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Nizar GALLOUJ
Enseignent chercheur à l’ ENCG Oujda
Laboratoire MADEO, FSJES-Oujda
nizargallouj@hotmail.com
Nizar GALLOUJ 232
Résumé :
L’intégration de la dimension humaine dans les instruments de gestion,
notamment ceux du contrôle de gestion (Balanced Scorecard, Navigator, tableau
de bord socioéconomique) est récurrente et a fait l’objet d’une abondante
littérature. Elle est cependant insuffisante en audit interne ; Ce qui nous conduit à
proposer des instruments de nature à la mettre au centre d’intérêt de l’auditeur
interne, particulièrement au sein des collectivités territoriales.
Pour proposer 1 de tels instruments nous nous sommes basés sur des
entretiens semi-directifs avec des magistrats des cours régionales des comptes.
Mots clés :
Audit interne, instruments, dimension humaine, collectivités territoriales
1
La proposition dont il est ici question désigne le fait d’enrichir les instruments déjà utilisés en
contrôle de gestion et/ou de les adapter à l’audit et au contexte des collectivités territoriales.
Dossiers de Recherches en Economie et Gestion Dossier spécial N°3 :Octobre 2016
Quels instruments pour la mise en valeur de la dimension … 233
Introduction
Mettre sur un même pied d’égalité les dimensions économique et humaine
(sociale au sens large) est la pierre angulaire des travaux de recherche réalisés par
l’Institut Socioéconomique des Entreprises et des Organisations. L’idée véhiculée
par ce courant de recherche est que la performance économique (relative à la
productivité) et la performance sociale (relative à l’ergonomie) vont de pair (Savall
1979). L’objectif était de reconfigurer le système de management des
organisations, en forçant ces dernières à introduire, en leur sein, la dimension
humaine, largement sous estimée.
En effet, après la crise financière internationale de 2008, l’intégration de la
dimension humaine dans les systèmes de management des organisations a connu
un regain d’intérêt (Cappelletti 2010). Des tas de manuscrits ont été consacrés à
cette question, notamment en termes d’instruments. Si nous nous limitons à ceux
du contrôle de gestion, nous pouvons relever que plusieurs travaux ont plaidé en
faveur de cette intégration, particulièrement en matière de pilotage des
performances (tableaux de bord). En audit la situation est décevante au motif que
les instruments d’audit doivent être les mêmes quitte à ce qu’il s’agisse d’un audit
social ou intégré.
L’objectif de cette recherche est de proposer quelques instruments qui vont
mettre en valeur la dimension humaine dans l’audit interne en contexte des
collectivités territoriales. Notre choix tient surtout au fait que le débat sur cette
dimension gagne en importance au sein desdites collectivités territoriales.
La question de notre recherche est la suivante : quels instruments pour la
mise en valeur de la dimension humaine dans l’audit interne au sein des
collectivités territoriales?
Pour apporter des éléments de réponse à cette question nous organisons
notre travail en quatre points. Nous essayons dans un premier point de mettre en
évidence la relation entre les collectivités territoriales et la dimension humaine.
Nous cherchons dans le deuxième point de montrer que la dimension humaine est
au centre d’intérêt de l’auditeur. Nous consacrons le troisième point à
l’épistémologie et à la méthodologie de recherche. Un dernier point est relatif aux
instruments proposés sur la base des entretiens semi-directifs avec les magistrats
des cours régionales des comptes.
1. Les collectivités territoriales et la dimension humaine
L’aspect humain et la dimension sociale sont au cœur du management
moderne, non seulement parce que les décideurs et les managers obéissent aux
pressions des syndicats et des mouvements des droits de l’homme, mais aussi
parce qu’ils accompagnent l’approche béhavioriste ou l’approche
Nizar GALLOUJ 234
système de contrôle interne et que tout échec est lié à ce même facteur. En
somme, un contrôle interne de qualité ne garantit pas l’obtention d’une saine
information comptable dans la mesure où le jeu social est très influant (Colasse
2002 ; cité par Cappelletti 2006, p.31).
Du point de vue professionnel2, l’importance accordée à la dimension
humaine dans les missions d’audit réside dans des décisions issues de deux
organismes de normalisation: Loi de sécurité financière et COSO (Committee of
Sponsoring Organizations of the Treadway Commission).
L’école française à travers la loi de la sécurité financière n’explicite pas le
périmètre du contrôle interne : autrement dit, elle l’inscrit dans une logique très
élargie (Gumb et Noel 2006). Selon cette école les dispositifs de contrôle interne
ont, en plus du caractère économique, un caractère extra-économique qui
pourrait intégrer la dimension humaine.
La troisième génération des normes COSO (2013) développe une vision plus
élargie des objectifs du contrôle interne qui tient compte du contexte général
dans le sens où la présentation de l’information ne se limite pas aux informations
financières mais s’étend également aux informations non financières (KPMG
2013), notamment au reporting social afin de faire face aux nouvelles exigences
technologiques et réglementaires.
3. Épistémologie et méthodologie de la recherche
La posture épistémologique de cette recherche est constructiviste dans le
sens où elle repose sur les deux critères suivants: subjectivisme et endogénéité.
Dans la perspective constructiviste, la réalité n’est ni extérieure ni
objective. Elle est construite et inventée par l’observateur. Ce dernier est une
partie intégrante de ce qui est observé, et le monde social est fait
d’interprétations qui, à leur tour, se construisent grâce aux interactions entre
acteurs (Berger et Luckman 1996 ; cité par Perret et Séville 2007, p. 19). En effet,
notre posture constructiviste est justifiée par le subjectivisme dans lequel nous
avons pris part en réalisant des entretiens auprès des magistrats des cours
régionales des comptes pour proposer des instruments mettant en valeur la
dimension humaine.
L’endogénéité confère au chercheur un rôle d’acteur dans l’organisation, et
ainsi les résultats obtenus sont issus de la réalité vécue. Elle se réalise par des
2
Par professionnel nous désignons les préconisations issues des différents organismes
professionnels de normalisation en audit et contrôle interne.
Quant aux compétences que doivent avoir les acteurs, elles ont fait l’objet
de la deuxième question de cet axe. Pour le répondant A « les compétences sont
liées au domaine d’intervention (urbanisme, marché public, finance…) ». Le
répondant B : « les compétences sont attachées à une large connaissance du
domaine de travail et à la répétition des tâches ». Le répondant C « en fonction de
leur domaine d’intervention à travers la maîtrise du métier au niveau technique,
juridique et administratif ». Le répondant D « les compétences requises consistent
en une meilleure maîtrise des aspects juridiques, techniques et financiers du
domaine ou du service dont ils relèvent, elles correspondent à la capacité
d’innover et de déployer les instruments de gestion dans le diagnostic et la
résolution des problèmes et la capacité de travailler en équipe ». Enfin, le
répondant E : « la compétence dépend de la meilleure maîtrise de la
réglementation, meilleure coopération intra et inter-services, capacité de réaction
face aux différents problèmes, capacité d’adaptation aux changements
organisationnels, environnementaux et juridiques ».
A partir de ces résultats, il est clair que les acteurs doivent avoir une
compétence relative au domaine du travail et d’intervention, mais avec une
parfaite maîtrise du domaine juridique, réglementaire, financier et technique pour
plus de régularité et de rationalité ; et du domaine administratif et managérial
pour la consécration et la concrétisation des standards du nouveau management
public. Ils doivent avoir également la capacité d’adaptation aux changements
résultant de nouvelles dispositions juridiques, managériales et de travail en
équipe pour une meilleure communication-coordination-concertation.
Pour la répartition des compétences, l’ensemble des interviewés souhaitent
une répartition par service, étant donné que les communes, particulièrement
rurales, sont encore organisées par service.
Pour la grille que nous souhaitons proposer, les ingrédients articulent entre
compétences disponibles par acteur et compétences souhaitées pour l’exercice de
la tâche. L’évaluation par l’auditeur doit se faire par l’attribution des notes 0, 1 et
2. La forte maîtrise lui est attribuée la note 2, la moyenne maîtrise la note 1 et la
faible maîtrise la note 0.
La grille des compétences proposée pour la mission d’audit interne se
présente comme suit :
Domaine
financier
Domaine
administratif
Domaine
managérial
Adaptation aux
changements
organisationnel
Savoir-être s,
environnement
aux et
juridiques
Service 1
Travail en
groupe
Score final
Recommandations
manière brutale, inattendue et soudaine et dont les issues sont toujours un dégât
ou une perte. Le tableau d’identification des risques se présente come suit :
Risques Cause des Degré de Incidences Mesures
risques maitrise Immédiates Retardées à
prendre
Conditions de
travail
Organisation du
travail
Gestion du
temps
Communication-
Coordination-
Concertation
Formation
intégrée
Mise en œuvre
stratégique
Tableau 4: Tableau d'identification des risques purs dans une commune
(Confectionné par nous-même)
D’après ce tableau, il parait clair que l’auditeur doit s’assurer du degré de
maîtrise de ces risques purs, et de leurs incidences. L’interviewé B a dit que « ces
risques doivent faire l’objet d’intégration au niveau de la mission mais sans pour
autant dépasser les délais fixés au départ ».
Nous pouvons dire en définitive que l’auditeur doit porter une attention
particulière aux incidences des risques qui sont au nombre de deux : immédiates
et retardées. Dans le cas des incidences immédiates, l’auditeur devra approfondir
ses vérifications d’une manière urgente et immédiate. Dans le cas des incidences
retardées, l’auditeur peut retarder la mission et reprogrammer une nouvelle sur la
base des risques nouvellement identifiés.
4.2. Diagramme de communication pour l’instrumentalisation du SIOFHIS
Le rapport d’audit interne n’est pas une fin en soi ; autrement dit, le travail
de l’auditeur ne doit pas s’arrêter à l’étape de recommandations, mais s’étendre à
celle de leur suivi. Dans ce sens, les moyens de suivi doivent être formalisés en
vue d’une meilleure performance et respect des règles et des procédures (Huteau
2010, p.22-23).
Nizar GALLOUJ 244
A l’encontre du suivi standard, le suivi que nous développons ici porte sur
l’intégration de la dimension humaine dans le processus de mise en œuvre des
recommandations de l’auditeur.
Il s’agit d’un suivi basé sur la compréhension et la mémorisation des
recommandations par les acteurs audités, il se pratique à travers la mobilisation
de l’effet SIOFHIS mis en évidence par l’ISEOR. Introduisant des dimensions
psychosociologiques au cœur du système d’information, le SIOFHIS se conçoit et
fonctionne de sorte que les informations soient comprises, mémorisées par les
acteurs, puis transformées en décisions et en actions de mise en œuvre (Savall et
Zardet 1995, p.161).
Toutefois, l’effet SIOFHIS n’a pas été instrumentalisé par ses fondateurs.
Pour suppléer cette limite et favoriser la rapidité de la réaction quant à la mise en
œuvre des recommandations de l’auditeur nous avons recouru au scrum, en
provenance des méthodes agiles. Le principe de base du scurm étant d’être
toujours prêt à réorienter le projet au fil de son avancement (Khalil 2011, p.37) et
ce, à travers un raisonnement itératif et incrémental.
Le scrum adapté pour le suivi des recommandations par l’auditeur interne
se présente comme suit :
Conclusion:
Après avoir lié les collectivités territoriales à la dimension humaine, nous
avons montré que cette dernière est au centre d’intérêt de l’auditeur pour des
raisons développées et défendues par les mondes académique et professionnel.
Ce travail a abouti à la proposition de trois instruments maniables tenant compte
de la dimension humaine. Il s’agit de la grille de compétences largement discutée
par Cappelletti (2010) en tant qu’instrument d’évaluation du capital humain, du
tableau d’anomalies et de risques, en partant de l’idée que c’est l’être humain qui
en est à l’origine et le diagramme de communication pour l’instrumentalisation du
SIOFHIS. Ce dernier est issu des méthodes agiles compatibles avec la modélisation
orientée-objets dont les vertus sont indéniables notamment sa simplicité et son
incorporation du facteur humain dans le processus modélisé.
L’idée que nous avons développée dans ce travail transcende les visions
singulières accordant de l’importance uniquement à la dimension économique et
dissociant l’économique et l’humain. Elle a montré que même dans des missions
dédiées aux aspects économiques la dimension sociale n’est pas à négliger, de
telle sorte que ces deux dimensions iront de pair.
Les pistes de réflexion qui mériteraient d’être développées dans cette
recherche se rapporteront à l’envisagement d’autres instruments pour la
valorisation du capital humain en audit et la contextualisation des instruments
proposés en fonction des critères de contingence pour tenir compte des
spécificités du contexte de chaque collectivité territoriale.
Bibliographie :
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-Bonnet M., Beck E. et Véronique Z. (2007), Audit social, audit
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-Cappelletti L. (2006), Vers une institutionnalisation de la fonction contrôle
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-Cappelletti L. (2010), Vers un modèle socio-économique de mesure du
capital humain ?, Revue Française de Gestion, n°207, p.139-152.
-Cappelletti L. (2010), Vers un modèle socio-économique de mesure du
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-Cheffi W. et Borchani M. (2005), L’intégration du capital humain dans un
outil de pilotage de la performance : le cas du tableau de bord stratégique,
communication à la 16éme Conférence de l’AGRH- Paris Dauphine-15 et 16
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-COSO. (2013), Une opportunité pour optimiser votre contrôle interne dans
un environnement en mutation, Pocket guide de Pwc, IFACI.
Dahir n° 1-02-297 du 25 rajeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation
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-Fabi B., Lacoursière R., Raymond L. et St-Pierre J. (2010), Capacités de
GRH et productivité des PME industrielles : une perspective contingente,
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-Gallouj N. (2010), Renforcement du système de contrôle dans les
collectivités locales à travers un système de tableau de bord : Esquisse de
conception à partir de l’approche socioéconomique, mémoire pour l’obtention du
master, FSJES- Oujda- Maroc
-Gallouj N. (2015), Conception d’un système d’audit interne au sein des
collectivités territoriales : aspects méthodologiques et instrumentaux, thèse de
doctorat soutenue à la FSJES d’Oujda.
-Gumb B. et Noël C. (2006), Le contrôle interne au travers des
représentations que s’en font les dirigeants de groupes du CAC 40 : une étude
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