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Sorbonne Université

Faculté des Lettres


UFR de Musique et de Musicologie

Les attributions divergentes du chansonnier R.1591 :


une source de questionnements ?

Johanna Decloître
Dossier de Master 1
Préparé sous la direction de Madame Alice Tacaille

Septembre 2021
Les attributions divergentes du chansonnier R.1591 :
une source de questionnements ?
Avant-propos

Comprendre l´histoire de la littérature et de la musique française permet de mieux saisir


comment le français actuel s´est forgé, et comment les manières même d´assembler les idées,
de critiquer, de discourir, de s´enthousiasmer ont peu à peu été construites autour de multiples
influences, parfois contraires, et toujours en lien profond avec la parole, l´oralité et le lien
communicatif avec autrui.

Le XIIe et XIIIe siècles dans l´espace géographique qui est maintenant la France sont des
périodes fascinantes et qui renvoient à des interrogations étonnamment modernes. Plusieurs
cultures, plusieurs strates sociales se mêlent et s´affrontent, la poétique Occitanie et la railleuse
France, les puissants seigneurs féodaux du Midi, l´intelligentsia noble mais désargentée, les
riches commerçants comme les drapiers des Flandres, l´autorité royale de plus en plus présente
et organisée judiciairement, qui cherche à recevoir les hommages des grands fiefs indépendants,
les jongleurs, les bourgeois et les laboratores1. Ce monde a chanté, mis en musique ses joies,
peines, ses amours et ses souffrances, et bien que le biais d´une reconstruction ne soit bien
évidemment pas évitable, il est fascinant d´en retrouver, à travers les pages des trouveurs et des
troubadours, un écho lointain.

Beaucoup a été écrit sur les troubadours, la fin amor, leur univers poétique fait partie de
notre imagerie médiévale, au moins de façon esquissée. Le discours, les corporations, l´ironie
des trouvères sont peut-être un peu moins connus, et pourtant leur influence est encore sensible
dans la langue et la littérature française. Le corpus existant des chants trouvères est considérable
malgré de nombreuses pertes, et quelques chansonniers trouvères attendent encore des études
plus complètes, ceci sans ignorer les études très sérieuses et toujours d´actualité de ces dernières
décennies.

Nous avons choisi de nous intéresser particulièrement à un chansonnier qui n´a pas encore
fait l´objet de nombreuses études, et qu´il nous semblait donc particulièrement intéressant
d´explorer en tant qu´objet de recherche, permettant des comparaisons latérales avec les corpus

1
Favier, Jean, La guerre de Cent Ans, Verviers, Marabout,1985, p.51-54.

1
déjà plus explorés, mais aussi apportant, même bien minime, de nouvelles observations qui
pourront éventuellement constituer un support pour des recherches plus étendues.

2
1.Méthodologie

Nous ne nous étendrons pas sur les moyens employés lors de la recherche, celle-ci ne
nécessitant pas d´employer des technologies particulières, mais nous souhaitons brièvement
décrire pourquoi et comment nous avons abordé l´étude du chansonnier.

Celui-ci étant seulement très succinctement décrit dans quelques ouvrages, datant de plusieurs
décennies, ou seulement mentionné en passant lors de recherches portant sur d´autres ouvrages,
il nous a semblé utile de commencer par la description de celui-ci et l´état des connaissances
actuelles. Nous avons ensuite entrepris de le décrire, et cette description nous a permis de
constater plusieurs attributions, parfois divergentes et parfois concordantes avec d´autres
chansonniers.

L´observation de ces attributions n´est pas nouvelle, mais nous avons choisi pour circonscrire
la recherche de comprendre pourquoi leur étude pouvait être enrichissante pour mieux
appréhender l´anthologie présente dans le chansonnier, sa situation dans un cadre temporel et
sociologique, et quelles interrogations pouvaient susciter de cette recherche.

Nous avons abordé le chansonnier de façon linéaire, en explorant les chansons dans leur ordre
d´apparition.

3
2.Les attributions en tant qu´objet de recherche

Lors de l’étude d´un tel corpus, vieux de plusieurs siècles, et dont l´usage s´est perdu au
point qu´il n´existe pas encore d´édition complète de ce chansonnier au moment où nous
écrivons ces lignes, la question de la destination de cet objet est évidemment importante.

Pour les musiciens classiques de nos jours, la partition musicale est souvent nommée par les
musiciens, les professeurs, et étudiants « texte », même quand celui-ci ne comprend absolument
pas de texte proprement dit, nous pensons par exemple aux partitions pour instruments solistes.
Ce « texte » revêt une importance très grande dans l´interprétation musicale, il est censé être le
miroir d´une volonté compositrice, avant même d’être une performance, une interprétation2.
Bien qu´il soit évidemment impossible de retrouver l´idée entière du compositeur, la recherche
interprétative est souvent présentée comme un effort rétrospectif vers la pensée créatrice et
initiale, détentrice de l´œuvre aboutie dans son sens complet.

Dans le phénomène musical troubadour et plus tard trouvère, le rôle du texte est tout autre.
Comme l´évoque Zumthor, l´oralité a une place fondamentale dans la construction musicale du
XIIe et XIIIe siècles. Elle est même fondatrice, c´est par la vocalité d´abord vraisemblablement,
puis par le rôle de la tradition orale, que se construit, se reconstruit le répertoire des chansons.
Gérard Le Vot écrit : « l´apprentissage s´effectuait d´abord du troubadour inventeur vers le
jongleur. Apprise par cœur, la chanson était ensuite portée par le messager à son destinataire
plutôt sans le secours de l´écrit »3, et il ajoute « nous constatons une certaine coexistence de
l´écriture, de la lecture et du chant, mais sans que l´écriture ne paraisse avoir été employée pour
l´invention »4.
L´écriture, la fixation de la mélodie et de la poésie n´intervient que de façon presque
anecdotique, et non comme un moyen premier de transmission.
Aubrey indique que les traces musicales et littéraires de la période des trouvères et des
troubadours sont bien souvent largement postérieures à l´existence même de leurs

2
Daniel, Leech-Wilkinson, Challenging Performance: Classical Music Performance Norms and How to Escape
Them, https://challengingperformance.com/the-book/, [consulté le 22/7/2021].
3
Gérard. Le Vot, Les troubadours les chansons et leur musique (XIIe-XIIIe siècles), Paris, Minerve, 2019, p.91.
4
Id., p.97.

4
compositeurs. Elles apparaissent toutes écrites non pas tant comme un guide permettant aux
interprètes de trouver par leur biais une musique nouvelle, mais comme des objets
documentaires, historiques, ou comme collections personnelles d´œuvres aimées.
L´étude des anthologies des chansonniers disponibles est très riche en informations ; l´ordre
dans lequel apparaissent les chansons, leur type, et leurs auteurs, forment un ensemble dont la
cohérence indique un milieu social, géographique, une temporalité.
Il n´est pas rare de trouver des attributions dans ces chansonniers. Pour les raisons
précédemment évoquées, il n´y faudrait pas voir une signature apposée par le compositeur, mais
une attribution écrite par le scribe, le copiste réalisant le recueil. Pour la même chanson, les
chansonniers donnent parfois des attributions divergentes. Il est possible d´y voir, et ce doit être
parfois le cas, des erreurs de copiste. Cependant, et sans parler de la question du réemploi de
certaines mélodies, des contrefacta, il faut également questionner le rapport qu´avait le trouveur
avec son œuvre, différent du rapport actuel d´un compositeur. Par ailleurs, la grande flexibilité
graphique et la complexité du fonctionnement des noms, de fiefs bien souvent, de l´époque
permet facilement à un même trouvère de posséder deux patronymes différents.
Malgré ces difficultés, la problématique de l´attribution des chansons permet de cerner ce que
chaque trouvère a de singulier dans sa façon d´écrire la poésie et la mélodie, en questionnant ce
qui lui est propre dans le langage employé, et qui donc, au-delà des attributions des copistes,
signe son œuvre. Dans un corpus aux thématiques récurrentes, et aux mélodies au profil
ressemblant, il n´est pas inutile de chercher ce qui fait l´unicité de chacune.
Dans le chansonnier que nous avons choisi comme objet d´étude de la présente recherche, il
nous apparait enfin utile afin de situer ce document dans son contexte sociologique et temporel,
de traiter des attributions dans ce que la compilation anthologique a de révélateur.
Nous essayerons donc d´éclaircir si possible la question des attributions des chansons, puis de
commenter le tableau ainsi obtenu.

5
3.État des connaissances sur le manuscrit 1591

Le manuscrit Français 1591, ancienne cote 7613, du fonds ancien de la Bibliothèque


Nationale de France, n’a, à ce jour et à notre connaissance, fait l’objet que d’une seule thèse,
de Johann Schubert, qui postule qu´il s´agit d´un chansonnier arrageois ou d´une localité
approchante, probablement écrit pour un usage plus quotidien que certains chansonniers plus
richement enluminés5.
Il s’agit d’un chansonnier, c’est à dire d’un recueil de chansons, que tous les auteurs que nous
avons consultés s’accordent pour dater du XIVe siècle. Ce sont des chansons écrites en langue
d'oïl, avec des variations dialectales, en champenois et en francien particulièrement. Nous
reviendrons sur la question de l’origine de ce chansonnier ultérieurement, mais il s’agit
indubitablement d’un recueil de chansons trouvères, de trouvères du XIIe et XIIIe siècles. Il
contient 252 chansons, dont 169 ne comportent pas d’attributions de la main du ou des copistes
ayant rédigé le manuscrit. Nous y trouvons également 17 jeux-partis.

3.1 Le fonds Dupuy

La première mention de ce chansonnier se trouve dans l’inventaire du célèbre humaniste


et conseiller au Parlement de Paris du XVIe siècle Claude Dupuy. Celui-ci dédia son temps à la
collecte de nombreux manuscrits précieux, latins, italiens, français, dans lesquels nous
retrouvons notre manuscrit.
Ce manuscrit fit partie du fonds Dupuy. L’inventaire fait à sa mort, par le libraire Duval, le 20
janvier 1595, énumère les manuscrits contenus dans son fonds, qui comprenait environ un
millier d’ouvrages 6, et nous trouvons dans ce fonds, la référence correspondant à ce manuscrit.
Ses fils devinrent gardes de la Bibliothèque du roi, et héritèrent de la précieuse collection.
Ils ouvrirent sa bibliothèque à de nombreux savants réputés, tout en l’étoffant. Guez de Balzac7
notamment, parle de l’Académie des Dupuy en en faisant l’éloge. Comme le note Solente,
Claude Dupuy ne tenait pas tant à la valeur iconographique, esthétique d’un manuscrit, mais
privilégiait les textes clairs, bien écrits, dont le fond, le contenu lui semblait précieux8.

5
Johann, Schubert, Die Handschrift Paris, Bibl.Nat.fr.1591: Kritische Untersuchung der
Trouverehandschrift R, Frankfurt am Main, 1963, p.29.
6
Henri, Omont « Inventaire des manuscrits de Claude Dupuy (1595), Bibliothèque de l’École des Chartes,
vol. 76, n° 1, 1915, p. 526-31, doi :10.3406/bec.1915.448550.
7
Émile, Ernault e.a , Mélanges historiques : choix de documents, vol. I, Imprimerie nationale, 1886, p.
494.
8
Suzanne, Solente Suzanne, Les manuscrits des Dupuy à la Bibliothèque nationale, Bibliothèque de
l'École des Chartes, vol. 88, 192, p. 193.

6
Les manuscrits de sa bibliothèque étaient tous recouverts d’une reliure simple en parchemin,
les titres étant écrits au dos, de la main de l’un des membres de la famille Dupuy9.
Détail intéressant, Solente écrit que « Claude Dupuy mettait presque toujours sa signature sur
les manuscrits qui lui appartenaient: Claudii Puteani ou Cl.Puteani ». Nous avons retrouvé la
mention "Cl. Putiani» ou « Cl. Puteani » au folio 1r du manuscrit, écrite en regard de l´ancienne
cote du manuscrit 7613, d´une main ultérieure.

9
Jean, Boivin, Mémoires pour l’histoire de la Bibliothèque du Roy, Paris, 1701.

7
8
À notre connaissance, aucune étude n'a encore fait le lien entre cette inscription et Claude
Dupuy, mais son origine semble évidente, ce que confirme l'inventaire de Claude Dupuy, qui
mentionne le manuscrit. Nous pensons donc que cette mention est de la main de Claude Dupuy.
En revanche, la couverture n'étant plus d'origine, nous reparlerons de la composition des cahiers
dans un chapitre ultérieur.
La première notice de ce manuscrit se trouve dans le catalogue dressé par les frères Dupuy, où
il figure sous le numéro 203.
Le catalogue des frères Dupuy, maintenant disponible à la Bibliothèque Nationale, n° 5714 des
nouvelles acquisitions du fonds français, fut définitivement dressé en 1655.

Le dernier fils survivant en fit don au roi, et ce fonds devint propriété de la Bibliothèque royale
en 1657. La notice du manuscrit 203, c’est à dire le manuscrit nous intéressant, a été dressée
par Pierre Dupuy. On y lit : « 203. Chansons de Thiebault, roi de Navarre, et d’aultres antiens
poetes ; in-4° 10. » Il existe plusieurs copies de ces catalogues, avec corrections et annotations.
Dressé en 1684, après neuf années de travail, le catalogue de Nicolas Clément, commis à la
garde de la Bibliothèque du roi, attribue la cote 7613 au manuscrit11. Nous serions tentés
d´attribuer la cote 7613 écrite en haut du folio 1r à Nicolas Clément, elle est en tout cas
antérieure à la numérotation actuelle, de Léopold Delisle.
Un catalogue plus détaillé que le catalogue de Nicolas Clément, devait déjà voir le jour bien
avant, dès le XVIIIe siècle, et les fiches qui devaient le constituer avaient été en partie rédigées.
Même si la Révolution française empêcha pendant un temps sa réalisation, Natalis de Wailly
entreprit, sur cette base, aidé de Michel Deprez, la rédaction d’un nouveau catalogue12.
Ce catalogue, dont les volumes concernant le fonds ancien sont parus chez Didot dès 1868,
comporte la première énumération des titres de chansons présentes dans ce chansonnier. La
mention en est très succincte, mais déjà à cette époque, une datation apparaît, celle du XIVe

siècle. Il serait intéressant de savoir si cette mention apparaissait sur les fiches du XVIIIe siècle,
ou si l’un des savants médiévistes, dont Henri Michelant, qui contribuèrent à la rédaction de ce
catalogue est à l’origine de cette information. Cette nomenclature ne donne pas de nom à ce

10
Henri Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque nationale, Paris, E. Leroux, 1908.
11
Léopold, Delisle, Notice sur les anciens catalogues des livres imprimés de la Bibliothèque du roi,
Bibliothèque de l'école des chartes, 1882, vol. 43, p. 165-201.
12
Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, Bibliothèque de l'école des Chartes,
1902, vol. 63, p. 228-232.

9
chansonnier, mais l'énumération de son contenu permet d'attester qu'il nous est parvenu intact
depuis 1868.
Le catalogue actuel de la bibliothèque nationale, que l’on doit à l’impulsion du médiéviste
Léopold Delisle, donne la cote Français 1591, qui remplace l'ancienne cote 7613.

3.2 Travaux citant le chansonnier 1591

Nous nous devons de mentionner le travail de Claude Fauchet, qui est cité en marge des
chansons dans le manuscrit à maintes reprises, par une main visiblement ancienne, peut-être
même celle de l'un des Dupuy, et dont les attributions complètent certaines attributions
originelles manquantes ou proposent des attributions divergentes. Son ouvrage traitant des
origines de la langue française, et paru en 158113, tente de reconstruire, à travers notamment les
textes des trouvères, l'histoire des parlers du Nord de la France, qui, dans son hypothèse, sont
originaires de la Meuse et de la Loire, puisque le roi de la Francie orientale, Louis, s'était
exprimé en langue romane lorsqu'il s'adressa au roi de Francie occidentale, Charles le Chauve.
En partant de cette hypothèse, il tente ensuite de tracer la subsistance de langue et son évolution
dans les textes des trouvères, et cite de nombreux poèmes contenus dans le manuscrit R. Il
commente les textes de ces poèmes, donne des attributions pour chacun de ceux qu'il cite,
souvent accompagnés d'une brève biographie du trouvère.
L’important travail commencé par Mouchet et terminé par Paulin Paris en 184514 est également
intéressant.
Il s’est hélas arrêté avant d’atteindre la cote 7613 (qui correspondait au chansonnier Fr 1591),
faute de moyens et d'intérêt de la part de l'administration. Mais il a établi une table comparative
de l´intégralité des chansons présentes dans les chansonniers de la bibliothèque par lui connus,
dont le chansonnier 1591 (7613 à son époque), avec concordances et attributions, en abordant
le manuscrit 765 (cote actuelle), qui est le premier manuscrit de chansons trouvères mentionné
dans son travail. Ce chansonnier se trouve à la fin d´un volume dont l´ancienne cote est Regius
7182.5, et qui est mentionné sous la cote 7182 dans le travail de Paris, comporte en première
partie « Le romant de la comtesse d'Anjou » de Jean Maillart, et il est suivi d´un fragment de chansonnier
« détaché de quelqu´autre volume » et « réuni à celui-ci [c´est à dire au roman de Maillart] pour

13
Claude Fauchet, Recueil de l’origine de La Langue et Poésie Française : Rime et Romans, Paris, 1581.
14
Paulin, Paris, Les Manuscrits François de La Bibliothèque Du Roi, Leur Histoire et Celle Des Textes Allemands,
Anglois, Hollandois, Italiens, Espagnols de La Même Collection, Paris, Techener, 1845, vol. 6, p. 40-100.

10
épargner une reliure »15. Ce fragment est connu sous le nom de chansonnier L, dans le
classement de Linker et Schwan-Jeanroy.
Nous donnons ici le début de cette table, il serait trop long de la reproduire entièrement mais il
est intéressant de noter que dans la note de bas de page Paulin indique avoir compris dans celle-
ci les chansons, notamment, du chansonnier 7613 du fonds ancien de la bibliothèque.

15 Id., p.44.

11
Pour une nouvelle mention de ce manuscrit, et une étude un peu plus détaillée, il faut attendre
les premiers philologues médiévistes de la fin du dix-neuvième siècle, Julius Brakelmann est à
notre connaissance le premier écrivain à en faire mention16.
Brakelmann, de façon très succincte, précise que le manuscrit 1591 comporte 184 feuillets,
écrits à longues lignes, au nombre de quatre. Il note qu’il contient selon lui tout d’abord 81
chansons de 50 poètes, dont il énumère les noms et le nombre de chansons attribuées pour
chacun d’entre eux, et enfin 172 chansons anonymes, se terminant par ces mots “Explicit les
autres chancons au roy de Navarre et as autres princes”.
La première cotation de l´ensemble des manuscrits connus de trouvères est due à Gaston
Raynaud (1850-1911). Celui-ci, après l´obtention de son diplôme d´archiviste-paléographe de
l´École des Chartres, se spécialisa dans l´étude de la philologie romane, et choisit « comme
sujet de thèse l’étude du dialecte picard dans le Ponthieu aux XIIIe et XIVe siècles ». Il entra par
la suite à la Bibliothèque Nationale, au département des Manuscrits anciens, ce qui lui permit
de longuement se familiariser avec ceux-ci, et c´est pendant qu´il travaillait à la Bibliothèque
Nationale qu´il fit paraître une bibliographie des chansonniers français, en 188417. Il y donne
pour le manuscrit fr-1591 la même datation que celle déjà mentionnée dans le catalogue de la
Bibliothèque paru en 1868, et une description brève du manuscrit, ainsi qu’une courte note
concernant les attributions, et lui attribue, ainsi qu’aux autres chansonniers, une cotation propre
au sein de cet ensemble (Pb8).
Paris, Bibl. nat, fr.1591 (anc 7613). Ce manuscrit sur vélin de 184 feuillets (le verso du feuillet 36 est
blanc, le feuillet 64 est double) écrit à longues lignes, a appartenu aux frères Dupuy ; il compte Om, 245
sur 171. Les pièces sont anonymes pour la plupart. Les premières seules ont un nom d’auteur, et les Jeux-
Partis portent la mention des deux interlocuteurs. Lettrines. Musique (excepté quelques Jeux-Partis,
feuillets 16 à 27). XIVe siècle. Voyez Catalogue des manuscrits français, I, 260-4, ; Raynaud ;
Brakelmann, Archiv XLII, 64-518.
Alfred Jeanroy (1859-1953) médiéviste français, qui fut un éminent spécialiste de philologie
romane, mentionne également le manuscrit dans sa bibliographie sommaire des chansonniers
français du moyen âge, parue en 1918. Il donne la cote du manuscrit dans la bibliothèque, 1591,
en y ajoutant la numérotation Pb8, de Raynaud, et ajoute une description un peu plus détaillée
du contenu du manuscrit, il le divise en quatre parties, celles des chansons attribuées, celle des

16
Julius, Brakelmann, Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen, 42, 1868, p.64.
17
Eugène, Lelong et Gaston Raynaud, Bibliothèque de l'école des chartes, 72, 1911, p. 427.
17
Gaston, Raynaud, Bibliographie Des Chansonniers Français Des XIIIe et XIVe Siècles, Paris, F. Vieweg, 1884.

12
jeux-partis, puis une nouvelle section de chansons attribuées, et enfin une dernière partie
composée de pièces anonymes. Ce n’est pas une analyse codicologique (celle-ci nécessiterait
une description précise de la disposition des feuillets, de leur agencement, et une observation
méthodique, rigoureuse et exhaustive de chaque feuillet) mais seulement une brève observation
basée sur les attributions et le type de pièces :
R Pb8 = PARIS, BIBL.NAT 1591 (anc 7613)
In-8, parchemin de 184 feuillets. (2 feuillets portant le numéro 64) XIVe siècle ;
Initiales ornées, musique (sauf pour la série jeux-partis).
Contient une série de chansons attribuées (feuillets 1 à 16), puis de jeux-partis, précédés des noms des
deux partenaires, puis feuillet 27, de pièces attribuées, enfin, feuillet 62 verso de pièces anonymes.
Ce manuscrit a été légué à la Bibliothèque royale par les frères Pierre et Jacques Dupuy (morts en 1652
et 1656).
Description et Table : Catalogue des manuscrits français, I, 260-4, ; Raynaud, 139-149.

3.3 Travaux de Schwan et de Wallenskold

Il est ensuite intéressant de mentionner les travaux d’Eduard Schwan, qui tenta de
donner une chronologie cohérente pour les divers chansonniers français disponibles.
Eduard Schwan était un érudit allemand (1858-1893), qui après des études en philologie romane
à Berlin, enseigna à Iéna et publia plusieurs travaux en lien avec l´étude de l´ancien français à
travers le prisme de manuscrits et documents anciens19. On lui doit notamment la « Grammatik
des Altfranzösischen. Laut- und Formenlehre20 » publié à l´issue de ses études à Berlin, et
l´ouvrage que nous citerons souvent en rapport avec le manuscrit fr-1591, Die altfranzösischen
Liederhandschriften: ihr Verhältnis, ihre Entstehung und ihre Bestimmung; eine literar-historische Untersuchung.
Son travail consiste à comparer les chansonniers et à les rassembler par groupes, en considérant
que les chansonniers comportant de nombreuses ressemblances (ordre de chansons, choix des
compositeurs, versions identiques ou hautement similaires) sont d’un même groupe, puis à les
classer chronologiquement, en considérant le plus ou moins d’éloignement entre les sources et
les différentes versions. Il propose également une cotation entièrement différente de celle
Raynaud, qui selon lui, simplifie le classement de ces chansonniers. La cotation de Schwan
n´est plus indexée selon l’endroit géographique où sont localisés les chansonniers. Chaque lettre
de l´alphabet, dans son classement désigne un chansonnier différent, ce qui n´était pas le cas

19
Christian Faludi, Porträt zu Eduard Schwan, Die Geschichte der Romanistik an der Universität Jena von
Herbert Koch: Eine um Professoren-Porträts und ein Schriftenverzeichnis Kochs ergänzte Edition (Quellen und
Beiträge zur Geschichte der Universität Jena), XIV, Steiner, Stuttgart, 2019, p. 156.
20
Eduard, Schwan, « Grammatik des Altfranzösischen. Laut- und Formenlehre », Leipzig, 1888.

13
dans la cotation de Raynaud, qui comportait également des chiffres. Ainsi, alors que par une
lettre dans le système de Raynaud, chaque chansonnier détenu par la Bibliothèque Nationale, à
Paris était désigné par un P pour Paris, suivi d’un petit b pour bibliothèque nationale, et enfin
d’un numéro (notre manuscrit étant donc le Pb8), dans le système de Schwan, il devient le
manuscrit R.
Nous prenons la peine de préciser ce système de références compte tenu de son importance pour
chercher dans la littérature du temps, les articles de musicologues français employant encore
pendant plusieurs années après la parution du livre de Schwan, le système de Raynaud, avant
que celui-ci ne finisse par disparaître au profit de celui de Schwan.
Schwan postule que le manuscrit 1591 (R) de la bibliothèque nationale se divise en 3 parties
différentes21.
Pour lui, la première, qu’il nomme R1, s’étend du folio 1 recto jusqu’au folio 36 verso.
La dernière chanson de cette partie se termine sur le folio 36 recto, et une main différente mais
d’une époque que Schwan pense similaire, a écrit dans une encre plus pâle « explicuit
carmina ». Le reste du recto et le verso de la feuille sont laissés vides.
La seconde partie, R2, va du folio 37 recto au folio 62 recto inclus.
Enfin, du folio 62 verso à la fin se trouve la troisième et dernière partie, R322.
Schwan pense que R2 est écrit seulement un peu plus tard après R1, et il écrit qu’ils sont tout à
fait cohérents l’un avec l’autre. Il ne donne pas davantage d’explications, mais nous supposons
que cette cohérence se trouve dans le choix des poètes, qui, comme nous le verrons par la suite,
sont, soit identiques, soit de régions géographiques similaires. Enfin, R3 suit directement R2,
sans aucun espace laissé libre, ni même d’indications particulières. Ce que nous avons constaté
en consultant le manuscrit. Les mélodies sont, là encore, écrites sans paragraphes de strophes,
ni colonnes, comme le note Schwan. Cependant, à la différence des deux autres parties, les
chansons de R3 sont pour la plupart anonymes.
Concernant la possibilité d’intégrer ces trois différentes parties dans les groupes de manuscrit
créés par Schwan dont nous avons parlé précédemment, Schwan pense que R1 présente une
parenté avec le groupe des deux chansonniers M et T, c’est à dire respectivement le chansonnier
844 de la bibliothèque nationale et le chansonnier 12615. Les chansonniers M et T forment pour
lui le groupe III, notamment parce qu’ils sont les seuls à donner comme attribution des chansons
à Baude la Kakerie, mais également parce que les chansons sont disposées de façon similaire

21
Eduard, Schwan, Die altfranzösischen Liederhandschriften : ihr Verhältnis, ihre Entstehung und ihre
Bestimmung ; eine literar-historische Untersuchung, Berlin, Weidmann, 1886, p.11.
22
Id., p. 159.

14
23
. Pour preuve, il cite les trois jeux-partis de Guillaume de Vinier, qui figurent dans la même
disposition dans M et dans T.
Par trois jeux-partis de Guillaume de Vinier, Schwan sous-entend tout d’abord le jeu-parti
“Thomas, je vous veuile demander”, folio 25r pour lequel toutes les sources s’accordent sur
l’attribution à Guillaume de Vinier. Les deuxièmes et troisièmes sont pour lui les jeux-partis
folio 25v et 26r, “Sire frere, faites m’un jugement” de Frère à Roi de Navarre, et “Frere, qui
fais mieus a proisier” de Ro ide Navarre à Frère. Cependant, comme le note Anne Ibos-Augé
dans son tableau récapitulatif concernant le chansonnier fr 1591 (à paraître), l’attribution est
divergente selon les sources, les attributions figurant dans le manuscrit lui-même indiquant une
paternité de Frère, mais les manuscrits MTb pour le jeu parti “Sire frere”, et les manuscrits
MTC pour le jeu parti “Frere, qui fais mieus” les attribuant à Guillaume de Vinier.
Schwan, page 84 de l’ouvrage déjà cité, mentionne comme concordances pour ces jeux-partis
les manuscrits M et T, et nous supposons que c’est sur cette base qu’il attribue (page 84), ces
deux jeux-partis à Guillaume de Vinier. Nous reviendrons dans un chapitre ultérieur sur les
problèmes d’attribution que posent plusieurs des chansons du manuscrit. Quoiqu’il en soit, ces
trois jeux-partis, qu’ils soient de Guillaume de Vinier ou non, figurent effectivement dans M et
T, mais nous nous permettons de noter que, leur attribution étant différente dans R, ceci penche
en faveur de l’hypothèse de Schwan qui n’imaginait pas une source rigoureusement commune
à MT et R, mais seulement une parenté.
Schwan note également que les deux chansons du Vidame de Chartres figurent également dans
les manuscrits MT. Il nous semble qu’il s'agit des deux chansons présentes sur les folios 9r et
9v, car ce sont les seules portant cette attribution dans le manuscrit. Nous ajoutons, que
l’attribution au Vidame de Chartres de ces deux chansons est propre à MT et R pour la seconde
et MTaAR pour la première, car d’autres manuscrits les contiennent mais avec des attributions
divergentes (Gontier de Soignies, Guiot de Provins pour la première et Oudard de Laceni pour
la seconde).
Enfin, il ajoute que les deux dernières chansons de Chastelain (c'est à dire du Châtelain de
Coucy) sont présentes dans le même ordre. Nous ajoutons cependant que la chanson Li
plusours ont d´amours chanté est attribuée à Gace Brulé, dans les manuscrits M et T. Nous
reproduisons ici l´attribution du manuscrit M, qui se trouve sur le folio 26v du manuscrit 844
8 de la Bibliothèque Nationale. L´attribution Gacé Brulé est visible sur la colonne de gauche.

23
Id., p. 18.

15
16
Par ailleurs, il parle du cas intéressant de la troisième chanson de Quesnes de Béthune. En R1,
cette chanson est attribuée à un certain Mesire Guesnes, Chevaliers, qu’il identifie comme
Quesnes de Béthune. Or dans les chansonniers M et T, cette chanson est attribuée à Cevaliers,
bien que dans T, cette chanson continue de figurer après les chansons de Quesnes de Béthune.
Schwan postule qu’il existait une source commune (u1), et que les copistes de cette source
commune à M et T s’est trompé en attribuant cette chanson à Cevaliers, qui ne serait en fait que
la dernière partie du nom, ou plus exactement le titre de Mesire Guesnes. Il pense que cela
ensuite amené d’autres copistes à séparer cette chanson des autres chansons de Quesnes de
Béthune dans ce qu’il pense être une autre source (u2), non découverte encore, mais qui serait
à l’origine de beaucoup de chansonniers existants.
Nous en déduisons donc d’après ces notes que, même si une parenté existe, puisque visiblement
le copiste n’a pas commis l’erreur du copiste de la source commune à M et T, notre manuscrit
ne dérive pas de cette même source, mais d’une source différente quoique proche, ou peut-être
d’une source antérieure elle-même à u1, en admettant que l’hypothèse de Schwan soit correcte.
Pour appuyer cette hypothèse, notons que Schwan indique que R1 présente beaucoup d’unica.
Pour lui, seules de rares chansons se trouvent également dans d’autres manuscrits.
Nous confronterons par la suite cette hypothèse avec d’autres observations.
Enfin, pour terminer le résumé des observations de Schwan, notons qu’il écrit que R3a présente
une parenté évidente avec le groupe NKXP. Tout d’abord, il mentionne comme argument pour
appuyer sa thèse la disposition des chansons : les chansons d’Eustache de Reims, Eustache le
Peintre, Moniot de Paris, Perrin d’Angicourt se trouvent seulement dans les manuscrits de ce
groupe. Les chansons se trouvent regroupées dans le même ordre. Après la quatrième chanson
de cette partie, une chanson de Thibaut de Navarre, qui pour lui “ouvre” véritablement cette
partie, suivent des chansons placées dans le même ordre dans NKXP. Les noms de Gacé,
Chastelain, Blondel se retrouvent souvent également dans ce groupe. Il pense trouver dans R3
des chansons similaires à V, c’est à dire au manuscrit 24406 de la bibliothèque nationale, bien
que celles de R3 soient moins bien ordonnées, classées mais que là encore, R3 présente
davantage de pièces ne figurant pas dans V, ce qui lui semble indiquer que R3 est plus proche
de la source originelle.

Axel Wallenskold (1864-1933) est un romaniste finlandais et médiéviste, qui étudia nombre de
chansons trouvères, notamment celles de Conon de Béthune et celles de Thibaut de Champagne.
A l´occasion de l´étude des chansons de ce dernier, il propose une classification entre les
différents chansonniers.

17
Wallenskold24 souscrit généralement à la classification proposée par Schwan, mais en y
apportant des nuances. Nous ne traiterons pas ici de cette question, mais en ce qui concerne le
chansonnier R, il note la parenté étroite entre Mt, S, B et R3. Schwan avait également noté la
parenté entre S et R, il pensait en effet voir en S un chansonnier dont la source était partiellement
R.
Nous donnons ici le classement révisé de Wallenskold. Il fait donc dériver tous les chansonniers
d'une source commune, et voit dans R1 et R2 une grande parenté avec Aa, Z et B, tandis que
R3 lui, provient d'une branche tout à fait différente.

Parker25note que même si pour Schwan, le manuscrit R est le plus proche existant du B
(Chansonnier de Berne), il existe un nombre extrêmement important de mélodies secondaires
et d'unicat dans le manuscrit R." Du point de vue de M ou de KNXPL, le répertoire de R est
hétérogène, à cette réserve près qu'il faudrait avancer plus d'arguments avant d'accepter comme
allant de soi l'autorité de M, de K, etc... Le groupe K représente une grande proportion des
sources subsistantes, mais le fait même d'avoir un degré de parenté si étroit à leur origine tend
à diminuer leur poids en tant que source indépendante".

24
Axel, Wallensköld, Les Chansons de Thibaut de Champagne roi de Navarre, Paris, Honoré Champion,
1925, p CIV.
25
Ian, Parker, « A propos de la tradition manuscrite des chansons de trouvères », Revue de musicologie,
64, n°2, 1978, p. 181, doi :10.2307/928235.

18
4.La question des attributions

Ce manuscrit contient donc des chansons dont les attributions sont de la même main que
celle du scribe, des chansons dont les attributions sont d’une main postérieure, et des chansons
anonymes. Nous garderons, pour la compréhension de ce qui va suivre, la division en trois
parties de l’analyse de Schwan.

4.1 R1, hormis les jeux-partis.

Étant donné l´ampleur du corpus du chansonnier, nous traiterons dans le présent


mémoire des attributions de R1, dont nous exceptons les jeux-partis.
R1 s´étend donc du folio 1 recto au folio 36 verso, et présente trente-trois chansons.
R1 donne pour chaque chanson une attribution originelle, ce qui n´est pas le cas de façon
systématique dans la suite du chansonnier. Nous trouvons de plus des attributions d’une main
postérieure, qu’il nous semble être toujours la même. Toutes les attributions postérieures,
hormis une, font référence à l’ouvrage de Fauchet, en indiquant à chaque fois la page concernée,
comme c´est le cas par exemple sur le folio 28 recto.

Il existe enfin une note, qui nous semble de la même main comme il est possible de le constater
en comparant les deux illustrations de cette page, indiquant que la chanson du folio 29r est
dupliquée : Duplicata ci-après de la p.79. C´est toujours le cas, et la duplication est présente,
la note fait référence à la chanson présente folio 79 recto.

19
Les auteurs de ces chansons sont, dans l’ordre où apparaissent les chansons26 (nous avons gardé
les attributions en les transcrivant diplomatiquement, et en utilisant la numérotation de Spanke
et de Raynaud) :
« Le roy de navarre » (2 chansons). R2026 et R 315. L'attribution du seul manuscrit
contenant également R2026, a, est concordante. Les attributions des manuscrits
TaKXPC de la chanson R215 sont concordantes.
« Tiebaut roy de navarre » R741. Toutes les attributions (MTaKNXPC) pour cette
chanson sont concordantes.
« Hubert Chaucesel » R118 et R1785. (2 chansons)
« Mesire Andrieu Contredis » R1732 et R262. (2 chansons)
« Monseigneur Andrieu Douche » R1482.
« Mestres Richart de Fournival » R805. Ici, deux manuscrits (NX) mentionnent Gautier
d’épinal comme auteur de cette chanson, et un manuscrit (Mi) donne le Roi de Navarre,
MTA et la table de a font mention de Richard de Fournival.
« Mesire Andrieu Contredis » R545.
« Li vidames de Chartres » R421 et R663 (2 chansons). Ici, bien que quatre autres
manuscrits (MTaA) comportent la même attribution pour R421, d’autres manuscrits
l'attribuent à Gointier de Soignies (KNP) et Guiot de Provins (C). R663 est attribuée au
Vidame dans M et T, et à Oudard de Laceni dans quatre manuscrits (KNXP).
« Mesire Guesnes » R629. Pour cette chanson, le manuscrit T attribue la chanson à
Conon de Béthune. Nous ajoutons aux concordances d'Ibos-Augé celle proposée par
Wallenskold, la chanson anonyme du manuscrit e qui est en réalité la chanson 629
(Raynaud).

26
Le travail de concordances des attributions a été fait par Anne Ibos-Augé dans un document à paraître.

20
« Mesire Quesnes Chevalier » R15 et R1960 (2 chansons). R15 est attribuée à Gilles de
Vieux-Maisons (MT) ou à Robert de Memberoles (KNXP). Nous notons que R est le
seul manuscrit où l’attribution est divergente. Trois manuscrits (TMt) attribuent R1960
à Chevalier, K l’attribue à Jacques d’Epinal, N à Gautier d’Epinal, et enfin une main
postérieure dans T à Conon de Béthune.
« Audefrois li bastars » R1252 et R143 (2 chansons). L’attribution de R1252 est propre
à R, tous les autres manuscrits suggèrent ou bien Gilles de Vieux-Maisons (MT) ou bien
Jacques de Hesdin (KNXP). En ce qui concerne R1436 en revanche, M et T concordent
avec R.
« Jacques de Dampierre » R2097 et R1016 (2 chansons)
« Monnios » R1135 et R1087 (2 chansons). Les attributions à Moniot d'Arras de la
chanson R1135 (MTaKNXHC) sont concordantes. Toutes les sources (MTa) attribuent
également R1087 à Moniot d'Arras.
S’intercalent ici dix-sept jeux-partis.
Les chansons, avec attributions originelles, reprennent ensuite.
« Monnios » R490, R1635, R620 et R1469 (4 chansons).
R490 est attribuée unanimement à Moniot d'Arras par tous les manuscrits disponibles
(MTKNX). R1635, folio 28r, est en revanche attribuée à Robert de Reims dans tous les autres
manuscrits disponibles (MTKNXPC). R est donc l’unique manuscrit, à notre connaissance, à
l’attribuer à Moniot. Il faut ajouter à ceci qu’une attribution postérieure, dans la marge du
manuscrit R, l’attribue également à Robert de Rheims, tout en donnant une référence au livre
de Fauchet 27. Ceci nous amènera, dans la seconde partie de ce chapitre, à étudier plus en détail
l’attribution de cette chanson. La chanson suivante, R620, folio 28v, présente un cas similaire,
à une nuance près. Elle est attribuée, dans tous les manuscrits disponibles (MTaKNX), à
l’exception de C, à Blondel de Nesle. C l’attribue à Gace Brulé, et, quoique l’attribution
originelle de R soit Monnios, la marge de R est annotée, de la même manière que pour la
chanson précédente, en faisant une attribution cohérente avec celle de presque tous les
manuscrits disponibles, à savoir : Blondiaus (pour Blondel de Nesle). Cette fois, il ne figure
pas de références à Fauchet.

27
Claude, Fauchet, Recueil de l’origine de la langue et poésie française : rime et romans, 2 vol., Paris, 1581,

p.140.

21
Enfin, R1469, folio 29r, est également un cas intéressant, mais un peu différent. Il est
écrit dans la marge, par une main postérieure, qu’il s’agit d’une chanson dont le duplicata est
présent dans ce même chansonnier. Or si nous consultons ce duplicata, folio 79v, une main
postérieure l’attribue au roi de Navarre. Ce que font également les autres manuscrits contenant
cette chanson (TKXM).
Par conséquent, excepté pour la première chanson de Moniot de cet ensemble, folio 27r, toutes
les autres chansons sont généralement attribuées, l’une à Robert de Reims, l’autre à Blondel de
Nesle et la dernière au Roi de Navarre, Thibaut IV de Champagne.
« Mestres Gasse Brulez chevalier ». R1977 Toutes les attributions des chansonniers
disponibles (MTKNXP) sont concordantes.
« Monseing Gasses ». R1463
« Li Chastelains de Coucy ». R1615 L’attribution du seul autre chansonnier où figure
cette chanson, a, est faite à Guilaume de Vinier.
« Mestre Guillaume li Viniers ». R1787 Les attributions des autres chansonniers
disponibles (MTAa) sont concordantes.
« Li Chastelains de Coucy » R1010, R1982, R1913 et R 413 (4 chansons). Bien que M
et T attribuent la première chanson au Châtelain, elle figure dans la section de Gace
Brulé de V, et N fait une attribution également à Gace Brulé. La seconde chanson est
attribuée au Châtelain dans M et T, et à Andrieu Contredit dans C. Pour la troisième,
toutes les sources sont concordantes. Enfin, pour la dernière des quatre chansons, R est
seul à faire cette attribution, huit autres manuscrits attribuent la chanson à Gace Brulé.

Si nous résumons ce catalogue, nous trouvons six chansons de Moniot (Monnios) dont certaines
à l'attribution douteuse, cinq chansons (d'attribution douteuse pour certaines) du Châtelain de
Coucy, trois chansons attribuées indiscutablement au Roi de Navarre, trois chansons de Conon
de Béthune (Quesnes ou Guesnes Chevalier, nous reparlerons de la problématique d’attribution
des chansons de Guesnes et de Quesnes), trois chansons d’Andrieu Contredis, deux chansons
de Hubert Chaucesel, deux chansons de Jacques de Dampierre, deux chansons de Gacé Brulé
(nous supposons que Mestres Gasse Brulez et Monseing Gasses sont la même personne), deux
chansons d'Audefrois le bâtard (dont l'une est d'attribution disputée), une chanson de Richard
de Fournival (d'attribution discutée) deux chansons du Vidame de Chartres (d'attribution
discutée), une chanson de Guillaume de Vinier, une chanson de Monseigneur Andrieu Douche,.
À première vue, R1 possède donc, parmi ses trente-trois chansons, une majorité des chansons
de Moniot et du châtelain de Coucy, même si leur attribution est douteuse, puisque les chansons

22
de ces trouvères représentent environ, respectivement, près d’un cinquième et près d’un sixième
de cette partie, donc à eux deux, un tiers de cette partie.
Par ailleurs, dans cette énumération, cinq trouvères sont artésiens : Andrieu Contredis,
Andrieu Douche, Audefroy li bastars, Guillaume de Vinier, Hubert Chaucesel. Nous
discuterons par la suite des origines probables du manuscrit, après avoir détaillé, partie par
partie, la question des attributions de chaque chanson. Si nous nous penchons à présent sur la
question des attributions postérieures, la question est un peu plus complexe. Nous avons à notre
disposition les attributions postérieures présentes sur le manuscrit _au nombre de deux. Nous
devons également prendre en compte les attributions présentes sur d’autres manuscrits, et dont
nous trouvons les concordances sur le document d’Ibos-Augé, déjà cité. Comme nous l’avons
vu dans les commentaires faits plus haut, R présente huit cas d’attributions totalement
divergentes, c’est à dire qui ne figurent dans aucun autre manuscrit, et ceux-ci, au contraire,
s’accordent à donner une paternité tout à fait différente à ces chansons.

4.2.1 « Au commencier de ma nouvele amour »

Le premier cas assez complexe concerne les chansons de Messire Quesnes Chevalier,
et tout particulièrement la chanson du folio 11v “Au commencier de ma nouvele amour”, R1960
dans la bibliographie de Raynaud.

Nous notons ici, l´attribution à Conon de Béthune. R est le seul à le faire, M et T l´attribuant à
Chevalier, K l à Jacques d’Espinaus [Épinal] et N à Gautier d’Épinal. Nous avons déjà
mentionné l'explication de Schwan au sujet de cette chanson. Il pense que l’attribution
originelle est celle de R, et que les copistes de T et de M se sont trompés en abrégeant le nom
de Messire Quesnes Chevalier en Chevalier. Il l'attribue donc à Messire Quesnes, c'est à dire,

23
comme nous le verrons un peu plus bas, fort vraisemblablement, à Conon de Béthune, noble
trouvère artésien. Schwan ajoute du reste à la mention Quenes, de Béthune entre-crochets. En
effet, Quesnes est une simple variante du nom de Conon.
Dinaux28 donne la raison des diverses variantes du nom de Conon de Béthune : « Quesnes »
« Cuno » ou « Conon ». En effet, il s’agit d’un vestige de la déclamation latine encore en
vigueur dans la poésie romane. Dans celle-ci, il n’est pas rare de placer un n à la fin des noms
propres lorsqu’ils sont à l’accusatif. Le nom de Quènes, selon Dinaux, peut aussi s’écrire des
façons suivantes : Coesnes, Coesnon, Cènes, et Cunes. Par ailleurs, nous ajoutons que, puisque
que Conon, ou Quènes, longtemps connu sous son prénom et cadet de famille selon Dinaux,
n’avait pas de terres, l'appellation de chevalier, qui est ajouté à Mesire Quesnes dans notre
manuscrit, prend tout son sens.
Pour revenir à la chanson qui nous préoccupe, la chanson R1960 est également, dans l'ouvrage
de Dinaux déjà cité, attribuée à Conon de Béthune. Elle s’inscrit pour Dinaux dans une
progression. Il pense que la chanson R629, folio 10r de notre manuscrit est une chanson du
jeune Conon de Béthune, arrivé à la cour de Philippe Auguste, et que la chansons R1960, en
est la suite.
Ce langage si soumis et si tendre devint bientôt un peu hardi : Quesnes de Béthune, comme tous les
courtisans, et nous pourrions presque dire comme tous les trouvères, devint plus clair, plus exigeant dans
une seconde chanson qu’il adresse au comte de Guelle, devenu le confident de sa passion29.
Nous retrouvons effectivement cette adresse au comte de Guelle dans l’envoi de cette chanson
(folio 12r) : « Quens de Guelle rien ne puet avancier Tant comme amours celui qui a lui vée,
Entendez ici ert vostre honnour doublée ».
Mais qui était donc ce comte de Guelle ?
La Bibliographie Nationale de Belgique (1868)30 suggère que le comte de Guelle pourrait être
en fait le comte de Gueldre. C'est ce que pense également Wallenskold31. Cependant,
Wallensköld pense identifier ce comte de Gueldre à Othon III, qui vécut après la mort de Conon
de Béthune, de 1229 à 1271, et qui était apparemment féru de poésie. Nous objectons qu'Othon
Ier, correspond davantage au comte de l'envoi, car il fut contemporain de Conon, et il n'est pas
nécessaire qu'il se soit particulièrement intéressé à la poésie pour que Conon de Béthune l'ait
choisi comme destinataire de son envoi, des liens d'amitié nous semblent être une raison

28
Arthur, Dinaux, Les trouvères artésiens, Paris, Techener, 1843, p. 381.
29
Id., p.387.
30
Académie Royale de Belgique, Bibliographie Nationale de Belgique, Bruxelles, H. Thiry-Van Buggenhoudt,
1868, p.360.
31
Axel, Wallensköld, Les Chansons de Conon de Béthune. Texte établi par Axel Wallensköld. Paris, Honoré
Champion, 1921, p.XIV.

24
suffisante, tous les destinataires des envois de chansons de trouvères n'étant pas eux-mêmes des
poètes. Ceci très instructif, puisque la maison de Gueldre, fut à la tête d'un comté bien connu,
si puissant qu'il fut érigé en duché en 1339, situé dans les Pays-Bas actuels. Or, le comte de
Gueldre contemporain de Conon de Béthune était Othon Ier. En effet, en 118832, quelques
années après que Conon de Béthune se soit rendu à la Cour de France33, ce que nous savons
car l'une de ces chansons raconte l'accueil moqueur des français, dont le roi Philippe Auguste,
en entendant son parler artésien, Otto ou Othon de Gueldre partit à la suite de Frédéric Ier en
Palestine comme croisé. À cette même époque, Conon de Béthune était également en Palestine,
dont il est probablement revenu en 1189, comme semble l'indiquer un serventois (Raynaud
1030), mais où il retourna pour la quatrième croisade34. Il n'y a rien d'invraisemblable à
imaginer qu'ils purent faire connaissance à ce moment.

Cependant, l’ouvrage de U. Lindelöf et A. Wallenskold soutient que l'attribution de notre


chanson à Conon de Béthune est pour le moins très douteuse. Concernant la chanson R1960,
qui comme nous l'avons vu, est attribuée dans N à Gautier d’Épinal, Wallenskold écrit, dans
son ouvrage portant sur les chansons de Gautier35, que « des huit manuscrits qui la contiennent,
trois (0 P U) sont anonymes ; un (N) l'attribue à Gautier d'Épinal, un (K) à un certain Jacques
d'Espinais, personnage dont le nom ne se trouve pas ailleurs, un ms. (R) donne pour auteur
Conon de Béthune, deux (M I) enfin seulement Chevalier » et conclut en notant « les
attributions des copistes ne permettent guère, comme on le voit, d'arriver à un résultat certain. »
Ce même ouvrage cite en référence Les chansons de Conon de Béthune de Wallenskold. Celui-
ci écrit :
De ce tableau, il résulte que, K N P X, qui forment un groupe très étroitement lié, ignorant le nom de
Conon de Béthune et H I 0 U V e y ne donnant jamais de nom d'auteur, seuls peuvent entrer en ligne de
compte, pour l'attribution d'une chanson à Conon de Béthune, les mss. M R T a, qui appartiennent à une
même famille, et les mss. C x, qui appartiennent à la même famille que K N P X, mais non au même
groupe ; malheureusement, les attributions de C sont en général douteuses et x ne peut nous servir que
pour une seule chanson. Dans ces conditions, l'attribution à Conon des chansons R. 15 et 1590, pour
lesquelles R est contredit par M T, est peu vraisemblable36.

32
Friedrich Lucae von Rothenburg, Des Heil. Römischen Reichs Uhr-alter Fürsten-Saal: Auff welchem Die von
vielen Seculis her, biß auff unsere Zeiten, abgestorbene Hoch-Fürstliche Geschlechter, nach derer allerseits
vollkommenen und accuraten Stamm-Reihen, Ursprunge, Auffnehmen, Ländern, Knoch, Frankfurt am Main,
1705, p.1108.
33
Axel,Wallensköld, Les Chansons de Conon de Béthune, op.cit., p.IV.
34
Ibid.
35
Ulrich, Lindelöf et Axel Wallensköld, Les Chansons de Gautier d'Epinal, édition critique, Helsingfors,
Imprimerie centrale de Helsingfors,1901, p.4.
36
Axel, Wallensköld, Les Chansons de Conon de Béthune, op.cit., p.X.

25
Enfin, Raynaud, dans un compte-rendu sur l'ouvrage d'Auguste Scheler, Trouvères belges
(1879), écrit ce qui suit.
Au comancier de ma nouvelle amour [La chanson R1960, nous intéressant.]. Il y a peu de vraisemblance
que cette chanson soit « composée par Quene de Béthune, bien qu'elle soit sous son nom dans le ms. M
1 d'où je l'ai tirée, et dans D 2 qui a servi au texte de Buchón. Il n'y a aucune vraisemblance à ce qu'elle
soit de Quene, puisque — ce que M. Sch[eler] n'a pas remarqué — elle fait rimer -ens et -ans (par ex.
entendemens et joians), usage certainement étranger à Quene, comme à tous les Picards. Il y a dix ans
qu'on doit savoir ces choses-là. Disons en outre que le choix du ms. M comme base du texte est très
malheureux. M. Sch[eler] ne peut pas ignorer que ce ms. est l'un des plus mauvais de tous. Le fait qu'il
attribue la chanson en question à Quene ne le rend pas meilleur. Il était en tout cas possible de lui
emprunter l'attribution à Quene, si on la croyait fondée, et de prendre le texte ailleurs. M. Sch[eler] nous
dit encore : " Je n'ai eu le temps de collationner que les manuscrits D et G." Or c'est une pièce qui se
rencontre dans neuf manuscrits. M. Sch.[eler] eût donc mieux fait de toute façon de ne pas la comprendre
dans son recueil, où d'ailleurs elle n'a rien à faire, puisqu'elle n'est pas de Quene. 37

Cette critique souligne le peu de foi que Raynaud apporte aux attributions de M, mais ne traite
pas de la fiabilité de l'attribution de R. Cependant, son argument concernant les rimes qui ne
seraient pas caractéristiques du parler picard de Quene de Béthune peut s´appliquer aussi bien
aux deux chansonniers à considérer. Nous avons donc examiné la version de sa chanson, dans
le manuscrit R.
Nous lisons ce qui suit dans la première strophe (nous avons respecté la graphie originelle, pour,
évidemment, pouvoir percevoir les rimes) :
"Au commancier de ma nouvelle amour
ferai chanson car pris men est talens
Et proverai acelle que iaour
puis que du tout lui les obedians
pour Dieu liproi ne me soit desdainguans
aius doit vouloir que par moy soit servie
sien seray plus lies toute mavie"
Ici, effectivement, le poète mélange les rimes en -ans et -ens, en faisant rimer talens avec
obedians et desdainguans.
Nous ne traiterons pas ici de l'entièreté de la question de l'attribution de cette chanson, mais
nous citons les remarques de Bédier (1906) à ce propos.
Cette difficulté ne nous semble pas réelle. Huon d'Oisi, qui était un grand seigneur, qui avait pu fréquenter
en diverses cours des personnages d'origine et de parlers divers et qui avait épousé une fille du comte
Thibaut de Blois, ne devait pas nécessairement parler et écrire tout à fait le même dialecte que les
bourgeois et les vilains d'Oisi ou de Cambrai. En fait, nous pouvons vérifier s'il s'interdisait tout mélange
de - an et de -en devant une consonne. Il n'y a qu'à regarder aux rimes de la pièce qui est assurément de
lui, le Tornoiement des dames : si l'on écarte les vers 76-81 on constate que Yolent y rime tantôt avec des
mots comme repent (v. 194), tantôt avec des mots comme errant (v. 60); que criant rime tantôt avec des

37
Gaston, Raynaud et Paul Meyer, « Trouvères belges du XIIe au XIVe siècle. Chansons d'amour, jeux-partis,
pastourelles, dits et fabliaux publiés d'après les manuscrits et annotés par M. Scheler », Romania, 9, n°33, 1880,
p. 144.

26
mots comme devant (v. 58), tantôt avec des mots comme prent (v. 93) 2. Donc Huon d'Oisi se permettait,
du moins à l'occasion, de confondre les deux sons, et il a pu, dans notre pièce, faire rimer
prechemens avec granz 38.
Si la remarque de Bédier est intéressante pour Huon d´Oisi, elle l´est surtout, pour la chanson
dont nous parlons, appliquée à Conon de Béthune. Bédier ne mentionne pas l´objection que
nous avons rapportée de Raynaud, mais il mentionne en revanche celle faite par Wallenskold à
propos d'une autre chanson, Raynaud 1030, attribuée à Huon d'Oisi, qui ne figure pas dans notre
manuscrit, mais qui présente un cas similaire, que nous citons donc également.
La confusion de-en consonne avec-an consonne est, sauf pour les mots connus, chose extrêmement
étonnante chez un poète picard et l'on n'a aucun droit de supposer que Huon [trouvère picard] n'ait pas
employé la langue de son pays. On est donc tenté de croire que la source commune de nos deux manuscrits
a introduit le nom de Huon d'Oisi sous l'influence du vers de la chanson 1314 (de Conon de Béthune) : Si
sen preignent a mon maistre ďOisi.39

Afin d´examiner si cette thèse pouvait être quelque peu accréditée par la manière d´écrire de
Conon de Béthune, nous avons tenté d´appliquer la méthodologie de Bédier en comparant, non
pas les chansons assurément attribuées à Huon d'Oisi, mais cette fois, à Conon de Béthune.
C'est précisément ce que fait l'ouvrage de Wallenskold, déjà cité, en énumérant les rimes
employées par Conon de Béthune. Wallenskold observe qu'aucune autre chanson, hormis R
1960 et R 1859, également d'attribution douteuse, ne mêle les rimes en ans et ens. Wallenskold
poursuit
[Conon de Béthune] s'est donc servi, dans ses chansons, d'un langage qui tenait le milieu entre le francien
et le dialecte picard prononcé, donc probablement l'artésien, mitigé peut-être par des traits franciens. Les
chansons R. 1859 et R 1960 dont les rimes et la mesure attestent des traits de langue divergents, ne
peuvent donc pas lui appartenir.
Nous ajoutons cependant, que même si nous ne trouvons donc aucun exemple de rimes mêlées
en -en et-an dans les chansons incontestablement attribuées à Conon de Béthune, l'argument de
Bédier reste valable. En effet, il est tout à fait possible de supposer que Conon, comme Huon
d'Oisi, ait pu parler francien, et que ces chansons plus tardives aient employé cette langue. La
chanson où il raconte que les moqueries de la cour au sujet de son parler artésien indique qu'il
était conscient de parler un dialecte étranger, mais il est possible qu'il ait par conséquent adaptés
son langage et ses chansons au milieu aristocratique, champenois et francien où il évoluera
après son arrivée à la cour. Conon de Béthune était de toute évidence un homme lettré, ayant
voyagé, ayant également fréquenté diverses cours, et qui a pu, de toute évidence, adopter le
parler plus aristocratique du roi et délaisser dans certaines de ses chansons le sien propre.
Rappelons que son arrivée à la cour date de sa jeunesse, période au cours de laquelle

38
Bédier, Joseph, « Sur deux chansons de croisade », Romania, 35, n° 139, 1906, p. 381, JSTOR,
www.jstor.org/stable/45043720. Consulté le 16 mai 2020.
39
Axel Wallensköld, Les Chansons de Conon de Béthune, op.cit, p.101.

27
l´adaptation a un autre accent, d´autres codes de langage, se fait facilement, d´autant plus si cet
autre langage est valorisé socialement.
Enfin concernant l'attribution à "Cevaliers" dans les manuscrits M et T, elle semble douteuse,
car aucun autre manuscrit ne mentionne ce trouvère. Il nous semble que l'hypothèse de Schwan
est probable, c'est à dire qu'il s'agit d'une erreur de copiste, et qu´il s´agit effectivement d´une
abbréviation de « Quesnes Chevalier » ou Cevaliers.
Les deux manuscrits attribuant la chanson un à d´Épinal, Gautier ou Jacques selon le manuscrit,
sont respectivement les manuscrits K et N datant tous deux vraisemblablemt de la fin du XIIIe
siècle, l´attribution est donc ancienne mais non de beaucoup antérieure a celle d´autres
chansonniers, il nous semble difficile en l´état actuel des connaissances de déterminer si celle´ci
a plus de vraisemblance que l´attribution à Conon de Béthune.

28
4.2.2 Les chansons R629 et R15 de Conon de Béthune

Les deux chansons précédentes, numéro 13 et numéro 14 dans leur ordre d´apparition
du manuscrit, respectivement R629 et R15, semblent être plus faciles à attribuer.

La chanson R629, "Chançon legiere a entendre", bien qu'attribuée à un certain Guesnes,


nous semble être sans doute une chanson de Conon de Béthune. Nous avons vu comment les
noms étaient sujets à déformation, tant par les prononciations multiples qui existaient, que par
les erreurs de copiste. Dinaux, Schwan attribuent cette chanson à Conon de Béthune. Plus
déterminant à notre point de vue, Wallenskold, l'attribue également indiscutablement à Conon
de Béthune40, il note du reste que T et R l'attribuent à ce poète, indiquant ainsi que le nom
"Guesnes" était pour lui transparent et désignait sans doute possible Conon de Béthune.

Enfin, concernant la chanson R15, "Chanter m'estuet, car pris m'en est courage",
Dinaux ne la mentionne pas, Schwan l'attribue à Conon de Béthune. Quant à Wallenskold, il
écrit ce que nous avons cité plus haut concernant la chanson R1960 ; c'est à dire qu'il ne l'admet
pas non plus dans son édition car M et T contredisent cette attribution, et ils font pour lui foi,
car ils font partie de la même famille de manuscrits que R. R étant l'unique manuscrit attribuant
cette chanson à Conon de Béthune, l'attribution reste pour le moins très douteuse. Il n'existe
malheureusement pas, à notre connaissance, d'étude sur cette chanson en particulier.

40
Id., p.IX.

29
4.2.3 Pistes de recherche

Nous souhaitons continuer d´explorer la question des attributions du chansonnier, tout


d´abord en nous focalisant sur les huit autres chansons du premier folio attribuées à d´autres
trouvères dans des manuscrits parallèles, dans l´ordre de leur apparition R805, R421, R663,
R1655, R620, R1469, R1010, R413.

Celles-ci sont divisibles en sous-groupes, R805 est attribuée à Richard de Fournival


dans notre manuscrit, R421 et R663 au vidame de Chartres, R1655, 0R620, R1469 à
« Monnios41 » avec une autre main postérieure réattribuant fR620, folio 28 recto à « Robert
de Rheims » d´après l´autorité de Fauchet, et R1655 folio 28 verso à « Blondiaus », et enfin
R1010 et R413 attribuées au châtelain de Coucy. Nous souhaiterons donc examiner la
personnalité de ces quatre trouvères supposément auteurs de ces textes et des deux trouvères
proposés en correction dans le manuscrit par la main postérieure, ainsi que les attributions
divergentes du reste du corpus des chansonniers. Nous étudierons les arguments de Fauchet,
le style de ces chansons, le dialecte utilisé, l´écriture mélodique et la versification poétique.

Ceci permettra de clore l´étude des attributions divergentes du folio R1 de ce


chansonnier, et de regarder dans sa globalité les pistes qu´une réunion de noms de
« trouveurs » nous ouvre. Comme le laisse supposer une première lecture, est-ce bien dans un
milieu arrageois de la bourgeoisie fortunée que peut avoir été écrit ce chansonnier ? Ou bien
une réattribution détaillée suggère-t-elle d´autres hypothèses ? Que nous apprend les
divergences même d´attributions de chansonnier en regard avec les autres attributions
existants pour des chansons identiques ou presque ? Faut-il supposer un chansonnier plus
proche du lieu d´émission, de vocalisation de ces chansons, comme le propose Johann
Schubert associé au Puy d´Arras42 ? Et dans ce cas faut-il suivre la suggestion de Mary
O´Neill, qui expose la thèse de Johann Schubert en proposant même qu´il puisse s´agir d´une
retranscription d´après une performance ?

Two other chansonniers, R and V, are distinctive in several respects, not only
in their format and less systematic organization, but also in the physical aspect of
their presentation. Both manuscripts are less sumptuous in their decoration and

42
Johann, Schubert, Die Handschrift Paris, Bibl.Nat.fr.1591: Kritische Untersuchung der Trouverehandschrift
R, Frankfurt am Main, 1963, p.29.

30
less care would appear to have been taken in the process of writing down their
lyrics than in the case of most of the other chansonniers, suggesting perhaps that
these two chansonniers were compiled in rather different circumstances to the
others. Johann Schubert has suggested that R is associated with the puy at Arras,
in which case it is possible that some of the repertoire it contains may have been
notated directly from oral performances.43

Ou au contraire la mémoire et la transmission populaire ont-elles laissé naitre une


dérivation des attributions ? Que nous racontent, en somme, ces singularités ?

43
Mary,O´Neill, Courtly Love Songs of Medieval France : Transmission and Style in the Trouvere Repertoire,
Oxford, Oxford University Press, 2006.

31
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35
Annexes

Annexe I
Liste des chansons du manuscrit 159144

N° Folio Titre transcrit diplomatiquement Référence


Raynaud

1 1r Savez pour quoy amours a non amours 2026


2 1v En ne voit mais nului qui vit ne chant 315
3 2v Mj grant desir et tout mi grief torment 741
4 3r Chanter voudrai d’amours qui m’est estrange 118
5 4r Quant voi le dous temps aparoir 1785
6 4v Tout tans est mes cuers en ioie 1732
7 5v Bonne belle et avenant 262
8 6r Quant ie voi la saison venir 1482
9 7r Puis qu’il m’estuet de ma dolour chanter 805
10 8r Ia pour nul mal ne pour nulle pensee 545
11 9r Combien que i’aie demouré 421
12 9v D’amours vient ioie et honnours ensement 663
13 10r Chançon legiere a entandre 629
14 11r Chanter m’estuet quar pris m’en est courage 15
15 11v Au comancier de ma nouvelle amour 1960
16 12v Se par mon chant me povoie aligier 1252
17 13r Bien doi faire mon chant oïr 1436
18 13v Cors de si gentil faiture 2097
19 14r D’amours naist fruis vertueus 1016
20 15r S’amours n’est pas que c’om die 1135
21 15v A ma dame ai pris congiet 1087
22 16r Doy home sont auques tout d’un eage 25
23 17r Colart respondez sans targier 1316
24 17v Sandrat s’il estoit ainsi 1027
25 18r Sandrat pour ce que vous voi 1678
26 19r Mahieu ie vous part compains 147
27 10v Respondés colart li changierres 1336
28 20r Robers c’est voirs c’amours a bien poissance 239
29 21r Girart d’amiens amours qui a pouoir 1804
30 22r Iehan li quiex a mieudre vie 1235
31 22v Robert or me conseilliez 1344
32 23r Andriu douche i Compaingnons 1861
33 23v Robert i’ains dame iolie 1167
34 24r Iehan amis par amours ie vous pri 1076
35 25r Thoumas ie vous weil demander 842
36 25r Robert de betune entendez 926
37 25v Sire frere fetes mon iugement 691
38 26r Frere qui fait miex a prissier 1293
39 27r Li dous termines m’agree 490
40 28r Qui bien veult amours descrire 1655
41 28v A l’entrant d’esté que li temps conmance 620

44
Liste établie en consultant le chansonnier R1591 et le travail effectué par Anne Ibos-Augés

36
42 29r Mi dous penser et mi dous souvenir 1469
43 30v Tant est que fine fueille et flour 1977
44 31r Chançon de plain et de souspir 1463
45 31v Belle dame bien aprisse 1615
46 32v Qui merci crie merci doit avoir 1787
47 33r Com bien que longue demeure 1010
48 34r Quant voi venir le bel tans et la flour 1982
49 34v Quant li estez et la douce saissons 1913
50 35v Li plusour ont d’amours chanté 413
51 37r Fine amour et bonne esperance 221
52 37v Moult m’est belle la douce conmançance 209
53 38v Ainsi com l’unicorne sui 2075
54 39r Coustume est bien quant on tient i prison 1880
55 40r Hé : amours con dure de partie 1125
56 41r Chançon m’estuet et dire et conmancier 1267
57 41v Roy de navarre sire de vertus 2063
58 43r Emperaour ne roy n’ont nul pouvoir 1811
59 43v De fine amour vient science et bonté 407
60 44v Tant ai amours servie longuement 711
61 45r Fueille ne flour ne vaut riens en chantant 324
62 46r Nuls n’a ioie ne soulas 382
63 46v Par quel mesfait ne par quelle achoison 1876a
64 47v Autre que ie ne seul fais 376
65 48r Se i’ai esté lonc temps hors du païs 1575
66 49r Quant la saisson du dous temps sa seüre 2086
67 49v D’amours qui m’a tolu a moi 1664
68 50v Nulz hons ne set d’ami qu’il puet valoir 1821
69 51r Fine amours clainme en moy par heritage 26
70 52r Conment que d’amours me dueille 1007
71 52v Tant ai en chantant proié 1095
72 53v Se amours veult que mes chans remaigne 120
73 54v Lj plus se plaint d’amour més ie n’os dire 1495
74 55r Dame merci se i’aing trop hautement 686
75 56r Pour ce me sui de chanter entremis 1529
76 56v N’est pas saiges qui me tourne a folie 1158
77 58r Pour ce ce i’aing et ie ne sui amez 913
78 59r Pour demourer en amours sans retraire 185
79 60r Pour mieux vet baus gais et iolis 1554
80 60v Anuis et desesperance 214
81 61v Bonne amour m’a a son service mis 1569
82 62v Li desirriers que i’ai d’achever 755
83 63r On me reprent d’amours qui me maistrie 1175
84 64r Paine d’amour et li maux que ie trai 106
85 64bisr En chantant plaing et souspir 1464
86 64bisv Or endroit plus que onques mais 197
87 65v On dit que i’aing et pour quoi n’ameroie 1685
88 66v Se i’ai chanté encore chanterai 68
89 67v Pluseurs amans ont souvent desirré 424
90 68v Li hons qui veut honneur et ioie avoir 1792
91 69v Bien doi du tout a amours obeir 1434
92 70v En mon chant lo et graci 1044
93 71r Aucun qui weullent leur vie 1222
94 72r Du plaissant mal savoureus iolis 1556
95 72v Li rosignos chante tant 360
96 73v Tout autresi con l’ente fet venir 1479

37
97 74v Ie me cuidoie partir 1440
98 75r Qui plus aime et plus endure 2095
99 76r Il feroit trop bon mourir 1428
100 76v Mauvés arbre ne peut flourir 1410
101 77v Ie me cuidoie partir 1440
102 78r Une doulour enossee 510
103 78v Chanter m’estuet que ne m’en puis tenir 1476
104 79r Li dous pensers et li dous souvenirs 1469
105 80r Nien plus que dit peut estre sans raiso 1892
106 80v Phellippe ie vous demant 334
107 81v Phelippes ie vous demant 333
108 82v Cil qui chantent de fleur ne de verdure 2116
109 83r Aymans fins et verais 199
110 84r Des ore mais est raison 1885
111 84v De bonne amour et de loial amie 1102
112 85v Onques ne fui sans amour 1964
113 86r Se i’ai chanté sans guerredon avoir 1789
114 86v Ie n’ai loisir d’assez penser 879
115 87r Iamés ne cuidai avoir 1786
116 88r Au repairier que ie fis de provence 624
117 88v Haute chose a en amour. 1954
118 89r Ou nouviaus temps que iuer se de brise 1619
119 90r Qui veult amours maintenir 1424
120 90v Quant esté faut encontre la saison 1898
121 91r Amours pour ce que mes chans soit iolis 1560
122 91v Pensis desirant d’amours 2019
123 92r A la plus sage et a la miex vaillant 363
124 93r Se felon et losengier 1286
125 93v Quant voi la glaie meure 2107
126 94v Ie ne chant pas pour verdour 2017
127 95r Reau desir et pensee iolie 1172
128 95v Li grans desir de deseruir amie 1100
129 96v Amours est une merveille 566
130 97r Ie ne sui pas esbahis 1538
131 97v Diex ie n’os nommer amie 1104
132 98v Grant deduit a et savoureuse vie 1237
133 99v Bien doi chanter la qui chançon set plaire 169
134 100r Li iolis maus que ie sent ne dedoit mie 1186
135 101r Ie sent en moi l’amour renouveler 888
136 102r Ma douce dame et amours 2025
137 102v Qui a droit veult amours servir 1458
138 103v Sans espoir d’avoir secours 2038
139 104r Dame vos hons vous estrainne 1383
140 105r Pour ce se ie n’ai esté 432
141 105v Tels s’entremet de garder 858
142 106r Lors quant ie voi le buisson en verdure 2118
143 106v Il ne me chaut d’esté ne de rousee 552
144 107v Quant voi la douce saison 1895
145 108r Puis qu’amours m’a donné le beau savoir 1815
146 108v Puis que ie sui de l’amoureuse loy 1661
147 109v Li iolis mais ne la flor qui blanchoie 1692
148 110r Lonc tamp ai esté 433
149 110v Tres haute amour qui tant s’est abaissie 1098
150 111r Biau m’est du tamps de gain qui raverdoie 1767
151 112r Ne mi donne pas talent 739

38
152 112r Ne rose ne flour de lis 1562
153 112v Chanter m’i fait pour mez malz aligier 1251
154 113v Cil qui d’amourz me conseille. 565
155 114r Au renouviau de la douchour d’esté 437
156 115r Hé : amours ie sui norris 1573
157 115v Desconfortés et de ioie partis 1073
158 116v Encor ferai une chanson perdue 2071
159 117r Foy et amour et loyautés 934
160 117v Quant fueille glais et verdure s’esloignent 1779
161 118r Onques d’amours n’oi nulle si grief painne 138
162 119r A vous amant plus qu’a nulle autre gent 679
163 119v Quant ie plus sui en paour de ma vie 1227
164 120v Les oisillons de mon païs 1579
165 121r Quant li tamps pert sa chalour 1969
166 121v Iriés et destrois et pensis 1590
167 122v Mercis clamant de mon fol errement 671
168 123r S’onques nulz hom pour dure departie 1126
169 124r Quant partis sui de provence 625
170 124v En loyal amour ai mis 1568
171 125r Au besoing voit on l’ami 1028
172 125v Bien doit chanter fine amour adrece 482
173 126v Au conmenchement du tamps 280
174 127r Quant a son vol a failli li oisiaus 481
175 127v Au tamps que muert la froidure 2102
176 128v Tant sai d’amours que cilz qui plus l’emprent 661
177 129r Quant l’erbe muert voi la fueille cheoir 1795
178 129v Li nouveaux tamps et mays et uiolette 985
179 130v I’aim par coustume et par us 2124
180 131v Au repairier en la douce contree 500
181 132r Nulz ne doit estre alentis 1511
182 132v Aucun dient que poins et lieus et tamps 282
183 133v Aucune gent vont disant 338
184 134r Sens et raisons et mesure 2106a
185 134v Ce que ie sui de bonne amour espris 1542
186 135v Moult me merueil conment on puet trouuer 896
187 136v Moult scet amours tressauoureusement 721
188 137r Amours m’assaut doucement 655
189 138r Dedens mon cuer s’est n’a gaires fichiés 1348
190 139r Ie sent le doulz mal d’amours 1948
191 139v Liés et loiaus amoureu et iolis 1049
192 140v Pris fui amoureusement. 638
193 141r Onques n’amai plus loyalment nul iour 1997
194 142r Si me fait tres doucement 660
195 142v Meruilliés me sui forment 678
196 143r Moult a cilz plaisant deduit 2080
197 144r Onques mais mainz esbahis 1537
198 144v Plus amoureusement pris 1594
199 145r Hé : bonne amour si com vous ai servie 1213
200 145v Ce qu’amours a si tres grande poissance 241
201 146v Loyal amour point celer 774
202 147r Bien doi chanter liés et baus 384
203 147v Douce amours ie vous pri merci 1064
204 148v Li doulz malz qui me met en ioie 1733
205 149r Amours me fait ioliement chanter 820
206 150r Onques mais si doucement. 657

39
207 150v Si me tient amours ioli 1046
208 151r Plus ne me voeil abaubir 1388a
209 151v Moult douce souffrance 250
210 152r Merci amours de la douce dolour 1973
211 153r On demande moult souuent qu’est amours 2024
212 154r I’ai ioli souvenir 1470
213 154v Quant voi le felon temps finé 460
214 155r On uoit souuent en chantant esmartir 1391
215 156r Quant la flour de l’espinete 979
216 157r Quant li cincenis s’escrie 1148
217 157v Nouvelle amour qui m’est ou cors entree 513
218 158v Quant yuers trait a fin 1367
219 159r Quant li nouviaus tens define 1382
220 159v Li dous maus mi renouvelle 612
221 160r Pourquoi se plaint d’amours nuls 2128
222 161r Au repairié de la douce contree 500
223 162r Tant me plest vivre en amoureus dangier 1273
224 162v Dous est li maus qui met la gent en voie 1771
225 163v Amours ne me veult oïr 1438
226 164v Ie n’ai autre retenance 248
227 165r Il ne muet pas de sens celui qui plaint 152
228 166r On me deffent que mon cuer pas ne croie 1711
229 167r He las il n’est mais nul qui ainst 149
230 167v Helas il n’est més nul qui n’aint 148
231 168r Puis que ie sui en l’amoureuse loi 1661
232 169r Or voi ie bien qu’i souvient 1247
233 170r Li roussignos chante tant 360
234 170v Tout autressi que l’ente fait venir 1479
235 171v A tort m’ociés amours 857
236 172r Av dieu d’amours ai requis don 1862
237 172v Chanter me fait bons vins et resioïr 1447
238 173r D’enuis sent mal qui ne l’a apris 1521
239 174r Nus hons ne puet ami reconforter 884
240 175r Chançon ferai car talens m’en est prins 1596
241 176r L’autre nuit en mon dormant 339
242 176v En chantant veul ma doulour descouurir 1397
243 177v Pour mau temps ne pour gelee 523
244 178r Ie ne chant pas reuelans de merci 1060
245 178v Merueille est quel talent i’ai 52
246 179r Robert véés de pierron 1878
247 179v Merci ou estes vous manans 270
248 180v Une chançon encor veul 1002
249 181r De grant ioie me sui tous esmeüs 2126
250 182r Puis qu’il m’estuet de ma dame partir 1441
251 182v Au temps plain de felonnie 1152
252 183v Malvais arbrez ne puet flourir 1410

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Table des matières
Avant-propos ....................................................................................................... 1
1.Méthodologie..................................................................................................... 3
2.Les attributions en tant qu´objet de recherche ............................................. 4
3.État des connaissances sur le manuscrit 1591 ............................................... 6

3.1 Le fonds Dupuy 6


3.2 Travaux citant le chansonnier 1591 10
3.3 Travaux de Schwan et de Wallenskold 13
4.La question des attributions .......................................................................... 19

4.1 R1, hormis les jeux-partis. 19


4.2.1 « Au commencier de ma nouvele amour » 23
4.2.2 Les chansons R629 et R15 de Conon de Béthune 29

4.2.3 Pistes de recherche 30


Bibliographie...................................................................................................... 32
Annexes............................................................................................................... 36
Table des matières ............................................................................................. 41

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