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L'APPORT DE L'ORIENT AU DÉVELOPPEMENT DE L'ASTROLOGIE D'OCCIDENT par Jacques Halbronn
(Millésime 1984) Où commence l'Orient ? Faut-il considérer le monde arabe ou la Mésopotamie comme partie de l'Orient ? Nous n'en sommes pas très sûr. Même le monothéisme n'est pas nécessairement une ligne de clivage entre Orient et Occident... les Juifs sont-ils des Orientaux ? Géographiquement, la frontière passe-t-elle entre Turquie d'Europe et Turquie d'Asie ? L'Orient est-ce toute l'Asie, est-ce l'Afrique ? Et l'Asie dite « Mineure » n'est-elle pas fondamentalement liée au destin de l'Europe ? La Méditerranée n'est-elle pas une mer d'Occident ou bien se partage-t-elle entre ces deux «blocs»? Après avoir signalé l'ambiguïté et le flou de ces notions, nous définirons, pour la commodité de l'exposé, l'Orient comme un ensemble qui irait du Japon au Maroc, en longeant l'Est et le Sud de la Méditerranée. Et c'est sous cet angle que nous poserons le problème de la contribution orientale à l'Astrologie européenne (et par la suite américaine). Nous trouverons peut-être dans notre étude des éléments permettant de préciser ces interrogations sur des concepts qui penchent vers le mythe. Si l'on répartit donc les territoires avec, du côté de l'Orient, la Chine, l'Inde, la Mésopotamie, le monde musulman méditerranéen, Israël notamment et du côté de l'Occident l'Europe de l'Ouest, et Espagne comprises (malgré ses particularités historiques) l'on peut s'intéresser au jeu des interactions dans le cadre d'une Histoire de l'Astrologie. L'Astrologie est, pour commencer, un  produit étranger à l'Occident, une greffe qui a magnifiquement pris à l'instar de ce qui se passa  pour le monothéisme. Qu'on la fasse naître en Égypte ou à Sumer, voire en Inde, l'astrologie échappe au berceau occidental. Par Astrologie, il faut entendre non pas un simple culte astral mais une connaissance qui ne fonctionne qu'à partir d'un certain niveau technologique (connaissance du mouvement des planètes, du découpage des saisons en particulier). Sans  planètes, il n'y a pas de Zodiaque et sans Zodiaque, pour nous ici, il n'y a pas d'astrologie. Il y a tout au plus alors astrolâterie. L'astronomie babylonienne, notamment
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 ce qu'attestent les tablettes cunéiformes
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 avait repéré les cinq « planètes » et, dans un deuxième temps, avait installé son Panthéon dans ce Ciel en mouvement. En y ajoutant le Soleil et la Lune, issus
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 on s'en doute
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 de pratiques  beaucoup plus anciennes, on atteignait le nombre 7. Nous avons bien dit « astronomie » car on ne saurait, en fait, dissocier vraiment, à cette époque astrologie et astronomie, l'un commentant les découvertes de l'autre. Cette science des Chaldéens
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 tel est le nom longtemps conféré à cette civilisation
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 émigra vers la Grèce et l'astrologue souvent s'y nomma, en souvenir, « chaldéen ». On accorde à Bérose le mérite de cette transplantation à la fois astronomique et
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 sur certains plans,
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 mythologique. Car Astronomie et Mythologie se dissocient également mal. La Grèce va la marquer décisivement pour les siècles à venir puisque planètes et signes zodiacaux vont puiser leur symbolique dans ses légendes et ses mythes. Et, à sa suite, Rome qui nous a imposé Vénus, Mercure, Jupiter, etc. Mais comment classer Alexandrie de l'époque
 
hellénistique, rencontre
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 s'il en est
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 de l'Orient et de l'Occident, quand Claude Ptolémée y rédige son Almageste et son Tétrabible, ouvrage écrit en grec qui est réputé fonder l'astrologie occidentale ? Quant à l'Astrologie proprement « égyptienne », celle des Pharaons, celle des pyramides, elle est surtout météorologique (rapport entre le Nil et ses crues et un calendrier stellaire où Sirius/ Sothis est la pièce maîtresse). Lors de la campagne de Bonaparte en Égypte, on ramènera le Zodiaque de Dendérah, qui alimentera moult controverses quant à son antiquité et qui semble, en définitive, appartenir à ce monde hellénistique où les dieux de l'Égypte se mêlent à ceux de la Grèce (Horapollon, Toth Hermés, etc.). Les conquêtes d'Alexandre le Grand vont d'ailleurs contribuer à étendre l'influence grecque en Orient, jusqu'en Inde. Dès lors, l'astrologie indienne
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 ou du moins certains de ses rameaux
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 vont être marqués au sein de la langue grecque, quant à leur terminologie technique. On voit donc, d'ores et déjà, l'inter-influence entre Orient et Occident, ce que l'on pourrait appeler le feed-back occidental. Un deuxième processus comparable se produira avec l'Islam qui, à l'instar d'Alexandre, s'installera dans le monde oriental jusqu'en Inde
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 Islam qui ne pénètrera en Occident que sporadiquement par l'Espagne et les Balkans. L'Islam, à partir du VII
e
 siècle de notre ère, se construit un Empire. Ce faisant, il prend contact avec la Syrie, l'Inde, tous deux dépositaires d'un savoir astrologique marqué par la Grèce. Il va les revitaliser et les intégrer dans des traités astrologiques où les traditions les plus diverses coexistent. Vers l'An Mille, la culture astrologique est centrée dans le monde islamique, autour des califats de Bagdad et de Cordoue.
Nature des apports orientaux
Après avoir esquissé, très sommairement, les fluctuations qui ont donné tantôt à l'Orient, tantôt à l'Occident un certain « leadership » en Astrologie, il convient de nous arrêter pour tenter de dégager ce qu'il y a d'oriental ou d'occidental dans ces divers moments de la pensée astrologique. La tâche n'est pas simple puisqu'il nous va falloir recourir à des concepts
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 oriental, occidental
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 qui sont peut-être encore plus mal utilisables
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 car adjectifs
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 que ceux d'Orient et d'Occident, qui peuvent, peu ou prou, se justifier géographiquement : Levant et Couchant.  Nous pensons que l'astrologie « orientale » est moins « astronomique » que l'astrologie « occidentale ». Mais il serait probablement plus juste de préciser que l'astrologie orientale a suivi le destin de l'Orient et qu'elle s'est peu à peu sclérosée, qu'elle n'a pas eu l'audace de poursuivre l'évolution de son passé. L'astrologie occidentale s'est davantage laissé entraîner par les réformes et les innovations internes. Astrologie orientale, plus figée donc, voire fossilisée. Qui a marqué les jours de la semaine : Lune et Lundi, Mars et Mardi, Mercure et Mercredi, Jupiter et Jeudi, Vénus et Vendredi, Saturne et Samedi... Qui a aussi, dans une certaine mesure, influencé la naissance des almanachs (terme
 
 probablement arabe) avec leur correspondance mois-signes zodiacaux. Astrologie liée fondamentalement
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 chez les Juifs comme en Chine
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 au calendrier, plus qu'à l'astronomie (dont le calendrier, de toute façon, découle). On sait bien le rôle des Juifs au sein de cette culture islamique, notamment en Espagne. Ces juifs, orientaux dispersés dans le monde chrétien tout comme dans le monde musulman. Ces Juifs pour qui la Semaine est si capitale, structure fondée sur le 7 dont on a vu qu'il renvoyait généralement au Ciel des astrologues. Le Récit de la Création en témoigne. Ce sont eux qui vont faire, très naturellement, la jonction avec l'Occident médiéval. Traducteurs, intermédiaires entre les langues sémitiques et le latin ou les langues latines, ils vont contribuer à la formation de l'Astrologie occidentale de la Renaissance. Bientôt
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 à partir du XIII
e
 siècle
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 l'Europe ne recopiera plus servilement des recettes astrologiques venues d'Orient
ou en tout cas passées par lui. Elle aura même tendance à rejeter tout œ que les Arabes y auront
ajouté et à renouer directement avec la Grèce et sa Mythologie. La découverte des nouvelles planètes contribuera à la création d'une astrologie « moderne » et occidentale alors que l'Inde conservera une astrologie quelque peu sclérosée et peu capable de transformations et d'adaptations. Cette Inde qui sera colonisée par l'Occident verra ses livres massivement traduits en anglais. Ce faisant, l'astrologie indienne ne sera pas sans influencer l'astrologie de la charnière entre XIX
e
 et XX
e
 siècles, surtout en Allemagne et en Angleterre. La théosophie notamment utilisera fortement une terminologie sanscrite qui rejaillira sur une astrologie qui s'y relie fréquemment alors. Poursuivant cet argument, ne pourrait-on pas prétendre que l'astrologie populaire, celle des magazines, celle des horoscopes à douze cases, prend ses racines dans une astrologie orientale, avide de classifications, de castes de division sociale, tandis que l'astrologie « savante », celle de l'astrologue siégeant dans son cabinet serait plus le reflet d'une occidentalité ? Dès lors, les concepts d'Orient et d'Occident s'éclairent quelque peu à la lumière de notre quête, mais au prix de quelles simplifications ! Volonté de l'astrologie orientale de rendre compte d'une stratification mais aussi
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 pour retrouver certains clichés
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 de présenter le destin comme une
araignée imparable et inexorable. L'astrologie arabe a, sur œ point, considérablement chargé
l'astrologie en la complexifiant au moyen de facteurs non astronomiques (ainsi pour les « parts »). Volonté de l'astrologie occidentale de poursuivre le dialogue avec les autres disciplines, de se mettre au goût du jour et de donner une image très individualisante du cosmos.
L'apport de l'Orient au développement de l'astrologie occidentale tient donc d'une part à œ que,
historiquement et «
géographiquement » l'astrologie est née en Orient, d'autre part à œ qu'un
certain brassage, lié aux conquêtes, aux colonisations, a, tout au long des siècles, opposé et mêlé des modèles plus ou moins dynamiques. Apport linguistique pour une certaine terminologie astrologique (emprunté au sanscrit ou aux langues sémitiques), apport religieux fécondant l'astrologie par sa richesse d'imaginaire, apport « politique » en ce que l'astrologie s'est  popularisée, s'est vulgarisée, qu'elle est récupérée par le quotidien. Mais l'Astrologie sera-t-elle jamais intégrée par l'Occident ou du moins par ses élites ? Elle surnage en pleine fin du XX
e
 siècle, elle est tolérée mais elle s'inscrit mal et bénéficie faiblement de l'avancée générale des savoirs occidentaux. Elle fait rêver, elle séduit les autodidactes en mal

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