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MASTER I Semestre 1
Master de Philosophie 2020-2021
V 13 PH5
HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
Sens et évolution du concept de « transcendance »
dans la phénoménologie allemande et française
réflexive immédiate, l’objet visé, en tant que visé et tel que visé, l’objet intentionnel donc, est
tout aussi « immanent » en ce second sens, que l’acte de visée lui-même ! La nouvelle
immanence, l’immanence « cartésienne » de l’être-donné, peut donc accueillir et intégrer, non
seulement l’acte comme pôle noétique de la connaissance, mais aussi l’objet intentionnel, cet
objet intentionnel que les Recherches Logiques considéraient, elles, comme transcendant.
eux-mêmes. L’objet est transcendant ici, au sens où il est extérieur à la conscience, et parce que
la conscience est identifiée au sujet psychologique.
Selon le nouveau sens d’immanence et de transcendance, (selon la phénoménologie
transcendantalisée, à partir de l’hiver 1906-07) le domaine de l’immanent comporte, non
seulement le vécu intentionnel comme acte d’appréhension donateur de sens, mais aussi l’objet
intentionnel auquel il se rapporte, en tant qu’il s’y rapporte, et tel que cet objet apparaît à l’acte
de conscience dans l’effectuation de cet acte : en conséquence, le domaine de la transcendance
ne comporte que ce qui, du monde des objets, n’apparaît pas à la conscience intentionnelle.
Dans notre exemple, ce qui est immanent maintenant, c’est toujours mon acte de
sensations visuelles et d’appréhension de cela comme « arbre », bien entendu, mais aussi – et
c’est l’élément nouveau – l’arbre-apparaissant, tel qu’il m’apparaît, et dans la mesure où il
apparaît, se donnant en personne dans ce voir lui-même ; ce qui est transcendant alors, ce n’est
plus l’arbre tout court, mais seulement ce qui, de cet arbre, n’est pas donné : la structure
physico-chimique du tronc, de ses feuilles et de ses fleurs, ses racines, la sève qui y circule, etc.
On le voit : le seuil de la transcendance est devenu la ligne de partage entre l’objet tel qu’il
apparaît, dans le vécu cognitif et selon ce vécu, et l’objet tel qu’il est sans apparaître, au-delà
de tout apparaître, c’est-à-dire tel que la science positive prétend le déterminer : c’est l’objet
physique, comme situé au-delà de la portée de notre expérience sensible.
Il y a donc une part du domaine de la transcendance réelle, de la transcendance comme
être extra-conscient, qui se trouve désormais recevoir le statut de donnée immanente : il s’agit
de cette part des objets qui se donne comme apparaissant dans le vécu cognitif. Ce qui de
l’objet, en tant qu’objet intentionnel, apparaît et peut apparaître, Husserl le considérera
désormais comme immanent « au sens intentionnel ». L’élaboration du concept d’immanence
intentionnelle, de cette immanence qui coïncide avec une transcendance réelle, est la révolution
fondamentale qui a fait de la phénoménologie de Husserl une phénoménologie
« transcendantale » : une phénoménologie capable de fonder de l’« intérieur » de la subjectivité
l’objectivité des objets.
De la découverte du concept d’immanence intentionnelle, et de la modification
consécutive de la délimitation de la sphère de la transcendance, découle donc la nécessité de
distinguer entre deux concepts de transcendance dans la phénoménologie transcendantale : à
la transcendance comme extériorité radicale par rapport à tout vécu subjectif et à toute
expérience de conscience possible, il faut opposer maintenant la transcendance des objets du
monde en tant qu’objets intentionnels accessibles dans l’apparaître que suscitent les actes de
connaissance. Cette première transcendance, est la transcendance de la chose physique, que les
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Husserl, il est vrai, ne distingue pas par deux expressions différentes ces deux formes
de transcendance. Les expressions de « transcendance absolue, », et de « transcendance
phénoménale » ne sont pas de Husserl, mais de l’auteur du présent cours. L’absence d’une
distinction qui soit marquée de façon terminologique, par exemple, comme ici, par le choix de
deux adjectifs distincts, traduit évidemment l’intention philosophique profonde du fondateur de
la phénoménologie : si, d’un côté, Husserl reconnaît expressément la distinction de ces deux
formes de transcendance, en revanche son intention philosophique de fond est de démontrer
que la transcendance de la chose physique, cette transcendance réelle qui ne se laisse pas
résorber directement dans l’immanence intentionnelle de l’apparaître-en-tant-qu’objet, n’est
pourtant qu’une forme dérivée de la transcendance phénoménale, et est donc elle-même fondée
sur l’intentionnalité. Montrer ainsi, à partir de l’analyse phénoménologique du fonctionnement
de l’intentionnalité dans la perception, que les choses que nous percevons comme existant dans
le monde, et dont les sciences positives déterminent la structure interne, sont intégralement
relatives à l’activité perceptive immanente, c’est-à-dire à l’exercice subjectif de la vie
intentionnelle : tel est l’objectif de Husserl dans le traité fondamental qu’il a intitulé Idées
directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique, qu’il publia
en 1913, – et plus particulièrement dans la section II de cet ouvrage.
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ème
(à suivre : 4 séance, 6 octobre)