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Institut de formation en Psychomotricité de Meulan-Les Mureaux

Alcoologie & Psychomotricité


Quel rôle pour le psychomotricien en service de soins de suite et
réadaptation en addictologie ?

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme d’état de psychomotricien.

Ludovic GRUCHET

Juin 2015

Sous la direction d’Adeline CHÉRON


Le Buveur, Paul Cézanne,
Huile sur toile, 1891
« La planète suivante était habitée par un buveur. Cette visite fut très courte, mais
elle plongea le petit prince dans une grande mélancolie.
- Que fais-tu là ? dit-il au buveur…
- Je bois, répondit le buveur d’un air lugubre
- Pourquoi bois-tu ? demanda le petit prince
- Pour oublier, répondit le buveur
- Pour oublier quoi ? s’enquit le petit prince qui déjà le plaignait
- Pour oublier que j’ai honte, avoua le buveur en baissant la tête
- Honte de quoi ? s’informa le petit prince qui désirait le secourir
- Honte de boire ! acheva le buveur qui s’enferma définitivement dans son
silence. »

Le Petit Prince, Antoine de Saint Exupéry, 1943


Remerciements

Au moment de débuter le propos de ce mémoire, il revient d’adresser mes remerciements et


ma gratitude à l’ensemble des personnes ayant permis cette entreprise et ceux ayant pris
part à la réalisation de ce travail.

En premier lieu, j’adresse mes remerciements au directeur et au médecin-chef de


l’établissement. Vous avez permis cette belle expérience et je vous suis grée de l’attention
que vous m’avez portée.
A l’ensemble de l’équipe de post-cure, je vous remercie de votre accueil, de votre soutien et
de l’intérêt manifesté pour mon travail.
Un grand merci aux deux patients qui figurent dans ce mémoire. Je vous souhaite une bonne
continuation.

Je remercie ma maitre de mémoire, Adeline CHÉRON, pour son questionnement, ses


remarques et ses aiguillages quand mes idées étaient dans le brouillard.

Un grand merci aussi,


A mon comité de lecture : Coraline, Jeanne, Cindy, Milène, Sébastien, Audrey.
A toutes les bonnes volontés qui ont participé à ce mémoire, de près comme de loin.
A mes amis de promotion, ils se reconnaitront.

A ma sœur et à mon frère pour leur participation dans la dernière ligne droite et tout ce
qu’ils ont pu faire tout au long de ces 3 années mouvementées.
A mes parents, tout simplement.

A Coraline, parce que 1 + 1 feront toujours plus que 2…


Sommaire
Introduction ............................................................................................................................. 1

Addictologie et alcoologie ....................................................................................................... 2

Les Addictions ..................................................................................................................... 2

1.1.1 Définitions ........................................................................................................ 2

1.1.2 Les critères du DSM V ..................................................................................... 4

1.1.3 La spécificité de la dépendance à l’alcool ........................................................ 9

Les modèles explicatifs des comportements addictifs....................................................... 12

1.2.1 L’étiologie génétique ...................................................................................... 12

1.2.2 Les facteurs neurobiologiques ........................................................................ 12

1.2.3 Les modèles psychopathologiques ................................................................. 13

1.2.4 Les approches psychosociales et systémiques ................................................ 17

1.2.5 Les théories sociologiques .............................................................................. 19

1.2.6 Le modèle trivarié d'Olivenstein..................................................................... 21

Les troubles psychiatriques rencontrés dans l’addiction à l’alcool ................................... 23

1.3.1 La dépression .................................................................................................. 23

1.3.2 Les troubles anxieux ....................................................................................... 23

1.3.3 Les troubles de la personnalité ....................................................................... 24

1.3.4 Les troubles bipolaires .................................................................................... 24

Les complications de la consommation chronique d’alcool.............................................. 26

1.4.1 Les atteintes somatiques ................................................................................. 26

1.4.2 Les polyneuropathies périphériques ............................................................... 27

1.4.3 Les atteintes neurologiques centrales ............................................................. 28

1.4.4 Les troubles affectifs ...................................................................................... 31

1.4.5 Les troubles psychomoteurs ........................................................................... 31


Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie ................................................. 35

L’accompagnement thérapeutique du patient en SSRA .................................................... 35

Les stratégies de prise en charge ....................................................................................... 38

2.2.1 Les recommandations d’accompagnement ..................................................... 38

2.2.2 Le modèle transthéorique de Prochaska & DiClemente ................................. 39

2.2.3 Le modèle de prévention de la rechute de Witkiewitz & Marlatt .................. 40

Cadre et perspectives de travail du psychomotricien en SSRA ....................................... 42

La pratique psychomotrice .................................................................................................... 43

Le bilan psychomoteur ...................................................................................................... 43

3.1.1 La spécificité du bilan psychomoteur en SSRA ............................................. 43

3.1.2 Les domaines évalués en psychomotricité et le choix des épreuves .............. 44

L’accompagnement en psychomotricité ............................................................................ 48

3.2.1 Les axes de prise en charge en psychomotricité ............................................. 48

3.2.2 La rééducation psychomotrice de Monsieur Ginsburg ................................... 50

3.2.3 L’accompagnement en gestion du stress de Monsieur Chinaski .................... 59

Discussion.............................................................................................................................. 70

La démarche de dépistage et de diagnostic des troubles cognitifs .................................... 70

L’évaluation écologique des troubles perceptivo-moteurs ................................................ 71

La méthode Cognitive Orientation of daily Occupationnal Performance (CO-OP) ......... 73

L’intérêt du biofeedback.................................................................................................... 75

De la Pleine Conscience au programme Mindfulness Based Relapse Prevention ............ 76

La poursuite de l’accompagnement en hôpital de jour ...................................................... 78

Conclusion ............................................................................................................................. 80

Glossaire ................................................................................................................................ 81

Bibliographie ......................................................................................................................... 82

Annexes ................................................................................................................................. 87
Introduction
Un homme sur six et une femme sur seize, telle est la statistique de répartition des hommes
et femmes déclarant un usage quotidien d’alcool au cours de la semaine précédente. Ces
chiffres donnent une idée de la diffusion de la consommation de cette substance en France. Si
son usage peut prendre des formes récréatives, sociales, elle représente aussi un enjeu majeur
de santé publique avec 18 600 décès directement associés à l’alcool et 3000 décès suite à un
accident de la route1. En dépit de ces statistiques, l’addictologie progresse dans le traitement
et la prévention des usages à risque de l’alcool. Ces avancées se traduisent par une régression
notoire de la mortalité, de la quantité et de la fréquence de consommation depuis 40 ans.
Les psychomotriciens intègrent progressivement les services d’addictologie. Cependant,
leur travail reste mal défini et nécessite d’être exposé afin d’en diffuser les intérêts. Cette
nécessité est d’autant plus importante que la littérature portant sur les troubles psychomoteurs
en addictologie est succincte. Aussi, l’arrivée d’un psychomotricien au sein d’une équipe
spécialisée en alcoologie amène un questionnement prospectif sur ses domaines de
compétences et ses axes de travail.
Ce travail a pour objet d’apporter des éléments de réflexion sur le rôle du psychomotricien
au sein d’un service de soins de suite et réadaptation en addictologie (SSRA). Dans un
premier temps, il aborde des éléments théoriques concernant les addictions en se focalisant
sur l’addiction à l’alcool. Le propos développe ensuite les modèles explicatifs, les troubles
psychiatriques rencontrés dans cette addiction et les complications d’une consommation
chronique d’alcool.
La présentation des troubles psychomoteurs vient clôturer cette partie et amènent une
ouverture sur la partie pratique. En premier lieu, cette dernière présente le service de soins de
suite et réadaptation, son accompagnement et les stratégies de prise en charge. Elle aboutit à
la problématisation du rôle du psychomotricien au sein d’un SSRA. En second lieu, l’intérêt
du bilan psychomoteur et de la rééducation psychomotrice sont illustrés par les études de cas
de Messieurs Ginsburg & Chinaski. Enfin, la discussion ouvre sur le développement de points
de réflexion abordés aux cours du suivi des patients.

1
Source Office Français des Drogues et Toxicomanies. http://www.ofdt.fr/statistiques-et-infographie/series-
statistiques/classement-par-produits/#a

1
Addictologie et alcoologie
Les Addictions
Dans la littérature scientifique et clinique, il est parfois difficile de distinguer les différences
entre une toxicomanie, une dépendance et une addiction. La définition du terme addiction
n’est pas consensuelle et il parait nécessaire de préciser ces termes pour comprendre les
nuances apportées par l’utilisation du terme « addiction ». Aussi est-il intéressant de se
pencher sur les usages et les définitions pour comprendre le processus addictif, des situations
de dépendances ordinaires à l’état de dépendance pathologique.

1.1.1 Définitions

Les différents usages

L’abord des situations de dépendance suppose de s’entendre sur les usages en question. Les
substances psychoactives (SPA) sont consommées depuis des millénaires et leur considération
a beaucoup évolué entre la drogue sacrée et le toxique stigmatisé. Aussi, la frontière n’est pas
toujours évidente entre les usages socialement admis et les usages proscrits, voire pénalement
répréhensibles. Cette frontière est propre à chaque substance, à chaque individu et à chaque
contexte socioculturel. L’exemple de l’alcool permet d’illustrer les liens entre l’usage simple,
l’usage nocif et la dépendance.
La première catégorie d’usage est le non-usage, François Paille la définit comme une
absence de consommation de boissons alcoolisées. Il exclut l’abstinence de cette définition
car elle désigne un non-usage secondaire à une période d’usage nocif (Paille, 2013, p. 92).
L’alcool est la seule substance où une quantité établit le seuil de nocivité. La dose d’alcool
standard est de 10g par verre, les recommandations de l’institut national de prévention et
d’éducation pour la santé (INPES) situent le seuil quotidien d’alcool à 20g pour les femmes et
30g pour les hommes (INPES, 2008, p. 5). Ce seuil distingue notamment les usages simples et
les usages nocifs. Ces usages simples sont aussi appelés usages récréatifs ou festifs. Ils
peuvent être définis comme « une consommation de substances psychoactives qui n’entraine
ni complications pour la santé, ni conséquences sur le psychisme ou sur autrui» (Acier, 2012,
p. 11).

Partie théorique
2
Addictologie et alcoologie
Les addictions

Les usages nocifs sont aussi appelés usages à risque ou abus de consommation. Ils se
définissent comme « une prise de substances psychoactives qui augmente par sa quantité ou
son mode d’utilisation, la probabilité de survenue d’un problème ou d’un méfait. Ces risques
peuvent être de différents plans, soit physique, psychologique, judiciaire et/ou social » (Acier,
2012, p. 13). Ces usages nocifs sont présents dans la classification internationale des maladies
(« Utilisation nocive pour la santé »). Toutefois, ils ne sont plus présents dans le Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorder 5th edition (DSM V) suite à une modification
conceptuelle opérée lors de la dernière révision du manuel.
La nocivité n’est pas définie par le maintien du comportement dans le temps, elle repose sur
la quantité consommée par prise. La distinction entre l’usage nocif et la dépendance est plus
complexe à établir. Pierre Fouquet, fondateur de l’alcoologie française, définissait la
dépendance comme « la perte de la liberté de s’abstenir de consommer. » Il introduit la
notion de perte de contrôle comme élément central de la dépendance. Cependant, la perte de
contrôle ne suffit pas à rendre compte de la complexité de la dépendance.

Dépendance ou addiction ?

La dépendance est un terme générique pour qualifier la nature d’une relation. Dans le champ
de l’addictologie, il est utilisé pour décrire les troubles liées aux substances, les toxicomanies.
Une dépendance à une substance psychoactive est sémantiquement équivalente à une
toxicomanie. L’Office Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) définit la toxicomanie
comme « un comportement de dépendance à l’égard d’une ou plusieurs substances
psychoactives.»2 La littérature tend à utiliser le terme toxicomanie pour définir la dépendance
à un toxique illicite (cocaïne, LSD, héroïne…). En outre, l’utilisation du terme de
« dépendance » découle de l’histoire des toxicomanies et de ces différentes conceptions. La
toxicomanie est attachée à une conception où la toxicomanie est une maladie où se
rencontrent les effets d’un produit avec un corps prédisposé.
Le terme « addiction » vient du latin ad dicere signifiant « dire à ». Au Moyen-âge, son sens
était juridique et signifiait l’obligation d’un débiteur de mettre son corps à disposition de son
créancier pour régler sa dette. Le débiteur se voyait assigner à une contrainte par corps.
Le terme est tombé en désuétude avant de refaire surface dans les années 1960 en
remplaçant la toxicomanie dans la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé. Dès lors,

2
OFDT, Glossaire. http://www.ofdt.fr/glossaire/r-u/

Partie théorique
3
Addictologie et alcoologie
Les addictions

le terme emprunte une signification anglo-saxonne, utilisée pour qualifier les dépendances
comportementales. Le choix de ce terme marque l’intégration des composantes
comportementales dans la conception du trouble.
La parenté entre les toxicomanies et les addictions comportementales ont initié le
rapprochement des deux champs conceptuels. Ainsi, la dépendance est associée à son objet
(alcoolo-dépendance, dépendances aux médicaments…) et met le toxique au centre de la
problématique. L’intérêt du terme addiction est de porter l’accent sur la conduite plus que sur
l’objet de dépendance (drogue ou séquence comportementale). La fréquence de la
polyconsommation3 observée en clinique conforte l’intérêt porté aux aspects
comportementaux de la dépendance.
La parenté de comportement entre les différentes dépendances et les passages d’une
dépendance à une autre ont amené les cliniciens à penser l’addiction comme une entité
comportementale avec plusieurs expressions. Aviel Goodman a proposé une définition selon
cinq critères4 (Goodman, 1990). Elle inclut la perte de contrôle évoqué par Pierre Fouquet et
comprend aussi les signes d’un sevrage, l’envahissement de la vie quotidienne, la tolérance et
le craving5. Elle inscrit aussi la concomitance des symptômes dans une limite temporelle
selon leur continuité ou leur fréquence. Les critères de Goodman se vérifient toujours
concernant la dépendance à l’alcool et la récente définition des troubles liés à une substance
du DSM V comporte ces cinq critères centraux.

1.1.2 Les critères du DSM V

La sortie du DSM V a opéré des modifications d’ampleur dans la définition de la


dépendance. Les addictions comportementales et les dépendances aux substances ont été
regroupées sous une même catégorie : Troubles addictifs et liés à une substance (« substance-
related and addictive disorders »). Cette catégorie comprend les troubles liés à une substance
(« substance-use disorders ») dont les troubles liés à l’alcool (« alcohol-related disorders »).
La distinction entre l’abus et la dépendance, attachée au modèle catégoriel (DSM IV), est
abandonnée au profit du modèle dimensionnel considérant la dépendance selon un continuum.
Les différents usages sont ainsi regroupés au sein des troubles liés à l’usage de l’alcool
(« alcool-use disorders »).

3
Définition de polyconsommation, voir p. 8
4
Voir annexes
5
Définitions des critères, voir pp. 5-8

Partie théorique
4
Addictologie et alcoologie
Les addictions

Outre la reprise des critères de l’addiction de Goodman, cette définition se caractérise par
l’abaissement du seuil de diagnostic et l’élargissement à onze critères contre sept critères dans
le précédent DSM. Désormais, le diagnostic nécessite deux critères au cours d’une période de
12 mois. La continuité et la concomitance des symptômes ne sont pas requises. Ces dernières
peuvent être d’apparition brève au cours de la période.
Enfin, la sévérité des troubles est appréciée par le cumul de critères. Le trouble léger se situe
par la présence de deux à trois critères. Entre quatre et cinq critères, le trouble est qualifié de
modéré. Au-delà de 6 critères, le trouble est considéré comme sévère.

Figure 1- Définitions des troubles liés à une substance, DSM V

Utilisation inadaptée d’une substance conduisant à une dégradation ou à une détresse cliniquement significative, se manifestant par au moins 2
des signes suivants survenant au cours d’une période d’un an:

1. La substance est souvent prise en quantité plus importante et pendant une période plus longue que prévue.
2. Il y a un désir persistant ou des effets infructueux pour arrêter ou contrôler l’usage de la substance.
3. Beaucoup de temps est passé à se procurer la substance, à la consommer ou à récupérer de ses effets.
4. L’usage répété de la substance aboutit à l’incapacité de remplir des obligations majeures au travail, à l’école ou à la maison (ex :
absences répétées ou mauvaises performances au travail en rapport avec l’usage de la substance, absences répétées en rapport avec la
substance, suspensions ou exclusion de l’école ; négligence des enfants ou du ménage).
5. L’usage de la substance est poursuivi malgré des problèmes sociaux ou interpersonnels persistants ou récurrents, causés ou aggravés par
les effets de la substance
6. D’importantes activités sociales, professionnelles ou de loisir sont arrêtées ou réduites à cause de l’usage de la substance.
7. Usage répété de la substance dans des situations dans lesquelles celui-ci est physiquement dangereux (ex : conduite automobile ou d’une
machine malgré l’altération des capacités par la substance).
8. L’usage de la substance est poursuivi malgré l’existence de problèmes physiques ou psychologiques persistants ou récurrents
vraisemblablement provoqués ou aggravés par la substance.
9. Tolérance, définie par l’un ou l’autre des signes suivants :
a. Besoin d’augmenter notablement les quantités de substance pour atteindre l’intoxication ou les effets désirés.
b. Effet notablement diminué lors de l’usage continu des mêmes quantités de substance.
10. Sevrage se manifestant par l’un des signes suivants :
a. Syndrome de sevrage caractéristique de la substance.
b. La même substance (ou une substance étroitement apparentée) est consommée pour soulager ou éviter les symptômes de
sevrage.
11. Existence d’un craving ou d’un désir fort ou d’une pulsion à consommer une substance.

Les dimensions de l’addiction

 La perte de contrôle

Elle se définit par la poursuite d’un comportement sur un temps plus long que prévu
associée à une difficulté d’y mettre fin malgré une prise de décision. Ces habitudes sont

Partie théorique
5
Addictologie et alcoologie
Les addictions

résistantes aux jugements contradictoires de la personne et à la perte du plaisir initial. Cette


ambivalence s’expliquerait par leur fonction distractive. Ces habitudes sont une façon passive
de se détendre, de se vider la tête (Valleur & Matysiak, 2002, p. 13).
La perte de contrôle peut être sans gravité selon son objet. Dans le cas des substances
psychoactives, elle contribue à passer de l’usage simple à l’usage nocif. Cette notion est
importante dans la définition de la dépendance mais elle est insuffisante pour juger du
caractère médical.

 La tolérance

La tolérance à la substance psychoactive (SPA) est le premier signe de dépendance


physique, Jean Adès & Michel Lejoyeux la définissent comme « l’apparition d’une résistance
aux effets de la substance. Le patient doit alors boire davantage pour obtenir l’effet désiré et
pour retrouver les effets des premières ivresses » (Adès & Lejoyeux, 1996, p. 62).
Progressivement, les effets positifs s’estompent et peuvent laisser place aux effets négatifs,
aux humeurs dépressives et à l’anxiété induits par la SPA.

 Le sevrage

Le second signe de la dépendance physique est la présence de signes d’un sevrage. Ces
symptômes ont été regroupés sous le terme de syndrome de sevrage. Paille explique la
survenue de ce syndrome par l’hyperexcitabilité du cerveau produit par une consommation
d’alcool régulière voire quotidienne sur une période prolongée (Paille, 2013, p. 100). Il décrit
trois degrés de gravité.
Le premier degré se caractérise par des symptômes mineurs (tremblements, nausées,
insomnie, asthénie…). La consommation d’alcool atténue ces symptômes. Cette régression
suite à la consommation pourrait expliquer les prises d’alcool dès le matin.
Le second degré est marqué par le délire alcoolique subaigu pendant lequel les symptômes
initiaux s’aggravent et sont complétés par une agitation, des cauchemars, des accès confusion-
oniriques avec zoopsie6 et anxiété.
L’absence de traitement conduit au troisième degré, à savoir le délire alcoolique aigu ou
delirium tremens. Il associe des troubles psychiatriques (désorientation spatio-temporelle,
délire onirique intense avec hallucinations, anxiété, agitation motrice), des troubles

6
Zoopsie : « Hallucination visuelle dans laquelle le sujet voit des animaux, en particulier dans le delirium
tremens. » Larousse médical, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/zoopsie/83228

Partie théorique
6
Addictologie et alcoologie
Les addictions

neurologiques (tremblements, dysarthrie, troubles de l’équilibre et des coordinations, des


crises convulsives de type grand mal) et d’autres signes neurovégétatifs : fièvre,
déshydratation, sueurs, tachycardie. Paille précise l’importance de ces derniers symptômes car
ils constituent les facteurs de gravité du troisième degré.

 La « salience » ou l’envahissement de la vie

La relation à l’objet de dépendance s’inscrit dans un continuum, de formes bénignes jusqu’à


la maladie. La toxicomanie est considérée comme le modèle de relation pathologique à l’objet
de dépendance. Le caractère pathologique de la dépendance réside dans les interférences
matérielles et psychologiques avec la vie quotidienne.
L’envahissement psychologique et social peut prendre la forme d’un véritable handicap
induit par un désinvestissement de tout ce qui n’est pas lié directement à l’objet de
dépendance. L’existence du sujet est centrée autour de cette dépendance au point de mettre en
danger sa situation familiale, sociale, professionnelle et financière. Les désinvestissements
affectifs et sociaux sont alors comparables à une forme de handicap, conférant ainsi un
caractère pathologique à la dépendance.
Cet isolement social pose la question de l’appréciation de la société vis-à-vis de cette
dépendance. En France, l’alcoolisme est perçu comme un vice ou une faiblesse, en dépit
d’une bonne appréciation sociale de l’usage de l’alcool. Cette conception est génératrice de
culpabilité pour la personne et son entourage. Elle incite la personne à fournir des efforts
considérables pour cacher son comportement.
Le caractère pathologique est donc lié aux conséquences matérielles, affectives et sociales
de l’individu. La toxicomanie est le modèle de dépendance pathologique. Valleur & Matysiak
la considèrent comme la forme emblématique des addictions par sa complexité dont la
délinquance est un facteur principal.

 Le craving

Les patients décrivent souvent une envie, une impulsion irrésistible de consommer une
substance psychoactive (SPA). Cette compulsion est un signe de dépendance psychique
appelée « craving ». Il est fréquent chez les consommateurs de cocaïne et d’alcool. Il se
produit suite au sevrage et peut survenir des années après la dernière prise de la substance
psychoactive. Le craving est associé à un contexte lié à la dépendance (lieux, moment,
présence de personnes…)

Partie théorique
7
Addictologie et alcoologie
Les addictions

Le sujet est alors sous l'emprise de cette impulsion irrésistible et le recours à l’objet
d’addiction est alors perçu comme le seul moyen de soulagement. Dès lors, une petite dose
suffit pour produire un effet important, supérieur à celui du début de toxicomanie. Cet effet
s'expliquerait par des phénomènes d'habituation comportementale sous-tendus par des
mécanismes complexes de mémorisation.
La rechute soulage alors la tension et active la culpabilité associée à la dépendance. Le sujet
entre dans une spirale où le malaise alimente sa tension interne et suscite l'adoption de
schémas comportementaux portés sur la prise du toxique (ou la séquence comportementale).
Dans le cas de la dépendance à l'alcool, ces phénomènes de craving sont particulièrement
complexes car ils nécessitent d'anticiper les situations où la personne se trouvera en présence
d'alcool. Les préparations culinaires7, les parfums ou certains produits hygiéniques (gel
hydro-alcoolique) suffisent pour provoquer un craving.

 La polyconsommation

L’Office Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) définit la polyconsommation


comme un usage concomitant ou répété dans le temps d’au moins deux substances
psychoactives8.
À l’échelle de la population française, l’étude de la polyconsommation se limite à
l’association d’alcool, de tabac et de cannabis car les consommations d’autres substances
illicites sont très rares. En 2005, l’INPES a estimé le nombre de polyconsommateurs réguliers
à 8,3% de la population adulte (INPES, 2005, p. 230).
Ces données dénotent avec la clinique addictologique où la polyconsommation n’est pas une
exception mais bien la règle (Vorspan & Lépine, 2013, p. 14). Ces associations trouvent leurs
causes dans trois motifs : l’effet d’entrainement, la recherche de sensations et la correction des
effets d’un produit. Elles sont complexes car chaque situation est propre. Ainsi, la
prédominance d’une consommation n’est pas systématique, elle évolue avec le temps et peut
se porter sur un autre produit. En outre, chaque consommation dispose de modalités propres et
la dépendance à une SPA n’induit pas une utilisation nocive d’un second toxique.
Le risque de la polyconsommation est la conjugaison des effets et leurs éventuelles
potentialisations. Ces effets sont souvent méconnus des utilisateurs. De plus, elle accroit les
risques sanitaires et sociaux en multipliant les risques aigues et chroniques. Elle renforce les

7
Chez certain patient, l’odeur du vinaigre peut suffire à provoquer un moment de craving.
8
OFDT, Glossaire. http://www.ofdt.fr/glossaire/m-q/

Partie théorique
8
Addictologie et alcoologie
Les addictions

conduites de consommation et accroit les risques d’évolution vers des usages nocifs et/ou une
dépendance. Enfin, elle augmente le risque de transfert d’une substance vers une autre lors
des sevrages et provoque des rechutes en cascade.
La polyconsommation complique la prise en charge par la difficulté de mener plusieurs
sevrages simultanés ou successifs, l’apparition de consommation de substitution et le risque
de dépendance aux médicaments utilisés lors des sevrages (benzodiazépine)9. Cette
complexité des polyconsommations justifie le glissement sémantique opéré en addictologie :
de la dépendance à un produit au comportement addictif. Cette complexité est bien connue
des cliniciens et le rapprochement des champs de l’addictologie a permis un recoupement
d’un nombre croissant de données concernant ces différents comportements addictifs. Il n’en
demeure pas moins une spécificité des usages en fonction des personnes, du contexte et du
produit.

1.1.3 La spécificité de la dépendance à l’alcool

L’alcool dispose d’une place particulière au sein des substances psychoactives,


l’appréhension de cette singularité doit comprendre son contexte socio-historique en lien avec
les propriétés de la substance.
La consommation d’alcool est culturelle avant d’être un problème de santé publique. La
production, le commerce et la consommation d’alcool étaient déjà présents dans l’Antiquité.
L’usage des boissons alcoolisées se retrouve dans toutes les cultures associé aux cultes
religieux (Valleur & Matysiak, 2002, p. 73). L’alcool était présent dans les pays arabes d’où
sont issus les noms d’alcool et d’alambique10. Les tentatives échouées de prohibition de
l’alcool montrent l’importance de sa diffusion culturelle. Actuellement, l’alcool est la seule
drogue dure autorisée dans la plupart des pays, à défaut de pouvoir maintenir une interdiction
par les autorités nationales.
Il convient d’appréhender l’alcool comme une drogue dure. Cette considération émane
notamment du rapport sur la dangerosité des drogues du professeur Roques (1998) où les
substances psychoactives sont classées selon cinq facteurs : la dépendance physique, la
dépendance psychique, la neurotoxicité, la toxicité générale et la dangerosité sociale. Les
données issues de ce rapport concluent à la dangerosité majeure de l’alcool, seule SPA dont

9
Mission interministériel de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Polyconsommation, effets et
risques. http://www.drogues.gouv.fr/comprendre-laddiction/risques/polyconsommation/
10
Al Kohl désigne en arabe le fard à paupière, en raison des yeux cernés produit par l’alcool et le fard. Al Inbiq
dérive du grec ancien ambix qui signifie un vase.

Partie théorique
9
Addictologie et alcoologie
Les addictions

les cinq facteurs de dangerosité ont une intensité forte à très forte. L’alcool serait la SPA la
plus dangereuse11.
La spécificité de l’alcool tient aussi dans les propriétés de cette substance, en particulier son
effet dépresseur du système nerveux central. Lors d’une intoxication aigue, une phase
d’excitation est présente en premier lieu. Elle comporte une désinhibition et une excitation où
la personne se sent euphorique, enthousiaste. La vigilance, l’attention, la mémoire et le
jugement sont alors diminués. Cependant, l’humeur est très variable entre gaieté, tristesse et
agressivité. Les symptômes seront propres à chacun en fonction du taux d’alcoolémie et de la
sensibilité de la personne.
En second lieu, une phase d’incoordination associée à un effet sédatif. Cette phase
comporte une somnolence, des signes d’ataxie voire un syndrome cérébelleux, des troubles de
la vigilance, un syndrome vestibulaire (vertige, nausée, vomissement), des troubles
ophtalmiques (mydriase, diplopie, baisse de l’acuité visuelle) et un dysfonctionnement
végétatif (tachycardie).
Cette deuxième phase conduit à la phase de coma, survenant pour des concentrations
sanguines en alcool très élevées (> 3g/L). Cette troisième phase est caractérisée par une
mydriase, une hypotonie, une abolition des réflexes ostéo-tendineux et de la sensibilité, une
hypothermie et une hypotension. Ainsi, l’alcool dispose d’effets anxiolytiques, euphorisants et
sédatifs. Il faut y ajouter un effet myorelaxant, analgésique et anesthésique.
La singularité de l’alcool tient aussi dans les complications de la consommation chronique.
Ces complications seront développées plus tard (p. 26) et il revient d’aborder la notion de
toxicité. L’ingestion d’alcool comporte une toxicité directe induite par la combinaison de
quatre facteurs (INSERM, 2001, p. 109). D’une part, une augmentation de la fluidité
membranaire des cellules est observée, elle est compensée par des mécanismes
homéostatiques assurant la rigidité de la membrane cellulaire. Ces mécanismes se
maintiennent quelques jours suivant l’arrêt de la consommation. Ils expliqueraient en partie la
tolérance et le syndrome de sevrage. D’autre part, l’alcool perturbe l’activité de nombreux
neurotransmetteurs. Il constitue un agoniste à l’acide gamma-aminobyturique (GABA) et un
antagoniste au N-méthyl D-Aspartate (NMDA). Il dispose aussi d’action sur les voies
dopaminergiques, cholinergiques, sérotoninergiques et enképhalinergiques.

11
Voir annexes – Tableau sur la dangerosité des drogues

Partie théorique
10
Addictologie et alcoologie
Les addictions

En outre, l’imagerie médicale a permis de démontrer la présence de lésions anatomiques


dans différentes régions du cerveau lors d’une consommation chronique. Ces données
appuyaient l’hypothèse d’une perte neuronale induite par l’alcool. Toutefois, cette hypothèse
semble inconsistante et contestée par l’imagerie médicale au profit d’une réversibilité des
lésions anatomiques. Le rôle d’une toxicité directe de l’alcool sur la myéline a été avancé et
pourrait expliquer les lésions observées. Une fois de plus, la compréhension de la toxicité
directe de l’alcool est complexe et semble intégrer des facteurs propres à la substance et des
facteurs de sensibilité d’ordre génétique.
Enfin, la dénutrition est une complication majeure, indirectement associée à la
consommation chronique d’alcool. Elle s’explique soit par les épisodes de consommation
massive, soit par des difficultés socio-économiques concomitantes. L’alcool perturbe
fortement le comportement alimentaire en diminuant la faim. Les conséquences de la
dénutrition résulteraient d’une interaction entre déterminants génétiques et carences
nutritionnelles. La dénutrition est largement impliquée dans la symptomatologie des sujets et
constitue un facteur de gravité de l’addiction.

Ce premier chapitre s’est attaché à définir les addictions en s’appuyant sur la littérature
et les classifications internationales. Ces définitions ont permis de déterminer six
dimensions majeures des addictions et de conclure sur la spécificité de la dépendance à
l’alcool. La compréhension de ces comportements se confronte à sa complexité et l’abord
des modèles étiologiques permettra de mieux cerner la situation des patients du service. Le
prochain chapitre s’attache à présenter différents modèles explicatifs.

Partie théorique
11
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

Les modèles explicatifs des comportements addictifs


La complexité des comportements addictifs ne peut s’appréhender sans une approche
phénoménologique. L’objectif de ce chapitre est de présenter les aspects génétiques,
neurobiologiques, psychopathologiques, psychosociaux et sociologiques. Il se termine par la
présentation d’un modèle intégratif de référence, le modèle trivarié d’Olivenstein.

1.2.1 L’étiologie génétique

La contribution de la neurobiologie à l’addiction distingue deux domaines de susceptibilité


individuelle.
Le premier domaine concerne les gènes impliqués dans le métabolisme de l’alcool. Il s’agit
du cas de l’aldéhyde déshydrogénase. Le second domaine concerne les gènes codant pour les
neurotransmetteurs cérébraux impliqués dans les processus de récompense et d’humeur. Cela
concerne les gènes codant les récepteurs, les transporteurs et les enzymes de dégradation de la
dopamine (Lamy & Thibault, 2013). La présence de ces gènes combinée à des facteurs
environnementaux peut expliquer la situation de certains patients ainsi que l’emprise que
l’alcool exerce sur eux.

1.2.2 Les facteurs neurobiologiques

Les études en neurobiologie ont beaucoup mis en avant le rôle du circuit de la récompense
et de la dopamine dans les conduites addictives. Ce circuit de la récompense explique
seulement une partie de la symptomatologie. LeMoal & Koob12 supposent l’implication de
deux autres circuits : Le circuit du craving et le circuit « binging ».
Le circuit de la récompense s’active différemment chez les consommateurs de substances
psychoactives comparativement aux sujets sains. Il se compose d’un système méso-cortical et
d’un système dopaminergique méso-corticolimbique (Lamy & Thibault, 2013).
Le système méso-cortical est impliqué dans les conséquences cognitives des émotions,
notamment dans les comportements compulsifs vis-à-vis de la SPA. Il comprend des neurones
de l’aire tegmentale ventrale associés aux projections vers le cortex préfrontal (gyrus
cingulaire antérieur et cortex orbitofrontal). Le système méso-corticolimbique correspond au
système plaisir/douleur. Il implique un réseau de neurones dopaminergiques de l’aire

12
LeMoal, M. & Koob, G.F. (2008) Addiction and the brain antireward system, Annu Rev Psychol., 59, 29-53.
Cité dans Lamy, S. & Thibault, F. (2008), p.33

Partie théorique
12
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

tegmentale ventrale et ses projections vers les structures du système limbique : amygdale,
noyau accumbens, hippocampe. Ce système est impliqué dans les effets de renforcement, dans
les processus de motivation et de mémorisation.
Par ailleurs, la consommation d’alcool est responsable d’une hyperdopaminergie par
potentialisation des effets du GABA sur les canaux chloriques. Ces effets sont responsables
des effets anxiolytiques et hypnotiques ressentis lors des prises d’alcool. Cette surstimulation
du système dopaminergique est source d’un plaisir intense.
Néanmoins, la consommation chronique provoque la mise en place de mécanismes
opposants, responsables d’une diminution de production de dopamine endogène. En outre, ils
comprendraient le renforcement des projections glutamatergiques du cortex préfrontal vers le
noyau accumbens. Ce mécanisme correspond au circuit du craving. Il est responsable du
besoin impérieux de consommer. Ce circuit se met en place avec la dépendance et comprend
le cortex préfrontal (le gyrus cingulaire antérieur, le cortex orbitofrontal) et le noyau
accumbens.
Le circuit du « binging » ou circuit de l’excès intervient lorsque le sujet perd le contrôle sur
sa consommation. Il intervient dans les conduites compulsives. Il comprend le noyau
accumbens, le pallidum ventral, le thalamus, le cortex orbitofrontal.
Les facteurs neurobiologiques nous renseignent sur la capacité de l’alcool à pouvoir
perturber les équilibres biochimiques nécessaires au fonctionnement ordinaire du cerveau. Ces
perturbations témoignent de l’emprise de l’alcool sur le comportement de la personne
notamment de ses difficultés d’adaptation.

1.2.3 Les modèles psychopathologiques

Le point de vue psychanalytique

Jean-Luc Venisse & Marie Grall-Bronnec abordent la littérature psychanalytique en


dégageant des facteurs de vulnérabilité, de déclenchement et d’entretien de la dépendance
(Venisse & Grall-Bronnec, 2013).
La fragilité narcissique et la dépressivité constituent des facteurs de vulnérabilité, en ce sens
où ils altèrent la relation d’objet et les capacités d’introjection. L’instabilité et l’insécurité des
introjections ne permettraient pas une différenciation suffisante du Moi et de l’objet. Cette
relation d’objet narcissique prendrait son origine dans une carence quantitative et/ou
qualitative des échanges affectifs primaires.

Partie théorique
13
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

Les facteurs de déclenchement apparaîtraient au cours de l’adolescence où le processus de


séparation-individuation confronte le jeune à une ambivalence entre sa volonté d’autonomie et
le besoin d’attachement. Cet antagonisme narcissico-objectale détermine l’importance de la
rencontre avec l’alcool. Cette rencontre peut avoir une valeur initiatique où l’alcool devient
un objet transitionnel. Le groupe de pairs peut jouer un rôle paradoxal de satisfaction du
besoin d’attachement et d’incitation à la consommation. Par la suite, la consommation
conserverait une dimension de régulation narcissique où la répétition du comportement serait
une modalité de décharge interne. En outre, l’adoption de cette modalité de décharge interne
serait accentuée par la présence d’une alexithymie. L’installation d’une consommation
chronique marque alors l’échec du caractère transitionnel de l’alcool. Elle s’accompagne d’un
appauvrissement de la vie imaginaire et fantasmatique. L’adoption d’une identité alcoolique
serait alors un moyen de combler un vide identitaire.
L’abord psychanalytique nous renseigne sur les enjeux de la relation aux patients en termes
d’attachement et de gestion des émotions. Elles nous éclairent sur les qualités relationnelles
du patient et le positionnement des professionnels de soins vis-à-vis de ces contraintes.

La recherche de sensation de Zuckerman

La recherche de sensation est un modèle développé par un psychiatre américain, Marvin


Zuckerman dans les années 1970. Ce psychiatre tente d’expliquer les comportements de prise
de risque par un besoin de fortes stimulations sensorielles. La recherche d’expériences
nouvelles et variées permettrait de maintenir un niveau optimal d’activation cérébrale. Il
définit ainsi des individus à « haut niveau » de recherche de sensation et des individus à
« bas » niveau. Par la suite, Zuckerman considèrera ce concept comme un trait de caractère.
Une faible activité catécholaminergique13 caractériserait les individus à « haut niveau » de
recherche de sensation. Ainsi, chaque individu disposerait d’un seuil d’activation cérébrale
propre et fournirait plus ou moins d’effort pour atteindre ce seuil.
La recherche de sensation comporte quatre dimensions. La recherche de danger et
d’aventure correspond à l’attirance pour les expériences extrêmes, la recherche de nouveauté
est l’attrait pour les modes de vie non-conventionnels, source d’expériences intellectuelles et
sensorielles. La désinhibition est la recherche de sensation à travers un mode de vie

13
Zuckerman, M. (2007), Sensation seeking and risky behavior. New York: American Psychological
Association. Cité dans Acier, D. (2012), op.cit., p.65
Les catécholamines (adrénaline, noradrénaline) sont des hormones du stress entrainant une activation du
système sympathique.

Partie théorique
14
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

hédonique. Enfin, la susceptibilité à l’ennui est l’intolérance aux routines et à la monotonie


(Acier, 2012, p. 64). Ces quatre dimensions jouent un rôle propre dans l’initiation et/ou le
maintien d’une consommation. Ainsi, la valeur adaptative de l’addiction tiendrait son
potentiel de modulation d’un faible niveau d’activité cérébrale.
La recherche de sensation est intéressante, elle offre plusieurs choix d’intervention au
psychomotricien : la gestion des épisodes, l’organisation régulière d’activité à forte
stimulation forte ou la satisfaction du besoin immédiat. La littérature clinique et scientifique
n’apporte pas d’éclairage sur l’effet de ce type d’intervention.

L’approche cognitivo-comportementale et le modèle cognitif de Beck

D’un point de vue cognitivo-comportemental, l’initiation de la consommation serait le


résultat d’un apprentissage social et d’un conditionnement opérant. L’influence des modèles
sociaux (parents, pairs) serait déterminante pour la première rencontre. Le renforcement du
comportement viendrait des effets positifs de la consommation ou de la suppression d’états ou
de conséquences négatives (Venisse & Grall-Bronnec, 2013, p. 42). Le maintien de la
consommation découlerait d’un conditionnement opérant et d’un conditionnement répondant.
Ainsi, la consommation d’alcool serait renforcée par la suppression des effets négatifs du
sevrage. De plus, certains lieux, moments ou personnes peuvent est associés à l’histoire de
consommation. Ils deviennent alors susceptibles de déclencher une envie de boire.
Le modèle de Beck présente les processus cognitifs comme un système d’analyse et
d’interprétation de stimuli s’appuyant sur des schémas. Ces schémas cognitifs permettent de
classifier, d’interpréter, d’évaluer et de donner une signification aux évènements. Ils orientent
l’attention du sujet vers certains stimuli ou environnements par une sensibilisation sélective.
Un schéma cognitif dysfonctionnel provoque un traitement de l’information inopérant ou
inadapté. La suractivation d’un schéma cognitif dysfonctionnel provoque des distorsions
cognitives, à l’origine de comportements et d’émotions inadaptés aux situations de la vie
courante. Le contenu du schéma définit l’orientation affective et la réponse comportementale,
il intègre aussi la stratégie de coping14.
Beck repère deux ensembles de schémas cognitifs dysfonctionnels pour leur association à la
dépendance. Le premier ensemble a trait à la réussite personnelle, à la liberté et à l’autonomie.
Le second ensemble se rapporte aux relations affectives aux autres, au groupe. Il se traduit par

14
Coping : « En psychologie, stratégie développée par l’individu pour faire face au stress. » Larousse
médical, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/coping/19114

Partie théorique
15
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

le sentiment d’être mal aimé, indésirable, d’être différent des autres ou en difficulté dans les
relations aux autres (Eraldi-Gackière, 2006, p. 84). L’activation d’un schéma cognitif
dysfonctionnel suscite des croyances, Beck distingue trois catégories de croyances. Les
croyances anticipatoires regroupent les attentes positives liées à l’alcool. Les croyances
soulageantes concernent les attentes de réduction du stress et de la tension. Ces deux
croyances sont à l’origine du craving et amènent l’émergence des croyances permissives. Ces
dernières sont des idées autorisant et facilitant la consommation.
Dans les addictions, ces croyances portent sur sept propriétés : le maintien d’un équilibre
émotionnel et psychologique, l’amélioration du fonctionnement intellectuel et social, le plaisir
et l’excitation, l’effet calmant, l’énergie et la force, le dérivatif à la solitude, à l’anxiété et à la
dépression ainsi que le pouvoir de réduction des tensions et du stress. Ces croyances sont
associées à l’idée d’un maintien du stress si rien n’est fait.

Stimulus interne et/ou externe


Se trouver en soirée

Schéma central

Croyance par rapport à soi


« Je suis ennuyeux » Emotions
Croyances par rapport aux autres Tristesse
« On ne peut prendre plaisir en ma compagnie »

Pensée automatique Emotions

« Ils vont me trouver gauche et maladroit. » Anxiété

Croyance permissives
Croyances anticipatoires et soulageantes Craving
« J’ai une journée difficile, j’ai le droit de
« Je serai plus sociable et détendu avec un verre » « J’ai envie de boire. »
m’amuser un peu. »
verre. »

Poursuite de la conduite Plan d’action

addictive « Je vais chercher un


verre »
Consommation

Figure 2 - Modèle cognitif de la consommation de Beck

Partie théorique
16
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

Les schémas cognitifs dysfonctionnels sont présents en plus grand nombre et en plus grande
intensité chez les sujets dépendants à l’alcool (Eraldi-Gackière, 2006, p. 86). Ce modèle est
particulièrement intéressant car il met en lien le vécu du patient, son traitement cognitif et les
réactions émotionnelles associées.

1.2.4 Les approches psychosociales et systémiques

Les approches psychosociales se sont intéressées aux motivations, au sentiment d’auto-


efficacité et à la dynamique familiale.

Les motivations à consommer de Cooper

Cooper appréhende la consommation d’alcool sous l’angle des motivations. Il tend à


expliquer les comportements en référence aux motivations de consommation. Ainsi, il
identifie quatre types de motivation en fonction de leur valence, positive ou négative, et de
leur source, interne ou externe : les motivations d’amélioration, les motivations sociales, les
motivations de coping et les motivations de conformisme (Acier, 2012, p. 70).
La motivation d’amélioration vise un renforcement d’un état positif interne, la recherche de
bien-être ou d’une amélioration de l’humeur. Les personnes consomment pour obtenir un état
de conscience particulier. Cette motivation peut amener des consommations excessives mais
elle reste associée à une meilleure maitrise de la consommation (lieux, circonstances de
consommation)
La motivation sociale cherche un renforcement positif externe comme l’approbation d’un
groupe de pairs. Elle est positivement liée à la quantité et à la fréquence de consommation
d’alcool. La consommation est justifiée par des raisons sociales, positives et normatives.
La motivation de coping tend à un renforcement négatif interne comme la réduction
d’émotions. La consommation d’alcool comme coping suppose un déficit d’autres stratégies
d’ajustement plus adaptées. Cette motivation est attachée à une consommation solitaire. En
outre, elle est prédictive d’une consommation problématique.
Enfin, la motivation de conformisme opère un renforcement négatif externe. Elle survient
lorsque la consommation permet d’éviter le rejet d’un groupe. Elle répond à une pression
sociale sans besoin interne.
Cooper démontre ensuite deux conséquences de ces motivations. D’une part, les personnes à
motivation de renforcement négatif (coping et conformisme) tendent à développer plus de
problèmes d’alcool. D’autre part, les personnes à motivation de renforcement interne

Partie théorique
17
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

(amélioration et coping) sont fortement liées à des consommations abusives car leurs besoins
internes sont moins fluctuants que les situations sociales attachées aux motivations externes.
Par ailleurs, il distingue les attentes et les motivations vis-à-vis de la consommation d’alcool.
Les attentes relèvent d’une croyance personnelle tandis que les motivations sont des motifs de
consommation en vue d’atteindre un but.
Le modèle de Cooper repose sur les normes sociales nord-américaines. Ces normes sont
directement attachées au contexte socioculturel. L’intérêt de ce modèle subsiste mais il
nécessiterait une adaptation au contexte socioculturel français.

Le cycle de l’assuétude de Peele

A la fin des années 1990, Stanton Peele développe un modèle explicatif où l’addiction serait
une adaptation en réponse aux difficultés de la vie.
Les échecs dans des tâches importantes fragilisent le sentiment d’auto-efficacité et d’estime
de soi de la personne (Acier, 2012, p. 66). La consommation va reconstruire une estime de soi
illusoire et transitoire et permettre à la personne de se sentir acceptée par elle-même et par les
autres. Un sentiment artificiel de valeur de soi, de pouvoir, de contrôle et de sécurité va
s’associer aux effets thymorégulateurs et au plaisir provoqué pour renforcer le comportement.
A long terme, le fonctionnement social se détériore et menace l’estime de soi, la personne se
conforte alors dans la répétition du comportement pour supporter son vécu. Peele nomme
alors cette répétition cycle de l’assuétude. L’assuétude désigne le fait de ne pas pouvoir se
passer de faire quelque chose.
En outre, Peele lie la motivation première à consommer au risque de développer une
dépendance. Ainsi, des motifs négatifs tels que l’angoisse ou une faible estime de soi
représentent des facteurs de risque pour le développement d’une dépendance.
Toutefois, la conduite addictive est considérée comme une réponse à une vulnérabilité
transitoire. Au-delà des contingences biologiques et des pressions sociales, le cycle de
l’assuétude de Peele situe la capacité à dépasser l’addiction au sein des ressources du sujet.

L’approche familiale de Steinglass

Steinglass aborde la situation de la personne dépendante à l’alcool du point de vue des


interactions familiales. Il développe un modèle évolutif, biographique et développemental
construit autour de trois dimensions (Roussaux, Faoro-Kreit, & Hers, 2000, pp. 53-65).
La première dimension est le système alcoolique. Le système en question est la famille. Elle
est dite alcoolique car la recherche ou l’évitement de l’alcool est un principe organisateur de

Partie théorique
18
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

la vie familiale. Steinglass opère une distinction entre un système alcoolique et une famille
avec un membre alcoolique. Dans cette dernière, le fonctionnement familial possède une
relative indépendance vis-à-vis de l’alcool.
La deuxième dimension est l’homéostasie familiale. Les familles se stabilisent dans un état
d’équilibre par le biais de mécanismes régulateurs permettant de résister au changement.
Enfin, la troisième dimension est l’alternance de phase de présence et d’absence de l’alcool.
La présence d’un tempérament et d’une identité familiales favorables à l’alcool précède
souvent la dépendance.
Le tempérament familial est un concept biologique de niveau familial à l’image du
tempérament individuel. Chaque famille développe un style relationnel, durable dans le
temps, dont les caractéristiques sont l’intensité relationnelle, la distance relationnelle et la
souplesse relationnelle. Le tempérament familial est déterminant car il existe des
tempéraments plus enclins à développer certains comportements de consommation.
L’identité familiale est un concept cognitif constituée du sentiment subjectif des valeurs et
des expériences fondant sa particularité. Cette identité est inconsciente et les structures
régulatrices s’expriment lors de trois moments : les routines quotidiennes, les rituels familiaux
et les comportements de traitement des problèmes. L’intérêt de ces structures régulatrices est
leur influence réciproque avec la dépendance à l’alcool.
Ce modèle familial permet de repérer l’importance de la famille dans la prise en charge et la
difficulté du patient à sortir de son rôle précédemment établi. Un modèle familial pose aussi la
question de l’intérêt de la reproduction de génération en génération des systèmes familiaux,
des comportements et des représentations associés.

1.2.5 Les théories sociologiques

Les théories sociologiques sont toujours un point de vue intéressant lorsqu’il s’agit de parler
d’un phénomène social d’ampleur. Un point de vue est apporté par les travaux d’Alain
Ehrenberg sur le processus d’individualisation. Sa thèse repose sur la place du travail
identitaire suite à l’effondrement des politiques d’émancipations collectives, des utopies de
sociétés réconciliées (état-providence, société égalitaire) et l’effondrement des systèmes
normatifs traditionnels. Autrefois, ces systèmes attribuaient à l’individu une place au sein
d’une classe sociale et lui conférait un « avenir prévisible (en théorie) comme un destin »
(Kauffmann, 2004, p. 79). Ces systèmes ne sont désormais plus opérants et ont laissé place à
une montée de l’individualisme. Ce travail identitaire revient désormais à l’individu, sommé

Partie théorique
19
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

d’être l’entrepreneur de sa propre vie (Ehrenberg, 1991). Cette construction identitaire est
alors soumise à l’ensemble des possibles, elle est aussi victime des logiques qui la sous-
tendent. Ehrenberg situe un nouveau paradigme où « l’épanouissement personnel et la
singularisation de chacun dans une société où la concurrence n’a plus de dehors se paient de
la dépression nerveuse généralisée » (Ehrenberg, 1991, p. 253). L’usage de substance
psychoactive prend la forme de dopage pour aller au-delà de soi, pour assurer les exigences.
Elle comprend aussi son corollaire où « la dope est le moyen de combler la passion purement
privée d’être soi dans l’impossibilité d’y arriver » (Ehrenberg, 1991, p. 276).
L’apport de l’influence du travail identitaire est intéressant pour comprendre une forme de
pression sociale s’exerçant sur l’individu, comme facteur de stress. Cependant, cette pression
est historiquement récente. Elle ne peut constituer une explication exhaustive du fait social
mais peut s’appréhender comme une exigence d’adaptation.
Un autre abord de l’évolution sociétale est le développement d’une culture du risque. Elle
est étroitement liée à la montée de l’individualisme car elle correspond à une valeur
supportée. L’individualisme érige en modèle les figures du héros, de l’aventurier et de
l’entrepreneur. Ses figures sont attachées à la prise de risque et vont même au-delà en le
valorisant (Pérez-Diaz, 2002, p. 15). Cette culture du risque va distinguer deux groupes
sociaux. D’une part, un groupe social où le risque est recherché car il est considéré comme
une valorisation de soi sous contrôle. D’autre part, un groupe social où le risque va être mis à
distance avec un certain fatalisme marqué d’impuissance et de non-maitrise du monde. Une
dénégation du risque est opérée où la prise de risque est alors attribuée au hasard, à la fatalité.
Cette dénégation et cette absence de maitrise entrainent alors une négligence vis-à-vis de
différents risques.
Les conduites ordaliques relèvent de ces prises de risques, Valleur & Matysiak les
définissent comme une prise de risque qui « peut avoir le sens implicite ou explicite d’une
épreuve que le sujet s’impose, afin de prouver au groupe ou à lui-même, sa capacité à être
autonome. » (Valleur & Matysiak, 2002, p. 198). Ils comprennent certains comportements
addictifs comme des conduites ordaliques où la prise de risque, la recherche de limite
comportent une dimension transgressive de mise en danger vital dans une société prônant la
santé, les performances et la jeunesse.
Les conduites ordaliques sont un cadre de réflexion intéressant dans le sens où Valleur &
Matysiak l’associent à la recherche de sensation de Zuckerman et à la recherche d’autonomie
développée plus haut.

Partie théorique
20
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

1.2.6 Le modèle trivarié d'Olivenstein

Dans les années 1970, le professeur Claude Olivenstein a développé un modèle bio-psycho-
social. Il s’est depuis fortement répandu en addictologie et propose d’expliquer l’addiction par
l’interaction entre trois facteurs : « la rencontre d’un produit, d’une personne, d’un moment
socioculturel ». Il met en avant la relation entretenue par la personne entre ses 3 éléments
(Acier, 2012).
Le produit est la première dimension, elle désigne la substance à l’origine de la
toxicomanie. L’identification du produit peut être facile dans le cas d’une addiction unique,
elle est plus complexe dans le cas de polyconsommation car il revient de s’intéresser aux
relations entretenues par les différents produits entre eux. Cette dimension s’intéresse autant
aux propriétés des substances (propriétés pharmacologiques, pureté..) qu’aux modalités de
consommation (volume, fréquence, modes d’administration...). La seconde dimension est
l’environnement. Elle comprend à la fois la situation sociale de la personne (origine ethnique,
situation familiale...) et le contexte socioculturel dans lequel il s’inscrit (usages sociaux des
SPA, accessibilités...). La troisième dimension attrait aux facteurs de la personnalité parmi
lesquels l’estime de soi ou les ressources psychiques.
Aucune dimension prise individuellement en permet de rendre compte de l’addiction d’une
personne, chaque dimension nécessite d’être intégrée aux deux autres. Son objectif est
d’intégrer les modèles psychologiques, sociaux ou neurobiologiques dans une approche
holistique. Enfin, ce modèle est trivarié car il permet d’aider à la compréhension de la
personne selon l’évolution de l’interaction entre les trois dimensions. Dans l’histoire du
patient, les facteurs vont prendre des pondérations différentes nécessitant une adaptation de
cette personne et des soins. La notion d’adaptation est importante et nous pourrions ajouter
dans cette dimension, l’ensemble des ressources physiques et des compétences de la personne,
y compris en matière d’habiletés motrices.

Ce modèle conclut ce chapitre où la situation des patients a pu être abordée sous


différents angles pour tenter de rendre compte de leur exhaustivité. Le modèle
d’Olivenstein offre une représentation simplifiée et dynamique des situations. Certains
modèles n’intéressent pas directement la pratique du psychomotricien et présentent un
éclairage sur le vécu du patient et les contraintes rencontrées. Le chapitre suivant présente
les troubles psychiatriques rencontrées en alcoologie.

Partie théorique
21
Addictologie et alcoologie
Les modèles explicatifs

SUBSTANCE
Volume et fréquence, propriétés
pharmacologiques, disponibilités,
pureté et ingrédients actifs,
interactions, modes d'administration

ENVIRONNEMENT PERSONNALITÉ
Situation financière, Hérédité, développement
accessibilité de la SPA, lois psychique (abus & traumas),
pénales, milieu familial, estime de soi, attentes et
origines ethniques, usages motivations, ressources
sociaux des SPA affectives et cognitives

Figure 3 - La loi de l'effet ou le triangle d'Olivenstein

Partie théorique
22
Addictologie et alcoologie
Les troubles psychiatriques rencontrés dans l’addiction à l’alcool

Les troubles psychiatriques rencontrés dans l’addiction à


l’alcool
La concomitance d’une dépendance à l’alcool et d’un trouble psychiatrique est fréquente en
clinique. La dépression, l’anxiété et les troubles de la personnalité sont les plus fréquemment
retrouvés (Lejoyeux & Embouazza, 2013). Ces situations supposent de vérifier si les troubles
sont comorbides ou liés. L’hypothèse de l’automédication est régulièrement avancée, ainsi la
consommation servirait à inhiber les symptômes dépressifs et/ou anxieux. Adès & Lejoyeux
(1996) soulignent l’influence d’un trouble psychique dans l’évolution d’une conduite
alcoolique car il majore la désinsertion sociale, le risque de suicide et entrave le processus
thérapeutique. Toutefois, l’épidémiologie contredit cette hypothèse. Dans le cas de
consommation pathologique, les symptômes anxieux et dépressifs semblent plus être des
symptômes isolés qu’un trouble psychiatrique caractérisé. Ils seraient dus à la consommation
pathologique et ne peuvent être considérés comme l’origine de l’addiction. En outre, les
troubles psychiatriques caractérisés disparaissent à 90% au cours du mois de sevrage. Ces
arguments supportent l’idée d’une relation des troubles où la consommation pathologique
serait primaire et les problématiques psychiatriques seraient secondaires.

1.3.1 La dépression

La dépression est un trouble fréquemment rencontrée en clinique. La prévalence d’une


dépression majeure est estimée pour un tiers des patients tandis que 80 % des patients
présentent des symptômes dépressifs (Lejoyeux & Embouazza, 2013, p. 56). Cette dépression
peut être considérée comme le trouble primaire à l’origine de la consommation. Elle s’avère le
plus souvent être secondaire avec un risque accru de passage à l’acte impulsif. Le risque
suicidaire représente un caractère de gravité. Le principal traitement est l’abstinence. Une
dépression primaire peut être évoquée en cas de maintien des symptômes au-delà d’un délai
de deux semaines après le sevrage.

1.3.2 Les troubles anxieux

L’effet anxiolytique de l’alcool a beaucoup porté l’hypothèse de l’automédication, en dépit


des études épidémiologiques. Les troubles anxieux sont donc majoritairement secondaires à la

Partie théorique
23
Addictologie et alcoologie
Les troubles psychiatriques rencontrés dans l’addiction à l’alcool

consommation. La prévalence de personnes15 présentant un trouble anxieux se situe à près de


10% dans la population à consommation pathologique contre 3,7 % pour la population
générale (Lejoyeux & Embouazza, 2013, p. 59). Les effets de l’alcool concernent l’ensemble
des troubles anxieux, avec une spécificité pour la phobie sociale.
La phobie sociale serait un trouble psychiatrique primaire entrainant une consommation
pathologique. Les effets désinhibants permettraient aux personnes phobiques de diminuer les
effets du stress en situation sociale (représentation, prise de parole). Seulement, la durée
limitée des effets de l’alcool engendre une recrudescence de la phobie avec majoration des
symptômes. Ce processus tend à une augmentation des consommations et à un usage à risque.

1.3.3 Les troubles de la personnalité

Les troubles de la personnalité précèdent souvent la dépendance. Toutefois, leur émergence


peut survenir au décours de l’addiction. Il n’y a pas de personnalité spécifique aux addictions.
Cependant, certains traits de personnalité sont fréquemment retrouvés.
Le premier trait est la faiblesse de l’estime de soi comprenant des difficultés
d’indépendance, des tendances dépressives et une immaturité. La recherche de dépendance
peut se concentrer sur une personne, une activité ou un toxique. La recherche de sensation est
le second trait, elle se traduit par une recherche d’excitations, de sensations variées. Selon
Zuckerman, la recherche de sensation jouerait un rôle prépondérant dans l’initiation à la
consommation. Enfin, le troisième trait est l’intolérance à l’ennui. Il est régulièrement associé
à la recherche de sensation. La consommation d’alcool permettrait ainsi de fuir l’ennui et
d’éviter la monotonie (Acier, 2012, p. 65). Ces trois traits prédisposeraient la personnalité à
développer et/ou maintenir une dépendance à l’alcool.

1.3.4 Les troubles bipolaires

Les troubles bipolaires sont fréquents en clinique, ils peuvent être à l’origine d’alcoolisme
secondaire. La désinhibition des accès maniaques et l’impulsivité des états mixtes16
provoquent une majoration des consommations (Lejoyeux & Embouazza, 2013, p. 58).
Toutefois, des phases d’abstinence sont présentes en dehors des phases maniaques.
L’association de la désinhibition et des consommations représente un facteur de risque de

15
Sur la période de janvier à février, 99,9 % des patients entrants en service de soins de suite présentaient un
trouble anxieux.
16
Etat mixte : « Un état mixte se définit comme la coexistence chez un même patient de symptômes dépressifs
et maniaques. » Lejoyeux, M. & Embouazza, H. (2013), op.cit, p.58

Partie théorique
24
Addictologie et alcoologie
Les troubles psychiatriques rencontrés dans l’addiction à l’alcool

passage à l’acte ou de conduites à risques. Des habitudes de consommation massive d’alcool


représentent un facteur de gravité du trouble bipolaire

La phobie sociale, les troubles bipolaires et certains traits de caractères représentent des
troubles liés de premier intérêt car elles participeraient à l’initiation d’un comportement
addictif. Les conséquences psychiatriques de l’alcool ont, de surcroît, une importante
prévalence et s’associent aux conséquences neurologiques pour maintenir la personne dans
son addiction.

Partie théorique
25
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

Les complications de la consommation chronique d’alcool

1.4.1 Les atteintes somatiques

Les complications somatiques de l’alcool sont de trois ordres : les complications


cardiovasculaires, les cancers et les complications digestives. D’autres atteintes sont présentes
mais relèvent plus de la dénutrition. L’effet de l’alcool sur le système cardiovasculaire est très
important.
Des signes mineurs de troubles du rythme peuvent survenir pour des consommations
uniques modérées, auxquelles peuvent s’ajouter une hypertension artérielle et une
myocardiopathie dilatée primitive lors d’une consommation chronique. Une régression des
troubles est observée avec l’abstinence.
Au niveau oncologique, la relation entre la consommation d’alcool et le cancer est bien
documentée concernant les cancers des voies aérodigestives supérieures (œsophage, bouche,
pharynx, larynx). Ils constituent la première cause de décès de l’alcoolisme (Paille, 2013, p.
83). La consommation de tabac majore le risque de cancers. L’alcool participerait aussi au
développement du cancer du sein, du côlon, du rectum et de carcinome hépatocellulaire.
Au niveau digestif, la lésion la plus fréquente est la stéatose hépatique. Il s’agit d’une
surcharge graisseuse du foie indolore et sans signes cliniques spécifiques. Elle régresse après
quelques semaines d’abstinence. La stéatose hépatique peut exister seule ou en association
avec une hépatite alcoolique ou une cirrhose alcoolique.
L’hépatite alcoolique est un ensemble de signes cliniques dus à une nécrose, une
inflammation et une fibrose des tissus du foie. Elle est souvent latente et découverte
fortuitement. Ses complications lui confèrent son caractère de gravité (ictère, hypertension
portale avec ascite17, syndrome hémorragique, encéphalopathie hépatique). L’hépatite
alcoolique peut exister en association avec une cirrhose et les hépatites alcooliques majeures
sont retrouvées chez les patients cirrhotiques.
L’encéphalopathie alcoolique est un facteur de gravité, ses conséquences sur le
fonctionnement cognitif peuvent être importantes avec la présence de confusion mentale, une
lenteur exécutive, des difficultés attentionnelles, une désorientation temporo-spatiale et des
troubles mnésiques (Jacobs & Raynard, 2009). Le diagnostic de ces troubles pose problème

17
Ascite : « Excès de liquide entre les deux membranes du péritoine, dont l'une tapisse l'intérieur de la paroi
abdominale, l'autre recouvrant les viscères abdominaux. » Larousse médical,
http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/ascite/11380

Partie théorique
26
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

car ils sont présents dans le tableau des atteintes neurologiques centrales. Le traitement de
l’encéphalopathie devrait précéder le début de toute rééducation.
La cirrhose du foie est le stade évolutif, tardif et irréversible des complications induites par
l’alcool. Elle se caractérise par une fibrose des tissus et une transformation du foie en nodules.
Elle survient surtout après 45 ans. Les signes cliniques sont variables et peuvent mener à des
décompensations oedémato-ascitiques, ictériques, hémorragiques ou encéphalopathiques. Ces
décompensations peuvent être fatales et l’abstinence est toujours favorable en cas de cirrhose.

1.4.2 Les polyneuropathies périphériques

La poylneuropathie des membres inférieurs

La polyneuropathie périphérique est une atteinte des petites fibres nerveuses due à la
toxicité de l’alcool et majorée par une carence en vitamine B1 et en folate. La
polyneuropathie périphérique est source de troubles majeurs de l’équilibre et de la marche.
Elle est encore régulièrement nommée « polynévrite ».
Elle touche les extrémités distales de la fibre nerveuse et débute par le membre inférieur.
Elle progresse symétriquement du pied vers le genou. L’atteinte du genou est souvent
concomitante avec les premiers symptômes au niveau des mains. Les premiers signes sont les
crampes, une diminution ou une abolition des réflexes ostéo-tendineux et une paresthésie à
type de fourmillements. De plus, la marche est compliquée par une sensation de faiblesse
musculaire. A un stade plus évolué, la symptomatologie est complétée par des douleurs
(hyperesthésie de contact, pression, sensation de brûlure), une anesthésie distale égale
(hypoesthésie) et un steppage. A ce stade, le patient a une démarche singulière avec un
élargissement du polygone de sustentation, une modification de la hauteur et de la longueur
des pas. Sa régression nécessite l’arrêt de la consommation d’alcool. La récupération sera
alors lente et peut être totale ou partielle.

La névrite optique bulbaire

La névrite optique est une atteinte du nerf optique se manifestant par une
dyschromatopsie18. Elle se manifeste par des difficultés de distinction bleu-jaune (INSERM,
2001, p. 104), puis une indistinction rouge-vert s’ajoute au tableau clinique. Une baisse de
l’acuité visuelle est concomitante à la dyschromatopsie, son diagnostic est souvent attribué à
une presbytie débutante. La régression des troubles est lente et incomplète. Le retard de

18
Dyschromatopsie : « Altération de la vision des couleurs. » Larousse médical

Partie théorique
27
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

diagnostic et la récupération incomplète sont des facteurs de gravité pour la névrite optique,
source de troubles visuoperceptifs.

1.4.3 Les atteintes neurologiques centrales

Les conséquences d’une consommation chronique d’alcool sur le cerveau

Les avancées technologiques en matière d’imagerie ont permis de mettre en évidence les
atteintes neurologiques centrales induites par une consommation chronique d’alcool. Oscar-
Berman et Marinkovic (2007) ont synthétisé les connaissances sur ces lésions cérébrales et
leurs conséquences fonctionnelles. Dans cet article, il apparait des structures cérébrales plus
sensibles à l’alcool, à savoir le néocortex (en particulier le lobe frontal), le système limbique
et le cervelet. Ces structures présentent toutes des dégradations majeures chez les sujets
dépendants à l’alcool.
Le lobe frontal est la région cérébrale la plus vulnérable à l’alcool. Le cortex préfrontal joue
un rôle dans les fonctions exécutives et le fonctionnement émotionnel (reconnaissance faciale
des émotions). Les études rapportent une diminution de volume, une réduction du débit
sanguin et du métabolisme glucidique dans le lobe frontal de patients dépendants à l’alcool.
Le système limbique est à l’origine du comportement émotionnel. Il est également impliqué
dans la mémorisation et les apprentissages, il module aussi les motivations, le comportement
sexuel et alimentaire. Les trois principales structures du système limbique sont l’amygdale,
l’hippocampe, et l’hypothalamus.
L’amygdale est impliquée dans la reconnaissance et le contrôle des émotions. Elle participe
aussi à l’attribution d’une valence motivationnel aux évènements. L’imagerie à résonnance
magnétique fonctionnelle (IRMf) met en évidence un déficit d’activation de l’amygdale lors
de la présentation de stimuli émotionnels entre des sujets abstinents à long-terme et des sujets
contrôles. Ce déficit d’activation se retrouverait également au niveau de l’hippocampe.
L’hippocampe a un rôle majeur dans les processus mnésiques, le fonctionnement
émotionnel et les processus motivationnel. Une réduction du volume de l’hippocampe est
attribuable au dysfonctionnement du processus de régénérescence des neurones et une atteinte
des neurones existants induit par l’exposition chronique à la toxicité de l’alcool. Une
réversibilité des lésions est possible à court terme avec l’abstinence.
L’hypothalamus est impliqué dans l’apprentissage, la mémoire, la régulation thermique, la
régulation hormonale, le fonctionnement émotionnel ou la régulation de la soif et de la faim.
Les corps mamillaires de l’hypothalamus sont sensibles à la consommation chronique

Partie théorique
28
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

d’alcool et à la dénutrition associée. Leur dégradation aurait un rôle notable dans les amnésies
induites par la dépendance à l’alcool.
Le cervelet contient la moitié des neurones du cerveau pour 10 % de son poids. Son rôle est
impliqué dans la coordination des mouvements, l’équilibre et la régulation du tonus. En outre,
le vermis est la partie du cervelet disposant d’une fonction vestibulaire. Une atrophie de la
matière blanche du vermis cérébelleux est retrouvée chez 25 à 40 % des personnes
dépendantes. Cette atrophie est majorée en cas de dénutrition associée. La thiamine 19 aurait
ainsi un rôle protecteur. Par ailleurs, une atrophie des hémisphères cérébelleux est présente
chez 84 % des sujets présentant des signes d’atteintes cérébelleuses 20. Les hémisphères
cérébelleux sont impliqués dans la coordination des mouvements. Enfin, la participation du
cervelet est avancée dans des processus cognitifs et émotionnels (Schmahmann & Sherman,
1998) via la boucle frontocérebelleuse. Chez des patients dépendant à l’alcool, cette relation
est mise en avant par la corrélation entre la perte de volume du cervelet et les résultats de tests
évaluant les fonctions exécutives.
L’inconsistance des études ne permet pas de conclure sur une sensibilité majorée de
l’hémisphère droit à la toxicité de l’alcool. L’hémisphère droit ne présenterait pas
systématiquement de déficits fonctionnels et/ou lésionnels supérieurs à l’hémisphère gauche.
Les lésions neurologiques sont souvent attribuées à une dégradation de la matière blanche et
de la matière grise des structures corticales et sous-corticales. Au niveau macrostructural, des
dégradations de la substance blanche peuvent être présentes au niveau du corps calleux
(Rosenbloom & Pfefferbaum, 2008). Les lésions affecteraient les performances cognitives
selon la partie touchée. Le genu relie les parties latéralisées du cortex frontal. Une dégradation
de la substance blanche du genu affecte les performances en mémoire de travail. Le splénium
est responsable des liaisons entre les patries latéralisées du cortex pariétal et occipital. Des
lésions du splénium impactent les habiletés visuospatiales.
Enfin, Les auteurs rappellent la réversibilité de la majorité de ces lésions après plusieurs
années d’abstinence (Oscar-Berman & Marinkovic, 2007).

19
Thiamine : vitamine B1
20
Hillbom, M., Muuronen, A., Holm, L., Hindmarsh, T., (1986). The clinical versus radiological diagnosis of
alcoholic cerebellar degeneration. Journal of the Neurological Sciences 73, 45–53. Cité dans Fitzpatrick, L.E.;
Jackson, M. & Crowe, S.F. (2008), The relationship between alcoholic cerebellar degeneration and cognitive and
emotional functioning, Neuroscience and Behavioral reviews, 32, 466-485, p. 470

Partie théorique
29
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

Le syndrome cérébelleux

Un syndrome cérébelleux est une atteinte du cervelet. Les signes cliniques varient selon la
zone atteinte (le vermis, les hémisphères ou les voies cérébelleuses). Dans le cas de la
consommation chronique d’alcool, l’atteinte porte sur le vermis, elle se caractérise le plus
souvent par des troubles de la marche et de la coordination. Le syndrome cérébelleux peut
s’accompagner de troubles vestibulaires, pyramidaux ou d’une neuropathie périphérique,
susceptibles de fausser le diagnostic. Toutefois, les dysmétries21 et les adiadococinésies22
semblent être peu présentes ou discrètes (INSERM, 2001, p. 105). Les lésions vermiennes à
l’origine de ce syndrome cérébelleux semblent peu réversibles.

Les encéphalopathies alcooliques

La maladie Marchiafava-Bignami est une démyélinisation suivie d’une nécrose du corps. La


symptomatologie associe une spasticité, des troubles de la marche et de la parole. A ce jour, il
n’existe pas de traitement de cette affection dont les complications peuvent être mortelles.
L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est un trouble fréquent de l’intoxication alcoolique.
Elle est caractérisée par une triade symptomatique comprenant des troubles de la conscience,
une paralysie oculomotrice et une ataxie-hypertonie (INSERM, 2001, p. 106). Elle est
associée à une carence en thiamine dont l’apport peut suffire pour obtenir une réversibilité des
troubles. Une complication fréquente de cette encéphalopathie est la survenue du syndrome de
Korsakoff.
Le syndrome de Korsakoff est une affection irréversible de l’alcoolisme chronique. Il se
caractérise par une altération massive mais isolée de la mémoire antérograde, avec maintien
des autres fonctions cognitives (INSERM, 2001, p. 107). En outre, ce syndrome associe
fréquemment des troubles de la mémoire rétrograde, des troubles de l’humeur, des fausses
reconnaissances, des fabulations et une apathie. Les lésions anatomopathologiques concernent
les tubercules mamillaires, l’hippocampe, le thalamus et le cortex frontal.
La démence alcoolique est consécutive à une atrophie corticale frontale et sylvienne
associée à une dilatation des ventricules et une atrophie du vermis cérébelleux. Elle se
caractérise par une lente dégradation intellectuelle. Elle aboutit à un syndrome démentiel
complexe comportant des signes frontaux et des troubles mnésiques de type Korsakoff (Paille,
2013, p. 85).

21
Dysmétrie : Exécution de mouvements disproportionnés dans le temps et l’espace.
22
Adiadococinésie : Incapacité à effectuer des mouvements rapides et successifs.

Partie théorique
30
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

1.4.4 Les troubles affectifs

L’alexythimie est régulièrement présente en clinique. Elle est également bien documentée
dans la littérature psychopathologique avec une relation réciproque entre alexythimie et
dépendance à l’alcool. L’alexythimie est un facteur de risque de développer une addiction
(voir p. 13). Elle serait aussi une conséquence de la consommation chronique avec une
corrélation positive avec l’âge et la quantité d’alcool consommée (Ritz, Pitel, Vabret,
Eustache, & Beaunieux, 2012).
La dépendance à l’alcool provoquerait une altération des capacités de reconnaissance faciale
des émotions et une surestimation négative lors du traitement des informations prosodiques et
corporelles. L’empathie de la personne implique la reconnaissance des émotions d’autrui,
aussi un déficit de reconnaissance peut provoquer une difficulté à percevoir les états mentaux
et affectifs d’autrui. La concomitance de ces déficits avec des troubles exécutifs induit une
faible compétence en théorie de l’esprit. La théorie de l’esprit est définie comme la capacité à
inférer des états mentaux (des désirs, des croyances, des intentions) à soi-même ou à autrui,
dans le but d’interpréter, d’anticiper et de comprendre les comportements. Cette compétence
est indispensable dans la régulation du comportement lors des interactions sociales
(Boudehent, Beaunieux, Pitel, Eustache, & Vabret, 2012).

1.4.5 Les troubles psychomoteurs

Les troubles psychomoteurs sont assez peu documentés dans la littérature en dehors des
syndromes connus. Ce paragraphe regroupe l’ensemble de la symptomatologie retrouvée.
Cette symptomatologie est consécutive à la consommation chronique, elle peut donc se
considérer selon un continuum d’évolution, de l’absence de signes au syndrome. Aussi,
l’absence de syndrome diagnostiqué ne suppose pas l’absence de troubles.

Les troubles de l'équilibre et de la marche

Les troubles de l’équilibre et de la marche sont induits par deux étiologies : la


polyneuropathie des membres inférieurs et le syndrome cérébelleux. Dans le syndrome
cérébelleux, les troubles posturaux surviennent lorsqu’il y a atteinte du vermis
antéropostérieur.
Les troubles de l’équilibre et de la marche se caractérisent par une instabilité posturale et un
élargissement du polygone de sustentation. L’âge et la quantité d’alcool consommée sont des
facteurs de gravité de ces troubles. (Sullivan, Rosenbloom, & Pfefferbaum, 2000).

Partie théorique
31
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

Les troubles des coordinations des membres

Des troubles des coordinations peuvent être présents lorsqu’il y a atteinte des hémisphères
du cervelet. Sullivan, Desmond, Lim & Pfefferbaum ont évalué les coordinations de patients
dépendants à l’alcool avec 5 épreuves : un tapping alterné des doigts, une épreuve de doigt-
nez, une épreuve de talon-tibia, un tapping rythmé et une épreuve de coordination
visuomotrice (tracé). Un déficit de vitesse est présent sur l’épreuve de doigts-nez et l’épreuve
de talon-tibia est marquée par une efficience moindre. Le rythme et la précision des gestes
sont préservés (Sullivan, Desmond, Lim, & Pfefferbaum, 2002).
Enfin, une dysmétrie et des adiadococinésies peuvent être présentes dans le cadre du
syndrome cérébelleux.

Les troubles visuospatiaux et visuoconstructifs

Des altérations du traitement des informations visuospatiales sont présentes chez les sujets
dépendant à l’alcool. Ces altérations sont distinctes des troubles de visuoperception associée à
la névrite optique, à savoir une dyschromatopsie et une baisse de l’acuité visuelle.
En outre, ces altérations du traitement des informations visuospatiales et des coordinations
visuomotrices se retrouvent chez les patients dépendants à l’alcool sans complication
neurologique. La fonction visuoconstructive est la plus régulièrement atteinte chez les patients
dépendants à l’alcool (60% des patients). La dénutrition est un facteur prédictif des troubles
visuoconstructifs (Vabret, et al., 2013).
Un déficit de traitement des informations visuospatiales et de visuoconstruction est
fréquemment observé aux épreuves de la figure complexe de Rey, à la copie de l’Horloge, au
test d’assemblage d’objet de la WAIS23 et aux épreuves des figures enchevêtrées (Sullivan,
Rosenbloom, & Pfefferbaum, 2000). Cependant, ces troubles ne sont pas systématiques et
semblent être multidéterminés avec une participation importante des fonctions exécutives.

Les troubles de l’attention, des fonctions exécutives et de la mémoire

Les troubles des fonctions cognitives sont fréquemment retrouvés, la proportion de patient
admis sans atteintes neuropsychologiques se situe autour de 22 %. Les fonctions les plus
atteintes sont la mémoire épisodique (45%), la mémoire de travail (43%) et les fonctions
exécutives (43%) (Vabret, et al., 2013).

23
WAIS : Wechsler Adult Intelligence Scale, échelle d’évaluation du quotient intellectuel chez l’adultes.

Partie théorique
32
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

Les fonctions attentionnelles sont relativement conservées en particulier l’attention sélective


et soutenue. Toutefois, les stratégies de vérification de l’exactitude des réponses induisent un
contrôle attentionnel à l’origine d’un ralentissement idéomoteur (Ritz, Pitel, Vabret, Eustache,
& Beaunieux, 2012).
Les troubles de la mémoire épisodique se traduisent par une préservation de la capacité de
stockage et une perte d’efficience de l’encodage et de la récupération. Les apprentissages sont
moins performants et ne sont pas imputables à des troubles des fonctions exécutives (Pitel, et
al., 2007). Les déficits d’encodage portent notamment sur le contexte spatial et temporel. Les
difficultés de récupération des souvenirs entraînent souvent les patients à supposer le vécu de
ces souvenirs. Les troubles de la mémoire épisodique sont des troubles spécifiques de la
dépendance à l’alcool (Ritz, Pitel, Vabret, Eustache, & Beaunieux, 2012). La désorientation
spatiale est un trouble de la mémoire visuospatiale. Elle survient à des stades avancés
d’atteintes de la mémoire antérograde. La personne perd alors la compétence à reconnaitre et
à s’orienter dans un lieu nouveau (un SSRA par exemple). La situation s’aggrave si l’atteinte
s’étend à la mémoire rétrograde avec la perte de reconnaissance et d’orientation dans les lieux
connus et familiers. Cette désorientation se retrouve chez les patients atteints de syndrome de
Korsakoff.
La mémoire de travail est aussi affectée, les habiletés en cause sont la manipulation et la
mise à jour des informations (Ritz & al., 2012 ; Pitel & al., 2007) Les difficultés d’encodage
et d’apprentissage s’expliquent en partie par ce défaut d’habiletés en mémoire de travail.
Les fonctions exécutives sont un ensemble de processus dont la fonction principale est de
permettre l’adaptation du sujet à des situations nouvelles. Dans le cadre de la dépendance à
l’alcool, la flexibilité, l’inhibition et la planification sont les trois processus majoritairement
affectés avec des conséquences sur l’efficience de la prise de décision (Boudehent,
Beaunieux, Pitel, Eustache, & Vabret, 2012). Ces difficultés de fonctionnement exécutif sont
un frein au processus de changement car elles augmentent le coût cognitif du maintien de
l’abstinence. De plus, les déficits exécutifs et mnésiques compromettent les nouveaux
apprentissages sollicités en éducation thérapeutique (Beaunieux, et al., 2013).
La métamémoire est la connaissance d’une personne sur le fonctionnement de la mémoire
de manière générale, sur ses propres capacités et stratégies mnésiques (Boudehent,
Beaunieux, Pitel, Eustache, & Vabret, 2012). Les patients dépendants à l’alcool ont tendance
à surestimer les capacités mnésiques. Cette tendance se rapprocherait de l’anosognosie.

Partie théorique
33
Addictologie et alcoologie
Les complications de la consommation chronique d’alcool

Les troubles cognitifs sont nombreux et fréquemment retrouvés chez les patients. Ils sont un
facteur de désadaptation du patient et entravent le projet thérapeutique.

Figure 4 - Le rôle des fonctions cognitives dans le parcours thérapeutique24

Les croyances et les représentations corporelles

En dépit de l’étymologie de l’addiction, son abord psychocorporel est peu présent dans la
littérature. Marie Warnery (2012) développe succinctement les trois caractéristiques
psychocorporelles des patients. Les patients dépendants à l’alcool présentent une
désorganisation de l’image du corps, distincte du morcellement observé chez les personnes
psychotiques. En outre, le corps des patients présentent des traces corporelles issues de leur
vécu traumatique. Enfin, les personnes éprouvent des difficultés à ressentir, à contrôler leurs
mouvements et à localiser leurs sensations. Par ailleurs, l’auteur note la présence de douleurs.
Le vécu traumatique est souvent induit par l’alcool et la prise de risque associée ou encore
les situations de violence.

Les conséquences neurologiques de la dépendance à l’alcool sont responsables de


troubles fonctionnels majeurs. Les troubles de l’équilibre, de la marche et des
coordinations sont susceptibles d’altérer les actes de la vie quotidienne. Des troubles
cognitifs peuvent accentuer ces difficultés et entraver le processus thérapeutique. Si les
troubles visuospatiaux ne sont pas un facteur majeur de désadaptation, les troubles
affectifs affectent le comportement social et limitent les possibilités de soutien social.

24
(Beaunieux, et al., 2013)

Partie théorique
34
Le service de soins de suite et réadaptation
en addictologie
L’établissement dispose de deux services de cure, d’un service de soins de suite et
réadaptation en addictologie, d’un hôpital de jour en addictologie et d’un hôpital de jour en
psychiatrie25. Le centre accueille prioritairement des patients de son territoire et toute personne
quelque soit son lieu de provenance.
Le service de SSRA fait suite au cure de sevrage et au sevrage ambulatoire. Autrefois, il était
nommé « post-cure ». Le service dispose de 60 places d’hospitalisation. Il s’agit d’un service de
soins de suite et réadaptation, il ne relève pas de la psychiatrie. L’admission des patients en
post-cure est faite à la demande de la personne et sur orientation médicale. Il vise à stabiliser
l’état du patient en vue d’une réadaptation sociale.

L’accompagnement thérapeutique du patient en SSRA


Le séjour au sein du SSRA dure trois mois, le patient intègre le service sur sa demande à la
suite d’une cure. La première semaine est notamment dédiée à l’évaluation du patient.

Les évaluations initiales

Les évaluations initiales comprennent une évaluation systématique somatique, addictologique,


psychiatrique, sociale et fonctionnelle. Ces évaluations initiales permettent entre autre d’orienter
le patient vers les modules d’éducation thérapeutique (ETP).
L’examen somatique est réalisé par un médecin généraliste. Il vise à dépister l’ensemble des
comorbidités somatiques (cardiovasculaires, respiratoires, gastro-hépatiques, neurologiques,
motrices) de la personne. L’examen addictologique est réalisé par un médecin généraliste ou un
médecin addictologue. Son but est de faire le point sur les différentes consommations du patient,
son vécu, les contextes de consommations et ses motivations.
L’examen psychiatrique est réalisé par un psychiatre et permet d’évaluer la personnalité, la
présence de troubles neuropsychiatriques, en particulier ceux induits par l’alcool (troubles
mnésiques, troubles du sommeil, troubles de l’alimentation…).
L’évaluation sociale est effectuée systématiquement par l’une des deux assistantes sociales.

25
Une présentation complémentaire est présentée en annexes – Organisation institutionnelle et présentation des
autres services

35
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
L’accompagnement thérapeutique du patient en SSRA

L’évaluation fonctionnelle est effectuée par les infirmières sous la forme d’un questionnaire.
Elle permet d’appréhender l’indépendance fonctionnelle selon cinq critères : l’habillage, les
déplacements, l’alimentation, la continence, le comportement et les relations aux autres. Cette
évaluation intéresse le psychomotricien car elle porte sur des situations où des troubles
écologiques peuvent faire l’objet d’une prise en charge psychomotrice.
L’ensemble de ces évaluations permet la constitution du projet de soin du patient et des
propositions d’accompagnement associées (psychologue, diététicienne, assistante sociale,
sophrologue). Ce projet est établi lors de la synthèse suivant la première semaine. Il est réévalué
à un mois, à deux mois et à la fin du séjour.

L’accompagnement en atelier thérapeutique

Une caractéristique du centre est de proposer des ateliers thérapeutiques assurant une prise en
charge continue (9h30-11h30/13h30-16h30)26. Six ateliers sont proposés : Jardins et espaces
verts, Menuiserie, Journal, Dessin, Mosaïque et Poterie. Chaque atelier dispose d’un référent27.
Les objectifs des ateliers visent une réadaptation à la vie sociale et professionnelle : reprendre un
rythme, s’intégrer dans un groupe et en accepter les contraintes, créer et/ou participer à un projet
individuel et/ou de groupe, développer de nouvelles compétences, reprendre confiance en ses
capacités.
L’orientation en atelier thérapeutique s’effectue en plusieurs temps. Lors de son arrivée, une
visite des ateliers est organisée par un patient du service (un patient « accueillant »). Par la suite,
un entretien systématique est mené par un référent d’atelier. Au cours de cet entretien, le patient
émet des souhaits. L’orientation est en fonction des places disponibles (en absence de contre-
indication), le cas échéant le patient est affecté à un autre atelier dans l’attente d’une place.

L'éducation thérapeutique Troubles Cognitifs Liés à l’Alcool

A la suite des évaluations initiales, un patient peut être orienté vers le psychologue en charge
de l’éducation thérapeutique Troubles Cognitifs Liés à l’Alcool (TCLA). Une première
rencontre permet d’appréhender la perception du patient concernant d’éventuels troubles et
l’évocation de plaintes à ce sujet. Il s’ensuit une évaluation composée des épreuves suivantes : le
BEM 14428, le test des 5 mots de Dubois29 et le Syndrom Kurztest30 (SKT). Les domaines

26
Les SSRA sont tenus d’assurer 5h de soins de rééducation par jour.
27
Le référent peut être un ergothérapeute, un psychologue ou un éducateur technique spécialisé
28
Le BEM 144 ou batterie d’efficience mnésique de Signoret est un test évaluant les capacités à apprendre et à
remémorer des informations nouvelles (mémoire antérograde)

Partie pratique
36
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
L’accompagnement thérapeutique du patient en SSRA

évalués sont principalement la mémoire (antérograde à court et long terme) et l’attention. Les
conclusions permettent d’orienter la personne vers les différents ateliers de stimulation
cognitive.
Les séances de stimulation cognitive sont assurées par deux psychologues cliniciens et
comprennent des ateliers de jeux de rôle, des ateliers mémoire et un atelier de photo-expression.
Ces ateliers et le premier entretien sont aussi des moments de psychoéducation où les
professionnels abordent les troubles à partir des situations des patients ou de brochures
d’informations.

L'éducation thérapeutique Trouble du Comportement Alimentaire

L’institutionnalisation des patients peut donner lieu au développement de Troubles du


Comportement Alimentaire (TCA). Les situations de dénutrition et de compensation en sont les
principaux motifs. L’orientation est effectuée suite aux évaluations initiales. La diététicienne se
charge d’évaluer le comportement du patient et sollicite un suivi par le psychiatre et/ou le
médecin référent. Enfin, des séances d’éducation sont organisées autour de réunions et de
groupe de paroles, ces séances peuvent être à l’initiative des médecins ou de la diététicienne.

Les groupes de paroles et les rencontres d’anciens patients

De nombreux groupes de parole sont organisés au fil de la semaine pour aborder des thèmes
généraux de la dépendance ou des thèmes spécifiques (groupe des hommes ou groupe des
femmes). Dans le cadre de ces groupes de parole, des jeux de rôles sont organisés selon les
références de l’analyse transactionnelle. Ils permettent aux patients de proposer des mises en
situations où le patient développe une habileté relationnelle.
Une fois par trimestre, une réunion est organisée avec les membres de l’association des
anciens patients. Elle rassemble l’ensemble des patients (cure, SSRA, HDJ) autour d’anciens
patients31 et des professionnels. L’échange est organisé autour de témoignages et de questions
préparées par les patients.

29
Le test de 5 mots de Dubois évalue la capacité à apprendre et à remémorer 5 mots à court terme puis à long
terme. Une tâche interférente est effectuée entre l’apprentissage et les rappels.
30
Le Syndrome Kurztest évalue les troubles mnésiques et attentionnels chez les personnes de 17 à 85 ans.
31
Les anciens patients ont une abstinence plus ou moins longue (de quelques mois à plusieurs dizaines années)

Partie pratique
37
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
Les stratégies de prise en charge

Les stratégies de prise en charge

2.2.1 Les recommandations d’accompagnement

L’INSERM a établi un rapport dans lequel il évalue les prises en charge psychothérapeutiques
en fonction de la psychopathologie. Les psychothérapies d’inspiration psychanalytique, les
thérapies cognitivo-comportementales et les thérapies familiales ont été comparées en
s’appuyant sur les méta-analyses et les revues systématiques publiées sur l’ensemble des
troubles psychiatriques (INSERM, 2004).
Le rapport ne mentionne aucune donnée disponible pour les thérapies d’inspiration
psychanalytique dans le traitement des troubles liés à l’abus de substance ou de dépendance à
l’alcool. L’HAS a établi des modalités d’accompagnement du sujet alcoolodépendant, elle
souligne l’incongruence entre les standards d’évaluation scientifique et la nature de cette
psychothérapie. Elle souligne l’impossibilité de mener la cure analytique en raison de la durée
d’hospitalisation d’où l’appellation de psychothérapies d’inspiration psychanalytique. Enfin,
l’HAS considère ces psychothérapies comme des outils thérapeutiques mais réserve ses
recommandations à l’évaluation de ses résultats (HAS, 2001). Les données analysées dans le
rapport de l’INSERM concluent à une présomption scientifique d’efficacité des thérapies
cognitivo-comportementales et des thérapies familiales.
Les thérapies cognitivo-comportementales bénéficient d’une recommandation de grade B32,
elles comprennent différentes stratégies : L’entretien motivationnel est un style relationnel
visant à renforcer la motivation de la personne. L’exposition au stimulus est une technique de
désensibilisation de l’envie de boire. L’entrainement aux stratégies de coping comprend
l’entrainement à la prévention de la rechute, aux compétences sociales et à la gestion des
émotions négatives. Le renforcement communautaire (Alcooliques Anonymes par ex.) vise à
éliminer les renforcements positifs de l’alcoolisation et à accroitre les renforcements positifs de
l’abstinence.
Les thérapies de groupes supposent la présence d’un thérapeute, ce détail la distingue du
renforcement communautaire. Ces thérapies disposent d’un accord professionnel sur leur
efficacité mais l’HAS relève l’absence d’éléments permettant la recommandation. Enfin, les
ateliers thérapeutiques ne disposent pas d’évaluation scientifique mais l’HAS souligne l’intérêt

32
Le rapport de l’INSERM est paru après les recommandations de la HAS. Les recommandations sont
hiérarchisées selon trois grades (A, B, C) - Grade B : présomption scientifique (essais comparatifs randomisés de
faible puissance, études comparatives non randomisées bien menées, études de cohortes).

Partie pratique
38
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
Les stratégies de prise en charge

de ces ateliers, notamment des activités corporelles : prise de conscience du corps, activités
sportives, relaxation, randonnée.
L’ensemble de cette prise en charge vise à accompagner le patient dans son processus de
changement de comportement. De nombreux problèmes se résolvent sans intervention et les
accompagnements doivent être considérés comme des moyens facilitateurs du processus naturel
de changement (Miller & Rollnick, 2006, p. 4). Le modèle transthéorique de Prochaska &
DiClemente apporte un point de vue intéressant sur ce processus de changement.

2.2.2 Le modèle transthéorique de Prochaska & DiClemente

James Prochaska et Carlo DiClemente (1994) ont établi un modèle dit transthéorique. Ce
dernier postule une dynamique du changement organisée selon un cycle en spirale à six stades
successifs : la pré-contemplation, la contemplation, la préparation, l’action, le maintien et la
résiliation33.
La pré-contemplation est le stade où la personne ne manifeste aucune volonté de changer.
Elle ne considère pas avoir un problème de consommation et l’appréhende comme un objet
lointain. Au cours de cette phase, le sujet prend conscience progressivement de son addiction et
l’attribue à des facteurs externes. Le sevrage n’est pas encore abordé. L’évocation d’une volonté
marque l’entrée dans la contemplation. Le patient a intégré la nécessité de changer mais ne
s’estime pas prêt à entamer le sevrage. L’ambivalence est caractéristique de cette période, le
patient mesure les avantages et les inconvénients d’un changement. La préparation est associée
à la prise de décision d’entamer le processus. Le projet s’affirme, la personne anticipe les
modalités du changement et projette l’application de son intention à court terme. L’action est le
quatrième stade où le sujet entreprend les premiers actes concrets pour mener son projet de
changement. Il est souvent ponctué de nombreux échecs, le maintien de l’action est encore très
fragile. Le maintien marque la réussite du projet de changement, il se caractérise par des
modifications profondes des habitudes de vie. Ce stade nécessite l’aménagement de stratégie
pour soutenir le changement à long terme. Enfin, la résiliation survient après une longue
période de maintien, la personne considère le problème comme appartenant à un passé lointain.
Le problème n’est pas résolu et les rechutes sont toujours possibles. Cette étape se traduit
notamment par une meilleure image de soi, l’absence de tentation, une efficacité personnelle
solide et un style de vie sain. Cette étape n’est pas congruente avec les modèles d’abstinence
totale (i.e. les Alcooliques Anonymes) (Prochaska, Norcross, & DiClemente, 1994).

33
Traduction libre du terme « termination » utilisé par les auteurs.

Partie pratique
39
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
Les stratégies de prise en charge

Les auteurs présentent le modèle comme un cycle en spirale car les personnes parcourent
plusieurs fois le cycle avant la stabilisation en phase de maintien. Chaque stade dispose d’une
vitesse d’évolution propre à chaque personne. Une personne peut être amenée à revenir sur une
étape précédente, le cycle n’est pas unidirectionnel. Les rechutes sont possibles à chaque étape
et entrainent alors une reprise du cycle au stade de l’action. Par ailleurs, les auteurs déterminent
les techniques d’accompagnement les plus appropriés à chaque niveau.
Le changement est le produit d’une ambivalence entre les avantages et les inconvénients
associés à une situation. Cette balance décisionnelle comprend une évaluation subjective des
éléments qui va déterminer l’engagement dans un processus de changement. La résistance au
changement est un facteur majeur pesant dans la balance décisionnelle, elle tend au maintien
d’un équilibre établi même si celui-ci s’accompagne de contraintes majeures. Enfin, il faut aussi
prendre en compte les bénéfices secondaires qui peuvent représenter un poids majeur en faveur
du maintien d’une situation établie. Dans le cas des addictions, chaque substance psychoactive
dispose d’une dynamique de changement propre.
Ce modèle est une façon d’appréhender et de situer le comportement de la personne. A mon
sens, il présente les avantages d’identifier différentes phases avec des besoins spécifiques et de
déterminer des stratégies d’intervention adaptées34. En SSRA, les patients se situent idéalement
dans les stades d’action et de maintien. La fréquence des réalcoolisations soulignent la difficulté
de l’étape de maintien. Cette spécificité d’étape a fait l’objet de recherche portant sur la
prévention de la rechute.

2.2.3 Le modèle de prévention de la rechute de Witkiewitz & Marlatt

Le modèle de référence est celui de Witkiewitz et Marlatt35. Ce modèle dynamique de


prévention de la rechute décrit un processus complexe et non-linéaire où différents facteurs
interviennent simultanément et interagissent pour déterminer le moment et la sévérité de la
rechute. Ce modèle est organisé autour de la notion de situations à haut-risque. Elles
représentent des moments de forte probabilité de rechute et résultent de l’interaction de facteurs
d’influence toniques (stables) et phasiques (transitoires).
Les processus toniques sont des facteurs stables, ils définissent la susceptibilité à la rechute. Ils
comprennent les risques distaux, les syndromes de sevrage et les processus cognitifs. Les risques
distaux sont constitués des facteurs de risques génétiques, l’histoire familiale, le soutien social,

34
Voir en annexes le tableau descriptif du modèle transthéorique
35
Voire en annexes le modèle de prévention de la rechute de Witkiewitz & Marlatt

Partie pratique
40
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
Les stratégies de prise en charge

les troubles psychiatriques et la personnalité de la personne. Les processus cognitifs sont


relativement stables, ils incluent l’efficacité personnelle globale, les attentes vis-à-vis de l’alcool
et les motivations.
Les processus phasiques spécifient l’occurrence de la rechute. Ils sont composés de processus
cognitifs et affectifs ponctuels et/ou transitoires, fluctuant dans le temps et les contextes, telles
que des modifications de la motivation et/ou de l’efficacité personnelle. L’inadaptation d’une
stratégie de coping et les conséquences immédiates d’une consommation (mauvaise prise de
décision, effet de violation de l’abstinence) peuvent constituer des processus phasiques
additionnels.
En somme, les processus toniques déterminent la susceptibilité d’une personne à la rechute et
les processus phasiques déterminent le moment où cette rechute surviendra (Hendershot,
Witkiewitz, George, & Marlatt, 2011). Ce modèle offre aux professionnels un moyen
d’identifier les processus sur lesquels porteront leur intervention. Marlatt l’a agrémenté des
nouvelles données issues de domaines de recherche proches (facteurs neurobiologiques,
neuropsychologiques ou psychosociaux). Un précédent modèle linéaire mettait en avant les
bénéfices de la relaxation pour son influence sur l’efficacité personnelle et sur les stratégies de
coping. Ces dernières recherches se sont centrées sur une technique précise, la pleine
conscience. Un programme de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience (MBRP –
Mindfulness Based Relapse Prevention) résulte de ces travaux36.

36
Bowen, S. ; Chawla, N. & Marlatt, G.A. (2013) Addictions: prévention de la rechute basée sur la pleine
conscience. Guide clinique. Bruxelles : De Boeck (traduction française)

Partie pratique
41
Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie
Cadre et perspective de travail du psychomotricien en SSRA

Cadre et perspectives de travail du psychomotricien en SSRA


Les addictions se caractérisent par une complexité d’interaction entre des facteurs bio-psycho-
sociaux. Des tentatives de classifications de profils ont été proposées mais aucune ne semble
pertinente car ces classifications n’intègrent pas l’ensemble des facteurs et ne rendent pas
compte de la diversité des situations des personnes rencontrées au sein du SSRA. Cependant,
certains troubles ou comportements se retrouvent fréquemment de la clinique comme la
prévalence des troubles anxieux et cognitifs.
La prise en charge actuelle propose déjà une évaluation et un accompagnement de ces
troubles. L’évaluation des troubles cognitifs porte notamment sur des domaines attentionnels et
mnésiques. Les fonctions exécutives ne bénéficient pas d’évaluation normée. Elles représentent
pourtant un frein pour la réadaptation du patient. Les troubles moteurs et perceptifs ne sont pas
récurrents. Leur diagnostic souffre de l’absence d’une évaluation dédiée. Actuellement,
l’accompagnement proposé ne comporte pas de prise en charge des troubles perceptivo-moteurs.
Il s’agit d’une limite de prise en charge du service de SSRA.
A la vue de ces éléments, l’intégration d’un psychomotricien au sein de l’équipe de SSRA
pose la question de son rôle et de ses apports dans l’évolution de la prise en charge.
Le bilan psychomoteur apporte un premier élément de réponse. Les compétences du
psychomotricie fournirait une expertise en matière d’évaluation perceptive, neuromotrice,
praxique et cognitive. De plus, le bilan psychomoteur pourrait ainsi intervenir dans le
diagnostic de troubles cognitifs et l’orientation vers l’éducation thérapeutique TCLA.
Un second élément de réponse se trouverait dans l’intérêt de la rééducation psychomotrice
dans la réadaptation des patients. L’intervention du psychomotricien pourrait se justifier pour
des patients présentant des troubles perceptivo-moteurs, des difficultés de gestion du stress et
certains troubles cognitifs.

La partie suivante s’attache donc à illustrer les hypothèses de situations cliniques. Dans un
premier temps, la présentation aborde le bilan psychomoteur adapté au service de SSRA.
Dans un deuxième temps, la rééducation psychomotrice est déclinée selon ses axes de travail
et deux accompagnements sont présentés illustrant deux axes de travail possible en
psychomotricité.

Partie pratique
42
La pratique psychomotrice
Le bilan psychomoteur
La prise en charge en psychomotricité débute par la pratique du bilan psychomoteur. Il
s’agit d’un élément incontournable pour évaluer les connaissances et les compétences psycho-
perceptivo-motrices de la personne au début de la prise en charge afin d’apprécier leurs
évolutions lors d’évaluations secondaires. L’anamnèse du patient augure le bilan, elle
appréhende le patient dans son histoire en lien avec l’évolution des troubles psychomoteurs.
Elle permet d’orienter les évaluations cliniques et de renseigner sur des facteurs concourants
(ex : des troubles perceptifs).

3.1.1 La spécificité du bilan psychomoteur en SSRA

La spécificité du bilan psychomoteur en service de SSRA repose sur des contraintes liées
aux personnes accueillies et à la durée de séjour (3mois).
En premier lieu, l’âge des patients est compris entre 20 et 80 ans. Or, le bilan psychomoteur
chez l’adulte est moins documenté que chez l’enfant. Il s’ensuit une difficulté majeure due au
nombre restreint d’épreuves normées en raison de la complexité des facteurs à prendre en
considération.
Le niveau d’expertise pour une tâche ou une compétence est fortement déterminé par les
activités professionnelles et personnelles d’un individu. La diversité des situations a pour
conséquence une grande hétérogénéité de la population adulte et il devient difficile d’établir
des normes pour une tâche ou une compétence donnée. Les compétences motrices sont les
premières sujettes à cette complexité et leur évaluation repose sur des mises en situation.
En second lieu, l’origine d’un trouble peut être développementale et non induite par la
consommation d’alcool. L’anamnèse ne permet pas toujours de fournir les indices nécessaires
à cette distinction, à plus forte raison en présence de troubles mnésiques.
Enfin, le temps de séjour constitue une autre spécificité en raison de sa courte durée. La
passation du bilan doit être concise (1h30) et certaines épreuves ne pourront être réutilisées en
re-test du fait d’un effet d’apprentissage et d’un délai trop court entre les deux passations.
Ainsi, une sélection des domaines et des épreuves a été organisée pour convenir à la
situation des patients du service. Ces évaluations reposent sur des tests standardisés et sur des

43
La pratique psychomotrice
Le bilan psychomoteur

mises en situations. Les informations recueillies sont aussi complétées par les observations
des membres de l’équipe (infirmier, assistante sociale, moniteur d’atelier…).

3.1.2 Les domaines évalués en psychomotricité et le choix des épreuves

Les domaines évalués en psychomotricité sont le tonus, les équilibres statiques et


dynamiques, la marche, les coordinations dynamiques générales, la motricité fine, le
traitement des informations visuospatiales (dont la visuoconstruction et la visuomotricité), les
praxies, l’écriture, l’attention et les fonctions exécutives (la planification, l’inhibition, la
mémoire de travail, la flexibilité), l’organisation spatio-temporelle et les connaissances de
base (le vocabulaire spatial et temporel, la somatognosie).

Le tonus

La capacité de régulation tonique est estimée par les épreuves de relâchement spontané des
bras. Elle est complétée par l’épreuve des diadococinésies pour l’observation des mouvements
rapides alternés. Elles renseignent la coordination bimanuelle, la régulation dynamique du
tonus et la présence de syncinésies. Les autres épreuves ne paraissent pas pertinentes pour
l’orientation des axes de travail. De plus, le tonus sera apprécié au cours des différentes
épreuves composant le bilan.

L’orientation et l’organisation spatiotemporelles

L’orientation spatiotemporelle est appréciée par des questions de repérage dans le temps
absolu (jour, mois, année) et le temps de la journée (3 évènements). Le repérage spatial
consiste à situer sa chambre au niveau du bâtiment puis par rapport au bureau du
psychomotricien et aux salles de vie (infirmerie, ateliers, salle à manger). Cliniquement,
l’orientation et l’organisation spatiotemporelle sont aussi jugées sur la présence aux rendez-
vous (heure et lieux) et sur les moyens utilisés pour s’organiser dans le temps (agenda, papier
de rendez-vous).

La somatognosie

L’épreuve de somatognosie est effectuée systématiquement car elle relève des


connaissances de base. Elle consiste à reconnaitre différentes parties du corps sur commande
orale et sur toucher. Dans un premier temps, elle porte sur soi (autotopognosie) puis sur autrui
(hétérotopognosie).

Partie pratique
44
La pratique psychomotrice
Le bilan psychomoteur

L’équilibre et la marche

Le test de Tinetti est utilisé afin d’évaluer les paramètres de l’équilibre et de la marche37. Il
est complété par les nombreux éléments d’observation du patient lors des rencontres : sa
démarche, sa posture, la direction du regard, la présence d’aide à la marche, la manière de
s’assoir ou de se relever. De plus, les réactions du patient renseignent sur l’anticipation des
situations et leurs appréciations affectives.

Les coordinations dynamiques des membres supérieurs

La marche représente une coordination dynamique générale. Les coordinations des membres
supérieurs sont évaluées par une épreuve de doigt-nez et une épreuve de lancers et réceptions
de balles.
L’épreuve de doigt-nez se réalise dans deux conditions : les yeux ouverts puis les yeux
fermés. Cette épreuve apprécie la vitesse d’exécution et la précision du geste. Elle permet de
vérifier la survenue d’éventuelles dysmétries.
L’épreuve de lancers et des réceptions de balle s’effectue à partir d’un écartement de cinq
mètres38. Les réceptions se font à deux mains, puis avec la main dominante pour finir avec la
main non-dominante. Cinq lancers sont effectués pour chaque condition. Cette épreuve
permet d’apprécier les coordinations occulo-manuelles, les coordinations manuelles et
bimanuelles, la régulation tonique et les stratégies de déplacement (flexion du tronc,
déplacement des pieds).

La motricité fine

La motricité fine est appréciée par une épreuve de rangement de dix mikados. Ces derniers
sont disposés à environ 15 cm du bord de la table. Ils sont espacés de 2 cm les uns des autres.
La boite de mikado se trouve entre le bord de la table et les mikados. Le patient doit ranger les
mikados, un à un, le plus rapidement possible à l’aide d’une seule main. Il doit soulever le
mikado et ne pas le faire glisser. L’observation porte sur la préhension utilisée, sur le respect
des consignes, sur la précision du geste et sur la stratégie utilisée. L’épreuve est pratiquée
avec la main dominante puis avec la main non-dominante. Deux essais sont pratiqués pour
chaque main.

37
Voir la présentation du test en annexes (p.).
38
Cette distance est fixée par rapport à des repères spatiaux afin de pouvoir être reproductible

Partie pratique
45
La pratique psychomotrice
Le bilan psychomoteur

Le traitement des informations visuospatiales39

Les compétences visuospatiales, visuomotrices et visuoconstructives sont évaluées par la


Figure Complexe de Rey. Elle représente un outil intéressant par sa complexité et
l’organisation requise. De plus, elle bénéficie de normes récentes pour adultes de 18 à 49 ans
(Palomo, et al., 2013) et de 50 à 94 ans (Pena-Casanova, et al., 2009a). Ces étalonnages
permettent aussi d’évaluer la mémoire visuospatiale à long terme puisque des normes sont
disponibles pour une reproduction en mémoire différée (délai de 20 minutes).

La planification

Le test de la Tour de Londres évaluera les compétences de planification. Elle permet aussi
d’apprécier les persévérations, l’impulsivité et les stratégies de résolutions de tâches. De plus,
cette épreuve bénéficie d’un étalonnage pour les adultes de 18 à 49 ans (Rognoni, et al., 2013)
et pour les adultes de 50 à 80 ans (Pena-Casanova, et al., 2009b).

L’inhibition

Le test de Stroop comporte trois épreuves. Deux épreuves évaluent la vitesse de lecture de
mots puis de dénomination de couleurs. Une troisième épreuve évalue la capacité à inhiber la
lecture de mot pour dénommer la couleur d’impression. Il est intéressant pour la stratégie
employée et les erreurs faites. Des étalonnages récents sont disponibles pour les adultes de 18
à 49 ans (Rognoni, et al., 2013) et les adultes de 50 à 80 ans (Pena-Casanova, et al., 2009b).
Outre sa fonction initiale, le test de Stroop constitue un bon outil de dépistage des
dyschromatopsies40.

La flexibilité

Le Trail Making Test permet d’évaluer la flexibilité. Il se passe en deux temps. Une
première épreuve permet d’évaluer la vitesse de perception visuelle suivie d’une seconde
épreuve consistant à évaluer la flexibilité en proposant au patient de relier des bulles en
alternant la comptine numérique et la comptine alphabétique (A-1-B-2...). La durée de ce test
est généralement courte (de l’ordre de quelques minutes) et permet d’apprécier les stratégies
d’exploration visuelle et de mémorisation du décompte. Encore une fois des normes sont
disponibles pour les adultes (Tombaugh, 2004).

39
Les épreuves de traitements des informations visuospatiales, de planification, d’inhibition et de flexibilité
sont les épreuves recommandées par le Collège Professionnel des Acteurs de l’Addictologie Hospitalière
(COPAAH) (Collège Profesionnel des Acteurs de l'Addictologie Hospitalière, 2014, p. 359).
40
Dyschromatopsie : Altération de la vision des couleurs touchant la distinction entre le jaune et le bleu puis la
distinction rouge-vert.

Partie pratique
46
La pratique psychomotrice
Le bilan psychomoteur

Les praxies

La batterie rapide d’évaluation des praxies de Van Der Linden est une évaluation qualitative
des praxies selon cinq modalités : la dénomination de gestes significatifs uni-manuels et bi-
manuels, les imitations de gestes significatifs et non-significatifs, l’exécution de gestes sur
commande orale, le pantomime sur présentation d’objet et la discrimination de gestes
significatifs et non-significatifs. L’évaluation porte sur le contenu et les paramètres
spatiotemporels de la reproduction de geste.

L’écriture

Le test du BHK Ado est utilisé pour évaluer la qualité de l’écriture. Il peut être proposé aux
personnes dont l’activité ou le projet professionnel nécessite d’écrire.

L’évaluation écologique

Cette évaluation n’a pas encore été mise en place et constitue un axe de développement de
la pratique.

La pratique du bilan représente un enjeu thérapeutique pour l’orientation des soins. Elle est
une étape importante dans le processus de réadaptation car elle permet d’objectiver les
progrès du patient en début et fin de séjour. Des progrès renforceraient la motivation au
changement du patient.
Les bilans de Monsieur Ginsburg et Chinaski41 illustrent l’apport du bilan psychomoteur en
termes d’expertise sur les déficits neuromoteurs, perceptifs, praxiques et exécutifs induits par
l’alcool.

41
Les noms ont été anonymisés et n’ont pas de lien avec ces personnes.

Partie pratique
47
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

L’accompagnement en psychomotricité

3.2.1 Les axes de prise en charge en psychomotricité

Au sein du service de SSRA, les prises en charge en psychomotricité se sont orientées


autour de deux axes. Le premier axe de travail porte sur les situations de rééducation des
troubles perceptivo-moteurs et cognitifs, directement liés à l’alcool, à savoir les conséquences
de la toxicité neurologique de l’alcool, des traumatismes sous sont emprise ou encore des
conséquences d’accident de sevrage (épilepsies). De nombreux patients souffrent de
difficultés de gestion du stress tel que le démontre la fréquence de diagnostic de trouble
anxieux généralisé. Aussi, le second axe de travail a trait à la gestion du stress.
Il ne s’agit pas de réduire la pratique psychomotrice à ces deux orientations, elles
représentent simplement deux indications majeures de prise en charge des troubles liés à
l’addiction à l’alcool.

La rééducation des troubles perceptivo-moteurs

Les troubles perceptivo-moteurs ne sont pas récurrents et se retrouvent dans trois cas de
figure. Dans le premier cas, le trouble moteur est consécutif à une cause indépendante de
l’alcool. Il s’agit d’une étiologie ordinaire (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien,
accident de la route, maladie dégénérative). Dans un second cas, les troubles sont inhérents à
une polyneuropathie périphérique ou à un syndrome cérébelleux. La marche, l’équilibre et les
coordinations motrices (dynamiques globales et fines) sont alors potentiellement altérés. Dans
le dernier cas, il s’agit de conséquences de traumatismes induits par l’état d’ébriété. La
violence, les chutes et les prises de risque inconsidérées sont souvent à l’origine de ces
traumatismes appréciés avec une forte culpabilité.
Les exercices de discrimination et de reconnaissance (tactile, visuelle) sont des moyens de
solliciter les habiletés perceptives alors que de nombreux jeux permettront de solliciter
l’exploration visuelle (jeux des erreurs, Où est Charlie ?®). L’équilibre et les coordinations
dynamiques globales peuvent être rééduqués de multiples façons par les activités sportives,
les jeux et les parcours moteurs. Les coordinations fines sont sollicitées en atelier (poterie,
menuiserie, mosaïque), lors des jeux de manipulation (osselets, mikado) et certains jeux de
société (Touché-coulé, Mastermind®). Enfin, les praxies font souvent l’objet d’une
rééducation spécifique portant sur les différentes habiletés motrices composant la praxie.

Partie pratique
48
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

A l’image des praxies, ces troubles perceptivo-moteurs peuvent entrainer des difficultés
dans les actes de la vie quotidienne. Dans ce cas, le travail est spécifique et s’oriente vers les
habiletés déficitaires du geste en question.

La rééducation des troubles cognitifs

Les troubles de la mémoire et des fonctions exécutives altèrent les nouveaux apprentissages
sollicités par la réadaptation. La rééducation cognitive est une compétence du
psychomotricien lorsqu’elle porte sur les fonctions exécutives et attentionnelles. Certains
troubles de la mémoire peuvent faire l’objet d’une prise en charge en psychomotricité. La
rééducation cognitive est le premier axe de travail portant directement sur l’addiction.
Les fonctions attentionnelles et exécutives peuvent être stimulées par des jeux de société,
des jeux moteurs et les activités sportives. L’adaptation des consignes permet d’orienter la
tâche vers une fonction en priorité. Les troubles visuoconstructifs et visuospatiaux peuvent se
travailler par des jeux de construction.
La désorientation temporo-spatiale peut aussi faire l’objet d’une rééducation en
psychomotricité. L’orientation et l’organisation temporelles pourront être travaillées à partir
de prise d’informations (montre, horloge) et de repères (moments de la journée, semaine). La
mise en place de stratégies de compensation peut aussi s’avérer intéressante (agenda,
affichage du planning dans la chambre). La désorientation spatiale se retrouve chez les
patients atteints de syndrome de Korsakoff. Ces derniers conservent une capacité
d’apprentissage implicite, la répétition de trajets routiniers permet à la personne de se rendre
aux endroits importants (bureau des infirmières et des professionnels, réfectoire, retour en
chambre). Ils peuvent aussi souffrir d’absence de reconnaissance des personnes qui les
entourent. A partir de photos (du visage ou de plein pied) et de vidéos, un travail peut être
mené notamment pour la reconnaissance des soignants lors de l’arrivée. Ce travail peut être
intégré au planning de la journée. Par exemple, chaque rendez-vous peut être symbolisé par
des photographies des lieux et des personnes concernées.
De nombreux domaines sont mis en jeu dans les activités, les ateliers et les groupes
proposés dans la prise en charge actuelle. La reconnaissance et l’expression des émotions en
sont des exemples puisqu’elles interviennent lors des jeux de rôle pratiqués au cours des
séances d’analyse transactionnelle.

Partie pratique
49
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

La gestion du stress

Les troubles cognitifs sont fréquemment majorés par les troubles anxieux et dépressifs. Au
sein du SSRA, ces troubles sont régulièrement retrouvés chez les patients au même titre que
les troubles du sommeil. De surcroît, la relation à l’alcool est souvent source de culpabilité et
d’une faible estime de soi. L’anxiété sociale et l’ennui représentent des motifs de
consommation fréquemment retrouvés. Aussi l’alexythimie peut être un frein aux relations
sociales dans une institution où la vie en collectivité est omniprésente.
L’ensemble de cette symptomatologie psychoaffective peut-être soit concomitant soit
conséquent à la dépendance. Elle s’ajoute à une prévalence de troubles de l’humeur, plus
importante chez les patients du SSRA que dans la population totale.
Le psychomotricien dispose de compétences dans la gestion de l’activation
neurophysiologique (« arousal ») associée aux émotions. Il peut alors recourir aux techniques
de relaxation (Training autogène de Schultz, Pleine Conscience, Relaxation dynamique de
Jacobson), à l’utilisation du biofeedback et à l’activité physique. Cet axe peut concerner la
majeure partie des patients. Il s’agit du second axe portant directement sur l’addiction lorsque
ce travail vient en soutien d’une prise en charge psychothérapeutique42. Un exemple en est
donné par Bowen, Chawla & Marlatt avec leur programme de prévention de la rechute basée
sur la Pleine Conscience.
Les suivis de Monsieur Ginsburg et Chinaski vont permettre d’illustrer ces axes de
rééducation et de gestion du stress.

3.2.2 La rééducation psychomotrice de Monsieur Ginsburg

Monsieur Ginsburg est un homme de 38 ans. Il a intégré le centre mi-novembre, il est


orienté en psychomotricité pour des troubles de l’équilibre en lien avec des douleurs du
genou.

Anamnèse de Monsieur Ginsburg

Monsieur Ginsburg est père de trois enfants : Une fille de 15 ans issue d’une première union
et deux garçons de 12 et 13 ans issus d’une seconde union. Il est actuellement en instance de
séparation de sa seconde compagne. Son dossier médical apporte peu d’éléments sur sa

42
Il faut bien distinguer le travail du psychomotricien de celui du psychothérapeute. Le psychomotricien
développe des compétences de support (développement de la reconnaissance des sensations, orientation de
l’attention vers ses perceptions) qui serviront dans le processus de travail du psychologue et/ou psychiatre. Elles
prendront alors leur valeur thérapeutique.

Partie pratique
50
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

famille, hormis le décès de son père suite à un cancer de l’œsophage en lien avec une
dépendance à l’alcool. Au niveau professionnel, Monsieur Ginsburg occupe un poste de
technico-commercial. Il est diplômé d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de
mécanique automobile. Son permis de conduire a été annulé par le juge suite à un contrôle
positif pour alcoolémie. Cette annulation de permis l’a contraint à un changement de poste de
travail au profit d’un poste ne nécessitant pas de conduire.
Le patient a effectué sa cure au sein du centre avant de partir effectuer un séjour en service
de soin de suite et réadaptation orthopédique pour une rééducation du genou. Son début de
postcure a débuté mi-novembre. Suite à sa permission pour les fêtes de Noël, Monsieur est
rentré en retard et a mentionné une alcoolisation. Il fut provisoirement admis en cure pour
trois semaines puis il a été réintégré au sein de la postcure mi-janvier.

Début des troubles liés à l’alcool

Le patient situe ses débuts de consommations nocives d’alcool douze ans auparavant. Son
dossier mentionne une première hospitalisation en psychiatrie en 2008 à la demande de sa
tante pour un delirium tremens. Il s’en suit une première cure à Marseille. Au cours de cette
première hospitalisation, une polyneuropathie des membres inférieurs lui est diagnostiquée.
En 2009, il est hospitalisé deux fois pour une nuit suite à des alcoolisations massives. Son
premier séjour au sein du centre s’effectue au cours de cette année.
Le patient effectue trois autres cures au sein de trois centres différents entre 2010 et 2013.

Histoire des troubles orthopédiques

Le patient est admis en cure début septembre pour une durée de quatre semaines. Il est
ensuite transféré en service de soins de suite et réadaptation orthopédique pour une
rééducation suite à un traumatisme de la rotule. La nature du traumatisme n’a pu être précisée
ni par le patient, ni par son dossier43. L’objet de sa rééducation fut la « compensation du
quadriceps ».
Ce traumatisme est survenu en janvier 2014 à la suite d’une chute du lit à son domicile. Le
patient s’est alors retrouvé en béquilles avec attelles. Il rapporte également un choc sur le
genou en mai 2014. Au cours de l’été 2014, le patient dit avoir perdu beaucoup de masse
musculaire. Il mentionne par ailleurs l’arrêt de l’alcool en août.

43
Le patient est parti fin février et à ce jour je n’ai pas eu connaissance de la nature de son traumatisme.

Partie pratique
51
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

Suite à un mois et demi de rééducation, le patient est admis en service de soins de suite et
réadaptation en addictologie pour poursuivre son projet de maintien de l’abstinence. Lors de
son entrée, il est soumis aux examens somatique, addictologique et psychiatrique de routine.

Examen somatique

L’examen somatique conclut à la présence d’une polyneuropathie alcoolique, une hépatite


alcoolique et des troubles du sommeil. En outre, le dossier mentionne dans ses antécédents
une fracture du poignet gauche, une fracture de la clavicule gauche ainsi qu’une plaie au
visage suite à un accident de la voie publique sous l’emprise de l’alcool.

Examen addictologique

Monsieur Ginsburg a un profil de polyconsommateur avec un arrêt de consommation de


cocaïne et de cannabis au cours de l’année précédente. À ce jour, il fume 20 cigarettes par
jour. Sa motivation pour les soins est forte.

Examen psychiatrique

L’examen psychiatrique détermine un profil de personnalité émotionnellement labile avec une


impulsivité, une inhibition et une alexithymie. Le compte-rendu du psychiatre fait aussi état
d’un trouble anxieux généralisé et d’une perturbation du comportement alimentaire manifesté
par une perte d’appétit.

Diagnostic de Monsieur Ginsburg à son entrée en SSRA


Troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives

Syndrome de dépendance à la cocaïne en rémission complète

Syndrome de dépendance au cannabis en rémission complète

Dépendance aux hypnotiques

Anxiété généralisée

Polynévrite alcoolique

Personnalité émotionnellement labile type impulsif

Insomnie non organique

Gastrite alcoolique

Difficultés liées à de faibles revenus

Difficultés liées la situation juridique


Examen neurologique
Difficultés liées à dislocations famille par séparation, divorce

Le patient rencontre un neurologue le 19 janvier 2015. Le médecin confirme le diagnostic


de neuropathie liée à l’alcool. Son compte-rendu fait état de la présence de paresthésies et de

Partie pratique
52
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

dysesthésies aux pieds et aux chevilles. Il mentionne aussi une diminution des réflexes ostéo–
tendineux avec hypoesthésie des pieds et des jambes. Ce rendez-vous confirme donc les
diagnostics déjà établis.

Traitement

Monsieur Ginsburg dispose d’un traitement anxiolytique (Seresta), antalgique (Diclofénac,


Lyrica, Topalgic), hypnotique (Imovane) et neuroleptique (Loxapac). L’utilisation du
traitement neuroleptique s’explique pour ses forts effets anxiolytiques et sédatifs.

Evolution des troubles

Faute de créneau horaire disponible, la première entrevue avec le psychomotricien se


déroule le 18 décembre, soit quasiment un mois après son arrivée. Lors de cette première
rencontre, Monsieur Ginsburg exprime son souhait de poursuivre la rééducation entamée et
souhaite renforcer son genou. Il craint de perdre les bénéfices de son précédent séjour. Sa
demande s’effectue sur un ton assez revendicatif contre l’institution (peu de rééducation
proposée). Son attitude semble traduire une inquiétude.
Depuis son arrivée, il raconte avoir progressé dans la marche avec un gain de vitesse et une
diminution des douleurs. Il s’autorise à marcher sur des surfaces non-planes et à jouer au
ping-pong tout en prêtant attention à ses appuis. Le patient rapporte que les descentes sont
plus difficiles que les montées. Des douleurs « en chaussettes44» sont présentes au niveau des
deux pieds. Ces douleurs sont les dysesthésies diagnostiquées par le neurologue. Le bilan sera
poursuivi en janvier.
Une seconde rencontre a lieu le 29 janvier, le point est effectué sur sa situation, en
particulier son rendez-vous chez le neurologue et son passage en cure. Le patient décrit des
vertiges après le repas qui seraient dû aux médicaments antalgiques donnés pour une
contracture du mollet droit45. Ces médicaments antalgiques ont été prescrits suite à son
rendez-vous chez le neurologue. Les douleurs en chaussettes sont toujours présentes et le
patient rapporte une hypersensibilité tactile de surface au niveau du mollet. Cette
hypersensibilité se traduit par une paresthésie qui irradie le pied et une partie du mollet. Elle
survient lorsque le patient se gratte au niveau de la cheville. Cet hypersensibilité se rapproche
des paresthésies décrite par le neurologue et ne constituent pas un nouvel élément.

44
Les douleurs en chaussettes sont un signe de polyneuropathie des membres inférieurs, elles sont dites en
chaussettes car elle concerne tout le pied et remonte au dessus de la cheville à hauteur d’une chaussette.
45
La douleur de « contracture » est probablement est une conséquence de la polynévrite d’où la prescription de
l’antalgique par le neurologue.

Partie pratique
53
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

En outre, Monsieur Ginsburg rapporte aussi faire plus attention à son équilibre et évite de
faire certains gestes debout, comme s’habiller. La descente d’escalier est toujours ralentie et
s’effectue à proximité de la rambarde. Il a cessé de jouer au ping-pong en raison de ses
douleurs. Lors de l’entretien, Monsieur semble anxieux à cause d’une incertitude sur sa durée
de séjour restante.

Les domaines évalués en psychomotricité

L’anamnèse aborde aussi l’anxiété et le sommeil du patient. En décembre, le patient disait


alors ne pas se sentir spécialement anxieux, sa réponse était légèrement agressive et il adoptait
une posture défensive.
Actuellement, il rapporte des troubles du sommeil et la prise d’hypnotique. Le sommeil est
impossible sans traitement et l’endormissement est très difficile. Monsieur Ginsburg
mentionne une hyperactivité mentale constante. Il dit pouvoir faire deux choses à la fois
(écouter deux conversations, jouer au scrabble et aux échecs). Il dit pouvoir faire des nuits
complètes depuis 4 jours et attribue cet effet à un changement de traitement 15 jours
auparavant.
Cette association de l’hyperactivité mentale et des troubles du sommeil peut faire penser aux
signes d’une rumination anxieuse. Toutefois, certains éléments de vie amènent à envisager
une possible étiologie attentionnelle. En particulier, les prises de risques (accident sur la voie
publique, conduite en état d’ivresse) peuvent être le fait de l’impulsivité du patient.
Les domaines psychomoteurs évalués ont été l’équilibre, la marche, les coordinations
dynamiques, la motricité fine, la visuoconstruction et les fonctions exécutives (planification et
flexibilité) et la vitesse perceptive visuelle.

Le bilan psychomoteur

Monsieur Ginsburg s’est montré coopérant et investi tout au long de l’évaluation. Son bilan
a mis en évidence des compétences en termes de motricité fine46 et de coordinations
dynamiques globales47.

46
Epreuve clinique de rangement de 10 Mikado
47
Epreuve clinique de 10 lancer/réception de balle pour chaque + Epreuve de doigt-nez (10 essais)

Partie pratique
54
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

Tour de Londres Figure complexe de Rey- A Stroop Trail Making Test

Réussite Temps Temps Temps Lecture Lecture Couleur Expl.


Copie Mémoire Flexibilité
1er essai réaction mouvement copie mots couleurs mots Visuelle

9 59″ 398″ 61 159″ 24 107 77 47 29″ 62″

-0,9 -0,5
2,2 DS -0,5DS -1,9 DS -1,5 DS -0,5 DS 0 DS 0 DS -0,5 DS -0,5 DS
DS DS

La planification est efficiente malgré un temps de mouvement en dessous des normes (deux
essais très chutés). Les compétences en inhibition se situent dans les normes. La flexibilité
mentale se situe dans une moyenne basse.
Au niveau visuospatial et visuoconstructif, l’épreuve de copie de figure complexe est
marquée par des imprécisions et un oubli. Le temps de copie est en dessous de la moyenne. La
reproduction de la figure de mémoire montre un déficit de mémoire à court terme.
En outre, une dissymétrie des pas et une difficulté dans les changements de direction sont
notées à la marche. L’équilibre atteint un score légèrement au dessus du seuil de risque de
chute48. Les changements de position sont à travailler. Les appuis unipodaux peuvent être
maintenus au-delà de 12 secondes après plusieurs essais. Ils nécessitent toutefois beaucoup
d’attention et de nombreux tremblements des jambes apparaissent. Les tremblements sont
majorés sur l’appui de la jambe gauche.
Les résultats du test de Stroop et de la Tour de Londres semblent écarter l’hypothèse d’un
déficit d’attention. L’hyperagitation mentale serait à mettre sur le compte de l’anxiété du
patient. Par ailleurs, des difficultés de flexibilité sont souvent constatées chez les patients
anxieux confortant cette supposition. A la suite du bilan, un avis d’orientation vers
l’éducation thérapeutique Troubles Cognitifs Liés à l’Alcool (TCLA) est transmis au
psychologue responsable pour une lenteur de perception visuelle et un déficit de mémoire à
court terme.

Axes de prise en charge en psychomotricité

Les axes de prises en charge découlent du bilan et sont proposés au patient. Le patient est en
période active, aussi des précisions sont nécessaires concernant son projet à la sortie du
centre. Le patient souhaite reprendre son emploi. Il ne disposera pas de voiture pour se rendre

48
Son score d’équilibre au Tinetti est de 19 – Le seuil de risque de chute est à 18. Au-delà de 18, plus le score
est élevé, plus le risque est grand.

Partie pratique
55
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

sur son lieu de travail et sera contraint d’emprunter les transports en commun. Ces
déplacements vont lui demander des efforts posturaux et locomoteurs. Ses attentes vis-à-vis
de la prise en charge vise à « renforcer son genou ». Elles se justifient par des contraintes dans
certains actes de la vie quotidienne (s’habiller, descendre les escaliers).
Les axes de prise en charge sont proposés au patient afin de les hiérarchiser. Il choisit de
travailler, en premier lieu, la rééducation de l’équilibre et de la marche. Un travail spécifique
sur la dissymétrie des pas et les changements de directions sera ensuite mené pour évoluer
vers une situation écologique.
En second lieu, il envisage d’aborder la diminution de son stress. Le patient semble hésitant
vis-à-vis de cette orientation. L’usage de techniques respiratoires et de relaxation dynamique
(type Jacobson) est envisagé dans l’hypothèse où le patient souhaiterait aborder cet axe de
travail.
A la fin de la séance, une proposition de prise en charge est faite à partir de ces axes et
Monsieur Ginsburg accepte le suivi hebdomadaire d’une séance de 45 minutes.

Le suivi en rééducation psychomotrice de M. Ginsburg

Au moment de débuter le suivi de Monsieur Ginsburg, peu d’informations sur l’état médical
de son genou gauche sont disponibles. Aussi, la première séance aborde des situations simples
pour s’assurer des capacités d’équilibre, de coordination et de régulation tonique des muscles
de cette articulation.
La rééducation débutera par des situations d’équilibre et de coordinations en position assise.
Elles solliciteront des déséquilibres antéropostérieurs et latéraux. Ensuite, ces déséquilibres
seront sollicités debout, en situation dynamique et statique. Les situations dynamiques
permettront un travail sur les changements de direction, tandis que les variations de hauteur,
de longueur et de vitesse du pas permettront de rééduquer la dissymétrie des pas. Des
évolutions vers ses situations de double tâche complexe (conduite de ballon) et des situations
écologiques sont envisagées pour poursuivre la prise en charge.

 La séance du 5 février

Cette séance a pour objectif de solliciter les appuis du patient à partir de positions stables.
Le froid ambiant accentue les douleurs aux pieds (inhérentes à la polyneuropathie des
membres inférieurs). Un échauffement est proposé pour accentuer la préparation des muscles
pour le travail de coordination. Cette séance comprend donc un échauffement, un exercice de

Partie pratique
56
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

coordination des membres inférieurs, un exercice d’équilibre dynamique assis et un exercice


de régulation du tonus.
Conclusion de séance :
Les exercices de maîtrise de ballon en position assise sont réalisés avec facilité. Les
situations d’échanges de passes en position assises ne le mettent pas trop en difficulté, ses
appuis sont stables et l’équilibre est bien maîtrisé. L’évolution vers une assise sur le
physioball amène de légers déséquilibres antéropostérieurs que le patient parvient à récupérer,
les appuis latéraux sont stables. Enfin, des difficultés de régulation tonique sont observées lors
de l’échauffement et du dernier exercice avec une recherche spontanée de contractions fortes.
Le patient justifie cette difficulté par une faible perception de sa force.
Cette séance ouvre la possibilité d’évoluer vers des compétences plus complexes.

 Séance du 12 février

La seconde séance vise à solliciter les appuis sur des déséquilibres antéropostérieurs et
latéraux. Le patient mentionne à nouveau les douleurs au niveau du pied, aussi l’échauffement
effectué la semaine précédente est renouvelé. Le premier exercice sollicite une variation de
longueur des pas. Le deuxième et troisième exercice proposent de solliciter les appuis
antéropostérieurs et latéraux, en situation dynamique puis en situation statique avec une
progression de la difficulté entre les deux situations.
Conclusion de séance :
La première situation conclut à une difficulté à varier rapidement et précisément la longueur
du pas. Par ailleurs, la précision est présente pour une vitesse modérée.
Les situations suivantes se caractérisent par une réalisation correcte qui se dégrade
rapidement avec des signes manifestes de fatigue. Le patient peut se mobiliser de nouveau
pour assurer la qualité du geste mais éprouve des difficultés à la maintenir. Il anticipe les
mouvements de sa jambe gauche avec « prudence ».
A la suite de cette séance, une première évolution envisagée est de proposer des exercices
faisant varier l’orientation des appuis tels que des conduites de ballon avec le pied ou des
maintiens d’objet en équilibre49. Puis les bonnes compétences du patient permettent
d’envisager une seconde évolution, à savoir le travail sur une situation écologique. Le choix
du patient se porte sur les montées et descentes d’escalier.

49
Par exemple, l’exercice du garçon de café consiste à utiliser une balle sur une surface plane et de franchir une
distance plus ou moins longue

Partie pratique
57
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

 Séance du 19 février

Cette séance est la dernière car la date de fin de séjour est programmée le mardi suivant (24
février). L’exercice d’appuis latéraux de la semaine précédente est proposé, il évolue vers une
tâche de conduite de ballon puis un travail de montées et descentes de marches d’escalier.
Conclusion de séance :
Cette séance a repris un exercice déjà pratiqué la semaine précédente. Une légère
amélioration est présente. Les appuis sont plus dynamiques et le patient maintient plus
longtemps la qualité de son geste amenant une première manifestation de satisfaction. La
conduite de ballon est lente mais maitrisée, les tentatives d’accélération entraînent des pertes
de contrôle de la trajectoire du ballon.
L’abord d’une situation problématique pour le patient a fait émerger les paramètres à
travailler. La méthode de résolution de problème a permis la modification d’un paramètre.
Une poursuite de ce travail dans ce sens aurait pu être envisagée. L’usage de la méthode CO-
OP50 aurait pu être proposé pour poursuivre ce travail.
Pour terminer, deux exercices simples lui sont montrés afin de poursuivre le travail en
autonomie jusqu’à son départ.

Conclusion

L’histoire de Monsieur Ginsburg illustre le parcours de nombre de patients porteurs d’une


polynévrite. Elle associe les conséquences traumatiques de l’alcool (accident sur la voie
publique, chute) et les conséquences neurologiques d’une consommation chronique. Les
polyneuropathies des membres inférieurs sont fréquentes. Leur rééducation me parait
intéressante par leur symptomatologie.
Dans le parcours de soin, la rééducation des troubles perceptivo-moteurs semble un moyen
intéressant pour soutenir le patient dans son projet, en le valorisant, en soutenant sa
motivation. Par ailleurs, la rééducation est aussi un moment où le patient peut aborder les
situations traumatiques. La bienveillance du rééducateur peut amener la personne à prendre du
recul sur les évènements et les conséquences de sa consommation. La rééducation peut
amorcer un engagement vers un travail psychothérapeutique avec le psychologue et/ou le
psychiatre. Cet engagement n’a pu se faire, la discontinuité et la durée du suivi en sont pour
partie responsables. Le patient ne souhaitait pas aborder le second axe de travail. La poursuite

50
CO-OP : Cognitive Orientation of daily Occupational Performance - Voir en discussion le chapitre dédié à
cette méthode.

Partie pratique
58
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

des différents suivis rééducatifs, sociaux et médicaux nécessiteraient une orientation vers
l’hôpital de jour.

3.2.3 L’accompagnement en gestion du stress de Monsieur Chinaski

Monsieur Chinaski est un homme de 48 ans orienté en psychomotricité pour des troubles de
l’équilibre et des difficultés à la marche en lien avec des douleurs de hanche. Le patient est
célibataire et n’a pas d’enfants. Il vit dans un foyer à moins de 30 km du SSRA. Sa famille se
compose de ses parents et de deux frères. Monsieur Chinaski est actuellement sans emploi, il
a un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’électricien. Il a réalisé son sevrage au sein
de l’établissement, il s’agit de sa deuxième cure au sein du centre. Son séjour en SSRA a
débuté le 23 octobre pour une durée de trois mois.

Anamnèse de Monsieur Chinaski

Le premier entretien avec le psychomotricien débute par l’exploration du symptôme


d’appel. Monsieur présente une apparence soignée (tenue vestimentaire, coiffure, soins des
ongles) laissant supposer une préservation des actes de toilettes et des praxies associées.

Début des troubles liés à l’alcool

Monsieur Chinaski dit avoir toujours bu depuis le service militaire mais ses débuts de
consommation problématiques sont situés vers 35 ans (13 ans auparavant) avec un épisode de
grande précarité où il se retrouve sans domicile fixe. L’émotion est alors très présente dans sa
voix. Au moment du premier entretien, seuls les éléments des examens médicaux sont connus.
Par la suite, une précision sera apportée par l’assistante sociale sur le parcours institutionnel
de M. Chinaski et ses passages d’institution en institution depuis un an pour des rechutes
récurrentes.

Histoire des troubles moteurs

Le patient porte une prothèse à la hanche droite suite à une ostéonécrose de la tête fémorale.
Il ne peut préciser la cause de l’ostéonécrose et rapporte une disparition des douleurs. Il prête
une attention particulière à ses postures car il sent parfois la prothèse proche de « sortir ». Il
mentionne des « pertes » d’équilibre et décrit des vertiges. Le patient estime ne pas avoir
d’autres troubles moteurs (motricité fine, coordination des membres supérieurs). Par ailleurs,
il situe le diagnostic de sa polynévrite sept à huit ans auparavant.

Partie pratique
59
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

Une distractibilité est mentionnée et le début des pertes de mémoire ne peut être daté par le
patient. Toutefois, il rapporte ne pas avoir de difficultés d’organisation et de repérage dans les
lieux et dans le temps.
Au niveau visuel, le patient porte des lunettes pour « voir de près » (myopie). Au niveau
auditif, il dit avoir des difficultés à entendre si la voix est basse.

Le sommeil, l’anxiété, la douleur

L’endormissement n’est pas problématique, cependant des réveils précoces surviennent


parfois accompagnés de cauchemars. Le patient se définit comme anxieux « depuis toujours »,
et particulièrement en ce moment où il rencontre des difficultés familiales (précarité de ses
parents âgés). Il évoque ses difficultés à être en groupe et à supporter le regard des autres. Par
ailleurs, il rapporte des douleurs à l’abdomen pour lesquelles il est en attente de résultats
d’une fibroscopie51.

L’examen somatique

Le compte-rendu indique la présence d’une polyneuropathie et d’un syndrome cérébelleux


avec des troubles de l’équilibre. M. Chinaski indique une prothèse de hanche douloureuse.
Une claudication à la marche est aussi mentionnée. Le patient ne présente pas d’affection
cardiovasculaire et respiratoire. Au niveau des fonctions digestives, il souffre d’une cirrhose
sans production d’ascite, conséquente à ses consommations d’alcool.

L’examen psychiatrique

L’examen psychiatrique révèle la présence d’une dépression avec un score modéré à


l’échelle d’Hamilton. Cette dépression est associée à un trouble anxieux généralisé pour
lequel Monsieur Chinaski dispose d’un traitement. La douleur morale est cotée à 5 sur l’EVA
(score modéré). Cette douleur morale est fréquemment associée aux souvenirs d’une période
de grande précarité où il était sans domicile fixe. De plus, il présente des troubles mnésiques
antérogrades et un trouble des conduites alimentaires avec boulimie, sans prise de poids. Par
ailleurs, des troubles du sommeil avec cauchemars sont aussi présents. L’examen met en
avant certains traits de personnalité notamment l’introversion, l’inhibition et la susceptibilité.

51
L’examen ne révèlera pas d’atteintes somatiques.

Partie pratique
60
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

L’examen addictologique

Les informations complémentaires apportées par l’examen addictologique sont la présence


d’une consommation de cigarettes (un paquet par jour). Monsieur Chinaski a cessé de
consommer du cannabis depuis plusieurs mois et n’a jamais eu recours à d’autres drogues
(opiacés ou hallucinogènes). Des moments de craving surviennent parfois de façon
irrégulière, une à deux fois par mois. Sa motivation pour les soins est forte. Le patient
demande un suivi psychologique.

Diagnostic de Monsieur Chinaski à son entrée en SSRA


Troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives (alcool, tabac)

Personnalité dépendante, évitante

Anxiété sociale

Polyneuropathie, Syndrome cérébelleux

Difficultés liées à la précarité, au chômage

Les éléments complémentaires de la synthèse

Les professionnels notent une faible participation en atelier, une situation de précarité
sociale et une grande solitude exprimée par le patient associée à une anxiété sociale. Une
orientation vers l’éducation thérapeutique TCLA est proposée. Le projet social s’oriente vers
un hébergement communautaire afin de rompre la solitude du patient.

L’éducation thérapeutique et l’évaluation des troubles cognitifs

Lors de l’entretien, le patient évoque des pertes de mémoire légères itératives, des oublis de
faits récents et une distractibilité. Le psychologue conclut son évaluation par une absence de
désorientation spatio-temporelle, de légers troubles de raisonnement, de la mémoire à court et
à long terme et une attention légèrement déficitaire.

La première rencontre avec le psychomotricien

La première rencontre avec le patient s’effectue plus d’un mois après son arrivée. La
rencontre est motivée par ses douleurs à la marche et la présence de troubles de l’équilibre. Le
patient signifie la fin de ses douleurs de hanche et la présence effective de troubles de
l’équilibre.

Partie pratique
61
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

Les domaines évalués en psychomotricité

L’évaluation a porté sur l’équilibre, la marche, les diadococinésies, les coordinations des
membres supérieurs, la motricité fine, les praxies, le traitement des informations
visuospatiales, la planification et l’inhibition.
L’observation de ses communications non-verbales viendra en complément apporter nombre
d’informations concernant l’état tonique de la personne, son ajustement relationnel et ses états
émotionnels.

Le bilan psychomoteur

Les résultats de M. Chinaski au Test de Tinetti indiquent un score de 19 objectivant les


troubles de l’équilibre. Cependant, ce score découle de l’absence de maintien unipodal. Des
oscillations sont présentes lorsque le patient ferme les yeux et lorsqu’il tourne la tête. Le
système visuel compense probablement les difficultés proprioceptives inhérentes à la
polynévrite. Une légère claudication et une irrégularité des pas sont retrouvées lors de
l’examen de la marche.
Les résultats indiquent un trouble de l’équilibre avec une qualité de marche satisfaisante en
dépit d’un faible appui unipodal.
Les épreuves de la Batterie d’Evaluation des Praxies (BEP) n’a pas mis en avant
d’altérations spatiales et temporelles des gestes quelles que soient les modalités.

Tour de Londres Figure complexe de Rey- A Stroop Test de Tinetti

Réussite Temps Temps Temps Lecture Lecture Couleur


er
Copie Mémoire Equilibre Marche
1 essai réaction mouvement copie mots couleurs mots

6 30″ 253″ 31 236″ 13 67 67 33 19 11

-2,66
1 DS 0,33 DS 0 DS -0,66 DS -1,33 DS -1 DS -0,66 DS -1,66 DS Si > 18 /18
DS

Le traitement des informations visuospatiales se caractérise par des compétences en


reproduction de forme complexe et de leur localisation. Un déficit visuomoteur altère la
qualité de l’épreuve de copie. Le temps de copie est dans les normes basses avec de longs
temps d’observation du dessin. L’épreuve de reproduction marque un déficit de mémoire à
court terme.

Partie pratique
62
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

M. Chinaski se montre performant sur le test de planification. Les résultats du test de Stroop
indiquent un déficit de vitesse perceptive visuelle et d’inhibition. Les stratégies employées
semblent toutefois efficaces en raison du peu d’erreurs relevées.
Le bilan psychomoteur a permis de mettre en évidence les compétences de M. Chinaski en
matière de praxies, de planification, de reproduction de formes et de localisation. Une
rééducation est indiquée concernant une lenteur perceptive et exécutive, des difficultés
d’inhibition, de mémorisation et d’équilibre.

Les axes de prise en charge en psychomotricité

Le projet de M. Chinaski est d’intégrer une communauté Emmaüs. Ce projet nécessite une
vie collective intense et le patient est conscient de son anxiété sociale. Aussi, son souhait est
de travailler en priorité sur son anxiété. Le premier axe de prise en charge portera sur la
gestion de son stress. Le choix de la méthode de relaxation se porte sur la Pleine Conscience
et se justifie par l’efficacité de cette technique dans la gestion de l’anxiété (Khoury, et al.,
2013) et la prévention de la rechute (Hsin Hsu, Collins, & Marlatt, 2013).
Le patient ne semble pas être affecté par ses difficultés d’équilibre outre les vertiges. Il ne
rapporte pas de situations de gêne fonctionnelle52. Cependant, une intervention semble
nécessaire et une proposition de travail est effectuée dans ce sens. Le second axe de travail
portera donc sur l’équilibre et la marche, notamment sur les appuis unipodaux. Une partie de
chaque séance sera consacrée à ce second axe de travail. Le chapitre suivant présente
l’accompagnement mené en gestion du stress.

Le suivi en gestion du stress de Monsieur Chinaski

La première partie de la séance est consacrée à un exercice d’équilibre tel que ceux décrits
dans la situation de Monsieur Ginsburg. La seconde partie de la séance est consacrée à la
gestion du stress anxieux. Les séquences de Pleine Conscience s’appuient sur des séances
établies à partir de support audio. M. Chinaski ne disposait pas de matériel adéquat pour le
prêt de ce support audio afin d’entreprendre un usage autonome. L’objectif est l’appropriation
de la méthode en séance. Lors de la séance, le contenu est dicté pour pouvoir être adapté au
patient.

52
Il est alors en contradiction avec l’anamnèse, le patient confond certainement les troubles de l’équilibre et
les vertiges.

Partie pratique
63
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

 Séance du 05 février

Monsieur est présent au rendez-vous, il présente une toilette soignée. Son discours est plus
centré sur ses activités, moins sur ses problèmes relationnels. A sa demande, il est désormais
seul en chambre. Il a demandé une prolongation de son séjour. Cette demande a été validée et
son départ est prévu fin mars.
Evaluation de l’anxiété : La passation de l’inventaire de Beck pour l’anxiété53 est pratiquée
afin d’évaluer l’état de l’anxiété. Ce questionnaire a l’avantage d’aborder les versants
cognitifs et neurophysiologiques de l’anxiété. Ainsi, l’évolution des composantes de
l’activation neurophysiologique (arousal) permet d’apprécier les effets de l’accompagnement.
Cette échelle représente aussi l’avantage de ne pas être celle utilisée lors de l’évaluation
psychiatrique d’entrée.
Le score de M. Chinaski est alors de 29 points54. Les symptômes les plus élevés sont les
bouffées de chaleur, l’incapacité à se détendre, le rougissement du visage et la nervosité. En
outre, l’évaluation marque un score modéré pour la difficulté à respirer, les malaises
abdominaux, les battements cardiaques marqués et les étourdissements55. La note minimale
est attribuée à la peur de mourir, la transpiration, les sensations d’étouffement et aux
tremblements des mains. Le patient ajoute aux symptômes cités la perte de motivation et les
ruminations. Puis, la séance se poursuit avec la séquence de Pleine Conscience56.
La séance de Pleine Conscience : La première séance porte sur l’observation de sa
respiration. L’attention se porte sur la posture et les mouvements induits par la respiration.
Cet exercice vise à inhiber les ruminations en portant l’attention sur des perceptions
spontanées.
Adaptations et observations : Au début de la séance, M. Chinaski se replace sur sa chaise et
se positionne les mains en appui sur les cuisses. Il ferme les yeux après avoir demandé
l’autorisation. Au début, la respiration du patient est irrégulière puis se stabilise sur un cycle
plus régulier. Le patient laisse peu paraître de signes de détente. Sa posture ne paraît pas
tonique, les épaules sont relâchées. A la fin du propos, il ouvre les yeux dans un petit sursaut.
Il s’est apparemment légèrement assoupi. Le patient note l’importance de sentir les

53
Voir annexes
54
Il s’agit d’un score de dégradation – Note mini : 0 pt – Note maxi : 63 points
55
Les étourdissements sont à nuancer du fait du syndrome cérébelleux.
56
Les séances détaillées se trouvent en annexes.

Partie pratique
64
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

mouvements de la respiration dans le ventre et les mouvements de l’air dans le nez. Il retient
aussi la nécessité de se concentrer sur sa respiration quand il part dans ses pensées.
Conclusion : Cette séance initiale comporte un exercice d’induction à la détente retrouvé en
début des séances suivantes. Sa reprise est nécessaire pour l’apprentissage de la méthode.
Aussi pour la semaine suivante, il lui est demandé d’une part, de prêter attention aux moments
d’apparition et aux symptômes de l’anxiété, et d’autre part, de reprendre cette séance quand il
se sent anxieux.

 Séance du 12 février

Le patient ne s’est pas présenté au rendez-vous.

 Séance du 19 février

Le patient est venu le matin pour présenter ses excuses concernant son absence et souhaite
confirmer sa présence pour l’après-midi. L’après-midi, le patient se présente à l’heure, il
s’excuse à nouveau et prend place. Il dit aller mieux, il semble avoir pris du poids57. Il aborde
spontanément l’amélioration de ses relations, ses ruminations et l’adoption d’activités pour
s’occuper. Il a pensé à noter les moments où il se sent anxieux.
Les moments d’anxiété se situent au moment du repas car il se retrouve avec tous les
patients du SSRA. Il arrive alors en premier lieu pour éviter de se retrouver au milieu du
groupe. Les moments d’ennui dans l’après-midi sont également susceptibles d’être
angoissants. Enfin, l’endormissement est anxiogène par anticipation d’éventuels réveils. Il
décrit ces moments comme une bouffée de chaleur.
Mise en place de l’agenda : La mise en place d’un agenda est proposée afin de repérer les
moments d’activités et les moments libres. Le but est d’identifier les moments où l’anxiété est
présente. Le patient est libre de le remplir comme il le souhaite.
La séance de Pleine Conscience : Un bref retour sur la première séance est effectué. Le
patient se souvient qu’il doit se concentrer sur sa respiration mais ne peut en dire plus. Il dit
avoir pensé à se concentrer sur sa respiration deux à trois fois dans la semaine. La séance
d’aujourd’hui consiste à prêter attention aux perceptions des parties de son corps.
Adaptations et observations : Le patient adopte la même posture que précédemment. A la
fin du propos, le patient ouvre les yeux instantanément. Il rapporte une facilité à sentir
certaines parties (mains, épaules). Les jambes et les pieds lui procurent peu de sensations.

57
Le patient est arrivé en état de dénutrition. La prise de poids régulière et modérée est un signe positif de re-
nutrition.

Partie pratique
65
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

Conclusion : Les difficultés perceptives sont certainement en lien avec sa polyneuropathie.


Le prochain rendez-vous est prévu deux semaines après. Aussi, le patient doit remplir son
agenda uniquement pour la semaine suivante et reprendre les exercices de respiration de la 1ère
séance58. La demande se limite à des exercices de respiration car une demande plus
conséquente serait certainement trop coûteuse en l’absence de support audio chez un patient
avec des déficits mnésiques.

 Séance du 05 mars

Le patient se présente à l’heure. Il se montre souriant et affiche une bonne mine. Par
ailleurs, il me semble avoir pris encore un peu de poids. Ces dernières semaines se sont bien
passées et des relations avec d’autres patients se sont renforcées.
Reprise de l’agenda : Son agenda a été complété quotidiennement. Le patient décrit une
organisation ritualisée de ses journées. Il semble être bien repéré et dispose de routines
notamment pour le lever et le coucher. Ses moments d’anxiété se trouvent lors du repas et lors
des moments d’ennui. Aussi, il essaye de trouver des solutions pour éviter l’ennui (télévision,
internet). Par ailleurs, il a repris les exercices de respiration deux soirs successifs (jeudi 05 et
vendredi 06 mars).
La séance de Pleine Conscience : Cette séance tend à porter attention à l’environnement
sonore et à accepter la présence de sons agréables et désagréables.
Adaptations et observations : Le patient s’installe dans sa posture habituelle. A l’image des
deux séances précédentes, il exprime peu de signes de détente au cours de la séance. A la fin,
il ouvre les yeux tout de suite et prend d’emblée la parole. Il rapporte une bonne concentration
sur les propos. Il dit aussi avoir perçu les sons dans les couloirs et les personnes à l’extérieur.
Si sa perception et sa concentration paraissent adaptées, Monsieur Chinaski n’évoque pas de
prise de recul sur ces perceptions.
Conclusion : L’utilisation de l’agenda visait à vérifier si un défaut d’organisation spatio-
temporelle du patient pouvait être en lien avec ses moments d’anxiété. Le patient semble bien
organisé et anticipe les moments pernicieux. L’achat d’une tablette numérique laisse
envisager la possibilité d’un usage autonome des supports audio. Toutefois, l’installation sur
l’appareil n’a pu être effectuée. L’absence de pratique autonome est un frein au

58
Sentir l’air entrer et sortir au niveau du nez/gorge/bronche, sentir le mouvement du ventre associé à la
respiration

Partie pratique
66
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

développement de la technique. Dans l’attente d’une solution, seuls les exercices de


respiration sont à reprendre en autonomie.

 Séance du 12 mars

M. Chinaski a obtenu sa date de sortie. Il sortira le vendredi 27 mars, il poursuivra son


accompagnement au sein de l’HDJ SSRA du centre. Cette nouvelle le réjouit et il exprime une
certaine excitation. Le transfert des séances sur sa tablette informatique n’est toujours pas
possible pour des raisons techniques. Au cours de la semaine précédente, il n’a pas repris les
exercices de respiration.
La séance de Pleine Conscience : La compétence ciblée dans cette séance est l’identification
et la gestion de moments où l’attention se transfère des perceptions aux pensées.
Adaptations et observations : Cette séance apporte peu d’observation pendant l’énoncé du
propos. A la fin, il peut dire qu’il s’est reconnu dans certains passages (« le bavardage de
l’esprit »). Il n’a pas identifié le travail demandé et semble être resté concentré sur l’écoute de
la voix. Cela peut marquer un déficit d’attention ou de flexibilité.
Conclusion : Les compétences attentionnelles et/ou flexibles ne permettent pas encore de
travail métacognitif comme celui demandé dans cette séance. Il semble plus judicieux de
reprendre les séances précédentes afin de renforcer les bases de la technique.

 Séance du 19 mars

Le patient ne s’est pas présenté au rendez-vous. Au téléphone, il me dit avoir des vertiges
importants depuis trois ou quatre jours et souhaite rester en chambre. La séance est reportée à
la semaine suivante.

 Séance du 26 mars

Le patient se présente à l’heure et adresse ses excuses pour son absence. Les vertiges ont
duré jusqu’au samedi et il a pu retourner en atelier le lundi. Il se montre souriant et joyeux.
Son départ est prévu pour le lendemain. Il se dit prêt à rentrer à son domicile et son passage à
l’HDJ addictologique ne semble le soucier outre mesure. Il s’est renseigné sur le déroulement
d’une semaine en HDJ et a déjà anticipé l’organisation de sa semaine suivante. Un bilan de
l’intervention est fait au cours de cette séance pour évaluer l’état de l’anxiété de cette
semaine.
Evaluation de l’anxiété : L’inventaire de Beck pour l’anxiété est à nouveau administré. Le
score obtenu est de 20 points (- 8 pts). Aucun domaine n’obtient de score maximal. Huit
domaines ont régressé avec une perte de deux points pour quatre domaines (bouffées de

Partie pratique
67
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

chaleur, « jambes molles », nervosité, malaise abdominal) et une perte d’un point pour les
quatre autres domaines. Trois domaines ont progressé d’un point (tremblements des jambes,
manque d’assurance, chancellement). Le patient rapporte avoir été très incommodé par les
vertiges de la semaine précédente, aussi ces scores résultent certainement de cette situation.
Dix domaines sont restés stables, notamment ceux ayant obtenu la note minimale.
Cette évaluation met en avant la régression de certaines composantes neurovégétatives de
l’anxiété (bouffées chaleur, nervosité, respiration difficile, rougissement…) et un effet
supposé de la technique sur ces composantes. Les composantes cognitives obtiennent une
stabilisation des scores, un seul domaine est en régression (sensation de peur).
Dans son quotidien, M. Chinaski évite toujours les situations où il se trouve en grand
groupe. Il anticipe toujours les moments de repas en arrivant à l’avance. En petit groupe, il se
sent plus à l’aise, reprenant ses propos des séances précédentes. Il rapporte toujours autant de
rumination. La perception de la qualité de son sommeil est bonne et il dit faire moins de
cauchemars. Ces évolutions vont dans le sens de l’inventaire de Beck et une progression est
manifeste.

Comparaison des scores à l'inventaire de Beck pour l'anxiété

Engourdissement,…
Transpiration 3 Bouffées de châleur
Rougissement… Tremblements…
Evanouissement,… 2 "Jambes molles"

Malaise abdominal 1 Crainte du pire

Sensation de peur Etourdissement 05/02/2015


0
26/03/2015
Peur de mourir Battements…

Respiration difficile Terreur Estimation au cours de


la semaine précédente
Crainte de perdre… Manque… 0 - Pas du tout
Chancellement Nervosité 1 - Un peu
Tremblements… Etouffement 2 - Modérément

La comparaison des résultats a suscité un sourire gêné et l’expression de sa satisfaction


concernant son séjour. Pour terminer, la reprise de la première séance est proposée pour revoir
les exercices qui constituent la base de la technique.

Partie pratique
68
La pratique psychomotrice
L’accompagnement en psychomotricité

La séance de Pleine Conscience : Un retour est effectué sur la séance d’observation de sa


respiration. Dans un premier temps, une lecture du propos est faite pour que M. Chinaski
reformule les informations pertinentes. Dans un second temps, le propos est lu une seconde
fois pour le temps de Pleine Conscience.
Adaptations et observations : Le patient parvient à repérer les premières informations
pertinentes puis il se montre indécis ne parvenant pas à trancher. Une aide lui est apportée et
le texte est repris en numérotant les informations de 1 à 12 pour faire émerger la trame. Il les
écrit afin de garder ce support et commencer à les mémoriser.
Lors de la séance de Pleine Conscience, le patient adopte sa posture habituelle. Son attitude
est impassible. A la fin, il peut dire qu’il a pu sentir les mouvements de son ventre, les
mouvements de l’air. Il est parti dans ses pensées et s’est ensuite reconcentré sur son souffle.
Conclusion : Le suivi de M. Chinaski se termine par une évolution positive de son anxiété.
Il s’agit d’une évolution ordinaire suite à l’arrêt de la consommation chronique. La pratique
de la Pleine Conscience a probablement majoré cette évolution.

Conclusion

Le choix de M. Chinaski s’explique par la complexité de sa situation. Elle me semble bien


marquer l’ensemble des facteurs à prendre en compte en alcoologie : les facteurs sociaux, la
personnalité, les troubles cognitifs, les troubles physiologiques et perceptivo-moteurs et la
motivation. Les troubles perceptivo-moteurs en alcoologie sont rarement isolés et l’axe de
travail proposé à ce patient pourrait correspondre à une majorité des patients du service de
SSRA. La situation du patient a aussi permis de mettre en avant les difficultés liées à
l’adhésion de soins et à la réalisation des soins en autonomie.
Le maintien d’une pratique autonome est un problème régulièrement rencontré en
rééducation. L’apprentissage de la méthode nécessite une pratique régulière et le recours aux
supports audio aurait certainement réduit le problème sans le résoudre. De plus, cet
apprentissage s’est confronté aux difficultés attentionnelles et mnésiques du patient.
La pratique de la Pleine Conscience semble avoir été efficace. Son maintien dans le suivi en
HDJ serait profitable. De nouvelles modalités (groupe ? suivi plus régulier ?) et l’évolution
progressive des compétences cognitives pourraient permettre une résolution, au moins
partielle, des difficultés rencontrées.

Partie pratique
69
Discussion
Le chapitre suivant présente une discussion à propos de situations rencontrées au cours des
suivis et concernant les deux hypothèses formulées initialement.

La démarche de dépistage et de diagnostic des troubles


cognitifs
Dans le cadre des évaluations initiales, le dépistage des patients atteints de troubles cognitifs
repose sur les observations des différents professionnels lors des différents temps de la journée
(rendez-vous, temps d’atelier, traitement). Cette démarche semble pertinente car l’évaluation en
situation écologique permet d’intégrer des facteurs de contexte influençant la cognition de la
personne (fatigue, statut nutritionnel et affectif, relations aux autres). Toutefois, les troubles
peuvent ne pas être (re)connus par le patient. Le développement de stratégies peut
potentiellement les éviter voir les cacher. Aussi, la démarche pourrait être complétée d’un outil de
dépistage à l’entrée du patient.
Dans cette optique, le Montréal Cognitive Assessment (MOCA) pourrait être un outil précieux.
Sa passation systématique est recommandée59 car sa sensibilité et sa spécificité sont bonnes
(respectivement 87-90% et 87%). En outre, il est plus sensible que de Mini-Mental State
Examination (MMSE) en raison notamment de l’âge moyen des patients en SSRA (40-60 ans),
des troubles à dominante exécutive, et de la sévérité des troubles, légère à modérée (Collège
Profesionnel des Acteurs de l'Addictologie Hospitalière, 2014).
La passation du MOCA est simple et dispose de plusieurs versions. Elle dure cinq minutes et
porte sur sept domaines : l’attention, la mémoire, l’abstraction, le langage, la dénomination,
l’orientation et un domaine visuospatial / exécutif. Elle permettrait aux médecins d’orienter le
patient vers le psychologue et/ou le psychomotricien en fonction des domaines déficitaires
(visuospatial/exécutif, attention, orientation).
Aussi, le bilan psychomoteur constitue un important outil complémentaire aux évaluations déjà
pratiquées au sein de l’éducation thérapeutique Troubles Cognitifs Liés à l’Alcool. Dans le cadre
du diagnostic, la pratique du bilan psychomoteur permet d’étendre les domaines cognitifs
évalués. L’inclusion de ces domaines dans le diagnostic permettrait aux médecins d’apprécier la

59
Voir Annexe – Séquence des évaluations neuropsychologiques en addictologie

Discussion
70
Discussion

sévérité des troubles cognitifs (voir Figure 5). Cette appréciation était jusqu’à présent basée sur
l’étendue des troubles mnésiques. Or, les troubles visuoconstructifs semblent plus sensibles au
mésusage de l’alcool et constituent un signe précurseur d’atteintes cognitives (Vabret, et al.,
2013).

Figure 5 - Diagnostic des troubles cognitifs liés à l'alcool

L’évaluation écologique des troubles perceptivo-moteurs


La motivation et l’adhésion aux soins sont souvent attachées à la perception du patient vis-à-vis
de l’utilité des actes de soins. Actuellement, l’évaluation des troubles perceptivo-moteurs
s’effectue à partir des observations de l’équipe et des épreuves mises en place lors du bilan
psychomoteur. Il n’existe pas d’épreuves standardisées permettant l’objectivation des difficultés
motrices et les épreuves du bilan n’ont pas un caractère écologique, contrairement aux
observations de l’équipe. Aussi, serait-il intéressant d’agrémenter l’évaluation des troubles
perceptivo-moteurs d’une évaluation écologique.
Les patients normalisent beaucoup leurs difficultés ou n’en ont parfois pas conscience. Cette
attitude tend à fournir des réponses positives aux questions de l’anamnèse initiant un biais de
désirabilité sociale60 dans les informations récoltées. Une mise en situation écologique permettrait
de faire émerger des difficultés discrètes ou difficilement avouables. De surcroît, elle orienterait

60
Biais de désirabilité sociale : Erreur d’évaluation ou de jugement d’une personne induit par sa tendance,
consciente ou inconsciente, à vouloir se présenter sous un jour favorable à ses interlocuteurs.

Discussion
71
Discussion

concrètement les objectifs de travail avec un effet supposé sur la motivation et l’adhésion aux
soins.
Il est difficile d’estimer le nombre de patients susceptible d’en bénéficier. Un dépistage est déjà
organisé avec le questionnaire d’indépendance fonctionnelle administré par les infirmières à
l’entrée du patient (p. 35). Cette passation de questionnaire est aussi soumise à la désirabilité
sociale, faussant quelque peu le dépistage.
Ce questionnaire reste un premier support intéressant et nécessite d’être complété par des
critères d’indication. La présence d’un déficit moteur et/ou de troubles cognitifs pourrait
constituer des symptômes d’appel.
Une autre solution pourrait être le développement de grilles d’observation portant sur différents
actes de la vie quotidienne. Chaque intervenant disposerait d’une grille d’observation avec les
actes le concernant (le repas pour la diététicienne, la toilette et l’habillage pour les infirmières et
les aides soignantes…par exemple). Chaque acte serait ainsi décrit en compétences motrices à
valider.
La construction de la grille avec les professionnels permettrait, de surcroît, de s’assurer de sa
bonne utilisation. Elle valoriserait aussi les compétences d’observation clinique des
professionnels dont le champ de compétences n’a pas trait directement à la motricité. Ainsi,
l’utilisation d’une grille d’observation pendant la semaine d’évaluation initiale constituerait un
dépistage précoce avec une ou plusieurs indications pour l’orientation en psychomotricité par le
médecin.
Enfin, l’évaluation écologique pourrait être, en sus, un préalable à une technique de
rééducation psychomotrice, la méthode Cognitive Orientation of daily Occupationnal
Performance (CO-OP, p.73).

Les accompagnements de Messieurs Ginsburg et Chinaski ont mis en avant plusieurs points tels
que la possibilité d’effectuer simultanément les rééducations perceptivo-motrices et cognitives ou
la difficulté d’aborder le travail de l’anxiété. Les paragraphes suivants développent deux
propositions pour pallier certaines difficultés rencontrées. Ils concernent l’utilisation de la
méthode CO-OP et du biofeedback. Un dernier paragraphe aborde le développement de la
pratique de la Pleine Conscience vers le programme de prévention de la rechute basé sur la Pleine
Conscience de Bowen, Chawla & Marlatt.

Discussion
72
Discussion

La méthode Cognitive Orientation of daily Occupationnal


Performance (CO-OP)
La fréquence des troubles perceptivo-moteurs et cognitifs amène à réfléchir sur la possibilité de
concilier ces deux axes de travail dans une contrainte de temps imposée par le séjour. Le suivi de
M. Ginsburg évoque un intérêt pour la méthode CO-OP élaborée par Hélène J. Polatajko. Elle
intéresse la pratique du psychomotricien en SSRA car cette méthode est une approche cognitive,
centrée sur la personne, visant l’acquisition d’habiletés motrices par la résolution de problèmes.

Objectifs de la méthode CO-OP

L’acquisition d’habileté motrice est le premier objectif. Elle situe l’apprentissage dans un
contexte écologique puisque la personne choisit l’habileté motrice à acquérir. Il peut s’agir
d’habiletés motrices déficitaires ou d’habiletés qu’il souhaite acquérir. Ainsi, le thérapeute
s’assure de la motivation et de l’implication de la personne.
Le second objectif est le développement de stratégies cognitives. La personne apprend une
stratégie globale de résolution de problème dont elle pourra ensuite se servir pour résoudre des
problèmes spécifiques. Enfin, la généralisation et le transfert constituent les derniers objectifs de
la méthode. Ils tendent à utiliser l’habileté et la stratégie au-delà de la séance pour servir
l’apprentissage d’habiletés ou de stratégies similaires (Potalajko, et al., 2001).
Dans cette approche cognitive, le thérapeute a uniquement une position de guide. Il n’impose ni
le contenu, ni la manière de faire. Il oriente simplement la personne vers la découverte de
stratégies efficaces pour l’acquisition de l’habileté choisie. La généralisation et le maintien de
l’habilité sont ainsi améliorés.

La stratégie globale et les stratégies spécifiques

Cette méthode propose une stratégie globale et sept stratégies spécifiques. La stratégie globale
comprend quatre étapes : « Goal, Plan, Do, Check ».
Dans la première étape, « Goal », la personne détermine et explique formellement son but. Ce
dernier peut être global ou spécifique.
Au cours de la seconde étape, nommée « Plan », la personne réfléchit au contenu de son plan
d’action et à la manière de le réaliser. Il revient d’évaluer toutes les idées, de les discuter, de les
organiser en plan. Elles seront testées ultérieurement. La planification et la flexibilité mentale
sont ici sollicitées.

Discussion
73
Discussion

La mise en action des hypothèses s’effectue dans la troisième étape, « Do ». Les plans sont
alors testés. En cas d’échecs, il s’en suit un questionnement et une discussion sur le résultat pour
comprendre les obstacles à la réalisation.
En cas de réussite, la personne auto-évalue son plan. Il s’agit de l’étape du « Check » où la
personne prend du recul sur la réalisation de son but et sur la manière employée.
Dans cette stratégie globale, le thérapeute verbalise les étapes pendant le temps d’apprentissage.
Puis, il accompagne le patient car la stratégie doit être à l’initiative de la personne pour être
mémorisée, généralisée et transférée (Potalajko, et al., 2001). Le thérapeute entreprend alors une
découverte guidée et dispose de sept stratégies spécifiques pour accompagner la personne dans sa
résolution de problème (Weisslinger, 2012) :
La position du corps consiste à orienter l’attention de la personne par des questions portant sur
sa posture. La personne doit évoquer les problèmes induits par sa posture. La verbalisation est
supposée améliorer l’automatisation.
L’attention sur l’exécution vise à orienter l’attention de la personne au bon endroit et au bon
moment lors de l’exécution.
La spécification ou modification de la tâche permet de mettre en place des repères ou un
aménagement de la tâche pour simplifier les premiers acquis.
L’auto-guidance verbale est la production progressive d’un soliloque par la personne. Le
soliloque favorise le guidage et la planification du mouvement.
La sensation de mouvement est une orientation de l’attention vers les sensations pertinentes
pour le mouvement. Le thérapeute peut provoquer la sensation tout en la verbalisant.
La mnémonique verbale du mouvement est l’invention d’image ou d’une phrase facilitant la
mémorisation du geste. La suggestion d’image peut intervenir si la personne n’est pas en mesure
d’imaginer (« la tête de cygne » pour signifier la prise du crayon par exemple).
Enfin, le script verbal est la création d’une série de sons, de mots, d’onomatopées pour rythmer
les étapes du mouvement. Il s’agit d’une mnémotechnique verbale et auditive.

Applications en SSRA

Cette méthode a été conçue spécialement pour les enfants présentant un Trouble de
l’Acquisition de la Coordinations. Depuis plusieurs années, son application s’étend à d’autres
populations et a notamment prouvé son efficacité dans la rééducation des fonctions exécutives
chez les patients ayant un traumatisme craniocérébral (Dawson, et al., 2009). Son efficacité dans
la rééducation des fonctions exécutives est le second point d’intérêt en sus de la rééducation des

Discussion
74
Discussion

troubles perceptivo-moteurs. Ce processus métacognitif et les compétences mises en jeu sont


particulièrement intéressants car la méthode suppose de pouvoir prendre du recul sur ses erreurs
pour les corriger et mémoriser les stratégies utiles. En outre, le libre choix et la guidance permet
de réduire la résistance chez la personne. Ce style relationnel est important car il suscite une
motivation importante, susceptible de soutenir l’adhésion aux soins. L’introduction de la méthode
CO-OP semble toute indiquée en SSRA et pourrait aussi s’appliquer aux séances de gestion du
stress, par exemple.
Néanmoins, l’application de cette méthode ne convient pas aux patients présentant des troubles
majeurs de la mémoire. Lors d’atteintes sévères de la mémoire, les stratégies d’essai-erreurs sont
susceptibles d’entrainer la mémorisation de stratégies inadaptées. La méthode pourrait alors
devenir contre-productive. Les patients atteints du syndrome de Korsakoff sont dans cette
situation et l’usage de stratégies d’apprentissage sans erreur est recommandé pour prévenir
l’encodage de stratégies erronées (Beaunieux, Pitel, & Eustache, 2013).

L’intérêt du biofeedback
A l’image de Monsieur Ginsburg, de nombreux patients éprouvent des difficultés à reconnaitre
les signes de tension et de nervosité attachés à l’anxiété. Ces difficultés constituent des freins aux
pratiques de détente corporelle (relaxation, Pleine Conscience). Aussi, l’usage du biofeedback61
semble pertinent.
De surcroît, son intérêt en psychomotricité a déjà été démontré en complément d’une technique
de relaxation (Abeilhou & Reocreux, 1992). L’objectivation des effets et la possibilité
d’enregistrement sont les deux atouts de cette technique et permettent d’envisager une évaluation
comparée des effets de la prise en charge.
Actuellement, un autre type de biofeedback apparait comme prometteur. Le biofeedback EEG
ou neurofeedback permet l’enregistrement des les ondes émises par les aires cérébrales. Ces
ondes cérébrales fluctuent en fonction du niveau d’activité des aires cérébrales. Le neurofeedback
vise à stimuler ou inhiber ces aires en fonction d’un niveau d’activité souhaité. En outre, cette

61
Le biofeedback est un « procédé qui permet à un individu d'apprendre à modifier son activité physiologique
dans le but d'améliorer sa santé et ses performances. Des instruments précis mesurent l'activité physiologique telle
que les ondes cérébrales, le fonctionnement du cœur, la respiration, l'activité musculaire et la température de la
peau. Ces instruments renvoient en temps réel, et avec précision, des informations à l'utilisateur. La représentation
de ces informations (souvent en relation avec les changements dans les pensées, les émotions et le comportement)
montre les modifications physiologiques souhaitées. Au fil du temps, ces modifications pourront être reproduites
sans le recours à un appareil » (The Association for Applied Psychophysiology and Biofeedback)

Discussion
75
Discussion

technique a déjà démontré son efficacité dans le traitement de l’addiction à l’alcool (Shokadze,
Cannon, & Trudeau, 2008).
Le neurofeedback représente une technique de pointe, son utilisation nécessite néanmoins de
solides connaissances en neurologie et pourrait à l’avenir intégrer la pratique du psychomotricien.

De la Pleine Conscience au programme Mindfulness Based


Relapse Prevention
L’accompagnement de M. Chinaski a donné lieu à l’utilisation de séances inspirées de la Pleine
Conscience. Cette technique mérite d’être développée afin d’apprécier l’intérêt de son apport à la
pratique du psychomotricien. Le choix de la méthode de relaxation s’est orienté vers la Pleine
Conscience et se justifie par son efficacité dans la gestion du stress et la prévention de la rechute.
Ces deux indications bénéficient de programmes dédiés à la Pleine Conscience.
Le programme de prévention de la rechute basée sur la Pleine Conscience (MBRP) a été
développé par Sarah Bowen, Neha Chawla & Alan Marlatt en 2010. Il est inspiré de deux
programmes de Pleine Conscience : Le MBSR et MBCT.
Le programme Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR) 62 a été développé par Jon Kabat-
Zinn pour réduire le stress. Le programme Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT) 63 a
été développé par Zindel Segal, John Teasdale & Mark Williams (2002) pour prévenir les
rechutes dépressives.

Les objectifs du programme MBRP

Le programme intègre des outils cognitivo-comportementaux de prévention de la rechute avec


la pratique de la Pleine Conscience et vise à orienter l’attention vers les facteurs déclencheurs et
les routines comportementales. La Pleine Conscience s’oppose aux thérapies aversives en
encourageant l’exploration et l’acceptation des envies. Elle permet d’observer l’envie et incite à
la laisser passer sans céder au besoin de gratification immédiate (Bowen, Chawla, & Marlatt,
2013).

La didactique et la pédagogie du programme

Le programme se déroule en groupe sur huit séances hebdomadaires de 2h30. La pratique de la


conscience de l’esprit et l’intégration des pratiques de Pleine Conscience dans la vie quotidienne

62
MBSR : Réduction du stress basé sur la Pleine Conscience
63
MBCT : Thérapie cognitive basée sur la Pleine Conscience

Discussion
76
Discussion

constituent le contenu des trois premières séances. Ce contenu évolue au cours des trois séances
suivantes vers l’acceptation de l’expérience présente et l’application de la Pleine Conscience à la
prévention de la rechute. Enfin, les deux dernières séances abordent la prise en soin de soi-même,
le soutien du réseau et l’adoption d’un style de vie équilibré.
Chaque séance se structure à partir des acquis de la précédente et assure une progression pas à
pas des compétences du patient. Une présence régulière est nécessaire pour l’apprentissage de la
Pleine Conscience. Elle permet aussi de maintenir l’investissement de la personne dans le
fonctionnement du groupe. A chaque séance, il est demandé aux patients de pratiquer
régulièrement voire quotidiennement la Pleine Conscience. Les difficultés d’organisation d’une
pratique quotidienne sont abordées avec légèreté, compassion et curiosité afin de ne pas induire
de jugement et d’aider à normaliser les défis quotidiens.
Les séances débutent systématiquement par des exercices expérientiels suivis d’un processus de
questionnement dans l’intention de focaliser les discussions sur le moment présent. Le processus
de questionnement se centre sur la distinction entre l’expérience directe (sensations, émotions) et
les réactions à l’expérience (récits, jugements). Ces dernières détournent l’attention et peuvent
être physiques (tensions, détentes), émotionnelles (frustration, envies) ou cognitives (pensées,
récits). Elles se rapprochent des croyances et des pensées automatiques des schémas cognitifs de
Beck. Ces réactions peuvent être inadaptées et amener une souffrance injustifiée chez la
personne. Ce retour à l’expérience directe est un point central de la Pleine Conscience afin de
conduire la personne à être plus lucide sur la compréhension de son fonctionnement.
Les auteurs conseillent une taille de groupe comprise en six et douze personnes. Le groupe doit
permettre d’apprendre des autres, en offrant une diversité d’expérience suffisante et la possibilité
de s’exprimer individuellement à chaque séance.
La pratique personnelle est un point d’honneur du programme. Les intervenants doivent se tenir
à une pratique régulière et conséquente de la Pleine Conscience afin de pouvoir comprendre et
répondre aux questionnements des participants. De plus, la technique est organisée de façon à être
instruite en binôme. Cette co-instruction permet deux styles distincts d’intervention et offre plus
de possibilité d’évolution et de soutien aux questionnements.

Intérêts et limites du programme pour le psychomotricien

Les psychomotriciens utilisent depuis longtemps les techniques de relaxation (Training


autogène de Schultz, relaxation dynamique de Jacobson…). Ces techniques se confrontent à la
difficulté de maintenir à moyen et long terme l’adhésion du patient aux soins et à la difficulté
d’intégration de ces techniques dans la vie quotidienne. Ces programmes me semblent

Discussion
77
Discussion

intéressants car le patient sait à l’avance la durée de son engagement (8 séances plus une séance
d’introduction). Le contenu des séances évolue au fil des séances et se réfère aux situations de la
vie quotidienne. Ce programme n’est pas incompatible avec les autres techniques de relaxation.
Ces dernières pourraient constituer un préambule intéressant à l’apprentissage des compétences
requises (orientation de l’attention vers les sensations par exemple). De plus, la Pleine
Conscience n’échappe pas aux critiques formulées aux autres techniques de relaxation et certains
patients n’adhèreront pas directement à sa pratique. Dans ces cas, le recours à d’autres techniques
(voir ci-dessus) peut s’avérer intéressant dans un premier temps.
La co-instruction est un pré-requis de la méthode, il s’agit aussi d’une limite pour le
psychomotricien. S’il peut intervenir avec ses compétences et son expertise de la relaxation, il n’a
pas vocation à analyser les éléments du discours des personnes. Une co-instruction doit donc
s’envisager avec un psychologue ou un psychiatre afin de mener le travail psychothérapeutique.
Enfin, une seconde limite de l’usage de cette méthode en psychomotricité est la faible expertise
de l’intervenant. Or, la qualité du programme repose sur la capacité des instructeurs et du groupe
à soutenir le questionnement issu de l’expérience directe. L’utilité de cette expertise se justifie
pleinement mais l’apprentissage de la Pleine Conscience représente un investissement indéniable
pour sa mise en place en institution. La durée de séjour de trois mois serait compatible avec son
instauration en soins de suite et réadaptation en addictologie, elle conviendrait de surcroit au
fonctionnement de l’hôpital de jour « SSRA » car les groupes y sont plus stables et les
accompagnements s’effectuent sur des périodes de plusieurs mois.

La poursuite de l’accompagnement en hôpital de jour


L’hôpital de jour (HDJ) « SSRA » offre un temps mixte de réadaptation partagé entre les soins
et le retour à la vie sociale et professionnelle. Les modalités d’accompagnement sont
intéressantes car elles offrent un suivi, individuel et groupal, sur plusieurs mois. Elles permettent
de renforcer les acquis et de travailler sur les problèmes émergents.
Les suivis de Messieurs Ginsburg et Chinaski nécessiteraient une poursuite de
l’accompagnement psychomoteur pour développer respectivement la rééducation de l’équilibre et
la gestion du stress.
En outre, la rééducation d’une polyneuropathie des membres inférieurs ou d’un syndrome
cérébelleux nécessite un temps plus conséquent que la durée de séjour en SSRA. L’intégration du
patient en HDJ permet aussi d’envisager une évolution des prises en charge. Les troubles
cognitifs évoluent positivement avec la durée d’abstinence et offre la possibilité de mettre en

Discussion
78
Discussion

place des méthodes et techniques cognitivement plus complexes. Monsieur Chinaski sera
probablement plus attentif lors de séances Pleine Conscience au fil de son suivi en HDJ.
De plus, l’accompagnement demande du temps pour amener la personne au changement de
comportement et seul l’HDJ offre cette possibilité de suivi à long terme. A plus forte raison dans
le cadre l’HDJ psychiatrique, la sévérité des troubles cognitifs restreint la progression du patient
et nécessite un accompagnement à (très) long terme.
Enfin, l’admission en HDJ suppose un retour à la vie sociale. Aussi, des difficultés peuvent
apparaitre au retour à domicile (solitude, relations familiales et amicales) ou lors de la reprise de
l’activité professionnelle. L’accompagnement en hôpital de jour permet de travailler sur ses
situations afin d’adapter les compétences aux exigences et aux contraintes de ces situations.

Discussion
79
Conclusion
Ce mémoire questionne le rôle du psychomotricien au sein d’une équipe de soins et de suite
et réadaptation en addictologie. Les conséquences de la consommation chronique d’alcool
sont à l’origine de troubles neurologiques et psychoaffectifs majeurs. Elles justifient
pleinement le recours à la psychomotricité en service de soins de suite et réadaptation en
addictologie.
La pratique du bilan psychomoteur offre une expertise supplémentaire sur les plans
neuromoteur, perceptif, praxique et exécutif. De plus, il permet de constituer des données
cliniques à partir d’épreuves normées pour apprécier l’évolution et la gravité des troubles
perceptivo-moteurs. Le développement insidieux des troubles moteurs retarde leur diagnostic
qui survient avec les signes cliniques de syndromes spécifiques.
A partir de ces données cliniques, une démarche de publication scientifique peut être
envisagée, elle pallierait partiellement la pauvreté de la littérature scientifique concernant les
troubles psychomoteurs en addictologie. Il s’agirait d’un premier pas vers une validation
scientifique des pratiques psychomotrices.
Le bilan psychomoteur pourrait estimer l’efficacité de la prise en charge. Il offrirait des
indicateurs des effets de la réadaptation, en sus des effets spécifiques de la rééducation
psychomotrice. Par ailleurs, les prises en charges effectuées ont montré l’efficacité de la
rééducation psychomotrice et de nouveaux écrits seront nécessaires pour présenter les
différents axes de travail définis en partie pratique.
Le rôle du psychomotricien dans la prise en charge psychomotrice de patients atteints du
syndrome de Korsakoff est une perspective de travail parmi d’autres. Elle serait à développer
tant la symptomatologie comporte de troubles psychomoteurs.
Enfin, les nouvelles méthodes et outils de rééducation devraient à terme renforcer
l’efficacité des rééducations psychomotrices et valoriser le rôle du psychomotricien dans les
services d’addictologie.
Au-delà des enjeux scientifiques, la production de données et l’évaluation des pratiques sont
des enjeux de reconnaissance et de développement de notre profession. Ces étapes serviront le
développement de la profession de psychomotricien au sein des institutions, notamment en
addictologie.

80
Glossaire

CO-OP: Cognitive Orientation to daily Occupationnal Performance – Orientation


cognitive vers la performance de tâche quotidienne (traduction libre)

DSM V : Diagnostical and Statistical Manual of Mental Disorders Vth edition – Manuel
diagnostic et statistique des troubles mentaux Vème édition.

ETP : Education thérapeutique

GABA : Acide γ-aminobiturique

INPES : Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé

INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale

HAS : Haute Autorité de Santé

MBCT: Mindfulness-Based Cognitive Therapy – Thérapie cognitive basée sur la Pleine


Conscience

MBSR: Mindfulness-Based Stress Reduction – Réduction du stress basée sur la Pleine


Conscience

MBRP : Mindfulness-Based Relapse Prevention – Prévention de la rechuté basé sur la


Pleine Conscience

NMDA : N-Méthyl D-Aspartate

OFDT : Office Français des Drogues et Toxicomanies

SPA : Substance psychoactive

SSRA : Soins de suite et réadaptation en addictologie

TCA : Troubles des comportements alimentaires

TCLA : Troubles cognitifs liés à l’alcool

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86
Annexes

Annexes

Définition de l’addiction de Goodman I

Tableau des facteurs de la dangerosité des drogues I

Organisation institutionnelle en addictologie et présentation des autres services II

Tableau descriptif du modèle transthéorique de Prochaska & DiClemente IV

Modèle de prévention de la rechute de Witkiewitz & Marlatt V

Test de Tinetti VI

Inventaire de Beck pour l’anxiété VII

Trame des séances de Pleine Conscience VIII

Séquence des évaluations neuropsychologiques en addictologie XIV

87
Annexes

Définition de l’addiction de Goodman

La définition des addictions de Goodman, 1990

A) Impossibilité de résister aux inscriptions à réaliser ce type de comportement.


B) Sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement.
C) Plaisir ou soulagement pendant sa durée.
D) Sensation de perte de contrôle pendant le comportement.
E) Présence d'au moins cinq des neuf critères suivants :
1. Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation.
2. Intensité et durée des épisodes plus importantes que souhaiter à l'origine.
3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement.
4. Temps important consacré à préparer les épisodes, allez entreprendre, ou à s'en remettre.
5. Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires ou universitaires, familial ou social.
6. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement.
7. Perpétuation du comportement bien que le sujet sache qui cause voix grave un problème persistant ou récurrent d'ordre social, financier, psychologique ou
physique.
8. Tolérance marquée : besoin d'augmenter l'intensité ou la fréquence pour obtenir l'effet désiré, ou diminution de l'effet procuré par un comportement de
même intensité.
9. Agitation ou irritabilité en cas d'impossibilité de s'adonner au comportement.
F) Certains éléments du syndrome ont duré plus d'un mois ou se sont répétés pendant une période plus longue.

Tableau des facteurs de la dangerosité des drogues


Facteurs de dangerosité des drogues

Héroïne Alcool Tabac Cocaïne Ectasy Amphétamines Benzodiazépines Cannabis

Dépendance Très Très


Très forte Forte Faible Faible Moyenne Faible
physique forte faible

Dépendance Très Très


Très forte Forte ??? Moyenne Forte Faible
psychique forte forte

Neurotoxicité Très
Faible Forte Nulle Forte Forte Nulle Nulle
forte ?

Toxicité générale Très Très


Forte Forte Forte Forte Très faible Très faible
forte forte ?

Dangerosité
Très forte Forte Nulle Très forte Faible ? Faible Faible Faible
sociale

Tableau récapitulatif issu du rapport du professeur Roques64

64
(Valleur & Matysiak, 2002, p. 105)

I
Annexes

Organisation hiérarchique des institutions en addictologie

La présentation du centre nécessite d’appréhender l’organisation institutionnelle des soins


en addictologie. La sectorisation en addictologie ne correspond pas tout à fait à celle de la
psychiatrie. Le service de soins de suite et réadaptation en addictologie (SSRA) est intégré au
sein d’un centre de niveau 2.

L’organisation institutionnelle

Les unités sont hiérarchisées en fonction de leur importance selon trois niveaux.
Les structures de niveau 1 sont des structures de proximité dont les missions sont le sevrage
ambulatoire, les consultations et la liaison avec les structures de niveau 2 et 3.
Les structures de niveau 2 sont des structures hospitalières offrant des soins résidentiels.
Elle couvre un territoire d’environ 500 000 habitants. Une équipe soignante est présente en
continu. Leurs missions sont d’assurer les soins résidentiels complexes, les soins de suite et
réadaptation et les hospitalisations de jour.
Enfin, les structures de niveau 3 sont des structures de recours régional dont les missions
sont étendues. Elles comprennent l’organisation des soins simples aux soins complexes, ainsi
que des missions d’enseignement et de recherche.

Les services de cure et l’hôpital de jour

Le centre dispose de deux services de cure, chacun dispose de 25 lits. L’objectif de la cure
est le sevrage d’alcool. Lors de son sevrage, le patient est hospitalisé et la durée de cure est de
quatre semaines. Les sevrages en milieu hospitalier spécialisés sont indiqués pour les motifs
suivants : présence de pathologies psychiatriques associées, de troubles cognitifs, de
pathologies somatiques graves, d’antécédents d’accidents de sevrage ou lors d’échecs des
sevrages ambulatoires. Ces services sont des services psychiatriques car le sevrage nécessite
une prise en charge renforcée en raison des complications neurologiques et psychiatriques
(crises d’épilepsie, crise de délirium tremens…). L’admission s’effectue selon les trois
modalités d’admission en psychiatrie, à savoir l’hospitalisation libre, l’admission en soins
psychiatriques à la demande du représentant de l’Etat (ASPDRE65) ou à la demande d’un tiers

65
ASPDRE : Admission en Soins Psychiatriques à la Demande d’un Représentant de l’Etat

II
Annexes

(ADPDT66). La modalité est importante à prendre en compte pour les soins car elle induit une
motivation du patient plus ou moins forte dans le projet thérapeutique.
L’hôpital de jour « SSRA »67 permet de poursuivre l’accompagnement des patients, en
particulier ceux habitant le territoire. Il dispose de dix places et propose des activités
thérapeutiques, un suivi diététique, psychologique et médical sur l’ensemble de la semaine.
L’hôpital de jour psychiatrique offre la possibilité de poursuivre les soins pour des patients
disposant de troubles cognitifs majeurs, il s’agit notamment d’une structure orientée pour
l’accueil des patients atteints du syndrome de Korsakoff. Sa capacité d’accueil est de cinq
places.

66
ASPDT : Admission en Soins Psychiatriques à la Demande d’un Tiers
67
Il est nommé SSRA pour le distinguer de l’HDJ psychiatrie.

III
Annexes

Tableau descriptif du modèle transthéorique de Prochaska &


DiClemente68

Stade Caractéristiques Comportements et attitudes Interventions

Pré-contemplation Absence de reconnaissance du Responsabilité mise sur autrui, Faire prendre conscience des méfaits
problème et de ses banalisation du problème, passivité, causés par la consommation, proposer des
conséquences opposition et argumentation en cas de liens entre la consultation et la
discussion consommation problématique, rappeler le
libre choix, semer le doute

Contemplation Stade de l’ambivalence, Reconnait peu à peu les difficultés mais Echanger sur les avantages et les
reconnaissance progressive des demeure ambivalent, cherche à considérer inconvénients d’un changement ou d’un
difficultés, engagement au les avantages et les inconvénients, statut quo, faire référence aux situations
changement peu présent tentatives pour comprendre. passées.

Préparation Prise de décision en direction Prêt à changer la consommation, réfléchit Soutenir l’exploration des actions à
du changement, préparation des à des moyens concrets entreprendre, proposer des stratégies
actions à mener concrètes.

Action Recherche active des modalités S’engage dans l’action, plusieurs Aider et soutenir le changement, renforcer
de changement, mise en œuvre stratégies de changement, amélioration de le sentiment d’efficacité personnelle.
des actions la confiance envers soi

Maintien Capacité à maintenir les Consolidation des changements réalisés, Planifier des stratégies de prévention de la
changements réalisés amélioration de l’estime de soi rechute

68
Tableau adapté d’Acier, 2012, p.76

IV
Annexes

Modèle de prévention de la rechute de Witkiewitz &


Marlatt, 200469

69
Cungi C. (2012), TCC et prévention de la rechute, Intervention lors des 2èmes journées d’addictologie de
Poitou-Charentes. P.7. http://leia2.univ-poitiers.fr/files/ps1338494328.pdf

V
Annexes

Test de Tinetti70

Un test donnant une valeur égale ou supérieure à 18 est considéré comme à risque de chute
1: Equilibre
Equilibre 3: Equilibre partiellement compensé
3: Equilibre franchement anormal
Assis droit sur une chaise 1 2 3
Levé de chaise 1 2 3
Equilibre debout s’être levé de chaise 1 2 3
Equilibre debout, les yeux ouverts, les pieds joints 1 2 3
Equilibre debout les yeux fermés, les pieds joints 1 2 3
Tour complet sur lui-même 1 2 3
Résistance à 3 poussées successives vers l’arrière 1 2 3
Equilibre après avoir tourné la tête à droite puis à gauche 1 2 3
Equilibre sur une seule jambe pendant au moins 5 secondes 1 2 3
Equilibre en hyperextension de la tête 1 2 3
Attraper un objet au plafond 1 2 3
Ramasser un objet au sol 1 2 3
Equilibre quand patient se rassied 1 2 3

1 : Marche normale
Marche
2 : Marche anormale
Initiation de la marche 1 2
Hauteur du pas (à droite et à gauche) 1 2
Longueur du pas (à droite et à gauche) 1 2
Symétrie des pas 1 2
Régularité de la marche 1 2
Capacité à marche en ligne droite 1 2
Virage en marchant 1 2
Stabilité du tronc 1 2
Espacement des pieds 1 2

70
Adapté de : Collège Français des enseignants universitaire en Médecine Physique et de Réadaptation,
http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/ECH.1.7.2.Tinetti.pdf

VI
Annexes

VII
Annexes

Trame des séances de Pleine Conscience


Je présente ici la trame sur laquelle je m’appuie pour effectuer mon propos lors des séances.
Il s’agit bien d’un support à partir duquel je construis les phrases du propos. Les sauts de ligne
indiquent des moments de silence prolongés.

Séance 1 : Suivre sa respiration


Doucement, après avoir adopté posture confortable et fermé yeux
Prendre conscience souffle71,
Des mouvements de la respiration
Inspiration,
Expiration

Laisser souffle aller-venir


Se contenter de l’observer,
De l’accompagner
Lui laisser toute la place,
L’espace

Observer poitrine, ventre vont-et-viennent sous l’effet respiration

Observer mouvement air entrer dans corps


Puis sortir dans corps
Ressentir passage air dans nez-gorges-début des bronches
Observer différences température entre air inspiré et expiré

Imaginer air entre dans corps tout entier


Parcourir torse, jambe, bras
Au moment, expiration – air sort de tout le corps
Sort des bras, jambes, torse
Observer mouvement tout corps au grès du souffle
Ressentir tout le corps respirer

Ne pas chercher à respirer d’une certaine façon


Laisser juste le souffle exister,
Le corps respirer comme il veut
Laisser faire, lâcher prise

Si pensée survient, ne pas s’en vouloir,


Ne pas se le reprocher
Phénomène normal, nous avons tous cette difficulté
Lorsqu’on s’aperçoit, en prendre conscience de ne plus être dans souffle
Sourire et revenir dans souffle
Revenir à sa respiration, 10/100/1000 fois

71
Les passages surlignés sont ceux considérés comme pertinents pour l’apprentissage autonome de M.
Chinaski

VIII
Annexes

Aller-retour entre souffle et pensée  cœur pratique pleine conscience.

Amener conscience sur chaque respiration une après autre


La plus importante est celle qui arrive maintenant
Lâcher la précédente,
Ne pas penser à la prochaine
Etre dans sa respiration,
Respiration après respiration

Lorsque cloche sonnera,


Quitter doucement exercice
Ne quitterait pas mon souffle
Reviendrait à mon souffle pour se sentir respirer,
Se sentir exister

Séance 2 : Prendre conscience de son corps


Prendre un moment pour s’ouvrir au souffle
Me concentrer sur le souffle et ses mouvements

Tourner attention sur son corps

Prêter attention à l’ensemble du corps

De la position du corps,
Le dos aussi droit que possible, sans raideur
Laisser les reins se creuser légèrement
Les épaules s’ouvrir
La nuque et la tête droite et digne

Laisser les mains posés sur les cuisses de la manière qui leur convient
Ressentir les doigts, les mains, les bras
Prendre le temps de vraiment les ressentir
Du mieux que je peux, je me mets à l’écoute de ce que je ressens
Qu’il y ait beaucoup ou peu à ressentir

De la même façon, prendre conscience de ses jambes


Ressentir les orteils, les pieds, les mollets, les cuisses

Puis prêter attention aux sensations dans le bas ventre


Dans le ventre, dans la poitrine, le cœur

Prendre conscience de son dos


De tout le dos
Des reins jusqu’aux épaules et nuque
Puis tourner attention vers le visage
Prendre conscience des muscles des mâchoires, des lèvres, des paupières, du front, de toute
la tête.

Maintenant j’ai conscience de tout mon corps

IX
Annexes

Conscience globale de tout le corps,


Présent dans l’instant présent
Qui respire tranquillement

Si pendant exercice, douleur ou inconfort liée à posture capture attention


Prendre le temps d’observer avant de réagir
A quel endroit dans le corps ? fixe ou changeant ?
Que se passe-t-il si j’amène mon attention à cet endroit ?
Quelles pensées ces sensations désagréables amènent à mon esprit ?

Prendre conscience de tout cela


Puis décider en pleine conscience de ce que je fais maintenant
Bouger, me gratter, arrêter l’exercice
Ou bien continuer tranquillement en laissant l’inconfort dans un coin de ma conscience

Laisser mon attention parcourir tout mon corps


Des pieds à la tête
A mon rythme
Certains jours, je prends le temps, plaisir à aller doucement
D’autres jours, je vais plus vite

Quand la cloche sonnera, quitter doucement l’exercice


Mais ne quitterais pas mon corps
J’y reviendrais par moment
Au sein même de toute activité
Pour l’écouter, le ressentir et prendre soin de lui

Séance 3 : Accueillir les sons


Prendre un moment pour se relier à son souffle
Puis prendre conscience ensemble du corps
Tel qu’il est, ici et maintenant

Laisser son corps respirer


Se mettre à l’écoute de l’ensemble des ressentis
Puis, doucement, accueillir les sons
Tous les sons alentour
Prendre conscience bain sonore
Bain constant de bruits qui arrive à nos oreilles

Certains bruits semblent agréables


Chants oiseaux, les vagues, la musique

D’autres semblent désagréables


Sonnerie de téléphone, bruit de moteur, voix trop forte

Qu’il soit agréable ou désagréable, les bruits sont là


Ils parviennent à ma conscience
Alors les accueillir, sans se raidir, se réjouir
Juste parce qu’ils sont déjà là, quelque soit jugement sur eux

X
Annexes

Les sons qui surviennent pendant exercice sont à l’image des évènements qui surviennent
dans vie
Parfois agréable, parfois non
Ne peux pas empêcher certains sons désagréables d’être là
Comme ne peux empêcher certains évènements désagréables de survenir

Je peux en revanche y répondre autrement que par agacement, détresse


Alors les accueillir à l’esprit les bruits, les sons
Les accueillir pour se relier au monde

Même si compliqué ou douloureux comme la réalité


La Pleine conscience permet d’établir un lien lucide et pacifié avec réalité
L’accueil des sons permet d’apprendre à accepter ce lien lucide et pacifié

Je peux observer la difficulté d’accueillir les sons


Sans les associer à une pensée, une image
Alors dès prise de conscience de départ dans les pensées
Revenir au son lui-même

Il y a aussi les silences entre les sons


Prendre conscience de leur présence
Prendre les sons juste pour ce qu’ils sont

En quittant exercice, je ne quitte pas les sons


J’y reviendrai régulièrement dans la journée
J’écouterai les sons au sein même des mes activités
J’écouterai le murmure des lieux
Pour écouter le moment présent

Séance 4 : Se détacher de ses pensées


Porter son attention à son souffle
Puis prendre conscience de l’ensemble de son corps
Des sensations présentes en ce moment

Puis doucement, accueillir dans la conscience tous les sons alentour


Laisser son corps respirer, ressentir, écouter
Encore et encore

A un moment, inéluctablement
Départ vers les pensées
Vagabondage de la pensée = normal,
Pas un signe d’échec,
Pas signe à supprimer

Bavardage de l’esprit est phénomène normal, habituel


Tellement habituel que je l’oublie
Au point de le confondre avec la réalité

XI
Annexes

Pleine Conscience permet observation de ce phénomène


Recul par rapport au bavardage de mon esprit

Dès impression départ vers les pensées


Dès que plus présent dans instant présent
Mais dans rumination, planification, organisation, jugement
Alors retour à soi, à l’instant présent, au souffle

Le vagabondage de l’esprit = pas un problème


Occasion de comprendre et travailler
Quand je vois départ exercice pour pensée
Je suis déjà retour dans exercice
Car prise conscience de la sortie
 Base de la Pleine Conscience

Certaines pensées, émotions si puissantes, convaincantes


Confondues dans réalité elle-même
Et réaction comme si c’était vrai
Corps et Cœur réagissent comme si vrai
Et créé souffrance

Mais souvent pensées et émotions me trompent


Pratique Pleine Conscience permet observer les pensées
Comme des nuages qui apparaissent et disparaissent

Après exercice, garder rapport amical de curiosité, bienveillance, prudence envers pensées
Les automatismes des pensées peuvent me tromper
Veiller à rester plus conscient de cela

Séance 5 : S’ouvrir à l’expérience de l’instant présent


Du mieux que possible, rester présent à tout ce qu’il se passe
Tout au long de l’exercice

Prendre conscience position du corps


Permettre au dos d’être aussi droit que possible
Sans raideur
Laisser les reins se creuser légèrement
Les épaules s’ouvrir tranquillement
La nuque et tête, rester droite et digne

Puis prendre doucement conscience du souffle


Des mouvements de la respiration
Observer poitrine et ventre aller et venir sous effet souffle
Observer mouvement air entrer et sortir du corps
Ressentir le passage de l’air dans le nez, gorge, début des bronches peut-être
Observer différence température entre air inspiré plus frais, air expiré plus tiède

Ressentir la respiration aller et venir dans tout le corps


Réaliser que tout le corps respire

XII
Annexes

Doucement pour un moment, tourner toute sa conscience vers les sons alentour
De l’environnement sonore, du bain de bruits
Certains paraissent agréables, d’autres désagréables
Qu’ils soient agréables ou désagréables, ils sont là
Ils arrivent à la conscience
Les accueillir
Sans se raidir, se réjouir, sans jugement

Conscience de la respiration
Conscience du corps
Conscience des sons

A un moment, Réalise que sortie de l’exercice


Mais dans pensée
Attention refermée sur pensées, émotions, images, douleurs
En prendre conscience
L’observer et associer pensées, émotions, images
Au souffle, aux sensations, aux sons
Pour tout accueillir

Ne rien rechercher autre que d’être présent, conscient, vivant


Instant après instant
Respiration après respiration

Rester là sans attente, sans jugement


A ressentir
A ressentir

Ressentir la vie ici et maintenant

En quittant exercice, ne quitterait pas instant présent


Y reviendrait doucement, régulièrement au sein de toute activité
Me tournerait vers l’instant présent comme un refuge

XIII
Annexes

Séquences d’évaluations neuropsychologiques en addictologie72

72
(Collège Profesionnel des Acteurs de l'Addictologie Hospitalière, 2014)

XIV
Résumé

Qu’est la différence entre une addiction, une dépendance et une toxicomanie ?


Quels en sont les troubles psychomoteurs ?
Il est parfois difficile de se repérer dans la terminologie utilisée en addictologie. La pratique
de la psychomotricité intègre progressivement ce champ médical où la littérature scientifique
est encore restreinte vis-à-vis des troubles psychomoteurs rencontrés. Aussi, une confusion
demeure concernant les domaines de compétences et les axes de travail du psychomotricien.
Ce mémoire propose de questionner le rôle du psychomotricien lors de son intégration au
sein d’un service de réadaptation spécialisé en alcoologie. Ainsi, la réflexion s’est portée sur
l’intérêt du bilan psychomoteur dans l’évaluation des compétences du patient, et les apports
de la rééducation psychomotrice dans le processus de réadaptation.

Mots clés : Rééducation psychomotrice, bilan psychomoteur, alcoolo-dépendance, service


de soins de suite et réadaptation en addictologie, gestion du stress.

Abstract

What is the difference between an addiction and a dependence?


What are the psychomotor disorders related to addiction or a dependence?
Sometimes, it seems hard to define the words used in addictology. The use of psychomotor
therapy in this medical field is getting more and more popular, despite the lack of scientific
references on psychomotor disorders. Thus, the field of expertise of the psychomotor therapist
and his working axis have no clear definition.
This document will question the role of the psychomotor therapist in the context of
addictology rehabilitation service. It will describe the interest of psychomotor assessment and
therapy in the rehabilitation process.

Keywords: Psychomotor therapy, psychomotor assessment, alcohol-dependence, alcohol


rehabilitation service, stress management

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