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PROGRAMMES DU FMI : CYCLE OU NON ? VICIEUX OU VERTUEUX ?

Ismaël ATONTSA NGUETSOP

Initialement prévu en date du 25 juin 2020 , la dernière revue ( sixième) du Programme


Economique et Financier avec le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre de la
Facilité élargie de crédit (FEC) s’est finalement tenue au mois de septembre de la même année
à la demande du gouvernement Camerounais. Toutefois, les résultats de cette évaluation restent
encore méconnus jusqu’à présent, alors que le succès de cette dernière, conditionne un septième
décaissement d’un montant de 55,2 millions de DTS (20 % de la quote-part), soit près de 43
milliards de FCFA. Ce 7e décaissement porterait à 427,8 millions de DTS (331 milliards de
FCFA) le montant cumulé alloué par l’institution de Bretton Woods, soit 155 % de la quote-
part.

En outre, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19, le conseil


d’administration du Fonds a déjà eu à approuver deux décaissements au titre de la facilité de
crédit rapide (FCR), la première en date du 04 mai 2020, d’un montant de 226 millions de
dollars (soit 60 % de la quote-part du Cameroun), et la seconde le 21 octobre 2020 pour un
montant d’ environ 156 millions de dollars (soit 40 % de la quote-part du Cameroun). L’objectif
étant ainsi, de soutenir les efforts des autorités visant à répondre aux besoins urgents de la
balance des paiements du pays résultant de la pandémie de COVID-19 et des chocs des termes
de l’échange résultant de la forte baisse des prix du pétrole.

Par ailleurs, Dans une interview accordée le 06 mai 2020 au quotidien national bilingue
Cameroon Tribune, le ministre des finances Louis Paul Motaze, annonçait déjà les couleurs
d’un nouvel accord. « J’ai déjà reçu l’instruction du président de la République de lancer les
négociations. Les idées doivent être corrigées à l’aune de la situation actuelle. Car, nous ne
pouvons plus négocier comme au départ, parce que nous ne savons pas dans quel état sera
notre tissu économique après cette pandémie » expliquait- il. Il affirmait également que : «
A son terme en septembre 2020 (au lieu de juin), ce programme sera ensuite remplacé par un
nouvel instrument, qui privilégiera cette fois-ci la lutte contre la pauvreté dans le pays ». Ce
potentiel programme susceptible d’entrer en vigueur dès cette année devrait susciter des
interrogations quant à l’efficacité, de l’ensemble de programmes mis en œuvre depuis fort
longtemps et dont, les résultats continuent d’être mitigés.
PROGRAMMES DU FMI : UN CYCLE OU NON ?

C’est une lapalissade, de penser que les programmes du FMI dans les économies en
développements s’apparente à un cycle.

Depuis les années 80 jusqu’à nos jours, plusieurs économies en développement, se sont vues
imposer un nombre considérable de programmes par l’institution de bretton woods et dont, les
effets sur les performances macroéconomiques restent mitigés et ne cessent de faire l’objet de
nombreuses critiques tant pour les académiciens, sociologues, les politologues que pour la
plupart des intelligences nationales. C’est le cas particulier du Cameroun qui depuis 1988, a
dû également s’inscrire comme la plus part des autres économies en développement dans
l’agenda des pays emprunteur du fonds.

En effet, depuis fort longtemps, le Cameroun se voit affliger par le FMI, un certain nombre de
programmes bien déterminés :

D’abord, les fameux programmes d’ajustement structurel dont il a été soumis par signature
d’un accord de confirmation conclut le 19 septembre 1988, et qui s’était achevé le 30 juin
1990 puis, renouveler deux fois de suite en date respective du 20 décembre 1991 et du 14 mars
1994. Ces programmes visaient en outre une politique monétaire généralement marquée par
une prudence reflétant le besoin de maitriser l’inflation ( autour de 2% tel que prévue par les
statuts de la BEAC) et de renforcer la position des avoirs extérieurs nets du système bancaire,
une politique budgétaire visant à retrouver l’équilibre des finances publiques (en passant soit
par L’accroissement des recettes, soit par La réduction des dépenses publiques), une
restructuration des entreprises publiques, une politique de change qui recherche un taux de
change réaliste favorisant les exportations ( ce qui justifie d’ailleurs la dévaluation du FCFA en
janvier 1994) et une politique d’endettement qui visait à éviter les risques de surendette me nt
et à placer la dette publique sur une trajectoire soutenable.

Ensuite, les programmes dans le cadre de l’Initiative en faveur des Pays Pauvres très Endettés
(IPPTE). L’Accord de Confirmation signé le 27 septembre1995 par le gouverne me nt
camerounais et le fonds marquait le début de ce programme, et visait en outre le rétablisse me nt
de la stabilité macroéconomique et la création des conditions de la croissance du pays. Achevé,
le 26 septembre1996 cet accord donnera naissance le 28 aout 1997 à un nouvel accord au titre
de la Facilité d’Ajustement Structurel Renforcée (FASR), visant à la fois la réduction
substantielle de la dette extérieure publique et la réduction de la pauvreté dans le pays. C’est
donc ce programme qui permettrait au Cameroun d’atteindre son point de décision en octobre
2000, tout en lui ouvrant le droit à un allégement de dette de 1,26 milliard de dollars. Toutefois,
un troisième accord fut signé le 21 décembre 2000 par le gouvernement camerounais et le FMI
au titre de la Facilite pour La Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Il visait
principalement à faire des efforts de réduction de la pauvreté dans le pays un élément décisif
et plus explicite d'une stratégie économique renouvelée et orientée sur la croissance. Son
échéance, initialement prévu pour le 23 décembre 2003 s’était vu proroger pour un an
supplémentaire du fait de la non observation de certains critères de réalisations. Ce qui
permettrait vraisemblablement quelque temps plus tard l’atteinte de son point d’achèvement le
1er mai 2006.

Enfin, le Programme des Reformes Economiques et Financières de la CEMAC (PREF-


CEMAC)en 2016, sous l’initiative des chefs d’Etat de la sous-région et du FMI, visant à la
mise en œuvre des actions rapides, vigoureuses et coordonnées, aussi bien au niveau
national que sous régional, pour la stabilisation du cadre macroéconomique et une
transformation structurelle et profonde des économies de la Sous-Région, afin d’en
renforcer la résilience et de les placer sur le sentier de l’émergence.

Au regard de l’ensemble des programmes présentés ci-dessus, on peut donc penser nous
retrouver dans un cycle de programmes donc la conception (d’inspiration libérale) et la mise
en œuvre demeure inchangées, seules la dénomination et la priorité aux objectifs de ces
programmes changent. Toutefois, Qu’en est-il donc de la nature (vicieux ou alors vertueux) de
ces programmes au regard de notre du niveau de développement ?

PROGRAMMES DU FMI : VICIEUX OU VERTUEUX ?

Pour mieux dégager la nature des programmes du FMI dans les économies en développeme nt
en général, et celui du Cameroun en particulier plusieurs points méritent d’être analyser:

Au niveau des performances économiques du pays : il est clair, que depuis les lustres les
Niveaux de performances économiques du Cameroun et ceux des pays de la sous régions
CEMAC demeurent critiques, même si en 2020 ils se sont amplifiés en raison de la crise
sanitaire liée au covid-19. Ni l’objectif de réduction de la pauvreté, ni l’objectif de croissance
durable et inclusive longtemps clamé dans la sous-région n’ont été atteint, par contre tout
laisse croire le contraire. Fort de ce constat, le FMI accuse les gouvernements emprunteurs de
mener les politiques économiques laxistes, ce qui se justifie par la suspension des financeme nts.
A titre d’exemple le Cameroun, pour l’ensemble des financements reçus du fonds, un seul tirage
a jusqu’à présent été effectué avec succès à hauteur 100%, notamment celui du 28 aout 1997
au titre de la Facilité d’Ajustement Structurel Renforcée (FASR) et dont le montant
s’estimait à 162,1 millions de DTS. Pour la plupart restants, les montants des tirages sont
inférieurs à 50% du montant initialement prévu. Ce qui traduit un mauvais respect de la
conditionnalité et donc des mesures édictées qui parfois se solde même par un arrêt du
programme.

En outre, les programmes du FMI reposent sur une idéologie libérale d’économie de marché
qui n’est pas adaptée pour les pays en voie de développement, mais pourtant semblent efficace.
C’est le cas des politiques de restructuration du secteur public (privatisation, licenciement du
personnel) recommandées par le FMI qui ont toujours fait l’objet de nombreuses critiques. Or,
Si l’on s’en tient au paysage économique actuel du Cameroun, des entreprises publiques
comme Camair-Co, la BICEC, et la BC-PME se doivent d’être privatiser pour une gestion
plus efficace, et bien d’autres d’ailleurs. Par ailleurs, plus de dynamisme de la part de nos
gouvernements pourront rendre les programmes du FMI plus réalistes, et notamment plus
adaptés aux contraintes politiques et sociales des pays, les Administrations nationales ont un
rôle essentiel à jouer. Elles l’ont bien peu fait jusqu’ici, notamment en Afrique. Même si avec
le Programme des Reformes Economiques et Financières de la CEMAC on note une nette
amélioration. Les autorités doivent mieux s’impliquer dans la définition des programmes,
surtout au début. D’éviter que cela se fasse assez unilatéralement par les organisat io ns
internationales comme dans les années 90 et début des années 2000 (y compris les lettres
d’intention et autres déclarations de politique économique, rédigées dans un style purement
washingtonien).

Même s’il est vrai que ni la méthode résultat objectif, ni la méthode avant et après
programmes ne permettent d’apprécier l’efficacité des programmes du FMI. Ce qui est certain
est que, nous ne semblons pas toujours converger vers la trajectoire d’une croissance
économique durable et inclusive comme l’a longtemps clamé le fonds. A qui donc la faute ?
Revient elle (la faute) à une institution qui accorde des prêts selon des statuts bien définis et
connus ou alors aux gouvernements emprunteurs peut être laxistes ? Néanmoins, nous
recommandons aux gouvernements emprunteurs de mettre l’accent sur une bonne et saines
gouvernance, pour une meilleure gestion des derniers publiques (de punir sévèrement les
autorités laxistes). Quant au fonds, nous proposons d’impliquer de plus en plus le secteur privé
pendant les négociations avec le gouvernement.
le tableau suivant résume l’Historique des accords de prêts dans le cadre des programmes du
FMI au Cameroun depuis 1988 (en millions de DTS) à nos jours

date de date d'expiratio n Montant Montant pourcentage


Facilité signature ou d'annulation approuvé tiré tiré

ACCORDS DE PRET DANS LE CADRE DES PROGRAMMES D’AJUSTEMENT


AC 19/09/1988 30/06/1990 61,8 38,63 62,5
AC 20/12/1991 19/09/1992 28 8 28,6
AC 14/03/1994 13/09/1995 81 21,9 27
ACCORDS DE PRET DANS LE CADRE DE L’INITIATIVE PPTE
AC 27/09/1995 26/09/1996 67,6 28,2 41,7
FASR 28/08/1997 20/12/2000 162,1 162,1 100
FRPC 21/12/2000 20/12/2003+1an 11,4 79.6 1,4
ACCORDS DE PRET DANS LE CADRE DU PREF
FEC 27/06/2017 X/07/2020+3mois 124,2 encours //
Source :, Rapports annuels FMI de 1980 à 2020

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