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36e Congrès annuel de l’Association québécoise du transport et des routes, 1er au 3 avril 2001

Évaluation de la résistance ultime des dalles de ponts et viaducs en béton armé


à l’aide de la théorie de plasticité
Dominique Bernard Bauer, ing., Ph.D.
Département de génie de la construction
École de technologie supérieure
Montréal, Québec

RÉSUMÉ

On présente ici le calcul des dalles en béton armé de ponts et viaducs par une méthode numérique des lignes
de rupture. La méthode consiste à décrire géométriquement le mécanisme de rupture et les charges
appliquées à l’aide de nœuds, de plans et de lignes. Parce que la méthode est numérique, la forme des dalles,
la disposition de l’armature, les types d’appui, la répartition des charges et les mécanismes de rupture étudiés
peuvent tous être définis pour des valeurs quelconques. L’auteur présente un logiciel de calcul numérique des
lignes de rupture des dalles, dont les possibilités sont illustrées par quelques exemples.

MOTS-CLÉS

Dalle en béton armé. Viaducs et ponts. Méthode numérique de calcul par lignes de rupture.

INTRODUCTION

Au Québec, on compte plus de 4700 ponts et viaducs qui sont du ressort du gouvernement du
Québec et plus de 4400 autres qui sont sous la responsabilité des municipalités. Ces ponts ne sont pas en bon
état. En effet, sur une échelle de 0 à 100, on a estimé que les ponts québécois se trouvaient en moyenne à
67,5 (Berger 1999). Des programmes d’évaluation et de réparation ont donc été entrepris au Québec et
ailleurs dans le monde. Par exemple, la firme Dessau-Soprin faisait récemment une étude d’évaluation pour
le compte des Travaux publics de la Malaisie, propriétaire d’environ 2500 ponts (Toutant et Dorval 1999). En
Irlande du Nord, on compte 6500 ponts sur les routes publiques qui font présentement l’objet d’une étude
(Middleton 1998). Vu le grand nombre de ponts à étudier, il est nécessaire d’adopter une méthode d’analyse
structurale rapide et efficace.
Les méthodes élastiques de grillage et par éléments finis élastiques conviennent au
dimensionnement des nouveaux ponts, au calcul de leur armature et à la vérification de leur comportement
sous les charges d’utilisation. Les méthodes plastiques, par lignes de rupture ou par éléments finis non
linéaires, permettent de déterminer la résistance ultime d’une dalle et conviennent donc bien à l’évaluation de
la résistance ultime de ponts existants. Les calculs par éléments fins non linéaires sont sûrement la voie de
l’avenir mais ils requièrent une bonne maîtrise de logiciels souvent complexes. Par contre, le calcul par lignes
de rupture est beaucoup plus simple.
La méthode de calcul par lignes de rupture est recommandée dans la norme canadienne sur les
ouvrages de béton (CSA A23.3-F94). Elle est présentée en détail dans des ouvrages importants comme
« Dimensionnement des structures en béton » par Favre et al. (1997) de l’École polytechnique fédérale de
Lausanne et dans « Reinforced Concrete Slabs » par Park et Gamble (2000). Les solutions classiques de
calcul par lignes de rupture requièrent cependant des manipulations mathématiques qui peuvent être difficiles
et sujettes à erreurs. Des tables contenant différents patrons de rupture de dalles ont donc été développées,
par exemple par le Comité européen du béton, CEB (AITEC 1972). Récemment, à l’Université de
Cambridge, on a développé un logiciel contenant 27 différents patrons de rupture pour un programme
d’évaluation des ponts, COBRAS ou Concrete Bridge Assessment ou COBRAS (Middleton 1999).
On présente ci-après une nouvelle méthode, entièrement numérique et mise en application avec une
première version d’un logiciel informatique, pour le calcul des dalles en béton par lignes de rupture. Le
logiciel est facile et rapide à utiliser, et il permet d’analyser les dalles avec tous types de géométrie et de
chargement. Les ponts obliques et les dalles avec poutres sont facilement modélisés. En fait, le logiciel peut
analyser n’importe quel patron de rupture. Il fait les calculs numériques, la vérification des conditions
cinématiques et l’optimisation des patrons de rupture. Il n’existe aucune autre méthode aussi perfectionnée et
pratique pour faire le calcul par lignes de rupture des dalles de ponts et viaducs en béton. Ce logiciel pourrait
être amélioré et devenir un outil de calcul très utile au gouvernement du Québec, aux municipalités et aux
bureaux de génie-conseil dans les programmes d’évaluation et de réparation des ponts et viaducs.
MÉTHODE NUMÉRIQUE

La résistance ultime d’une dalle en béton armé sollicitée en flexion peut être calculée de façon
simple et efficace en utilisant la méthode des lignes de rupture. Johansen (1962) a développé cette méthode,
qu’on utilise depuis avec succès pour le calcul des dalles de plancher dans les bâtiments et des tabliers dans
les ponts en béton armé.
L’auteur présente ici une méthode numérique de calcul par lignes de ruptures. Cette méthode diffère
des méthodes conventionnelles en ce qu’elle n’utilise pas une description algébrique du problème à résoudre,
mais est plutôt basée sur la géométrie analytique, l’algèbre vectorielle et utilise la valeur numérique des
dimensions et des propriétés de la dalle pour obtenir la solution.
La méthode présentée ici est tout à fait générale parce qu’entièrement numérique. Elle peut être
utilisée pour des dalles de forme quelconque et les mécanismes de rupture peuvent également être de forme
quelconque. De plus, la méthode a l’avantage de ne requérir aucune manipulation algébrique ; elle n’est donc
pas limitée par la complexité des mécanismes de rupture et par la complexité résultant de la solution
algébrique.
On revoit brièvement ci-après la théorie des lignes de rupture. On suppose que le lecteur a une
connaissance suffisante de cette théorie et il peut se référer au besoin à des ouvrages classiques sur le sujet
pour obtenir plus de détails (voir par exemple Jones et Wood, 1967).
La méthode des lignes de rupture repose sur le théorème cinématique de la théorie de la plasticité
des structures et elle fournit une solution limite supérieure pour la charge de rupture d’une dalle.
Dans la méthode des lignes de rupture, on suppose un mécanisme de rupture qui consiste en une
série de segments de dalle non déformés reliés les uns aux autres par des charnières plastiques, qu’on
appellent le plus souvent « lignes de rupture ». Le mécanisme doit être correct du point de vue cinématique
sur toute la dalle et aux appuis. La méthode ne considère pas la répartition des moments fléchissants et en
général les conditions d’équilibre ne sont pas vérifiées.
Il existe deux méthodes de calcul par lignes de rupture : la méthode du travail virtuel et la méthode
dite d’équilibre. Les deux méthodes mènent à des solutions limite supérieure identiques, et il a été démontré
que les deux méthodes représentent en fait la même solution, mais avec des approches différentes. Nous
présenterons ici la méthode du travail virtuel qui est plus simple en principe.
Dans la méthode du travail virtuel, on suppose un mécanisme de rupture pour une dalle et un
chargement donné, et on calcule la charge de rupture P en égalant le travail fait par les charges appliquées sur
la dalle à l’énergie interne dissipée par les lignes de rupture durant un petit (virtuel) déplacement du
mécanisme de rupture. On a :

E=D (1)

c’est-à-dire


toutesles
λPδ = ∑
toutesleslignes
γ m pθl (2)
charges derupture

ou bien
∑ γ m pθl
toutesleslignes
P=
derupture
(3)
∑ λδ
toutesles
charges

On peut également écrire

∑ λPδ
toutesles
mp =
charges
(4)
∑ γθl
toutesleslignes
derupture

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où λP est une charge appliquée, d’une valeur λ, qui subit un déplacement δ. Le terme γmp représente la
résistance en flexion de la dalle par unité de longueur, d’une valeur γ. θ est la rotation et l la longueur de
chacune des lignes de rupture qui composent le mécanisme de rupture.
Parce que la méthode des lignes de rupture fournit une solution limite supérieure, on doit essayer
différents mécanismes de rupture et différentes dimensions pour chaque mécanisme afin de s’assurer d’avoir
trouvé la plus petite valeur de la charge de rupture de la dalle. Dans la méthode algébrique conventionnelle et
pour des problèmes simples, on trouve la solution minimum par différentiation. Pour des problèmes plus
complexes, une approche par tâtonnement est généralement plus facile et plus rapide. Dans la méthode
numérique présentée ici, on utilisera une procédure de recherche simple pour trouver la solution minimum.

Début

Ouvrir le fichier de données


Lire les données :
nœuds, plans, lignes,
résistances, charges,
optimisation
Répéter pour tous les patrons
ou les limites de mouvement
ou le patron optimum

Identifier les nœuds maîtres


Répéter pour tous les Calculer les déplacements non spécifiés
plans Calculer les coefficients
de l’équation algébrique
Vérifier la planéité du plan

Déterminer si la ligne de rupture


Répéter pour toutes les est positive ou négative
lignes Calculer la résistance plastique en flexion,
la rotation, la longueur

Calculer D = ∑ γ mpθ l

Répéter pour toutes les Calculer la valeur, la positon


charges et le déplacement de la résultante

Calculer E = ∑ λ Pδ

P = D / ∑ λδ
Calculer
m p = E / ∑ γθl

Afficher le mécanisme de rupture à l’écran


Préparer les résultats détaillés

Fin

Figure 1. Organigramme du logiciel d’analyse numérique par lignes de rupture.

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La méthode numérique présentée ici est longue et bien qu’en principe elle puisse être faite à la main,
on doit en pratique la mettre en œuvre avec un logiciel informatique. On montre à la figure 1 un
organigramme du logiciel, dont les principales étapes sont présentées ci-après.
La méthode numérique consiste à calculer la charge de rupture ou la résistance en flexion requise
d’une dalle à partir de la géométrie d’un mécanisme de rupture défini à l’aide de nœuds, de lignes et de plans.
Considérons par exemple une dalle orthotrope de forme carrée, encastrée sur les quatre côtés, soumise à une
charge ponctuelle centrale, P, et qui forme le mécanisme de rupture montré à la figure 2. On numérote les
lignes de rupture de 1 à 8 et les nœuds de 1 à 5. Les segments de dalle, ou plans, sont numérotés de 1 à 5, y
compris le plan 1 qui représente le plan de la dalle non déformée. On utilise un repère cartésien avec l’origine
positionnée à un endroit quelconque, disons en bas à gauche, et avec l’axe z pointant vers le haut. Il faut
ensuite déterminer les coordonnées ( xi , yi , zi ) de chaque nœud.

bords
encastrés
10

charge ponctuelle

10 (a) (b)

1
1 2
1
10

2 3 2 5
4

Nœud

3 4
3 Plan

Ligne
7
6
y 5

8
0
4 x 5

Vue en plan

z
P
0
4 1 x 5 2
-1
3
(c)
Élévation

Figure 2. Dalle carrée avec bords encastrés et une charge ponctuelle centrale : (a) dalle ; (b) mécanisme de
rupture ; (c) modèle pour l’analyse numérique par lignes de rupture.

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à l’aide de la théorie de plasticité
ÉNERGIE DISSIPÉE PAR LES LIGNES DE RUPTURE

On calcule d’abord l’énergie dissipée par les lignes de rupture. Ceci comprend le calcul de la
résistance à la flexion, de la rotation et de la longueur des lignes de rupture.

Résistance à la flexion
La résistance à la flexion par unité de longueur, m p , d’une ligne de rupture qui forme un angle α
avec l’axe x, un axe principal de l’armature, dans une dalle orthotrope est égale à (figure 3a), s’il s’agit d’une
ligne positive (concave vers le haut),

m p = m px cos 2 α + m py sin 2 α (5)

et, s’il s’agit d’une ligne de rupture négative (concave vers le bas),

m p = m′px cos 2 α + m′py sin 2 α (6)

On calcule les fonctions de αcomme suit :

2 2
 y − y1  x −x 
cos 2 α =  2  , sin 2 α =  2 1  (7)
 l   l 

m px et m py sont les résistances en flexion positives dans les directions x et y, respectivement, et m ′px et m ′py
sont les résistances en flexion négative. x1 , y1 et x2 , y2 sont les coordonnées des nœuds d’extrémité et l la
longueur de la ligne de rupture.

1 l

mpx m’px

mpy
2
m’py
α

x
(a)

y s

1 l

mpx m’px

2 mps
β
α m’ps

x
(b)
Figure 3. Ligne de rupture formant un angle quelconque : (a) dalle orthotrope ; (b) dalle oblique.

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Dans les dalles obliques, qui servent souvent de tabliers dans les viaducs, l’armature peut être placée
parallèlement au bord de la dalle, et en conséquence la dalle n’est plus orthotrope. Supposons que l’armature
soit disposée dans la direction x et dans une direction s faisant un angle β avec l’axe x (0 o < β < 180 o ) . La
résistance en flexion, mp , d’une ligne de rupture qui fait un angle β avec l’axe x est égale à (figure 3b), pour
une flexion positive,

m p = m px cos 2 α + m ps sin 2 ( β −α)


(8)

et, s’il s’agit d’une flexion négative,

m p = m′px cos 2 α + m′ps sin 2 ( β −α) (9)

On calcule les fonctions de αcomme suit :

2
 y − y1 
cos 2 α =  2  (10)
 l 

Si ( y2 − y1 )( x2 − x1 ) > 0 , on a
2
 (cos β)( y2 − y1 ) (sin β )( x2 − x1 ) 
cos ( β − α) = 
2
+  (11)
 l l 
et si ( y2 − y1 )( x2 − x1 ) ≤ 0 , on a
2
 (cos β)( y1 − y2 ) (sin β )( x2 − x1 ) 
cos 2 ( β − α) =  +  (12)
 l l 

où m px , m ′px , m ps et m ′ps sont les résistances en flexion positives et négatives dans les directions x et s,
respectivement.

Plans définissant les segments de dalle


Avant de pouvoir calculer la rotation d’une ligne de rupture, on doit définir des plans qui
correspondent aux segments de dalle non déformés du mécanisme de rupture étudié. Pour la dalle montrée à
la figure 2, le plan 2 est défini par les nœuds 1, 2 et 3, le plan 3 est défini par les nœuds 1, 3 et 4, etc. Soient
trois points p 0 ( x 0 , y 0 , z 0 ) , p1 ( x1 , y1 , z1 ) et p 2 ( x2 , y2 , z 2 ) , l’équation algébrique du plan passant par ces trois
points est la suivante :

Ax + By + Cz+ D = 0 (13)

A = ( y 1 − y0 )( z2 − z0 ) − ( z1 − z0 )( y2 − y0 )
B = (z 1 − z 0 )( x 2 − x0 ) − ( x1 − x0 )( z2 − z0 )
C = ( x1 − x0 )( y2 − y0 ) − ( y1 − y0 )( x2 − x0)
D = −( Ax0 + By0 + Cz 0 )

Pour définir un plan, les trois points p 0 , p1 et p 2 ne doivent pas être colinéaires. On peut vérifier
ceci en comparant la pente d’une ligne entre p0 et p1 et celle d’une autre ligne entre p1 et p 2 . Pour
simplifier, on compare les pentes dans le plan x,y, ( y1 − y0 )/(x1 − x0 ) et ( y2 − y1 )/(x2 − x1 ) . Si les pentes sont
différentes, les trois points ne sont pas colinéaires et peuvent être utilisés pour le calcul de l’équation
algébrique du plan.
Une fois que l’on a déterminé l’équation d’un plan, on peut l’utiliser pour calculer la position de
certains nœuds qu’autrement il aurait fallu calculer à la main. La figure 4 montre un exemple où la
coordonnée z du nœud 5 peut être calculée à l’aide des équations des plans 3 ou 4. Les équations du plan d’un
segment de dalle peuvent également servir à vérifier si le segment est vraiment plat. Ceci est fait en

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à l’aide de la théorie de plasticité
comparant la coordonnée z de chaque nœud à la valeur calculée à partir des coordonnées x et y du nœud et en
utilisant l’équation du plan, c’est à dire :
Ax + By + D
z=− (14)
C

Le mécanisme de rupture montré à la figure 5 n’est pas admissible du point de vue cinématique.
Ceci est détecté en vérifiant les coordonnées z des nœuds 3 et 4 appartenant aux segments de dalle contigus 2
et 5.
1

1 2
2 Nœud

3
4 Plan
3

4 6
5 Nœud Coordonnée z
1 0
2 0
3 -1/1015
4 0
5 calculé par le logiciel
6 0
7 0
7

Figure 4. Exemple où la coordonnée z du nœud 5 est déterminée à l’aide des équations du plan 3 (ou 4).

1 2

2
1
4
4
3
3
5

5 6

Figure 5. Exemple d’un mécanisme qui n’est pas admissible du point de vue cinématique.

Rotation des lignes de rupture


La rotation d’une ligne de rupture est égale à l’angle θ entre les deux plans dont l’intersection définit
la ligne (voir la figure 6). Soient deux plans m et n avec les équations algébriques suivantes :

plan m : Am x + Bm y+ Cm z+ Dm = 0
plan n : An x + B n y + C n z + D n = 0 (15)

l’angle θ entre ces deux plans est égal à l’angle aigu entre leurs vecteurs normaux nm et nn , donné par
l’équation suivante :

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à l’aide de la théorie de plasticité
( Bm C n − C m Bn ) + ( Cm An − AmCn ) + ( Am Bn − Bm An )
2 2 2
nm × nn
θ ≅ tanθ = = (16)
nm ⋅ nn Am An + Bm Bn + CmCn

où l’angle θ est très petit, puisqu’on considère des déplacements virtuels. On obtient de petits angles en
supposant que le mécanisme de rupture se déforme peu. Par exemple, en choisissant une valeur maximum de
1/1015 fois la largeur de la dalle pour la coordonnée z des nœuds du mécanisme de rupture, on obtient des
résultats avec une erreur de moins de 1/1010 %.

y
n
A

x
(a)

θ
z

plan m plan n
(élévation) (élévation)
nm nn

θ
ligne de rupture

(b)

Figure 6. Rotation des segments de dalle rigides : (a) vue en plan ; (b) coupe A-A.

Il est possible de déterminer le sens de la flexion des lignes de rupture, c’est-à-dire, si elles sont
positives ou négatives, à partir de la description numérique du mécanisme de rupture. Soit une ligne avec les
nœuds d’extrémité 1 et 2, située entre les plans m et n. En utilisant la convention que le plan m est du côté
gauche de la ligne pour un observateur placé au nœud 1 et regardant dans la direction du nœud 2, le point H,
dont les coordonnées sont  x1 + (y 2 − y1 ) , y1 + ( x1 − x2 )  , se trouvera toujours du côté droit de la ligne de
rupture (voir la figure 7). La différence entre la coordonnée z du point H sur le plan n et la coordonnée
correspondante obtenue en utilisant les équations du plan m indique si la ligne de rupture est positive ou
négative. Lorsque z H ,n − z H ,m > 0 , la ligne de rupture est positive. Lorsque z H ,n − z H ,m < 0 , la ligne est
négative.

Longueur des lignes de rupture


La longueur d’une ligne de rupture est égale à la distance entre ses nœuds d’extrémité p1 ( x1 , y1 , z1 )
et p2 (x2 , y2 , z 2 ) , donnée par l’équation suivante :

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à l’aide de la théorie de plasticité
( x2 − x1 ) + ( y 2 − y1 )
2 2
p1 p2 = (17)

où on ne tient pas compte des coordonnées z qui sont très petites.

y
A H
2
m

A
1

x
(a)

H
m
n
zH,n

ligne de rupture 1 2
positive
zH,m

zH,m
1 2
n
m

zH,n

H
ligne de rupture
négative
(b)
Figure 7. Sens de la flexion d’une ligne de rupture (positif ou négatif) : (a) vue en plan ; (b) section A-A.

Après avoir calculé la résistance unitaire en flexion, la rotation et la longueur de chaque ligne de
rupture à l’aide des équations (5) à (17), on multiplie ces valeurs et on les additionne pour toutes les lignes.
La somme, ∑ γ m pθ l , est égale à l’énergie totale dissipée par les lignes de rupture.

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à l’aide de la théorie de plasticité
TRAVAIL FAIT PAR LES CHARGES

On présente maintenant le calcul du travail fait par les charges. On traite ici des charges ponctuelles,
linéaires et réparties uniformément.

Charge ponctuelle
Les charges ponctuelles sont définies par une valeur λPL , un point (correspondant à un nœud) avec
les coordonnées x et y où la charge est appliquée, et un plan sur lequel la charge est appliquée. Le mouvement
de la charge est égal à la coordonnée z du point où la charge est appliquée. Si la coordonnée z n’est pas
spécifiée, elle peut être calculée à l’aide de l’équation (14). Le travail fait par une charge ponctuelle est donc
égal à :

EPL = λPL PzPL (18)

Charge linéaire
On peut définir une charge linéaire uniforme ou variant de façon linéaire à l’aide des deux nœuds
d’extrémité dont les coordonnées sont x1 , y1 et x2 , y2 , la valeur de la charge à chaque extrémité, λ1 et λ2 , et
le plan sur lequel la charge est appliquée (voir la figure 8). À partir de ces données, on peut calculer le travail
fait par une charge linaire comme suit.

La longueur de la charge linéaire est égale à :

( x2 − x1 ) + ( y2 − y1 )
2 2
l = (19)

La résultante de la charge linéaire est égale à :

λ1 + λ2
λLL = l (20)
2

2 A
y résultante

centre de
1 λ1 gravité λ2

A c
1
l
2
c
x
(a) (b)
Figure 8. Charge linéaire : (a) vue en plan ; (b) vue A-A.

La position de la résultante est au centre de gravité ( xc , yc ) , où

x2 − x1 y2 − y1
xc = x1 + c et y c = y1 + c (21)
l l

et où

2λ2 + λ1
c= l (22)
3 ( λ2 + λ1 )

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à l’aide de la théorie de plasticité
Le déplacement du point où la résultante agit est égal à :

Axc + Byc + D
z LL = − (23)
C

où A, B, C et D sont les coefficients de l’équation algébrique du plan sur lequel la charge est appliquée.
Finalement, le travail fait par une charge linéaire est égal à :

ELL = λLL Pz LL (24)

Charge uniformément répartie


On peut définir une charge uniformément répartie par les n sommets, de coordonnées (x1 , y1 ),
(x2 , y2 ),…, (xn , yn ), de la surface couverte par la charge répartie, la valeur de la charge, λUDL , et le plan sur
lequel la charge est appliquée. À partir de ces données, on calcule le travail fait par la charge de la façon
suivante.
On calcule la valeur et la position de la résultante d’une façon semblable à celle utilisée en arpentage
pour calculer l’aire couverte lors d’un cheminement (voir la figure 9). La charge unitaire résultante est égale
à:

Px = (y 2 − y1 )( x1 + x2 ) / 2 + ( y3 − y2 )( x2 + x3 ) / 2 + ... + ( y1 − yn )( xn + x1 ) / 2 (25)

On peut également écrire

Py = ( x2 − x1 )( y1 + y2 ) / 2 + ( x3 − x2 )( y2 + y3 ) / 2 + ... + ( x 1 − xn )( yn + y1) / 2 (26)

y
2

1
centre de
...
gravité

yc
n
...

x
xc

Figure 9. Charge uniformément répartie.

La position de la résultante est au centre de gravité de l’aire couverte par la charge répartie, c’est-à-dire au
point (xc, yc ) où

xc =
∑ xp , yc =
∑ yp (27)
Py Px
et

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à l’aide de la théorie de plasticité
y2 − y1  ( x2 − x1 ) 2  y3 − y2  ( x3 − x2 ) 2 
∑ xp = 8 
( x1 + x 2) +
2
+  ( x2 + x3 ) +
2

3  8  3 
(28)
y − yn  ( x1 − xn ) 2 
= +... + 1 ( xn + x1 ) +
2

8  3 
et
x2 − x1  ( y2 − y1 ) 2  x3 − x 2  ( y3 − y 2 ) 2 
∑ yp = 8 
( y 1 + y 2 ) +
2
+  ( y 2 + y 3) +
2

3  8  3 
(29)
x −x  ( y1 − yn ) 2 
= + ... + 1 n  n
( y + y 1 )2
+ 
8  3 

Le déplacement de la résultante est égal à

( Axc + Byc + D )
zULD = − (30)
C

où A, B, C et D sont les coefficients de l’équation algébrique du plan sur lequel la charge est appliquée.

Finalement, le travail fait par une charge uniformément répartie est égal à

EUDL = λUDL PzUDL (31)

Le lecteur notera que la procédure présentée ci-dessus est valable pour des charges uniformément
réparties sur des aires de forme polygonale quelconque, y compris des aires avec des coins rentrants et des
ouvertures.
Après avoir déterminé le travail fait par les différentes charges à l’aide des équations (18) à (31), on
fait la somme de ces valeurs pour toutes les charges. La somme, ∑ λ Pδ , est égale au travail total fait par les
charges, E.

SOLUTION

Finalement, on trouve la charge de rupture de la dalle, P, à l’aide de l’équation (3), c’est-à-dire en


divisant E par la somme des λδ. Pour l’exemple de la figure 2, avec λ= 1 et toutes les valeurs γmp = 1
(γmpx = γmpy = γm’px = γm’py = 1), c’est-à-dire une dalle isotrope, la valeur obtenue pour P est de 16.
Également, en utilisant l’équation (4), on trouve que la résistance en flexion de la dalle, mp , requise pour
supporter une charge λP = 1 est de 0,0625. Ces résultats concordent avec ceux obtenus à l’aide d’un calcul
traditionnel de la dalle par lignes de rupture.

Optimisation de la solution
Afin de trouver la solution minimum pour un mécanisme de rupture, on définit une série de patrons
et on calcule la charge de rupture pour chacun de ces patrons. Celui ayant la charge de rupture minimum
représente la solution.
On peut produire une série de patrons en spécifiant les positions initiale et finale dans le plan x, y de
un ou plusieurs nœuds et le nombre de pas entre ces positions. Ces valeurs sont utilisées par une procédure
d’itération qui crée la famille de patrons. Les procédures d’itération doivent s’emboîter pour que tous les
patrons possibles soient créés durant la même solution. Les procédures récursives se prêtent bien à ce genre
de calcul.
Lorsqu’on génère une série de mécanismes de rupture, il est souvent commode d’associer la position
des nœuds qui se déplacent à celle d’autres nœuds. Ceci réduit la quantité de données requises pour
l’optimisation, et restreint le mouvement des nœuds à l’intérieur des limites de validité du mécanisme. Une
façon d’obtenir la relation désirée est de définir la position d’un nœud à l’intersection de deux lignes définies
chacune à l’aide de deux nœuds. Le nœud à l’intersection des lignes est un nœud asservi, et les quatre autres
qui guident ce nœud sont les nœuds maîtres. On montre à la figure 10 un exemple où les nœuds 3 et 6 sont
des nœuds asservis et les nœuds 1, 5 et 2, 4, et 4, 8 et 5, 9, sont les nœuds maîtres. Si l’on crée une série de
patrons en déplaçant le nœud 5, la position des nœuds 3 et 6 s’ajustera automatiquement.

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à l’aide de la théorie de plasticité
y

Poteau
2
3 4

1 4
6
2
5
Appui
Bord
simple
3 libre

9 x
7 8

Figure 10. Exemple où les nœuds 3 et 6 sont asservis.

LOGICIEL

En plus d’avoir conçu la méthode de calcul, l’auteur a développé un logiciel pour sa mise en
application. Développé en 1986, la première version de ce logiciel fonctionne parfaitement sur la plate-forme
DOS. L’utilisateur doit d’abord créer un fichier de données puis il lance le logiciel et donne des commandes
proposées dans les menus. Si l’utilisateur a spécifié une optimisation de la solution, il aura le choix suivant :
- analyser tous les patrons générés ;
- analyser seulement les patrons avec les positions initiales et finales des nœuds pour chaque mouvement ;
- chercher directement la charge de rupture minimum ou la résistance en flexion requise maximum.

Les patrons de rupture sont dessinés à l’écran et les nœuds qui se déplacent vers le haut, vers le bas et
ceux qui ne se déplacent pas verticalement sont clairement identifiés. Les lignes de rupture positives et
négatives, ainsi que les lignes de construction sont montrées par des couleurs différentes. Les charges
ponctuelles, les charges linéaires et les charges uniformément réparties son également dessinées à l’écran.
Les valeurs calculées de la charge de rupture ou de la résistance en flexion requise sont montrées à l’écran.
Pour chaque patron analysé, le logiciel génère des résultats numériques détaillés sous forme de tableaux.
Ces résultats comprennent :
- un rappel de données ;
- les coefficients des équations algébriques de tous les plans ;
- le sens de la flexion (positif ou négatif) des lignes de rupture, la résistance en flexion mp [d’après les
équations (5), (6), (8) ou (9)], la rotation, la longueur et l’énergie dissipée par chaque ligne de rupture ;
- pour les charges ponctuelles, les charges linéaires et les charges uniformément réparties : la valeur, la
position et le déplacement de la charge résultante, et le travail fait par chaque charge ;
- l’énergie totale dissipée par les lignes de rupture, D, le travail fait par toutes les charges, E, la charge de
rupture pour le mécanisme étudié, P, et la résistance en flexion requise pour la dalle, mp .

On trouvera des renseignements complets sur le logiciel dans le guide d’utilisation qui l’accompagne.

EXEMPLES

Les exemples suivants ne représentent que quelques-unes unes des possibilités du logiciel. Tous les
exemples ont été créés et solutionnés en seulement quelques minutes et peuvent être facilement modifiés au
besoin. La forme des dalles, la disposition de l’armature, les types d’appui, la répartition des charges et les
mécanismes de rupture étudiés peuvent tous être définis de façon quelconque. Grâce au logiciel, l’analyse par
lignes de rupture de n’importe quelle dalle est possible et très facile.

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à l’aide de la théorie de plasticité
Exemple 1
Dalle rectangulaire encastrée sur trois
côtés et libre sur le quatrième. La charge est
uniformément répartie.

Exemple 2
Dalle rectangulaire encastrée sur deux
côtés et simplement appuyée sur les deux
autres. La charge est uniformément répartie.

Exemple 3
Dalle en forme de L, encastrée sur
deux côtés, simplement appuyée sur les deux
autres et libre dans le coin rentrant. La dalle
supporte une charge uniformément répartie
ainsi qu’une charge linéaire.

Exemple 4
Dalle rectangulaire simplement
appuyée sur un côté et sur deux poteaux. La
charge est uniformément répartie.

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à l’aide de la théorie de plasticité
Exemple 5
Dalle carrée appuyée simplement sur
deux côtés et sur un poteau. La charge est
uniformément répartie.

Exemple 6
Dalle oblique simplement appuyée
sur deux côtés et libre sur les deux autres. La
dalle supporte une charge uniformément
répartie et une charge ponctuelle au centre.

Exemple 7
Dalle carrée encastrée sur les quatre
côtés. La dalle supporte une charge ponctuelle.
Le mécanisme de rupture étudié a la forme
d’un éventail circulaire. Des éventails
elliptiques, logarithmiques ou autres peuvent
facilement être modélisés.

Exemple 8
Dalle rectangulaire reposant sur des
poutres en périphérie et sur quatre appuis dans
les coins. La charge est uniformément répartie.

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à l’aide de la théorie de plasticité
Exemple 9
Dalle de forme quelconque qui
supporte une charge uniformément répartie
ainsi qu’une charge linéaire.

RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

Pour tout renseignement complémentaire sur la méthode de calcul numérique par lignes de rupture et sur le
logiciel, veuillez contacter :
Dominique Bauer, ing., Ph.D.
Professeur, ingénierie des structures
Département de génie de la construction
École de technologie supérieure
Courriel : dominique.bauer@etsmtl.ca
Site web : http://www.ctn.etsmtl.ca/dbauer

BIBLIOGRAPHIE

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Associazione italiana tecnico-economica del cemento (AITEC) 1972. Recommandations internationales pour
le calcul et l’exécution des ouvrages en béton - Annexe 5. Dalles et structures planes.

Bauer, D. 1986. Numerical Yield Line Analysis Program–Users Manual. Rapport n o 86-3 de la série
Structural Engineering, Université McGill.

Bauer, D. et Redwood, R.G. 1987. Numerical Yield Line Analysis. Computers and Structures, vol. 26, n o 4.

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