Chapitre 3 : Productions du froid et de la chaleur
3.1 Production du froid
3.1.1 Historique des techniques du froid La production artificielle de froid à partir des machines débute au 19ème siècle et est généralement basée sur des phénomènes physiques comme les détentes et compressions.
Réfrigération par absorption. Réfrigération par machines à compression
La naissance de la technologie de la production du froid utilisant d’outils intellectuels et de théories pour la
conception et la réalisation de machines débute au 20ème siècle. En 1915, aux États-Unis, la production artificielle de glace dépasse la production naturelle de glace (25Mt/an). Avant, l’utilisation de l’ammoniac est dominante dans les machines à compression jusqu’en 1930. Après, des fluides frigorigènes dérivés du méthane et de l’éthane apparaissent dans tous les secteurs de réfrigération mais l’ammoniac reste le fluide adapté aux machines industrielles puissantes. En 1990, la technologie du froid est nettement améliorée (compresseurs hermétiques avec échangeurs à tubes, ailettes et plaques performants). La mise en évidence d’un trou d’ozone au-dessus de l’Antarctique, suite au protocole de Kyoto, aboutit à la mise en place des produits frigorigènes contraignants.
3.1.2 Principes de production du froid
Produire du froid consiste à absorber de la chaleur à une température inférieure à la température ambiante. Ainsi, le refroidissement d’un corps en dessous de la température ambiante nécessite l’utilisation d’un mécanisme endothermique. La chaleur ainsi extraite du corps est ensuite rejetée dans le milieu ambiant (air ou eau). Dans la production du froid, diverses transformations endothermiques peuvent être mises en jeu : - les procédés thermodynamiques : dissolution de corps solides dans un liquide (eau) ou dans un solide (glace), détente isenthalpe ou isentrope d’un gaz, évaporation d’une phase liquide dans un cycle à absorption ou à compression, fusion ou sublimation d’une phase solide, - les procédés électriques ou magnétiques : refroidissement thermoélectrique par effet Peltier, désaimantation adiabatique.
3.1.3 Modes de production du froid
a. Réfrigération en circuit ouvert Le produit à refroidir est mis en contact thermique direct ou indirect avec le fluide frigorigène (non toxique, peu coûteux, coûts de fonctionnement élevés)) qui subit la transformation endothermique et qui est ensuite évacué vers l’air libre sans être recyclé (azote liquide, air détendu dans un tube de Ranque, glace (eau)).
b. Réfrigération en circuit fermé
Le produit à refroidir ne peut pas être mis en contact direct avec le fluide frigorigène qui circule dans un circuit fermé ou la machine frigorifique (machines à compression où le fluide frigorigène est successivement comprimé, condensé, détendu et vaporisé. Le produit peut être refroidi, soit au contact avec les parois de l’évaporateur, soit par l’intermédiaire d’un fluide secondaire (fluide frigoporteur ou frigorifère=air ou saumure ou eau+glycol ou alcool ou huile) l’air comme c’est le cas dans les vitrines frigorifiques (qui assurent le maintien en température des produits alimentaires exposés) ; il peut être sous phase liquide, comme c’est le cas dans de nombreux procédés industriels dans lesquels l’équipement à refroidir ne peut accepter directement le fluide frigorigène ; pour des températures inférieures à 0°C, le fluide intermédiaire peut être une solution aqueuse de sels ou un mélange d’eau et de glycol voire d’alcool ou une huile. L’avantage des procédés (les plus répandus) en circuit fermé est l’absence de pertes de fluide mail ces procédés coûtent chers et offrent une moindre souplesse de fonctionnement. 3.1.4 Procédés thermodynamiques de production de froid a. Dissolution d’un sel dans de l’eau ou la glace Certains sels en solution dans un liquide (eau avec une concentration bien définie) créent une réaction chimique endothermique (chlorure de calcium ou nitrate d’ammonium ou sulfate de soude en solution, réduisent respectivement de 34°C, de 25°C, de 28°C la température d’un milieu isolé. Des températures plus basses peuvent être atteintes lorsque l’on mélange des sels avec une phase solide comme la glace. Ce principe de production de froid est peu utilisé du fait de son irréversibilité. Mais certains dispositifs de sécurité et de refroidissement d’ambiance sont basés sur ce principe.
b. Détente d’un gaz comprimé
Dans ce procédé, on utilise l’abaissement de la température d’un gaz que l’on détend. Il existe différents types de détente : - la détente avec production de W ext dans les machines frigorifiques à compression de gaz (liquéfaction de l’air pour la production frigorifique à basse température selon le cycle de Joule/Brayton ou de Stirling), - la détente Joule-Thomson par laminage (réalisée dans un robinet détendeur ou un orifice ou un capillaire) qui est une transformation isenthalpe aux températures ordinaires créant une chute de température, - la détente dans un champ centrifuge dans le dispositif dit tube de Ranque (tuyère + tube principal). Le coefficient de performance de ces équipements est très médiocre.
c. Évaporation, fusion, sublimation
Le changement d’état d’un corps peut être fortement endothermique (évaporation, fusion, sublimation). Ces transformations qui mettent en œuvre des transferts de chaleur latente de vaporisation, de fusion et de sublimation sont à la base des procédés de production de froid les plus courants. Ce principe est largement utilisé en réfrigération avec circuit ouvert ou fermé : - circuit fermé basé sur l’évaporation d’un liquide (cycle à compression ou à absorption ou à adsorption) - circuit ouvert pouvant utiliser l’évaporation de l’azote liquide (-196°C), la sublimation de la glace carbonique (78,6°C), la fusion de la glace (0°C), l’évaporation de l’eau sous vide (0°C).
3.1.5 Procédés électriques et magnétiques de production du froid
On peut citer : - refroidissement thermoélectrique par effet Peltier, - désaimantation magnétique adiabatique.
3.1.6 Cycles frigorifiques à fluides liquéfiables
Un cycle est une suite de changements d’état au cours desquels les apports et les retraits de chaleur sont tels que l’état final du corps actif (fluide frigorigène) se retrouve identique à celui de son état initial.
a. Cycle idéal de Carnot
Dans ce cycle appliqué à un fluide liquéfiable, on distingue : - une transformation isotherme pendant l’évaporation du fluide pur (isotherme confondue à isobare) - une transformation isotherme pendant la compression isotherme puis la condensation du fluide (isotherme confondue à isobare) - une transformation isentropique de détente, - une transformation isentropique de compression. La production de froid (chaleur absorbée par le fluide frigorigène à partir de la source froide de température Tf) est réalisée dans la transformation isotherme correspondant à l’évaporation du fluide pur. Elle se caractérise par une puissance frigorifique Pf (W ou kcal/h ou ton). La production de chaleur (chaleur cédée par le fluide frigorigène vers la source chaude de température T c) est réalisée par la transformation isotherme correspondant à la condensation du fluide. Elle se caractéristique par une puissance calorifique Pc. Les transformations de compression et de détente se traduisent par un apport net de travail extérieur. Elles se caractérisent par une puissance nette apportée Pa au cycle. Le cycle est caractérisé par son efficacité défini par le coefficient de performance (COP) tel que : - pour une machine frigorifique dont la fonction est la production de froid, ce coefficient COPf = Pf/Pa, - dans le cas du cycle de Carnot, la variation d’entropie au cours du cycle est nul, soit Pf/Tf + Pc/Tc= 0 Avec Pa = Pc – Pf ((1er principe), ce qui donne : COP= Tf / (Tc- Tf).
b. Cycles frigorifiques à fluides liquéfiables : cycles à compression, à absorption et à adsorption
Les cycles frigorifiques à fluides liquéfiables sont basés sur l’utilisation de l’évaporation comme principe de production de froid. Quelque soit le cycle frigorifique à fluides liquéfiables, le fluide frigorigène décrit dans la machine un cycle thermodynamique caractérisé par une succession de transformations : - une phase d’évaporation à la température froide désirée et à une basse pression (BP) imposée par cette température et la courbe d’équilibre du fluide, - une phase de condensation ou de liquéfaction à une température plus élevée et imposée par la source chaude. Cette transformation est réalisée à une haute pression (HP) imposée par la température de liquéfaction et la courbe d’équilibre du fluide frigorigène (pression de condensation > pression d’évaporation car l’évaporation est réalisée à basse température), - une phase de détente du liquide frigorigène de pression HP à la basse pression BP. Cette détente est isenthalpe c’est à dire sans production de chaleur ni de travail, - la dernière phase est la phase de transfert de la phase vapeur du fluide frigorigène de la basse pression à la haute pression. Ce transfert peut être réalisé par l’intermédiaire : - d’un compresseur mécanique ou thermique : la vapeur subit une compression (isentropique dans le cycle idéal), le cycle de production de froid est alors dénommé cycle à compression, - d’un absorbeur, d’un bouilleur et d’une pompe de transfert : la vapeur est successivement absorbée (à l’étage BP) dans un liquide absorbant, transférée de la basse pression à la haute pression grâce à une pompe, désorbée dans un bouilleur (à l’étage HP), ce cycle est dit à absorption, - d’un adsorbeur qui subit une succession de phases de chauffage et de refroidissement : dans les phases de chauffage, la vapeur est désorbée sous haute pression, dans les phases de refroidissement, la vapeur est adsorbée sous basse pression, ce cycle de production de froid est dénommé cycle à adsorption.
3.1.7 Fluides frigorigènes
Le fluide frigorigène est un élément vital de toute machine frigorifique (à compression ou à absorption). Il absorbe la chaleur de la source froide (et produit du froid généralement par l’intermédiaire d’un évaporateur) et cède la chaleur à la source chaude (par l’intermédiaire du condenseur). Les performances et le dimensionnement d’une machine frigorifique dépendent en grande partie du choix du fluide frigorigène. Les fluides frigorigènes sont généralement des dérivés d’hydrocarbures saturés (à l’exception de l’ammoniac, du dioxyde carbone et de l’eau).
3.1.8 Critères thermodynamiques
Le coefficient de performance (COP) dépend fortement du choix du fluide et d’autres paramètres thermodynamiques comme la pression (HP) au condenseur (jusqu’à 25 bars), la pression(BP) à l’évaporateur (< à la pression atmosphérique pour limiter les risques d’entrée d’air dans le circuit frigorifique), la température de refoulement au compresseur (< 120°C), le taux de compression (HP/BP entre 2 et 5). Pour comparer les fluides frigorigènes, on utilise l’effet frigorifique (exprimé en kJ/kg) ou la chaleur absorbée dans l’évaporateur pour chaque unité de masse de fluide frigorigène circulant dans le compresseur et la production frigorifique volumétrique Pv (en kJ/m3) ou le rapport de l’effet frigorifique sur le volume spécifique de la vapeur à l’aspiration du compresseur (une valeur élevée de ce paramètre est à privilégier pour la réduction de la taille du compresseur).
3.1.9 Critères thermocinétiques
Une valeur élevée des conductivités des phases liquide et vapeur ainsi qu’une valeur réduite des viscosités des phases sont préférées.
3.1.10 Critères liés à la protection de l’environnement et à la sécurité
Les effets des fluides frigorigènes sur l’environnement sont ceux sur la couche d’ozone et effets de serre. Il faut aussi voir leur toxicité, leur inflammabilité et leurs compatibilités avec les matériaux constituant une machine frigorifique. 3.2.3 Remarques : Principe de fonctionnement et efficacité thermodynamique Les machines dithermes permettent de transférer la chaleur d’un milieu à basse température vers un milieu à température plus élevée. Selon que l’effet recherché est le refroidissement du milieu froid (conservation ou congélation des aliments, climatisation de l’habitat, patinoire, etc.) ou le réchauffement du milieu chaud (production d’eau chaude sanitaire, chauffage de locaux, de piscines, ces machines sont respectivement appelées machines frigorifiques ou pompes à chaleur. Elles reçoivent effectivement un travail (W > 0), fournissent effectivement un transfert thermique à une source chaude (Qc < 0), reçoivent effectivement un transfert thermique d’une source froide (Qf > 0). Le fluide frigorigène, circulant dans la machine, peut être un gaz (de l’air par exemple), mais dans la plupart des cas, on cherche à mettre en jeu l’effet thermique important lié à la transition de phase liquide – vapeur. Le cycle de base est alors constitué des étapes (voir figure). La vapeur du fluide frigorigène est comprimée dans un compresseur dont elle sort à une température supérieure à celle du milieu chaud de température Tc. Cette vapeur passe alors dans un échangeur thermique, le condenseur, où elle se condense en cédant par transfert thermique Qc à ce milieu chaud (eau ou air, en général). Le liquide, qui se trouve toujours à une pression élevée, subit ensuite une détente dans un détendeur où il se refroidit à une température plus basse que celle du milieu froid de température Tf. Ce fluide traverse un deuxième échangeur, l’évaporateur, où il se vaporise en recevant par transfert thermique l’énergie Qf de ce milieu froid (eau, air, ou saumure). La vapeur froide est enfin renvoyée dans le compresseur et le cycle est alors fermé. Figure : Récepteur ditherme, a) Représentation symbolique d’un récepteur ditherme et des échanges thermiques avec les sources chaude et froide, b) Schéma du principe de fonctionnement d’une machine frigorifique et d’une pompe à chaleur.