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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 14-768

Adamantinome
O Ricart
JM Guinebretière

Résumé. – L’adamantimone est une tumeur maligne rare (0,4 % des tumeurs osseuses malignes), à
croissance lente, de nature mésenchymateuse et épithéliale, qui se développe dans la diaphyse des os longs,
typiquement au tibia (80 % des cas) et plus fréquemment chez l’adulte jeune de sexe masculin. L’atteinte
tumorale est essentiellement diaphysaire, plus rarement métaphysaire, quasiment jamais épiphysaire. La
clinique est réduite à une sensibilité locale ou à la palpation d’une tuméfaction. La radiographie montre une
image ostéolytique bien circonscrite uni- ou plus souvent plurigéodique se développant dans la médullaire ou
en intra- ou sous-cortical dont les contours sont nets, cernés par une zone d’ostéosclérose. L’étude de tout le
segment osseux au mieux par imagerie par résonance magnétique ou éventuellement par tomodensitométrie
est indispensable. L’histologie, à partir d’une biopsie large, retrouve des îlots épithéliaux caractéristiques qui
peuvent êtres rares au sein d’un abondant tissu fibreux. L’évolution spontanée de l’adamantinome est très
lente, surtout locale, les métastases essentiellement pulmonaires sont d’apparition tardive. Une exérèse
chirurgicale précoce et complète apparaît le seul gage d’une guérison définitive, mais pose le problème de la
reconstruction diaphysaire. Le problème épineux de cette pathologie reste le diagnostic différentiel avec
l’ostéofibrodysplasie, car celle-ci ne demande qu’une simple surveillance, à l’inverse de l’adamantinome qui,
lui, relève d’un traitement très agressif.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : adamantinome, ostéofibrodysplasie, tumeur osseuse maligne, tibia, ostéolyse.

Introduction ÉPIDÉMIOLOGIE. FRÉQUENCE. ÂGE. SEXE


Il s’agit de l’une des tumeurs les plus rares du squelette. À ce jour,
environ 300 cas ont été décrits dans la littérature internationale.
L’adamantinome est une tumeur osseuse maligne d’évolution lente Cette tumeur représente 0,4 % des tumeurs osseuses malignes dans
de l’adulte jeune, intéressant typiquement la diaphyse tibiale. la série de la Mayo Clinic [4, 18, 21].
L’histogenèse reste mystérieuse et l’aspect anatomopathologique est L’adamantinome est une tumeur de l’adulte jeune, mais peut se voir
schématisé par une prolifération cellulaire épithéliale polymorphe à tout âge. La grande majorité des cas survient entre 10 et 35 ans, et
(formes basaloïdes, tubulaires, fusocellulaires, squameuses et les il faut noter une augmentation récente des cas observés chez l’enfant
formes « pseudo-ostéofibrodysplasiques ») au sein d’un tissu fibreux avant 10 ans, rapportée par Moon [21] en 1994.
ostéogénique. Ces îlots épithéliaux, disposés en « palissades », Les deux sexes sont touchés avec une fréquence plus élevée chez
évoquent l’émail dentaire, à l’origine du terme d’« adamantinome l’homme. Dans une revue récente de la littérature, Moon [21]
primitif du tibia » utilisé par Fisher [10] en 1913 pour décrire retrouvait 148 hommes et 112 femmes (60 % d’hommes contre 40 %
initialement cette tumeur, empruntant cette dénomination aux de femmes) sur 260 cas répertoriés.
tumeurs maxillaires.
ÉTIOLOGIE
Un antécédent traumatique (fracture, contusion, hématome, plaie,
TERMINOLOGIE piqûre) est souvent rapporté (50 à 60 %) [1, 4]. Cette fréquence peut
être considérée comme fortuite mais elle va de pair avec la
Les premiers cas ont été rapportés dans la littérature sous les termes
localisation préférentielle au tibia (os sous-cutané exposé aux
d’endothéliome, d’épithélioma primitif, de synovialome osseux, traumatismes). D’autre part, la fréquence de l’atteinte tibiale et des
d’angioblastome malin et d’épithélioma adamantin. Ces autres os sous-cutanés comme la fibula ou l’ulna est en faveur de
dénominations ne doivent plus être utilisées. Les tumeurs des l’origine épithéliale de la tumeur par un mécanisme d’inclusion
maxillaires sont maintenant nommées « améloblastomes » et ont des épithéliale post-traumatique [ 4 ] . L’immunohistochimie et la
aspects cliniques et histologiques différents de celles des os longs microscopie électronique plaident également pour cette hypothèse
auxquelles on réserve le nom d’adamantinome. La terminologie [1, 15]
.
anglo-saxonne utilise le terme d’adamantinoma. Il n’en reste pas moins que l’histogenèse reste controversée : les
origines endothéliales ou synoviales ne semblent plus retenues,
l’hypothèse d’un développement à partir d’une cellule totipotente
Olivier Ricart : Chirurgien orthopédiste, ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris, clinique Ambroise ou embryonnaire a été évoquée [4, 15].
Paré, 21, route de Guentrange, 57100 Thionville, France.
Jean-Marc Guinebretière : Anatomopathologiste, institut Gustave Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, Les rapports de l’adamantinome avec l’ostéofibrodysplasie, décrite
94805 Villejuif cedex, France. en 1981 par Campanacci [6], sont indéniables, fréquemment rapportés

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricart O et Guinebretière JM. Adamantinome. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-768, 2001,
7 p.
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1 A. Adamantinome de la diaphyse tibiale.


B. Coupe scanographique axiale du tibia.
C. Traitement par résection, autogreffe et enclouage.

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dans la littérature récente et suscitent des interprétations tuméfaction à évolution très lente est fréquente au tibia et amène le
controversées. Vingt-cinq cas ont été rapportés par Czerniak [8]. Les patient à consulter. Le délai entre l’apparition des symptômes et le
deux affections peuvent coexister ou se succéder chronolo- diagnostic est souvent très long, habituellement plusieurs années.
giquement. Le diagnostic à l’occasion d’une fracture pathologique est plus rare.
Les auteurs restent partagés entre deux hypothèses. La première Le bilan biologique est normal, y compris les constantes de
selon laquelle ces deux lésions correspondraient à des stades l’inflammation et le bilan phosphocalcique.
différents d’une même entité et la deuxième selon laquelle
l’ostéofibrodysplasie n’évoluerait pas vers l’adamantinome. À
l’heure actuelle, la notion d’adamantinome « différencié » à forme Étude radiologique
ostéofibrodysplasique (osteofibrous dysplasia-like structure des Anglo-
Saxons) est acceptée par la majorité des auteurs [5, 12, 16, 28, 30, 31, 32] et
pourrait représenter une forme quiescente, dégradée, ou un mode RADIOLOGIE STANDARD
de guérison de l’adamantinome « classique ». Interpréter ces lésions La radiographie montre une image ostéolytique bien circonscrite
impose l’exploitation d’un prélèvement chirurgical de bonne qualité, uni- ou plus souvent plurigéodique se développant dans la
une étude microscopique attentive et une analyse immunohisto- médullaire (en position centrale ou excentrée) ou en intra- ou sous-
chimique complémentaire. cortical. Les contours de cette ostéolyse sont nets, cernés par une
zone d’ostéosclérose (fig 1A, 2A, 3A). La corticale est souvent
amincie, sans être franchie, cependant les formes évoluées se
Localisation présentent avec une rupture corticale, un envahissement des parties
molles (fig 3A, 3B) et très rarement une réaction périostée [11, 33].
LOCALISATION SUR LE SQUELETTE Les images géodiques peuvent être nombreuses et reliées entre elles
La localisation essentielle est tibiale dans 80 à 85 % des cas par une ostéocondensation donnant l’impression d’une ostéolyse
[3, 4, 6, 15, 18, 25]
. D’autres localisations ont été décrites par ordre de cloisonnée ; dans d’autres cas, les géodes sont situées à distance de
fréquence décroissante : humérus (6 %), ulna (4 %), fibula (3 %), la lacune principale, mais il existe une continuité tumorale
fémur (3 %), radius (1 %). Quelques localisations exceptionnelles au histologique.
bassin, au rachis [24], aux côtes et aux os du carpe et du tarse ont été Le siège diaphysaire au tibia, la lenteur d’évolution et les images
également rapportées, ainsi que des localisations multiples. radiologiques évoquent le diagnostic, mais celui-ci n’est confirmé
que par la biopsie.
Ailleurs, l’aspect évoque un fibrome non ossifiant (surtout si le siège
LOCALISATION SUR L’OS est cortical et métaphysaire), un fibrome ossifiant (lacune unique,
L’atteinte tumorale est essentiellement diaphysaire, plus rarement polycyclique, floconneuse) ou une dysplasie ostéofibreuse [2].
métaphysaire [3], quasiment jamais épiphysaire. Le développement
est médullaire puis cortical, les localisations périostées et
TOMODENSITOMÉTRIE ET IMAGERIE
juxtacorticales sont plus rares. PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
L’atteinte de l’ensemble du segment osseux est possible, l’extension L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la tomodensitométrie
à l’articulation de voisinage également, ainsi qu’aux parties molles. (TDM) font partie des examens nécessaires à l’appréciation de
l’extension tumorale locale au stade préopératoire ou en cas de
récidive locale après un premier traitement chirurgical. Cependant,
Étude clinique l’IRM (fig 3B) est un examen plus contributif car il étudie d’emblée
l’ensemble du segment osseux et donne des renseignements plus
Les signes cliniques sont réduits à une sensibilité locale, quelquefois précis que la TDM sur l’étendue de la lésion dans l’os et sur
accompagnée de douleurs plus vives. La palpation d’une l’éventuel envahissement des parties molles [11, 33, 34].

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2 A. Adamantinome étendu de la diaphyse tibiale. D. Épaississement progressif et très lent de la greffe.


B. Pièce de résection : noter les géodes intramédullaires. E. Aspect du tibia 14 ans après l’intervention initiale.
C. Résection diaphysaire subtotale et reconstruction par péroné vascularisé
et fixateur externe.

L’étude de tout le segment osseux en TDM est nécessaire, avec des Anatomie pathologique
coupes jointives millimétriques qui peuvent mettre en évidence une
lésion à distance de la tumeur principale sous forme d’une discrète
image corticale, invisible sur les clichés standards (fig 1B). Le bilan GÉNÉRALITÉS
TDM permet, avec des coupes axiales et des reconstructions Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’adamantinome
sagittales, de préciser une effraction tumorale corticale ou un est « une tumeur maligne ou au moins d’agressivité locale,
envahissement des parties molles ainsi que les rapports avec les caractérisée par une grande variété d’aspects morphologiques
nerfs et les vaisseaux après injection [11, 33, 34]. différents, le plus fréquemment des massifs bien limités et des tubes
L’IRM montre une lésion intramédullaire en hyposignal en formés de cellules épithéliales, entourés par un tissu fibreux » [27].
pondération T1 et en hypersignal en pondération T2. La prise de C’est pratiquement le seul exemple de tumeur osseuse primitive qui
contraste (gadolinium) de la tumeur témoigne de l’importance de la soit constituée par des cellules à différenciation épithéliale.
vascularisation tumorale. Les coupes axiales et sagittales permettent La biopsie ne fait généralement que confirmer le diagnostic
également d’étudier le développement tumoral dans l’os et de d’adamantinome, fortement suspecté par la présentation clinique,
démasquer des lésions à distance de la lésion principale. Enfin, les l’âge et la localisation, ainsi que l’aspect radiographique. L’analyse
limites tumorales dans les parties molles, en particulier le tissu sous- de la pièce d’exérèse précise l’extension de la tumeur et surtout la
cutané (fig 3B), peuvent être appréciées finement [11, 33, 34]. qualité de la résection.

BIOPSIE
Bilan d’extension
La voie d’abord doit être choisie avec soin pour que les tissus
traversés puissent être excisés aisément lors de l’exérèse définitive.
Le bilan d’un adamantinome non traité est local. Il faut préciser au
mieux les limites tumorales car autant l’exérèse totale en tissu sain Malgré la rareté de cette tumeur et la présence de nombreuses
est efficace, autant la chirurgie intratumorale ou marginale est vouée variétés histologiques différentes, son diagnostic microscopique est
à l’échec en raison de récidives précoces multiples dont l’exérèse généralement facile, à quelques exceptions près. Elle associe des
carcinologique est de plus en plus difficile. amas de cellules de nature épithéliale, caractéristiques de cette
tumeur (composante épithéliale) à un tissu fibreux hyalin et de l’os
L’étude de tout le segment osseux, au mieux par IRM ou néoformé (composante mésenchymateuse) (fig 4A).
éventuellement par TDM, est indispensable, ainsi que nous l’avons
La composante dite mésenchymateuse est cellulaire, faite d’éléments
décrit (cf supra).
fusiformes de type fibroblastique, réguliers et à faible activité
Par principe, le bilan radiologique initial doit comporter un cliché mitotique, élaborant une abondante substance hyaline. Le tissu
pulmonaire. osseux prédomine à la périphérie de la tumeur, constitué d’un os
L’évolution spontanée de l’adamantinome est très lente et les souvent non lamellaire agencé en « travées » irrégulières bordées
métastases d’apparition tardive. Celles-ci sont essentiellement d’ostéoblastes, images semblables à celles de l’ostéofibrodysplasie.
pulmonaires [7, 9, 20], osseuses et ganglionnaires. Le bilan d’extension La composante épithéliale, indispensable à l’identification de cette
générale doit s’attacher à les rechercher : clichés du squelette entier, tumeur, prend différents aspects selon l’agencement et la
scintigraphie osseuse, TDM thoracique et, éventuellement, morphologie des cellules à l’origine des variantes histologiques
lymphographie du membre atteint. individualisées. Si leur différenciation épithéliale est généralement

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3 A. Adamantinome évolué (ulcéré à la peau).


B. Aspect en imagerie par résonance magnétique sagittale : noter l’envahissement des tissus cutané et sous-cutané.
C. Aspect macroscopique de la résection.
D. Résection et reconstruction par allogreffe massive intercalaire diaphysaire, clou centromédullaire et greffe inter-
tibiopéronière aux deux extrémités de l’allogreffe. Un lambeau de soléaire a été nécessaire pour reconstruire la perte
de substance cutanéomusculaire.

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aisément reconnaissable en histologie, celle-ci peut, dans les cas Tableau I. – Principales formes histologiques de l’adamantinome par
difficiles, être confirmée par les colorations immunohistochimiques, ordre de fréquence.
positivité pour la cytokératine [14] et pour l’EMA (fig 4B) et par la
microscopie électronique, présence de desmosomes et de - Basaloïde
tonofilaments [26]. Comme l’importance respective des différentes - Tubuleuse
- Fusiforme
composantes varie d’un patient à l’autre et d’un secteur à l’autre de
- Juvénile ou différenciée
la tumeur, le prélèvement biopsique doit être abondant, pratiqué - Épidermoïde
dans une zone plurigéodique associant médullaire et corticale,
compte tenu de ce que les îlots épithéliaux caractéristiques peuvent
être rares au sein de l’abondant tissu fibreux.
soient souvent associées, l’une d’entre elles, généralement,
prédomine (tableau I).
DIFFÉRENTES FORMES HISTOLOGIQUES
ET SIGNIFICATION Le plus souvent, les cellules épithéliales sont cubiques ou
Selon la morphologie et la disposition des cellules épithéliales, cylindriques et forment de larges plages de taille et de forme variées
différentes formes histologiques sont distinguées [8, 34]. Bien qu’elles (forme basaloïde).

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4 A. L’adamantinome est constitué de massifs, de plages et de quelques tubes, for- C. Les cellules épithéliales sont régulières, avec de rares images de mitose. De forme
més de cellules épithéliales, disposés dans un abondant tissu hyalin riche en fibro- cubique et cylindrique, elles réalisent en périphérie des placards, un aspect
blastes (forme basaloïde). Ils sont entourés par un tissu fibreux hyalin. Coloration de « palissade ». Coloration HES × 400.
HES × 100. D. La tumeur peut être constituée de cellules fusiformes agencées en longs « faisceaux »
B. Les placards tumoraux sont fortement marqués par la cytokératine (KL1) évoquant davantage un sarcome qu’un adamantinome dans ces secteurs (même patient
confirmant leur différenciation épithéliale. Grossissement × 400. que figure 4A). Coloration HES × 200.

Elles peuvent aussi se disposer autour de lumières optiquement Enfin, les cellules peuvent prendre une maturation épidermoïde
vides ou contenant parfois un matériel éosinophile (forme allant parfois jusqu’à l’élaboration de lamelles de kératine (forme
tubuleuse) (fig 4C). Cette forme pose le problème du diagnostic épidermoïde).
différentiel avec une métastase d’un adénocarcinome. Le jeune âge L’évolution serait liée au type histologique : ainsi, les variantes
du patient et la localisation tibiale permettent de rétablir le juvénile et épidermoïde seraient de meilleur pronostic,
diagnostic. L’étude immunohistochimique peut être utile. La s’accompagnant plus rarement de récidive locale et de
cytokératine est en fait constituée d’une vingtaine de protéines (ck) disséminations métastatiques [8, 18].
classées selon leur poids moléculaire. Leur présence varie selon la
différenciation ou la nature du tissu d’origine. Ainsi l’adamantinome PIÈCE DE RÉSECTION
exprime pratiquement toujours les ck19 et ck14, alors que la plupart La tumeur forme une masse bien limitée, constituée de multiples
des métastases de carcinomes expriment les ck8 et ck18 [14]. nodules grisâtres ou rosés, et de cavités kystiques parfois
Les cellules épithéliales, lorsqu’elles sont allongées ou fusiformes, volumineuses, à contenu clair ou hémorragique (fig 2B, 3C). La
se groupent en « faisceaux » (fig 4D), pouvant en imposer pour un lésion, souvent unique, peut comporter à distance de petits nodules
sarcome et notamment un synovialosarcome puisque celui-ci satellites. L’analyse de la pièce permet de déterminer la taille de la
exprime aussi les marqueurs épithéliaux, mais la localisation osseuse tumeur qui dépasse habituellement 4 cm, sa localisation et ses
primitive de la lésion permet de redresser le diagnostic (forme rapports avec la corticale, souvent amincie au niveau de la tumeur
fusiforme) (fig 4D). parfois franchie avec extension dans les parties molles, alors qu’elle
est élargie à distance. L’évaluation de la qualité d’exérèse exige la
Le tissu fibreux et l’ostéoformation peuvent prédominer et constituer réalisation par le pathologiste de nombreux prélèvements sur la
la presque totalité de la tumeur, mais l’analyse microscopique pièce, et l’encrage des berges. Cela permet ainsi de définir la distance
attentive, aidée de différents niveaux de coupe et surtout de minimale entre la tumeur et la limite chirurgicale la plus proche,
colorations immunohistochimiques, permet de détecter la présence exprimée en millimètres, et la nature du tissu (muscle, graisse,
de petits massifs épithéliaux (forme juvénile ou différenciée) [8]. Cette périoste, etc) qui les sépare.
forme mime presque parfaitement une dysplasie fibreuse ou une La qualité d’exérèse de la tumeur permet d’apprécier le risque de
ostéofibrodysplasie [28]. À l’inverse des autres types, elle s’observe récidive locale mais surtout la survie. En effet, les disséminations
surtout chez le jeune enfant avant 10 ans. métastatiques surviennent exceptionnellement après une exérèse

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initiale satisfaisante, mais dans leur grande majorité si l’exérèse a est faite à l’occasion d’une récidive locale. Il convient donc, devant
été incomplète, les récidives multiples et les gestes chirurgicaux toute ostéofibrodysplasie avérée, de rechercher un adamantinome et
nombreux [22]. de surveiller régulièrement le patient ; devant tout signe
d’évolutivité, une nouvelle biopsie est réalisée.

Diagnostic différentiel
Orientations thérapeutiques
Les tumeurs ayant des aspects radiologiques voisins de et traitements
l’adamantinome sont les suivantes : le fibrome ossifiant et le fibrome
non ossifiant (cortical defect) dont le siège est plutôt cortical et Le traitement de l’adamantinome est chirurgical, par une résection
métaphysaire. L’ostéofibrodysplasie est le diagnostic différentiel large emportant la zone de biopsie et dont les limites doivent être
principal au tibia, il est d’autant plus difficile que les deux lésions situées en tissu sain [4, 13].
peuvent se succéder ou coexister. L’adamantinome a un Le curetage n’a pas de place dans le traitement, car il s’est soldé
développement plus localisé que l’ostéofibrodysplasie, celle-ci trop souvent par des récidives locales dont l’exérèse s’avère
remodelant tout le segment osseux de l’adolescent ou de l’enfant [2]. extrêmement difficile sans recourir à l’amputation.
Seule l’histologie tranche entre l’ostéofibrodysplasie,
L’exérèse radicale primaire par amputation amène régulièrement la
l’adamantinome et les formes frontières « pseudo-ostéo- guérison [4, 13, 15, 18]. Cette mutilation est difficile à accepter pour des
fibrodysplasie » de l’adamantinome. L’immunohistochimie peut sujets jeunes et pour une tumeur dont le potentiel malin est évident,
mettre en évidence les marqueurs anticytokératine et anti-EMA des mais difficilement évaluable au cas par cas.
cellules épithéliales de l’adamantinome.
La résection, chaque fois que le bilan iconogaphique préopératoire
D’autres diagnostics différentiels ont pu, plus rarement, être en confirme la faisabilité, doit être proposée. Les limites de celle-ci
évoqués : le kyste anévrismal, le kyste solitaire, le fibrome doivent se situer en tissu sain, ce qui, compte tenu du caractère
chondromyxoïde, le fibrosarcome, l’hémangioendothéliome ou le immédiatement sous-cutané du tibia, peut être techniquement
granulome éosinophile. Quelques adamantinomes rompant la difficile. Si la résection carcinologique implique l’exérèse du tissu
corticale avec une réaction périostée peuvent évoquer un cutanéomusculaire, une reconstruction par lambeau musculaire de
ostéosarcome. jumeau interne ou soléaire est nécessaire.
La reconstruction osseuse fait appel à une autogreffe (fig 1C) plutôt
qu’une allogreffe (fig 3D) dont l’évolution sur le plan mécanique et
Évolution et pronostic septique est plus aléatoire [13]. Les autogreffes peuvent être prélevées
sur l’os iliaque ou sur le tibia controlatéral quand la perte de
substance osseuse entraînée par la résection diaphysaire tumorale
L’évolution spontanée est très lente et souvent le diagnostic n’est est limitée (moins de 10 cm). Pour les pertes de substances plus
établi que plusieurs années après les premiers symptômes. Des étendues, des techniques de transfert diaphysaire, à l’aide d’un
évolutions de 15 à 20 ans ont ainsi été décrites sans apparition de fixateur externe selon la méthode d’Ilizarov, peuvent être utilisées.
métastases [7]. L’évolution spontanée est surtout locale et occasionne Le taux important de pseudarthroses a conduit de nombreux auteurs
peu de troubles jusqu’à la survenue d’une fracture pathologique. à utiliser une autogreffe vascularisée en prélevant le péroné
L’envahissement des parties molles, rare, est l’apanage des formes controlatéral dont le pédicule est microanastomosé aux vaisseaux
tardives ou récidivantes. Par ailleurs, des guérisons spontanées par du membre receveur (fig 2C, D) [4, 21]. Ce péroné vascularisé met
involution fibreuse ont été décrites [4, 17, 23]. 2 ou 3 ans pour s’épaissir (fig 2E) et doit être protégé par une
Les métastases sont d’apparition tardive et se localisent aux orthèse ; malgré cela, son évolution peut être émaillée par la
poumons, au squelette et aux ganglions lymphatiques. Celles-ci survenue de fractures de fatigue qui consolident par une simple
peuvent se manifester jusqu’à plus de 10 ans après l’exérèse de la immobilisation plâtrée.
tumeur primitive [7, 9]. Leur fréquence est évaluée à 20 % des cas et la Quelle que soit l’étendue de la reconstruction diaphysaire, une greffe
durée moyenne de survie après leur apparition est souvent intertibiopéronière à chaque extrémité est conseillée pour améliorer
supérieure à 10 ans [20]. le taux de fusion (fig 3D).
L’évolution est évidemment influencée par le traitement. La Quelle que soit la technique utilisée, la reconstruction osseuse doit
radiothérapie et la chimiothérapie ne sont pas efficaces. La lenteur être protégée par une ostéosynthèse solide : clou centromédullaire,
d’évolution a fait souvent pratiquer des curetages intratumoraux qui éventuellement verrouillé, ou fixateur externe (fig 1C, 2C, 3D). Dans
se sont soldés par des récidives quasi systématiques dans des délais les grandes pertes de substance osseuses, l’appui doit être protégé
plus ou moins longs. Leur traitement carcinologique est alors très pendant de nombreux mois par une orthèse.
difficile, car compromis par l’existence d’une fracture ou d’un Le traitement des formes frontières avec l’ostéofibrodysplasie reste
envahissement des parties molles, et fait appel le plus souvent à controversé. Ces formes réputées moins évolutives ont un meilleur
l’amputation qui, malheureusement, n’apporte la guérison qu’une pronostic, ce qui n’incite pas à un traitement agressif. Il est probable
fois sur deux [4]. qu’un curetage suivi d’une surveillance régulière représente une
attitude recommandable.
Le pronostic dépend donc largement de la qualité de la résection
initiale qui doit impérativement se faire en tissu sain. Les grandes
séries de la littérature [13, 18, 21, 22] rapportent une mortalité de 20 %,
alors que les traitements effectués ont été très variés. La survie à Conclusion
10 ans est également très variable entre moins de 10 à 65 % selon les
séries [4, 13, 15, 18, 21]. Une exérèse chirurgicale précoce et complète
L’adamantinome est une tumeur osseuse maligne et rare survenant
apparaît le seul gage d’une guérison définitive.
chez l’adulte jeune. Le siège est essentiellement tibial et l’évolution très
L’évolution dépend probablement de la forme histologique. En effet, lente. Le traitement est chirurgical, représenté par l’exérèse complète et
pour la forme « pseudo-ostéofibrodysplasie » dont le remodelage large de la lésion. Le problème épineux de cette pathologie reste le
osseux devient prédominant et stabilise la lésion active, le pronostic diagnostic différentiel avec l’ostéofibrodysplasie, car celle-ci ne demande
est meilleur [12]. Quelquefois, au contraire, ces formes évoluent vers qu’une simple surveillance à l’inverse de l’adamantinome qui, lui,
un véritable adamantinome différencié dont la preuve histologique relève d’un traitement très agressif.

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Références
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