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Adénomes thyréotropes
P. Caron

Les adénomes thyréotropes sont rares et représentent 0,5 à 3 % des adénomes hypophysaires dans les
séries chirurgicales ou autopsiques. Les adénomes hypophysaires à Thyroid-Stimulating Hormone (TSH)
sont diagnostiqués de plus en plus fréquemment et précocement en raison du dosage systématique de la
TSH chez tout patient présentant une thyrotoxicose, de la meilleure sensibilité et spécificité des trousses
de dosage de la TSH et des progrès de l’imagerie hypophysaire. La thyrotoxicose clinique est souvent
modérée (palpitations) avec un goitre homogène ou nodulaire. Sur le plan hormonal, on retrouve une
augmentation des fractions libres des hormones thyroïdiennes alors que la TSH est détectable, normale
ou modérément augmentée. L’imagerie par résonance magnétique met en évidence le plus souvent un
macroadénome hypophysaire. Le principal diagnostic différentiel de l’adénome thyréotrope est le syn-
drome de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes par mutation du gène du récepteur TR␤.
Sur le plan thérapeutique, si l’adénomectomie par voie rhinoseptale ou endoscopique est le traitement de
première intention du microadénome thyréotrope, la présence des sous-types 2 et 5 des récepteurs de la
somatostatine sur les cellules adénomateuses, l’efficacité de l’octréotide et du lanréotide sur le contrôle de
la sécrétion adénomateuse de la TSH et leur bonne tolérance font que les formes retards des analogues de
la somatostatine de première génération représentent une alternative médicale au traitement chirurgical
des patients ayant un macroadénome ou un adénome thyréotrope invasif.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Adénomes thyréotropes ; Thyrotoxicose ; Hyperthyroïdie ;


Syndrome de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes ; Chirurgie ; Radiothérapie ;
Analogues de la somatostatine

Plan par Jailer et Holub [6] , et moins de 300 cas étaient rapportés
en 1996 [1] . Il s’agissait le plus souvent de macroadénomes res-
■ Introduction 1 ponsables d’une thyrotoxicose dont le diagnostic était difficile
après un traitement chirurgical et/ou radio-isotopique primitive-
■ Pathogénie 1
ment thyroïdien. Actuellement, les adénomes thyréotropes sont
■ Signes cliniques 2 plus précocement diagnostiqués grâce au dosage de la Thyroid-
■ Signes biologiques et hormonaux 2 Stimulating Hormone (TSH) pratiqué lors du bilan de toute
Exploration basale 2 hyperthyroïdie, et grâce aux progrès de l’imagerie hypophy-
Explorations dynamiques 2 saire [7, 8] . Le diagnostic plus précoce des adénomes hypophysaires

à TSH rend plus difficile le diagnostic différentiel avec le syn-
Signes radiologiques 3
drome de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes
■ Diagnostic différentiel 3 par mutation du gène du récepteur TR␤. Sur le plan thérapeu-
Sur le plan clinique 3 tique, si le traitement d’un microadénome à TSH reste chirurgical,
Sur le plan biologique 3 la présence de récepteurs à la somatostatine [9–11] sur les cel-
■ Traitement 3 lules adénomateuses, l’efficacité et la tolérance des analogues
Traitement chirurgical 4 de la somatostatine de première génération [2, 12–15] font que les
Traitement par radiothérapie 4 formes retard de l’octréotide et du lanréotide sont une alterna-
Traitement médical 4 tive médicale au traitement des macroadénomes ou des adénomes
■ Conclusion 4 thyréotropes invasifs.

 Pathogénie
 Introduction Les adénomes thyréotropes primitifs résultent d’une proliféra-
tion monoclonale de cellules hypophysaires à TSH [16, 17] . Ils sont
Les adénomes thyréotropes sont rares et représentent 0,5 à le plus souvent volumineux et invasifs, et se caractérisent par une
3 % des adénomes hypophysaires [1–5] dans les séries autopsiques production du basic fibroblastic growth factor (␤FGF) [18] , entraînant
ou chirurgicales. La première observation a été décrite en 1960 une fibrose fréquente qui explique leur aspect macroscopique et

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 12 > n◦ 4 > octobre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)64285-8
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les difficultés opératoires. Les adénomes hypophysaires à TSH sont sein de populations cellulaires identiques ou différentes). Une
en grande majorité des tumeurs bénignes. Les cas de carcinome immunocytochimie anti-GH (anti-growth hormone), anti-PRL,
thyréotrope métastatique sont rares [19, 20] . antigonadotrophines et exceptionnellement anti-ACTH (anti-
La pathogénie des adénomes hypophysaires à TSH est incon- adenocorticotrophic hormone) a été décrite au cours des adénomes
nue. Les différentes études moléculaires n’ont pas mis en plurisécrétants.
évidence de mutation des oncogènes (c-myc, c-fos, Ras), du Les adénomes hypophysaires à TSH peuvent être encore diag-
gène de la ménine [21] , ou des gènes codant les récepteurs pré- nostiqués :
sents normalement sur les cellules thyréotropes (récepteurs de la • plus rarement lors du bilan d’une polyendocrinopathie de type
TRH [thyrotropine releasing hormone], récepteurs dopaminergiques, MEN-1 (multiple endocrine neoplasia-1) [31, 32] , d’une maladie de
récepteurs de la somatostatine) [22] . Une absence d’expression de McCune-Albright [33] ou de forme familiale d’adénome hypo-
récepteurs aux hormones thyroïdiennes (TR␣1, TR␣2, TR␤1) a été physaire liée à une mutation du gène aryl hydrocarbon receptor
rapportée dans une observation [23] . Une anomalie de l’acide ribo- interacting protein (AIP) [34] ;
nucléique messager (ARNm) de TR␤2, entraînant une absence de • exceptionnellement chez des patientes enceintes [35–37] .
fixation de T3 (thyroxine 3), a été proposée comme un mécanisme
expliquant une altération du rétrocontrôle négatif de T3 sur la
sécrétion de TSH par des cellules adénomateuses [24, 25] .
Les cellules adénomateuses thyréotropes synthétisent la sous-
 Signes biologiques et hormonaux
unité ␣ en excès par rapport à la ␤-TSH et sécrètent des molécules Exploration basale
de TSH ayant une activité biologique le plus souvent aug-
mentée [26] , expliquant d’une part l’intérêt diagnostique de la Le diagnostic d’adénome hypophysaire à TSH doit être évoqué
concentration de la sous-unité ␣ et, d’autre part, l’absence de devant l’association d’une augmentation des concentrations des
corrélation entre les concentrations plasmatiques de TSH, les fractions libres des hormones thyroïdiennes (T4l, T3l) et d’une
concentrations des hormones thyroïdiennes et les signes cliniques concentration de TSH détectable, normale ou augmentée. Le cycle
chez les patients. nycthéméral de la TSH est perturbé ou aboli, avec cependant un
respect de la pulsatilité physiologique de la TSH. Cette hyper-
thyroïdie TSH-dépendante entraîne des perturbations des index
d’efficacité périphérique des hormones thyroïdiennes, avec en
 Signes cliniques particulier une augmentation de la testosterone estradiol binding glo-
bulin (TeBG) ou des marqueurs du remodelage osseux chez 80 %
Les adénomes hypophysaires à TSH sont rapportés chez des des patients [1] .
patients âgés en moyenne entre 40 et 50 ans, tant chez l’homme À ce tableau peut s’associer :
que chez la femme (sex-ratio : 1) [1–5] . • une augmentation de la concentration de la sous-unité ␣,
Ils peuvent être diagnostiqués : présente chez 70 % des patients. Le rapport molaire sous-
• le plus souvent devant un tableau d’hyperthyroïdie unité ␣/TSH calculé à partir de la formule (␣ ␮g/l/TSH
d’installation progressive, marqué surtout par les signes mU/l) × 10 est le plus souvent supérieur à 1. À noter que
cardiologiques (palpitations, fibrillation auriculaire, insuffi- la concentration de la sous-unité ␣ peut être normale chez
sance cardiaque). Il n’existe pas de corrélation entre les signes les patients présentant un microadénome à TSH [7] . Enfin, la
cliniques et l’augmentation des concentrations des hormones concentration de la sous-unité ␣ doit être interprétée en fonc-
thyroïdiennes [1] . Il n’y a pas de signe associé d’auto-immunité tion du statut gonadique (concentration augmentée chez la
(ni myxœdème prétibial, ni acropachye thyroïdienne). Une femme ménopausée et l’insuffisant gonadique périphérique),
exophtalmie bilatérale a été décrite lors de l’association avec de telle sorte qu’un rapport molaire sous-unité ␣/TSH supérieur
une maladie de Basedow [27] , alors qu’une atteinte unilatérale a à 1 n’est pas toujours indicatif d’un adénome à TSH [5] ;
été rapportée lors d’un envahissement orbitaire par l’adénome • une augmentation de la concentration plasmatique de la GH
hypophysaire [1] . Le goitre est présent dans plus de 90 % des (40 %), de la prolactine (25 %), des gonadotrophines (FSH, LH
cas, le plus souvent homogène, devenant hétéronodulaire [luteinizing hormone]) et de l’ACTH en cas d’adénomes plurisé-
avec l’ancienneté de la stimulation thyroïdienne, parfois crétants [1] . Il existerait une corrélation entre la présence d’une
compressif et pouvant récidiver après une thyroïdectomie cosécrétion hormonale et la taille de l’adénome.
partielle. La présence d’un cancer thyroïdien différencié
dans le goitre est rare [4] . L’échographie cervicale retrouve un
goitre homogène ou nodulaire, hypervascularisé en écho- Explorations dynamiques
doppler [28] . L’exploration isotopique met en évidence un
corps thyroïde fixant normalement ou de façon augmentée Chez les patients ayant un adénome thyréotrope [1, 4, 5] , la
le radio-isotope. Exceptionnellement, le diagnostic est fait concentration de la TSH :
devant d’autres signes viscéraux de thyrotoxicose, telle une • ne répond pas à l’injection de TRH chez 92 % des patients ;
paralysie périodique avec hypokaliémie [29] ; • ne répond pas chez 82 % des patients lors du test de freinage
• au cours du bilan d’une pathologie hypophysaire : par la T3. Ce test a surtout un intérêt diagnostique chez les
◦ devant des adénomes hypophysaires mixtes sécrétant en patients ayant été préalablement traités par une thyroïdecto-
plus de la TSH de l’hormone de croissance (gigantisme mie ou par de l’iode radioactif, mais il doit être réalisé après
ou acromégalie), et/ou de la prolactine (PRL) (syndrome prescription de bêtabloqueurs et en respectant en particulier
aménorrhée-galactorrhée chez la femme) [1] , les contre-indications cardiologiques ;
◦ devant une insuffisance antéhypophysaire ou un hypogona- • diminue chez 94 % des patients après l’injection sous-cutanée
disme [30] , d’octréotide (100–250 ␮g), avec une normalisation de la
◦ devant un syndrome tumoral hypophysaire marqué par des concentration des hormones thyroïdiennes chez plus de 75 %
céphalées, une altération du champ visuel, plus rarement une des patients lors du traitement au long cours par les analogues
atteinte de l’oculomotricité, voire des signes d’hypertension de la somatostatine ;
intracrânienne, • diminue chez 25 % des patients après la prise d’agonistes dopa-
◦ lors du bilan d’un incidentalome hypophysaire. minergiques (bromocriptine), mais une réponse paradoxale a
Le diagnostic d’adénome à TSH sera fait : été rapportée chez quelques patients.
• in vivo par l’exploration fonctionnelle thyroïdienne (TSH, T4l) Ainsi, sur le plan hormonal, le diagnostic d’adénome hypo-
qui doit être réalisée devant tout patient présentant une tumeur physaire à TSH doit être évoqué chez un patient présentant une
hypophysaire ; augmentation des concentrations des fractions libres des hor-
• in vitro par l’étude immunocytochimique systématique après mones thyroïdiennes alors que la TSH est dosable, normale ou
l’exérèse d’un adénome hypophysaire, mettant en évidence augmentée, ne répondant pas dans la majorité des cas au test à la
une réaction positive pour la ␤-TSH et la sous-unité ␣ (au TRH ou à la T3.

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Adénomes thyréotropes  10-023-C-10

Tableau 1.
Éléments du diagnostic différentiel entre un adénome hypophysaire à TSH et un syndrome de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes.
Adénome thyréotrope Résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes
Enquête familiale – +
T4l, T3l augmentées + +
TSH détectable, normale, augmentée + +
Cycle nycthéméral de la TSH Absent Présent
TeBG augmentée 94 % 2%
Sous-unité ␣ augmentée 70 % –
Alpha/TSH molaire > 1 le plus souvent <1
Réponse de la TSH à la TRH 8% 96 %
Réponse de la TSH à la T3 12 % 100 %
Réponse de la TSH et de T3 aux analogues de la SMS :
– aiguë + +
– chronique 88 % 0%
Cosécrétion hormonale + –
IRM hypophysaire anormale 98 % 2–6 %
Enquête moléculaire (mutations du gène c-erbAβ) – +

T4l : thyroxine 4 libre ; TSH : Thyroid-Stimulating Hormone ; TeBG : testosterone estradiol binding globulin ; TRH : thyrotropine releasing hormone ; SMS : somatostatine ;
IRM : imagerie par résonance magnétique.

 Signes radiologiques • l’IRM de la région sellaire est normale. Cependant, ces patients
peuvent présenter un incidentalome hypophysaire (rencontré
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) de la région sel- dans 10 % des patients) [44] , et un microadénome hypophysaire
laire est l’examen de première intention. Dans les séries les plus à TSH peut être diagnostiqué chez un patient présentant un
anciennes, l’IRM mettait en évidence chez 70 à 75 % des patients syndrome de résistance hypophysaire aux hormones thyroï-
un macroadénome hypophysaire avec extension suprasellaire diennes [45] .
(71 %) et envahissement du sinus sphénoïdal (45 %) ou du sinus Ainsi, le diagnostic différentiel entre un adénome thyréo-
caverneux (39 %) [38] . Dans d’autres séries, le bilan radiologique trope et un syndrome de résistance hypophysaire aux hormones
met en évidence de plus en plus souvent un adénome intrasel- thyroïdiennes peut être difficile. En effet, dans un adénome thy-
laire ou un microadénome [7] . Il s’agit le plus souvent d’adénomes réotrope diagnostiqué précocement, comme dans le syndrome
hypofixants après l’injection de gadolinium [38] . de résistance aux hormones thyroïdiennes, la concentration de
Ce n’est qu’exceptionnellement que le diagnostic d’adénome sous-unité ␣ peut être normale, il n’y aura pas de cosécrétion de
thyréotrope, intrasellaire ou ectopique [5, 39] , est fait grâce au cathé- GH ou de prolactine, et l’IRM ne visualise pas formellement le
térisme des sinus pétreux [40] , à la TEP-scan (tomographie par microadénome.
émission de positons) à la 11C-méthionine ou à l’octréoscan [41] . Le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes est le
Noter que la fixation lors de la scintigraphie à l’octréoscan ne pré- plus souvent une affection familiale de transmission autosomique
juge pas de la réponse du patient au traitement à long terme par dominante. Il est donc primordial de réaliser un bilan thyroïdien
les analogues de la somatostatine [42] . fonctionnel chez les ascendants, les descendants et les collatéraux.
De même, la génétique a une place importante dans le diagnostic
des syndromes de résistance aux hormones thyroïdiennes, mais
une mutation du gène du récepteur de la T3 (gène c-erbAβ) n’est
 Diagnostic différentiel pas retrouvée chez tous les patients atteints (30 à 40 %).

Sur le plan clinique


Sur le plan biologique
Chez un patient présentant une thyrotoxicose et dont le bilan
met en évidence un syndrome de sécrétion inappropriée de TSH Une hyperthyroxinémie euthyroïdienne (TSH normale avec
(eu égard à l’augmentation des fractions libres des hormones une élévation de la concentration de thyroxine) peut être observée
thyroïdiennes), un syndrome de résistance hypophysaire aux hor- lors :
mones thyroïdiennes par mutation du gène du récepteur TR␤ doit • de la présence d’anticorps anti-hormones thyroïdiennes (anti-
être éliminé [1–5] . Classiquement, au cours de ce syndrome de résis- T4, anti-T3) ;
tance aux hormones thyroïdiennes (Tableau 1) : • de la présence d’anticorps hétérologues anti-TSH ;
• la concentration de la TeBG est normale ; • d’une augmentation des protéines de transport des hormones
• la concentration plasmatique de la sous-unité ␣ est normale, et thyroïdiennes (TBG, albumine, transthyrétine) alors que la
le rapport molaire sous-unité ␣/TSH est inférieur à 1 ; concentration de la T4 libre reste normale ;
• le cycle nycthéméral de la TSH est respecté ; • d’une inhibition de la désiodase de type 1 au cours de certains
• la concentration de la TSH augmente significativement au cours traitements (amiodarone, propanolol) et d’affections non thy-
du test à la TRH, diminue après la prise de T3 ou des agonistes roïdiennes sévères ;
dopaminergiques ; • d’un traitement substitutif par la lévothyroxine, et plus évident
• les concentrations de la TSH et des hormones thyroïdiennes lors d’un problème de compliance.
diminuent après une injection d’octréotide sous-cutanée dans
le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes comme
dans les adénomes thyréotropes. En revanche, on observe après  Traitement
deux mois de traitement par les analogues de la somatostatine
une absence de normalisation des fractions libres des hormones Le traitement des adénomes hypophysaires à TSH doit, d’une
thyroïdiennes chez les patients ayant un syndrome de résis- part, restaurer l’euthyroïdie chez les patients présentant une thy-
tance aux hormones thyroïdiennes, alors que le plus souvent la rotoxicose et, d’autre part, entraîner la disparition du syndrome
thyrotoxicose est contrôlée chez les patients ayant un adénome de masse hypophysaire. Il peut reposer sur une adénomectomie
à TSH [43] ; chirurgicale, une radiothérapie hypophysaire ou un traitement

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médical, en particulier par les analogues de la somatostatine du traitement par les analogues de la somatostatine, une tachy-
de première génération. Les critères de guérison ou de contrôle phylaxie peut apparaître et imposer une adaptation du protocole
peuvent être : thérapeutique. De rares cas de résistance aux analogues actuels de
• une concentration de la TSH indétectable (liée au rétro- la somatostatine ont été rapportés [1, 43] .
contrôle négatif des hormones thyroïdiennes sur les cellules Le traitement par les analogues de la somatostatine peut être
thyréotropes normales) dans les sept jours suivant une adéno- marqué par des troubles digestifs, l’apparition de lithiase vésicu-
mectomie ; laire, d’intolérance aux hydrates de carbone ou de diabète sucré.
• à distance de l’intervention chirurgicale, d’une radiothérapie Les formes retards des analogues de la somatostatine de pre-
ou lors d’un traitement médical, la rémission clinique de la thy- mière génération, bien que coûteuses, améliorent la tolérance et la
rotoxicose, la normalisation des concentrations des hormones compliance des patients [13, 14] . Les analogues de la somatostatine
thyroïdiennes libres, de la TSH et de la sous-unité ␣, une réponse représentent un traitement de deuxième intention ou adjuvant
normale de la TSH lors des tests dynamiques (test à la TRH, après un échec de la chirurgie ou en attente de l’efficacité de la
test à la T3) et enfin la disparition des anomalies radiologiques radiothérapie. Ils peuvent également être prescrits pour contrôler
hypophysaires [1, 5] . la thyrotoxicose en préopératoire et ils représentent une alterna-
tive médicale au traitement chirurgical des macroadénomes à TSH
ou des adénomes thyréotropes invasifs.
Traitement chirurgical
Avant d’envisager le traitement chirurgical d’un adénome
thyréotrope [46, 47] , un contrôle de la thyrotoxicose préopéra-  Conclusion
toire doit être obtenu par les bêtabloqueurs, les antithyroïdiens
de synthèse, l’iopodate [48] ou surtout par les analogues de la Les adénomes thyréotropes sont les plus rares des tumeurs
somatostatine [49, 50] afin de diminuer les complications per- et hypophysaires sécrétantes. Leur diagnostic, évoqué devant un
postopératoires. L’adénomectomie peut être réalisée le plus sou- tableau d’hyperthyroïdie ou de syndrome tumoral hypophysaire,
vent par voie rhinoseptale ou endoscopique, exceptionnellement est affirmé par le bilan hormonal mettant en évidence une thyro-
par voie sous-frontale selon le volume et l’extension suprasel- toxicose TSH-dépendante et par l’IRM qui visualise un adénome
laire de l’adénome. Les suites opératoires sont marquées par hypophysaire. Au cours de ces deux dernières décennies, le dosage
la fréquence des syndromes de sécrétion inappropriée d’ADH systématique de la TSH devant toute hyperthyroïdie, les trousses
(antidiuretic hormone) et d’insuffisance hypophysaire [51] . Après la de dosage de la TSH et les progrès de l’imagerie hypophysaire
chirurgie, souvent difficile du fait du caractère fibreux et invasif de ont modifié le tableau clinique et hormonal des adénomes hypo-
l’adénome, une normalisation des concentrations des hormones physaires. Ainsi, le diagnostic précoce des adénomes thyréotropes
thyroïdiennes avec une disparition du syndrome de masse hypo- soulève de plus en plus le problème du diagnostic différentiel
physaire est observée dans 40 à 60 % des cas [1, 5] . Les résultats avec le syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes par
de la chirurgie hypophysaire sont fonction de l’ancienneté et de mutation du gène du récepteur TR␤. En revanche, le diagnostic
l’importance de la thyrotoxicose, de la taille de l’adénome et de précoce des adénomes thyréotropes permet de mettre en évidence
l’invasion périadénomateuse. Dans l’étude du National Institute de plus en plus souvent un microadénome, ce qui augmente
of Health, il existait une corrélation significative entre le niveau le pourcentage de guérison de la chirurgie hypophysaire. Par
d’invasion dans le sinus caverneux ou sphénoïdal, l’expansion ailleurs, les formes retards des analogues de la somatostatine de
suprasellaire et les résultats postopératoires [38] . Le pourcentage de première génération, en augmentant la tolérance et la compli-
guérison chirurgicale augmente dans les séries récentes [7, 47] du ance des patients, représentent une alternative médicale pour les
fait d’un diagnostic précoce au stade de microadénome. Dans patients présentant un macroadénome ou un adénome thyréo-
tous les cas, une surveillance clinique, hormonale et radiologique trope invasif qui nécessitent un traitement médical à long terme.
s’impose après une adénomectomie chirurgicale afin de dépis- Quelle que soit la stratégie thérapeutique, une surveillance cli-
ter une récidive. Actuellement, chez près de 50 % des patients, nique, hormonale et radiologique s’impose pour diagnostiquer
le contrôle fonctionnel ou l’exérèse du volume tumoral n’est pas précocement une récidive postopératoire, apprécier l’efficacité et
obtenu par la chirurgie et impose un traitement complémentaire. dépister les effets secondaires de la radiothérapie, et adapter le trai-
tement médical par les analogues de la somatostatine de première
génération.
Traitement par radiothérapie
Une radiothérapie conventionnelle ou focalisée est peu envi-
sagée chez les patients du fait du caractère relativement résistant
des adénomes thyréotropes, du délai d’action de la radiothérapie
et des effets secondaires à long terme (insuffisance antéhypo-
“ Points essentiels
physaire). La radiothérapie n’a sa place dans la prise en charge • Les adénomes thyréotropes sont les plus rares des adé-
des adénomes thyréotropes qu’en cas d’échec du traitement chi-
rurgical et médical, en particulier sur les résidus adénomateux nomes hypophysaires sécrétants.
volumineux ou du sinus caverneux. • Leur pathogénie reste inconnue.
• Le diagnostic est de plus en plus précoce du fait du
dosage systématique de la TSH devant toute thyrotoxicose
Traitement médical et des progrès de l’IRM hypophysaire.
Les bêtabloqueurs sont indiqués dans le traitement sympto- • Leur diagnostic est fait devant une thyrotoxicose avec
matique de la thyrotoxicose. Le traitement chronique par les une TSH détectable, normale ou augmentée associée à un
agonistes dopaminergiques (bromocriptine, cabergoline) est peu adénome hypophysaire à l’IRM.
efficace dans la majorité des cas, mais il peut être envisagé en cas de • Le diagnostic différentiel est le syndrome de résistance
cosécrétion de prolactine par un adénome mixte TSH/prolactine. hypophysaire aux hormones thyroïdiennes.
Le traitement médical repose sur les analogues de la somatostatine • Du point de vue thérapeutique, l’adénomectomie chi-
de première génération (octréotide, lanréotide) du fait de la pré- rurgicale par voie endoscopique est le traitement de choix
sence de récepteurs à la somatostatine (sst-2, sst-5) sur les cellules
du microadénome alors que les analogues de la somato-
de la majorité des adénomes thyréotropes [9, 10] . Les analogues de la
somatostatine entraînent une diminution de la sécrétion (et de la
statine de première génération, du fait de leur efficacité et
bioactivité) [52, 53] de la TSH dans 90 à 95 % des cas, une normalisa- de leur tolérance, peuvent être une alternative médicale
tion des concentrations des hormones thyroïdiennes chez les trois à la chirurgie hypophysaire pour les macroadénomes, en
quarts des patients et une diminution du volume de l’adénome particulier invasifs.
hypophysaire dans la moitié des observations [1, 12, 54–56] . Au cours

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