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Parasitoses du système nerveux central


S. Jauréguiberry, E. Caumes

Sous nos latitudes, les manifestations neurologiques dues à une infection parasitaire sont dominées par le
paludisme et la toxoplasmose cérébrale. La toxocarose et la cysticercose, de par leur fréquence au plan
mondial, sont à évoquer devant un syndrome de larva migrans viscérale ou un syndrome tumoral
cérébral. Les facteurs d’exposition, l’origine géographique et la présence d’une immunodépression sont
les éléments anamnestiques à recueillir et permettant d’orienter la recherche étiologique parasitaire
devant des signes neurologiques centraux.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Neuroparasitose ; Neurohelminthose ; Encéphalite ; Système nerveux central

Plan rapidement vers un centre hospitalier. Seules les neuroparasito-


ses les plus fréquemment diagnostiquées en France sont discu-
tées dans cet article.
¶ Introduction 1
¶ Approche anatomoclinique 1
¶ Approche épidémiologique et géographique 2 ■ Approche anatomoclinique
¶ Neuroparasitoses fréquentes en France 2 (Tableau 1)
Toxoplasmose cérébrale 2
Neuropaludisme 3 Les troubles neurologiques centraux d’origine parasitaire
Neurocysticercose 3 peuvent survenir précocement lors de l’infestation ou beaucoup
plus tardivement lors de la phase d’état ou cicatricielle d’une
¶ Neuroparasitoses rares en France 4
parasitose. Il est classique de séparer les atteintes neurologiques
Toxocarose et larva migrans viscérale 4
en méningites, encéphalites et méningoencéphalites, tumeurs
Trypanosomose africaine 4
cérébrales ou abcès, et pathologies médullaires [1]. Le Tableau 1
Angiostrongylose 4
résume les étiologies à évoquer en fonction du tableau présenté
Helminthoses invasives 5
par le patient.
Gnathostomose 5
Les atteintes encéphalitiques peuvent s’accompagner de
¶ Mise en contexte : troubles neurologiques centraux troubles neurologiques focaux avec déficits moteurs et/ou
au retour de pays tropical 5 sensitifs, et aussi de crises convulsives. Ce type d’atteinte
survient lors de la phase aiguë de la maladie, dans les jours ou
semaines suivant l’infestation, comme dans le neuropaludisme
ou les helminthoses invasives, ou plus tardivement comme dans
■ Introduction la trypanosomose africaine.
La physiopathologie repose en partie sur la migration errati-
La plupart des parasitoses humaines, dues à des protozoaires que de parasites sous forme larvaire ou adultes au niveau du
ou des helminthes, peuvent se compliquer de signes neurologi- système nerveux central, mais aussi plus rarement sur des
ques. Elles peuvent dès lors engager le pronostic vital et manifestations immunoallergiques réactionnelles à la présence
représenter une urgence médicale, voire chirurgicale. Mais, en du parasite, sans que celui-ci soit anatomiquement situé au
dehors du paludisme, elles sont rarement observées en France. niveau cérébral. Les lésions anatomiques peuvent alors relever
Ces atteintes sont plus ou moins fréquentes selon le tropisme d’une vascularite cérébrale due entre autres à la toxicité
naturel du parasite pour le système nerveux central (paludisme, vasculaire de l’éosinophile [2]. Dans le cas du neuropaludisme,
trypanosomoses africaines) ou le terrain (toxoplasmose et on retrouve une modification de la microcirculation cérébrale
immunodépression). Pour les helminthoses, ces atteintes sont avec une séquestration de globules rouges au sein des capillaires
plus rares : on parle de neurohelminthoses. Elles peuvent cérébraux [3]. Les hématies parasitées expriment des molécules
survenir précocement lors de la phase d’invasion du parasite ou d’adhésion et des protubérances (knobs) entraînant une agréga-
beaucoup plus tardivement lors de la phase d’état de la maladie. tion des globules parasités entre eux à la surface des capillai-
Les étiologies diffèrent selon qu’il s’agit d’un voyageur ou res [4] . Mais cela ne suffit pas à expliquer l’ensemble des
d’un patient originaire d’un pays tropical, et selon le lieu de manifestations observées au cours du neuropaludisme. On
contamination supposé. incrimine aussi l’hypoglycémie, l’acidose lactique [3] et l’action
En médecine générale, le problème posé sera de dépister des cytokines, dans le neuropaludisme comme dans les helmin-
rapidement les formes neurologiques pouvant engager le thoses invasives (rôle de l’interféron gamma, des interleukines
pronostic vital ou fonctionnel du malade afin de l’orienter et du tumor necrosis factor) [5, 6].

Traité de Médecine Akos 1


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Tableau 1.
Neuroparasitoses à évoquer en fonction de la présentation clinique et de la région de contamination supposée.
Atteinte cérébroméningée Atteinte médullaire
Région de contamination Méningite Encéphalite Tumeur cérébrale et abcès Syndrome médullaire
et méningoencéphalite et myélite
Origine France Trichinellose Toxoplasmose (idp) Toxoplasmose (idp) Toxoplasmose (idp)
Fasciolose Trichinellose Hydatidose
Toxocarose Fasciolose
Amibes libres Toxocarose
Origine tropicale Angiostrongylose Neuropaludisme Toxoplasmose (idp) Bilharziose
Toxoplasmose (idp) Cysticercose Cysticercose
Bilharziose aiguë Hydatidose Fasciolose et paragonimose
Trichinellose aiguë Bilharziose Hydatidose
Fasciolose aiguë Gnathostomose
Trypanosomose Cénurose
Toxocarose
Anguillulose (idp)
Loase (ttt)
Gnathostomose
idp : contexte d’immunodépression ; ttt : contexte de traitement filaricide.

Plus tardivement, lors de la phase d’état de certaines parasi- Tableau 2.


toses (bilharziose, cysticercose, toxoplasmose chez l’immunodé- Répartition des neuroparasitoses en fonction de l’origine géographique
primé, etc.), l’organisation histologique autour du parasite ou de la contamination et de la fréquence relative du diagnostic en France.
des œufs ayant suivi une migration erratique ou encore des
produits de dégradation de ceux-ci, peut prendre l’aspect d’un Région de Neuroparasitoses diagnostiquées en France
abcès ou d’un granulome responsables d’une pathologie focale contamination
Fréquentes Rares Très rares
avec hypertension intracrânienne, déficit sensitivomoteur, crise
France Toxoplasmose Toxocarose
convulsive au niveau cérébral, ou d’une compression médullaire métropolitaine (idp) Fasciolose
en cas de localisation médullaire.
Trichinellose
Hydatidose
■ Approche épidémiologique Amibes libres
et géographique (Tableau 2) Afrique noire Paludisme Bilharziose Trypanosomose
Toxoplasmose Anguillulose
Suspecter une parasitose neurologique en particulier repose (idp) (idp)
sur une anamnèse rigoureuse. Il convient de préciser si ces Cysticercose Filarioses (ttt)
symptômes surviennent chez un patient n’ayant jamais quitté
la France, ou au retour de voyage en pays tropical, ou si ceux-ci Madagascar Paludisme Cysticercose
surviennent chez un migrant dont il faudra préciser la région Bilharziose
d’origine [1, 4]. Le Tableau 2 résume les étiologies parasitaires à Afrique du Nord Hydatidose
évoquer en fonction du pays d’exposition au pathogène et de et Moyen-Orient Bilharziose
leur fréquence relative de diagnostic en France.
Amérique Paludisme Toxoplasmose Hydatidose
L’aspect schématique du tableau ne doit pas faire éliminer les
du Sud (idp) Anguillulose
étiologies de répartition cosmopolite comme la trichinellose, la
et centrale Cysticercose (idp)
fasciolose, la toxocarose, l’amibiase à amibes libres et la
toxoplasmose chez l’immunodéprimé, sans doute l’étiologie la Bilharziose Filariose (ttt)
plus fréquente avec le neuropaludisme. Trypanosomose
Gnathostomose

■ Neuroparasitoses fréquentes Inde et Asie


du Sud-Est
Paludisme Bilharziose Angiostrongylose
Toxoplasmose Anguillulose
en France (idp) (idp)
Cysticercose Fasciolose
Toxoplasmose cérébrale Paragonimose
La toxoplasmose cérébrale est due le plus souvent à la Gnathostomose
réactivation d’une infection toxoplasmique latente, cérébrale, Océanie Angiostrongylose
chez un sujet aux défenses immunitaires affaiblies. Elle peut Filariose
survenir aussi chez le fœtus, en cas de primo-infection chez la
mère lors de la grossesse (toxoplasmose congénitale, non traitée idp : contexte d’immunodépression ; ttt : contexte de traitement filaricide.
ici) ; des formes graves ont aussi été décrites chez des voyageurs
au retour de Guyane française et sur place [7, 8].
Due au protozoaire Toxoplasma gondii, l’infection est inappa- Habituellement, la réponse immunitaire contrôle l’infestation
rente dans 80 % des cas chez le sujet non immunodéprimé [9]. et réduit le nombre de parasites à de rares kystes tissulaires épars
L’homme se contamine en ingérant de la viande insuffisam- au niveau musculaire, cérébral, cardiaque et oculaire, et non
ment cuite, des crudités contaminées par des kystes tissulaires symptomatiques. En cas de diminution de l’immunité cellulaire
de toxoplasme, ou directement au contact des fèces de chat T (infection par le VIH, allogreffe de moelle ou d’organe,
(litière). Celui-ci est le seul hôte définitif du parasite (cycle hémopathie maligne), les kystes se réactivent et se multiplient
sexué) qui excrète des oocystes, forme de résistance du parasite, en donnant naissance à des abcès toxoplasmiques responsables
dans le milieu extérieur. de méningoencéphalites et de syndromes tumoraux. Le patient

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est fébrile une fois sur deux. Les myélites ou les polyradiculo- Tableau 3.
névrites sont beaucoup plus rares [1]. En cas de primo-infection Critères de gravité du paludisme de l’adulte à Plasmodium falciparum
chez un sujet immunodéprimé, l’infection donne lieu à une (OMS 2000). Ces critères sont classiquement indépendants.
encéphalite avec des localisations viscérales multiples, rapide- Neuropaludisme Coma Glascow Score ≤ 9 non
ment mortelles sans traitement. attribuable à une autre cause
La sérologie (Elisa, IFI [immunofluorescence indirecte], ISAgA
[immunosorbent agglutination assay], etc.) détermine le statut Crises convulsives généralisées Convulsions répétées (≥ 2/24 h)
immunitaire vis-à-vis de la toxoplasmose. Positive, le patient est à répétition
exposé au risque d’une réactivation en cas de baisse des défenses Œdème pulmonaire ou syndrome
immunitaires. Négative, le patient risque de contracter l’infec- de détresse respiratoire aiguë
tion, potentiellement grave s’il est déjà immunodéprimé ou s’il de l’adulte (SDRA)
s’agit d’une femme enceinte. La mise en évidence du parasite Collapsus Pression artérielle < 70 mmHg
s’effectue sur prélèvement de site stérile (sang, liquide amnioti-
que, humeur aqueuse, liquide céphalorachidien [LCR], etc.) par Saignements spontanés Gingivorragies, épistaxis, hémorra-
gie digestive, CIVD biologique
coloration spécifique, par PCR (polymerase chain reaction,
détection de l’ADN du parasite) et inoculation à la souris qui Hémoglobinurie macroscopique
reste le test de référence (isolement de la souche) [9]. (non liée à une autre cause
En pratique courante, le diagnostic est évoqué par la clinique d’anémie hémolytique)
(syndrome focal et hypertension intracrânienne), le contexte Anémie sévère Hématocrite < 15 % ou
d’immunodépression et les examens d’imagerie cérébrale. Le hémoglobine < 5 g/dl
scanner cérébral retrouve des masses parenchymateuses, multi-
Insuffisance rénale Diurèse < 400 cm3/24 h,
ples plus d’une fois sur deux, intéressant les noyaux gris
créatininémie > 265 µmol/l
centraux et les régions sous-corticales (jonction substance
.
blanche et grise), et donnant, à l’injection de produits de Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/l
contraste, une image typique en cocarde avec œdème périlé- Acidose métabolique pH artériel < 7,25 ou HCO3-
sionnel et retentissement sur les structures adjacentes. < 15 mmol/l
Le traitement de première intention repose sur une associa-
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.
tion de pyriméthamine (Malocide®) et de sulfadiazine (Adia-
zine ® ), ou le triméthoprime-sulfaméthoxazole (Bactrim ® )
pendant 6 semaines traitement d’attaque associé à de l’acide
folinique, compte tenu de la toxicité hématologique des
produits, et une hyperhydratation alcaline. Un traitement
anticonvulsivant et anti-œdémateux sont éventuellement
“ Points importants
associés. Les alternatives, en cas d’intolérance ou de contre-
indication, sont la clindamycine (Dalacine®) et l’hydroxynaph-
Manifestations ne définissant pas un accès grave
toquinone (Atovaquone®). En cas d’immunodépression mais souvent rencontrées en cas d’accès grave et
persistante, un relais par le même traitement à demi-dose fera devant alerter, surtout chez le sujet non immun.
suite au traitement d’attaque jusqu’à restauration immune. • Trouble de la conscience sans coma (9 < CGS < 15).
La prophylaxie repose sur l’éviction des facteurs de risque en • Prostration ou faiblesse.
cas de sérologie négative (femmes enceintes) et sur l’administra- • Parasitémie > 5 % chez le non immun, > 10 % chez les
tion de triméthoprime-sulfaméthoxazole (1 comprimé par jour autres.
au dosage fort) pour les patients VIH positifs ou ayant subi une • Ictère clinique ou biologique, si bilirubine > 50 µmol/l.
transplantation d’organe. • Température > 40°C.
Neuropaludisme
Le neuropaludisme est la complication neurologique poten- Le diagnostic est posé sur un simple frottis sanguin associé à
tiellement mortelle d’un accès palustre. Il est responsable d’une un examen sur goutte épaisse avec coloration, et recherche
vingtaine de morts par an en France sur les 6 000 cas de d’antigènes spécifiques appropriés permettant de mettre en
paludisme d’importation [10] . C’est la plus fréquente des évidence les parasites et de définir le degré d’infestation. La PCR
parasitoses tropicales rencontrées. Cette maladie, due au est le plus sensible des examens mais pas de pratique courante.
protozoaire Plasmodium falciparum, transmis par un moustique Le traitement de l’accès grave repose toujours sur l’adminis-
femelle du genre Anopheles, sévit dans les zones tropicales et tration de sels de quinine par voie intraveineuse (Quinimax®) à
subtropicales. La plupart des patients contractent leur infection la dose de 24 mg/kg/j de quinine base, avec dose de charge de
en Afrique subsaharienne. L’accès survient dans la grande 16 mg/kg, relayé par 8 mg/kg/8 heures, et une hospitalisation
majorité des cas dans les deux mois après le retour de la zone en réanimation médicale pour monitorage clinique et thérapeu-
impaludée. Le diagnostic est à évoquer devant toute fièvre au tique (efficacité sur l’infection, tolérance des traitements).
retour de pays tropical du fait de son évolution toujours L’utilisation d’un dérivé de l’artéméther (dérivé du qinghaosu)
possible vers la forme neurologique (accès pernicieux palustre en cas de contre-indication à l’utilisation de la quinine et/ou de
ou neuropaludisme). souches résistantes à la quinine, est possible sous ATU (autori-
Le tableau clinique associe à des degrés divers une fièvre, une sation temporaire d’utilisation). Un traitement antibiotique par
atteinte neurologique à type de troubles de conscience et/ou de cycline est souvent utilisé en cas de paludisme contracté en
crises convulsives, et des manifestations viscérales. Les critères Amazonie ou dans certaines régions d’Asie du Sud-Est.
de gravité du paludisme, détaillés par l’OMS (Organisation La prévention repose sur les protections antimoustiques
mondiale de la santé) (Tableau 3) ont été développés pour les (lotion, vêtements imprégnés, moustiquaire imprégnée) et sur la
pays en développement, où le recours sanitaire est plus difficile chimioprophylaxie adaptée au niveau de résistance du parasite
et les patients différents par l’existence d’une prémunition dans le pays considéré.
relative. En France la gravité de l’accès devra être suspectée sur
des critères différents ou complémentaires, car les critères de
l’OMS signent un accès déjà bien grave chez une personne non
Neurocysticercose
immune. Il est clairement prouvé désormais que le retard La neurocysticercose est l’une des plus importantes neurohel-
diagnostique est un facteur de risque d’évolution péjorative. minthoses au monde [11]. Elle sévit classiquement en Amérique
Ainsi les critères dits mineurs sont à considérer comme facteurs centrale et au nord de l’Amérique du Sud, à Madagascar et à la
de gravité chez le patient voyageur. Le paludisme grave est à Réunion, en Europe centrale et du Sud. Elle est due à la
considérer comme un sepsis sévère d’origine parasitaire. migration ectopique de larves de tænia du porc (Cysticercus

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cellulosae) au niveau du système nerveux central après ingestion En cas d’atteinte oculaire, le traitement repose surtout sur la
d’œufs de Taenia solium (péril fécal et auto-infestation par corticothérapie par voie locale et générale. En cas d’atteinte
antipéristaltisme). Les œufs libèrent dans l’estomac des larves neurologique centrale, le traitement repose sur l’albendazole en
qui, après avoir franchi la paroi gastrique, vont essaimer vers le dose de 15 mg/kg pendant 21 jours (pris au cours d’un repas
système nerveux central et les muscles. L’enkystement de ces riche en graisses), associé à une corticothérapie (1 mg/kg/j)
larves en impasse parasitaire et leur localisation sont responsa- pendant quelques jours. L’efficacité est très variable selon les
bles des symptômes. auteurs mais resterait assez médiocre.
Les manifestations neurologiques dépendent de la localisation
et de la taille des kystes. Souvent, il s’agit de crises convulsives, Trypanosomose africaine
de syndromes d’hypertension intracrânienne, de déficits focaux
moteurs et/ou sensitifs (syndrome tumoral), et de méningites Avec près de 100 000 morts chaque année, la trypanosomose
lors des localisations arachnoïdiennes et ventriculaires [4, 11]. africaine ou maladie du sommeil est une maladie réémer-
D’autres atteintes doivent être recherchées, en particulier gente [13] . C’est une affection encéphalique secondaire au
oculaires et musculocutanées (multiples tuméfactions indolores protozoaire Trypanosoma brucei gambiese pour l’Afrique centrale
« en grains de plomb », peu adhérentes au tissu adjacent sur le et de l’Ouest, ou T. B. rhodesiense pour l’Afrique de l’Est, inoculé
thorax et le dos, bien visibles sur les clichés sans préparation par la mouche tsé-tsé (glossine hématophage). Sévissant classi-
sous forme de « grains de riz »), qui peuvent aider au diagnostic quement par foyers (République démocratique du Congo,
lors d’un prélèvement à visée anatomopathologique. Ouganda, Angola, etc.), elle touche essentiellement les popula-
Le diagnostic repose sur l’imagerie cérébrale (IRM, scanner) tions locales. Cependant, du fait d’une incubation très variable,
qui montre des lésions kystiques plus ou moins calcifiées selon de quelques semaines à plusieurs mois, le diagnostic peut se
l’âge du kyste (environ 5 ans pour arriver au stade des calcifi- poser devant un patient migrant. De plus, la survenue récente
cations). La sérologie et l’hyperéosinophilie sanguine ne sont de cas groupés chez des touristes en Tanzanie (parc de Tarangire
pas toujours contributives et ne doivent pas faire écarter le et de Serengeti), bien que ce cas de figure soit rare, nous
diagnostic en cas de négativité. Le diagnostic de certitude repose rappelle que cette pathologie peut aussi toucher le voyageur [14].
théoriquement sur la biopsie, mais, en pratique courante, il La maladie évolue en trois phases distinctes mais cette
.
s’appuie sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques, distinction est plus fréquente dans la forme ouest-africaine. À la
sérologiques et la réponse au traitement d’épreuve piqûre infestante, avec le classique « furoncle sans tête » ou
antiparasitaire. trypanome, succède une période de dissémination définissant la
Le traitement médical est basé sur l’albendazole (Zentel®) et phase lymphaticosanguine (fièvre, adénosplénomégalie, trypa-
le praziquantel (Biltricide ® ), sur une durée de 15 jours. Le nides, œdème de la face) à laquelle fait suite une méningo-
traitement cestocide est accompagné de corticoïdes en début de encéphalite évoluant constamment, sans traitement, vers la
cure afin de diminuer les réactions toxiques de lyse parasitaire. « cachexie sommeilleuse » et la mort. La variabilité sémiologique
Le traitement chirurgical est généralement réservé aux atteintes neurologique justifie la règle que devant tout signe neurologi-
oculaires et ventriculaires, et en cas d’hypertension intracrâ- que inexpliqué d’évolution subaiguë ou chronique, ce diagnos-
nienne, il est associé au traitement médical. tic soit systématiquement évoqué si le patient a séjourné en
La prophylaxie se confond avec la lutte contre le tænia du zone d’endémie. En effet, les signes peuvent être des troubles de
porc à savoir la lutte contre le péril fécal et la cuisson suffisante la sensibilité profonde, responsables d’un syndrome neurodou-
de la viande de porc. loureux, d’une hyperréflexie, de troubles de la coordination et
d’une hypertonie extrapyramidale [15]. Ces symptômes évoluent
vers un tableau dit de polarisation cérébrale avec inversion du
■ Neuroparasitoses rares en France rythme nycthéméral, confusion, agitation et troubles du
comportement évoluant vers une indifférence, une hypersomnie
Toxocarose et larva migrans viscérale et le coma précédant de peu la mort (phase méningodémyéli-
nisante résistante au traitement).
La toxocarose est une maladie due à l’infection par des œufs Le diagnostic repose sur la mise en évidence du parasite dans
ou des larves d’ascaris du chien ou du chat Toxocara canis ou T. le sang par triple centrifugation, dans les produits de ponction
cati[ [4, 11]. Il s’agit d’une affection fréquente en milieu rural, en ganglionnaire et dans le LCR lors de l’atteinte cérébrale. Le
pays industrialisé comme dans les pays en voie de développe- diagnostic indirect repose en France sur la sérologie (test Elisa)
ment. L’homme se contamine soit par ingestion des œufs et sur des éléments biologiques dans le sang et le LCR comme
embryonnés présents dans le sol (géophagie, pica pour les une augmentation polyclonale des IgM et la visualisation de
enfants), sur les mains sales ou les légumes crus, soit par plasmocytes spécifiques ou cellules de Mott.
ingestion des larves à partir de viandes ou d’abats crus ou peu Le traitement, complexe, non dénué d’effets secondaires
cuits, ou au contact proche de ces animaux familiers. graves, dépend du stade de la maladie et de la forme parasito-
Cette infestation est une cause du syndrome de larva migrans logique. La ponction lombaire doit donc être systématique
viscérale. En général infraclinique, il peut se manifester par une avant traitement pour dépister les atteintes neurologiques
fièvre avec asthénie, une toux sèche, un asthme, une urticaire. infracliniques. Les phases précoces pourront bénéficier de
Dans de rares cas l’infection peut se traduire pas des troubles l’iséthionate de pentamidine (Pentacarinat®) et de la suramine.
neurologiques centraux lors de la migration aberrante des larves Les phases tardives bénéficieront du mélarsoprol dérivé arsenical
en impasse parasitaire au niveau du cerveau, de l’œil, des (Arsobal®) et de l’éflornithine (Ornidyl®) [16].
méninges ou de la moelle. La toxocarose oculaire est générale-
ment unilatérale. Elle se manifeste par une baisse d’acuité
visuelle rapidement évolutive. Les atteintes neurologiques
Angiostrongylose
centrales se manifestent par des crises convulsives, une ménin- Rare mais classique, cette parasitose rencontrée en Asie du
gite, une myélite, une parésie. Sud-Est, en Polynésie et en Australie est responsable d’une
Le diagnostic repose sur la sérologie dans le sang, le LCR ou méningite à éosinophile [4]. Des cas sporadiques ont été décrits
l’humeur aqueuse en cas d’atteinte neurologique et oculaire en Afrique et chez le touriste [11]. L’homme se contamine lors
(Elisa et western blot) [12]. L’hyperéosinophilie sanguine fré- de l’ingestion de plats traditionnels locaux constitués de
quente dans les syndromes de larva migrans viscérale est mollusques et/ou de crudités porteurs de larves d’Angiostrongylus
souvent absente en cas d’atteinte oculaire ou neurologique. Elle cantonensis, un nématode du rat en impasse parasitaire chez
peut en revanche être retrouvée dans le LCR en cas de ménin- l’homme. La sévérité des symptômes serait fonction de la
gite. Les examens d’imagerie oculaire ou cérébrale (scanner, quantité de larves ingérées [11].
IRM) peuvent être utiles et montrer des bandes de traction Les larves se trouvent bloquées au niveau du système nerveux
intravitréennes ou des granulomes périphériques ou du cortex et déterminent, après une incubation de 10 à 20 jours, un
cérébral. La mise en évidence d’une larve dans le LCR, rare, est syndrome méningé fébrile avec des symptômes respiratoires. Il
un argument majeur du diagnostic. s’y associe, à des degrés divers, une encéphalite, une myélite,

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une polyradiculonévrite et des myalgies. L’évolution est souvent Gnathostomose


bénigne mais des douleurs neurogènes peuvent persister plu-
sieurs mois et des décès ont été rapportés lors de grandes La gnathostomose est une infection helminthique principale-
infestations [4]. ment due à Gnathostoma spinigerum, parasite des félidés [4, 18].
Le diagnostic repose sur l’examen du LCR qui présente une L’homme se contamine en ingérant les hôtes intermédiaires
pléiocytose faite d’éosinophiles (généralement supérieure à crus contenant les larves du parasite, à savoir certains poissons
50 %) et sur la sérologie dans le sang et le LCR. La visualisation et crustacés [18]. Classiquement située en Asie du Sud-Est et en
des larves sur le LCR est rare. Amérique centrale, cette pathologie, avec l’augmentation
L’albendazole peut être proposé, bien que son efficacité soit constante du nombre de voyageurs, des migrations, des com-
incertaine dans cette indication. Une corticothérapie est associée portements alimentaires à risque et des moyens diagnostiques,
afin de diminuer l’œdème cérébral. La ponction lombaire devient une pathologie d’importation de plus en plus décrite
apporterait une sédation des céphalées [4]. sous nos latitudes [18]. Les larves, en impasse parasitaire chez
l’homme, sont responsables d’un syndrome de larva migrans
avec un tropisme particulier pour la peau (larva migrans
Helminthoses invasives cutanée), l’intestin, la plèvre et les poumons, l’œil et rarement
le système nerveux (larva migrans viscérale). Ces localisations
Des signes neurologiques peuvent survenir au cours de la
peuvent se manifester par une encéphalite, une radiculite, une
phase d’invasion de certaines helminthoses comme la bilhar-
atteinte des paires crâniennes, une myélite, une hémorragie
ziose, la trichinellose, la fasciolose ou la toxocarose [2, 4, 17]. Le
méningée et une méningite à éosinophile [19]. Du fait du retard
mécanisme est de nature immunoallergique. Ces signes survien-
et de la difficulté diagnostique, des séquelles neurologiques sont
nent dans les deux mois succédant à l’infestation, au cours des
possibles. Le diagnostic est essentiellement sérologique (Elisa et
phases dites d’invasion des cycles parasitaires. La physiopatho-
western blot) mais il n’est accessible nulle part en France. Le
logie, encore en grande partie inexpliquée, incriminerait plutôt
traitement fait appel à l’albendazole (15 mg/kg/j) pendant
le rôle toxique de l’éosinophile et des cytokines synthétisées lors
21 jours. L’ivermectine serait aussi efficace en prise unique ou
de ces phases d’invasion plutôt qu’une toxicité directe du
répétée à 48 heures (200 µg/kg/prise).
parasite envahissant le système nerveux central. Ces atteintes,
très rares mais néanmoins existantes, ont été décrites chez les
sujets non immuns (touristes, militaires en campagne) [17]. Les ■ Mise en contexte : troubles
tableaux présentés relèvent en général d’une encéphalite,
associée ou non à des déficits focaux. neurologiques centraux au retour
Le traitement antiparasitaire, à cette phase, est souvent de pays tropical (Fig. 1)
inefficace et délétère, aggravant les symptômes par relargage
massif d’antigènes parasitaires et exacerbation passagère de La situation est celle de troubles neurologiques se déclarant
l’hyperéosinophilie [17]. Le traitement antiparasitaire est donc au retour de voyage ou nécessitant un rapatriement sanitaire.
retardé et fait place à un traitement par corticoïdes. De nombreuses autres pathologies que les parasitoses doivent
L’aggravation des symptômes et l’apparition de troubles être éliminées. Seules les étiologies infectieuses sont considérées
neurologiques lors du traitement de certaines filarioses (loase ici. La démarche diagnostique repose sur cinq examens complé-
traitée par diéthylcarbamazine) relèvent de la même mentaires clés : la numération formule sanguine, le frottis
physiopathologie. sanguin et la goutte épaisse, les hémocultures, la ponction

Figure 1. Étiologies des troubles neurologi-


ques centraux au retour de pays tropical en
Troubles neurologiques centraux fonction de l’existence d’une hyperéosinophi-
au retour de pays tropical lie.

Éosinophilie sanguine > 500/mm3 Éosinophilie sanguine < 500/mm3

Incubation Neurotrichinellose aiguë Neuropaludisme


< 14 jours Neurofasciolose aiguë Méningites bactériennes
Angiostrongylose Encéphalites virales
(méningite à éosinophile) Fièvre typhoïde
Anguillulose (HTLV1) Dengue, arboviroses
Trypanosomose est-africaine
Typhus exanthématique

Incubation Neurobilharziose aiguë Neuropaludisme


de 14 jours Neurofasciolose aiguë Fièvre typhoïde
à 6 semaines Toxocarose Leptospirose
Gnathostomose VIH
Trypanosomose est-africaine
Rage

Incubation Neurobilharziose chronique Neuropaludisme


> 6 semaines Neurocysticercose Tuberculose neuroméningée
Toxocarose Trypanosomose ouest-africaine
Gnathostomose Rage

Traité de Médecine Akos 5


4-1360 ¶ Parasitoses du système nerveux central

lombaire et l’imagerie cérébrale. La notion d’une hyperéosino- [8] Carme B, Bissuel F, Ajzenberg D, Bouyne R, Aznar C, Demar M, et al.
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S. Jauréguiberry (stephane.jaureguiberry@tnn.aphp.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Tenon, 75020 Paris, France.
E. Caumes.
Département des maladies infectieuses et tropicales, parasitologie-mycologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jauréguiberry S., Caumes E. Parasitoses du système nerveux central. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Traité de Médecine Akos, 4-1360, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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