambition de
doter le tissu industriel Marocain de compétences managériales en dispensant des
enseignements théoriques couplés de stages sur le terrain, outre l’accompagnement des
étudiants dans la réalisation de projets individuels et collectifs.
Pour assister à l’enseignement et optimiser les expériences des étudiants, l’université
polytechnique Mohammed VI offre un programme et cadre de vie au-delà du standard :
● Il est mis à leur disposition un quartier résidentiel d’une superficie de 23 Ha comprenant une
centaine de villas, des centres de loisirs et des commerces de proximité
● Par le biais de conventions, des partenariats avec des institutions internationales seront mis
en place et dans ce sens, un premier accord a été signé entre le groupe OCP et l’école des
mines de Paris
● Egalement mis en place un lycée visant à former dans des conditions d’excellence des
jeunes étudiants ayant fait preuve de grandes performances
● D’autres infrastructures de haut niveau viennent en appui pour renforcer l’attractivité de la
ville ; il s’agit des résidences étudiantes, d’un centre de formation industriel, d’un hôpital et
une clinique, des établissements de tourisme, d’une maison de la culture et du cinéma, des
infrastructures sportives et de loisirs

Observations personnelles
La ville nouvelle de Ben-guérir est un terrain d’innovation de ville à toutes les échelles ;
● La gouvernance employée est fraiche, expérimentale et rompe totalement avec celles
traditionnelles employées dans les grandes villes
● En choisissant un site semi-aride, les concepteurs du projet ont pris un risque positif en
voulant démontrer qu’on peut faire la ville autrement dans le cadre de vie écologique, un
espace de savoir et d’innovation
● Ce projet de ville nouvelle est en synergie avec l’ensemble du réseau urbain régional et
national, et sa réussite sera un appel à toutes les collectivités territoriales au Maroc à se
réformer
● L’université polytechnique Mohammed VI se distingue comme un élément clé contribuant à
alimenter la ville nouvelle de Ben-guérir et former les cadres et leaders Marocains de
demain, ceci dans un cadre exceptionnel
● Un atout majeur de l’université Mohammed VI reste que l’établissement s’engage à recruter
des étudiants d’excellence n’ayant pas forcément les finances pour obtenir une formation et
un cadre de vie de ce standard. La convention signée en 2014 à Rabat entre le ministère de
l’éducation nationale et l’OCP consiste à propulser la qualité des classes préparatoires et les
établissements publics d’excellence avec l’octroi de bourses aux meilleurs étudiants, surtout
ceux issus de catégories sociales vulnérables
Le projet de ville nouvelle à Ben-guérir couplé avec l’université polytechnique Mohammed VI
est prometteur. La disponibilité financière de l’université vers les classes basses est un point
fort, et preuve que les concepteurs se focalisent sur le talent et ambition des jeunes
Marocains. Il sera certainement un moteur de développement du Royaume Marocain dans
les années à venir, et est un exemple à suivre sur le continent Africain.

Sources
Challenge - La nouvelle ville de Benguérir, la première ville verte en Afrique, 17 Juillet 2014.
Telquel - Enquete. Le miracle Benguérir, 22 Décembre 2012.

Hanadi Wafa établit plus en profondeur le contexte de développement de ce projet innovant


en Afrique et les ambitions qui en émergent, en anglais.

Hanadi WAFA

BEN-GUERIR

The Green City of Ben-Guérir


The new green city of Ben-Guérir blends modernity and sustainable development, adjacent
to the already existing city of 100,000 inhabitants. It is perfectly located 30 minutes from
Casablanca and Marrakesh, ideally located close to major roads, and connected with Safi
and Beni Mellal. It is also at close proximity to two of the largest international airports in the
kingdom, Nouaceur and Marrakech.

It is the first project in the African continent of its kind; it will offer ecological spaces,
appropriate infrastructure, social life and a framework that will guarantee well-living for
different social and culture population, where the university of Mohammed VI is the highlight,
the beating heart of the green city of Benguerir. The university includes several schools
offering various courses in industrial management, engineering, agriculture, green
technologies and sustainable development among others. It will provide a residential area for
studentsm teachers and researchers with an area of 23 hectares including villas, leisure
centres, shops and other facilities that enhance its attractiveness.

The objective of this new city is to be committed to enable and establish a new urban model
based on aspects that respect the environment and promote sustainable development. This
project impacts the kingdom both nationally and internationaly; through this project, Morocco
wants to differentiate itself academically and ecologically in the international context.
The university will provide a level of education, research and development that will embrace
promising and creative projects, allowing skilled Moroccans to participate and expand this
area. It aims to attract students and professionals and create desirable conditions that
include superior urban infrastructure and amenities, full public services, connectivity,
competitive living price and leisure in the Moroccan context, at the same time it aim to
capture the heritage, proportions, beauty and climate suitable materials of Moroccan
architecture.

Sources:
● Challenge - La nouvelle ville de Benguerir, la première ville verte en Afrique
● Youtube - Université Mohammed VI Polytechnique de Benguérir - HD

Emir Drahsan, au delà de faire son exposé sur la ville, nous propose ici son analyse critique
de la stratégie de développement adoptée.

EMIR DRAHSAN

BEN-GUERIR

Ville de Ben-Guérir - Ville politique


La Ville de Ben Guérir se trouve au Maroc dans la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz, à
72 km de la ville de Marrakech. La ville se trouve sur un axe principal reliant de l'est à l'ouest
du Royaume les villes d'El Kelâa des Sraghna et de Safi, et du nord au sud les villes de
Casablanca et de Marrakech. Ben Guérir est connue pour sa production de phosphate et la
présence de la plus grande base militaire marocaine.
La ville verte Mohammed VI suit les directives fixées par le roi au début de son mandat pour
donner plus d’importance à l’écologie et au développement durable au Maroc. Il est
intéressant à noter que par rapport aux autres pays du Maghreb, le Maroc est le pays qui
suit les changements dans le monde de plus près en matière de l’écologie et ce grâce à «un
roi».
OCP étant l’organisme qui gère une des plus grande sources de richesse du pays –le
phosphate-, devient moteur dans le nouveau développement de la ville où il a été planté
depuis plusieurs années sans réelles connections ni intéractions avec la ville originale de
Ben Guérir. Il semble que l’état par le biais de l’OCP a décidé d’investir dans la ville pour la
création des savoir-faire technologiques et techniques au service du monde entier et en
particulier dans le but de mieux former les jeunes marocains pour la création de la richesse
non seulement par l’extraction et exportation simple du phosphate mais aussi la valorisation
de cette matière première par sa transformation divers en produit finit. Dans ce but la mise
en place d’une université avec des ambitions internationales s’est imposée rapidement avec
un aménagement qui soit capable d’attirer à la fois les étudiants et les professeurs de
grande qualité. Le cadre de vie qui devait etre offert également prend une importance
primordiale pour garder ces gens sur place sur une durée longue. Tout est en train d’etre
pensé autour d’un cadre de vie à l’européenne qui soit en contraste avec l’ancienne partie
de la ville de Ben Guérir. Une nouvelle population près de 90.000 habitants est attendue
dans la ville nouvelle d’ici 2020.
L’université étant la locomotive pour le développement et l’attractivité du lieu, plusieurs
bourses ont été distribuées par l’établissement, en particulier pour les meilleurs étudiants du
Maroc. Cette stratégie semble donner ses premiers fruits avec ses résidents nouveaux
majoritairement étudiants et universitaires. Cependant il est encore très tôt pour dire si cette
stratégie serait une réussite dans un avenir proche.
Il est fréquent de voir ce type de stratégie de développement urbain imaginé autour de la
création d’une université. En meme temps, nous pouvons observer les effets néfastes d’une
telle approche si elle n’est pas élaborée en lien avec le territoire environnant. Il serait plus
judicieux d’intégrer les habitants de Ben Guérir dans une optique de lien social et
économique.
L’OCP disposant non seulement de grands moyens financiers et politiques, pourrait mettre
en place un plan d’aménagement et de développement en consultant les collectivités
locales, les associations et les habitants de la ville. Grâce à une telle consultation et la
création des outils démocratiques, la ville universitaire deviendrait un bel exemple cohérent
en termes de développement durable. Aujourd’hui nous savons que le développement
durable, loin d’utiliser la technologie du dernier cri en terme de panneaux photovoltaïques ou
recyclage des eaux usées et déchets, nécessite une approche globale, intégré et
participative. Certes, il y a énormément d’efforts déployées pour faire de ce projet la ville
verte exemplaire du Maroc ; l’utilisation des nouvelles technologies, création d’un couloir
écologique, architecture bioclimatique etc. Malheureusement manque d’empathie et de
vision politique, ici nous témoignons une approche technicise et limitée de l’écologie.

Sources
Wikipedia - Ben Guerir
OCP - Villes vertes
Challenge - Le Roi lance la cité verte Mohammed VI à Ben Guerir, 10 novembre 2012
L’Economiste - L’OCP accélère son projet “ville verte”, 12 novembre 2012

Firas El Bahloul nous présente le projet de la ville nouvelle de Tamansourt en faisant un


focus sur le campus universitaire Cadi Ayyad. Il effectue une analyse critique de ce projet,
tout en proposant des pistes de solutions et d’améliorations.

Firas EL BAHLOUL

TAMANSOURT

Infrastructures, équipements et énergie

Vue d’un rooftop sur la ville de Tamansourt


Drapeau marocain

Situation géographique de Tamansourt par rapport à Marakech © Al Omrane

Marrakech, ville touristique et attractive, a connu une énorme croissance urbaine sur les dix
dernières années (+160.000 habitants). Atteignant plus de 1,2 million d’habitants, le boom
de l'immobilier, à son apogée en 2007, a fait monter les prix au point de compromettre
l'acquisition par la toute récente classe moyenne. Or, pour la majorité des Marocains, la
propriété est primordiale : l'achat d'une villa ou d'un appartement constitue un acte vital. De
ce fait Mohammed VI a anticipé la croissance urbaine et le changement de la société en
lançant plusieurs programmes de villes nouvelles au sein du royaume visant la mixité
sociale dont la ville de Tamansourt (la ville victorieuse).

Cette dernière située à une dizaine de kilomètres de Marrakech, prétend etre la plus grande
du continent africain et témoigne d'une ambition économique et sociale. La maîtrise de cet
ambitieux projet d'aménagement sur 1932 hectares à terme promet l'installation de 300 000
habitants pour un budget de 3,6 M€ et a été confié à l’aménageur Al-Omrane. La ville de
Tamansourt a été planifiée de la manière suivante :

Logement Espace équipement Z. industrielle Z. offshore Transport


vert
90.000 320 HA écoles, mosquées, 180 HA 20 HA Bus
1 hôtel, cafés, (Marrakech-
restaurants, Tamansourt)
gendarmerie,
médina et banques
Tamansourt ne vise pas de nouveaux modes de construction ni une architecture moderne.
Au contraire, elle reprend le modèle de l’habitat traditionnel marocain en diminuant les
surfaces. Ainsi au niveau du logement, nous retrouvons plusieurs modèles qui répondent au
besoin des clients selon leurs revenus :
- Logement social sous 2 formes :
● Parcelle à partager pour deux familles
● Appartement dans un immeuble social
- Logement collectif
- Logement économique sous deux formes :
● Maison à patio à la Médina
● Villa
- Villa semi-finie : sans revetement ni équipement laissant le choix à l’acquéreur de
l’aménager.

Parcelle à partager Immeuble social La Médina Villa semi-finie


© Firas El Bahloul, © Emir Drashan, © Blog de Rol Benzaken

Dix ans après son lancement, Tamansourt ne séduit toujours pas : censée représenter
un programme pilote, Tamansourt est aujourd’hui considérée pratiquement comme un
échec. Certains la qualifient meme de ville-dortoir ou de ville fantôme. En effet malgré les
énormes efforts d’Al-Omrane, cette nouvelle ville ne compte que 55 000 habitants avec :
- 80% des logements prévus ayant été construits mais plus de 50% restant inoccupés,
- 4 écoles primaires, 2 collèges et 2 lycées ont été construits par Al-Omrane.
Cela n’a pas été suffisant pour faire du site une véritable ville et pour attirer plus d’habitants.
Cela s’explique par le manque de projets structurants. Concrètement, le maillon faible de
Tamansourt est sans doute :
- l’absence d’équipements publics et de services (banque, administration, hôpital…..)
- l’insuffisance de l’offre de transport urbain : Tamansourt est desservie par une seule ligne de
bus à partir de Bab Doukkala à Marrakech et avec une fréquence d’un bus par heure.
- la dépendance vis-à-vis de la ville de Marrakech (en termes d’énergie, d’eau et de
gouvernance)

Un nouveau campus, la solution proposée par Al Omrane.


Pour faire face à cet échec, la société d’aménagement prévoit d’installer un campus
universitaire dans cette ville afin de donner un nouveau souffle à Tamansourt : en effet
l’université Cady Ayyad a décidé d’étendre son campus dans cette nouvelle ville sur 165
hectares qui devront accueillir :
- 3 écoles d’ingénieurs,
- 4 facultés,
- une cité universitaire.
Ce nouveau campus accueillera 60 000 étudiants d’ici 2021 (10 000/an) sachant que le
nombre d’étudiants n’a cessé d’augmenter ces dernières années et les universités de
Marrakech sont très saturées.
Le campus universitaire Cadi Ayyad dans le projet d’aménagement de Tamansourt

Le nouveau campus sera-t-il la solution ?


La ville de Tamansourt présente un très grand potentiel qui pourrait, à condition d’etre bien
exploité, faire d’elle la ville pilote de toutes les villes nouvelles de l’Afrique du nord grâce à :
- Sa topographie plate,
- Ses larges voiries,
- Sa société qui favorise la mobilité douce (marche, vélo),
- Ses logements inoccupés,
- Ses nombreux terrains non bâtis,
- Son taux d’ensoleillement élevé (340j/an),
- Sa pluviométrie faible (250mm/an).

Vue aérienne de la ville de Tamansourt - © Wikimapia


La topographie plate, les voiries larges et la culture des déplacements en vélo ainsi que la
marche que présentent la ville de Tamansourt favorisent le développement de la mobilité
douce dans cette nouvelle ville. De ce fait, il faut prévoir des pistes cyclables et des rues
piétonnes qui assureront la sécurité des citoyens et réduiront par conséquent les émissions
de gaz à effet de serre.

Mettre en place une cité universitaire sera-t-elle la meilleure solution pour héberger les
nouveaux étudiants du campus sachant que plus de 50% des logements déjà construits sont
inoccupés et peuvent servir d’un coté de logement pour ces nouveaux venus et présentent
d’un autre coté des avantages à ne pas négliger tels que :
- Rentabiliser en partie le coût de la construction de ces logements et les entretenir,
- Réduire les coûts de construction du campus et d’investir l’argent prévu pour la cité
universitaire dans d’autres projets culturel et économique qui favoriseront à leurs tour le
développement de la ville.
- Favoriser le déplacement à travers la ville au lieu de rester sur le campus qui se situe en
périphérie, d’où le développement d’une nouvelle dynamique de déplacement qui entraînent
elle meme une dynamique économique et la lancée de la ville.

La ville de Tamansourt présente un grand potentiel pour etre une ville verte grâce à ses
nombreux terrains non bâtis, son taux élevé d’ensoleillement et sa faible pluviométrie. Ces
avantages font d’elle une ville favorable aux technologies des énergies renouvelables.
- Intégrer par exemple des systèmes de récupération et de recyclage des eaux usées et
pluviales réduira la consommation d’eau jusqu’à 50% dans les nouvelles constructions
(campus…)
- Intégrer des systèmes de récupération d’eau d’irrigation dans les espaces verts (parc,
jardin…)
- Produire de l’électricité grâce aux panneaux photovoltaïques,
- Mettre en place un système de tri, collecte et traitement de déchets ce qui permet la
valorisation énergétique, le recyclage de la matière première, la réduction jusqu’à 70% la
masse de déchet, la création de nouveaux emplois etc.
Système de récupération des eaux usées - © Entreprises Ouest France

Système de récupération des eaux pluviales - © Actinnovation

Traitement et gestion des déchets - © Pays de Fayence


Station de traitement des eaux

Conclusion :
Nous vivons actuellement dans un monde où les technologies domineront un jour et se
développeront au service de la société.
Nous avons vu que Tamansourt, la ville satellite présente effectivement un grand potentiel
sur le plan topographique, infrastructures, social et climatique, qui va dans le meme sens
que ces nouvelles technologies. Ses potentiels nous ont en effet permis de pousser la
réflexion autour des systèmes énergétiques économiques et de mobilité qui feraient d’elle un
pôle dynamique et attractif. Malheureusement le manque de projets structurants et l’absence
d’une forte gouvernance locale qui aurait permis à Tamansourt de briller, a fait aujourd’hui
de cette dernière une ville dortoir.
A ce jour, les villes intelligentes poussent de plus en plus dans le monde, il faudrait donc
anticiper l’évolution de Tamansourt et créer son « smart campus » connecté à la ville, qui
répondra au mieux aux besoins du futur et pourquoi pas plus tard, la création de la première
smart city du Maghreb.

Sources :
L’Économiste - Tamansourt ne séduit toujours pas, 16 janvier 2015
La Vie Éco - Ville nouvelle de Tamansourt : 80 villas livrées mais sans eau ni électricité, 7
septembre 2009
L’Économiste - Villes nouvelles Tamesna et Tamansourt bientôt sauvées?, 15 août 2013
Wikimapia
Blog de Rol Benzaken
Ouest France Entreprises - Vannes. Les stations Opuntias recyclent l'eau du foyer à
domicile, 4 février 2013
ActInnovation - Airdrop Irrigation : un système qui récupère l’eau de l’humidité de l’air, 11
novembre 2011
Pays de Fayence - Pour une meilleure compréhension du problème des déchets, 19
novembre 2009
Naoufal Rhou apporte un regard critique sur la conception des villes nouvelles au Maroc, en
prenant comme cas d’études les villes de Tamansourt et de Zenata, et en utilisant la grille
d’analyse du label français Eco-Quartier.

Naoufal RHOU

TAMANSOURT ET ZENATA

Évolution de la conception des villes nouvelles au Maroc

Durant ces 50 ans d’indépendance, le Maroc a connu une croissance urbanistique d’une
moyenne de 4% par année, ayant eu pour effet de doubler le nombre de citadins. En
comparaison, la moyenne internationale est aux alentours de 2,5 % sur cette meme période.
Par ailleurs, cette croissance s’est opérée de manière déséquilibrée. L’industrie s’est
développée grandement sur une partie limitée du pays, notamment au sud et au nord de
Casablanca sur une bande côtière de 140 km, qui recense aujourd’hui les deux cinquièmes
de la population urbaine. De ce fait, l’urbanisation s’est faite de manière hasardeuse et
chaotique pour absorber cet affluent de citadins et est pour principale cause des externalités
paralysant les grandes agglomérations, au point qu’à partir des années 2000, réparer les
dommages reviendrait à détruire pour reconstruire ; l’étalement urbain est devenu très
pénible, voire impossible à opérer.
La solution fut de construire des villes nouvelles.

Le cas de Tamansourt
À cette meme période, l’immobilier au Maroc vivait sa belle époque, la ville de Tamansourt
vit le jour en décembre 2004, sur un terrain presque gratuit. Bénéficiant de cette opportunité
foncière, l’aménageur, maître d’ouvrage et d’œuvre de la ville, ainsi que d’autres opérateurs
immobiliers, se sont mis à ce qu’il savent le mieux faire : bâtir des bâtiments. À la livraison,
les nouveaux citadins se sont retrouvés dans une petite ville dortoir, manquant cruellement
des infrastructures publiques nécessaires. Ceux qui y sont restés avaient plus besoin de
logement que de besoins en santé, en éducation, en mobilité, en divertissement etc. : ce
sont les gens pauvres et les bidonvillois.
Vue sur une voie et habitations à Tamansourt - © Hélène Barbet

Ainsi, il ne suffit pas de proposer des prix de logement très bas pour faire fonctionner sa
ville. Aujourd’hui, la conception de la ville s’opère selon une démarche systémique et
intégrée rassemblant tous les acteurs de la ville. Tamansourt a vu le jour sous la direction
d’un unique acteur.

Radar d’évaluation du projet Tamansourt inspiré de la grille d’anlyse du label Eco-quartier*


* Le radar original a comme cinquième composante : « Etat d’avancement ». Substituée ici
par: « Ambition » et « Vision », qui prennent le meme sens que dans la démarche AEU,
Approche Environnementale de l’Urbanisme de l’ADEME, Agence de l’Environnement et de
la maîtrise d’énergie.

Le cas du projet de Zenata


La relève, Zenata ? Août 2006 voit naître la Société d’Aménagement de Zenata (SAZ). À la
différence de Tamansourt - qui livrait ces premiers habitats pas plus de deux ans après le
lancement de son programme - la SAZ n’a ordonné le lancement de son programme
d’habitat que 4 ans plus tard, temps durant lequel la réflexion autour de Zenata a eu tout son
temps pour mûrir, et pour en sortir une ville éco-conçue (une des premières en Afrique),
axée sur le développement durable.

La réflexion menée par la société d’aménagement est similaire à l’Approche


Environnementale de l’Urbanisme de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise
de l’énergie). Elle a débuté par une étude de l’état des lieux environnemental, social et
économique, et recouvre les trois dimensions qui régissent un territoire : la dimension
identitaire, la dimension matérielle et la dimension organisationnelle, et ce en s’appuyant sur
une démarche aussi transversale et pluridisciplinaire que possible.
La transversalité s’exerce à différents niveaux selon la vision et l’ambition de la démarche de
développement durable entamée :
- Par des partenariats internes : par la mise en place d’un agenda 21 par exemple. Le cas de
Zenata est plus proche d’un agenda 21 informel en interne.
- Par des partenariats externes : avec l’Agence Française de Développement, avec le
Ministère de la santé, des appels à manifestations d’intérets...
- Par des partenariats avec des acteurs non institutionnels : l’opération geste pour les enfants
de Zenata, le programme national « Un million de cartables », concertation et négociation
avec les bidonvillois.
Cela reflète un niveau d’ambition sans précédent au Maroc, mais pour autant, ne mettant
pas Zenata en position d’excellent élève, du fait de son échec de concertation, qui ne s’est
pas opérée dans les règles de l’art.

Mohammed VI, François Hollande & co. autour de la maquette du projet de Zenata - ©
Société d’Aménagement de Zenata

Cette première étape de la réflexion peut etre comparée à celle de l’AEU : la Vision, durant
laquelle le territoire a été observé au microscope, et qui a résulté en la traduction d’objectifs
et d’orientations pour la ville de Zenata1. La SAZ s’est trouvée dans la nécessité d’engager

1 À titre d’exemple, une des ambitions motivant l’aménagement de la ville est de bannir la
voiture : pourquoi aller à cet extremum ? Passez une journée à Casablanca ; ce ne fut pas le
cas de Tamansourt, qui d’ailleurs n’avait qu’une seule ambition prépondérante : répondre
au besoin d’habitat.
des experts à l’international, de réaliser des benchmarks dans le monde (les usages et
pratiques des villes bonnes élèves), ce qui a enrichi leur méthodologie, et réduit l’incertitude
et l'ambiguïté qui tournaient autour de tout projet de développement durable. Cela est
analogue à la deuxième étape de l’AEU : l’Ambition.

Ils sont maintenant à l’étape de la Transcription au sens de l’AEU : le plan d’aménagement


est en cours d’homologation auprès de l’agence urbaine de Casablanca. La particularité de
ce plan est qu’il délimite des unités de vie qui doivent disposer d’équipements de proximité
(santé, éducation, mobilité...). Cela fut un bon réflexe de la part de la SAZ pour promouvoir
un aménagement de proximité et limiter les déplacements et les externalités s’ensuivant.

Une grande ambition étant absente est la participation et la concertation des citoyens, qui
furent indirectement faites (heureusement), à travers les négociations avec les bidonvillois
(partie de la société qui est très faible ; son poids est plus fort par rapport aux autres
couches sociales mais pourtant pas prépondérant), et et aussi à travers l’écoconception qui
tient compte des grands absents : les générations futures.

Malgré tout, cette étape de transcription devait etre faite dans les règles de l’art : on a beau
bien penser une conception des plus rationnelle, belle et innovante possibles, au final ce
sont les habitants qui vont vivre et etre les usagers de la ville. Leurs avis et désirs pourraient
en certain points diverger, cela provoquerait certaines externalités qui constituent un risque
à la durabilité du projet. La ville est conçue pour des habitants, et c’est tout à fait légitime
qu’ils accompagnent et co-construisent la ville avec l’entité responsable.

Radar d’évaluation du projet Zenata, inspiré de la grille d’analyse du Label Eco-quartier*

Sources:
Ademe, Réussir la planification et l'aménagement durables, guides méthodologique
R. Escallier, Université de Nice - La croissance urbaine au Maroc, 1972
Graillot Didier, Waaub Jean-Philippe - Aide à la décision pour l'aménagement du territoire:
méthodes et outils
Catin Maurice, Cuenca Christine, Kamal Abdelhak - L’évolution de la structure et de la
primatie urbaine au Maroc
La Vie Éco
Haut commissariat au plan - Statistiques sur la croissance de l’urbanisation au Maroc
Banque Mondiale - Données de la banque mondiale - Statistiques sur la croissance
mondiale de l’urbanisation

Dans son article, Mohammed Assouss nous décrit les enjeux et objectifs du projet de ville
nouvelle et d’Eco-Cité de Zenata. Il aborde ensuite les difficultés décrites lors du voyage
d’études, quant à la mise en oeuvre de ce projet, en termes de foncier.

Mohammed ASSOUSS

ZENATA

La bataille du foncier est loin d’etre gagnée

Le Maroc a mis en place une politique de villes nouvelles depuis plusieurs décennies ; les
agglomérations marocaines se caractérisent par leur structure duale : elles comprennent la
ville ancienne, la medina, et la ville nouvelle européenne.

La ville nouvelle de Zenata, située entre Casablanca et Mohammedia, est délimitée au Nord
par l’Océan Atlantique, à l’Ouest par la SAMIR, la raffinerie de pétrole, à l’Est par le quartier
Sidi Bernoussi, au Sud par la RP 35 et s’étend sur une superficie de 2000 Ha environ.

Vue aérienne du projet d’aménagement - © Société d’Aménagement de Zenata

Le Maître d’ouvrage est la caisse de dépôt et gestion (CDG du Maroc) ; sa filiale, la société
d’aménagement de la ville de Zenata, qui a été fondée en 2006 pour porter ce projet phare,
en assure le pilotage et le développement.
Ce projet est de nature à créer plus d’emplois directs mais aussi indirects, garantir la mixité
sociale et offrir des logements sociaux pour l'éradication de l’habitat insalubre afin de
permettant le relogement des 7000 ménages occupant les bidonvilles.
Par ailleurs, la ville de Zenata compte devenir la première ville écologique marocaine et
présente une énorme réserve foncière stratégique à meme de permettre le développement
urbain de la région du grand Casablanca. De plus, le projet vise à promouvoir le tourisme
dans la région, offrir des plateaux de bureaux et renforcer le pôle économique et industriel
de Mohammedia-Zenata.

La ville nouvelle de Zenata sera dotée du deuxième plus grand parc commercial d’Afrique.
L’objectif étant de construire un pôle commercial va attirer dès son opérationnalisation, les
habitants de toute la région du Grand Casablanca. Le leader mondial de l’ameublement Ikea
a annoncé l'ouverture de son premier magasin au Maroc pour un investissement de 40
millions d’euros, sur une superficie de 26000 m2 ; les travaux en question sont en cours.

Toutefois, cette ville nouvelle se trouve confrontée à de nombreux problèmes de libération


du foncier. Bien que les travaux du programme de cette ville nouvelle connaissent un
avancement notable, il reste beaucoup à faire pour épurer le foncier, qui a joué depuis
longtemps un rôle primordial dans le financement de l’infrastructure urbaine ; sa
mobilisation pour la mise en œuvre des options des documents d'urbanisme ou d’un projet
urbain est confrontée à de nombreuses difficultés notamment les contraintes liées au régime
de la propriété foncière, à la multitude des statuts fonciers et à l’occupation du domaine
public.

L’occupation du domaine public est devenue un phénomène commun, qui n’exclut presque
aucune région au Maroc. Le projet de ville nouvelle à Zenata a été déclaré d’utilité publique
en 2006 ; l’expropriation qui en découle a concerné les 1124 ha sur 1660 ha constituant
l’assiette foncière destinée au projet, tandis que 55 ha restent toujours occupés par les
bidonvilles, en plus de 50 ha sur lesquels 640 cabanons ont été construits.

- Les cabanons: un cas complexe.


Normalement, les cabanons doivent etre implantés sur la base d’une autorisation temporaire
et etre construits avec des structures légères pour faciliter leur démantèlement. Selon la loi,
les intéressés sont autorisés à occuper ces logements uniquement durant la période
estivale, entre juin et septembre.
Cependant, les 640 cabanons ont tous été construits en dur sur le domaine privé de l’Etat.

Ruelle entre les cabanons - © Ingrid Cheung


Aujourd’hui, les occupants des cabanons, qui se sont déjà organisés en association,
contestent le montant des indemnités et refusent d’évacuer les lieux. Le dossier est en
justice conformément à la procédure d’expropriation en vigueur.

- Le relogement des habitants des bidonvilles


La Société d’aménagement de Zenata envisage le relogement de 7000 ménages en vue de
résorber l’habitat insalubre.

Vue sur les champs et bidonvilles © Ingrid Cheung, edit Mohammed Assouss

Le programme de relogement concernera les habitants des bidonvilles mais aussi des
résidents qui travaillaient dans les fermes historiquement implantées sur le territoire et qui
ne disposent pas de propriété foncière ni immobilière.
Cette opération consiste en la proposition d’appartements d’une valeur de 250 000 dirhams
l’unité, sur une superficie de 60 à 70 m2 moyennant une participation des bénéficiaires de
l’ordre de 100 000 dirhams, le reste est complété par le Fonds Social de l’Habitat (FSH).

Les bénéficiaires peuvent recourir à des prets dans le cadre du programme Fogarim,
moyennant un apport personnel de 20 000 dirhams.
Certains habitants des bidonvilles, meme s’ils ont l’autofinancement nécessaire, veulent
bénéficier d’une subvention gratuite et refusent de verser leur quote-part.

Aujourd’hui, malgré toutes les facilitations accordées, la population cible proteste toujours et
refuse toute solution proposée pour libérer les lieux, situation qui n’a que trop duré.

Sources :
Société d’Aménagement Zenata
Agence Urbaine de Casablanca
L’Economiste - Ville nouvelle de Zenata: le foncier totalement acquis, 18 décembre 2013

Ingrid Cheung rappelle le contexte général dans lequel s’inscrit le projet de Zenata, ainsi
que la volonté d’éco-concevoir cette ville. Elle aborde également les problématiques phares
du site liées aux bidonvilles et cabanons, puis se questionne sur l’appropriation du projet par
les habitants.
Ingrid CHEUNG

ZENATA

L’Eco-Cité Zenata et ses difficultés liées au foncier et au relogement

Un taux d’urbanisation de plus de 60%, 500 000 nouveaux citadins par an, 1,25% de taux
de croissance démographique, des centaines de milliers de ménages habitant dans des
bidonvilles... tels sont les chiffres témoignant de la forte pression qui existe sur les villes
marocaines.
Pour y faire face et anticiper la croissance urbaine, le roi Mohammed VI fait du
développement des territoires et de la maîtrise du développement urbain des priorités pour
le pays : il lance en 2004 un programme d’urbanisation visant à créer 15 villes nouvelles d’ici
2020, dont onze en périphérie des grandes agglomérations.
Il lance la meme année, le programme «Ville sans bidonvilles» afin d’éradiquer le
phénomène de l’habitat insalubre, qui représentait en 2011, 30% des logements urbains. Le
projet Zenata s’inscrit dans ce contexte.

Situé entre Casablanca et Mohammedia le long de la côte Atlantique, Zenata est un territoire
en plein essor de près de 1830 ha, qui va donner naissance à l’une des premières Éco-Cités
marocaines.
Au cœur d’un bassin de 11 millions d’habitants où vit 1 marocain sur 3, cette ville nouvelle
bénéficie de la proximité avec les deux plus grandes villes et poumons économiques du
pays : Rabat et Casablanca. Située dans la deuxième couronne Nord-Est du Grand
Casablanca, Zenata peut aussi profiter de la présence de hubs d’infrastructures logistiques
et de transport (ferroviaires, routières, aériennes).
La ville de Zenata devrait etre livrée dans sa globalité d’ici 2030 et y accueillir 300 000
habitants (en particulier de classe moyenne) et 100 000 emplois. Aujourd’hui, 50 000
habitants y sont déjà présents.
Situation géographique de Zenata - © Société d’Aménagement de Zenata

Zenata dans le Grand Casablanca - © Société d’Aménagement de Zenata


La maîtrise d’ouvrage du projet est assurée, depuis sa création en 2006, par la Société
d’Aménagement de Zenata (SAZ), structure dédiée de la filiale de la Caisse de Dépôt et de
Gestion (CDG) Développement. Elle est aussi « garante de la cohérence globale du projet,
de son développement et de sa mise en œuvre ».
Lors de notre voyage d’études, nous avons pu découvrir le projet Zenata au sein des locaux
de la SAZ à Mohammedia.
Siège de la Société d’Aménagement de Zenata à Mohammedia - © Ingrid Cheung

Logo de la la SAZ - © Société d’Aménagement de Zenata

L’idée du projet Zenata selon la SAZ, est d’intégrer des enjeux liés aux contextes mondial et
national : demande croissante d’énergie (en grande partie due aux villes), augmentation des
concentrations en gaz à effet de serre, raréfaction des ressources (notamment en eau),
déséquilibres Est-Ouest en termes de services dans le Grand Casablanca…
La SAZ vise donc une « éco-conception systémique » de la ville, afin de développer un
modèle d’éco-cité durable à la fois en termes socio-économiques, environnementaux et de
mobilité, et une ville attractive de services où mixités sociale et spatiale sont attendues.
Cependant comme dans tout projet de développement urbain, des difficultés existent et il
faut y faire face. Les problématiques majeures identifiées lors de la visite à Zenata
concernent la libération du foncier et le relogement.

Nous avons pu le constater sur le terrain, il y a aujourd’hui encore de nombreux bidonvilles à


Zenata, habités par 7000 ménages soit près de 30 000 personnes réparties dans 17
bidonvilles. Ces bidonvillois représentaient en 2014 85% de la population résidente totale de
Zenata.
Bidonville à Zenata - © Ingrid Cheung

Or le projet, d’utilité publique reconnue, nécessite l’expropriation de ces populations, qui se


voient proposer différents types de compensation, notamment un « relogement »2 ou un «
recasement »3 , dans le cadre du programme « Ville sans bidonvilles ».

De nombreux ménages bidonvillois restent cependant réticents et insatisfaits par rapport aux
propositions de compensation, qui leur demandent une contribution financière. Ils
souhaiteraient plutôt bénéficier d’un logement gratuit.

De plus, en ayant accepté le relogement, des dérives existent. Lors de notre visite, on nous
a par exemple relaté des cas où certaines familles acceptent le relogement, mais continuent
de vivre dans un bidonville. Cela leur permet de vivre gratuitement et de gagner de l’argent
en sous-louant leur appartement. De meme, certains couples décident de divorcer pour que
chaque conjoint puisse bénéficier d’un logement.

Parmi d’autres personnes en habitat informel affectées par le projet d’aménagement, on


trouve aussi les « cabanoniers » qui vivent en bord de mer de façon permanente ou
temporaire. Alors que les cabanons installés près de la plage étaient, à l’origine, établis au
titre d’une autorisation d’occupation temporaire (en général l’été), nous avons pu voir que la
plupart d’entre eux étaient bétonnés. Ils ont en effet été illégalement (en connaissance de
cause ou non ?) construits en dur, soit pour s’en servir comme des résidences secondaires,
soit comme des résidences permanentes. En 2014, le recensement indiquait un nombre de
653 ménages « propriétaires » de cabanons. Aujourd’hui, environ 80 ménages sont des
résidents permanents.

2 « Appartement en immeuble de logement social situé à proximité immédiate du pôle économique


de Mohammedia et de la future Ville Nouvelle »
3 « Lot de 80 m2 pour deux ménages destiné à l’auto-construction d’un immeuble R+3 partagé entre
un tiers associé et les deux ménages bidonvillois situé à l’intérieur de la Ville Nouvelle, également sur
la commune d’Ain Harrouda et près de Mohammedia »
Cabanons bétonnés – Plage de Paloma ; Le projet d’aménagement de Zenata prévoit la
libération des dunes naturelles et la création d’une promenade cotière. © Ingrid Cheung

Or, que ce soit pour les bidonvilles ou les cabanons ou tout autre habitation, le foncier
appartient à l’Etat, qui avait fait du territoire de Zenata, une réserve foncière stratégique,
notamment afin de résoudre les déséquilibres Est/Ouest du Grand Casablanca (en
particulier en termes de services).

Bien que la SAZ soit entièrement propriétaire du territoire, la libération du foncier reste un
des points critiques pour avancer dans le projet et « demande beaucoup de moyens et
d’efforts » selon Amine El Hajhouj, directeur général de la SAZ. De réelles résistances
existent que ce soit de la part des bidonvillois ou des cabanoniers dont certains sont là
depuis des décennies.

Néanmoins, malgré des abus, la Société d’Aménagement de Zenata ne souhaite pas aller à
la confrontation et essaient de trouver des solutions dans l’intéret de la paix sociale. Dans le
cas des cabanons par exemple, elle propose des compensations financières voire meme
des logements à valeur de remplacement aux résidents. Pour les résidents permanents des
cabanons ayant peu de moyens et pour lesquels la compensation financière ne suffirait pas,
un relogement est aussi proposé.

Cet exemple de projet de ville nouvelle marocaine montre encore une fois les difficultés liées
aux réalités du terrain qu’il est essentiel de prendre en compte et auxquelles il faut
s’adapter. Il convient de rester vigilant quant aux dérives existantes, tout en essayant de
comprendre d’où elles viennent et comment les résoudre. Pour cela, il me semble que des
phases de dialogue, de consultation, de concertation sont nécessaires tout au long du projet
et cela, dès la phase amont. Une cellule d’accompagnement social, ainsi qu’un travail avec
des associations locales ont d’ailleurs été mis en place afin d’assurer l’adhésion des
populations pouvant bénéficier du relogement. Mieux comprendre les habitants, proposer
voire de co- construire les solutions les plus adaptées, tout en tenant compte d’une certaine
urgence liée au contexte d’urbanisation croissante et rapide: quoi de mieux pour une
meilleure appropriation du projet par les habitants ?

Sources :
Agence Française de Développement
L’économiste, le premier quotidien économique du Maroc
● Les cabanoniers refusent de déménager, 19 janvier 2012
● Ville nouvelle de Zenata, l’acquisition du foncier entièrement verrouillée, 30 novembre 2011
● Casablanca / ville sans bidonvilles, le programme sera bouclé en 2014, 28 janvier 2014
Le Matin - « Zenata, une éco-cité qui équilibre le Grand Casablanca », 10 novembre
2011
Société d’Aménagement de Zenata
● Plaquette Ville nouvelle de Zenata
● Cadre de politique de réinstallation, révision 12, novembre 2014
Usine Nouvelle - Zenata : la ville nouvelle de Casablanca aux ambitions écolos –14
mai 2013
La Vie Éco
● Maroc : des villes nouvelles pour rééquilibrer le développement urbain – le 14 août
2014
● Villes sans bidonvilles : l’envers du décor, 9 septembre 2014

Chloé Friedlander aborde les thématiques de relogement des bidonvillois, de conflit avec les
cabanoniers et de l’agriculture, sous l’angle de la participation et l’appropriation du projet
Zenata par les habitants, tout en rappelant l’influence française dans ce projet.

Chloé FRIEDLANDER

ZENATA

Zenata : quelle appropriation du projet de ville nouvelle et durable?


Si vous faites la route reliant Rabat, la capitale politique du Maroc et Casablanca, sa capitale
économique, une nouvelle étape vous attend, l’Eco-cité de Zenata. Un projet qui répond tant
aux défis du développement durable que de l’urbanisation rapide du Grand Casablanca :
attractivité, logement et relocalisation. Le protocole d’accord du projet a été signé en 2006.
Puis la phase de conception a dessiné les contours de l’Eco-cité : intermodalité, économie
des ressources, mixité sociale et économique. Mais c’est surtout la priorité donnée à
l’implication des habitants qui est mise en avant par l’aménageur et qui distingue Zenata
d’autres projets urbains durables.
Ajoutons que si Zenata est qualifiée de ville nouvelle, elle est en fait implantée sur un
territoire déjà peuplé. Le village, les parcelles agricoles (vivrières) et plusieurs groupes de
bidonvilles et douars (habitat informel construit en dur) font vivre le territoire depuis des
décennies.

L’aspect participatif du projet d’Eco-cité est fortement mis en avant dans la communication
de l’aménageur. Il est compris comme une dimension essentielle du développement
durable. Dans quelles mesures l’implication des habitants est-elle mise en œuvre, de la
conception à la gestion urbaine?

Sur le site officiel de l’Eco-cité de Zenata, “l’implication” et la “participation des citoyens” sont
au coeur du projet. Une démarche inséparable du concept de ville durable à la française. Un
cabinet composé de Français étant à l’origine du projet, il n’y a donc rien d’étonnant. C’est
meme un signal fort de la part des décideurs d’accorder une telle place à la démocratie
participative.
Au delà de l’aspect politique, la participation des habitants est un sujet central de la gestion
urbaine. En France, la volonté d’impliquer les habitants dans l’appropriation de l’espace
public est venue avec la politique de la ville. Les grands ensembles construits après-guerre
pour répondre à la crise du logement ont rapidement montré leurs limites : détérioration du
cadre de vie, du lien social, du sentiment de sécurité, et ghettoïsation. Si la solution miracle
n’existe pas, le constat lui est clair. Des habitants acteurs de leur quartier garantissent une
vie de quartier positive, des relations sociales apaisées et un environnement mieux
respecté.
L’implication des habitants à Zenata met-elle en place les bases nécessaires à un tel
fonctionnement ?

L’aménageur nous a rapporté 3 cas de conflits. Leur analyse répond en partie à nos
questions.
1. Le refus des bidonvillois d’emménager dans les logements sociaux
Comme dans le reste du Maroc, le relogement des bidonvillois (douars compris) dans des
logements sociaux fait partie du projet de Zenata. De grands ensembles ont été construits à
cet effet. Et pourtant, les habitants des douars et des bidonvilles refusent d’y emménager.
Un mouvement de protestation a meme émergé : hisser le drapeau marocain sur son toit
signifie le refus de quitter le bidonville. Les drapeaux étaient nombreux. Pourquoi refuser un
logement qu’on vous offre ? D’abord, parce que les bidonvillois ne veulent pas payer de
loyer ou de factures d’eau, d’électricité... Ensuite, ils affirment préférer leur mode de vie plus
convivial que celui offert par les grands ensembles, anonyme et individualiste.
Quant à ceux qui acceptent un logement, il n’est pas rare que ce soit pour le revendre peu
de temps après, empocher la plus-value et retourner au bidonville, raconte l’aménageur.
L’opposition forte au relogement et au type d’habitat proposé enseigne au moins une
chose : ce qui a été conçu pour les bidonvillois n’a pas été approprié par eux. L’aménageur,
malgré les réunions d’information, les campagnes de négociation, n’a pas su “faire avec” les
habitants. Si le cœur y était, pourquoi un tel échec? D’abord parce que l’implication des
habitants peut prendre une infinité de formes. Ici, l’information et la négociation n’étaient
visiblement pas suffisantes. La pomme de discorde est d’ordre économique et culturel. Le
travail d’implication aurait dû porter sur la forme d’habitat en lien avec un mode de
subsistance informel.

2. Le conflit juridique avec les propriétaires de la jetée


Un autre conflit a percé un peu plus loin, en bord de mer, là où se trouvent de belles
résidences secondaires. Et pour cause… la zone est stratégique pour Zenata : la jetée qui
doit etre construite en sera le cœur touristique et paysager. Les enjeux financiers tant pour
l’aménageur que pour les propriétaires pèsent lourds. Le conflit est juridique. La
règlementation datant du milieu du XXème siècle n’autorisait que la construction de cabanes
de plages en bois à cet endroit. Mais au fil des ans, des maisons « en dur » ont été
construites, la plupart étant des résidences secondaires dont la valeur immobilière est
équivalente à des biens légaux. Jamais les autorités ne s’étaient manifestées au sujet de
ces demeures clandestines. En ce sens, les propriétaires se battent pour faire reconnaître
que le silence est une approbation tacite qui aurait dû conduire à la régularisation de leurs
biens. De l’autre côté, l’aménageur fait valoir son droit d’exproprier sans contrepartie, se
rapportant au cadastre.
Le conflit est encore en cours. D’un point de vue extérieur, des négociations pourraient
aboutir à une solution gagnant-gagnant. En adaptant les plans de la jetée, la conservation et
la réhabilitation du patrimoine existant donnerait un caractère authentique au projet.
L’émergence d’un projet muni d’une empreinte locale aurait des bénéfices non-négligeables
sur l’image et la gouvernance partagée de la future ville de Zenata.

3. L’agriculture, sujet fantome à Zenata


Les activités agricoles sur le territoire de Zenata ont un rôle social et économique
fondamental. Les habitants ont un savoir-faire local l’agriculture vivrière fait partie de leur
mode de vie. C’est exactement ce que les grandes villes du monde entier cherchent à re-
développer, comme à Vancouver (les fermes Lufa), à Paris (les jardins partagés), à
Singapour (l’agriculture verticale). L’agriculture durable et urbaine a non seulement des
atouts pédagogiques et environnementaux, mais elle est de plus en plus considérée comme
un enjeu stratégique pour la sécurité alimentaire.
L’implication des habitants consisterait ici à tenir compte de leur mode de vie et de leur
savoir-faire pour l’intégrer au projet de ville durable au bénéfice de tous.

On assiste à Zenata à des conflits ouverts entre parties prenantes. L’équation des intérets
des habitants, des élus et de l’aménageur n’est pas résolue. L’inscription de l’implication des
habitants aux priorités du projet, n’a pas véritablement pris corps dans le projet de ville
durable, ni dans la conception, ni dans la mise en œuvre du projet. Les trois exemples
précédents montrent pourtant à quel point elle est stratégique. Tout comme en France, le
manque d’expérience des acteurs traditionnels de l’aménagement dans le domaine de la
participation a mené à des opérations inefficaces, voire contre-productives. Conduire un
projet de ville « hors-sol » fait courir le risque d’exclure les actuels habitants, de créer des
tensions entre anciens et nouveaux arrivants, et d’entraîner une ségrégation entre les
différents groupes. On a vu précédemment que le manque de lien social et de mixité
engendre la dégradation de certains quartiers en France. L’absence d’appropriation de
l’espace public a coût social et économique. C’est pourquoi il faut encourager la formation et
la diffusion d’une expertise pour l’animation d’une gouvernance partagée. Pour que les villes
de demain fassent véritablement corps avec leurs habitants car ce sont bien eux qui font la
ville.

Sources :
Société d'Aménagement de Zenata
Usine nouvelle - Zenata, la ville nouvelle de Casablanca aux ambitions écolos, 14 mai 2013
Medias24 - La ville nouvelle de Zenata tient à son pari de création d’emploi, 24 juin 2015
Morrocco on the Move - Zenata EcoCity
CSTB - Le statut et l’enjeu politique de la gestion urbaine, 2007
CSTB - La participation des usagers à la conception des projets urbains, 2006
CSTB - L’amélioration de la gestion urbaine : un enjeu majeur du développement urbain
durable, 2007

Hélène Barbet élabore l’expérience des auditeurs du MS avec la Chambre Francaise de


Commerce et d’Industrie au Maroc (CFCIM), présentant son role et la relation qu’elle
entretient avec le royaume du Maroc.
Hélène BARBET

RELATION FRANCE - MAROC

La CFCIM, actrice de projets de construction intégrés au Maroc?


Le mardi 24 mars après-midi, nous nous sommes rendus à la Chambre Française de
Commerce et d’Industrie du Maroc (CFCIM) dont le siège est implanté à Casablanca. M.
Philippe CONFAIS, Directeur général de la CFCIM et Mme Charafa CHEBANI, Directrice du
Pôle CFCIM-Business France, nous attendaient pour nous présenter le rôle de la CFCIM et
la manière dont elle s’inscrit dans le contexte du développement du Maroc.
Un trait d’union entre la France et le Maroc
À la différence des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) françaises qui sont des
établissements publics sous tutelle d’Etat, la CFCIM est 100 % privée et n’est pas un corps
intermédiaire de l’Etat Français. Elle a le statut d’association de droit marocain à but non
lucratif et est investie d’une mission de représentation et de défense des intérets généraux
du commerce, de l’industrie, et des services français auprès des autorités marocaines.
La CFCIM : représentante phare de la France à l’international

Bâtiment de la CFCIM - © Business France


La CFCIM a feté ses 100 ans en 2013. Elle fut la première CCI internationale créée et est
aujourd’hui la plus importante des 112 Chambres d’Industrie et de Commerce (CCI)
françaises présentes à l’international sur les cinq continents. La CFCIM compte aujourd’hui
plus de 4 000 entreprises adhérentes sur les 32 000 du réseau français mondial. Elle tire sa
singularité et son ancrage territorial fort des relations diplomatiques commerciales
privilégiées entre la France et le Maroc. D’ailleurs, son implantation à Casablanca, poumon
économique du pays, en est le témoin historique. En effet, Casablanca a fait l’objet de la
première tentative de liaison régulière de l’aéropostale française depuis Toulouse en 1919.
Concrètement, la CFCIM propose des prestations telles que :
● Des petits-déjeuners débats et information,
● Des salons, des événements et des forums professionnels,
● Des accompagnements de dirigeants en B to B,
● Le relais des Appels d’Offres et des opportunités d’affaires,
● Etc.
La CFCIM : exportatrice des compétences françaises au Maroc
La renommée de la CFCIM n’est pas le fruit du hasard : la France est le principal partenaire
commercial du Maroc notamment grâce à un héritage historique fort, des liens étroits avec
les étudiants ainsi qu’une administration fonctionnant à l’identique. Néanmoins, les parts de
marché de la France au Maroc sont passées de 25 % à 12,5 % en 10 ans. Selon M.
CONFAIS « tous les atouts de la France à l’export au Maroc s’estompent avec le temps face
à la concurrence ». Par exemple, les prix sont souvent trop élevés car les coûts de
production sont forts en France alors que d’autres pays en expansion à l’international
proposent des prix beaucoup plus compétitifs.
Aussi, la CFCIM affiche comme objectif principal de maintenir et « promouvoir les relations
économiques entre la France et le Maroc ». D’autant plus que, selon les déclarations de M.
CONFAIS, le Maroc devient progressivement « la plateforme tournante de l’Afrique » et « la
porte d’entrée pour étendre un marché sur le continent africain ». En revanche, le CFCIM se
défend de simplement chercher à exporter les compétences, les services ou les produits
français au Maroc. Elle s’appuie sur des ressources locales et participe à l’export des firmes
marocaines pour développer leurs activités sur le marché français.
La particularité de la CFCIM, nous confie M. CONFAIS, est qu’elle s’est lancée depuis peu
dans la gestion de parcs industriels : « elle est la seule CCI au monde qui le fait ».

Et un maillon du développement urbain ?


La CFCIM est le relais des industriels et commerciaux français au Maroc. Cela n’exclut pas
le secteur de la construction, qui est en forte expansion afin de répondre à l’essor
démographique marocain ainsi qu’à la nécessité de remplacer, rénover ou réhabiliter les
vieux bâtiments. Le Maroc développe depuis plusieurs années une politique urbaine
volontariste de laquelle la CFCIM a su tirer parti à travers des opérations à fort impact pour
les industriels et commerciaux locaux ou français à l’export.

La CFCIM : inscrite dans un secteur en forte expansion


La politique de la ville est une priorité gouvernementale notamment matérialisée par la
volonté de construire 15 villes nouvelles au Maroc d’ici à 2020. Pour l’instant, 4 villes ont vu
le jour au Maroc (Tamansourt, que nous avons pu visiter, Tamesna, Lakhyayta et Chrafat).
Une nouvelle éco-cité est également en création dans la Province du Grand Casablanca et
devrait accueillir 300 000 habitants et 100 000 emplois.
La politique de la ville s’appuie sur socle réglementaire ainsi que des initiatives fortes telles
que :
● Le projet « Villes sans Bidonvilles » à horizon 2020,mise en place en 2004 qui impliquera de
proposer de nouveaux logements aux populations les plus défavorisées;
● Un programme Code d’Efficacité Énergétique des Bâtiments (CEEB) doté de 30 millions de
dollars, a été lancé sur 4 ans depuis 2010 dans le but d’intégrer des considérations
énergétiques dans le bâtiment.
Devant les opportunités offertes par un tel volontarisme politique, la CFCIM a elle-meme
développé des initiatives pour participer à l’expansion du secteur de la construction
marocain. A ce titre, M. Philippe CONFAIS a évoqué les initiatives de création de parcs
industriels de la CFCIM. Cela se traduit par :
● L’acquisition de terrains,
● La location de terrains nus à des entreprises choisies,
● La gestion de la location par des actionnaires.
La CFCIM a déjà créé deux parcs industriels situés dans la région du Grand Casablanca :
● Bouskoura : 29 hectares et une centaine de PME/PMI
● Ouled Salah : 32 hectares pour l’accueil de 150 entreprises

La CFCIM : actrice de l’intégration des projets de construction ?


La présentation de M. CONFAIS a également montré que les projets dépassent la simple
création de parcs industriels puisque la CFCIM influence également la composition du tissu
économique des parcs industriels qu’elle crée et gère. En effet elle :
● Propose prioritairement la location des espaces créés à des entreprises non polluantes,
● Impose aux grandes entreprises à etre créatrices d’emploi en s’appuyant sur le tissu local.

Parc industriel d’Ouled Salah - © Sogepos


La CFCIM prend aussi en compte les répercussions de la création de tels parcs :
● En termes de création/besoin de logement,
● En termes de desserte en transports.
Finalement, la CFCIM entre progressivement dans une logique de connexion de différents
silos de la construction grâce à une gestion amont aval de ses projets de parcs industriels.
Elle mesure leurs impacts en termes de:
● Tissus et de dynamisme économique local,
● Développement durable,
● D’habitat et de liens domicile – lieu de travail,
● Modélisation des réseaux de transport,
● etc.
La CFCIM mènerait-elle donc une forme de projet intégré à l’échelle de la conception et de
la gestion de parcs industriels ? Mais connecte-elle vraiment les différents silos des projets
de constuction à travers sa démarche ? Ou juxtapose-t-elle simplement les différentes
problématiques en les traitant individuellement ?
De plus en plus, les CCI s’allient à Business France et au Ministère des Affaires Étrangères
pour promouvoir les compétences et les intérets français à l’international. Il semble que le
concept de « systèmes intégrés » dans les projets de construction et d’urbanisme soit de
progressivement incorporé au jargon de ces organisations comme peuvent en témoigner les
initiatives telles que « Vivapolis » ou encore « Business Santé ».

Sources :
● Présentation de M. CONFAIS et Mme CHEBANI à la CFCIM Casablanca, le 24 mars 2015
● Site officiel de la CFCIM
● Site de Business France
● Site du parc industriel d’Ouled Salah
● Site du parc industriel de Bouskoura

Dans son article, Émilien Maudet montre le role des entreprises françaises et de l’influence
historique française dans les projets urbains au Maroc. Il se questionne également sur
l’export de la ville à la française au Maroc dans un contexte de plus en plus compétitif.
Émilien MAUDET

L’OFFRE URBAINE FRANÇAISE AU MAROC

L’export de l’offre urbaine française au Maroc : quel challenge vis-à-vis


de la concurrence internationale ?

Emilien © Ingrid Cheung Vue des toits de Tamansourt © Emilien Maudet

« Promouvoir, à l’international, une ambition partagée d’un développement urbain durable


». Tel est l’objectif de Vivapolis, la marque de la ville durable à la française, pour aider nos
entreprises à conquérir les plus grands projets urbains hors de nos frontières. Il s’agit là d’un
enjeu de taille car l’ensemble de cette filière est désormais développé en France, et doit
impérativement s’exporter à l’international pour assurer sa viabilité pour les prochaines
années.

Au cours de cette semaine à la découverte des grands projets des villes marocaines, j’ai
gardé un œil ouvert sur l’environnement dans lequel évolue nos entreprises françaises au
Maroc : quel est le contexte et les difficultés ; quels sont les leviers pour réussir le défi de
l’export de l’offre Vivapolis ; mais également quels sont nos atouts pour rivaliser avec la
concurrence internationale ?

Un contexte propice...
Pays de plus en plus ouvert vers l’extérieur, le Maroc a un volume d’échanges commerciaux
internationaux important : une quarantaine de milliards d’euros par an. Depuis de
nombreuses décennies, la France jouit d’une position de partenaire historique de ce
Royaume. Elle était jusqu’en 2011 son premier partenaire commercial avec une part de
marché de 18% des échanges extérieurs, soit près de 7,5 milliards d’euros !
Véritable porte d’entrée pour l’Europe vers le marché africain, le Maroc est la première
destination des investissements français sur ce continent. La raison première : sa stabilité
politique qui lui confère un atout précieux dans cette région du monde. Encore aujourd’hui,
La France est le premier bailleur de fonds bilatéral du pays. 62% de l’aide publique
étrangère reçue provient de l’hexagone. On y observe ainsi une profonde marque du
paysage français, aussi bien sur sa structure administrative qu’économique.
Trains ONCF, Caisse des Dépôts et de Gestion, Ministère de l’équipement, chambres
régionales de commerce... Bienvenue dans l’environnement des 750 filiales d’entreprises
françaises au Maroc ! Parmi lesquelles 36 entreprises du CAC 40 qui œuvrent au
développement du pays.

...mais un contexte propice pour tout le monde !


Meme si les importations françaises du Maroc augmentent, et que la France a hérité du
siècle dernier d’une position stratégique, depuis la fin 2012, l’Espagne a devancé la France
en se positionnant comme premier partenaire économique du Royaume. Le marché
marocain s’ouvre et la concurrence internationale est au rendez-vous. L’Espagne, les Etats-
Unis, l’Arabie Saoudite et la Chine sont aujourd’hui nos grands challengers dans cette
région. Ce phénomène est observé plus globalement dans le monde, l’Hexagone voit sa part
dans les exportations de biens reculer deux fois plus en moyenne que l’Allemagne et 1,5 fois
plus le Royaume Uni.

Ces marchés marocains historiques qui nous échappent...


Selon la chambre de commerce française au Maroc, les importations marocaines depuis la
France concernent essentiellement des biens intermédiaires (composants électroniques,
tissus et produits sidérurgiques), des biens d’équipements (télécommunications,
informatique, etc.), des biens de consommation (des produits pharmaceutiques) et des
produits agricoles (en particulier le blé, 90 % des exportations agricoles de la France vers le
Maroc). Ces secteurs industriels et agricoles sont très compétitifs et connaissent depuis
plusieurs années des difficultés bien identifiées en France.
La maquette du projet de Casablanca – Anfa (Aéroport historique) - © Hélène Barbet

...tandis que de nouveaux croissent.


Au cours de ce voyage, nous sommes allés à la rencontre d’autres activités qui sont elles en
plein essor : celles du secteur de la construction et des projets urbains. Pour répondre à
l’engorgement des villes, aux bidonvilles et au développement économique du Royaume, de
grands programmes sont lancés. Nouveaux tramways, nouveaux campus et memes
nouvelles villes ! Nous sommes partis à la rencontre de plusieurs grands groupes français
implantés au Maroc : Alstom, Bouygues et Transdev. Nous avons alors pu observer sur le
terrain leurs activités en développement mais également celles de PME françaises.

Une approche de départ commune...


Grâce à la proximité historique et à des compétences françaises reconnues et encore peu
présentes au sein des entreprises marocaines, les groupes français rencontrés ont pu
s’implanter sur le marché des grands projets urbains :
- Autour de la filière du tramway (Rabat et Casablanca). Où Alstom vend ses modèles, Colas
construit les lignes, et où l’exploitation est assurée par Transdev (Rabat) ou RATP
(Casablanca).
- Également autour de filière de la construction des opérations complexes. Où Bouygues
Construction s’est positionné sur certains des plus grands projets (mosquée, grands
bâtiments tertiaires, centrales thermiques, grands hôtels, ambassades, hôpitaux...). Où
Bouygues Immobilier s’est positionné sur de grands immeubles d’habitation haut de gamme.
Et où des bureaux d’études (PME) se sont positionnés sur des expertises techniques
spécifiques. Par exemple sur la conception environnementale, où l’agence Franck Boutté
travaille sur les villes nouvelles de Casa-Anfa et de Zenata.
- L’export de l’expertise française s’explique également par la présence de modes de
financement direct de nos entreprises par le Trésor Public français.
- Depuis cette situation de départ évolue rapidement, et la concurrence aussi. Par exemple au
dernier appel d’offre de tramways, Alsa (une entreprise espagnole) a remporté l’exploitation
du tramway à pneus de Marrakech.

...et une adaptation au cours du temps.


Meme si les premiers marchés ont été remportés plus facilement du fait de l’absence de
filière développée, des adaptations sont nécessaires au cours du temps pour conserver ses
parts de marché et maintenir son développement face à la concurrence.
Plusieurs des acteurs rencontrés (entreprises, chambre de commerce française au Maroc,
Ambassade de France) pointent du doigt les prix des français comme l’unique frein au
développement de nos entreprises au Maroc. Face à l’offre low cost Chinoise et aux prix des
offres américaines qui bénéficient de volumes de commande importants, comment s’adapter
?

La Mosquée Hassan II construite par Bouygues - © Bymaro

Baisser les prix ? Innover ?


Le Conseil d’Analyse Economique a préconisé en mai 2015 une baisse de charge sur les
bas salaires, qui représentent 21% de la valeur des exportations. Depuis plusieurs années,
les grands groupes rencontrés ont mis en œuvre une stratégie alternative pour rester
compétitifs. Comme par exemple Bouygues ou Transdev qui ont embauché et formé des
collaborateurs marocains sous contrat local pour prendre le relai des expatriés français, et
ainsi maintenir leur compétitivité. Néanmoins toutes les activités ne peuvent bénéficier de ce
levier, et nos travailleurs français doivent se tourner vers une autre solution pour maintenir
leur emploi (en France ou à l’étranger) : innover pour conserver un rapport qualité/prix
compétitif, mais aussi aller conquérir de nouveaux marchés, notamment le reste de l’Afrique.

L’offre urbaine intégrée : une solution innovante pour se développer là ou la


concurrence ne nous attend pas ?
Les villes nouvelles et les nouveaux quartiers sont un marché en croissance au Maroc. En
l’espace d’une semaine, nous avons visité plus de 5 projets urbains en construction d’une
taille impressionnante. De véritables villes, poussent à proximité des grandes
agglomérations pour les désengorger. Un business florissant !
Néanmoins les 2 villes nouvelles construites ces dernières années ont été vécues comme
un échec : véritables villes dortoirs ayant des quartiers entiers presque inhabités et
juxtaposant les bidonvilles, ces projets n’ont pas rejoint les attentes. Les causes sont
multiples, tant attribuables à l’urbanisme qu’aux dispositifs sociaux mis en œuvre. Alors
comte tenu des difficultés similaires rencontrées en France quelques décennies plus tôt,
l’expertise de nos entreprises aurait-elle sa carte à jouer pour accompagner l’administration
Marocaine ?

Selon l’ambassade de France et la chambre de commerce française au Maroc, les offres


urbaines intégrées ne se pretent pas à la segmentation des marchés publics du Royaume.
De plus, selon les acteurs de la construction rencontrés (aménageurs, maitres d’ouvrage et
maîtres d’œuvre), il n’y a pas aujourd’hui de contraintes réglementaires de développement
durable pour le secteur de la construction. A première vue on pourrait donc croire que
l’export au Maroc de l’offre d’éco quartier française clé en main est plutôt mal engagée.

L’impulsion des projets de villes nouvelles et éco-quartiers est faite par un


gouvernement puissant vis-à-vis de ses collectivités.

Fort heureusement, la taille des projets ciblés (nouveaux quartier et villes nouvelles)
induisent un intéret politique fort, et implique systématiquement les hautes personnalités de
la monarchie. Nous avons observé la puissance de ces derniers et leur absence d’hésitation
à financer et à tordre le code des marchés publics pour impulser des projets phares
innovants comme les tramways ou les villes nouvelles. Ainsi, nous avons vu que de grands
projets d’aménagement ont été confiés à une grande entreprise privée du secteur minier, à
des proches de la monarchie et à des universitaires. Autant de situations en décalage par
rapport aux règles administratives.

Tamansourt, aperçu d’un morceau de cette ville nouvelle : un chantier à perte de vue
La proximité de la France avec le pouvoir central du Maroc est un atout majeur, car les villes
marocaines se font régulièrement accompagner par les villes françaises dans leurs projets
sous l’impulsion du gouvernement. La conquete de ce marché des villes nouvelles par nos
offres intégrées doit donc se faire en étroit lien avec ces acteurs.
François Hollande et Mohamed VI au projet de ville nouvelle à Zenata ©SkyscraperCity

A l’instar, de tout grand projet exporté par les français (avions, métros, ponts, centrales
électriques...), la nécessité d’avoir un démonstrateur emblématique en France semble une
évidence pour convaincre les hauts décideurs marocains.
Un défi supplémentaire reste à relever pour conquérir ces marchés : faire un démonstrateur
adapté aux problématiques des pays émergents. Car nous avons pu voir qu’au Maroc les
enjeux des villes nouvelles sont souvent sensiblement différents. Là où la France se
concentre sur la smart city, les énergies renouvelables et la protection de l’environnement, le
Maroc lui fait également face à des enjeux de bidonvilles, de villes adossées aux industries
lourdes en plein développement, de raréfaction de l’eau et parfois aussi d’insalubrité.

Sources :
La Tribune - Commerce mondial : la France peut-elle regagner des parts de marché ?, 27
mai 2015
Challenges - Comment la France peut-elle regagner ses parts de marché ?, 27 mai 2015
Ambassade de France au Maroc - Les relations économiques franco-marocaines
CFCIM - Présentation du Maroc
Métropolitiques - L’exportation au Maroc de la “ville durable” à la française, 16 juin 2014
SkyscraperCity - Zenata, ville nouvelle
Bymaro - Mosque Hassan II

Ilham Zbadi adopte une approche futuriste du patrimoine passé du Royaume du Maroc et
relance le débat sur l’approche globale de ville de demain.
Ilham ZBADI

LES MÉDINAS

Ville durable Marocaine : de la médina à la ville nouvelle, retour vers le


futur
Genèse de la réflexion
Parler des médinas, alors que le but meme de ce voyage était de découvrir les « villes
nouvelles au Maroc », quelle folle idée me direz-vous !

Médina de la ville de Tamansourt (Marrakech) - © Ingrid Cheung


C’est en me baladant dans les dédales des ruelles désertes de la médina de la ville nouvelle
de Tamansourt, que toute une réflexion sur la durabilité de ce modèle urbain ancestral s’est
mise en branle ; une question me vint à l’esprit : pourquoi ce retour en arrière, pourquoi
créerait-on de la « ville ancienne » dans un projet de « ville nouvelle » ? Ainsi, cette article
est l’occasion pour moi de porter un regard nouveau sur mon pays, riche des
enseignements du MS IUS, et de comprendre pourquoi la ville marocaine d’aujourd’hui s’est
autant éloignée de son passé.

La médina : l’ancêtre de la ville durable? [1]


Un peu d’histoire
Les premières formes du modèle marocain de la médina (médina (‫ )المدينة‬signifie « ville » en
arabe) remontent au temps des conquetes arabo-musulmanes en terre berbère, désignant
ainsi la première forme de mode de vie citadin, en plaine, en opposition à celui des
populations autochtones qui habitaient les montagnes de l’Atlas ; elle opposait également un
mode de vie sédentaire à un mode de vie nomade (populations au sud du pays). Les
remparts de la médina, en plus de jouer leur rôle militaire, servaient également à séparer le
monde « civilisé » i.e. l’espace urbain, du monde rural entourant cette forteresse. La médina,
c’est donc à l’époque le moyen de centraliser le pouvoir politique et les différents échanges
(économiques, culturels,…). Dans ce sens, chaque dynastie choisissait son chef-lieu, où les
prouesses architecturales et techniques étaient le moyen de témoigner de sa puissance : la
médina était déjà à l’époque un instrument de pouvoir considérable. Sa structure se
caractérisait par la centralité du religieux avec une mosquée au cœur de la ville, et autour de
laquelle se succédaient des couches concentriques des différentes fonctions de la ville, de
la plus « pure » à la plus « impure » [4]. S’il est vrai que le Maroc abrite mille et une médinas,
la plus emblématique reste néanmoins celle de Fès, dont l’évolution semble assez
symptomatique du déclin de ces formes urbaines, très souvent dressées en « ville-musée »
avec toute l’inertie et rigidité que le terme peut représenter.
Modèle urbain médinal
Une ville durable, c’est avant tout une « ville capable de se maintenir dans le temps »[2] : la
médina, malgré les crises qui l’ont touchée, reste là dressée face à l’effet du temps, témoin
de la richesse de l’histoire, des affluences et influences qui se sont succédé au Maroc.
Non seulement la médina comprend les composantes de base de la ville durable, mais elle
présente des concepts avant-gardistes qui devraient inspirer la conception urbaine de par le
monde. Nombreux sont ceux qui croient au « destin universel prospectif » du modèle urbain
médinal. C’est le cas de l’architecte et urbaniste Marc Gossé [3], qui en prône «
l’écosystème […] abouti entre nature et urbanisation »,« une économie d'énergie par la
limitation de la mobilité polluante des automobiles et la densité du bâti », en opposition à «
un modèle urbain « générique » porté par l'ultralibéralisme moderniste mondialisé, qui
génère la destruction de l'environnement, du lien social et de la diversité culturelle. »

Une architecture durable


Parler de la richesse et de l’intelligence de la conception de l’habitat dans les médinas, des
jeux subtils en place risqueraient de prendre des heures. L’architecture dans la médina est
avant tout séduction : l’esthétique du style arabo-andalou, ce jeu de clair-obscur, de
calligraphie, de couleurs et de sons stimulent tous les sens.
De plus, l’architecture des habitations est bioclimatique : le fonctionnalisme des murs, leurs
épaisseurs et la disposition intelligente des fenetres permettaient de dompter le soleil, tantôt
chaleur tantôt matière/lumière et d’en disposer ainsi intelligemment selon les saisons. La
qualité des matériaux employés permettait une bonne isolation alors que de nos jours cette
dernière représente un problème récurrent dans les nouvelles constructions au Maroc. Les
plantes disposées au cœur de la maison permettaient de réguler l’humidité de la bâtisse.
Enfin, l’architecture n’est pas ségrégative, car les habitations des plus démunis côtoyaient
celles de la classe moyenne et des populations plus aisées (respectivement petite, grande
Masriya et Riads) et partageaient la meme typologie architecturale. On peut parler d’une
réelle « pratique de l'égalité de statut entre personnes et représentations symboliques
spatiales »[3]. Cet archétype architectural commun se caractérisait par un patio central
autour duquel s’organisaient les autres fonctions de la maison. Cette forme d’architecture à
« l’envers »[4] aux façades tournées vers le cœur de la maison, était propice au partage
tout en permettant une distribution intelligente de la lumière et une circulation optimale de
l’air. Les derbouzs, couloirs de circulation irrigant la maison participaient à l’optimisation de
ces flux. Les éléments de cette architecture vernaculaire (syntaxe spatiale, matériaux et
techniques de construction) continuent à inspirer l’architecture moderne.

Densité et mixité fonctionnelle : un tissu urbain dynamique


Le tissu urbain de la médina est d’une fascinante complexité et harmonie. La médina suit en
effet une « organisation dense d'une constellation d’habitations tissée par l'interstice des
rues et ruelles et l'idée d'une progression dans les parcours et les échelles de l'espace
public, commun, vers le lieu de l'intime, l'habitation»[4].
La médina présente une densité urbaine exceptionnelle (jusqu’à 3.000 habitants par hectare
à Fès contre 250 à Paris intramuros) et ce sans implantation de tours infinies où tout se perd
: lien social, esthétique de la ville. S’il est vrai que les remparts ont avant tout été conçus à
des fins militaires, cette ceinture délimitant la ville a, dans un sens, limité une forme
d’étalement urbain - mal gangrenant la plupart des villes d’aujourd’hui - préservant ainsi les
terres agricoles aux alentours. Cette forte densité témoigne d’une utilisation optimale de
l’espace et participe à la vivacité de la cité. Les ruelles étroites et zigzagantes de paradoxes
invitent tantôt à l’intimité, tantôt aux rencontres, tantôt à la pudeur, tantôt à l’exubérance, car
malgré leur apparence labyrinthique, ces réelles veines irriguaient intelligemment la cité et
ses différentes fonctions.

Gestion des ressources et circuit court


Les remparts délimitant la médina ne sont pas complètement imperméables et permettent
des échanges accrus avec les cultures vivrières agricoles aux alentours. Cela rendait
possible l’existence de circuits courts d’économie car la ville se nourrissait principalement
des productions des zones rurales contiguës.

Cohésion sociale, égalité et gestion conviviale des espaces urbains


Cette densité importante, l’étroitesse des ruelles favorisent indéniablement les rencontres et
les échanges sociaux. La médina concentrait en son sein nombreux lieux de rencontre
favorables à la création d’un lien social fort ; la mosquée (entre musulmans), le Hammam,
ou encore Souika (place commerciale au cœur de la médina), Kissaria (groupement de
magasins de meme produits), lieux d’échange avec les habitants d’autres confessions ainsi
que les commerçants de passage dans la ville.
Les premières formes d’agriculture citadine, ce concept en vogue qui investit nos jungles en
béton, apparaissent déjà à l’époque, alors qu’aujourd’hui certains responsables de projets
de villes nouvelles doutent de l’adaptation de ce concept « bobo-écolo » au Maroc.
En plus de ces potagers, les populations aisées possédaient des lopins de terres agricoles à
l’extérieur de la médina, les Jnanes dont ils ouvraient les portes aux tailleurs, forgerons et
commerçants moins fortunés pour leurs balades de fin de semaine (Nzaha). C’est là une
des nombreuses manifestations de la solidarité et cohésion sociale entre les différentes
castes ; les opérations de twiza, acte spontané de solidarité de la communauté envers les
plus nécessiteux en sont une autre.
Enfin, la médina a réussi là où la plupart des villes d’aujourd’hui ont failli (conjoncture
géopolitique à part) : des relations apaisées entre des citoyens de confessions religieuses
différentes. Le mellah, quartier juif, faisait partie intégrante de la médina. Nombreuses sont
les anecdotes témoignant de la capacité de la médina à non seulement faire vivre côte à
côte, mais à faire vivre ensemble.

Structure politique équilibrée


La médina jouissait d’une structure politique équilibrée entre centralité et pouvoir local. En
effet, elle bénéficiait d’une forme de démocratie locale, la «Jemmaa» (collectivité), groupe
de notables désignés par les populations en charge de gérer les affaires courantes et de
jouer le rôle d’intermédiaire avec les représentants du sultan (le Pacha, caïd,...).

Préservation de l’identité
Une ville durable c’est aussi une ville capable de conserver son identité et mettre en avant la
richesse de son patrimoine. Ainsi la médina s’est dressée comme un rempart face à la
colonisation et à l’effacement de l’identité marocaine. L’artisanat marocain et les métiers
ancestraux comme les tanneurs de cuir à Fès, lui doivent leurs survies. A ce sujet, l’artisanat
profitait aussi des circuits courts (le magasin est aussi le lieu de production).

Tannerie Chouwara, © Jordi Peralta [5]

Ville nouvelle et médina : une naissance matricide?


La « ville européenne » sonne le glas de la médina
La notion de ville nouvelle, apparaît avec l’émergence de la « ville européenne » au début
du XXe siècle avec l’arrivée du protectorat. Ville « nouvelle », en opposition à cette ville «
ancienne », avec tout le sens péjoratif que le mot peut renfermer. Les deux villes sont dans
un rapport de dichotomie et d’exclusion. La ville nouvelle, c’est la ville moderne qui s’oppose
à ce passé inerte ; elle se veut à l’antipode de cette forme urbaine « indigène », presque
arriérée. L’émergence de ce modèle sonne le glas de la médina : une réelle hémorragie a
lieu, les populations les plus aisées préférant habiter ces nouveaux quartiers, où ils
pouvaient côtoyer les riches étrangers et un mode de vie plus moderne. C’est la fin de
l’utopie de mixité sociale du microcosme médinal. L’exode rural massif finit d’achever
l’équilibre de la vielle ville, donnant lieu à une réelle paupérisation et taudification : la médina
perd son âme et son équilibre ; s’en suivront des années de délabrement et de négligence
de la part des autorités.

La ville nouvelle : la légende continue


Face aux énormes pressions sur les villes, l’explosion de l’habitat informel (bidonvilles), le
Maroc entreprend en 2004 un vaste programme de construction de villes nouvelles. Trop
préoccupés de rattraper le train du progrès, les pays émergents prennent rarement le temps
de contempler leur passé et cèdent à la tentation du mimétisme. Il n’est donc pas étonnant
de voir que ces nouvelles villes concentrent les memes maux (congestion, pollution,
détérioration du lien social) qui gangrènent les plus grandes métropoles. Très souvent «
satellites », ces villes s’inspirent très rarement des principes de base de la ville durable
précités : manque d’équipements publics, manque de mixité fonctionnelle (e.g. Tamesna,
ville satellite de Rabat qui est assez représentative des échecs de ce modèle urbain). S’il est
vrai que la ville de Tamansourt a reconstitué une médina sur une petite parcelle du projet,
ne s’agit-il pas là d’une simple opération « vitrine » à dessein promotionnel ? En réalité le
projet dans son intégralité aurait dû s’inspirer du modèle médinal. Les détournements, les
transformations informelles opérées par les occupants des habitats sociaux attestent de
l’inadaptation de cette typologie de construction à leurs besoins, et au manque de
concertation avec cette tranche de la population.

Médina et ville nouvelle : vers une réconciliation ?


Si la prise de conscience de la nécessité de valoriser les médinas est relativement récente,
la volonté de les intégrer dans les nouveaux projets d’aménagement est une réelle
tendance. C’est le cas du grand projet d'aménagement de la vallée de Bouregreg (fleuve
traversant les villes de Rabat et Salé). Au-delà de la revalorisation, les politiques publiques
d’aménagement au Maroc devraient s’inspirer des concepts de durabilité de la médina. La
réconciliation de la ville nouvelle et de la médina, c’est la réconciliation du marocain avec
son passé.
La volonté du Maroc de concevoir la ville intelligente de demain est réelle. L’enjeu pour lui
est de ne pas céder à la tentation du mimétisme, en reproduisant des modèles européens
non adaptés voire obsolètes, mais de capitaliser sur les avancées technologiques pour
concevoir son propre modèle urbain : un compromis entre tradition et modernité vers une
conception marocaine de la ville durable. Dans ce sens, il ne doit pas se contenter de
grands projets « vitrines », mais etre capable d’ancrer la durabilité dans ses racines au
travers de projets répondant à des enjeux de fond ; il semble ainsi primordial de
responsabiliser les citoyens, et de les mettre au cœur de la conception de la ville. Moins de
dirigisme, plus de concertation entre toutes les parties prenantes, cela devrait donner lieu à
des projets urbains pérennes et éviter les manquements constatés à Tamesna ou encore à
Tamansourt.
Enfin, on parle très souvent « d’exporter » les modèles européens de ville intelligente,
comme si la ville était un énième produit industriel. A cette volonté « d’exporter » devrait se
substituer une volonté de collaboration et enrichissement mutuel, en instaurant un dialogue
horizontal entre les différentes formes urbaines et conceptions de la ville d’hier et de
demain.

Aéroport de Marrakech-Ménara © Ilham Zbadi

Sources
[1] Blog Carfree, Marcel Robert - La Médina, ville du futur, 9 avril 2011
[2] ENS - Qu’est-ce que la ville durable ?
[3] Archimedia, Marc Gossé - La médina, modèle urbain pour le XXIe siècle ?
[4] Ludovic Philippon - Le développement durable dans l'habitat méditerranéen : Introduction
à une réflexion d'ordre social.
[5] Jordi Peralta - Tannerie Chouwara

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