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Les brûlures

Les brûlures
Les brûlures sont des lésions tissulaires dues à des agents thermiques (feu, objets chauds,
liquides brûlants, électricité, etc.), chimiques (acides, basiques, gaz irritants, etc.), au froid, à
des frictions ou des radiations (solaires, UV, radioactives, etc.).
Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), près de 180 000 personnes à travers le
monde décèdent chaque année à la suite de brûlures. En France, environ 300 000 personnes
sont annuellement victimes de brûlures, dont 1/3 sont des enfants ou des nourrissons. Les
accidents domestiques sont à l’origine de 75 % des cas de brûlures. Les plus fréquentes d’entre
elles sont d’origine thermique.
L’organisme des patients gravement brûlés subit divers chocs à proximité et à distance des
zones brûlées. Des perturbations à l’échelle systémique peuvent avoir des conséquences
dramatiques pour les patients. Le personnel hospitalier doit donc rapidement prendre ceux-ci
en charge pour, d’une part, poser un diagnostic clinique précis de la gravité de la brûlure et,
d’autre part, administrer les soins médicaux appropriés.

I. Étude histologique de la peau


Pour comprendre la physiopathologie des brûlures,
un rappel décrivant le rôle et la structure du tissu cuta-
né est primordial.

La peau est un tissu recouvrant la surface externe du


corps. Elle fait office de barrière physico-chimique
en protégeant l’organisme de facteurs externes tels
que les variations de température, les tensions méca-
niques, les agents pathogènes, etc. Elle joue égale-
ment un rôle dans l’homéothermie et le maintien de
l’hydratation de l’organisme.

La peau est organisée en plusieurs couches super-


posées : l’épiderme, le derme, l’hypoderme et des
annexes cutanées (poils, glandes sudoripares et séba-
cées). L’épiderme est constitué de tissu épithélial,
tandis que le derme et l’hypoderme se caractérisent Fig.1 Représentation schématique de la structure de la peau
par du tissu conjonctif. © Mélissa Riffard

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A. L’épiderme sont impliqués dans la cohésion tissulaire. Ils sont
étroitement juxtaposés, érigeant ainsi une véritable
L’épiderme est un épithélium de revêtement pavi- barrière physique et mécanique. Les kératinocytes
menteux, stratifié et kératinisé. C’est la couche la plus forment plusieurs assises cellulaires qui, à partir
superficielle de la peau. Il est constitué de 4 types de d’une membrane basale, s’organisent en stratifica-
cellules différentes : les kératinocytes, les mélano- tions de 4 couches. De la membrane vers la zone
cytes, les cellules de Langerhans et les cellules de apicale se superposent la couche germinative, la
Merkel. L’épiderme comprend également des termi- couche épineuse (ou de Malpighi), la couche granu-
naisons nerveuses. leuse et la couche cornée. L’auto-renouvellement de
l’épiderme est assuré par les cellules de la couche
1. Les kératinocytes germinative. De forme cubique, elles fournissent de
nouvelles cellules par mitose. Les cellules mortes
Les kératinocytes sont les cellules majoritaire- qui constituent la couche cornée se desquament et
ment présentes dans l’épiderme (environ 90 %). Ils sont progressivement remplacées par les cellules des
contiennent des filaments intermédiaires de kéra- couches inférieures.
tine qui jouent un rôle de charpente cellulaire et

Couche cornée

Couche granuleuse ÉPIDERME


Couche épineuse
Couche germinative

DERME

Fig.2 Microphotographie d’une coupe histologique de la peau © Kilbad - Wikimedia Commons

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Les brûlures

2. Les mélanocytes 1. L’hypoderme

Répartis entre les kératinocytes de la couche germi- La dernière couche du tissu cutané est l’hypoderme.
native, les mélanocytes sont des cellules produisant Fortement vascularisé, il est constitué d’un tissu
un pigment appelé « mélanine », qui donne le photo- conjonctif lâche caractérisé par la présence d’adi-
type de la peau en fonction de sa concentration. Ce pocytes formant du tissu adipeux. Grâce à ce tissu,
pigment est stocké dans des organites cytoplasmiques l’hypoderme exerce le rôle d’isolant thermique, de
de forme ovoïde nommés les « mélanosomes ». Ils soutien mécanique et de réserve énergétique.
protègent la peau contre les rayonnements ultravio-
lets solaires (UV). De ce fait, le bronzage est une réac-
tion de l’épiderme contre les effets néfastes des UV,
via une stimulation de la production de mélanine (la II. La physiopathologie
mélanogénèse) par les mélanocytes.
de la brûlure
3. Les cellules de Langerhans La brûlure se caractérise par une destruction des
tissus. Les brûlures modérées à graves provoquent
Les cellules de Langerhans font partie du système chez les patients divers chocs qui ont des répercus-
immunitaire. Ce sont des cellules dendritiques spéci- sions à proximité et/ou à distance des zones brûlées.
fiques de l’épiderme. Lorsqu’elles capturent des La détermination de la gravité des brûlures est donc
éléments extérieurs potentiellement pathogènes, elles d’une nécessité absolue afin d’éviter des complica-
les internalisent, les transforment puis les réexpriment tions cliniques. Celle-ci est définie selon des clas-
à leur surface sous forme de molécules antigéniques. sifications prenant en considération l’étendue et la
Enfin, elles migrent vers les ganglions lymphatiques profondeur des tissus lésés. Dans cette partie, nous
situés à proximité où elles présentent les antigènes nous référerons aux brûlures thermiques par voie
aux lymphocytes CD4+. Les cellules de Langerhans cutanée.
exercent donc un rôle de défense contre les agents
pathogènes. A. Conséquences
hydro-électrolytiques
4. Les cellules de Merkel
Au niveau local, la destruction de la couche protec-
Dans la partie basale de l’épiderme, on retrouve les trice, que constitue la peau, cause l’évaporation des
cellules de Merkel. Ce sont des mécanorécepteurs liquides organiques, et ce, dans les minutes suivant la
qui, au contact des terminaisons nerveuses libres, brûlure. De plus, la disparition de la matrice extracel-
forment des corpuscules de Merkel. Sensibles aux lulaire engendre une baisse de la pression osmotique
pressions mécaniques, ces cellules ont pour rôle de et produit une fuite d’électrolytes (Na+, K+, Ca2+,
relayer des informations sensori-motrices. Cl-) et de protéines. Le liquide plasmatique s’échappe
vers le tissu interstitiel, ce qui génère la formation
B. Le derme d’œdèmes interstitiels. En parallèle, la destruction des
tissus déclenche la libération de facteurs pro-inflam-
En dessous de la membrane basale qui le sépare de matoires, qui vont recruter des macrophages et des
l’épiderme se trouve le derme. Il est constitué d’un polynucléaires sur les zones touchées. Ces cellules
tissu conjonctif dont la matrice extracellulaire, du système immunitaire vont à leur tour sécréter des
dense et fibreuse, est composée essentiellement de facteurs pro-inflammatoires. Ces derniers sont vasodi-
collagène. On y retrouve également des vaisseaux latateurs (comme l’histamine ou la prostaglandine),
sanguins, des vaisseaux lymphatiques, des termi- c’est-à-dire qu’ils vont augmenter la perméabilité des
naisons nerveuses, libres ou en corpuscules, et des vaisseaux sanguins, ou chimio-attractants et, de ce
annexes cutanées telles que des glandes sébacées et fait, attirer des cellules du système immunitaire vers
sudoripares et des follicules pileux. Il comporte aussi les zones lésées. La perméabilisation des vaisseaux
des cellules du système immunitaire (macrophages, et la baisse de la protéinémie accroissent considéra-
dendritiques, lymphocytes, etc.). Le derme assure à blement la formation des œdèmes. Pour des brûlures
la fois un rôle structural et nutritif pour le tissu cutané. modérées (entre 10 et 20 % de la surface détruite),
l’inflammation diminue progressivement grâce à la

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production, par des cellules immunes, de cytokines et à la dénutrition, ce qui prolonge la durée de la cica-
anti-inflammatoires telles que l’IL10 ou l’IL13. Cette trisation et majore les risques d’infection. Toujours en
action anti-inflammatoire atténue les fonctions effec- réponse au choc inflammatoire, la production d’in-
trices des macrophages, mastocytes et neutrophiles. suline est inhibée, tandis que celle du glucagon est
stimulée, ce qui génère une hyperglycémie.
B. Conséquences inflammatoires
Dans les cas de brûlures graves, le processus inflam-
matoire n’est plus contrôlé. L’afflux important de III. La prise en charge
monocytes/macrophages, de polynucléaires et de
lymphocytes aura pour effet une sécrétion majeure
des victimes de brûlures
de médiateurs pro-inflammatoires dans la circula- Avant la prise en charge de victimes atteintes de
tion sanguine. Il se produit alors un enchaînement brûlures, un examen clinique est effectué afin de
de phénomènes inflammatoires affectant l’ensemble déterminer la gravité des blessures. Les paramètres
de l’organisme appelé le « syndrome inflammatoire pris en considération concernent l’étendue et la
de réponse systémique » (SIRS). En écho à la libéra- profondeur des zones lésées. Pour évaluer la surface
tion massive de ces facteurs, les cellules immunitaires de la brûlure, on utilise la règle des 9 de Wallace
régulatrices vont produire des éléments anti-inflam- et la table de Lund et Browder. La profondeur des
matoires en grande quantité, ce qui aura pour consé- brûlures est estimée en fonction des couches cuta-
quence d’affaiblir les défenses immunes et d’aug- nées atteintes. Ces méthodes combinées permettent
menter les risques d’infection. Un équilibre doit donc de diagnostiquer rapidement les brûlures, d’éta-
s’opérer entre facteurs pro et anti-inflammatoires. blir un pronostic et de mettre en place les thérapies
appropriées.
C. Conséquences cardio-vasculaires
A. Évaluation de la surface
L’une des caractéristiques du SIRS est son impact corporelle brûlée
sur le système cardio-vasculaire. En effet, la vasodi-
latation des vaisseaux occasionnant une abondante La règle des « 9 » de Wallace sert à mesurer le pour-
perte de liquides, d’électrolytes et de protéines centage de surface corporelle brûlée (SCB). On
entraîne une baisse du volume plasmatique. Le applique cette méthode chez les patients adultes de
choc hypovolémique provoque une diminution du plus de 15 ans. Le corps est subdivisé en plusieurs
débit cardiaque et une augmentation de la résistance parties représentant chacune une SCB de 9 % (à l’ex-
vasculaire. En réponse au choc, le système nerveux ception de la zone génitale). La surface corporelle
autonome stimule la vasoconstriction des vaisseaux totale (SCT) fait donc 100 % :
périphériques afin de privilégier la vascularisation – tête et cou (faces antérieure et postérieure) :
des organes vitaux : le cerveau et le cœur. Cette réor- 4,5 % + 4,5 % = 9 % ;
ganisation de la vascularisation se fait au détriment – membres supérieurs (face antérieure) :
d’autres organes et peut générer des complications 4,5 % + 4,5 % = 9 % ;
digestives, hépatiques, rénales et cutanées. – membres supérieurs (face postérieure) :
4,5 % + 4,5 % = 9 % ;
D. Conséquences métaboliques et – tronc face antérieure (thorax et abdomen) :
dénutrition 9 % + 9 % = 18 % ;
– tronc face postérieure (zones dorsale et lombaire) :
Le SIRS a aussi des répercussions sur le métabolisme 9 % + 9 % = 18 % ;
des victimes. Due au choc systémique, une réponse – parties génitales : 1 % ;
neuro-endocrinienne déclenche une production – membres inférieurs (face antérieure) :
importante d’hormones de stress comme le cortisol, 9 % + 9 % = 18 % ;
le glucagon et les catécholamines. L’activité méta- – membres inférieurs (face postérieure) :
bolique basale croît et engendre une consommation 9 % + 9 % = 18 %.
énergétique importante, d’où une accélération des
processus cataboliques qui affecte les protéines et les Pour de multiples brûlures de faible étendue, on
muscles. L’hypermétabolisme mène à la fonte muscu- prend la paume de la main comme référence, qui
laire (avec perte azotée), à l’épuisement énergétique représente une SCB de 1 %.

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Les brûlures

4,5 % 4,5 %

18 % 18 %

4,5 % 4,5 % 4,5 % 4,5 %

1%

9% 9% 9% 9%

Fig.3 Schéma représentatif de la règle des « 9 » de Wallace © Skill and You

Plus précise que la règle des « 9 » de Wallace, la table de Lund et Browder prend en compte l’âge du patient.
Elle est employée pour des patients adultes et des enfants. Comme pour la règle des « 9 » de Wallace, le corps
est divisé en plusieurs parties et les SCB sont exprimées en pourcentage.

Tableau n°1 Table de Lund et Browder

ÂGE N-NÉ 1 AN 5 ANS 10 ANS 15 ANS ADULTE


Tête 9,5 8,5 6,5 5,5 4,5 3,5 x2
Cou 1 1 1 1 1 1 x2
Tronc 13 13 13 13 13 13 x2
Bras 2 2 2 2 2 2 x4
Avant bras 1,5 1,5 1,5 1,5 1,5 1,5 x4
Main 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 x4
Org. gén. 1 1 1 1 1 1 x1
Fesse 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 2,5 x2
Cuisse 2,75 3,25 4 4,25 4,5 4,75 x4
Jambe 2,5 2,5 2,75 3 3,25 3,5 x4
Pied 1,75 1,75 1,75 1,75 1,75 1,75 x4
Paume de la main = 1 % = 100 %

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La somme des pourcentages de SCB donne la surface 2. Brûlures au 2e degré (superficielles)
brûlée totale (SBT).
Les brûlures superficielles au 2e degré se caracté-
Une brûlure est considérée comme étant suffisam- risent par des lésions peu profondes. L’épiderme
ment grave pour justifier une hospitalisation lorsque : est partiellement détruit, avec une atteinte possible
– un patient entre 10 et 65 ans présente une SCB de la couche germinative. La peau présente des
supérieure ou égale à 15 % ; érythèmes très douloureux et sensibles. L’épiderme
– un patient de moins de 10 ans ou de plus de se décolle pour former des bulles remplies de liquides
65 ans a une SCB supérieure ou égale à 10 % ; séreux (les phlyctènes, plus communément appelées
– un nourrisson (< 3 ans) pâtit d’une SCB supérieure « ampoules »). Comme pour la brûlure au 1er degré,
ou égale à 5 %. aucune prise en charge n’est à prévoir. La zone brûlée
cicatrise en 1 à 2 semaines en laissant peu ou pas de
B. Évaluation de la profondeur des traces.
zones brûlées
On évalue la profondeur de la brûlure selon 3 degrés
de classification. Cette dernière se fonde sur la consta-
tation d’une destruction ou non de la couche germi-
native de l’épiderme, qui conditionne la cicatrisation
des zones brûlées.

1. Brûlures au 1er degré

Une brûlure au 1er degré est une lésion superficielle.


Elle se limite à l’épiderme, sans toucher la couche
germinative. Visuellement, la peau présente des Fig.5 Photographie d’une main brûlée superficiellement au 2e degré
rougeurs (érythèmes) qui sont douloureuses pour la © Themidget17 - Wikimedia Commons

personne atteinte. Ce type de brûlure ne nécessite


aucune prise en charge particulière, car la guéri- 3. Brûlures au 2e degré (profondes)
son est spontanée (en moins d’une semaine) et
sans séquelles. Les coups de soleil sont un exemple Une brûlure profonde au 2e degré présente une
typique de brûlure au 1er degré. destruction totale de l’épiderme, avec une atteinte
du derme. La peau est rougeâtre, voire légèrement
blanchie, et peu sensible (terminaisons nerveuses
partiellement atteintes), avec de nombreuses phlyc-
tènes. Les poils sont résistants à la traction. La profon-
deur de la lésion nécessite une hospitalisation de la
victime. Si des bourgeons épidermiques apparaissent
autour des poils et des glandes sudoripares, une guéri-
son spontanée est envisageable. Dans ce cas, cela
peut prendre jusqu’à 1 mois, si aucune complication
ne survient. En effet, le risque d’infection est très élevé
pour ce type de brûlure et la cicatrisation s’avère très
mauvaise. Des cicatrices restent donc visibles des
années après la guérison.

4. Brûlures au 3e degré

Les victimes brûlées au 3e degré présentent une peau


à l’aspect cartonné, blanchâtre, marron ou noire et
ne ressentent aucune douleur (destruction totale des
Fig.4 Photographie d’un homme ayant subi des coups de soleil terminaisons nerveuses). L’épiderme et le derme sont

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Les brûlures

entièrement annihilés et l’hypoderme peut être atteint. Les poils sont réduits à néant et ceux restant cèdent à la
traction. Les brûlures les plus profondes sont susceptibles d’endommager les aponévroses, les muscles et les
os, et la carbonisation peut être atteinte (4e degré). Si les vaisseaux thrombosés sont visibles, le risque infectieux
s’avère très élevé. Par conséquent, aucune cicatrisation spontanée n’est possible et une intervention chirurgicale
est indispensable.

Fig.6 Schéma explicatif des différents degrés de brûlure © Lucrèce Aimade

C. Pronostic et complications Les localisations à risque constituent des zones


sensibles pouvant générer un handicap fonctionnel
En plus de l’étendue et de la profondeur, l’évaluation lourd, modifier les capacités sensorielles ou menacer
de la gravité des brûlures tient compte de la locali- la vie de la victime. Ces zones sont :
sation de celles-ci, du terrain et de l’agent causal.
L’ensemble de ces paramètres permet d’établir un – la face : des atteintes au niveau des orifices favo-
pronostic, de définir une ligne thérapeutique et d’an- risant une infection bactérienne, une détresse
ticiper les complications. respiratoire peut survenir (atteinte des voies
aériennes), atteinte des yeux (vue altérée), destruc-
On utilise le score de Baux pour estimer le risque tion des oreilles, etc. ;
de mortalité inhérent aux brûlures graves. Les para-
mètres pris en compte sont le pourcentage de SBT et – le périnée : organes génitaux touchés (altération
l’âge de la victime : des capacités reproductives), risque d’infec-
tions bactériennes par la coproflore (flore intesti-
Score de Baux = (âge de la victime) + (% de SBT) nale), rétention urinaire ;
– score inférieur ou égal à 50 : taux de survie à
100 % ; – les articulations : altération des mouvements ;
– score supérieur à 95 : taux de survie évalué à 50 % ;
– score supérieur ou égale à 100 : taux de survie de – les mains/pieds : la gravité de la brûlure condi-
10 %, au mieux. tionne leur usage après la guérison.

L’unité de brûlures standard (UBS) est calculée afin Les brûlures circulaires des membres provoquent un
d’évaluer le pronostic vital des victimes de brûlures effet garrot (« crush syndrome »). En effet, les brûlures
au 3e degré : suffisamment graves rendent la peau inextensible.
UBS = (% de SBT) + 3 x (% de SCB au 3e degré) Le tissu cutané comprime alors les vaisseaux, ce
– entre 0 et 50 : brûlures de faible gravité ; qui engendre une baisse de la vascularisation des
– entre 50 et 100 : brûlures de gravité moyenne ; membres. Cette compression peut aussi géné-
– entre 100 et 150 : brûlures de gravité élevée ; rer une rhabdomyolyse (destruction des muscles
– entre 150 et 200 : brûlures de gravité extrême ; squelettiques).
– au-delà de 300 : brûlures létales.

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La gravité des brûlures prend aussi en compte le mité se nécrosent, des ischémies se créent et les nerfs
terrain, c’est-à-dire l’âge de la victime (les popu- sont annihilés.
lations à risque sont les très jeunes enfants et les
personnes âgées de plus de 65 ans), ses antécédents Le passage du courant affecte de manière importante
(traitements, susceptibilités aux infections, patholo- les tissus musculaires. Au niveau des muscles sque-
gies chroniques telles que le diabète, une maladie lettiques, l’énergie dégagée par le courant engendre
cardiaque, l’alcoolisme, etc.) et les circonstances de de la rhabdomyolyse et peut faire apparaître des
l’accident (l’agent causal de la brûlure, les polytrau- ischémies, qui contribuent au processus nécrotique.
matismes associés, tels qu’une chute, l’inhalation de Des œdèmes lésionnels se forment entre les aponé-
fumée toxique, blessures, etc.). vroses et les fibres musculaires, ce qui occasionne
un syndrome de compression des loges (effet garrot).
D. Cas des brûlures électriques De plus, la traversée du courant perturbe l’activité
des cellules contractiles et produit des contractions
Ce type de brûlure peut être causée par la foudre ou musculaires intenses, possiblement responsables de
lors d’un contact avec un appareil électrique défail- la rupture des fibres musculaires squelettiques. De la
lant. L’hospitalisation est absolument nécessaire même façon que pour les muscles squelettiques, le
lorsque la puissance de la source électrique excède passage du courant tétanise les muscles impliqués
220 volts. Les brûlures, graves et profondes, menacent dans la respiration. Le risque qu’un arrêt cardio-res-
le pronostic vital des victimes. Il existe deux types de piratoire survienne est alors conséquent. Le courant,
brûlures électriques : celles consécutives à un contact durant son trajet, abîme le muscle cardiaque en géné-
direct avec un conducteur électrique et celles géné- rant des nécroses et perturbe le système de contrac-
rées par un arc électrique (le courant ne traverse pas tions autonomes du cœur, ce qui potentialise les
le corps). risques d’arythmie, voire d’arrêt cardiaque.

Les brûlures engendrées par un arc électrique Secondairement aux défaillances cardio-respira-
provoquent des lésions semblables aux brûlures toires, les victimes de choc électrique peuvent tomber
thermiques. dans le coma. De façon plus directe, le passage du
courant affecte le système nerveux en perturbant ses
Les brûlures électriques par contact direct se caracté- activités électriques, ce qui aggrave les déficiences
risent par un point d’entrée et un point de sortie, révé- de l’organisme. Dans le cerveau, l’apparition de
lant ainsi la trajectoire du courant. Le point d’entrée thromboses et d’anévrismes augmente les risques
est l’endroit où la peau (le plus souvent un membre de séquelles irréversibles telles qu’une paralysie des
supérieur ou le visage) a été directement touchée membres. En périphérie, ce sont les fonctions senso-
par la source de courant. Le point de sortie se situe ri-motrices qui sont affectées.
fréquemment au niveau des membres inférieurs. Ces
points de passage du courant présentent des lésions Enfin, sur son passage le courant électrique provoque
cutanées peu étendues, mais nécrosées. Les victimes des troubles abdominaux en nécrosant les viscères,
de brûlures électriques souffrent de lésions cutanées en déclenchant des hémorragies et en favorisant la
superficielles. Cependant, d’importants troubles formation d’œdèmes intra-péritonéaux.
sous-cutanés apparaissent.
E. Les traitements
En parcourant l’organisme, le courant détruit les tissus
à cause de la chaleur produite. Le plasma sanguin, En fonction de la gravité des brûlures, différentes
par sa composition, est un bon conducteur électrique. lignes thérapeutiques seront mises en place.
L’énergie libérée par la traversée du courant favorise
la formation de thromboses, principalement dans les Les brûlures bénignes aux 1er et 2e degrés ne néces-
veines. sitent pas de prise en charge hospitalière. La brûlure
est arrêtée en laissant couler (minimum 15 minutes)
Lorsque le courant rencontre des zones résistantes, de l’eau froide (entre 15 °C et 25 °C) sur la zone
il dégage de la chaleur. Tel est le cas, par exemple, concernée. En effet, même en éloignant la source,
des os, qui sont de mauvais conducteurs électriques. la chaleur continue de se propager et de brûler les
Lorsque ceux-ci s’échauffent, les tissus situés à proxi- tissus. On applique ensuite une crème spécialisée

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Les brûlures

dédiée aux brûlures superficielles et les zones lésées Elles sont donc nourries par une sonde gastrique afin
sont à recouvrir avec un bandage qui n’adhère pas la de restaurer les apports énergétiques et de faciliter la
peau. Un antalgique permet également de calmer les cicatrisation.
douleurs. La guérison peut prendre de quelques jours
à 2 semaines. Des antibiotiques peuvent être prescrits en cas d’in-
fection bactérienne avérée (le nettoyage des plaies au
Les personnes présentant des brûlures sur plus de début de la prise en charge prévient les infections).
10 % de leur surface corporelle sont nécessairement
hospitalisées. Si l’étendue des brûlures dépasse 30 %, Les interventions chirurgicales s’avèrent le plus
les victimes sont immédiatement prises en charge souvent indispensables pour les brûlures graves. Des
dans les services de soins pour grands brûlés. greffes cutanées sont menées si la partie inférieure du
corps fournit des prélèvements de qualité. En interne,
Quelle que soit la gravité de la brûlure, les victimes les tissus endommagés sont retirés, les organes
doivent être immunisées contre le tétanos. touchés et les vaisseaux sont réparés et les aponé-
vroses sont sectionnées pour supprimer le syndrome
Les infections sont la première cause de mortali- des loges (aponévrotomie de décharge). En fonction
té chez les grands brûlés. Les victimes doivent être des circonstances, il est possible de pratiquer une
placées à l’écart de toute source de contamination. chirurgie orthopédique.

Pour diagnostiquer la gravité des brûlures, on procède La guérison peut prendre quelques semaines à
à leur nettoyage avec des solutions antiseptiques (les plusieurs mois selon la gravité des brûlures et l’état
premières heures, on ne prescrit pas d’antibiotiques), du patient. Des séquelles physiques ou fonctionnelles
on rase les zones atteintes puis on réduit les phlyc- persistent parfois. Des séances de rééducation sont
tènes. Pour les brûlures circulaires, on opère des inci- susceptibles d’être prescrites si les fonctions motrices
sions dites « de décharge » au scalpel pour réduire sont atteintes. Enfin, un suivi psychologique est mis
l’effet garrot. en place en tenant compte des besoins des victimes.

Ensuite, on établit un bilan des paramètres biolo- Les brûlures sont des lésions tissulaires plus ou moins
giques (température corporelle, respiration, rythme importantes dont les causes sont, dans la majorité des
cardiaque, pression artérielle, diurèse, etc.). Les cas, d’origine thermique. Leur gravité est évaluée en
victimes en détresse respiratoire sont placées sous fonction de la surface des lésions et de leur profon-
respiration artificielle. deur. D’autres facteurs aggravants sont à prendre en
compte, comme les circonstances durant lesquelles
La correction des troubles hydro-électrolytiques est elles ont été infligées (explosion, incendie, accident
rapidement mise en place en perfusant les patients domestique, etc.), la localisation des brûlures (visage,
avec des solutions contenant des électrolytes et des périnée, articulations, etc.), l’âge de la victime (les
protéines. La composition des liquides de perfusion nourrissons et les personnes âgées sont les plus
varie en fonction des stratégies thérapeutiques adop- vulnérables) et ses antécédents (traitements, patho-
tées par le personnel soignant. Cependant, la moitié logie de fond, etc.). Les brûlures graves déclenchent
du volume à perfuser en 24 heures doit être admi- des cascades de réactions inflammatoires aux reten-
nistrée en 8 heures. La perfusion est à effectuer en tissements hydro-électrolytiques, métaboliques et
veillant à ne pas aggraver les œdèmes lésionnels tout cardio-vasculaires sévères. Une prise en charge
en rétablissant un volume sanguin physiologique et rapide des victimes est donc primordiale afin d’op-
en assurant l’hydratation de l’organisme. Les victimes timiser le pronostic et d’engager des conduites
sont également perfusées avec des antalgiques et, thérapeutiques efficaces qui réduiront les séquelles
en cas d’hémorragie, reçoivent des transfusions physiques. Au-delà des traumatismes physiques, il est
sanguines. important de ne pas omettre la dimension psycholo-
gique. Les victimes de brûlures graves garderont des
Les patients gravement brûlés peuvent souffrir de séquelles physiques lourdes à assumer socialement
dénutrition en raison de l’augmentation du méta- et auront besoin d’un soutien psychologique qui fait
bolisme basal. La dénutrition constitue la seconde partie intégrante du processus de guérison.
cause de mortalité chez les victimes de brûlures.

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