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Etiopathogénie du cancer

I. Généralités :
- Le maintien de l'homéostasie tissulaire de l'organisme implique l'intervention constante de la division cellulaire
et de ses mécanismes régulateurs.
- A l'état normal, existent des mécanismes variés et souvent mal compris par lesquels l'organisme règle la
croissance mitotique de ses tissus. En revanche, quand la croissance mitotique échappe aux phénomènes
régulateurs, il se forme des amas de cellules, sans rapport avec l'homéostasie cellulaire. Un grand nombre de ces
amas est détruit par l'organisme. Lorsqu'ils échappent à la destruction, ils aboutissent à la formation d'une
tumeur au sens biologique du terme.
 Définitions :
- Le cancer est une prolifération cellulaire anormale, anarchique, échappant aux lois de l’homéostasie.
- La carcinogenèse est un ensemble de succession d’événements génétiques complexe aléatoires au cours duquel
la cellule accumule des anomalies génétiques lui conférant un avantage sélectif, permettant sa prolifération.
 Intérêt :
- Le cancer est un problème de santé publique car il représente la deuxième cause de mortalité dans
le monde après les maladies cardiovasculaires.
- La possibilité de dépistage de certains cancers (sein, col utérin, prostate) a des stades précoces ainsi que la
prévention (éviction de facteurs carcinogènes, vaccination) permet de diminuer les
taux de mortalité.
- La compréhension des mécanismes moléculaires à l’origine de la transformation maligne donnera de nouvelles
perspectives non seulement diagnostiques, mais aussi thérapeutiques (développement de la thérapie génique).
II. Rappels :
- Notre corps est composé d’une multitude de cellules contenues dans les tissus de nos différents organes.
- Toutes les informations des cellules sont dans leur code génétique propre.
- Chaque jour les cellules meurent et ce code est recopié pour être transmis aux cellules filles.
1. Le cycle cellulaire :
- Ce cycle est composé de plusieurs phases de croissance dans lesquelles la cellule grossit et duplique son matériel
génétique.
- Il est se déroule en 04 phases (figure1et 2) : G1 : pré synthétique, S : synthétique, G2 : post synthétique et M :
mitotique.
2. L’apoptose ou mort cellulaire programmée:
- C’est une mort cellulaire programmée par mécanisme enzymatique actif, elle est physiologique, et
survient à un stade précis de la maturation terminale d’une cellule.
- Elle intervient dans l’embryogenèse, le renouvellement des cellules à durée de vie limitée, l’élimination des
cellules lésées.
- Réprimée par certains gènes dit anti-apoptoiques ex : BCL 2.
- Favorisée par d’autres gènes dit apoptoique ex : Bax.
- Des erreurs se produisent et sont réparées exceptionnellement, une erreur irrémédiable survient et
- permet l’initiation du processus cancéreux.
III. Mécanismes de la carcinogenèse :
- L’acquisition du phénotype malin est favorise par l’exposition à des agents carcinogènes qui provoquent un
dérèglement moléculaire et des altérations génétiques (figure 3).
- Nos connaissances actuelles proviennent des études expérimentales sur l’animal et les cultures cellulaires ainsi
que les études cliniques et épidémiologiques.
- On considère aujourd’hui qu’il existe une période de latence assez longue entre l’exposition à un agent
carcinogène et le développement de cancer.
- Cette période de latence est due au fait que la transformation cellulaire se produit en plusieurs étapes.

Etapes de la carcinogénèse :
 Initiation : l’agent carcinogène initial entraîne des lésions génétiques cellulaires irréversibles, mais
insuffisantes pour entraîner la transformation.
 Promotion : Stade réversible, qui ne comporte pas de modifications du génome, il est caractérisé par une
expression anormale des gènes, due à l’interaction des altérations génétiques avec des facteurs de
l’environnement appelés agents promoteurs.
 Progression : Stade irréversible au cours duquel le cancer devient apparent. Comporte des altérations
génétiques majeures avec des anomalies du caryotype, qui
évoluent constamment en raison d’une instabilité chromosomique.
IV. Bases moléculaires de la carcinogenèse :
- Dans la cellule cancéreuse il y a rupture permanente de l'équilibre entre les signaux intracellulaires sous l’effet
des différents agents carcinogènes : activation de voies stimulatrices, suppression de voies inhibitrices et
inactivation des gènes réparateurs de l’ADN.
- Familles de gènes impliquées dans la carcinogenèse :
Les proto-oncogènes et oncogènes.
Les gènes suppresseurs de tumeurs.
Les gènes de maintien de l’intégrité du génome.

1. Les oncogènes :
 Définitions : On appelle oncogène tout gène auquel une anomalie quantitative ou qualitative, confère la
possibilité de transformer une cellule normale en cellule cancéreuse (tableau 1). Ils sont schématiquement
classés en :
- Gènes immortalisant (ex: c-myc) codant pour des protéines nucléaires se liant à l’ADN.
- Gènes transformant ex : RAS, RE, KIT.
Ces deux types d’oncogènes interviennent sur un mode dominant positif (l’atteinte d’un seul allèle est suffisante
pour la transformation).

 Mécanismes génétiques d’activation des oncogènes :


- Réarrangement génique par translocation ou inversion : formation d’un gène hybride par fusion de deux
régions codantes (figure 4).
- Amplification génique : augmentation anormale du nombre de copies du gène.
- Mutations somatiques : substitution d’un acide aminé par un autre.
- Délétion : perte d’un fragment chromosomique.
- Intégration virale : insertion du génome viral au niveau d’un gène régulateur.
2. Les gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-oncogènes :
 Définitions :
- Ce sont des gènes possédant l’aptitude à inhiber la prolifération cellulaire en ayant une régulation négative sur le
cycle (tableau 2).
- Le premier anti-oncogène décrit est le gène Rb du rétinoblastome.
- L’anti-oncogène le plus souvent impliqué est la p53 (gène contrôlant le cycle cellulaire, induit l’apoptose
cellulaire en cas de lésions de l’ADN).

 Mode d’inactivation des gènes suppresseurs de tumeurs :


- Interviennent par perte de fonction, suite à une mutation le plus souvent et ou délétion.
- Agissent sur un mode récessif, leur inactivation complète, nécessite l’inactivation des 02 allèles.
3. Les gènes réparateurs de l’ADN :
 Définition :
- Des agents toxiques (rayons X, UV, hydrocarbures) peuvent entraîner des lésions ponctuelles de l’ADN (cassure
d’un brin, délétion, mutation d’une base).
- Les gènes de maintien de l’intégrité codent pour un complexe multifonctionnel capable de surveiller l’intégrité du
génome (MSH2, MSH6..).
- L’altération des 2 allèles de ces gènes conduit à une susceptibilité accrue aux cancers, par instabilité génétique
(accumulation de mutations conduisant à l’activation d’oncogènes ou à l’inactivation d’antioncogènes).
- Ils sont impliqués dans la progression tumorale sur le mode récessif.
 Deux systèmes de réparation :
- Système de réparation des mésappariement (mismatch repair) : Mis en jeu lorsque les altérations de l’ADN
résultent d’erreurs de réplication.
- Système d’excision re-synthèse (nucleotid excision repair ) : Mis en jeu lorsqu’il s’agit de mutations induites par
des carcinogènes.
V. Facteurs carcinogènes :
1. Facteurs intrinsèques :
1.1. L’âge :
- La fréquence globale du cancer augmente avec l’âge ; en raison du prolongement du temps d’exposition aux
facteurs carcinogènes, la baisse de l’efficacité du système réparateurs d’ADN et du système immunitaire sont
aussi incriminés.
- Cependant nous notons des cancers de l’enfant telle que les tumeurs blastiques ex : néphroblastome (figure 5) et
les cancers de l’adulte jeune telle que les seminomes testiculaires (figure 6) et les ostéosarcomes.
1.2. Facteurs génétiques : Les facteurs génétiques ont un rôle très variable selon le type de cancer :
- Rôle mineur : dans certains cancers induits par des carcinogènes chimiques: ex : cancer de vessie après
exposition aux amines aromatiques.
- Rôle prépondérant: dans certains cancers familiaux héréditaires, transmis sur un mode dominant (tableau 3) ex :
néoplasies endocriniennes multiples, polypose colique familiale (gène de susceptibilité APC).
- Rôle intermédiaire probable : dans de nombreux cancers, avec interaction complexes entres les facteurs
d’environnements et les facteurs génétiques; ex: cancer cutané après exposition aux UV, plus fréquent chez la
race blanche et chez les roux (phénotype clair).

1.3. Facteurs immunitaires :


- De nombreux cancers expriment des antigènes contre lesquels peut se développer une réponse immunitaire, ceci
est particulièrement vrai pour les cancers viro-induits.
- Selon la théorie de surveillance immunitaire proposée par BURNETT, de nombreuses cellules cancéreuses sont
produites par l’organisme, et sont éliminées par le système immunitaire qui les reconnaît comme étrangères,
donc certains cancers ont une survenue accrue sur défaillance du système immunitaire (traitement immunosuppresseur,
VIH).
1.4. Facteurs hormonaux :
- L’état hormonal a probablement une importance sur la croissance et le développement de certains cancers, mais
il n’est pas certain que les hormones aient un rôle au stade initial de l’apparition du cancer.
- Exemples :
 Cancers du sein : exposition prolongée aux œstrogènes, règles précoces, nulliparité ou première
grossesse tardive et ménopause tardive.
 Cancers de la prostate : hyper androgénie « testostérone » (figure 7).
 Cancers de l’endomètre : l’hyper œstrogènie par traitement hormonal de substitution et
contraceptifs oraux (figure 8).

2. Facteurs extrinsèques :
2.1. Facteurs viraux :
- Les altérations génétiques des cellules cancéreuses peuvent être secondaires à l’intégration du génome viral dans
le génome cellulaire.
- Il existe deux types de virus :
 Les virus à ADN : s’intégrant partiellement ou entièrement et de façon aléatoire dans le génome de la
cellule infectée.
- Exemples :
 Virus du groupe Herpès : Virus d’Epstein Barr (EBV): lymphome de Burkitt, carcinome du
nasopharynx / Virus HHV8 : à l’origine du sarcome de KAPOSI.
 Human Papilloma Virus; HPV : incriminé dans le cancer du col (figure 9), les types 16 et 18.
 Virus hépatite B: responsable d’un grand nombre d’hépatite chronique et incriminé dans le cancer
du foie (figure 10).

 Les virus à ARN : La réplication est très particulière, elle passe via la transcriptase inverse par la fabrication
d’une copie d’ADN monocaténaire puis par synthèse du brin complémentaire pour ensuite pouvoir s’intégrer
dans le génome cellulaire grâce à une intégrase.
- Exemples : rétrovirus : le virus HTLV-1 à l’origine des leucémies, lymphomes T.
2.2. Autres agents infectieux :
- Helicobacter pylori : bactérie associée dans le cancer de l’estomac.
- Schistosomiases : parasite responsables des bilharzioses et du cancer de la vessie.
2.3. Facteurs environnementaux :
- Niveau socio économique : Certains cancers sont plus fréquents chez les sujets issus de milieux défavorisés par :
Manque d’information, mauvaise alimentation, risque de contamination exemple : cancer du col utérin.
- Facteurs alimentaires : La consommation d’aliments riches en fruits et en légumes verts réduit le risque global de
cancer, tandis qu’une alimentation :
 riches en protéines animales, pauvres en fibres provoque des cancers du colon.
 riche en fumaison et salaison provoque des cancers de l’estomac (figure 13).
- Tabac : actif ou passif est incriminé dans les cancers broncho-pulmonaires (figure 14), voies aériennes
supérieures, larynx, pharynx, œsophage, vessie, col utérin.
Il existe une augmentation exponentielle du risque de cancer avec la quantité et la fréquence du
tabagisme. L’arrêt du tabagisme réduit le risque de cancer du poumon.
- Alcool : l’alcoolisme augmente le risque cancer de la bouche, larynx, pharynx.

2.4. Agents chimiques :


- Médicaments :
 les agents alkylants :(chimiothérapie) cisplatine, chlorambucil augmentent la fréquence des cancers de vessie
des leucémies.
 Les agents immunosuppresseurs: augmente la fréquence des lymphomes.
- Chlorure de vinyle (plastique industriel PVC): provoquent des sarcomes du foie.
- Contaminant de nourriture et additifs alimentaires : aflatoxine, est une mycotoxine produite par certains
champignons (figure 15) proliférant notamment sur des graines conservées en atmosphère chaude et humide
(arachides, riz, maïs) -> Puissant carcinogène hépatique du fait de sa forte capacité de fixation à l’ADN.
- Composés organochlorés : pesticides, substances utilisés en agriculture pour lutter contre les organismes
nuisibles aux cultures (figure 16) et qui provoquent des cancers hématopoïétiques chez les agriculteurs.
- Autres agents: formaldéhydes, benzène.
2.5. Agents physiques :
- Radiations ionisantes : il existe trois types de radiations ionisantes :
 Les rayonnements de haute énergie, employés en radiothérapie.
 Les rayons x de faible énergie utilisés en radiologie conventionnelle.
 Les rayons gamma qui sont à la base de la médecine nucléaire.

Exemples :
Sarcome du foie après radiographie avec du thorotrast (produit de contraste).
Leucémies et cancer chez les survivants après les explosions nucléaires de Nagasaki et Hiroshima (catastrophe de
Tchernobyl).
Cancer de la thyroïde après irradiation du cou.
- Brulure : exemple cancer de la lèvre sur brulure de mégot.
- Les rayons ultraviolets : provoquent des cancers de la peau.
Exemple : carcinome basocellulaire (figure 17) c’est le cancer de la peau le plus fréquent se développe sur les
régions du corps exposées au soleil (bras, visage et cou ++) -> Rencontré surtout chez les sujets de peau claire et
certains travailleurs en plein air (paysans).
- Métaux et fibres minérales :
 Amiante: se trouvent à l’état naturel dans des formations rocheuses. Ce sont des fibres minérales (figure18) qui
résistent aux températures élevées et peuvent servir d’isolant pour diminuer la chaleur ou le bruit. Longtemps
utilisées dans les domaines de la construction et de la rénovation.
Une exposition prolongée peut provoquer des cancers pleuro-pulmonaires. Exemple : mésothéliomes pleuraux
(figure : 19).
Les sujets à risques sont les travailleurs : dans les mines d’amiante, dans les usines de fabrication de pièces
contenant de l’amiante et dans les secteurs de la construction et de la démolition.
 Autres : Arsenic : provoque des cancers cutanés et broncho-pulmonaires.
Béryllium, chrome et nickel: provoquent des cancers du poumon et du larynx.

VI. Conclusion : Ce qu’il faut retenir :


1. Savoir que le cancer est une maladie liée à des altérations de l’ADN des cellules somatiques.
2. Le mécanisme de développement d’un cancer est un processus multi-étapes et multifactoriel.
3. Connaitre les trois classes de gènes impliqués dans la carcinogenèse.
4. Connaitre les différents facteurs carcinogènes.

♥ ‫♥ نرجو منكم صالح الدعاء‬

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