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Périphrase

figure de style

Une périphrase (substantif féminin), du grec peri (« autour ») et phrazein (« parler »)


periphrazein : « exprimer par circonlocution », est une figure de style de substitution qui
consiste à remplacer un mot par sa définition ou par une expression plus longue, mais
équivalente. Autrement dit, elle consiste à dire par plusieurs mots ce que l'on pourrait exprimer
par un seul[1]. L'antonomase et l'adynaton sont des périphrases.

Définition

Définition linguistique

Étymologiquement, la périphrase vient d'une expression grecque signifiant « parler de façon
détournée ». La périphrase remplace un mot A par une expression B :

L'expression B est composée de plusieurs mots qui soulignent l'une des caractéristiques de A
(notamment en exprimant un jugement favorable ou défavorable)

A n'est pas explicité (il a disparu : il est remplacé par B)

Absence totale de tout mot-outil signalant l'opération

La difficulté a principalement pour origine la caractéristique de A exprimée par B : même si on


sait ce qu'est A, on ne sait pas forcément qu'il a la caractéristique B. La métonymie, elle, est
presque toujours facile à comprendre car, si on connaît A, on connaît très fréquemment sa
caractéristique B. En conséquence, la périphrase nécessite une bonne connaissance du sujet
ou/et du contexte pour être comprise ; elle est souvent employée de ce fait dans l'ironie et a une
fonction d'amplification (la périphrase euphémique, plus rare, a une fonction d'atténuation[2]) :
l'expression périphrastique est généralement plus étendue et plus complexe que l'expression
première ; sans le contexte communicationnel, le récepteur ne pourrait comprendre l'effet.

Le mot, en dialectique fait partie du vocabulaire théophrastéen. La périphrase est un mécanisme


linguistique de bienséance, à l’œuvre dans la dénomination de nouveaux mots, dans les
emprunts d'une langue à l'autre surtout. Par exemple le mot ascenseur a été traduit en allemand
fahrstuhl qui désigne par périphrase la fonction de cet objet : « chaise qui va, qui se déplace ».
La figure s'apparente à la métonymie et à la métaphore dans leur fonctionnement : elle opère sur
des relations de voisinage, les mots la composant appartiennent tous aux mêmes champs
sémantique ou lexical que le terme substitué. Comme l'antonomase (mais à son inverse : les
traits expriment le personnage), la périphrase désigne par exemple un personnage par une de
ses actions qui est connue de tous. De Gaulle est l'« homme du 18 juin » ou Balzac est l'« auteur
de la Comédie humaine ». Un élément ou trait de l'objet est pris pour son tout ; la périphrase a
donc ici un fonctionnement métonymique. Mais la figure peut tendre aussi vers la métaphore,
comme dans l'expression poétique de Jean-Jacques Rousseau, dans La nouvelle Héloïse, à
propos de l'eau : « cristal des fontaines ». Les fables également utilisent cette ressource
d'image dévolue à la périphrase, le lion par exemple est « le roi des animaux ». L'emploi fréquent
de périphrases peut confiner à la création éculée de clichés, lieux communs ou poncifs (voir les
articles correspondants). Cependant malgré ces tendances à ressembler à d'autres figures, la
périphrase est une figure autonome, de nature expansive.

Il existe plusieurs variantes à la périphrase :

1. Les épithètes homériques sont des formes de périphrases

2. Les périphrases verbales sont construites avec un semi-auxiliaire suivi d'un infinitif ; elles
apportent des nuances supplémentaires : « Il n'arrête pas de chanter depuis qu'il sait qu'il
va partir »

3. la pronomination surtout est la variante la plus connue de la périphrase. Étymologiquement


elle désigne un « nom donné à la place d'un autre ». Elle consiste à remplacer un mot
unique par une expression plus ample et s'apparente à une antonomase.
Exemples

Le billet vert : le dollar

Le feu du ciel : la foudre

Le pays du fromage : la France

Le roi soleil : Louis XIV

Les forces de l'ordre : la police

Les combattants du feu : les pompiers

Définition stylistique

Les effets visés par la périphrase sont multiples :

attirer l'attention sur un détail significatif,

atténuer une expression (elle a alors valeur d'euphémisme)

« — Rien à me dire ?
Pour toute réponse, il reçut une des injures les plus crues de la langue anglaise
faisant allusion à la façon dont sa mère l'avait conçu.
— Qu'est-ce qu'il dit ? questionna Torrence.
— Il fait une discrète allusion à mes origines. »
— Georges Simenon, Maigret, Lognon et les gangsters, chapitre 7. 1952
donner plus de force à une idée,

éviter l'emploi de mots réalistes (poétisation),

produire des images (proche de la métaphore notamment), enrichir l'évocation,

produire des jeux verbaux comme les devinettes[3],

soutenir l'ironie,

fournir une description,

et enfin éviter les répétitions qui alourdiraient l'ensemble (par exemple en alternernant Apple
et la marque à la pomme).

Trois effets principaux peuvent être identifiés :

la périphrase désigne dans la langue des réalités ou des objets nouveaux, elle est alors
constitutive de néologismes ou de mots-valise. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un effet
mais d'un emploi commun

elle peut permettre d'éviter des répétitions ou d'insister sur un trait d'un personnage parfois
jusqu'au cliché (emploi proche de l'antonomase)

un effet d'amplification et permet un style noble comme dans la fable de La Fontaine (pour
désigner le chêne) :

Celui de qui la tête au ciel était voisine


Et dont les pieds touchaient à l'empire des Morts

— Le chêne et le roseau

De manière générale, l'effet de la périphrase est à rechercher dans ses connotations comme
dans les expressions « les yeux sont le miroir de l'âme ».

Genres concernés

La périphrase s'emploie dans tous les genres littéraires : en poésie, elle permet de développer
des qualités d'un concept ou d'une idée (« Aurore aux doigts de rose » pour l'aurore) ; dans le
récit, elle permet de diluer les descriptions notamment ou de permettre l'allusion à des
personnages par leurs traits caractéristiques.

La périphrase devoir + infinitif est considérée « comme un véritable tic stylistique de Balzac »
par José-Luis Diaz[4]. Exemple :

« Par un concours de circonstances imprévues, ce dieu devait faire trébucher


dans l'escarcelle de l'ivrogne le prix de sa vente[5]. »

Histoire du concept

L’école de Socrate avait adopté une manière d’argumenter qui procède par induction ;
Théophraste donnait la préférence à l’épichérème et a également utilisé la périphrase, une des
règles de bienséance de l’enthymème.

Historique de la notion

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On désigne sous le nom de kenning les périphrases utilisés dans les sagas scandinaves par les
scaldes. La périphrase fut très utilisée en littérature, au point que les Romantiques, Victor Hugo
en tête, en firent un synonyme de préciosité et la condamnèrent : « J'ai de la périphrase écrasé
les spirales » (Les Contemplations).

C'est vers le XVIIe siècle que la langue proscrivit l'utilisation de mots dits vulgaires, et dans une
entreprise de simplification du registre on permit l'expansion de la périphrase et donc on
appauvrit paradoxalement la langue, emploi d'euphémisme sur lequel Hugo s'insurge plus haut.

Figures proches

Figure « mère » : amplification

Figures « filles » : périphrase verbale, adynaton, antonomase

Procédé résultant : Coréférence


Paronymes : paraphrase

Synonymes : circonlocution (équivalent d'origine latine, circonlocutio), épithète homérique,


allusion, euphémisme, métaphore

Antonymes : concision

Notes et références

1. http://www.lettres.org/files/periphrase.html

2. Le langage politiquement correct a généré quantité de périphrases euphémiques


véhiculées par les médias et l'administration : « frappe chirurgicale » (bombardement),
personne « de couleur » (noire), « à mobilité réduite » (handicapée), « sans domicile fixe »
(clochard), « demandeur d'emploi » (chômeur). L'euphémisation s'applique aux professions
jugées dégradantes : « technicien de surface » (balayeur), « hôtesse d'accueil »
(réceptionniste), « hôtesse de caisse » (caissière)…

3. http://www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/ma/d.html

4. Futurs narratifs et métadiscursifs dans la prose balzacienne, Presse Paris-Sorbonne 2003.


p. 79

5. Illusions perdues, Bibliothèque de la pléiade, 1971, t. V, p. 137

Voir aussi
Liens externes

Office québécois de la Langue Française, article périphrase (http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gab
arit_bdl.asp?id=4100)

Dire sans nommer.Analyse stylistique de la périphrase chez Marguerite Yourcenar de A.M


Prévot (https://books.google.fr/books?id=PU5-_7b2PSEC&dq=p%C3%A9riphrase&printsec=f
rontcover&source=bl&ots=qA9EwBTBvf&sig=Z15mhENfte19PUR-N_DvRtbxaDM&hl=fr&sa=X
&oi=book_result&resnum=5&ct=result#PPA5,M1)

Bibliographie

Bibliographie

Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Œuvres complètes, Éditions
Flammarion, 2014, 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « Réfutations sophistiques », p. 457.
Bibliographie des figures de style

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coll. « Budé Série Latine », 1989, 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).

Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, 1557


(ASIN B001C9C7IQ (https://www.amazon.fr/s/?url=search-alias&lang=fr&field-keywords=B001C9C7IQ)
).

César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre
un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, 1816 (réimpr. Nouvelle édition
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(ASIN B001CAQJ52 (https://www.amazon.fr/s/?url=search-alias&lang=fr&field-keywords=B001CAQJ52)
, lire en ligne (https://books.google.fr/books?id=ECCoiSUWERYC&pg=PA362&lpg=PA362) )

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Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, 2001, 228 p., 16 cm ×
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Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, 2003, 218 p.
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Dernière modification il y a 9 mois par LucienB49

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